Risques nucléaires suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie : mise à jour le 6 octobre 2022

Nous avons été sollicités, dès le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie,  concernant les risques liés aux combats dans la zone d’exclusion de Tchornobyl. S’il est difficile d’évaluer les conséquences d’un conflit, voici quelques points d’information. Nous suivons de près l’évolution de la situation sur place et cette page sera régulièrement mise à jour :

  • 25 février 2022, attaque de la centrale de Tchornobyl par les armées de la fédération de Russie
  • 4 et 5 mars 2022, attaque de la centrale de Zaporizhzhia par les armées de la fédération de Russie
  • 6 et 7 mars 2022, bombardement d’une source de neutrons à Kharkiv, suite à son bombardement
  • 9 mars 2022, alimentation électrique de la centrale de Tchornobyl coupée
  • 10 mars 2022, l’industrie nucléaire française maintient ses contrats avec la Russie – transformateur électrique endommagé à Zaporizhzhia – source de neutron bombardée une deuxième fois
  • 13 mars 2022, électricité rétablie à Tchornobyl
  • 14 et 15 mars 2022, la ligne électrique vers Tchornobyl à nouveau coupée puis rétablie et des explosions ont eu lieu à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
  • 17 au 19 mars 2022, deux lignes électriques coupées à Zaporizhzhia – une rétablie
  • 22 et 24 mars 2022, des incendies sont signalés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
  • 26 au 28 mars 2022, les troupes de la Fédération de Russie s’emparent de Slavutych, ville où loge le personnel de Tchornobyl et bombardent à nouveau la source de neutrons de Kharkiv
  • 30 et 31 mars 2022, l’armée de la Fédération de Russie se retire de Tchornobyl
  • 6 avril 2022, vidéo des tranchées creusées par l’armée d’occupation dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
  • 9 avril 2022, niveaux de radiations dans les zones occupées de Tchornobyl
  • 20 avril 2022, rétablissement des communications directes avec la centrale de Tchornobyl – la centrale de Zaporizhzhia est toujours occupée sans inspection possible
  • 5 et 12 mai 2022, des nouvelles de Tchornobyl
  • 19 mai 2022 : la Russie veut accaparer le Sud de l’Ukraine et lui vendre l’électricité fournie par la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
  • 2 juin 2022 : bilan du pillage de l’armée russe à Tchornobyl
  • 3 juin 2022 : pénurie de pièces détachées et de consommables à la centrale de Zaporizhzhia
  • 5 juin 2022 : un missile basse à basse altitude au-dessus de la centrale nucléaire du Sud.
  • 20 juillet 2022 : mission de Greenpeace dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
  • 5 – 13 août 2022 : bombardements à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
  • 25-26 août 2022 : centrale nucléaire de Zaporizhzhia totalement coupée du réseau électrique
  • 1er – 3 septembre 2022 : mission de l’AIEA à la centrale de Zaporizhzhia – cas de torture
  • 9 – 17 septembre 2022 : situation de plus en plus tendue à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
  • 19 septembre 2022 : la zone industrielle de la centrale nucléaire de Pivdennoukrainsk bombardée
  • 21 septembre 2022 : la centrale de Zaporizhzhia à nouveau bombardée et l’alimentation électrique du réacteur n°6 temporairement coupée
  • 27-30 septembre 2022 : l’AIEA fait part d’explosions sur le site de la centrale de Zaporizhzhia
  • 1-3 octobre 2022 : arrestation du directeur de la centrale de Zaporizhzhia par les troupes d’occupation
  • 5 octobre 2022 : la Russie annonce prendre le contrôle de la centrale de Zaporizhzhia, qui sera exploitée par Rosatom

Combats à Tchornobyl : quels risques liés à la radioactivité ?

Mis en ligne le 25 février 2022

Notre pensée va d’abord aux Ukrainiens victimes de cette guerre et à leurs proches. En ce qui concerne les risques secondaires par rapport à la guerre, liés au nucléaire, il y a de nombreuses sources d’inquiétude.

Tout d’abord, il y a le corium (mélange de combustibles fondus et de gravats) issu de l’accident nucléaire, mais il est protégé par le sarcophage et le dôme qui a été construit plus récemment. Une attaque sur un réacteur nucléaire en fonctionnement (il y en a 15 en Ukraine) aurait sûrement des conséquences beaucoup plus dramatiques du fait des radioéléments à vie courte comme l’iode-131 présents.

Il y a aussi des piscines d’entreposage des combustibles usés. Il y avait 21 000 assemblages à Tchornobyl il y a quelques années, selon le Journal de l’énergie. Un transfert de ces combustibles vers un entreposage à sec voisin a débuté en 2020 (source). Les conteneurs d’un entreposage à sec sont a priori robustes, mais jusqu’à quel niveau ? Une brèche sur une piscine suite à une attaque pourrait rendre le refroidissement difficile et entraîner des rejets massifs. Ce problème existe aussi pour les centrales nucléaires en fonctionnement car ces entreposages sont mal protégés contre les agressions extérieures et il n’y a pas de confinement pour retenir une partie de la radioactivité qui pourrait être émise. Le maintien du refroidissement des piscines avait été une forte source d’inquiétude lors de la catastrophe de Fukushima et demeure un point de fragilité partout. L’ACRO avait contribué à l’étude de Greenpeace de 2017 sur le sujet.

La sécurité des installations nucléaires est aussi un souci majeur pour le club européen des autorités de sûreté (ENSREG) qui, dans une déclaration datée du 27 février, appelle la Fédération de Russie à respecter le droit international en laissant leur homologue ukrainien (SNRIU) à accéder aux centrales.

Le lac qui servait au refroidissement des réacteurs de Tchornobyl a été l’exutoire des forts rejets radioactifs et de déchets. Il est extrêmement contaminé. Une brèche dans la digue qui le sépare de la Pripiat pourrait entraîner une forte contamination de ce cours d’eau qui se jette dans le Dniepr. Or l’eau du Dniepr sert à l’approvisionnement en eau potable des 8 millions d’habitants de Kyiv. Nous avions déjà souligné ce risque dans l’étude que nous avons faite en sur le projet de voie fluviale E40.

Il y a aussi de nombreux sites de déchets radioactifs disséminés dans la zone d’exclusion, dont l’inventaire n’est pas toujours bien connu. Il est beaucoup plus difficile d’évaluer les risques. Enfin, si le conflit dans la zone devait se poursuivre jusqu’à l’été, un incendie de forêt entraînerait aussi une dispersion de particules radioactives.

Les débits de dose ambiant sur le site de la centrale contrôlés par des balises peuvent être consultés en ligne ici. Ils sont dans une zone où, rappelons-le, personne n’habite, mais où de nombreuses personnes travaillent. Les communiqués de l’AIEA n’apportent généralement aucune information.

Enfin, la menace de la Russie d’utiliser l’arme nucléaire est aussi extrêmement inquiétante. L’équilibre de la terreur supposée nous protéger d’un conflit direct entre puissances nucléaires fait peser une menace inacceptable et, en cas d’utilisation, il n’y aura que des perdants.

A noter qu’EDF et Framatome ont des accords de coopération et des contrats avec Rosatom en Russie.

Combats à la centrale de Zaporizhzhia

4 mars 2022

Comme mentionné dès le début de la guerre, le principal risque nucléaire, outre l’emploi de la bombe atomique, est une perte de contrôle d’un ou plusieurs des 15 réacteurs nucléaires en activité en Ukraine. Les combats autour de la centrale de Zaporizhzhya, avec ses 6 tranches, inquiètent l’ONU (communiqué du 2 mars 2022) et l’AIEA.

Cette centrale a été bombardée dans la nuit du 3 au 4 mars, vers 1h, entraînant un incendie d’un bâtiment administratif, qui a pu être maîtrisé. Les réacteurs seraient intacts, selon l’autorité de sûreté ukrainienne, même si un bâtiment auxiliaire de la première tranche a été endommagé, sans affecter la sûreté. C’est la première fois dans l’histoire qu’une centrale nucléaire en activité est bombardée. Elle est désormais aux mains de l’armée d’envahissement qui peut s’en servir pour faire du chantage. L’autorité de sûreté ukrainienne n’y a probablement plus accès.

Le 4 mars matin,

  • l’unité 1 était déjà à l’arrêt ;
  • les unités 2, 3 ont été déconnectées du réseau et le refroidissement des installations nucléaires est en cours ;
  • l’unité 4 est en service à une puissance de 690 MW (60% de sa puissance) ;
  • les unités 5 et 6 sont en cours de refroidissement.

Dans une mise à jour publiée le 4 mars à 8h, l’autorité de sûreté ukrainienne précise que “la perte du refroidissement du combustible nucléaire entraînera des rejets radioactifs importants dans l’environnement. Par conséquent, un tel événement peut dépasser tous les accidents précédents survenus dans les centrales nucléaires, y compris l’accident de Tchornobyl et l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Il convient de rappeler qu’en plus des six unités de production d’électricité sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhya, il existe une installation d’entreposage de combustible nucléaire usé, dont l’endommagement par un bombardement entraînera également des rejets radioactifs.”

Dans un autre communiqué daté du 4 mars à 15h, mais mis en ligne en anglais plus tardivement,

  • le bâtiment du réacteur n°1 a été endommagé ;
  • deux obus ont touché l’entreposage à sec des combustibles usés ;
  • le personnel sur place a dû rester en poste depuis plus de 24 heures.

Par ailleurs, selon ce nouveau communiqué, le réacteur n°2 alimente en électricité la centrale, le n°3 a été déconnecté et devrait être en “arrêt à froid” et le 4 continue à produire.

L’AIEA n’apporte aucune information complémentaire. Greenpeace a publié une note détaillée sur les installations nucléaire ukrainiennes et les risques potentiels. Dans un entretien avec Le Monde, Petro Kotin, président de l’entreprise qui exploite la centrale, les bombardements ont aussi fait trois morts, tous employés, et deux blessés dont un est entre la vie et la mort. Le personnel continue son travail et l’armée russe contrôle la direction de la centrale.

Quant à Tchornobyl, le personnel sur place serait toujours l’otage des forces d’occupation, selon The Kyiv Independent, et serait épuisé physiquement et mentalement.

A noter qu’un site d’entreposage des déchets radioactifs à Kyiv a été bombardé, sans conséquences radiologiques.

En France, dès le 4 mars matin, l’ASN a activé son centre d’urgence en mode veille afin de suivre l’évolution de la situation dans les installations nucléaires en Ukraine. Par ailleurs, nous avons été sollicités par les médias à propos de l’iode, qui ne protège que la thyroïde des retombées radioactives en iode-131. Pour rappel, en France métropolitaine, moins de 5% de la population bénéficie de comprimés d’iode à la maison pour protéger sa thyroïde en cas d’accident nucléaire, contrairement à la Belgique où tout le pays est couvert. Nous avions réclamé, en vain, l’extension de la distribution à au moins 100 km autour des installations nucléaires françaises.

Le rapport de l’ACRO sur les plans d’urgence nucléaire en France date de 2016, mais est malheureusement toujours d’actualité car aucun progrès significatif n’a été fait depuis.

Le 5 mars, l’autorité de régulation nucléaire ukrainienne a mis en ligne une simulation des retombées radioactives en cas d’accident grave sur une des 6 tranches de la centrale de Zaporizhzhya. Ce jour là, les vents se dirigent opportunément vers la Russie…

Dans un autre communiqué publié le même jour à 8h, l’autorité de régulation précise que le réacteur n°2 est connecté au réseau et fournissait une puissance de 750 MW et que l’unité 4 fonctionne à 980 MW, c’est à dire presque à pleine puissance. Pas de changement pour les autres tranches qui sont arrêtées ou en cours de refroidissement.

L’AIEA a aussi publié un communiqué qui n’apporte aucune information supplémentaire si ce n’est que, selon l’exploitant, Energoatom, le personnel sur place depuis le 23 février a enfin pu être remplacé.

Bombardement d’une source de neutrons à Kharkiv

Le 6 mars 2022, l’Autorité de régulation nucléaire annonce la destruction de la source de neutrons sous-critique de Kharkiv, qu’elle qualifie de “terrorisme nucléaire”. Située au Kharkiv Institute of Physics and Technology, elle aurait été bombardée. Elle venait d’être rechargée en combustible nucléaire neuf et avait été mise à l’arrêt le 24 février, premier jour de l’invasion russe. L’Autorité liste les équipements détruits, mais ne donne pas d’information relative à la sûreté.

A noter qu’un missile Grad a frappé des civils qui faisaient la queue pour acheter de la nourriture dans cette même ville le 6 mars matin.

La centrale de Tchornobyl continue d’être sous le contrôle de l’envahisseur où le personnel fait son travail sans rotation depuis 11 jours, selon un communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire qui n’a plus de liaison directe avec la centrale. De nombreux détecteurs qui surveillent l’état des installations ont été détruits et il n’est pas possible de les réparer. L’Autorité de contrôle signale “une tendance à la détérioration pour un certain nombre d’indicateurs, en particulier la concentration de radionucléides à longue durée de vie dans l’atmosphère. L’occupant viole gravement les exigences de radioprotection et la procédure stricte de contrôle d’accès dans l’entreprise et dans la zone d’exclusion. En particulier, l’agresseur néglige les exigences relatives à l’utilisation obligatoire de sas, au changement de vêtements et de chaussures lors de la visite de zones “sales” de l’entreprise, à la décontamination, entreprend des mouvements incontrôlés de personnel et d’équipements militaires dans l’entreprise, dans la zone d’exclusion et au-delà de ses limites. Cela entraîne à son tour une détérioration de la situation radiologique dans l’entreprise et dans la zone d’exclusion, et contribue à la propagation de la contamination radioactive en dehors de la zone d’exclusion de Tchornobyl.”

La centrale nucléaire de Zaporizhzhia est aussi sous contrôle de l’armée d’occupation. L’autorité de régulation signale une coupure des communications internet et mobile avec la centrale et la forte pression sur les employés qui sont coupés des leurs et manquent d’alimentation.

Enfin, les autorités ukrainiennes et l’exploitant nucléaire ont lancé un appel à l’ONU, l’OSCE et l’UE pour qu’elles interviennent afin d’éviter une catastrophe nucléaire majeure. Dans un communiqué, l’ENSREG, qui regroupe les autorités de sûreté nucléaire européennes, condamne fortement les attaques contre des installations nucléaires par les forces russes et demande à l’armée de quitter les sites afin de garantir la sûreté. Elle signale qu’à Tchornobyl, il ne reste qu’une seule ligne électrique sur 3 pour alimenter la centrale et que les générateurs diesel de secours n’ont du carburant que pour 48 heures. Enfin, les membres de l’ENSREG salue le travail de leur homologue ukrainien dans ces conditions extrêmement difficiles.

L’électricité est indispensable pour garantir le refroidissement des réacteurs arrêtés. La perte de toute alimentation électrique suite au séisme et tsunami au Japon avait conduit à la catastrophe de Fukushima en mars 2011. A Tchornobyl, les combustibles usés sont assez anciens pour que cela ne soit plus un problème. En revanche, c’est un des principaux risques sur les autres centrales en activité. A Tchornobyl, une coupure de courant signifierait l’arrêt de tous les systèmes de surveillance.

Le communiqué du 6 mars de l’AIEA ne contient aucune information supplémentaire.

Le 7 mars, l’autorité de régulation nucléaire a publié des informations complémentaires sur l’état de la source de neutrons et des photos des dégâts. La situation radiologique sur le site est normale. A la centrale de Zaporizhzhia, il y a des problèmes de connexion internet et d’accès à la nourriture. L’occupation du site par l’envahisseur provoque beaucoup de stress chez les opérateurs. Seuls deux réacteurs fonctionnent car des lignes électriques ont été détruites et il n’est pas possible de distribuer plus d’électricité.

Le 8 mars, la situation n’a pas changé dans les centrales occupées, mais l’horreur continue en Ukraine : l’armée de la Fédération de Russie aurait détruit une soixantaine d’hôpitaux en Ukraine, selon The Kyiv Independent. Et au centre d’oncologie de Kharkiv, il y a des sources radioactives. L’autorité de régulation nucléaire a mis en ligne une nouvelle simulation des retombées radioactives en cas d’accident nucléaire grave et lance un appel à l’aide car les efforts des autres pays n’ont abouti à rien.

L’AIEA, dans son bulletin quotidien, précise que le personnel à Tchornobyl n’a toujours pas pu être remplacé, ce qui inquiétant pour la sûreté. En revanche, pour les autres installations, y compris la centrale de Zaporizhzhia occupée, la relève est possible. De plus, l’AIEA précise que la connexion aux instruments de mesure à Tchornobyl est perdue.

Alimentation électrique de la centrale de Tchornobyl coupée

L’Autorité de régulation nucléaire signale que la seule ligne électrique qui alimentait la centrale nucléaire de Tchornobyl a été coupée le 9 mars à 11h22. Les diesels de secours n’ont une réserve d’essence que pour 48h. La situation est donc critique, mais, comme les 20 000 assemblages de combustibles usés sont anciens, le dégagement thermique est moindre que dans une centrale en activité. Le refroidissement passif pourrait suffire. En revanche, l’absence d’accès aux capteurs rend tout contrôle impossible.

Le site Internet de l’Autorité de régulation nucléaire ukrainienne ne répond plus ce 9 mars au soir. Dans son communiqué quotidien du 9 mars 2022 l’AIEA précise avoir perdu la connexion avec la centrale de Zaporizhzhya et n’a donc plus accès aux informations qui devraient lui être remontées régulièrement.

Pour ce qui est de la source de neutrons, elle a été complètement arrêtée, selon un communiqué de l’autorité de régulation et les niveaux de radiations ambiants sont normaux.

L’industrie nucléaire française maintient ses contrats avec la Russie et transformateur électrique endommagé à Zaporizhzhia

Présentation surréaliste d’EDF mardi 8 mars devant le HCTISN (document présenté) : il n’est jamais fait mention de la guerre en Ukraine et des sanctions économiques envers la Russie. L’uranium de retraitement réenrichi en Sibérie sera chargé dans les réacteurs de Cruas en 2023, comme si de rien était. Interrogée à plusieurs reprises sur l’impact du conflit en cours, EDF refuse de répondre. Le Haut Comité à la TRANSPARENCE et à L’INFORMATION ne serait pas le lieu pour parler de ce sujet. Le même jour, Le Figaro révèle que l’Etat français est prêt à céder 20% d’Arabelle – les turbines nucléaires rachetées par EDF – au russe Rosatom.

L’industrie nucléaire n’est pas la seule à vouloir maintenir ses contrats avec la Russie à tout prix. Mais il y a urgence à accentuer les sanction contre la Russie car chaque jour qui passe, ce sont des décès et des destructions en plus. Et si le conflit se poursuit, il y aura des pénuries alimentaires dans plusieurs autres pays. Les contrats sur l’uranium de retraitement n’ont aucun impact sur notre approvisionnement énergétique. Ils doivent être suspendus immédiatement.

Serge Haroche, prix Nobel de physique, souhaite, dans une tribune au Monde, des sanctions sévères pour que l’on puisse “nous regarder en face avec moins de honte”.

A la centrale de Zaporizhzhia, un transformateur électrique de la tranche n°6 a été endommagé selon l’Autorité de régulation nucléaire. Faute de pièces et de personnel spécialisé, il n’est pas possible de faire des réparations et de poursuivre les travaux de maintenance. De plus, il y aurait des obus qui n’ont pas explosé sur le site de la centrale et, notamment, dans le bâtiment administratif qui a brûlé lors de l’attaque. Enfin, le site reste sous le contrôle de l’armée d’occupation qui auraient miné un réservoir, selon The Kyiv Independent et deux des lignes à haute tension sont coupées, ainsi que les liaisons internet, ce qui rend le contrôle à distance impossible.

A Tchornobyl, le courant aurait été rétabli par la Biélorussie, selon le ministre de l’énergie russe cité par Reuters. L’AIEA n’est pas en mesure de confirmer cette information. Et le communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire ne fait aucune mention du retour de l’électricité. En cas de coupure complète de l’alimentation électrique, une fois le diesel consommé, la ventilation de la piscine de combustibles usés, avec 19 442 assemblages, s’arrêterait et l’hydrogène pourrait s’accumuler, entraînant ainsi un risque d’explosion. Ce risque n’est pas évoqué dans la note de l’IRSN du jour, ni dans celle de l’AIEA. Cependant, dans un message envoyé à l’ACRO, l’IRSN précise que l’accumulation d’hydrogène est assez lente et qu’il devrait être possible d’aérer les locaux en ouvrant le bâtiment.

Dans un communiqué du 11 mars 2022, l’Autorité de régulation nucléaire ukrainienne précise que le courant n’a toujours pas été rétabli à Tchornobyl, mais que du diesel a été apporté pour les générateurs de secours et que des réparations ont lieu sur les lignes électriques.

La source de neutrons a été bombardée une deuxième fois, le 10 mars 2022 au soir, selon un communiqué de l’autorité de régulation nucléaire ukrainienne, mais les dommages seraient mineurs. Pas de changement à la centrale de Zaporizhzhia, selon un autre communiqué. Mais, selon l’exploitant cité par Reuters, la Russie a tenté de prendre le contrôle de la centrale nucléaire de conception soviétique en y envoyant des cadres de Rosatom, l’exploitant nucléaire Russe. Celui-là même qui devait prendre 20% des turbines Arabelle, en partenariat avec EDF.

Le communiqué du 11 mars au soir de l’AIEA n’apporte aucune information supplémentaire ni analyse. Il ne sert qu’à mettre en scène le patron de l’organisation. Par ailleurs, selon la FAO, 8 millions à 13 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de la faim dans le monde à cause de cette guerre.

Dans un communiqué daté du 12 mars, l’autorité de régulation nucléaire ukrainienne confirme la présence d’au moins 11 personnes de Rosatom sur le site de la centrale de Zaporizhzhia, mais qui n’interféreraient pas avec les opérations. La centrale est toujours exploitée par le personnel d’Energoatom. Cet article de la pravda ukrainienne donne deux versions des faits : d’après le président d’Energoatom, les cadres de Rosatom auraient annoncé à la direction de la centrale vouloir diriger les opérations car les installations appartiendraient désormais à la Russie. Mais, ces cadres auraient affirmé aux médias être là “pour évaluer la sûreté nucléaire et radiologique après le bombardement et la saisie de la centrale, ainsi que pour apporter une aide aux réparations”.

Electricité rétablie à Tchornobyl

La Pravda de Kyiv rapporte, le 13 mars 2022, que l’Ukraine a rétabli l’électricité à la centrale nucléaire de Tchornobyl, permettant ainsi un refroidissement stabilisé des combustibles usés, et dans la commune voisine de Slavutych. La zone est toujours occupée par l’armée de la Fédération de Russie et le personnel sur place (211 personnes) n’a pas été relevé depuis le début de l’offensive, le 24 avril dernier. Il serait épuisé.

Ligne vers Tchornobyl à nouveau coupée, puis rétablie et explosions à la centrale de Zaporizhzhia

La compagnie Energoatom signale sur Telegram que l’armée d’occupation a de nouveau endommagé la ligne électrique vers Tchornobyl. L’électricité avait été rétablie la veille à 19h07, selon la Pravda de KyivToujours sur Telegram, Energoatom signale que l’armée d’occupation a fait exploser des munitions sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia et le personnel a dû se mettre à l’abri.

L’AIEA, dans son communiqué du soir, confirme aussi la nouvelle coupure de courant, mais signale que la ligne a déjà pu être réparée. Tant mieux ! Pour ce qui est des explosions de munitions, l’organisation dit chercher des informations. Le 15 mars, dans un communiqué, l’Autorité de régulation nucléaire explique que, la veille, les forces d’occupation russes ont fait exploser des munitions qui n’avaient pas explosé lors du bombardement du site le 4 mars 2022 et ce, à proximité immédiate des groupes électrogènes. Elle souligne que l’utilisation d’armes dans les installations nucléaires, y compris l’élimination par détonation des munitions, constitue une menace pour la sécurité des installations nucléaires.

Le ministère des affaires étrangères russe, accuse l’Ukraine de sabotage de ses propres installations, avec la complicité des Etats-Unis et de l’OTAN. Aussi crédible que la “dénazification” du pays… Pendant ce temps là, la guerre continue, les victimes s’accumulent et de nombreuses compagnies françaises refusent toujours de suspendre leurs contrats avec la Russie.

Dans un courrier mis en ligne sur le site de l’Autorité de régulation nucléaire Ukrainienne, Greenpeace dénonce que Mikhail Chudakov, Directeur général adjoint de l’AIEA était, jusqu’en 2015, Directeur général adjoint de Rosatom, la compagnie russe qui est au côté des troupes d’occupation à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Elle demande qu’il soit démis de ses fonctions à l’AIEA car il pourrait transmettre des informations confidentielles à l’envahisseur.

Une troisième ligne électrique coupée à Zaporizhzhia

Le 17 mars 2022, dans un communiqué, l’Autorité de régulation nucléaire indique que le 16 mars à 14h29 une troisième ligne électrique a été coupée à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. La centrale a dû réduire sa puissance et ne produire que ce qui peut être évacuer par le réseau électrique. Il ne resterait plus qu’une ligne. Si elle est coupée, la centrale doit s’arrêter et n’a plus que les groupes électrogènes comme source d’énergie. La situation pourrait alors devenir critique.

La centrale est toujours occupée, mais exploité par le personnel ukrainien qui peut se relayer. L’autorité a mis en ligne une simulation des rejets radioactifs en cas d’accident grave : ils pointent vers la Turquie.

A l’inverse, à Tchornobyl, le personnel est toujours otage des troupes d’occupation et n’a pas pu être remplacé depuis le 24 février. Il en est donc à son 22 ème jour consécutif sur place et est épuisé, tant physiquement que moralement, selon le point quotidien effectué par l’autorité de régulation. Le système de surveillance automatique n’a pas été restauré.

Toujours selon l’autorité de régulation nucléaire, l’alimentation électrique de la source de neutrons de Karkiv a aussi été coupée, sans que cela n’engendre de risque particulier.

Le 18 mars, l’Autorité de régulation nucléaire, fait état d’une coupure temporaire de la ligne électrique de secours qui relie la centrale nucléaire de Zaporizhzhia à une centrale thermique voisine. Cette ligne peut fournir du courant à la centrale nucléaire en cas d’arrêt total de la production électrique, afin de maintenir le refroidissement des combustibles nucléaires. La coupure a eu lieu le 17 mars vers 14h et a été rétablie vers 20h. Sachant qu’il y a 3 lignes haute-tension pour la distribution du courant sur 4 de coupées, la centrale nucléaire était dans une situation vulnérable.

Le site et les environs sont toujours occupés par les troupes de la Fédération de Russie et seules deux tranches produisent du courant car il n’y a pas assez de lignes électriques pour évacuer la production électrique.

Le 19 mars, l’Autorité de régulation nucléaire annonce qu’une des lignes HT (celle dénommée “Kakhovska”) qui dessert la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a été rétablie le 18 mars à 19h48. Cela fait donc un total de 3 lignes disponibles si l’on inclut la ligne de secours vers la centrale thermique. Bonne nouvelle ! La centrale va probablement pouvoir augmenter sa production.

A Tchornobyl, le personnel est toujours otage des troupes d’occupation, depuis 24 jours ! Mais, le 20 mars, selon The Kyiv Independent, 64 personnes retenues à Tchornobyl ont pu partir et être remplacées par 46 volontaires. Et le 21 mars, l’AIEA rapporte que tous les autres ont aussi pu être remplacés.

Des incendies sont signalés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl

Plusieurs incendies ont été signalés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl, selon The Guardian du 22 mars 2022, qui relaie un communiqué du parlement ukrainien. Sept feux auraient été repérés par le satellite Sentinel de l’ESA. Les balises de surveillance de la radioactivité étant débranchées dans la zone, il est difficile d’évaluer l’impact. Cependant, l’AIEA, dans son communiqué du 23 mars, signale une légère augmentation des niveaux de césium-137 à Kyiv et dans des centrales nucléaires de l’Ouest de la zone, mais sans donner aucun chiffre, comme à son accoutumé.

Les autorités ukrainiennes expliquent que la plupart des incendies ont été localisés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl. Une trentaine aurait déjà éclaté depuis le début de l’invasion, sans propagation grâce aux conditions météo. L’IRSN a publié une note avec quelques valeurs de contamination. Plus inquiétant, l’armée russe a attaqué Slavutych où loge une partie du personnel de Tchornobyl, ce qui empêche toute rotation sur le site de la centrale, selon l’autorité de régulation nucléaire.

L’armée de la Fédération de Russie s’emparent de Slavutych, ville où loge le personnel de Tchornobyl

Selon the Kyiv Independent, les troupes d’occupation se sont emparées de la ville de Slavutych, ville où loge le personnel de Tchornobyl, rendant toute relève impossible sur le site de la centrale nucléaire. Le maire aurait été kidnappé pendant un temps, le 26 mars 2022.

La source de neutrons de Kharkiv a aussi été une nouvelle fois bombardée par les troupes d’occupation le 26 mars 2022. Et selon un communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire, le bâtiment qui abrite la source a été endommagé.

Par ailleurs, le 27 mars 2022, le ministère de l’énergie d’Ukraine a annoncé avoir demandé l’expulsion de la Russie de l’AIEA pour terrorisme nucléaire, selon UkInform.net, où, a minima, la réduction de son rôle en retirant tous les postes clés aux représentants de la Fédération de Russie.

La source de neutrons a été de nouveau bombardée le 28 mars 2022, selon l’Autorité de régulation nucléaire. Comme la stratégie des troupes d’occupation est de raser certaines villes, comme Marioupol, au péril de nombreuses vies humaines, ce ne sont pas quelques éléments radioactifs qui vont les arrêter…

L’armée d’occupation aurait commencé à se retirer de Tchornobyl

Selon l’AFP (30 mars 2022), qui cite un haut responsable du Pentagone, les forces d’occupation de la Fédération de Russie auraient commencé à se retirer du site nucléaire de Tchornobyl, sous leur contrôle depuis le premier jour de l’invasion, pour aller au Bélarus. Le 31 mars 2022, ils auraient entièrement quitté le site nucléaire et se prépareraient à quitter aussi Slavutych, la ville qui héberge le personnel, selon Radio Free Europe, financée par les Etats-Unis. Energoatom, qui gère la centrale, confirme sur Telegram qu’il n’y a plus de soldat sur le site nucléaire et indique sur Telegram que les soldats seraient malades après avoir creusé des tranchées dans la zone d’exclusion très contaminée. Certains médias mentionnent que des soldats sont hospitalisés à Gomel, au Bélarus, mais cela reste à confirmer (Cf le message Telegram d’Energoatom). Le Monde mentionne aussi que les troupes de la Fédération de Russie ont pillé le site nucléaire et pris des otages, rapportant un message Telegram d’Energoatom, qui complète en précisant qu’il s’agit de cafetières, bouilloires, ordinateurs… et du pillage d’un hôtel voisin. Dans un communiqué daté du 1er avril 2022, l’Autorité de régulation nucléaire confirme le départ des troupes d’occupation et dit vouloir reprendre les contrôles dans la zone.

Dans son étude sur le corridor fluvial E40, l’ACRO avait estimé les doses qui pouvaient être prises par des travailleurs engagés dans la construction d’un barrage dans la zone d’exclusion de Tchornobyl. L’exposition externe pourrait atteindre 15 mSv pour 2 000 heures de présence et l’inhalation de poussières, plus difficile à évaluer, pourrait atteindre des niveaux similaires. Les soldats russes ont passé moins de la moitié de ce temps dans la zone d’exclusion. Ce sont des niveaux qui dépassent largement la limite annuelle pour le public (1 mSv/an), mais qui n’entraînent pas une hospitalisation.

Vidéo des tranchées creusées par l’armée d’occupation dans la zone d’exclusion de Tchornobyl

Le 6 avril 2022, la compagnie Energoatom a publié sur son compte Telegram une vidéo aérienne des tranchées qui auraient été creusées par les troupes d’occupation dans la zone d’exclusion de Tchornobyl :

Et l’Agence d’Etat qui gère la zone d’exclusion de Tchornobyl a mis en ligne des photos de la zone interdite et des bureaux des compagnies publiques qui travaillent sur place, montrant un pillage systématique par les troupes d’occupation.

Vidéo mise en ligne le 7 avril 2022 des tranchées qui auraient été creusées par l’armée russe près de la centrale de Tchornobyl. Des mesures de débit de dose sont faites dans la tranchée, mais aucune valeur n’est donnée.

Niveaux de radiations dans les zones occupées de Tchornobyl

9 avril 2022 : Plusieurs personnes se sont rendues dans la zone d’exclusion de Tchornobyl où des tranchées auraient été creusées par les troupes d’occupation de la fédération de Russie. Petro Kotin, le président d’Energoatom, a mesuré entre 3,2 et 4 µSv/h, selon un message Telegram, accompagné de photos et d’une vidéo :

Ce sont des niveaux élevés qui correspondent à peu près au seuil fixé pour l’évacuation des habitants à Fukushima (3,8 µSv/h), mais, en supposant qu’une personne reste continument dans la tranchée pendant 30 jour, elle prend donc une dose externe de moins de 3 mSv environ.

CNN y est aussi allé avec le ministre de l’intérieur et a rapporté des images vidéo. La chaîne montre un débit de dose de 11 µSv/h près du sol. En restant sur place 30 jours, la dose externe serait de 8 mSv. La BBC aussi, mais ne donne pas d’information sur les niveaux de radiation.

Même en prenant en compte l’inhalation de poussières radioactives, de tels niveaux ne correspondent pas à une irradiation aigüe, comme nous l’avions déjà souligné le 1er avril dernier. Ils ne peuvent donc pas être responsables de l’hospitalisation de soldats, comme cela a été avancé.

Par ailleurs, l’Agence d’Etat en charge de la gestion de la zone d’exclusion rapporte que les serveurs qui gèrent les 39 balises de contrôle de la radioactivité ont été pillées par l’armée d’occupation. Il n’est donc pas possible d’accéder aux données. Elle aurait aussi perdu ses archives.

Rétablissement des liaisons directes avec la centrale nucléaire de Tchornobyl

Selon un communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire, sa liaison directe avec la centrale nucléaire de Tchornobyl est rétablie depuis le 19 avril 2022. Les informations quotidiennes radiologiques et sur l’état de sûreté des installations sont transmises. La rotation du personnel se déroule de manière planifiée. Le déminage du site est toujours en cours par les forces de sécurité. Et des inspections sont menées pour faire un inventaire des matières radioactives et des équipements de surveillance et de contrôle.

La route entre Tchornobyl et Slavutych passant par le Belarus, elle n’est plus empruntée et le personnel est transporté par bateau sur la Pripyat.

Par ailleurs, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia est toujours sous occupation russe avec la présence d’ingénieurs de Rosatom, et il n’est pas possible à l’Autorité de régulation nucléaire d’y mener des inspections, ce qui représente une violation des règles élémentaires de sûreté, comme le rappelle l’Autorité de régulation, dans un communiqué.

Le 5 mai, l’Autorité de régulation nucléaire a annoncé avoir retiré l’accréditation à plusieurs compagnies qui intervenaient à Tchornobyl, non pas à cause de leur faute, mais à cause des risques qui font suite à l’occupation du site. Il n’est plus possible d’y mener des opérations de routine. Et le 12 mai, l’Autorité de régulation signale que la transmission des données depuis Tchornobyl a été rétablie.

Le 19 mai, des membres du gouvernement russe ont déclaré vouloir accaparer tout le Sud de l’Ukraine et récupérer l’exploitation de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. L’électricité servira à la Russie et pourrait être vendue à l’Ukraine, selon l’AFP. Energoatom, l’exploitant, a réagi violemment sur Telegram en précisant qu’il contrôlait toujours la centrale, qu’il n’y avait pas de ligne pour acheminer l’électricité en Russie et que l’Ukraine ne payerait jamais. Et de rappeler que le réseau électrique ukrainien était désormais relié à l’Europe. Mais la Russie devait sûrement parler des régions qu’elle compte annexer.

Le 2 juin 2022, le Washington Post fait un bilan des dommages causés par l’armée de la Fédération de Russie lors de son occupation de la centrale de Tchornobyl : 698 ordinateurs, 344 véhicules, 1 500 dosimètres, des logiciels et presque toutes les pièces des systèmes de protection incendie, pillés ou simplement détruits. Et l’inventaire n’est pas terminé. Neuf personnes y ont été tuées et cinq prises en otage. Le coût des dommages s’élèverait à 135 millions de dollars. Mais, le dommage le plus important est sûrement l’impact psychologique de la guerre et de l’occupation. 36 ans après la pire catastrophe nucléaire de l’histoire, environ 6 000 personnes y travaillent quotidiennement.

Le 3 juin 2022, l’agence Reuters rapporte que la centrale nucléaire de Zaporizhzhia est confrontée à une grave pénurie de pièces de rechange et de matériel consommable qui menace la sécurité de ses opérations, citant le service de renseignement du ministère de la Défense ukrainien. Les rotations de personnel à la centrale nucléaire ont lieu une fois par semaine. Cette information n’a pas été du goût de l’exploitant, Energoatom, qui a violemment réagi sur Telegram.

Le 5 juin 2022, un missile tiré l’armée russe est passé à relativement basse altitude au-dessus de la centrale nucléaire du Sud. Voir les images publiées sur le fil Telegram de l’exploitant :

Le 20 juillet 2022, Greenpeace a rendu compte de sa mission dans la zone d’exclusion de Tchornobyl à l’invitation des autorités ukrainiennes. Son communiqué de presse ne fait pas état de niveaux de contamination inattendus pour cette zone, mais l’organisation souligne que ses valeurs sont jusqu’à 3 fois plus élevées que les relevés effectués par l’AIEA. Ce n’est pas étonnant. Dans son étude sur le projet de voie fluvial E40 qui devait traverser cette zone, l’ACRO avait déjà souligné le fait que l’AIEA sous-estimait l’impact de la pollution rémanente. La conférence de presse de Greenpeace peut être visionnée ici.

Greenpeace a effectué des mesures de débit de dose ambiant ainsi que des analyses d’échantillons de sols prélevés sur place. La vidéo des prélèvements est ici et les photos sont accessibles ici. Pour l’anecdote, l’appareil de terrain qui a servi à faire des analyses par spectrométrie a été testé et étalonné à l’ACRO avant le départ en mission.

Greenpeace a aussi diffusé une vidéo des dégâts dus aux pillages et sabotages de l’armée d’occupation. Enfin, l’organisation a publié une étude des images satellites de la zone lors de l’occupation russe.

Entre le 5 et le 13 août 2022, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a subi des dommages suite à des bombardements répétés. Selon l’exploitant, cette centrale, en zone occupée, serait minée et servirait d’entreposage d’armements afin de les protéger de bombardements ukrainiens. Seraient concernées, les salles des machines des unités 1 et 2, d’après un communiqué de l’autorité de régulation nucléaire daté du 5 août 2022. Une telle situation fait, bien évidemment, courir des risques inacceptables aux employés de la centrale et aux installations.

Le journal d’opposition russe, The Insider, a mis en ligne une vidéo où l’on voit des camions militaires russes livrer un engin dans le bâtiment réacteur de la centrale nucléaire : 

L’autorité de régulation fait état de trois bombardements le 5 août à partir de 14h30 dans un communiqué publié le soir même. Une station de production d’azote et un bâtiment auxiliaire auraient été endommagés. Une ligne haute tension a aussi été coupée. Dans une note publiée le 9 août, l’IRSN précise que l’unité n°3 a dû être mise à l’arrêt et que des générateurs diesels de secours ont été activés. Selon les autorités, il n’y aurait pas d’élévation des niveaux de radioactivité. Pour l’AIEA, cette attaque viole 6 piliers de la sûreté nucléaire : les bombardements menacent l’intégrité physique des installations, des installations de secours, augmentent le stress des employés, menacent la sécurité électrique des installations nécessaires au refroidissement des combustibles et rendent beaucoup plus difficile, voire impossible, la gestion de crise.

Le 6 août 2022, l’exploitant fait état d’un nouveau bombardement qui a endommagé l’installation d’entreposage à sec des combustibles usés avec ses 174 conteneurs de 24 assemblages chacun. Des fenêtres et trois balises de détection de la radioactivité auraient été détruites. Un employé a dû être hospitalisé. Selon l’exploitant, les occupants – des militaires et des employés de la compagnie russe Rosatom – se seraient mis aux abris avant l’attaque. Selon l’IRSN, les conteneurs n’auraient pas été endommagés.

Voir aussi la note de Wenra, le club des régulateurs nucléaires occidentaux.

Le 11 août 2022, l’exploitant rapporte de nouvelles attaques de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia sans dommages majeurs. Il publie des photos de la station de protection incendie touchée. Une station de pompage et des balises auraient aussi été touchées. Selon l’IRSN, la ligne électrique coupée quelques jours plus tôt a pu être réparée.

Les autorités ukrainiennes soupçonnent la Russie de vouloir couper l’alimentation électrique d’une partie de l’Ukraine et de rediriger la production de la centrale de Zaporizhzhia vers la Crimée. Des pylônes vers la Crimée ont donc été détruits, selon ce post Telegram daté du 11 août de l’exploitant nucléaire :

`

Selon cet article du 13 août 2022, les forces d’occupation recherchent les responsables de la destruction du pylône. Et, selon Reuters, la Russie accuse l’Ukraine des attaques contre la centrale nucléaire de  Zaporizhzhia.

Selon la BBC, le personnel sur le site de la centrale doit travailler dans des conditions très difficiles, sous la menace des armes. L’armée d’occupation contrôlerait les réseaux de téléphonie mobile et a coupé internet. L’accès à la nourriture y serait limité. La situation psychologique et matérielle des travailleurs augmente le risque d’accident. Des employés auraient aussi été kidnappés.

Rappelons qu’une perte de l’alimentation électrique de la centrale nucléaire pourrait entraîner un scénario à la Fukushima. Les diesels de secours auraient une réserve de fioul de 7 jours, selon WENRA (source). Par ailleurs, la présence d’explosifs sur le site conduit à d’autres scénarios “inimaginables”. Et, dans tous les cas, la catastrophe sera impossible à gérer, aussi bien à la centrale qu’à l’extérieur.

La centrale nucléaire de Zaporizhzhya aurait à nouveau été bombardée le 13 août 2022 selon l’Ukrainska Pravda. De nombreuses personnes quitteraient Enerhodar, la ville voisine occupée, de crainte d’un accident nucléaire comme on peut le voir sur cette vidéo :

Les 25 et 26 août 2022, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a été complètement coupée du réseau électrique pour la première fois de son histoire. Selon l’autorité de régulation, la connexion a été perdue à au moins deux reprises, le jeudi 25 août. Sans pouvoir évacuer l’électricité produite, il a fallu arrêter les réacteurs 5 et 6, les seuls encore en activité. Et comme de l’électricité est nécessaire au refroidissement des combustibles, les diesels de secours ont été mis en service. Sur le papier, selon les stress tests post-Fukushima, la centrale peut tenir 7 jours ainsi, mais il vaut mieux ne pas avoir à tester les limites en situation réelle…

Toujours selon l’autorité de régulation, les lignes électriques ont pu être rétablies le 26 août et les deux réacteurs nucléaires remis en service. A noter, que des canalisations d’eau ont aussi été endommagées. La situation sur place s’est approchée de celle de Fukushima où il y a eu perte de l’alimentation en eau et en électricité. Et c’est un personnel épuisé, en état de stress lié à l’occupation par l’armée russe qui a dû gérer cette situation.

Selon Energoatom sur Telegram, le feu a pris dans une centrale à charbon située près de la centrale et a endommagé la dernière ligne électrique disponible, les autres ayant été coupées par l’occupant.

Le 1er septembre 2022, une mission de 16 inspecteurs de l’AIEA, menée par son directeur général, a pu se rendre sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Cinq inspecteurs restent sur place. Le reste de la délégation est reparti au bout de quelques heures.

Le directeur de l’AIEA a déclaré aux médias avoir pu “rassembler beaucoup d’informations” et avoir “vu ce qu’il avait besoin de voir”. On n’en saura pas plus pour le moment. Et d’ajouter que l’intégrité physique de cette centrale avait été violée à plusieurs reprises, ce qui était déjà connu de tous.

Le réacteur n°5 a dû être à nouveau arrêté durant la nuit, suite à des bombardements. Le 6 reste en activité, selon l’autorité de régulation.

Le 2 septembre 2022, l’AIEA a dit que deux inspecteurs resteraient sur place. Quant à l’exploitant, il a remis en service le réacteur n°5.

Le quotidien britannique The Telegraph et le journal russe d’opposition The Insider rapportent que des employés de la centrale de Zaporizhzhia ont été torturés. Certains sont détenus dans des conditions très difficiles par l’armée russe.

Et, le 3 septembre 2022, toutes les lignes vers le réseau électrique sont à nouveau coupées, suite à des bombardements. Seule une ligne de secours vers la centrale thermique est disponible. Le réacteur n°5 a de nouveau été arrêté et l’électricité produite par le réacteur n°6 est évacuée vers la centrale thermique avant fournie au réseau, selon AIEA.

La présence d’inspecteurs internationaux n’apporte rien à la sécurité du site.

Le 5 septembre 2022, le dernière ligne électrique de secours a été coupée par des bombardements, selon l’exploitant, et la centrale est à nouveau complètement coupée du réseau, malgré la présence de l’AIEA. La puissance du réacteur n°6 a été fortement réduite pour ne fournir que l’électricité nécessaire à la centrale, selon l’AIEA. Selon l’IRSN, la fiabilité de cette disposition, qui n’est pas une disposition d’exploitation courante, est limitée. Ce n’est de plus pas une solution pérenne.

Par ailleurs, quatre des six représentants de l’AIEA ont achevé leur travail à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, selon l’exploitant, et ont quitté le site de la centrale. Il est prévu que les deux autres experts continuent à travailler à la centrale de manière permanente (voir aussi, en anglais).

Enfin, selon Le Monde, Enerhodar, la ville qui héberge les travailleurs de la centrale de Zaporizhzhia, se vide de ses habitants.

Le 7 septembre, l’AIEA a mis en ligne son premier rapport de mission à la centrale nucléaire de Zaporizhzhya. Pas grand chose de neuf. Après avoir rappelé que les 7 piliers de la sureté ont été violé, le rapport mentionne des dommages liés aux bombardements, avec deux photos. En toute logique, l’AIEA appelle à l’arrêt des combats, mais cela devrait être sans effet. L’organisation de l’ONU confirme aussi la présence de troupes russes, de matériel militaire, sans plus de précision, et d’ingénieurs de Rosatom, la compagnie russe. Et de demander le retrait des véhicules militaires. Le personnel ukrainien de la centrale, en nombre insuffisant, n’a pas librement accès à toutes les zones. A ces problèmes s’ajoute le stress permanent qui pause aussi des problèmes de sûreté. Et l’AIEA demande l’établissement d’un environnement de travail plus serein… et l’accès à toutes les zones. Idem pour les lignes électriques coupées, elles doivent être rétablies, ainsi que la fourniture de matériels nécessaires à l’exploitation de la centrale. Il faudrait aussi refaire des exercices de crise… Bref, il est difficile de voir ce qu’a apporté cette mission.

Le 9 septembre 2022, le DG de l’AIEA alerte que la ville d’Enerhodar, où loge le personnel de la centrale nucléaire de Zaporizhzhya, n’a plus de courant suite à des bombardements nocturnes. Cela signifie plus d’eau potable non plus. La situation y est devenue intenable et la fatigue du personnel rend la centrale nucléaire plus vulnérable. De nombreux opérateurs pourraient quitter la ville. Et comme les bombardements continuent, il est peu probable que la centrale puisse être reconnectée au réseau électrique et l’exploitant n’a plus aucun intérêt à garder un réacteur en fonctionnement, même réduit. Si ce réacteur est arrêté, la centrale ne sera plus refroidie qu’avec les diesels de secours. Et s’ils manquent de carburant ou s’ils tombent tous en panne, il n’y a plus de solution d’ultime secours. La situation de la centrale nucléaire est donc de plus en plus précaire.

Le 11 septembre 2022 à 3h41, le réacteur n°6 a été mis à l’arrêt, selon l’exploitant (voir aussi le communiqué de l’Autorité de régulation). Cela faisait trois jours qu’il était en situation d'”îlotage” avec une puissance réduite (114 à 140 MW) pour alimenter les seuls besoins de la centrale. Mais, comme une ligne électrique (celle de secours à 330 kV) a pu être rétablie la veille, afin d’assurer les besoins électrique, il n’était plus nécessaire de maintenir le réacteur n°6 dans cet état. L’électricité et l’eau courantes ont été rétablies à Enerhodar, mais la situation reste précaire et en cas de nouvelle coupure de la ligne, il faudra activer les générateurs diesels de secours. L’exploitant dit faire son possible pour accroître ses réserves de carburant, qui permettraient de tenir 10 jours, selon l’autorité de régulation nucléaire.

Et le 13 septembre 2022, selon l’AIEA, 3 lignes électriques ont été rétablies, ce qui est rassurant. Une fournit la centrale en courant et les deux autres sont là en secours. Il n’est pas question de remettre des réacteurs en service pour le moment. Le 17 septembre 2022, c’est au tour de la ligne haute tension de 750 kV d’être rétablie, selon l’AIEA. Les trois lignes  rétablies précédemment redeviennent des lignes de secours, ce qui renforce la sécurité de l’alimentation électrique du site et le maintien à froid des combustibles nucléaires. Il y a toujours trois lignes à haute tension de 750 kV de coupées. Par ailleurs, l’exploitant a augmenté ses réserves en diesel pour les générateurs de secours.

Le 19 septembre 2022, dans un communiqué, Energoatom accuse la Russie d’avoir bombardé une zone industrielle située à proximité de la centrale nucléaire du Sud (google map), à 00h20 locales. Une puissante explosion se serait produite à seulement 300 mètres des 3 réacteurs en fonctionnement. Elle n’a pas fait de morts ou de blessés, mais aurait soufflé une centaine de fenêtres dans le bâtiment de la centrale et provoqué une brève coupure de trois lignes de haute tension à la centrale. Une des unités hydroélectriques du barrage voisin a été arrêtée.

La compagnie a diffusé des images de l’explosion et des dégâts sur sa chaîne Telegram :

Le 21 septembre 2022 à 1h13, heure locale, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a de nouveau été bombardée, selon l’exploitant. Deux transformateurs ont été endommagés, entraînant la coupure de l’alimentation électrique du réacteur n°6. Deux générateurs diesel de secours ont été immédiatement mis en service pour assurer le refroidissement des combustibles usés. Vers 2h, le réacteur n°6 a pu être raccordé aux autres tranches de la centrale et les diesels de secours ont pu être arrêtés. L’exploitant impute le bombardement à la Russie et rappelle qu’il y a deux inspecteurs de l’AIEA sur place.

Et l’AIEA d’ajouter qu’un autre bombardement, le 20 septembre 2022, de l’un des bassins de refroidissement par aspersion du site. Un tuyau a été endommagé, mettant le bassin hors service en attendant les réparations. Espérons qu’il y a des systèmes d’adduction d’eau de secours, car à Fukushima, il y a eu coupure d’électricité et d’eau. De plus, des tirs d’obus ont également été signalés sur le site industriel autour de la centrale thermique, situé à quelques kilomètres.

Les 27 et 28 septembre 2022, l’AIEA fait part d’explosions sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Celles du 27 septembre auraient brisé des vitres dans un des bâtiments turbine. Et, le 28 septembre, l’AIEA fait part d’autres explosions qu’elle attribue, comme celles de la veille, à des passages d’animaux sur des mines. Et, le 30 septembre, l’AIEA signale dans un tweet qu’il y aurait eu 6 explosions de mines en une semaine.

Le 1er octobre 2022, le directeur de la centrale de Zaporizhzhia, Ihor Murashov, a été arrêté la veille vers 16h par les troupes d’occupation russes alors qu’il se rendait à Energodar, selon l’exploitant. L’AIEA a réagi immédiatement, selon un communiqué, et a demandé des explications à la Russie. Les explosions de mines sur le site de la centrale continuent. Et, le 3 octobre, il a été libéré et a pu rentrer chez lui, toujours selon l’exploitant qui souligne l’impact de la pression internationale et de l’AIEA.

Le 5 octobre 2022, un décret signé par le président Poutine prend possession de la centrale de Zaporizhzhia et en confie l’exploitation à une filiale de Rosatom enregistrée à Moscou, ce qui a provoqué l’ire de l’exploitant nucléaire ukrainien, Energoatom, dans un message Telegram :

L’autorité de régulation nucléaire, de son côté, a rappelé, dans un communiqué, que le décret du Président Poutine était sans valeur car elle était la seule habilité à délivrer des licences d’exploitation. Quant à l’AIEA, elle ne prend pas position dans son communiqué et dit vouloir engager des consultations… Son communiqué du 6 octobre est tout aussi ambigu : les derniers développements entraîneraient de la confusion sur qui à la charge de l’installation ! La réaction française, quant à elle, ne souffre d’aucune ambiguïté dans son affirmation de la pleine et entière souveraineté ainsi que la propriété de l’Ukraine sur la centrale nucléaire.


Iode

L’ACRO réclame depuis des années une extension de la distribution de comprimés d’iode au-delà des 20 km autour des centrales nucléaires françaises. Rappelons qu’en Suisse, cette distribution a été étendue à 50 km et en Belgique à 100 km. Mais, comme nous l’avons déjà souligné, en France métropolitaine, moins de 5% de la population bénéficiera de comprimés d’iode à la maison pour protéger sa thyroïde en cas d’accident nucléaire.

Quelle surprise donc de découvrir qu’en plein mois d’août 2022, des comprimés d’iode sont distribués à toute la population des Vosges, selon l’Est-Républicain, département où il n’y a pas d’installation nucléaire. Est-ce lié au risque d’accident à la centrale nucléaire de Zaporizhzhya en Ukraine ? Si oui, pourquoi seulement les Vosges ?

En fait, il ne s’agit pas d’une distribution à la population, mais seulement la reconstitution des stocks et une vérification que les infrastructures de distribution sont bien opérationnelles en cas de besoin. Certains maires auraient mal interprété le courrier de la préfecture et informé les habitants, par erreur. Voir un exemple de missive sur le site Internet du Républicain Lorrain. Par ailleurs, il n’y a aucune information relative à l’iode sur le site de la préfecture des Vosges et c’est bien dommage…


L’industrie nucléaire française n’a toujours pas rompu ses contrats avec l’industrie nucléaire russe, afin de maintenir l’illusion du recyclage de l’uranium de retraitement.

Le 7 avril 2022, le parlement européen a adopté une résolution réclamant l’imposition d’un embargo « total et immédiat » sur les importations « de pétrole, de charbon, de combustible nucléaire et de gaz » russes. Lire le communiqué. Mais, la résolution est non contraignante…

Et le 13 août 2022, le président Zelenskyy a appelé à des sanctions contre l’industrie nucléaire russe (source). EDF et Orano vont-ils enfin rompre leurs contrats avec Rosatom ?

Selon Greenpeace, le 24 août 2022, au port de Dunkerque, 52 fûts contenant de l’uranium enrichi en Russie ont été déchargés du cargo Mikhail Dudin en provenance de Saint-Pétersbourg. Ils ont ensuite été chargés dans des camions qui ont pris la direction de la vallée du Rhône, où se trouvent les sites nucléaires de Pierrelatte et de Romans-sur-Isère.

Protection radiologique des personnes et de l’environnement en cas d’accident nucléaire grave – Radiological Protection of People and the Environment in the Event of a Large Nuclear Accident

English below

Commentaires de l’ACRO sur le projet de rapport de la CIPR (les références sont à la fin du document, après la section en anglais) :

Un accident nucléaire ne peut pas être réduit à un problème de radioprotection car il a inévitablement des conséquences sociales, environnementales et économiques. La vie quotidienne des populations peut être profondément affectée. Ainsi, la CIPR propose une nouvelle publication sur les accidents graves qui concerne différents aspects de la réponse en prenant en compte tous les impacts. L’ACRO salue cette initiative mais regrette que le rapport soumis à la consultation du public ait des lacunes graves.

Niveaux de référence

Le principal problème concerne les niveaux de référence qui ne sont pas assez protecteurs. Tout d’abord, la CIPR considère « qu’il y a des preuves scientifiques fiables que l’exposition du corps entier à des niveaux supérieurs à 100 mSv peut augmenter la probabilité d’occurrence des cancers de la population exposée. En dessous de 100 mSv, la preuve est moins claire. Par prudence, la Commission suppose, pour toute la radioprotection, que même les faibles doses induisent une petite augmentation du risque » (22). Une telle affirmation ne prend pas en compte tous les résultats de la littérature scientifique. Dans les faits, ce projet de rapport reprend les niveaux de la publication 103 de la CIPR, qui sont les mêmes que ceux de la publication 60 qui remonte à 1990. Ces niveaux sont surtout basés sur le suivi des hibakusha de Hiroshima et Nagasaki (TD86). Il y a de nombreuses études en radiobiologie et en épidémiologie qui suggèrent fortement l’existence d’effets stochastiques en dessous de 100 mSv et que la relation linéaire sans seuil est basée sur des faits et pas seulement « sur une approche précautionneuse de la radioprotection ». Voir, par exemple, les réfs. [LD].

L’ACRO exhorte la CIPR à réduire les niveaux de référence et les limites qu’elle recommande.

Après un accident nucléaire, la CIPR recommande : « le niveau de référence pour la protection des intervenants après la phase d’urgence nucléaire ne doit pas dépasser 20 mSv par an. Pour les personnes qui vivent dans des zones durablement contaminées après la phase d’urgence, le niveau de référence doit être choisi dans ou sous l’intervalle de 1 à 20 mSv recommandé par la Commission pour ce qui est des situations d’exposition existantes, en prenant en compte la distribution des doses dans la population et la tolérance aux risques dans des situations d’exposition existantes durables. Et, d’une manière générale, il n’est pas nécessaire que le niveau de référence dépasse 10 mSv par an. L’objectif d’optimisation de la protection est une baisse progressive de l’exposition à des niveaux de l’ordre de 1 mSv par an » (j).

Comme cette position étant difficilement compréhensible, la CIPR ajoute : « La Commission considère que des expositions annuelles de l’ordre de 10 mSv durant les premières années du processus de réhabilitation, additionnées à l’exposition durant la phase d’urgence, pourraient conduire à une exposition totale plus grande que 100 mSv dans un temps relativement court pour les personnes affectées. Par conséquent, il n’est pas recommandé de sélectionner des niveaux de référence au-delà de 10 mSv par an quand il est estimé que de telles expositions peuvent durer plusieurs années, une fois que la phase de réhabilitation commence. De plus, l’expérience de Tchernobyl et de Fukushima a montré qu’avec des niveaux d’exposition de l’ordre de 10 mSv par an, il est difficile – étant données les multiples conséquences négatives, sociétales, économiques et environnementales associées à la présence durable d’une contamination radioactive et aux nombreuses restrictions imposées à la vie quotidienne par les actions de protection – de maintenir des conditions de vie, de travail et de production décentes et durables dans les zones affectées » (80).

L’introduction d’un nouveau niveau de référence à 10 mSv/an est bienvenu car le Japon, par exemple, maintient un niveau à 20 mSv/an depuis plus de 8 ans à Fukushima. La réduction progressive des niveaux d’exposition à des niveaux de l’ordre de 1 mSv/an, ou plus bas, n’est pas assez protectrice sans un échéancier. Par contraste, les directives des Etats-Unis requièrent le déplacement quand les personnes peuvent être exposées à 20 mSv ou plus durant la première année, et 5 mSv ou moins à partir de la seconde année. L’objectif à long terme est de maintenir les doses à ou en dessous de 50 mSv en 50 ans. Le guide des mesures de protection en cas de déplacement traite de l’exposition externe après le panache aux matières radioactives déposées et de l’inhalation de matières radioactives remises en suspension qui ont été initialement déposées au sol ou sur d’autres surfaces [USEPA1992, FEMA2013].

L’ACRO exhorte la CIPR à introduire d’autres niveaux de référence associés à un échéancier précis pour la dose cumulée au cours des années, comme aux Etats-Unis.

Il convient de garder à l’esprit que la population peut déjà avoir été exposée à des doses allant jusqu’à 100 mSv lors de la phase d’urgence.

En ce qui concerne la phase d’urgence, la CIPR déclare : « Pour l’optimisation des actions de protection durant la phase d’urgence, la Commission recommande que les niveaux de référence pour limiter l’exposition des populations affectées et des intervenants ne doit généralement pas dépasser 100 mSv. Cela peut être appliqué sur une période courte et, d’une manière générale ne doit pas dépasser un an » (77). Mais elle explique, plus loin, qu’« une situation d’exposition d’urgence peut être de très courte durée (heures ou jours), ou elle peut se prolonger sur une longue période (semaines, mois ou années) » (85). Une situation d’exposition d’urgence qui requiert des actions « urgentes » ne peut pas durer des mois, voire des années ! Ce n’est pas cohérent avec le niveau de référence de la CIPR pour les situations d’urgence qui ne doit pas dépasser un an. Si cette urgence dure plus d’un an, il n’y a plus de niveau de référence.

Par ailleurs, comme l’explique la CIPR, « pour les décisions prises lors de la phase d’urgence, dans l’éventualité d’un accident nucléaire, surtout dans les premier instants, le besoin d’agir rapidement ne permet pas l’implication des parties prenantes. » (51). Ainsi, l’extension de la situation d’urgence au-delà de durées raisonnables va entraver l’implication des parties prenantes.

Dans le cas de l’accident à la centrale de Fukushima dai-ichi, la CIPR rappelle que « le 22 avril 2011, les territoires situés au-delà de la zone de 20 km pour lesquels il a été estimé que la dose attendue en un an pouvait atteindre 20 mSv ont été désignés comme “zone d’évacuation intentionnelle”. Le gouvernement central a ordonné que la réinstallation des habitants des zones d’évacuation intentionnelle soit effectuée en à peu près un mois. Le critère d’évacuation choisi par le gouvernement a été établi en fonction de l’intervalle de niveaux de référence de 20 à 100 mSv par an pour les situations d’urgence recommandés par la CIPR » (B7). Un ordre d’évacuation issu 42 jours après la déclaration d’urgence avec plus d’un mois pour l’appliquer n’est PAS une évacuation d’urgence ! Les autorités japonaises ont trahi les citoyens en se référant aux situations d’exposition d’urgence.

En conclusion, la phase d’urgence doit être aussi courte que possible sinon les autorités vont se référer à des niveaux de référence les plus élevés et exclure l’implication des parties prenantes. Il est important de noter que, d’un point de vue purement physique, les radioéléments à vie courte dominent l’exposition externe durant un mois et qu’après les éléments à vie plus longue comme le césium radioactif dominent. Il n’est donc pas nécessaire d’étendre la phase d’urgence sur de longues durées.

L’ACRO exhorte la CIPR à réduire la phase d’urgence à la période la plus courte possible qui ne doit pas dépasser un mois.

Protection des enfants et des femmes enceintes

La CIPR « recommande de porter une attention particulière aux enfants et aux femmes enceintes, pour qui les risques radiologiques peuvent être élevés que pour les autres groupes d’individus. Les activités sociales et économiques stratégiques devraient également faire l’objet de dispositions de protection spécifiques dans le cadre de la mise en œuvre du processus d’optimisation. » (65) De fait, les fœtus et les jeunes enfants sont plus sensibles aux radiations que les adultes, mais la plupart des niveaux de référence et limites de doses ont été établis pour des adultes. Les recommandations de la CIPR visant à assurer une meilleure protection sont très décevantes. Elles incluent :

  • « la surveillance de la dose à la thyroïde dans la phase initiale [qui] est importante pour les enfants et les femmes enceintes » (102);
  • « l’administration d’iode stable durant la phase initiale [qui est particulièrement est importante pour les enfants et les femmes enceintes » (130);
  • « le contrôle de la qualité radiologique du lait, qui constitue une part importante de l’alimentation des enfants dans la plupart des pays, [et qui] est particulièrement important pendant la phase initiale d’un accident car il constitue une source potentielle d’exposition de la thyroïde à l’iode radioactif » (134);
  • « Une sous-catégorie de la surveillance sanitaire [qui] est le suivi de sous-groupes potentiellement sensibles (par ex. les enfants, les femmes enceintes) » (198).

L’ACRO exhorte la CIPR à introduire des limites et des niveaux de référence plus protecteurs pour les femmes enceintes, les bébés et les enfants.

Evacuation et protection des populations

Étonnamment, le résumé analytique du projet de rapport ne mentionne pas les personnes déplacées et leur protection. Plus loin, dans le texte principal, la CIPR affirme que « l’expérience internationale après les accidents nucléaires et non nucléaires montre que les nations et les individus ne sont pas disposés à abandonner facilement les zones touchées » (57), ce qui n’est pas exact. A Fukushima, seulement 23% des personnes qui ont été obligées d’évacuer sont revenues après la levée des ordres d’évacuation. De plus, de nombreuses familles ont évacué seules, sans aucun soutien.

En outre, la CIPR ne prend en compte que la « réinstallation temporaire ». Dans les cas de Tchernobyl et de Fukushima, il existe encore de vastes zones où personne n’est autorisé à revenir et de nombreuses familles sont réinstallées ailleurs définitivement. Pourquoi la CIPR les ignore-t-elle ?

La CIPR semble considérer qu’une fois qu’elles ont quitté les zones contaminées, elles ne sont plus concernées par la radioprotection et ne méritent plus d’être prises en considération. Mais elles ont fui une exposition aux radiations !

Les personnes réinstallées ailleurs et les rapatriés devraient bénéficier de la même considération dans la publication. Les personnes déplacées souffrent de difficultés financières, de discrimination et de mise à l’écart (intimidation dans le cas des enfants). Beaucoup se sentent coupables d’avoir abandonné leur ville natale, ceux qui sont restés et ceux qui sont revenus. Ils ont besoin d’une protection et d’une attention particulières.

L’ébauche de la CIPR ne tient compte que des populations vivant dans des territoires contaminés qui n’ont pas été évacuées ou qui sont revenues. Il convient également de noter que de nombreux rapatriés ne vivent pas chez eux, mais ont été réinstallés dans un nouveau logement dans leur ville natale. Dans certaines villes et certains villages, ils doivent vivre dans un quartier complètement nouveau.

La CIPR note que « la réinstallation temporaire est cependant associée à des troubles psychologiques. Plusieurs études menées après l’accident de Fukushima ont montré une augmentation significative de l’incidence de la dépression et du syndrome de stress post-traumatique chez les résidents relogés de Fukushima » (136). Mais vivre dans des territoires contaminés est aussi associé à des troubles psychologiques et à un stress qui n’est jamais mentionné. Les travaux de terrain menés au Japon indiquent que ce traumatisme est réel [Shinrai2019 et ses références]. L’insistance sur les « troubles psychologiques dus à la réinstallation » cache le traumatisme de ceux qui sont restés, ou sont revenus, et se sentent “piégés” dans cette situation subie.

La seule solution proposée est la diffusion d’une culture radiologique pour apprendre à vivre dans des territoires contaminés avec une exposition aux radiations optimisée afin d’aider les gens à répondre à leurs préoccupations de la vie quotidienne. Cependant, la CIPR ne considère jamais que cela pourrait être un fardeau trop lourd pour beaucoup et que la plupart des familles aimeraient offrir un autre avenir à leurs enfants, sans avoir à vérifier et à évaluer constamment chaque mouvement de leur vie quotidienne.

La CIPR ne mentionne qu’une seule fois que « les individus ont le droit fondamental de décider s’ils veulent ou non rentrer chez eux. Toutes les décisions de rester dans une zone touchée ou de la quitter doivent être respectées et soutenues par les autorités, et des stratégies doivent être élaborées pour la réinstallation de ceux qui ne veulent pas ou ne sont pas autorisés à rentrer dans leur foyer » (158). Cela n’est pas suffisant et devrait être davantage étayé par des conseils pratiques aux autorités.

L’ACRO exhorte la CIPR à examiner sérieusement la question des populations déplacées et de se référer aux Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays du Conseil économique et social des Nations Unies [UNESC1998]. Rappelant que « les déplacements engendrent presque toujours de graves souffrances pour les populations touchées », ces Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays leur offrent des garanties. En particulier, « les autorités compétentes ont le devoir et la responsabilité première d’établir les conditions et de fournir les moyens qui permettent aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays de retourner volontairement, en toute sécurité et dignité, dans leurs foyers ou lieux de résidence habituelle, ou de se réinstaller volontairement dans une autre partie du pays. Ces autorités s’efforceront de faciliter la réintégration des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays qui ont été rapatriées ou réinstallées. » Ils ajoutent que « les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ont le droit d’être protégées contre le retour forcé ou la réinstallation dans tout lieu où leur vie, leur sécurité, leur liberté et/ou leur santé seraient en danger » et que « des efforts particuliers devraient être faits pour assurer la pleine participation des personnes déplacées à la planification et à la gestion de leur retour ou de leur réinstallation et réintégration ».

Les personnes vulnérables sont particulièrement exposées en cas d’accident nucléaire grave. La CIPR reconnaît que « dans les mois qui ont suivi l’accident nucléaire de Fukushima, une augmentation générale de la mortalité a été observée (à l’exclusion des décès dus au séisme et au tsunami), notamment chez les personnes âgées. Cette augmentation ne peut être attribuée aux effets directs des rayonnements sur la santé, bien qu’elle soit une conséquence directe de l’accident » (40). En outre, « l’évacuation non planifiée de personnes âgées ou sous surveillance médicale de maisons de repos peut avoir causé plus de mal que de bien à ces personnes » (54). Ainsi, « l’évacuation peut être inappropriée pour certaines populations, comme les patients dans les hôpitaux et les maisons de repos, ainsi que les personnes âgées, si elle n’est pas bien planifiée » (124).

L’ACRO est d’accord avec la CIPR sur ce point, mais considère que l’hébergement prolongé des personnes vulnérables dans les zones exposées devrait être bien préparé. Le personnel doit accepter de prendre soin des patients malgré la situation radiologique.

Confiance et implication des parties prenantes

Dans son projet de rapport, la CIPR explique fréquemment qu’un accident nucléaire génère de la « complexité » ou des « situations complexes » sans expliquer le sens de ces expressions. Voir par exemple le § (15). Sans accident nucléaire, la vie et la société sont déjà complexes. Mais des individus et des groupes ont mis en place des mécanismes fondés sur la confiance pour faire face à une telle complexité. Un accident nucléaire remet en cause cette confiance et les populations touchées sont perdues devant une situation sans précédent. Ainsi, le principal défi pour les autorités est donc de fournir des informations dignes de confiance.

La CIPR mentionne une fois « l’effondrement de la confiance dans les experts et les autorités » (29) et suggère que « les actions de protection devraient contribuer à regagner la confiance de toutes les personnes par rapport à la zone affectée » (66). Mais la confiance doit être conservée plutôt que restaurée !

Les mesures de protection choisies doivent être expliquées et justifiées aux populations touchées. Ensuite, une réévaluation régulière est nécessaire en raison des grandes incertitudes qui sous-tendent le processus de décision précoce. Par conséquent, le processus étape par étape illustré à la figure 2.2 devrait être étendu pour inclure l’explication et la réévaluation. En outre, l’implication des parties prenantes doit être spécifiquement mentionnée ici.

La CIPR explique que « le processus d’optimisation doit reconnaître qu’il y a inévitablement des conflits d’intérêts et chercher à concilier les différences et les besoins des différents groupes. Par exemple, les producteurs de biens, de services et d’aliments souhaiteront poursuivre leur production, mais leur capacité à le faire est affectée par la volonté des consommateurs de recevoir et d’acheter ces articles » (66). Dans sa publication sur les fondements éthiques de la radioprotection, la CIPR a ignoré ces intérêts contradictoires et l’ACRO a considéré dans ses commentaires qu’il s’agissait d’une lacune majeure. Ainsi, l’ACRO est satisfaite de voir qu’ils sont reconnus ici. Cependant, la réponse est décevante : « Les mesures de protection devraient contribuer à regagner la confiance de toutes les personnes en ce qui concerne la zone touchée » (66). C’est tout !

Lorsque la CIPR recommande que « toute décision modifiant une situation d’exposition aux rayonnements devrait faire plus de bien que de mal » (48), tient-elle compte des individus, des groupes, de la nation ? Les intervenants seront exposés pour sauver les autres. La CIPR écrit plus loin : « La responsabilité de juger la justification incombe généralement aux autorités pour assurer un bénéfice global, au sens le plus large, à la société, et donc pas nécessairement à chaque individu » (50). Cette position est en conflit avec le droit à la santé de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Chaque individu personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille. »

Anand Grover, Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, a noté dans son rapport sur Fukushima : « Les recommandations de la CIPR sont basées sur les principes d’optimisation et de justification, selon lesquels toutes les actions du gouvernement devraient être basées sur la maximisation du bien par rapport au mal. Une telle analyse risques-avantages n’est pas conforme au cadre du droit à la santé, car elle donne la priorité aux intérêts collectifs sur les droits individuels. En vertu du droit à la santé, le droit de chaque individu doit être protégé. En outre, ces décisions, qui ont un impact à long terme sur la santé physique et mentale des personnes, devraient être prises avec leur participation active, directe et effective » [HRC2013].

L’ACRO exhorte la CIPR à se préoccuper sérieusement des conflits d’intérêts inhérents à ses principes de radioprotection avec la participation sincère parties prenantes.

A long terme, la CIPR encourage le processus de co-expertise et la participation des parties prenantes. L’ACRO soutient également une telle approche. Toutefois, les « dialogues de la CIPR » à Fukushima promus dans le projet de rapport ne sont pas un exemple à suivre, car ils se limitaient aux personnes partageant le point de vue de la CIPR et n’étaient mis en œuvre que dans quelques villes sélectionnées. Les opposants n’ont pas été autorisés à assister aux réunions. De telles réunions ne peuvent que générer des frustrations chez les personnes qui sont exclues ou qui se sentent exclues. Les dialogues devraient être ouverts à toutes les composantes des populations touchées.

Lors des réunions publiques, les participants sont confrontés aux autorités et à leurs experts pour traiter de questions complexes. Les gens ne sont donc pas en mesure de faire valoir leur point de vue, à moins qu’ils ne soient assistés par des experts qu’ils ont eux-mêmes choisis. Après un accident nucléaire grave, les gens sont encore plus vulnérables et ne peuvent pas tenir tête aux autorités. Les participants devraient également être en mesure de forger leur propre point de vue sans la présence des autorités avant d’engager le dialogue avec elles. De plus, le processus de co-expertise présenté dans le projet de rapport ne concerne qu’une minorité de la population qui est prête à lutter pour la récupération et la réhabilitation de la zone contaminée. Il ignore complètement les populations qui préféreraient d’autres solutions comme la réinstallation dans un autre lieu. Ils auraient aussi besoin d’un processus de co-expertise !

Enfin, en ce qui concerne la caractérisation de la situation radiologique, la CIPR écrit : « L’expérience montre que le pluralisme des organisations impliquées dans la mise en œuvre du système de surveillance radiologique (autorités, organismes experts, laboratoires locaux et nationaux, organisations non gouvernementales, instituts privés, universités, acteurs locaux, exploitants nucléaires, etc) est un facteur important en faveur de la confiance des populations envers les mesures » (161). L’ACRO est tout à fait d’accord sur ce point, mais il ne suffit pas d’accumuler des données et le suivi citoyen doit être soutenu financièrement. Les données devraient être facilement accessibles à tous et l’analyse indépendante devrait être soutenue. Les tendances et la modélisation sont également importantes pour un processus décisionnel.

L’ACRO demande à la CIPR à reconsidérer sa recommandation sur le processus de co-expertise et la participation des parties prenantes.

Protection des intervenants

En ce qui concerne les intervenants en situation d’urgence, la CIPR écrit : « Lorsqu’un travailleur professionnellement exposé intervient en tant qu’intervenant, l’exposition reçue pendant l’intervention doit être comptabilisée et enregistrée séparément des expositions reçues pendant les situations d’exposition prévues, et ne doit pas être prise en compte pour le respect des limites de dose professionnelle » (120). Cette recommandation est inacceptable.

Les doses reçues ont le même impact, qu’elles soient prises en situation d’urgence ou lors d’interventions planifiées, et elles se cumulent. A Fukushima, de nombreux intervenants résident en zone contaminée où ils continuent à être exposés, sans que cela soit pris en compte.

L’ACRO exhorte la CIPR à reconsidérer sa position : l’enregistrement des doses reçues par un intervenant doit prendre en compte toutes les situations d’exposition, de garantir le respect d’une valeur limite dose-vie qui ne devrait être pas excéder 500 mSv. La réglementation française retient une limite en dose-vie de 1000 mSv pour les intervenants en situation d’urgence radiologique. ACRO considère que cette dernière limite est trop élevée et qu’en outre elle devrait cumuler toutes les doses reçues en toute situation d’exposition.

Conclusions

Un accident nucléaire grave entraîne des dommages irréversibles mais ne peut être exclu. La CIPR devrait recommander que les efforts les plus importants soient déployés par les exploitants nucléaires pour éviter les accidents et que des autorités de sûreté nucléaire indépendantes imposent les normes les plus élevées. Si ces normes ne peuvent être respectées, la centrale nucléaire devrait être arrêtée.


ACRO’s comments on the ICRP draft report:

A nuclear accident cannot be reduced to a radiation protection problem as it has inevitably social, environmental and economic consequences. The daily life of people can be deeply affected. Thus, the ICRP has drafted a new publication on large accidents that takes into account various aspects of the response considering all impacts. ACRO welcomes this initiative but regrets that the draft submitted to public consultation has severe shortcomings.

Reference levels

The main problem is that reference levels are not protective enough. First of all, ICRP considers that “there is reliable scientific evidence that whole-body exposures on the order of ≥100 mSv can increase the probability of cancer occurring in an exposed population. Below 100 mSv, the evidence is less clear. The Commission prudently assumes, for purposes of radiological protection, that even small doses might result in a slight increase in risk” (22). Such statement does not take into account all the results of the scientific literature. As a matter of facts, this draft report reproduces the levels of the ICRP publication 103, which are the same as in ICRP publication 60 which dates back to 1990. These levels are mainly based on the follow-up of the Hiroshima and Nagasaki hibakushas (TD86). There are many other studies in radiobiology and in epidemiology that strongly suggest the existence of stochastic effects below 100 mSv and that the linear and non-threshold relationship is based on facts and not only “on a precautionary basis for the management of radiation protection.” See for example Refs. [LD].

ACRO urges ICRP to reduce the reference levels and limits it recommends.

After a nuclear disaster, ICRP recommends: “For protection of responders after the urgent emergency response, the reference level should not exceed 20 mSv per year. For people living in long-term contaminated areas following the emergency response, the reference level should be selected within or below the Commission’s recommended band of 1–20 mSv for existing exposure situations, taking into account the actual distribution of doses in the population and the tolerability of risk for the long-lasting existing exposure situations, and there is generally no need for the reference level to exceed 10 mSv per year. The objective of optimisation of protection is a progressive reduction in exposure to levels on the order of 1 mSv per year” (j).

As this statement is hardly understandable, ICRP adds: “The Commission considers that annual exposures of the order of 10 mSv during the first years of the recovery process, added to exposure received during the emergency response, could lead to total exposures greater than 100 mSv in a relatively short period of time for some affected people. Therefore, it is not recommended to select reference levels beyond 10 mSv per year when it is estimated that such exposures could continue for several years, which may be the case once the recovery phase starts. In addition, experience from Chernobyl and Fukushima has shown that for exposure levels of the order of 10 mSv per year, it is difficult – given the multiple societal, economic, and environmental negative consequences associated with the long-lasting presence of contamination, and the numerous restrictions imposed on everyday life by the protective actions – to maintain sustainable and decent living, working, and production conditions in affected areas” (80).

The introduction of a new reference level at 10 mSv/y is welcome since Japan, for example, sticks to 20 mSv/y more than 8 years on in Fukushima. The progressive reduction in exposure to levels on the order of 1 mSv/y or below is not protective enough without a time frame. In contrast, U.S. guidelines require relocation when people may be exposed to 20 mSv or more of radiation in the first year and 5 mSv or below from the second year. The long-term objectives are to keep doses at or below 50 mSv in 50 years. The relocation protective action guide addresses post-plume external exposure to deposited radioactive materials and inhalation of re-suspended radioactive materials that were initially deposited on the ground or other surfaces [USEPA1992, FEMA2013].

ACRO urges ICRP to introduce other reference levels accompanied by specific time frame for the cumulated doses over the years as in the USA.

It is worth reminding that the population may have already been exposed to doses up to 100 mSv during the emergency phase.

Regarding the emergency phase, the ICRP states: “For the optimisation of protective actions during the emergency response, the Commission recommends that the reference level for restricting exposures of the affected population and the emergency responders should generally not exceed 100 mSv. This may be applied for a short period, and should not generally exceed 1 year” (77). But it later explains that “an emergency exposure situation may be of very short duration (hours or days), or it may continue for an extended period of time (weeks, months, or years)” (85). An emergency that requires urgent actions cannot last months or even years! This is not consistent with ICRP’s reference level for emergency should not exceed one year. If the emergency lasts longer, there is no reference level anymore.

Moreover, as explained by ICRP, “for emergency response decisions, in the event of a nuclear accident, especially in the early phase, the need to act quickly is not conducive to stakeholder involvement” (51). Thus, extending emergency beyond reasonable periods of time will hinder stakeholder involvement.

In the case of the accident at the Fukushima dai-ichi nuclear power plant (NPP), the ICRP recalls that “on 22 April 2011, the area outside the 20-km zone for which it was estimated that the projected dose within 1 year of the accident could reach 20 mSv was designated as the ‘deliberate evacuation area’. The national government issued an order that relocation of people from the deliberate evacuation area should be implemented in approximately 1 month. The criterion for relocation was selected by the government with consideration of the 20–100-mSv per year band of reference levels for emergency exposure situations recommended by ICRP” (B7). An evacuation order released 42 days after the emergency declaration with more than a month to comply is NOT an emergency evacuation! Japanese authorities betrayed their citizen by referring to the emergency exposure situation.

As a conclusion, the emergency phase should be as short as possible otherwise authorities will refer to highest reference values and exclude stakeholder involvement. Note that on a purely physical point of view, short-lived radioelements generally dominate the external exposure for a month and then longer-lived nuclei such as radioactive caesium dominate. There is no need to extend the emergency phase to long duration.

ACRO urges ICRP to reduce the emergency phase to the shortest possible period of time that should not exceed a month.

Protection of children and pregnant women

ICRP “recommends paying particular attention to children and pregnant women, for whom radiological risks may be greater than for other groups of individuals. Strategic social and economic activities should also be the subject of specific protection provisions in implementation of the optimisation process.” (65) As a matter of facts, foetus and young children are more sensitive to radiations than adults but most of dose limits and reference levels were derived for adults. ICRP’s recommendations to enforce a better protection are very deceiving. They include:

  • “thyroid dose monitoring in the early phase [that] is important for children and pregnant women.” (102)
  • administration of stable iodine during the early phase [that] is particularly important for pregnant women and children.” (130)
  • control of the radiological quality of milk, which is an important part of the diet of children in most countries, [that] is particularly important during the early phase of an accident because it is a potential source of thyroid exposure from radioactive iodine.” (134)
  • “A subcategory of health monitoring [that] is the follow-up of potentially sensitive subgroups (e.g. children, pregnant women);” (198)

ACRO urges ICRP to introduce more protective limits and reference levels for pregnant women, infants and children.

Evacuation and protection of populations

Surprisingly, the executive summary of the draft report does not mention displaced people and their protection. Later, in the main text ICRP claims that “worldwide experience after nuclear and non-nuclear accidents shows that nations and individuals are not willing to readily abandon affected areas” (57), which is not correct. In Fukushima, only 23% of the people who were forced to evacuate have returned after the evacuation orders were lifted. In addition, many families evacuated on their own, without any support.

Moreover, ICRP only considers “temporally relocation”. In both Chernobyl and Fukushima cases, there are still vast zones where nobody is allowed to come back and many families are permanently relocated. Why are they ignored by the ICRP?

ICRP might consider that once they left the contaminated areas, they are not concerned by radiation protection anymore and they do not deserve to be considered. But they escaped radiation exposure!

Relocated people and returnees should benefit from the same consideration in the publication. Relocated people are suffering from financial difficulty, discrimination and marginalisation (bullying in case of children). Many feel guilty to have abandoned their hometown, those who remained and those who returned. They need special protection and consideration.

ICRP’s draft only considers populations living in contaminated territories who did not evacuate or who returned. Note also that many returnees do not live in their home but have been relocated in a new dwelling in their hometown. In some towns and villages, they have to live in a completely new district.

ICRP notes that “temporary relocation is, however, associated with psychological effects. Several studies carried out after the Fukushima accident showed significant increases in the incidence of depression and post-traumatic stress disorder among relocated residents of Fukushima Prefecture” (136). But living in contaminated territories is also associated with psychological effects and stress that is never mentioned. Field work conducted in Japan indicates that this trauma is real [Shinrai2019 and references therein]. The insistence on the “psychological effects of relocation” hides the trauma of those who stayed, or returned, and feel “trapped” in this unchosen situation.

The only suggested solution is the dissemination of radiological culture to learn how to live in contaminated territories with an optimised radiation exposure to help people to address their daily life concerns. However, ICRP never considers that this could be a too heavy burden for many and that most families would like to offer another future to their children, free from a burden of constant checking and assessment of every move of their daily lives.

ICRP mentions only once that “individuals have a basic right to decide whether or not to return. All decisions about whether to remain in or leave an affected area should be respected and supported by the authorities, and strategies should be developed for resettlement of those who either do not want or are not permitted to move back to their homes” (158). This is not enough and should be more substantiated by practical advices to the authorities.

ACRO urges ICRP to seriously consider displaced populations and refer to the Guiding Principles on Internal Displacement of the United Nations’ Economic and Social Council [UNESC1998]. Recalling that “displacement nearly always generates conditions of severe hardship and suffering for the affected populations”, these Guiding Principles on Internal Displacement provide them guaranties. In particular, “competent authorities have the primary duty and responsibility to establish conditions, as well as provide the means, which allow internally displaced persons to return voluntarily, in safety and with dignity, to their homes or places of habitual residence, or to resettle voluntarily in another part of the country. Such authorities shall endeavour to facilitate the reintegration of returned or resettled internally displaced persons.” They add that “internally displaced persons have the right to be protected against forcible return to or resettlement in any place where their life, safety, liberty and/or health would be at risk” and that “special efforts should be made to ensure the full participation of internally displaced persons in the planning and management of their return or resettlement and reintegration”.

Vulnerable people are particularly at risk in case of a severe nuclear accident. ICRP acknowledges that “during the months following the Fukushima nuclear accident, a general increase in mortality was observed (excluding deaths due to the earthquake and tsunami), especially among elderly people. This increase cannot be attributed to the direct health effects of radiation, although it is a direct consequence of the accident” (40). Also, “the unplanned evacuation of elderly or medically-supervised people from nursing homes may have caused more harm than good for these people” (54). Thus, “evacuation can be inappropriate for certain populations, such as patients in hospitals and nursing homes, as well as elderly people, if it is not well planned” (124).

ACRO agrees with ICRP on this point, but considers that extended sheltering of vulnerable people in exposed areas should be well prepared. Staff should agree to take care of patients in spite of the radiological situation.

Confidence and stakeholder’s involvement

In its draft report, ICRP frequently explains that a nuclear accident generates “complexity” or “complex situations” without explaining what does such expressions mean. See e.g. § (15). Without nuclear accident, life and society are already complex. But individuals and groups have built up mechanisms to face such complexity based on trust. A nuclear accident challenges this confidence and affected population are lost in front an unprecedented situation. Thus, the main challenge for authorities is to deliver trustworthy information.

ICRP mentions once “a collapse of trust in experts and authorities” (29) and suggests that “protective actions should contribute to regaining the confidence of all people in relation to the affected area” (66). But confidence should be kept rather than restored!

The selected protective actions should be explained and justified to the affected populations. Then, regular reassessment is necessary knowing the large uncertainties underlying the early decision process. Thus, the step-by-step process shown in Fig. 2.2 should be extended to include explanation and re-evaluation. Furthermore, stakeholder involvement should be specifically mentioned here.

ICRP explains that “the optimisation process must recognise that there are inevitable conflicting interests, and seek to reconcile the differences and needs of various groups. For example, producers of goods, services, and food will wish to continue production, but their ability to do so is affected by the willingness of consumers to receive and purchase these items” (66). In its publication on Ethical Foundations of Radiological Protection, ICRP ignored these conflicting interests and ACRO considered in its comments that it was a major shortcoming. Thus, ACRO is satisfied to see that they are acknowledged here. However, the response is disappointing: “protective actions should contribute to regaining the confidence of all people in relation to the affected area” (66). That’s all!

When ICRP recommends that “any decision altering a radiation exposure situation should do more good than harm” (48) does it consider individuals, groups, the nation? Responders will be exposed to save others. ICRP further writes: “Responsibility for judging justification usually falls on the authorities to ensure an overall benefit, in the broadest sense, to society, and thus not necessarily to each individual” (50). This position is in conflict with the right to health of the Universal Declaration of Human Rights: “Everyone has the right to a standard of living adequate for the health and well-being of himself and of his family”.

Anand Grover, Special Rapporteur to UN Human Rights Council, noted in his report on Fukushima: “ICRP recommendations are based on the principles of optimisation and justification, according to which all actions of the Government should be based on maximizing good over harm. Such a risk-benefit analysis is not in consonance with the right to health framework, as it gives precedence to collective interests over individual rights. Under the right to health, the right of every individual has to be protected. Moreover, such decisions, which have a long-term impact on the physical and mental health of people, should be taken with their active, direct and effective participation” [HRC2013].

ACRO urges ICRP to seriously address the conflicts of interest inherent to its radiation protection principles with a sincere involvement of stakeholder.

On the long term, ICRP promotes co-expertise process and stakeholder involvement. ACRO also supports such an approach. However, “ICRP dialogues” in Fukushima promoted in the draft report are not an example to follow as they were limited to people agreeing with ICRP’s point of view and only implemented in very few selected towns. Opponents were not allowed to attend the meetings. Such meetings can only generate frustrations to the people who are excluded or feel excluded. Dialogues should be open to all component of the affected populations.

At public meetings, participants are confronted with authorities and their experts to deal with complex issues. People are therefore not in a position to make their views considered, unless they are assisted by experts they have chosen themselves. After a severe nuclear accident, people are even more vulnerable and cannot stand up to the authorities. Participants should also be able to forge their own point of view without authorities before engaging dialogue with authorities. Moreover, the co-expertise process presented in the draft report is only for a minority of the population that is ready to fight for recovery and rehabilitation of the contaminated zone. It completely ignores populations who would prefer other solutions such as relocation. They would also need a co-expertise process!

Finally, regarding the characterisation of the radiological situation, ICRP writes: “Experience shows that the pluralism of organisations involved in implementation of the radiation monitoring system (authorities, expert bodies, local and national laboratories, non-governmental organisations, private institutes, universities, local stakeholders, nuclear operators, etc.) is an important factor in favour of confidence in the measurements among the affected population” (161). ACRO fully agrees with this, but accumulating data is not enough and citizen monitoring should be supported financially. Data should be easily accessible to anybody and independent analysis should be supported. Trends and modelling are also important for a decision process.

ACRO urges ICRP to reconsider its recommendation on the co-expertise process and stakeholder involvement.

Protection of the responders

Regarding the emergency responders, ICRP writes: “When an occupationally exposed worker is involved as a responder, the exposure received during the response should be accounted for and recorded separately from exposures received during planned exposure situations, and not taken into account for compliance with occupational dose limits” (120). This recommendation is not acceptable.

Exposure doses have the same impact, whether taken in an emergency situation or during planned interventions, and they are cumulative. In Fukushima, many workers are residing in contaminated areas where they continue to be exposed. These additional doses are not taken into account.

ACRO urges ICRP to reconsider its position: recording of doses received by responders must take into account all exposure situations, to ensure compliance with a dose-life limit value that should not exceed 500 mSv. French regulations set a life-dose limit of 1000 mSv for responders in a radiological emergency situation. ACRO considers that this latter limit is too high and that, in addition, it should include all doses received in any exposure situation.

Conclusions

A severe nuclear accident induces irreversible damages but cannot be ruled out. ICRP should recommend that upmost efforts are done by nuclear operators to avoid accidents and that independent nuclear safety authorities enforce the highest standard. If such standards cannot be fulfilled, the nuclear plant should be phased out.


References – Références

[FEMA2013] Federal Emergency Management Agency, Program Manual – Radiological Emergency Preparedness, June 2013
http://www.fema.gov/media-library-data/20130726-1917-25045-9774/2013_rep_program_manual__final2_.pdf

[HRC2013] Human Rights Council, Report of the Special Rapporteur on the right of everyone to the enjoyment of the highest attainable standard of physical and mental health, Anand Grover, Mission to Japan (15 – 26 November 2012), 2 May 2013 (A/HRC/23/41/Add.3)
http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/RegularSession/Session23/A-HRC-23-41-Add3_en.pdf

[LD] Some scientific publications related to the stochastic impact of low doses of radiation:

  • Zhou H. et al. Radiation risk to low fluences of α particles may be greater than we thought. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2001) 98(25): 14410–14415
  • Rothkamm K. et al. Evidence for a lack of DNA double-strand break repair in human cells exposed to very low X-ray doses. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2003) 100(9): 5057–5062
  • Mancuso M. et al. Oncogenic bystander radiation effects in Patched heterozygous mouse cerebellum. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2008) 105(34): 12445–12450
  • Löbrich M. et al. In vivo formation and repair of DNA double-strand breaks after computed tomography examinations. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2005) 102(25): 8984–8989
  • Beels L. et al. Dose-length product of scanners correlates with DNA damage in patients undergoing contrast CT. Eur. J. of Radiol. (2012) 81: 1495–1499
  • Brenner DJ. Et al. Cancer risks attributable to low doses of ionizing radiation: Assessing what we really know. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2003) 100(24): 13761–137662
  • Watanabe T. et al. Hiroshima survivors exposed to very low doses of A-bomb primary radiation showed a high risk for cancers. Environ. Health Prev. Med. (2008) 13(5): 264-70
  • Ozaka K. et al. Studies of the Mortality of Atomic Bomb Survivors, Report 14, 1950–2003: An Overview of Cancer and Noncancer Diseases. Rad. Res. (2012) 177: 229-243
  • Pearce M.S. et al. Radiation exposure from CT scans in childhood and subsequent risk of leukaemia and brain tumours: a retrospective cohort study. Lancet (2012) 380(9840):499-505.
  • Mathews J.D. Cancer risk in 680,000 people exposed to computed tomography scans in childhood or adolescence: data linkage study of 11 million Australians. BMJ. (2013) 346:f2360
  • Bollaerts K. et al. Childhood leukaemia near nuclear sites in Belgium, 2002–2008. Eur. J. Cancer Prev. (2018) 27(2): 184-191
  • Hsieh WH. et al. 30 years follow-up and increased risks of breast cancer and leukaemia after long-term low-dose-rate radiation exposure. Br. J. Cancer (2017) 117(12): 1883-1887
  • Spycher B.D. et al. Background Ionizing Radiation and the Risk of Childhood Cancer: A Census-Based Nationwide Cohort Study. Environ. Health Perpect. (2015) 123(6): 622-628
  • Kendall G.M. et al. A record-based case–control study of natural background radiation and the incidence of childhood leukaemia and other cancers in Great Britain during 1980–2006. Leukemia (2013) 27(1):3-9.
  • Richardson DB. et al. Risk of cancer from occupational exposure to ionising radiation: retrospective cohort study of workers in France, the United Kingdom, and the United States (INWORKS). BMJ (2015) 351: h5359.
  • Little MP. et al. Leukaemia and myeloid malignancy among people exposed to low doses (<100 mSv) of ionising radiation during childhood: a pooled analysis of nine historical cohort studies. Lancet Haematol. (2018) 5(8): 346-e358.
  • NCRP Commentary No. 27: Implications of recent epidemiologic studies for the linear-nonthreshold model and radiation protection. NCRP 2018.

[SHINRAI2019] Christine Fassert and Reiko Hasegawa, Shinrai research Project: The 3/11 accident and its social consequences – Case studies from Fukushima prefecture, Rapport IRSN/2019/00178
https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/fukushima-2019/Documents/IRSN-Report-2019-00178_Shinrai-Research-Project_032019.pdf

[UNESC1998] United Nations, Economic and Social Council, Commission on Human Rights 1998, Guiding Principles on Internal Displacement, E/CN.4/1998/53/Add.2, 11th February 1998
http://www.ohchr.org/EN/Issues/IDPersons/Pages/Standards.aspx

[USEPA1992] United States Environmental Protection Agency, Office of Radiation Programs, Manual of Protective Action Guides and Protective Actions for Nuclear Incidents, Revised 1991, second printing, May 1992. EPA-400-R-92-001.
http://www.epa.gov/radiation/docs/er/400-r-92-001.pdf

Radioactivité dans l’environnement : le rôle des associations de contrôle

Le magasine scientifique « Reflets de la physique » consacre son numéro 60, au nucléaire civil en France. Il contient notamment une contribution de l’ACRO sur le rôle des associations de contrôle :

Ce magasine est entièrement en libre accès :

 

Fondements éthiques de la radioprotection – Ethical Foundations of Radiological Protection

English below

Le projet de rapport en anglais sur les fondements éthiques du système de radioprotection a été soumis à la consultation du public sur Internet. Ce document inclut les commentaires de l’ACRO.

La CIPR explique que le but de ce projet de rapport est de « décrire comment la Commission a utilisé les critères éthiques pour développer le système de radioprotection, avec comme objectif de présenter de façon cohérente comment l’éthique fait partie du système ». Cependant, ce n’est pas ce qui fait dans le projet de rapport.

La CIPR analyse plutôt comment les trois principes de la radioprotection – la justification, l’optimisation et la limitation – qui sont au cœur du système et qui s’appliquent aux différents modes d’exposition, sont reliés à quatre critères éthiques : la bienfaisance/non-malfaisance, la prudence, la justice et la dignité. Elle ne regarde jamais si ces valeurs éthiques sont pleinement prise en compte par les règles de radioprotection.

La CIPR remarque que « cet intérêt récent pour la dimension éthique de la radioprotection n’est pas sans relation avec les difficultés rencontrées durant des décennies par les professionnels de la radioprotection face aux questions et inquiétudes des citoyens. L’accent mis traditionnellement sur la science des radiations s’avère être insuffisant et il est maintenant reconnu que les dimensions éthiques et humaines des situations d’exposition sont importantes, et parfois décisives dans le processus de décision et dans la communication. » La CIPR cite comme exemples la gestion des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, la gestion des déchets nucléaires et l’augmentation des applications médicales. Dans tous ces cas, les recommandations de la CIPR ont été critiquées et contestées par les personnes exposées. Les valeurs éthiques sont donc vue comme un moyen de communication.

Nous rappelons ici les trois principes fondamentaux du système de radioprotection par soucis d’exhaustivité :

  • « Le principe de justification qui dit que chaque décision qui change la situation d’exposition doit faire plus de bien que de mal. Cela signifie qu’en introduisant une nouvelle source de radiation dans des situations d’exposition planifiées, ou en réduisant l’exposition dans des situations d’exposition existantes ou d’urgence, on doit obtenir un bénéfice suffisant qui compense tous les coûts ou les conséquences négatives. Les bénéfices sont réputés s’appliquer à la société dans son ensemble, à des individus et aussi aux biotes.
  • Le principe d’optimisation qui stipule que toutes les expositions doivent être maintenues aussi bas que raisonnablement possible en prenant en compte les facteurs économiques et sociétaux. C’est une procédure reliée à la source, visant à obtenir le meilleur niveau de protection dans les circonstances actuelles grâce à un processus continu et itératif. Ce principe est la clé de voute du système de radioprotection. De plus, afin d’éviter les conséquences inéquitables de la procédure d’optimisation, la Commission recommande de limiter les doses aux individus et aux biotes pour une source donnée.
  • Le principe de limitation, qui déclare que les expositions individuelles ne doivent pas dépasser les doses limites recommandées par la Commission et qui ne s’applique qu’aux expositions planifiées autres que les expositions médicales et aux expositions des biotes. »

Les deux premiers principes peuvent conduire à des situations conflictuelles. Le bénéfice de quelques personnes ou de la société dans son ensemble peut conduire à exposer d’autres personnes qui ne bénéficient pas de cette exposition. De même, les facteurs économiques et sociétaux sont suffisamment vagues pour conduire à des situations conflictuelles qui ne sont jamais abordées dans le projet de rapport. C’est le cas, par exemple, avec les mines d’uranium dans des pays qui n’ont pas d’énergie nucléaire. Les riverains ne bénéficient pas de la mine alors qu’ils sont exposés aux poussières radioactives. Leurs propres facteurs sociétaux et économiques ne pèsent pas lourds devant ceux des pays où sont implantés les centrales nucléaires.

En ce qui concerne les situations d’exposition existantes qui font suite à un accident nucléaire de grande ampleur, les facteurs économiques et sociétaux des habitants des territoires contaminés ne sont pas ceux des personnes vivant dans les autres parties du pays. Ainsi, par exemple, les premiers veulent vendre leurs produits agricoles et ces derniers veulent éviter une contamination interne.

Ces deux exemples soulèvent des questions éthiques difficiles qui ne sont jamais abordées dans le projet de rapport.

Regardons maintenant les quatre critères éthiques. La CIPR explique que « la bienfaisance signifie promouvoir ou faire le bien, et la non-malfaisance, éviter la causalité du préjudice […]. Dans un sens plus restreint, la bienfaisance inclut la considération des bénéfices directs pour les individus, les communautés et l’environnement. l’utilisation des rayonnements, bien qu’associée à certain risques, peut, sans aucun doute, avoir des conséquences désirables, comme l’amélioration des diagnostiques ou de la thérapie en médecine, ou encore la production d’électricité. Cela doit être mis dans la balance face aux conséquences préjudiciables. »

La CIPR reconnaît que l’évaluation de la bienfaisance et de la non-malfaisance est un défi mais n’a rien d’autre à proposer « qu’une telle évaluation [soit] transparente pour ce qui est pris en compte, qu’elle reconnaisse les désaccords éventuels et qu’elle aille plus loin qu’une simple comparaison des impacts directs sur la santé et des coûts économiques. » La CIPR ne fournit aucun exemple de bonne pratique découlant de ces recommandations qui sont rarement mises en œuvre.

« La prudence est la capacité à faire des choix éclairés et soigneusement considérés sans la connaissance complète de la portée et des conséquences de ces actions […]. Les implications de cette attitude prudente ont été importantes pour la structuration du système de protection radiologique. » Cependant, les limites d’exposition ont toujours été réduites aux cours des années et la CIPR ne se demande jamais si ces recommandations étaient suffisamment prudentes dans le passé.

La CIPR note que « ni la prudence ni le principe de précaution ne devraient être interprétés comme une demande de risque zéro, le choix de l’option la moins risquée ou l’exigence d’actions pour l’action ». Mais les populations ont le droit de choisir l’option la moins risquée et d’exiger des actions dans le souci d’une meilleure protection.

« La justice est généralement définie comme l’équité dans la distribution des avantages et des inconvénients entre les groupes de personnes (justice distributive), l’équité dans la compensation des pertes (justice réparatrice) et l’équité dans les règles et les procédures relatives aux processus décisionnels (justice procédurale) […]. Comme pour les contraintes de dose et les niveaux de référence, les limites de dose sont des outils pour restreindre l’exposition individuelle afin d’assurer l’équité dans la répartition des risques parmi le groupe d’individus exposés. »

Avant de considérer une distribution « équitable » des risques, on doit se demander si ces risques sont acceptables ou non.

De plus, certaines catégories de personnes sont plus sensibles aux radiations que d’autres. C’est le cas, en particulier, des enfants et bébés. La justice devrait impliquer une meilleure protection avec des limites plus faibles pour eux. C’est une forte demande des familles vivant dans les environs de la centrale de Fukushima daï-ichi. Certaines d’entre elles ont évacué sans le moindre soutien afin de protéger leurs enfants.

De la même manière, les individus ne sont pas tous égaux en terme de patrimoine génétique et une partie de la population présente des hypersensibilités face aux effets néfastes des radiations (1 à 3% sont hétérozygotes pour l’ataxie télangiectasie). Le système de radioprotection ne peut être construit pour protéger la majorité des citoyens, mais tous les citoyens.

Anand Grover, Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’Homme, note, dans son rapport sur la situation à Fukushima que « les recommandations de la CIPR sont basées sur les principes d’optimisation et de justification, selon lesquels toutes les actions du gouvernement devraient tendre à maximiser les bénéfices sur les détriments. Une telle analyse risques-bénéfices n’est pas en accord avec le cadre du droit à la santé car il privilégie les intérêts collectifs par rapport aux droits individuels. En vertu du droit à la santé, le droit de chaque individu doit être protégé. »

La CIPR ne traite pas cette question de la santé individuelle dans son projet de rapport. Comment peut-elle espérer répondre aux exigences des populations et être comprise par elles ?

« La justice intergénérationnelle a été traitée par la Commission pour la gestion des déchets radioactifs […]. La Commission introduit des responsabilités vis à vis des générations futures en leur donnant les moyens d’assurer leur protection. » La justice pourrait aussi être étendue à des considérations spatiales en interdisant l’exportation des déchets radioactifs vers des pays étrangers qui ne bénéficient pas de la production d’électricité.

La mise en œuvre de la radioprotection nécessite un système démocratique pour éviter les abus. Cependant, la démocratie n’est pas retenue comme critère éthique par la CIPR.

Dans ce projet de rapport, l’application des principes éthiques est limitée à quelques sujets comme la gestion des déchets. Ces principes sont essentiellement utilisé pour justifier a posteriori les choix faits par la CIPR. L’ACRO pense que les valeurs éthiques doivent être entièrement appliquées à tous les aspects de la radioprotection et que la Commission devrait se demander si elle a atteint ce but. Les exemples présentés plus haut montrent que ce n’est probablement pas le cas.

Finalement, la CIPR considère les valeurs procédurales et introduit la responsabilité, la transparence et l’inclusion (participation des parties prenantes). « La responsabilité peut être définie comme le critère éthique procédural qui implique que les personnes en charge de la prise de décision soient redevables de leurs actions envers ceux qui susceptibles d’être affectés par ces actions. En terme de gouvernance, cela signifie l’obligation pour les individus ou les organisations de rendre compte de leurs actions, d’en accepter la responsabilité et d’être prêt à en assumer les conséquences si nécessaire. »

La transparence « concerne l’équité du processus à travers lequel l’information est intentionnellement partagée entre les individus et/ou les organisations […]. La transparence ne signifie pas simplement la communication ou la consultation. C’est relié à l’accès à l’information relative aux activités, délibérations et les décisions en jeu, et aussi à l’honnêteté avec laquelle cette information est transmise. Cela fait partie de la responsabilité sociale des entreprises, en veillant à ce que les décideurs agissent de manière responsable dans les domaines social, économique et environnemental, dans l’intérêt des individus et groupes concernés. »

Enfin, « la participation des parties-prenantes, aussi appelée implication ou engagement des parties prenantes, signifie « impliquer toutes les parties concernées dans les processus décisionnels liés à la protection radiologique ». »

L’ACRO soutient fortement l’application de ces valeurs procédurales et estime qu’elles devraient être mise en œuvre dès la phase de justification. Bien que cela ne soit pas mentionné dans le projet de rapport, c’est déjà une exigence de la convention d’Aarhus pour ce qui concerne l’environnement. Cela devrait être étendu à la radioprotection.

Le projet de rapport mentionne : « l’expérience de la gestion des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, et plus récemment l’accident de Fukushima, montrent que l’autonomisation des personnes affectées les aide à retrouver la confiance, à comprendre la situation à laquelle elles sont confrontées, et enfin, à prendre des décisions éclairées et à agir en conséquence. » Cela n’est vrai que pour un nombre très limité de personnes. La plupart des citoyens vivant dans les environs de la centrale de Fukushima daï-ichi ne font toujours pas confiance aux autorités. La « responsabilité » et la « transparence » ont été ignorées par les autorités japonaises. La limite arbitraire d’évacuation fixée à 20 mSv/an n’a jamais été expliquée ni justifiée. Les personnes qui refusent cette limite peuvent n’avoir pas d’autre choix que de rester à cause des contraintes économiques.

C’est dommage que la CIPR n’ait pas cherché à comprendre la situation des territoires contaminés dans son ensemble et ait limité ses fameux « dialogues » à un nombre limité de personnes qui sont d’accord avec elle. Elle aurait beaucoup plus appris sur les conséquences de ses recommandations en parlant à toutes les catégories de personnes.

En conclusion, l’ACRO estime que l’étude des fondements éthiques de la radioprotection est nécessaire mais qu’elle n’est pas complète dans ce projet de rapport. Cela devrait être soumis à différentes parties prenantes et discuté par d’autres moyens qu’une simple consultation sur Internet.


English version

The draft ICRP report Ethical Foundations of the System of Radiological Protection has been submitted for public consultation on the Internet. The present document includes comments from ACRO.

ICRP claims that the purpose of the draft report is to “describe how the Commission has used ethical values in developing the system of radiological protection with the objective of presenting a coherent view of how ethics is part of this system”. Actually, this is not what is really done in the draft report.

ICRP rather consider how the three fundamental principles of protection – justification, optimisation, and limitation – that are central to the system and apply to the different types of exposure situations are related to four core ethical values: beneficence/non-maleficence, prudence, justice and dignity. It never considers whether these ethical values are fully taken into account in radiation protection rules.

ICRP notes that “this relatively recent interest in ethical aspects of radiological protection is certainly not unrelated to the difficulties encountered for decades by radiological protection professionals facing the questions and concerns of citizens. The traditional emphasis on the science of radiation has been shown to be insufficient, and it is now recognised that human and ethical dimensions of exposure situations are important and sometimes decisive in both the decision making process and in communication”. As examples, ICRP cites the management of the consequences from the Chernobyl accident, radioactive waste management and the increasing use of medical applications, all situations where its recommendations have been challenged and criticized by exposed persons. Ethical values are then seen as a tool to communicate with the public.

For the sake of completeness, let us recall the three fundamental principles of the present radiological protection system:

  • “The principle of justification, which states that any decision that alters the exposure situation should do more good than harm. This means that, by introducing a new radiation source in planned exposure situations, or by reducing exposures in existing and emergency exposure situations, one should achieve sufficient benefit to offset any costs or negative consequences. The benefits are deemed to apply to society as a whole, to specific individuals and also to biota.
  • The principle of optimisation, which stipulates that all exposures should be kept as low as reasonably achievable taking into account economic and societal factors. It is a source-related process, aimed at achieving the best level of protection under the prevailing circumstances through an ongoing, iterative process. This principle is the cornerstone of the system of protection. Furthermore, in order to avoid inequitable outcomes of the optimisation procedure the Commission recommends restricting doses to individuals and biota from a particular source.
  • The principle of limitation, which declares that individual exposures should not exceed the dose limits recommended by the Commission, and applies only to planned exposure situations other than medical exposure to patients or exposure of biota.”

The first two principles can lead to conflicting situations. The benefit of some people or the society as a whole could lead to the exposure of other people who do not benefit from this exposure. Similarly, the economic and societal factors are vague enough to lead to conflicting situations that are never addressed in the present draft report. This is the case for example with uranium mining in countries that do have nuclear power plants. Neighbouring communities generally do not benefit from the mine although they are exposed to the radioactive dust. Their societal and economical factors do not weight much in front of the societal and economical factors of the countries where the nuclear power plants are implanted.

Regarding existing exposure situations after a large-scale nuclear accident, the economic and societal factors of the population living in contaminated territories are not the same as the ones of the other parts of the country. For example, the former want to sell their agricultural production and the later to avoid internal contamination.

These two examples raise difficult ethical issues related to radiological protection that are never addressed in the draft ICRP report.

Let us consider now the four core ethical values. ICRP explains that “beneficence means promoting or doing good, and non-maleficence means avoiding causation of harm […] In a narrower sense, beneficence includes consideration of direct benefits, for individuals, communities, and the environment. The use of radiation, although coupled with certain risks, undoubtedly can have desirable consequences, such as the improvement of diagnostics or therapy in medicine, or the production of electricity. These have to be weighed against the harmful consequences.”

ICRP recognize that the assessment of beneficence and non-maleficence is a key challenge but has nothing else to propose than recommending, “that such an assessment [should] be transparent about what was included, recognise disagreements where they arise, and go beyond a simple balancing of direct health impacts against economic costs.” ICRP provides no example of good practice arising from these recommendations that are rarely implemented.

“Prudence is the ability to make informed and carefully considered choices without the full knowledge of the scope and consequences of actions […] The implications of this prudent attitude have been significant for the subsequent structuring of the system of radiological protection.” However, exposure limits have always been reduced over the years and the ICRP never asks itself whether its recommendations where prudent enough in the past.

ICRP notes that “neither prudence nor the precautionary principle should be interpreted as demanding zero risk, choosing the least risky option, or requiring action just for the sake of action.” But populations do have the right to choose the least risky option and requiring actions for the sake of a better protection.

“Justice is usually defined as fairness in the distribution of advantages and disadvantages among groups of people (distributive justice), fairness in compensation for losses (restorative justice), and fairness in the rules and procedures in the processes of decision-making (procedural justice). […] As with dose constraints and reference levels, dose limits are tools to restrict individual exposure in order to ensure fairness in the distribution of risks across the exposed group of individuals.”

Before considering a “fair” distribution of the risks one should wonder whether such risks are acceptable or not.

Moreover some categories of people are more sensitive to radiations than others. It is particularly the case of children and infants. Justice would mean a better protection with lower limits for them. This is a strong request from families living around the Fukushima dai-ichi nuclear power plant. Some of them evacuated without any support in order to protect their children.

Similarly, individuals are not all equal in terms of genetic heritage and part of the population has a hypersensitivity to the adverse effects of radiation (1 to 3% are heterozygous for ataxia telangiectasia). The radiation protection system cannot be built to protect the majority of citizens, but all citizens.

Anand Grover, Special Rapporteur of the Human Rights Council, in his report about the situation in Fukushima notes that “ICRP recommendations are based on the principle of optimisation and justification, according to which all actions of the Government should be based on maximizing good over harm. Such a risk-benefit analysis is not in consonance with the right to health framework, as it gives precedence to collective interests over individual rights. Under the right to health, the right of every individual has to be protected.”

ICRP does not address this issue of individual health in its draft report. How can it expect to answer to the demands of the populations and be understood by them?

“Intergenerational justice has been addressed by the Commission for the management of radioactive waste […]. The Commission introduces responsibilities towards future generations in terms of providing the means to deal with their protection”. Justice could also be extended spatial consideration by forbidding the export of radioactive waste to foreign countries that did not benefit from the electricity production.

Implementation of radiological protection requires democracy to avoid abuses. Nevertheless, democracy is not considered as a core ethical value by ICRP.

In this draft report, application of ethical principles is limited to few topics such as waste management. These principles are mainly used to justify a posteriori the choices done by the ICRP. ACRO considers that ethical values should be fully applied to all aspects of radiological protection and the Commission should ask itself whether it has achieved this full implementation. Examples presented before show that this is probably not the case.

The ICRP finally consider procedural values and introduce accountability, transparency and inclusiveness (stakeholder participation). “Accountability can be defined as the procedural ethical value that people who are in charge of decision-making must answer for their actions to all those who are likely to be affected by these actions. In terms of governance this means the obligation of individuals or organisations to report on their activities, to accept responsibility, and to be ready to account for the consequences if necessary.”

Transparency “concerns the fairness of the process through which information is intentionally shared between individuals and/or organisations […] Transparency does not simply mean communication or consultation. It relates to the accessibility of information about the activities, deliberations, and decisions at stake and also the honesty with which this information is transmitted. It is part of corporate social responsibility, ensuring that decision-makers act responsibly in the social, economic and environmental domains in the interest of individuals and groups concerned.”

Finally, “stakeholder participation, also referred to as stakeholder involvement or engagement, means “involving all relevant parties in the decision-making processes related to radiological protection””.

ACRO strongly supports the implementation of these three procedural values and considers that they should be implemented from the justification stage. This is not mentioned in the draft report, although it is a requirement the Aarhus convention for environmental issues. This should be extended to radiological protection.

The draft report mentions: “experience from the management of the consequences of the Chernobyl accident, and more recently the Fukushima accident demonstrated that empowerment of affected people helps them to regain confidence, to understand the situation they are confronted with, and finally to make informed decisions and act accordingly.” This is true for a very limited number of people. Most of citizen living around the Fukushima dai-ichi nuclear power plant still do not trust authorities. “Accountability” and “transparency” have being ignored by Japanese authorities. The arbitrary evacuation limit of 20 mSv/y has never been explained nor justified. People refusing this limit might have no other choice than remaining in contaminated territories due to economical constrains.

It is a pity that the ICRP has never tried to grasp the situation in contaminated territories as whole and has limited its so-called “dialogues” to a limited number of people that agrees with the Commission. It would have learned much more about the consequences of its recommendations in talking to all categories of people.

As conclusion, ACRO considers that studying the ethical basis of the radiological protection is a necessity but it is not achieved in the present draft report. It should be submitted to various stakeholders and discussed by other means than a simple public consultation on the Internet.

« Tchernobyl, 30 ans après ? » Bilan de la cartographie citoyenne du césium-137 dans l’alimentation et l’environnement.

Voir le communiqué en version Pdf

Voir le bilan de l’opération en version Pdf

 

En 1986, la catastrophe de Tchernobyl a contaminé toute l’Europe à des niveaux très variables selon les endroits. Que reste-t-il de cette pollution trente ans plus tard ? Sur les nombreux radioéléments rejetés, seul le césium-137 est encore détectable en France. Sa demi-vie est de trente années.

Pour étudier la pollution radioactive rémanente, l’ACRO a lancé, en 2014, une vaste cartographie citoyenne, avec pour devise :

vous prélevez, l’ACRO analyse !

Une centaine de « préleveurs volontaires », ainsi que trois autres associations, ont participé à cette campagne qui a couvert 13 pays européens. Les résultats ont été publiés au fur et à mesure sur un site Internet dédié : tchernobyl30.eu.org

Une grande autonomie a été laissée à chaque préleveur volontaire, aussi bien sur le lieu du prélèvement que sur la nature des échantillons à prélever.

  • Tous les compartiments de l’environnement sont-ils contaminés par le césium-137 ?
  • Quels sont les niveaux d’activité que l’on peut trouver dans notre environnement quotidien (jardin, forêt…) aujourd’hui ?
  • Quelles denrées alimentaires sont encore contaminées ?

Bilan de la participation

L’opération « Tchernobyl, 30 ans après ? » a rencontré un grand succès, puisqu’une centaine de préleveurs volontaires ont participé à l’opération et trois associations ont souhaité collaborer à cette campagne : Les Enfants de Tchernobyl, l’Observatoire Mycologique et Greenpeace Allemagne.

La participation de ce large public a permis l’analyse d’un nombre très important d’échantillons (364) répartis dans toute l’Europe (13 pays). La liberté laissée aux préleveurs dans le choix des échantillons et des lieux de prélèvements a permis de cerner des indicateurs auxquels nous n’aurions pas pensé, et de révéler des zones qu’on pouvait imaginer relativement épargnées par les retombées.

Résultats

Les sols :

Notons d’abord que l’ensemble des échantillons de sol analysés en France comme en Europe présente une contamination par le césium-137.

Les zones de dépôts préférentiels ont été les massifs montagneux, car c’est là que les précipitations sont généralement les plus importantes. En montagne, on observe la formation de « points chauds » créés par le ruissellement lors de la fonte des neiges et des congères. Les éléments radioactifs (contenus dans la neige) se sont alors accumulées sur un espace réduit, entraînant des concentrations très importantes de radioactivité dans le sol. On mesure jusqu’à 68 000 Bq/kg sec dans les sols des Alpes.

En France, les prélèvements réalisés dans l’Est du pays présentent encore des contaminations importantes. En plaine, on mesure jusqu’à 70 Bq/kg sec en Isère et 174 Bq/kg sec dans le Haut-Rhin. Des contaminations importantes ont par ailleurs été mesurées ponctuellement dans des zones globalement moins impactées par les retombées radioactives : on mesure, par exemple, 91 Bq/kg sec de césium-137 dans un sol forestier de Seine-Maritime.

Les champignons :

80% des échantillons de champignons analysés sont contaminés par le césium-137, ce qui confirme la propriété déjà connue d’accumulation du césium du sol par les champignons :

Des contaminations parfois très importantes ont été observées : jusqu’à 4 410 Bq/kg sec dans des pieds de mouton prélevés au Luxembourg et 860 Bq/kg sec dans des chanterelles prélevées dans la Drôme. Même dans des zones moins impactées par les retombés radioactives, on trouve du césium-137 dans certains champignons. On mesure par exemple 97 Bq/kg sec dans des bolets prélevés dans le calvados.

Les denrées alimentaires :

Les fruits et les légumes que nous avons analysés sont épargnés par la contamination par le césium-137. Seules des châtaignes prélevées dans le Gard présentaient un marquage par ce radioélément. Les produits de la ruche, les produits laitiers (fromage de vache et de chèvre) et les plantes aromatiques analysées ne révèlent pas la présence de césium-137.

Ce n’est pas le cas du gibier qui se contamine par son alimentation. Le sanglier corse analysé au cours de cette campagne présentait une légère contamination par le césium-137.

En Norvège, en Suède et en Finlande, la contamination de la viande de renne est devenue un  problème sanitaire qui perdure encore actuellement. Nous avons mesuré 690 Bq/kg de césium-137 dans la viande de renne et 25,3 Bq/kg dans la viande d’élan. Ces viandes ont été achetées dans un supermarché en Norvège.

Tous les résultats sont disponibles sur le site de l’opération : tchernobyl30.eu.org

 

Analyses de sols alpins réalisées en 2015 pour “Les enfants de Tchernobyl”

Analyse des niveaux de radioactivité artificielle de sols des Alpes, en 2015.

Etude réalisée par l’ACRO pour l’association Les Enfants de Tchernobyl dans le cadre de la campagne Tchernobyl, 30 ans après?
Tous les résultats de cette opération sont disponibles sur la carte interactive : http://tchernobyl30.eu.org/resultats/