L’ACRO en Biélorussie : nos premières missions

ACROnique du nucléaire n°65, juin 2004


Dans le cadre d’une action humanitaire, axée sur la santé, menée dans le sud-est de la Biélorussie par L’Agence pour le Développement et la Coopération Suisse, s’est clairement identifié la nécessité de mettre en place une surveillance de la radioactivité avec des moyens locaux de mesure. Ce besoin, exprimé à l‘origine par quelques habitants de la région, s’est accompagné d’une volonté de se regrouper afin d’unir collectivement leurs efforts en fondant une association. Un tel regroupement de citoyens sous un statut légal constitue une nouveauté dans un pays où toute initiative personnelle a longtemps été considérée d’un mauvais œil. Après avoir franchi les barrières administratives, Rastok Gesne, en français « pousses de vie », est née en octobre 2003. L’association regroupe maintenant une vingtaine de bénévoles : mères de famille, personnel de santé, enseignants…

 « Travailler avec les gens et non pour eux… »

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La participation de l’ACRO à ce projet, dans l’une des régions les plus contaminées de Biélorussie, vise à accompagner cette toute nouvelle association sur le volet méthodologique et organisationnel. Le projet a pour but de mettre en place une surveillance de la contamination et de développer la promotion d’une culture radiologique pratique, essentiellement tournée vers les jeunes enfants, les mères de famille et les femmes enceintes. Il s’agit concrètement de mettre du matériel de mesure (dosimètres et radiamètres) à la disposition de la population et de pratiquer une mesure régulière (2 fois par an) de la contamination interne  des enfants scolarisés dans les écoles du district. Les problèmes logistiques sont assurés par l’institut indépendant de mesure BELRAD dirigé par le professeur Nesterenko : mise en service des postes de mesure et formation des dosimétristes. L’institut assure également les opérations de mesure anthropogammamétriques (dosage du césium 137 dans le corps entier à l’aide de simple siège muni de détecteurs) avec des laboratoires ambulants. La particularité de ce projet est de confier la coordination aux habitants eux mêmes, via l’association « pousses de vie ». Il ne s’agit donc pas de mesurer « pour » eux mais « avec » eux pour qu’ils puissent poursuivre ce projet en toute autonomie.

Le projet

Cette initiative se développe dans le cadre du programme international, CORE (COopération pour la Rehabilitation des conditions de vie dans les territoires contaminés de Biélorussie) qui regroupe des projets menés sur 4 des districts les plus contaminés de Biélorussie et basés sur 4 thèmes :
– la santé,
– la mesure,
– l’éducation et la transmission intergénérationnelle et internationale de la mémoire,
– l’agriculture.
Il ne s’agit en aucun cas de promouvoir la vie dans les territoires contaminés mais de contribuer a améliorer les conditions de vie au travers de projets impliquant la population elle même.
Ainsi, pour être retenus et promus, les projets doivent prendre en compte les dimensions locale, nationale et internationale. Concrètement, la demande doit être locale, l’habilitation nationale et les partenariats internationaux.
Une déclaration de principe a été signé par 23 institutions internationales gouvernementales et non gouvernementales comme les Nations Unies (PNUD), l’UNESCO, la Commission Européenne, les états français, italiens, allemands, suisse, de Grande Bretagne, suédois, de république tchèque, de Lituanie (liste non exhaustive). En France une douzaine d’institutions gouvernementales et non gouvernementales sont partenaires de l’un des projets : l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), le ministère de l’agriculture, le centre d’études pour l’évaluation de la protection dans le domaine de protection nucléaire (CEPN), Mutadis, cabinet de conseil dans la gestion du risque, Médecins du Monde, l’ACRO, la Formation pour l’Epanouissement et le Renouveau de la Terre (FERT), Patrimoine Sans Frontières (PSF), Graine Environnement, le Lycée du Bois d’Amour de Poitiers etc. Faute de financement suffisant mais aussi de demande locale identifiée, les quatre volets ne sont pas actuellement tous mis en place dans les quatre districts, leur complémentarité est pourtant évidente et essentielle. La plupart des projets, prévus pour cinq ans, ne sont pour l’instant financés que pour trois ans. Dans le cas de notre projet « mesure », mis en place dans le district le plus isolé et le plus contaminé de Biélorussie, le financeur est le Ministère des affaires étrangères Suisse. Les dépenses concernent essentiellement les achats de matériels (dosimètres, postes de mesure pour doser le césium dans les aliments, achats d’ordinateurs, salaires des dosimétristes, campagnes de mesure de la contamination des enfants…). A l’exception de nos frais de mission, notre participation est bénévole. Notre intervention génère même un coût pour l’ACRO : mise à disposition d’une salariée, analyses diverses sur des échantillons prélevés sur place.

 Si près de la zone d’exclusion

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Le district de Bragin située au sud-est de la Biélorussie constitue le territoire le plus contaminé du pays. Il est délimité à l’est et au sud par la frontière avec l’Ukraine et à l’ouest avec la zone d’exclusion des trente kilomètres autour de la centrale de Tchernobyl. Les principales communes de la région sont : Bragin (2400 habitants dont 700 enfants scolarisés), Komaryn (2500 habitants, dont 850 scolaires), Krasnoyé (450 habitants dont 160 scolaires), Dublin (390 habitants dont 80 scolaires), Krakovichi (530 habitants et 180 scolaires), Mikulichi (220 habitants et 80 scolaires). La ville de Bragin, que la situation géographique plaçait sous les vents dominants le jour de la catastrophe est la plus contaminée du district. On y relève par endroits un débit de dose ambiant de cinq à sept fois le bruit de fond ordinaire.
Près de la moitié du district initial de Bragin se retrouve classée dans la zone d’exclusion. Une fusion regroupe, depuis l’exode, Bragin et Komarin qui étaient auparavant deux entités séparées

Cette promiscuité avec le « No man’s Land », la zone d’exclusion, est ce qui nous a le plus marqué lors de notre  première mission en février 2004. Comment vivre si près d’une zone invivable ? Munis d’un laissez-passer en bonne et due forme, nous avons eu l’occasion de visiter la zone interdite. Avec la neige, épaisse à cette époque hivernale, l’impression d’abandon, de désolation était encore plus forte : villages fantômes, objets abandonnés çà et là comme si l’on  était partis en pensant revenir… Les ressorts d’un sommier dépassaient de la neige, à proximité des traces de loups. La neige ne nous a pas permis de réaliser des mesures de débit de dose ambiant acceptables. Nous avons quand même réussi à prélever avec les moyens du bord un peu de terre gelée pour l’analyser en laboratoire. De toutes façons, nous sentions bien que l’essentiel à ce moment là n’était pas de mesurer ni même de prélever. Devant nos yeux s’élevait la vision terrible d’un gâchis écologique, résultat de la folie de l’homme et de sa croyance aveugle envers la technologie. Le retour à Bragin fut difficile. Là, des enfants jouaient dans la rue, à proximité de l’aire de jeux. Nous n’avions pourtant parcouru que cinq kilomètres !

 « Si nous voulons décider de vivre ici, c’est à nous de définir les critères pour le faire »

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Notre rencontre avec Tatiana, la présidente de l’association « pousses de vie », nous a révélé le sens de notre action dans ce projet. Même si la notion de « choix » est discutable, la réalité reste que des gens habitent et vivent dans ces territoires contaminés. Certains sont restés, d’autres n’ont pas pu partir, d’autres encore sont revenus. Ceux que nous avons rencontrés se préoccupent de leur sort et de l’état de santé de leurs enfants. Nous avons appris que des personnes issues des flux d’immigration fuyant la guerre, la famine (réfugiés Tchétchènes, Kazaques…, gitans) viennent de plus en plus nombreux s’installer jusque dans la zone d’exclusion, squattant des maisons laissées à l’abandon. Comment dans ce cas, faire prendre conscience des dangers à moyen terme à des populations préoccupées par leur survie au jour le jour et qui ignorent cependant pour la plupart la nature et les effets du danger qui les entoure ? Nous avons pu mesurer l’illusion qui consiste à penser qu’on peut faire se déplacer des populations entières. Qu’ils soient restés ou revenus, que leur décision relève ou non d’un choix et que celui-ci soit éclairé ou non, des gens habitent ces territoires et doivent gérer leur vie dans un environnement hostile où le danger est imperceptible par les sens. Une telle situation semble certes inacceptable ; certains l’ont choisie, la plupart veulent apprendre à la gérer. L’ACRO n’a pas les moyens de provoquer une évacuation autoritaire ni de proposer des zones de vie alternatives. Avec nos faibles moyens nous tentons d’aider la population à prendre son destin en main.

Tatiana est infirmière chef au dispensaire de son village de Krasnoyé. Pour elle, la naissance de l’association résulte de l’émergence d’une volonté d’individus qui, comme elle, veulent prendre en charge leurs destins et comprendre la situation afin d’en limiter les conséquences. « Nous ne pensons pas assez à la Terre que nous allons laisser à nos enfants ! Si nous avons décidé de vivre ici, il nous faut établir nous-mêmes les critères pour le faire et créer les conditions de notre survie ». Nous avons longuement discuté ce soir là, jusque tard dans la nuit. Le rapprochement était facile à faire entre ce que nous percevions ici et ce qui avait provoqué la naissance de l’ACRO en France. Produit de la désinformation et d’une prise de conscience citoyenne des dangers que font peser l’industrie nucléaire, l’ACRO est en effet née de la catastrophe de Tchernobyl et voilà que dix-huit ans après, nous retournons, avec notre expérience, accompagner la création d’une structure similaire, fondée sur les mêmes racines et orientée vers les mêmes buts : le droit pour les gens d’accéder à la connaissance afin de pouvoir éclairer ses propres choix et décider de ses actions.

Lors de notre premier séjour, nous avons vu beaucoup de visages inquiets, des interrogations « à quoi bon savoir, s’il n’y a pas de solution, si on ne peut rien faire ». Néanmoins, l’accueil chaleureux qui nous était partout réservé tranchait avec les températures hivernales (jusqu’à – 25°C) et le « confort » pour le moins précaire du petit hôtel de Bragin dans lequel le chauffage était quasi-inexistant et l’eau définitivement glaciale.

Premières actions concrètes

Dès notre premier voyage en février, nous avions apporté six radiamétres, achetés en Biélorussie, pour la mesure du rayonnement ambiant. Nous les avons confiés à la présidente de « Pousses de vie » afin qu’elle les distribue et qu’ils soient mis à la disposition des gens dans les villages.
Lors de notre deuxième mission en avril, deux postes de mesures ont été installés par les personnels de l’institut BELRAD à l’hôpital de Bragin et au dispensaire de Krasnoyé. Piotr, le nouveau dosimétriste venait de recevoir une formation à l’institut du Professeur Nesterenko . C’est lui qui, à Krasnoyé, se chargera des mesures sur les produits apportés par les villageois. Dés le premier jour, du lait de vache, du lait de chèvre, des carottes, des pommes de terre et des champignons, de la cendre, ont été apportés dans le nouveau laboratoire du dispensaire pour être mesurés. L’opération dure environ dix minutes par échantillon et chacun repart avec les résultats des mesures et une appréciation de la qualité sanitaire des produits. La mesure est effectuée sur les produits locaux de consommation. Elle permet un classement des produits sensibles : lait, viande, produits du potager, gibier, champignons, baies…, qui doivent être suivis régulièrement. Ainsi, par exemple la qualité du lait, produit de consommation courante, va dépendre de la saison et de la qualité des près où ira paître la vache. Il arrive ainsi que, par manque de réserve suffisante de fourrage propre pour l’hiver, du foin très contaminé soit coupé dans la zone d’exclusion. Il faut alors conseiller de donner le foin propre à la vache laitière plutôt qu’au cheval de trait. L’idée du projet est de faire progresser la connaissance de l’état radiologique de l’environnement et des produits alimentaires aux niveaux individuel et collectif. En effet, Les analyses radiotoxycologiques réalisées par l’ACRO (cf ACROnique n°64) auprès des enfants biélorusses en séjour à Caen et originaires d’un même village ont mis en évidence une grande disparité prouvant l’importance de limiter à la source l’ingestion de radioéléments artificiels. Pour ce faire, il est important de mesurer la contamination qu’il y a dans son lait, ses légumes pour ensuite se situer par rapport à son village puis sa région. L’objectif premier de l’association est de susciter, chez les habitants, l’envie et le besoin de faire mesurer les produits avant de les consommer. Tous semblent convaincus que le succès de cette opération de promotion d’une culture radiologique pratique ne pourra être obtenu qu’à partir d’une connaissance précise des niveaux de contamination et d’une mise en lien étroit avec les professionnels de la santé et de l’éducation.

Pour qu’une association touche une population la plus large possible, il lui faut tisser des liens. « Pousses de vie » y contribue en créant et animant des rencontres d’information mais aussi de formation à « la vie saine ». Ces interventions sont proposées aux mères et aux femmes enceintes du district. En février un séminaire de lancement de l’opération qui réunissait les porteurs de projet, les autorités politiques et administratives et les financeurs s’est tenu à l’hôpital de Bragin. Les discussions ont fait apparaître que pour tisser une toile plus grande et plus solide, il serait intéressant de travailler avec les écoles et les services sociaux afin d’initier des projets où les enfants pourraient prendre en charge eux-mêmes les actions : mesures des aliments, réalisation de cartographies présentant les niveaux de rayonnement ambiant à l’échelle de leur école, de leur hameau, du village. L’objectif viserait à favoriser la formation directe des enfants qui représentent la population la plus exposée d’un point de vue sanitaire. Par ailleurs, on peut penser que de telles actions contribueraient à la sensibilisation et à l’apprentissage des adultes qu’ils côtoient au quotidien. Les premières discussions que nous avons eues avec les équipes d’enseignants de deux écoles que nous avons visitées ont révélé une réelle volonté de mener de telles actions avec les élèves et un besoin de formation transversale pour les mener en équipe pluridisciplinaire. Nous avons également évoqué des possibilités de jumelages avec des écoles françaises où les thèmes du risque ou l’initiation au contrôle de la radioactivité ont été abordés de cette manière. Les premiers contacts pris avec les écoles correspondantes en Basse-Normandie ont abouti à des déclarations d’intention favorables à la mise en place de tels jumelages. Les échanges entre les enfants français et les biélorusses serait alors doublement enrichissants. Nous avons proposé de part et d’autre de poursuivre cet axe de projet afin de tester concrètement l’idée avec les écoles de Basse-Normandie qui se sont déclarées intéressées par ces actions.

Pendant notre dernière mission, l’institut BELRAD de Minsk démarrait la campagne de mesures anthropogammamétriques sur l’ensemble des enfants des écoles du district. Grâce à ses laboratoires mobiles, l’institut parvient à mesurer l’état de contamination interne d’une soixantaine d’élèves par matinée. Un siège, embarqué dans un véhicule automobile, mis au point par le professeur Nesterenko, permet de mesurer la quantité de césium 137 dans le corps entier. Des réunions, organisées le soir même, ont permis de discuter des résultats avec les familles dont les enfants présentent les seuils les plus élevés. La contamination de l’organisme provient essentiellement de l’ingestion quotidienne d’aliments moyennement contaminés (par exemple du lait à 50 Bq/L en césium 137), ou de la consommation occasionnelle de produits de la forêt, très fortement contaminés. Ces derniers, champignons à plus de 10 000 becquerels par kg sec, baies sauvages…, sont encore récoltés par tradition dans la région. On voit ici l’importance, pour comprendre la situation et pour répondre aux interrogations des familles, de pratiquer aux mesures des produits quotidiennement consommés par le foyer. Pour le professeur Nesterenko, et d’après les travaux du professeur Bandajevski, une concentration supérieure à 20 Becquerel par kilogramme de son poids doit déjà être considérée comme une situation préoccupante chez un enfant.

Il est difficile d’imaginer que, 18 ans après la catastrophe, il soit toujours nécessaire de faire attention aux produits que l’on mange, aux lieux où l’on se promène. Un examen des mesures pratiquées sur les enfants pendant la campagne d’automne a clairement montré que les trois enfants qui présentaient les taux de contamination les plus élevés, plus de 200 Bq/kg, appartenaient à une famille socialement défavorisée.

Nous avons emporté, au retour de février, des échantillons de lait et de pommes de terre afin de faire réaliser des dosages de strontium. En effet, ce contaminant, rejeté avec le césium au moment de l’accident, est plus difficile à mesurer car non détectable avec des compteurs classiques. Le strontium 90 (90Sr) est un émetteur bêta pur, il ne peut être mesuré avec des détecteurs classiques et doit être isolé chimiquement afin d’être dosé avec un compteur spécifique.  Faute de moyens, notre laboratoire  ne pratique pas cette mesure. Pourtant du fait de la similitude de ses propriétés chimiques avec le calcium, le strontium peut contribuer fortement à l’impact sanitaire lié à la contamination de l’organisme.

 Des boutures ?

Nous sommes fiers d’accompagner l’association « pousses de vie » et d’en favoriser le développement et peut être ses boutures et ramifications. Des souhaits ont été formulés dans d’autres districts de la Biélorussie pour fonder des associations de ce type afin de pérenniser des dispositifs qui, après avoir fonctionné quelques années et faute d’appui de la part d’un collectif, se sont épuisés ou n’ont pu faire face aux problèmes de maintenance du matériel ou du remplacement des dosimétristes. Le contexte politique Biélorusse ne facilite pas ces créations mais nous espérons que de nouvelles initiatives vont voir le jour. La première association a rédigé des statuts qui devraient permettre la création d’antennes au cas où les nouvelles initiatives seraient empêchées. Notre implication dans ce projet est avant tout humanitaire, dans un domaine qui nous est propre. La notion d’échange est cependant celle qui gouverne avant tout cette action car avons beaucoup de chose à apprendre, afin de transmettre et témoigner de la situation et des conditions de vie rencontrées là-bas, autour de nous, dans notre région, identifiée par les chercheurs du LASAR (Laboratoire d’Analyse Sociologique et Anthropologique du Risque de l’Université de Caen) comme la plus nucléarisée au monde.

Tableau 1 : Concentrations en césium 137 mesurées sur place dans les produits apportés par les villageois de Krasnoyé ; district de Braggin ; Biélorussie.

Nature  Concentration
en Cs137
 Champignons
secs
 10 000
Bq/kg sec
 Lait
de vache
 48 Bq/L
 Lait
de vache
 36 Bq/L
 Lait
de chèvre
 < 7
Bq/L
 Carottes  < 7
Bq/kg frais
 Pommes
de terre
 < 7
Bq/kg frais
 Cendres
de cheminée
 5 200
Bq/kg

 

Tableau 2 : Concentrations (Bq/kg sec) en radionucléides émetteurs gamma mesurées par l’ACRO dans la terre prélevée au mois de février 2004 en zone interdite, en frontière du district de Braggin ; Biélorussie.

Lieu Zone
interdite
Distance/émissaire <30 km
Direction/émissaire Nord Est
Pays Bélarus
Date 16
février 2004
Nature Sol
Poids sec / poids frais 65%
Densité analysée 1,1
Quantité analysée 530g
Radionucléïdes
artificiels
Bq/kg
sec
134 Cs 4,9 ±
0,9
137 Cs 2278
± 265
154 Eu 4,4 ±
1,5
155 Eu < 4,1
241 Am 14 ± 3
Radionucléïdes
naturels
Bq/kg
sec
214 Pb 14 ± 4
228 Ac 17 ± 4
212 Pb 16 ± 3
40 K 350 ±
44

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Evaluation de la contamination des enfants de Biélorussie

Paru dans l’ACROnique du nucléaire 64, mars 2004


L’action engagée

En collaboration avec l’association Solidarité de Biélorussie et de Tchernobyl le laboratoire de l’ACRO a procédé à des analyses radiotoxicologiques auprès des enfants habitant des territoires contaminés par la catastrophe de Tchernobyl et qui ont séjourné en Normandie en juin 2003.   Il s’agissait de mesurer le taux de radioactivité, en l’occurrence dû au césium 137, dans les urines des enfants.   Les résultats permettent d’évaluer le degré de contamination des enfants et d’estimer les répercussions d’une alimentation « saine », additionnée de Vitapeckt. Ces mesures devraient permettre d’aider les recherches menées par le professeur Nesterenko et son institut Belrad dans le cadre du suivi des populations contaminées.

Pourquoi mesurer les urines ?

Le césium 137 (137Cs) projeté dans l’atmosphère en grande quantité lors de l’accident de Tchernobyl continue de contaminer les territoires proches de la centrale. Avec d’autres substances radioactives, il est ingéré continuellement avec la nourriture et assimilé par l’organisme dans lequel il va résider durant un certain laps de temps avant d’être éliminé en partie avec les urines. Ainsi, l’analyse des urines permet de déterminer avec une incertitude acceptable le niveau de contamination de l’organisme.

Qu’est-ce que le césium 137

Il s’agit d’un élément radioactif (radionucléide) issu de la fission de l’uranium et dont la demi-vie (période radioactive) est de trente ans. Il faudra donc attendre trois siècles pour que la quantité de césium 137 ait diminué d’un facteur 1000. Comme toute substance radioactive, le césium 137 émet un rayonnement au cours de sa désintégration. Dans son cas précis, il s’agit d’un rayonnement relativement énergétique pouvant endommager les tissus situés à proximité.

Résultats

Tableau : Concentration en césium 137 (becquerel par litre) mesurée dans les urines des enfants biélorusses en séjour en Normandie au mois de juin 2003
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Note :«NA» signifie que les urines n’ont pas été analysées (quantité insuffisante).

Graphe : Concentration en césium 137 (becquerel par litre) mesurée dans les urines des enfants biélorusses à leur arrivée en Normandie au début du mois de juin 2003.

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Note : la limite de détection (ou sensibilité de mesure) dépend de différents facteurs : l’appareil de mesure, la quantité de l’échantillon, le temps de comptage. Dans le cas d’Aléna, la durée de mesure ayant été prolongée, cela a permis d’abaisser la limite de détection, et donc d’avoir une mesure significative inférieure à 10 becquerel par litre.

Commentaires

Les résultats rapportés dans le tableau ne concernent qu’une partie des enfants. Toutes les analyses n’ont pu être effectuées faute de quantité suffisante d’urine et du fait de la capacité, hélas réduite, du laboratoire. Néanmoins, lors de la première série d’analyses (début juin), l’ensemble des échantillons a été mesuré rapidement afin de « dépister » les échantillons prioritaires. Lors de cette première campagne de mesures la plus petite concentration décelable (ou limite de détection), est relativement élevée : autour de 10 becquerel par litre. Par la suite, des analyses « plus fines » ont permis d’abaisser la limite décelable autour du becquerel par litre.

Du césium 137 est observé avec une concentration supérieure à 10 becquerel par litre dans 60% des urines mesurées. Les plus fortes valeurs sont de 68 becquerels par litre. Pour situer les niveaux, il faut rappeler que le césium 137 n’est pas un produit radioactif naturel et que l’organisme ne devrait donc pas en contenir.

Les concentrations mesurées deux semaines après l’arrivée des enfants ont chuté en moyenne de moitié. Cela traduit bien une cinétique d’élimination du césium dans un contexte où les enfants bénéficient d’une alimentation saine.

Chez deux enfants suivis, on constate une stabilité voire même une augmentation de la concentration du césium 137 dans les urines au cours de leur séjour.  Cela peut provenir d’un biais lié à l’échantillonnage (par exemple si les urines n’ont pas été prélevées dès le réveil de l’enfant [2]), ou à une accélération de l’élimination du césium 137 due à la prise de Vitapeckt.


[1] Vitapeckt : complément alimentaire à base de pectine de pomme élaboré par le Pr Nesterenko, pour faciliter l’élimination du césium 137 de l’organisme.

[2] Les premières urines du matin étant potentiellement les plus « chargées » de la journée.


Depuis huit ans, l’association Solidarité Biélorussie et de Tchernobyl organise l’accueil, à Caen, d’enfants biélorusses victimes de la catastrophe de Tchernobyl.
L’association soutient le travail du Professeur Nesterenko dans les territoires contaminés et appel au parrainage de cures de pectine de pomme pour les enfants  biélorusses.

Contact : Association Solidarité Biélorussie et de Tchernobyl, 74 rue de Falaise. tél. : 02 31 83 43 76.

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Bilan radioécologique de l’environnement aquatique du bassin versant et de la rade de Brest

Bilan radioécologique de l’environnement aquatique du bassin versant et de la rade de Brest

Des fissures dans la filière plutonium au Japon

Lettre d’information du réseau sortir du nucléaire n°20, janvier-février 2003.


Un nouveau scandale vient de secouer l’industrie nucléaire japonaise [1] : Tokyo Electric Power Co. (TEPCO), aurait falsifié 37 rapports de sûreté depuis la fin des années 80. Cela concerne 13 des 17 réacteurs de la première compagnie d’électricité du pays et plusieurs d’entre eux fonctionnent actuellement avec des fissures et de nombreuses autres anomalies. Par exemple, en juin 1994, TEPCO avait annoncé une fissure de 2,3 m dans l’enveloppe du réacteur n°1 de Fukushima en minimisant le nombre total de fissures. La cuve a ensuite été changée en 1998. Quand des inspecteurs gouvernementaux sont venus inspecter l’ancienne cuve, les fissures non-révélées ont été cachées sous des feuilles plastiques. Un rapport de l’agence pour la sûreté nucléaire et industrielle fait aussi état de cas particulièrement « malicieux » où des pièces métalliques ou de la peinture ont été utilisées pour dissimuler les parties endommagées ou réparées en secret, notamment sur le circuit de refroidissement primaire. La compagnie a reconnu les dissimulations. Les quatre principaux dirigeants ont donné leur démission et de nombreux cadres ont été rétrogradés.

Réactions en chaîne

Devant l’ampleur du scandale, des langues se sont déliées. D’autres compagnies d’électricité ont admis avoir falsifié des rapports de sûreté ou omis de mentionner des défauts dans les réacteurs. Tohoku Electric Power Co a ainsi considéré qu’il n’était pas nécessaire de signaler les fissures détectées dans le circuit de refroidissement de la centrale d’Onagawa, sous prétexte qu’elles ne posaient aucun risque en termes de sûreté. Des sous-traitants comme Hitachi et Toshiba ont reconnu avoir falsifié des rapports d’inspection à la demande de leurs clients. La nouvelle révélation la plus grave concerne probablement à nouveau TEPCO qui est soupçonnée d’avoir fabriqué des données de contrôle d’herméticité de ces réacteurs. Il s’agit là d’une accusation bien plus grave que les fissures dissimulées, car cela concerne l’enceinte de confinement supposée retenir la radioactivité en cas d’accident. Les contrôles sont classés au niveau le plus haut par l’autorité de sûreté. Cela n’a pas empêché TEPCO d’inventer des séries de données quand les mesures auraient pu alarmer les inspecteurs ou trafiquer un instrument de mesure afin qu’il donne un taux de fuite faible. Lors d’une inspection, elle a pompé secrètement de l’air à l’intérieur du réacteur pour compenser la fuite connue, de façon à ce que le taux de fuite mesuré satisfasse les normes.

L’association anti-nucléaire Mihama, a aussi reçu des documents internes à TEPCO montrant qu’une fuite de plutonium et d’autres radioéléments avait contaminé l’environnement de la centrale de Fukushima entre 1979 et 1981, sans que les autorités ou la population locale ne soient prévenus [2]. La compagnie a reconnu la fuite, mais en minimise les conséquences, comme d’habitude.

Un régime de complaisance

C’est un ancien travailleur de General Electric International qui, en juillet 2000, a alerté l’autorité de sûreté. Celle-ci a d’abord fait la sourde oreille, seule une question orale a été posée à TEPCO. Quand il a proposé de coopérer, son offre a d’abord été refusée. Il a fallu six mois aux autorités pour demander des comptes par écrit à TEPCO et elles ont transmis une copie des courriers de l’informateur, avec son identité ! Donner son nom est une faute grave, d’autant plus qu’il avait demandé à rester anonyme pour pouvoir retrouver du travail. L’autorité de sûreté est aussi accusée de lenteur et d’inefficacité, ce qui a conduit le ministre de l’industrie à reconnaître que « deux ans c’est trop long. » Quand le scandale a éclaté, le ministre s’est dit scandalisé que TEPCO ait trahi la confiance du public alors que l’énergie nucléaire est un des piliers de la politique énergétique de la nation. Cela devrait retarder l’introduction du MOx dans la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, un maillon important de la politique gouvernementale du combustible nucléaire.

Aux dernières nouvelles, les 4 dirigeants démissionnaires de TEPCO seraient réintégrés comme conseillés avec tous les avantages matériels…

La population inquiète

Les premières révélations ont eu lieu à la fin août 2002 et d’autres ont suivi durant tout l’automne. La population, sondée par la presse, se dit très inquiète par la situation dans laquelle se trouve le parc électronucléaire du pays. Tout le monde se souvient que l’explosion qui avait eu lieu à Tokaimura dans une usine de conversion d’uranium [3], un des accidents les plus graves de l’industrie nucléaire, était due essentiellement au laxisme des exploitants qui n’avaient pas respecté les règles de sûreté. Plus de 600 personnes avaient été irradiées et des riverains viennent de porter plainte pour obtenir des compensations [4]. Les municipalités et provinces concernées par TEPCO ont donc demandé l’arrêt des réacteurs suspectés et l’abandon du programme « pluthermal » qui vise à l’introduction de combustible MOX. Fin octobre, 10 des 17 réacteurs de TEPCO sont à l’arrêt, suite au scandale ou à des inspections de routine, sans que l’alimentation électrique de la capitale ne soit perturbée.

La filière plutonium remise en cause

Le Japon est en train de finir la construction d’une usine de retraitement des combustibles irradiés à Rokkasho dans le nord de l’île principale pour en extraire du plutonium. Cette usine, dont les premiers tests devraient avoir lieu en 2003, est prévue pour prendre le relais de l’usine de La Hague, en France, pour la production nationale. Pourtant, le pays ne dispose actuellement d’aucun débouché pour le plutonium. Le surgénérateur Monju est arrêté depuis 1995 suite à une fuite de sodium et une falsification du rapport d’expertise de l’accident en 1997. Le programme MOX, qui vise à introduire du plutonium mélangé à de l’uranium dans des réacteurs ordinaires, vient de subir de nouveaux revers. Kansai Electric Power Co. (KEPCO) qui prévoyait aussi d’introduire du MOX dans ses réacteurs a dû y renoncer suite au scandale concernant la falsification des données de contrôle par le producteur, British Nuclear Fuel Limited (BNFL) [5]. Le combustible incriminé a été renvoyé en Grande-Bretagne cet été. KEPCO a également demandé à COGEMA de suspendre la fabrication du combustible MOX pour sa centrale de Takahama, parce que le fabriquant ne pouvait pas démontrer que les assemblages satisfaisaient les nouvelles règles établies par le gouvernement japonais [6]. La pression politique s’était donc intensifiée sur les municipalités et régions concernées par les centrales de Fukushima et Kashiwazaki-Kariwa, gérées par TEPCO, pour qu’elles acceptent que le MOX soit chargé. Suite à ce nouveau scandale, la compagnie s’est résignée à repousser sine die l’introduction du MOX dans ses réacteurs.

Du plutonium militaire ?

L’acharnement du gouvernement japonais à développer sa filière plutonium malgré les nombreux revers subis peut surprendre. En plus de l’introduction du MOX, il espère aussi redémarrer le surgénérateur de Monju capable de transformer du plutonium « civil » en plutonium « militaire ». L’explication est donnée par d’un des leaders de l’opposition, Ichiro Ozawa, qui a affirmé récemment, « nous avons plein de plutonium dans nos centrales nucléaires, il nous est possible de fabriquer de trois à quatre milles têtes nucléaires » [7]. En raison de son histoire, le Japon rejette officiellement les armes nucléaires suivant trois principes énoncés en 1959 par le Premier ministre, « pas de production, pas de possession et pas d’introduction ». Le dernier principe a déjà été violé par l’armée américaine qui a utilisé des îles japonaises comme base nucléaire [8]. Les autres probablement aussi. Le Japon possède toute la technologie nécessaire à la production de l’arme nucléaire et à son déploiement. En particulier, son programme de lanceur de satellites lui donne accès à des missiles inter-continentaux. Il s’est aussi engagé dans la course à l’arme de quatrième génération en développant un programme de « recherche fondamentale » consacré à la fusion par laser [9].

Pendant ce temps, le premier chargement de combustible MOX français, arrivé au Japon en septembre 1999, attend dans la piscine de la centrale de Fukushima en compagnie du combustible irradié. Tout un symbole. Les autres chargements ont rejoint, eux aussi, une piscine de déchets…


[1] Sur ce scandale, lire la revue de la presse japonaise faite par l’ACROnique du nucléaire n°59 de décembre 2002.

[2] Les documents sont disponibles sur son site Internet http://www.jca.apc.org/mihama

[3] Sur cet accident, on pourra lire, Criticality Accident at Tokai-mura – 1 mg of uranium that shattered Japan’s nuclear myth, de Jinzaburo Takagi et the Citizens’ Nuclear Information Center, (http://www.cnic.or.jp/english/books/jco-apply.html) ou en français, Tokaï-mura : un grave accident qui devait arriver, revue de la presse internationale de l’ACROnique du nucléaire n°47, décembre 1999.

[4] The Japan Times: Aug. 20, 2002

[5] Sur cette affaire, on pourra se reporter au site Internet en japonais de l’association Mihama qui en est à l’origine ou lire en français, La fin du retraitement en Grande-Bretagne ?, extrait de la revue de presse internationale de l’ACROnique du nucléaire n°49, juin 2000.

[6] Le communiqué de presse de la compagnie, daté du 26 décembre 2001, est disponible en anglais à l’adresse suivante :
http://www.cnic.or.jp/english/news/misc/melox.html

[7] Mainichi Shimbun, 7 avril 2002 et The Guardian, 8 avril 2002

[8] How much did Japan know ?, by Robert S. Norris, William M. Arkin, and William Burr, Bulletin of the Atomic Scientists, January/February 2000, Vol. 56, No. 1, http://www.thebulletin.org

[9] Sur ce sujet, lire, Vers une quatrième génération d’armes nucléaires ?, ACROnique du nucléaire n°46, septembre 1999 et Liaisons dangereuses en recherche et armement, ACROnique du nucléaire n°57, juin 2002

Ancien lien

La Hague, fille aînée du nucléaire

David Boilley, S!lence, janvier 2002, remis à jour le 27 mars 2002.


Presqu’île au bout de la presqu’île du Cotentin, La Hague est aujourd’hui plus connue pour ses installations nucléaires que pour la beauté de ses paysages. L’usine de retraitement des combustibles irradiés est la plus célèbre. Fleuron de la technologie nationale que nous exportons jusqu’au Japon, elle fait la fierté de la plupart des élus locaux qui sont aussi satisfaits par la manne financière qu’elle leur procure. Un centre de stockage de déchets radioactifs fermé depuis 1994, la jouxte. Pour le CEA, qui en a eu la tutelle durant toute sa phase active, « le site de la Manche, après vingt-cinq ans de bons et loyaux services, figure désormais comme une référence technique internationale dans le stockage des déchets »[1]. L’arsenal de Cherbourg, où sont fabriqués nos sous-marins nucléaires, n’a pas à rougir. En effet, la force océanique stratégique se voit confier la majeure partie des armes nucléaires stratégiques françaises. Depuis août 2000, Le Redoutable, qui a effectué sa dernière plongée en 1991, a commencé une nouvelle vie en étant le pôle d’attraction de la future cité de la mer de Cherbourg. Enfin, les deux réacteurs de Flamanville, à 20 km à vol d’oiseau vers le Sud viennent renchérir un département dont les deux tiers de la taxe professionnelle vient du nucléaire. Sans aucun doute, la région participe au rayonnement de la France dans le monde.

Arrières-pensées militaires

Le retraitement des combustibles irradiés pour en extraire du plutonium est une technologie militaire qui a été civilisée afin de la rendre acceptable et exportable. Pas un pays ne s’y est intéressé sans arrières-pensées militaires. En exportant cette technologie dans de nombreux pays, la France est au cœur du processus de prolifération [2]. « Pour palier une hypothétique défaillance de l’usine chimique d’extraction du plutonium [militaire] de Marcoule, il a été décidé de construire au Cap de La Hague une deuxième unité de traitement des combustibles irradiés ; elle servira d’usine de secours et permettra aussi d’y séparer une fraction du plutonium produit dans les réacteurs E.D.F. » [3]. La première usine de Marcoule est arrêtée depuis 1992 et est en cours de démantèlement. Il y a actuellement trois usines de retraitement à La Hague, dont une est quasiment arrêtée depuis 1994. Pour Robert Galley, à l’origine du choix de l’implantation, « le site de La Hague présentait une particularité unique en France […], s’il y avait un incendie […] 270° de vents portraient vers la mer » [4]. La population locale ne sera jamais consultée et les élus locaux avertis dans la nuit qui précède l’annonce à la presse [5]. Malheureusement pour l’exploitant, lors de l’incendie du silo en 1981, les radio-éléments ne se sont pas arrêtés au grillage de l’usine [6]. En février 1970, suite à une panne générale d’électricité dans le Nord-Cotentin, on a frôlé une catastrophe qui aurait pu avoir des conséquences bien au-delà de la Normandie. Mais même en fonctionnement normal, les rejets de l’usine ne sont pas sans inquiéter la population.

Le Centre Manche

Le Centre de Stockage de la Manche où sont entassés 527 000 m3 de déchets faiblement radioactifs est aussi une source d’inquiétudes [7]. Pour Christian Kernaonet, un ingénieur de l’ANDRA, Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, maintenant à la retraite, la tranche n°1 doit être reprise car elle menace de s’effondrer : « Durant des années, on a entassé des milliers de fûts métalliques, comme ça, les uns sur les autres, sur une hauteur de dix à quinze mètres ! Pour que cela tienne, on les a maintenus avec une armature faite de blocs de béton et on a rajouté par dessus une couche de terre et d’argile. Assez rapidement, on s’est posé des questions, sans que cela filtre à l’extérieur. Dès 1974-1975, donc quatre ou cinq ans après avoir démarré, on a découvert qu’il y avait des effondrements. Parfois, à la suite d’un week-end où il avait beaucoup plu, on découvrait des affaissements d’un diamètre de sept-huit mètres et de quatre mètres de profondeur. Parfois plus… Logiquement des fûts s’étaient effondrés. D’autres avaient dû éclater sous le poids. [… Le problème, c’est qu’] on a contruit le site dans dalle et sans drainage, et juste au dessus de la nappe phréatique. Une vraie connerie ! » [8]. C’est donc pour « la sécurité des générations futures » qu’il s’est opposé à la fermeture du site : « En ressortant les fûts de la tranche 1, on se serait honoré d’avoir agi par précaution. Sans attendre qu’un groupe écolo quelconque nous fasse péter l’affaire à la figure ». La surveillance du site prévue par l’ANDRA repose essentiellement sur les eaux de percolation récupérées au niveau des drainages. Le problème, c’est que la tranche 1 n’a pas de drainage et les eaux de percolation vont directement dans la nappe phréatique. Si un problème sérieux est détecté aux exutoires, il sera trop tard ! De plus, les nappes phréatiques étant déjà fortement contaminées par les « incidents » passés, seul un incident majeur pourrait être détecté. Or, au nord du site, la contamination en tritium des eaux souterraines augmente continuellement sans que l’ANDRA ne fournisse aucune explication. Est-ce dû à un apport du Centre Manche ? La volonté de l’exploitant, des autorités et des responsables locaux est de laisser le Centre en l’état. A l’heure où la réversibilité des centres de stockages en profondeur est en débat, le Centre Manche fournit un intéressant cas d’étude. La décision de fermer est-elle réversible ? L’ACRO, Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest, réclame en vain la création d’un groupe de travail ad hoc ouvert aux associations intéressées, incluant Monsieur Kernaonet, qui serait chargé d’étudier l’état de Centre Manche afin de faire des recommandations sur son avenir, puis de les soumettre à la population locale.

Depuis 1995, l’ANDRA tente d’obtenir la fermeture officielle du site et sans la vigilance des associations locales, les déchets seraient définitivement enterrés avec leurs problèmes. Il y a là près de 100 kg de plutonium et des tonnes de métaux lourds ! Lors d’une première enquête publique en 1995, l’ANDRA embauche Pierre Boiron comme expert pour servir d’interlocuteur au président de la commission d’enquête, Jean Pronost. Il se trouve que ce sont deux amis… Malheureusement pour eux, l’ACRO a montré, grâce à des documents internes reçus anonymement, que la réalité du Centre était très éloignée de ce qui était présenté dans le dossier soumis à enquête. Les autorités ont demandé à l’ANDRA de revoir sa copie et une nouvelle enquête publique a eu lieu en 2000. Le président de la nouvelle commission d’enquête était… Pierre Boiron ! Après une tentative de recours à l’amiable du CRILAN, infructueuse, les associations ont boycotté la procédure. Toute décision prise à l’issue de cette enquête est attaquable en justice car cette nomination viole la loi Bouchardeau sur les enquêtes publiques.

Des rejets sous surveillance ?

En 1994, les usines de retraitement ont rejeté en mer 8775 fois plus de radioactivité bêta-gamma (hors tritium) que les deux réacteurs voisins de Flamanville. Ces rejets marquent tout le littoral Normand et peuvent être suivis jusqu’en mer du Nord [9]. En terme d’impact sur la population locale, ce sont les rejets aériens qui dominent actuellement. Si certains radio-éléments comme le tritium (isotope de l’hydrogène) ou le krypton qui est un gaz rare, sont rejetés parce que difficiles à stocker, l’iode 129, quant à lui, est pratiquement entièrement rejeté dans l’environnement parce qu’il s’agirait de la meilleure façon de gérer ce déchet qui a une durée de vie de 17 millions d’années.

La compagnie sait-elle exactement ce qu’elle rejette ? Aussitôt informée de l’incident de rejet atmosphérique qui a eu lieu le 18 mai 2001 à l’usine COGEMA de la Hague, l’ACRO a effectué une campagne de prélèvements autour du site. Les résultats d’analyse ont mis en évidence une contamination importante de l’environnement en ruthénium rhodium 106, radioéléments artificiels, et ont conduit l’ACRO à interroger l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur la validité du système de mesure des rejets aériens de la Cogéma. En effet, ses calculs montraient que la quantité de ruthénium-rhodium déposée sur l’herbe était largement supérieure à la quantité totale rejetée annoncée par l’exploitant. Une évaluation de cette quantité à l’aide d’un modèle de dispersion dans l’environnement l’avait conduit à estimer que la Cogéma avait rejeté probablement 1000 fois plus que ce qu’elle avait annoncé (14 000 MBq pour 11 MBq déclarés). Dans une lettre reçue à l’ACRO le 24 octobre 2001, l’ASN répond qu’en fonctionnement courant « ce facteur a dû être proche de trois pour la période 1999-2000 et de quatre-cent lors de l’incident » [10]. Un incident similaire qui a eu lieu le 31 octobre a permis à l’ACRO de montrer que le système de mesure de l’autre cheminée de rejet était également défaillant. Les relevés trimestriels publiés par l’exploitant ne font pas apparaître les contaminations anormalement élevées en ruthénium-rhodium détectées à l’issue des ces incidents. Par le passé, l’ACRO avait déjà épinglé la Cogéma sur sa « transparence » : en épluchant 5 années de publication de sa plaquette grand public, elle avait relevé 29 « erreurs » qui tendaient toutes à sous estimer la pollution [11]. Ce goût du secret en matière d’environnement peut cacher des lacunes plus graves : les mesures dans l’environnement du carbone 14 et de l’iode 129 rejetés en grande quantité par l’usine de la Hague ne datent respectivement que de 1996 et 1991. Pourtant ces deux radioéléments contribuent de façon significative à la dose subie par la population.

Le rôle de l’ACRO

Les rejets des installations nucléaires sont soumis à différents contrôles de la part de plusieurs organismes officiels et des exploitants eux-mêmes. L’intérêt de ces mesures de la radioactivité en matière de santé publique est évident. Pourtant, la population directement concernée n’est pratiquement pas informée des résultats de cette surveillance. Il est impossible à un citoyen d’obtenir des données exhaustives sur les mesures faites près de chez lui, tout ce qu’il peut espérer, ce sont des moyennes. C’est pourquoi, l’ACRO, depuis sa création après la catastrophe de Tchernobyl, effectue une surveillance citoyenne régulière de l’environnement local et s’engage à publier toutes ses données. L’association a dû subir de nombreuses pressions et des mises en cause publiques pouvant aller jusqu’au dépôt de plainte de la part des exploitants, mais après quinze ans de fonctionnement et de batailles, la fiabilité de son laboratoire d’analyse n’est plus remise en cause. C’est très important, car si les exploitants peuvent sous-estimer sans vergogne l’impact de leurs rejets, l’ACRO n’a pas le droit à l’erreur pour rester crédible. Le laboratoire est maintenant accrédité d’une qualification technique délivrée par le Ministère de la santé.

Gérer un laboratoire d’analyse fiable avec un personnel qualifié est très contraignant pour une association et cela coûte très cher. Les seuls dons ne suffisent pas et l’association doit trouver des partenaires, comme les agences de l’eau, des commissions locales d’information ou des collectivités territoriales qui financent certaines de ses études. Malgré tout, l’ACRO se dit indépendante car sans l’implication de nombreux bénévoles, elle ne pourrait pas exister. Le manque chronique de ressources peut parfois être dramatique pour l’association qui a failli mettre la clé sous la porte en septembre 2000. C’est pourquoi, le soutien financier et l’implication d’un plus grand nombre d’adhérents est indispensable à sa survie.

La Hague : danger zéro ?

La publication par le Professeur Viel d’études épidémiologiques mettant en évidence une augmentation du nombre de leucémies chez les jeunes vivant autour de l’usine de retraitement de La Hague et la relation significative avec la fréquentation des plages soit par les mères pendant leur grossesse (risque multiplié par 4,5) ou par les enfants eux-mêmes (risque multiplié par 2,9) a suscité une forte émotion dans la région [12]. Comme souvent, c’est le donneur d’alerte qui a été mis en cause plutôt que le pollueur. D’autres études sont venues conformer cette augmentation depuis [13]. Constitué de manière spontanée à la suite des travaux de Jean-François Viel, le collectif des Mères en Colère milite pour une information objective, transparente et indépendante. Elles tentent par tous les moyens, pétitions, manifestations et participation aux commissions officielles, d’établir un dialogue avec tous les représentants des industries concernées afin de réfléchir collectivement aux moyens de répondre aux inquiétudes sociales et environnementales suscitées par cette industrie qui fait vivre des milliers de familles et toute une région, au mépris des sentiments de rejet d’une frange de la population. Leurs interventions ont permis d’apporter une note d’humanité, de sensibilité et de réalisme dans un contexte où les décisions économiques et politiques sont prises par des hommes, en faisant abstraction de tous les problèmes environnementaux et psychologiques que peut entraîner une telle mono-industrie. Pour les Mères en Colère, le risque engendré par le retraitement n’est pas acceptable dans la mesure où il porte préjudice à l’environnement et à la santé de leurs enfants. Ce combat demande beaucoup d’énergie et d’abnégation, mais les échanges entre femmes ont permis d’exprimer une anxiété qui était latente dans beaucoup de foyers. Il y a un besoin de s’exprimer sur ce sujet tabou, alors qu’une sorte de loi du silence s’est instaurée au fil des années, imposée par des impératifs économiques. Le Collectif des Mères en Colère répond à cette attente des femmes qui vivent dans cette région en devenant leur porte-parole, ce qui impose de leur être fidèles.

La création, par les Ministres de l’environnement et de la santé, du comité Nord-Cotentin chargé de faire un bilan rétrospectif de 30 années de rejets dans l’environnement par les installations nucléaires de la région, constitue une avancée notable. L’ACRO, qui ne cesse de réclamer une transparence totale en matière d’environnement, n’avait d’autre choix que d’y participer activement. La première partie des travaux, publiée en 1999, est limitée aux seules leucémies et ne permet pas de lever le doute sur l’impact des rejets radioactifs et chimiques. Ce n’était pas sa mission [14]. Pour rassurer, la COGEMA a tenté de « lancer un concept nouveau : ” Le zéro impact pour la santé “, en agissant sur le niveau des rejets de nos activités » explique sa PDG. « Pour cela, nous retenons les critères des experts internationaux, en particulier ceux de la CIPR (Commission internationale de protection contre les rayonnements ionisants). Pour eux, à 30 microsieverts – unité qui mesure les conséquences biologiques de la radioactivité sur l’organisme – par personne et par an, il n’y a pas de risque pour la santé. »  Le problème, c’est que la CIPR a démenti : « Une telle affirmation serait en contradiction avec l’hypothèse de la publication n°60 et de nombreux autres rapports d’une relation linéaire et sans seuil entre la dose et les effets à faible dose. Mon impression est qu’il y a eu une incompréhension de la position de la CIPR. » [16] L’enjeu est grand, car si chaque radiation reçue a un impact, la législation impose que les pratiques entraînant une exposition aux rayonnements ionisants soit justifiées « par leurs avantages économiques, sociaux ou autres par rapport au détriment sanitaire qu’ils sont susceptibles de provoquer » [17].

Retraiter ou pas retraiter ?

Economiquement, la filière plutonium n’est pas rentable comme l’a montré le rapport du Commissariat au plan signé par le Haut-Commissaire à l’Energie Atomique [18]. Mais peu importe si le « recyclage » du plutonium peut avoir un intérêt écologique. L’Agence pour l’Energie Nucléaire de l’OCDE a montré que si l’on retraitait tous les combustibles irradiés et recyclait tout le plutonium extrait, on ferait une économie d’uranium de 21% [19]. Etant donnée la surproduction d’électricité nucléaire en France, il y a des moyens plus simples pour économiser les ressources de la planète ! Surtout que dans les faits, seuls les deux tiers du combustible usé qui sort des centrales françaises est retraité et seulement 50% environ du plutonium extrait a été « recyclé ». Quant à l’uranium, qui est aussi extrait lors du retraitement, le taux de « recyclage » est inférieur à 10%. [20]

Dénoncé depuis toujours par les associations écologistes, le retraitement fait partie des dogmes qui ont fait leur temps, même dans certains milieux nucléocrates. Au niveau international, il est aussi sur la sellette. La déclaration de Sintra (Portugal, 1998) de la réunion ministérielle de la convention OSPAR [21] engage les états signataires à faire en sorte que « les rejets, émissions et pertes de substances radioactives soient, d’ici l’an 2020, ramenés à des niveaux tels que, par rapport aux niveaux historiques, les concentrations additionnelles résultant desdits rejets, émissions et pertes soient proches de zéro. » Cette contrainte a conduit à la déclaration de Copenhague (Danemark, 2000) demandant la mise « en œuvre l’option ” non-retraitement ” (par exemple par entreposage à sec) pour la gestion des combustibles nucléaires usés dans des installations appropriées ». La France et la Grande-Bretagne, seuls pays concernés, se sont abstenus. Si ces deux pays s’accrochent au retraitement, c’est pour garder un savoir faire et une structure industrielle indispensables à long terme au niveau militaire. L’exception américaine avec arrêt du retraitement il y a 25 ans environ ne doit pas faire illusion : il est maintenant officiellement reconnu que la Grande-Bretagne a fourni 5,4 tonnes de plutonium aux Etats-Unis entre 1958 et 1979 en échange de tritium et d’uranium enrichi [22]. Se sont-ils aussi fourni ailleurs ? Le plan Bush sur l’énergie prévoit la relance du retraitement.

En commandant le 28 juillet 2000 un quatrième sous-marin nucléaire lanceur d’engins de nouvelle génération, Le Terrible, et surtout en développant un nouveau missile, le M51, aussi prévu pour 2008, la France viole le traité de non-prolifération dont l’article 6 stipule : « chacune des parties au traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous contrôle international strict et efficace ». Article, hélas, sans aucune échéance précise ni mesure contraignante. [23] Une campagne d’interpellation, « Dites NON au quatrième sous-marin nucléaire ! » a été lancée par le MAN, Stop-Essais et le Mouvement de la Paix [24].

La fermeture des usines de retraitement n’est pas sans créer de problèmes sociaux. La baisse de l’activité de l’usine est mise sur le dos des écologistes. L’accueil réservé à la tête de liste des verts aux élections européennes, qui a été obligé de passer sous les fourches caudines syndicales par la direction de l’usine, laisse présager le pire. Mais l’arrêt du retraitement ne signifie pas l’arrêt de l’activité, car les déchets nucléaires demeurent. En particulier, de grandes quantités doivent être reprises pour être conditionnées.

Non-retour à la case départ ?

Actuellement, la moitié de l’activité du centre de La Hague est destinée aux combustibles étrangers, avec pour principaux clients, l’Allemagne et le Japon, pays qui possèdent toute la technologie nécessaire à la fabrication de l’arme nucléaire. Au Japon, le plutonium de La Hague, « recyclé » sous forme de combustible MOx, attend dans les piscines de déchets nucléaires l’autorisation d’être « brûlé ». Tout un symbole… Mais verra-t-on un jour le retour de tous les déchets étrangers vers leur pays d’origine ? L’article 3 de la loi de décembre 1991 stipule que « le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si leur retraitement a été effectué sur le territoire national, est interdit au-delà des délais techniques imposés par le retraitement ». En fait, cet article est déjà violé car on entrepose à la Hague des déchets technologiques faiblement ou moyennement radioactifs, issus du retraitement, qui auraient pu être renvoyés dans leur pays d’origine depuis longtemps. Sans parler des déchets des premiers contrats étrangers de la Cogema, pour lesquels il n’existe aucune clause de retour. A la place, la Cogema espère renvoyer 5 % de déchets vitrifiés supplémentaires, plus compacts, et garder les autres types, plus volumineux. Les quotas de radioactivité devraient être respectés, mais pas ceux de volume. BNFL, le concurrent britannique, offre déjà officiellement ce service… Un tri similaire a déjà commencé : sur le centre de stockage de la Manche, les déchets technologiques stockés sont dix fois plus volumineux que ceux en attente d’un renvoi éventuel [25].

En 1994, la loi allemande a changé, autorisant soit le retraitement soit l’enfouissement des combustibles irradiés. Les compagnies ont donc renégocié leurs contrats avec COGEMA et BNFL. Selon des experts proches des agences de sûreté nucléaire qui ont vu les contrats, les nouveaux termes autorisent ces compagnies à entreposer leur combustible irradié dans les usines de retraitement de La Hague et de Sellafield en Grande-Bretagne pendant 25 ans avant de décider si elles le feront retraiter ou non. Si elles ne le font pas retraiter, le combustible irradié sera rapatrié en Allemagne, des frais d’entreposages seront payés, mais aucune pénalité n’est prévue. Ces contrats concernent le combustible irradié produit jusqu’en 2005 avec une possible extension jusqu’en 2015 [26]. D’usine de retraitement, le site est en train de devenir un centre d’entreposage international, Cogéma allant jusqu’à accepter des déchets australiens pour lesquels elle n’a aucune autorisation de retraitement. La loi de 1991 ne contient malheureusement aucune sanction en cas d’infraction et n’a pas reçu de décrets d’application. L’ACRO condamne cette politique du fait accompli.

Avant même l’arrivée du combustible nucléaire australien, la Cogéma a assigné en référé Greenpeace devant le tribunal de grande instance de Cherbourg et demande de « faire interdire à Greenpeace ainsi qu’à toute personne se réclamant du mouvement Greenpeace de s’approcher à moins de 100 m des convois de combustible australien et ce sous astreinte de 500.000 F par infraction constatée ». Cette affaire montre le peu de cas que la compagnie fait de la liberté d’expression et de manifestation. Mais Greenpeace a retourné le référé en demandant à la Compagnie de prouver qu’elle avait bien l’autorisation de retraiter ces combustibles étrangers. S’en est suivi un bras de fer juridique où l’association a obtenu une interdiction du débarquement des déchets australiens. La Cogema a fait appel et a obtenu gain de cause auprès de la cour d’appel de Caen. Greenpeace a de nouveau déposé une assignation à jour fixe dans laquelle elle attaque la Cogema sur le fond du dossier. L’affaire est en cours. Mais ce sont surtout les actions spectaculaires de l’organisation qui ont permis que les médias s’intéressent à La Hague et qui marquent l’opinion. Ainsi à la même époque, à cause de la présence d’une poignée de militants de Greenpeace, le départ de combustibles MOx vers le Japon était accompagné d’un dispositif composé notamment de policiers du RAID, d’unités du Groupement d’intervention de la police nationale, d’un Elément Léger d’Intervention (ELI) de la gendarmerie mobile, des renseignements généraux, des commandos marine et d’une compagnie républicaine de sécurité (CRS). Malgré cela, le 19 janvier 2001, trois canots pneumatiques de l´organisation ont réussi à rentrer dans le port de Cherbourg, lâchant quatre plongeurs qui ont brandi des écriteaux dénonçant le MOx avant d´être appréhendés [27].

Au total, l’Allemagne doit encore rapatrier l’équivalent de 166 emballages de type “Castor” contenant des déchets hautement radioactifs, dont 127 en provenance de La Hague et 39 en provenance de Sellafield, selon le ministère de l’Environnement allemand. Sachant qu’un transport de déchet comprend en général six emballages Castor, il faudrait encore 14 ans, à raison de deux transports par an, pour rapatrier la totalité du stock de déchets allemands à l’étranger. A cela s’ajoutent les déchets faiblement et moyennement radioactifs oubliés par les autorités et la presse quand elles parlent du sujet. Malgré ces retours difficiles, la Cogéma espère accueillir une dizaine de convois de combustibles irradiés allemands par an. Le Réseau Sortir du Nucléaire dénonce à ce propos un marché de dupe. Aucun retour n’est prévu pour l’instant vers la Belgique, les Pays-Bas, la Suède…

Un régime de complaisance ?

Pendant l’été 2000, la France a accueilli dans la plus grande discrétion quatre transports de déchets nucléaires allemands vers La Hague. Il s’agit d’un stock de rebuts de MOx restant à l’usine d’Hanau (dans le Hesse), une usine de fabrication de Mox à l’arrêt depuis 1991. Suite à cette affaire, la Cogéma se retrouve assignée en référé par Didier Anger, conseiller régional Vert de Basse-Normandie et le CRILAN. Leur avocat s’appuie sur une lettre d’André-Claude Lacoste, directeur de la sûreté des installations nucléaires qui assure que “la Cogema n’est actuellement pas en possession d’une autorisation de traiter les lots d’assemblages en provenance de Hanau”. Mais lors de l’audience en référé, la compagnie a notamment insisté sur l’irrecevabilité du CRILAN en tant qu’association agréée pour se pourvoir en justice. Elle a été suivi par le tribunal, le comité n’ayant pas dans ses statuts l’autorisation de se pourvoir en justice pour ce cas précis. Didier Anger a lui aussi été débouté sur la forme. Le CRILAN a depuis changé ses statuts et peut se pourvoir en justice. Devant faire face à des manifestations violentes d’employés de la Cogéma, c’est sous protection policière que les représentants du CRILAN ont dû accéder au Tribunal lors de l’audience du 20 mars 2001 [28].

La création du CRILAN témoigne d’un désir d’une partie des habitants du Nord-Cotentin et d’ailleurs de lutter contre la nucléarisation forcenée de la presqu’île. L’association veille particulièrement à la légalité des décisions prises, au respect des lois et a entamé, pour ce faire, des luttes juridiques contre EDF, l’ANDRA et la Cogéma. En particulier, le 11 janvier 1999, elle a obtenu la mise en examen de la Cogéma pour mise en danger de la vie d’autrui. Les plaintes, déposées contre X en janvier 1994, portaient sur le non-retour des déchets étrangers. Mais le plus dure reste à faire, obtenir le débat en audience publique. La lutte juridique n’est pas une fin en soi, elle permet seulement de mettre en évidence que le nucléaire n’a jamais fait bon ménage avec l’état de droit [29].

Nucléaire et démocratie

Si le nucléaire est insoluble dans la démocratie, c’est particulièrement flagrant dans le Nord-Cotentin. Dans les années 1980 on doit à la CFDT, fortement impliquée dans les problèmes de société à cette époque, la vulgarisation à grande échelle des problèmes posés par l’ensemble de la filière [30]. Localement le syndicat du site de la Hague, majoritaire sur l’établissement, dénonce les conditions de travail dans les zones contaminées dans un film choc : “Condamnés à réussir” et informe les populations locales des incidents du site ayant un impact hors usine sur l’environnement. Cette époque est révolue et de nos jours, seules quelques associations militantes tentent d’organiser un débat public sur un sujet encore tabou. Lors de crises, elles deviennent les boucs-émissaires par lesquels le mal est arrivé. Et les industriels n’hésitent pas, par syndicats, associations complaisantes ou politiques interposés à jeter l’opprobe sur les contestataires. Pourtant, la contestation est légitime car contrairement aux risques naturels, les risques techno-scientifiques résultent de choix effectués par une poignée d’individus, alors que c’est l’ensemble de la population qui trinque en cas de problèmes. Toute crainte est qualifiée d’irrationnelle par les experts assermentés. A qui appartient la charge de la preuve ? Aux contestataires qui doivent prouver l’existence du risque ou à l’industrie et à l’administration qui doivent prouver et non affirmer l’absence de danger ? Et comment contester quand on a plus ou moins participé – ou profité comme parent d’un travailleur du nucléaire – à la construction ou au fonctionnement de la cage dans laquelle on est enfermé et que l’on est complice du mal qui peut toucher ses propres enfants ? En forçant le débat sur des questions excessivement complexes et en le portant sur la place publique, les associations citées font un travail héroïque. Pour certains militants locaux, sans elles, il ne serait pas possible de vivre dignement à La Hague [31].


[1] Le Commissariat à l’Energie Atomique, Découvertes Gallimard/CEA, 1995

[2] Lire à ce sujet Affaires atomiques, Dominique Lorentz, Les Arènes, 2001.

[3] L’aventure atomique, Bertrand Goldschmidt, Fayard, 1962. L’auteur a été un des dirigeants du CEA.

[4] In Atomes crochus, Rémi Mauger, FR3, 2000

[5] Lire La presqu’île au nucléaire, Françoise Zonabend, Odile Jacob, 1989

[6] Il faudra attendre 1999 pour qu’un bilan rétrospectif de l’impact cet accident soit réalisé et rendu public : Estimation des doses et du risque de leucémie associé, Groupe Radioécologie Nord-Cotentin, Rapport du groupe de travail n°4, Annexe 11, 1999. http://www.ipsn.fr/nord-cotentin

[7] Le C.S.M., Centre Sans Mémoire ?, hors série n°1 de l’ACROnique du nucléaire, décembre 1999. Entièrement consacré au Centre Manche.

[8] Toutes les citations sont extraites d’une interview à France-Soir du 17 avril 2000

[9] Voir Qualité radiologique des eaux marines et continentales du littoral normand, rapport d’étude ACRO/Agence de l’eau Seine-Normandie de juillet 1999 et l’ACROnique du nucléaire n°50, septembre 2000 (4 euros).

[10] Tous les détails de cette affaire sont ici.

[11] L’état de l’environnement dans la Hague, ACROnique du nucléaire n°28, mars 1995 et Silence n°197, novembre1995.

[12] Voir La santé publique atomisée, J.F. Viel, La Découverte, 1998.

[13] Rayonnements ionisants et santé : mesure des expositions à la radioactivité et surveillance des effets sur la santé, Alfred Spira et Odile Bouton, La Documentation Française, 1998 ; A-V Guizard et al, Journal of Epidemiology and Community Health n°55, juillet 2001.

[14] Travaux du groupe radio-écologie Nord-Cotentin : le doute subsiste sur les leucémies, ACROnique du nucléaire n°47, décembre 1999. L’intégralité de ces travaux est disponible auprès de l’IPSN ou en ligne http://www.ipsn.fr/nord-cotentin

[15] Interview de Anne de Lauvergeon, PDG de la COGEMA, dans Le Monde du 26 octobre 1999.

[16] Lire La Hague Danger zéro ?, David Boilley, Cahier de l’ACRO n°2, juin 2001.

[17] Directive EURATOM 96/29 publiée au JOCE n° L 159 du 29/06/1996 p. 0001 ? 0114 (à télécharger au format pdf). Cette directive aurait dû être traduite en droit français avant le 13 mai 2000.

[18] Etude économique prospective de la filière électrique nucléaire, rapport au gouvernement de J.M. Charpin, B. Dessus et R. Pellat, juillet 2000. Une synthèse et critique par B. Laponche a été publiée dans La Gazette nucléaire n°185/186 d’octobre 2000 (GSIEN, 2, rue François Villon, 91 400 Orsay, tél. : 01 60 10 03 49, fax. : 01 60 14 34 96).

[19] Les incidences radiologiques des options de gestion du combustible nucléaire usé, une étude comparative, AEN/OCDE, 2000. Les calculs de l’étude montrent que si la dose collective de la population vivant autour des mines et de ses travailleurs pourrait ainsi être réduite de 21%, c’est largement compensé par la dose reçue par la population vivant autour de l’usine de retraitement et ses travailleurs. Comme dans les faits seule une partie du plutonium est « recyclé », l’option retraitement est défavorable en terme de dose.

[20] Le recyclage des matières nucléaires : mythes et réalités, WISE Paris, mai 2000, http://www.wise-paris.org. (Télécharger le rapport au format pdf)

[21] Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du nord-est, http://www.ospar.org

[22] Plutonium and Aldermaston ? an historical account, UK Ministry of Defence (2000).

[23] La France et la prolifération nucléaire, les sous-marins nucléaires de nouvelle génération, Bruno Barrillot, observatoire des armes nucléaires françaises (Lyon) 2001, http://www.obsarm.org.
Voir aussi, Vers une quatrième génération d’armes nucléaires ?, David Boilley, ACROnique du nucléaire n°46, septembre 1999.

[24] MAN, 114 rue de Vaugirard, 75006 Paris, tél. 01 45 44 28 25, fax. 01 45 44 57 12, http://manco.free.fr/ ;
Stop Essais, 114 rue de Vaugirard, 75006 Paris ;
Mouvement de la Paix, 139 bd Victor Hugo, 93400 St Ouen, tél. 01 40 12 09 12, fax : 01 40 11 57 87, http://www.mvtpaix.org

[25] Ces déchets nucléaires dont on ne sait que faire, David Boilley, Le Monde Diplomatique, janvier 1998 et Manière de voir n°38, mars-avril 1998.

[26] Plutonium. Can Germany swear off?, Mark Hibbs, The Bulletin of the Atomic Scientists, mai/juin 2001.

[27] Lire Départs médiatiques et arrivées secrètes à l’usine Cogema de La Hague, extrait de la revue de presse de l’ACROnique du nucléaire n°53, juin 2001

[28] Ibidem

[29] Lire Nucléaire et état de droit n’ont jamais fait bon ménage…, Paulette Anger, l’ACROnique du nucléaire n°48, mars 2000.

[30] Voir le Dossier électronucléaire, Sciences, Points Seuil, éditions de 1975 et 1980.

[31] Lire à ce sujet les actes des troisièmes rencontres ACRO, nucléaire et démocratie, publiées dans l’ACROnique du nucléaire n°42, septembre 1998. En particulier, Est-il raisonnable d’avoir peur du nucléaire ?, par Yves Dupont et L’épidémiologie, entre science et pouvoir, par Jean-François Viel.

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Note technique relative à l’incident du 31 octobre 2001 et aux retombées des incidents ruthénium survenus à Cogéma-La Hague en 2001

Note technique relative à l’incident du 31 octobre 2001 et aux retombées des incidents ruthénium survenus à Cogéma-La Hague en 2001

Note technique ACRO du 21 janvier 2002

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Résumé-Conclusion

Lors d’un incident qui eut lieu le 18 mai 2001, les mesures dans l’environnement effectuées par l’ACRO avaient conduit l’association à interroger l’Autorité de Sûreté sur la validité du système de mesure des rejets aériens de Cogéma-La Hague. En effet, nos calculs montraient que la quantité de ruthénium-rhodium 106 déposée sur l’herbe était largement supérieure à la quantité totale rejetée annoncée par l’exploitant. Une évaluation de cette quantité à l’aide d’un modèle de dispersion dans l’environnement nous avait conduit à estimer que la Cogéma avait rejeté probablement 1000 fois plus que ce qu’elle avait annoncé (14 000 MBq pour 11 MBq déclarés).

La cause en serait un dépôt dans la canne de prélèvement du système de mesure à la cheminée de rejet. Devant l’impossibilité d’évaluer le terme source lors de cet incident, l’exploitant et l’ASN proposent un terme source majorant qui correspond à la quantité mesurée en sortie d’atelier. Lors de l’incident du 18 mai, la mesure en sortie d’atelier aurait été 400 fois supérieure à celle effectuée à la cheminée (4 500 MBq contre 11 MBq). En fonctionnement de routine, les activités cumulées sur une année donneraient un facteur majorant compris entre 5 et 10 entre les deux points de mesure.

Lors de l’incident survenu le 31 octobre 2001, Cogéma-La Hague a annoncé avoir rejeté environ 15 MBq ou 219 MBq selon les communiqués ; l’exploitant ne semble pas savoir exactement ce qu’il a rejeté par ses cheminées. L’ACRO a de nouveau constaté en évidence une contamination de l’environnement en Ruthénium-Rhodium 106 sous le panache. Au total, dix échantillons d’herbe ont été collectés le 5 novembre en dix endroits différents, tous situés au sud-est de l’établissement sous les vents durant l’incident. Les mesures par spectrométrie gamma mettent en évidence la présence de 106Ru-106Rh à des niveaux variables, compris entre 24 et 726 Bq/kg frais. A l’instar des observations faites à la suite de l’incident ruthénium du 18 mai 2001, le pâturage R2 situé à environ1 km de la cheminée en direction du SSE présente la plus forte teneur. L’ordre de grandeur, plusieurs centaines de Bq/kg frais, est confirmé par des mesures de vérification effectués sur des prélèvements datés du 10 novembre. Cette contamination ne peut être imputée ni aux rejets de routine ni à une rémanence de l’incident du 18 mai. Ainsi on n’observe pas de différences notables en terme de répercussions sur l’environnement entre les deux incidents du 18 mai et du 31 octobre 2001 : les niveaux d’activité relevés au mois de novembre représentent en moyenne entre 67% et 78% de ceux mesurés en mai dernier.

Une fois de plus, lors de l’incident du 31 octobre 2001, la quantité de ruthénium-rhodium 106 déposée sur l’herbe dépasse largement le terme source mesuré à la cheminée, ce qui le rend peu plausible. Une reconstitution réaliste du terme source à l’aide du modèle de dispersion dans l’environnement nous donne une valeur 667 fois supérieure au terme source mesuré à la cheminée er 46 fois plus grande que le terme source majorant mesuré en sortie d’atelier annoncé (6 400 MBq pour 219 MBq déclarés). Ces résultats confirment que la mesure à la cheminée n’est pas fiable et qu’en conséquence, elle ne peut servir pour évaluer les quantités rejetées passées ou contemporaines. De plus, ces mêmes résultats nous conduisent à nous interroger sur la validité de la mesure en sortie d’atelier ou sur la validité des modèles de dispersion atmosphérique qui servent de référence aux études d’impact environnemental, voire sur les deux éventuellement.

Les modèles de diffusion atmosphérique utilisés par l’exploitant et l’IPSN sont très approximatifs du fait de la difficulté de faire une comparaison directe entre la contamination surfacique calculée et mesurée. L’analyse des deux « incidents ruthénium » du 18 mai et du 31 octobre 2001 montre que le terme source en sortie d’atelier, considéré comme majorant par l’exploitant, couplé au modèle de diffusion atmosphérique de référence ne permet pas d’expliquer les résultats de contamination relevée par l’ACRO. L’approche théorique sous-estime l’impact environnemental des rejets aériens. La sous-estimation est encore plus grave avec un terme source pris à la cheminée. En aucun cas, le dépôt découvert sur la canne de prélèvement ne peut à lui seul expliquer ce désaccord. Si la mesure en sortie d’atelier est fiable, les modèles de diffusion atmosphérique sous estiment probablement l’impact pour tous les radioéléments rejetés par les cheminées.

Liens sur le site ACRO

  • Note technique du 21 janvier 2002 complète au format pdf (1 Mo).
  • Communiqué de presse ACRO du 28 janvier 2002 sur les incidents ruthénium.
  • Communiqué de presse ACRO du 31 juillet 2001 sur l’incident du 18 mai 2001, avec liens vers la note technique du 24 juillet 2001 et les réponses.

Liens extérieurs

  • L’IPSN a détecté les deux incidents ruthénium à Alençon, à 200 km à vol d’oiseau au Sud Est de La Hague. Résultats ici.
  • Premier communiqué de presse de l’ASN en date du 7 novembre 2001 sur l’incident du 31 octobre 2001.
  • L’IPSN confirme que la mesure de la quantité rejetée à la cheminée de rejet n’est pas plausible, communiqué de presse du 28 janvier 2002.
  • Cogéma reconnait implicitement en annonçant une amélioration du son sytème de mesure, mais ne parle que de “précision insuffisante” sans conséquence, point presse du 28 janvier 2002.
  • L’ASN confirme les écarts constatés par l’ACRO et estime qu’ils méritent d’être expliqués, lettre à l’ACRO du 28 janvier 2002 au format pdf.

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Résultats d’analyse pour l’étude du GON, La reproduction des oiseaux marins de la Hague et du Nez-de-Jobourg : Recherche des causes du déclin

Résultats d’analyse pour l’étude du GON, La reproduction des oiseaux marins de la Hague et du Nez-de-Jobourg : Recherche des causes du déclin

ACROnique du nucléaire – Hors série n°1

L'ACROnique du nucléaire


Entièrement consacré au Centre de Stockage de la Manche (CSM)


A commander à l’ACRO

 

Le CSM : Centre Sans Mémoire ?

Avant propos

Le Centre de Stockage de la Manche :

  • Historique administratif et contexte socio-juridique lors de la fermeture
  • La réglementation applicable au Centre
  • Les évolutions techniques du Centre
  • Le contenu du site

L’environnement :

  • La pollution de l’environnement
  • La surveillance radiologique effectuée par l’ACRO
  • Autres pollutions radioactives
  • La pollution par les métaux lourds

Le Futur :

  • Quel avenir ?

Notions de base :

  • La radioactivité, qu’est-ce ?
  • Du tritium et des normes
  • Les déchets nucléaires

Revue de presse

Lexique



Avant propos

“La nécessité d’un débat public sur la gestion et l’avenir des centres de stockage n’est pas apparue. C’est sans doute une conséquence d’une histoire de l’industrie nucléaire voulue et décidée par l’État, au début avec une forte composante défense nationale, ensuite de stratégie d’indépendance énergétique. Les aspects sociologiques et sociopolitiques ont été largement ignorés […]. Il appartient aux pouvoirs publics d’initier et d’alimenter ce débat.” (Rapport Turpin, p. 9)

Le Centre de Stockage de la Manche a mauvaise réputation pour le laxisme qui a entouré sa gestion et les problèmes environnementaux sérieux quíil soulève. Síil est déjà difficile díévaluer ce centre actuellement, on imagine très bien que son impact à long terme est très difficile à prévoir. Il est pourtant envisagé de le laisser en líétat, lors díune phase de surveillance qui durera des années. Sachant que ce centre est là pour líéternité, il a été suggéré de mieux líisoler grâce à une nouvelle couverture. Une nouvelle enquête publique devra venir avaliser se scénario.

L’ACRO a reçu du Ministère de líenvironnement un financement pour une action de communication envers les élus et la population de la Hague en vue díune nouvelle enquête publique concernant líavenir du Centre de Stockage de la Manche. Ce document est un outil d’information et de communication pour les différentes actions que nous organisons.

Dans ce document, nous avons tenté de proposer des éléments díappréciation à des non spécialistes du nucléaire étant prêts à investir du temps dans le dossier d’enquête publique. Il est cependant impossible díéviter certaines notions concernant la radioactivité. Nous conseillons donc au lecteur néophyte de commencer par les notions de base situées à la fin de cet ACROnique.

Malgré tous les efforts consentis, de nombreuses questions restent sans réponse au sujet de ce centre de stockage et il nous sera parfois difficile díêtre précis. Ce dossier se base sur des documents accessibles à tout citoyen via la Commission díInformation de la Hague, la Commission de Surveillance de CSM, sur des documents internes à líANDRA que nous avons rendus publics (L’ACROnique du nucléaire n°32) et sur le travail de surveillance de l’ACRO. A l’heure où nous écrivons, nous ne connaissons toujours pas la date de la prochaine enquête publique. Aussi, le lecteur comprendra que ce hors-série de LíACROnique du nucléaire est une présentation de la situation passée et actuelle, mais quíil ne peut être une réponse au dossier díenquête que nous ne possédons toujours pas… même de façon anonyme !

Nous avons demandé à l’ANDRA d’avoir accès aux rapports de sûreté de ses centres de stockage, mais nous n’avons pas reçu la moindre réponse. Il semble que l’Agence refuse toujours la transparence demandée par les associations.

«Le site de la Manche, après vingt-cinq ans de bons et loyaux services, figure désormais comme une référence technique internationale dans le stockage des déchets, une expérience incomparable dont bénéficie le site de l’Aube.» explique le CEA, qui a eu la tutelle du CSM durant toute son existence. (Le Commissariat à l’Energie Atomique, Découvertes Gallimard/CEA, 1995.) Nous vous laissons découvrir à quoi tient cette réputation…

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