L’ACRO déplore la volonté du gouvernement d’affaiblir le contrôle en sûreté nucléaire et radioprotection

Le 8 février 2023, le gouvernement a annoncé vouloir démanteler l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), l’expert officiel. L’expertise passerait sous la tutelle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et la recherche retournerait au CEA, comme c’était le cas au siècle dernier. La décision a été prise à huis-clos, sans la moindre concertation, officiellement lors du Conseil de Politique Nucléaire qui s’est tenu à l’Elysée le 3 février dernier, mais annoncée plus tard. Cette instance, créée en 2008 par Nicolas Sarkozy, réunit des ministres, le chef d’état-major des armées, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale et l’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique autour du président de la République. Mais, elle n’inclut pas les ministres en charge du travail, de la santé ou de l’environnement…

La ministre de la Transition énergétique a demandé au président de l’ASN, au directeur général de l’IRSN, et à l’administrateur général du CEA, de lui proposer, d’ici fin février, les premières mesures et une méthode de travail permettant de mettre en œuvre ces orientations, avant une feuille de route plus détaillée en vue de la loi de finances 2024. Voir la lettre de mission.

Pourquoi cette décision, prise sans concertation, est inquiétante ?

La recherche et l’expertise se nourrissent mutuellement. En les séparant, le gouvernement va entraîner une perte de compétence et, in fine, affaiblir l’expertise. Ce doit être le but recherché suite aux déboires à répétition de l’EPR de Flamanville, de Melox et à la fragilité du parc nucléaire vieillissant. Et, sous la tutelle du CEA, la part de la recherche dédiée à la sûreté, à la radioprotection et à l’environnement risque de diminuer.

En plaçant l’expertise au sein de l’ASN, il y a un risque que cette dernière cherche à influencer l’avis technique. La séparation des deux acteurs, comme c’est le cas actuellement, oblige à un dialogue approfondi et permet aussi une plus grande transparence dans le processus.

Rappelons que le système actuel est issu des travaux présidés par le député Le Déaut, missionné par le premier ministre en 1998, qui avait mené une large concertation. Dans son rapport il soulignait :

  • Il faut garder une distinction entre, d’une part le niveau de l’autorité, d’autre part l’expertise.
  • Un expert en sûreté ne peut pas dépendre d’un exploitant ni d’un grand organisme de recherche promoteur du nucléaire. Il faut séparer administrativement l’IPSN (Institut de protection et de sécurité nucléaire) du CEA (Commissariat à l’énergie atomique).

La décision du gouvernement ne repose sur aucun audit ou étude qui viendrait étayer ce changement majeur de la gouvernance du pays le plus nucléarisé au monde. Sacrifier la sûreté pour gagner quelques mois sur la construction des futurs EPR n’a aucun sens alors que les retards actuels sont techniques et non procéduriers. Le communiqué gouvernemental ne contient ni le mot « concertation » ni le mot « transparence ». Des concepts sans importance, sans doute…

Le fonctionnement de l’IRSN doit être réformé en l’ouvrant plus au monde académique et aux parties prenantes en acceptant une plus grande pluralité d’approches. Il y a aussi la nécessité de garantir la liberté académique à ses chercheurs qui ne sont pas libres de publier ou de parler aux médias. Nous n’oublions pas le licenciement d’une chercheuse de cet institut en 2020, car ses résultats de recherches ne plaisaient pas à sa hiérarchie. En réaction, l’ACRO avait démissionné du Comité d’Orientation des Recherches de l’IRSN où elle siégeait depuis une dizaine d’années. Enfin, sur certains domaines non soumis au secret, il y a nécessité de voir émerger d’autres acteurs, aussi bien en recherche qu’en expertise.

Le sort que promet le gouvernement à l’IRSN va aggraver la situation. L’ACRO, organisme indépendant et citoyen œuvrant à toujours plus de transparence, ne peut que déplorer cette politique gouvernementale, tant sur le fond que sur la forme.


Dans un nouveau communiqué publié le 23 février, le gouvernement répond indirectement aux critiques et inquiétudes nombreuses qui se sont exprimées de tous les côtés en corrigeant sa copie :

  • les compétences en matière de recherche et d’expertise en sûreté nucléaire en radioprotection, en protection et surveillance de l’environnement seront maintenues ensemble au sein de la future autorité de sûreté ;
  • les rôles exécutifs respectivement du contrôle et de l’expertise resteront séparés du rôle de décision et de pilotage stratégique ;
  • l’information, la transparence et le dialogue technique avec la société devront être garanties.

Cependant, le gouvernement va se contenter d’amender son projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires alors que le sujet aurait mérité une loi à lui tout seul en se donnant le temps de la réflexion et de la concertation. Le gouvernement veut donc réformer autoritairement par décrets, au mépris de la démocratie.

Une réforme du contrôle ne changera rien aux retards et aux surcoûts de l’EPR de Flamanville, aux déboires de Mélox, à la saturation inquiétante des entreposages de combustibles nucléaires et au vieillissement des installations actuelles.


Le samedi 25 février, le gouvernement a déposé un premier amendement à son projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, confirmant ainsi sa volonté de passer en force. Il n’a mené aucune consultation des parties prenantes alors qu’il reste de nombreux problèmes à régler.

Tout tient dans une phrase : “L’Autorité de sûreté nucléaire exerce des missions d’expertise et de recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la radioprotection ainsi que des actions de sécurité civile en cas d’accident radiologique”. Le reste, et l’autre amendement, concernent surtout le statut des futurs agents. L’IRSN ne faisait pas que de l’expertise et de la recherche : que deviendront ses autres activités ? Qu’en est-il de son expertise sur la sécurité ? Et toujours pas un mot sur la gouvernance du nouvel organisme, ni sur la transparence ou la démarche d’ouverture.

La seule justification apportée par le gouvernement est que “le présent projet de loi vise à accélérer et sécuriser les projets de construction de nouveaux réacteurs nucléaires”, sans expliquer comment EDF ira plus vite grâce à cette loi. L’EPR de Flamanville a plus de dix ans de retard !

Notons que deux autres amendements, visant à maintenir une séparation entre l’ASN et l’IRSN, ont été déposés par le groupe “socialistes et apparentés”, ainsi que par le groupe “Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires”.


L’ACRO appelle les députés à voter CONTRE les amendements du gouvernement entraînant la fusion de l’ASN et de l’IRSN car l’impact de cette réforme n’a pas encore été évaluée. De nombreux points restent flous. Par exemple :

  • la partie expertise du futur ensemble pourra-t-elle publier ses avis avant la prise de décision comme c’est le cas actuellement ?
  • quel est le sort promis à toute la partie de l’IRSN en charge de l’expertise des installation nucléaires secrètes ?

Une réforme de la sûreté et de la radioprotection ne peut se faire qu’APRES avoir mené de larges consultations avec tous les acteurs et parties prenantes. Les amendements actuels sont prématurés et ne garantissent pas une évolution favorable de l’organisation de l’expertise et du contrôle.


Merci aux députés qui, le 15 mars, ont adopté un amendement maintenant la séparation entre l’ASN et l’IRSN. Le gouvernement a, le lendemain, a déposé un autre amendement – retiré dans la journée – modifiant les finalités du rapport étudiant une fusion des deux organismes.

Lors du débat parlementaire, selon Ouest-France, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a répondu à l’ancienne ministre Barbara Pompili : « Tu sais parfaitement que cette réforme et cette interrogation étaient engagées déjà il y a quelques mois, on ne va pas rentrer dans ce débat-là. » Si tel est le cas, pourquoi avoir agi en secret sans la moindre consultation des principaux intéressés ?

Il faut lancer des assises pour discuter de l’expertise et du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et panser les plaies ouvertes par le projet brutal du gouvernement.


Nuage de sable du Sahara : nouvelle mesure de la radioactivité

A l’occasion du nouvel épisode de vents transportant des poussières de sable du Sahara, l’ACRO a réalisé une analyse de la radioactivité. La mesure a porté sur un échantillon d’environ 30 g de sable récolté en Touraine le 16 mars 2022 par l’un de nos préleveurs volontaires.

L’analyse par spectrométrie gamma, met clairement en évidence la présence de césium-137 – un élément radioactif artificiel – dans l’échantillon de sable, avec un niveau très similaire à ce qui avait été constaté l’année dernière. En supposant d’un dépôt homogène sur une large zone, on estime que, durant ce nouvel épisode, il est retombé environ 75 000 Bq de césium-137 au km2 dans la région Touraine (ou 75 mBq/m2).

Comme nous l’avions souligné l’an dernier (communiqué du 24 février 2021), ce nouveau dépôt constitue une pollution très faible, sans risque sanitaire, mais qui s’ajoute aux dépôts précédents (essais nucléaires des années 60-70 et Tchernobyl).

Le césium-137 dans le sable du Sahara est un résidu des pollutions radioactives dispersées lors des essais atmosphériques de la bombe atomique, tels que pratiqués par la France au début des années 60 dans le désert algérien. En effet, la concentration en césium-137 mesurée ici (22 Bq/kg de sable) est bien plus élevée que les niveaux généralement relevés dans les sables sur le territoire métropolitain français[1] et met en évidence une pollution rémanente locale.

Cette pollution radioactive – encore observable 60 ans après les tirs nucléaires – nous rappelle la contamination radioactive pérenne dans le Sahara dont la France porte la responsabilité et suggère que ces retombées ont dû être particulièrement élevées durant les années 60.

[1] Les niveaux en France métropolitaine sont généralement inférieurs au becquerel par kilogramme dans les sables récoltés dans des lieux hors de toute influence des rejets d’une installation nucléaire.


La convention OSPAR pour la protection de l’Atlantique du Nord-Est reporte discrètement de 2020 à 2050 son engagement de réduire les rejets radioactifs en mer

Suite à la réunion de Cascais de la convention OSPAR pour la protection de l’Atlantique du Nord-Est, qui s’est tenue le 1er octobre dernier, les ministres participants ont discrètement repoussé à 2050 l’engagement pris en 1998, à Sintra, de réduire les rejets radioactifs en mer à des niveaux dans l’environnement proches de zéro à l’horizon 2020. Une fois de plus, les engagements internationaux en faveur de l’environnement sont bafoués. C’est de mauvais augure pour la COP26 qui doit se tenir bientôt à Glasgow.

La France est la première bénéficiaire de ce report de 30 années, car, avec son usine de retraitement à La Hague, elle a les plus forts rejets radioactifs en mer d’Europe. Et ces rejets ne baissent pas, comme le montrent les résultats de la surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement effectuée par l’ACRO depuis plus de 25 ans.

Les engagements pris en 1998, à Sintra au Portugal, par les Etats membres de la convention OSPAR avaient pourtant été confirmés lors des réunions suivantes de 2003 à Brême et de 2010 à Bergen : ramener, pour les substances radioactives, les niveaux dans l’environnement à des niveaux proches du bruit de fond pour les substances naturelles et proches de zéro pour celles d’origine artificielle.

Les résultats de la surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement effectuée par l’ACRO depuis plus de 25 ans, montrent que le compte n’y est pas : les rejets de l’usine de retraitement Orano de La Hague sont visibles tout le long du littoral de la Manche et, lors de l’été 2021, ils pouvaient encore être détectés jusqu’à la frontière danoise. L’association condamne cette prolongation de 30 ans des permis à polluer et demande instamment à la France de réduire significativement ses rejets radioactifs en mer en mettant en œuvre les technologies disponibles. Elle va, de son côté, maintenir sa vigilance.

Les radioéléments prédominants

Le « Bilan de santé » effectué en 2010 par la convention OSPAR précise que les usines liées à la fabrication et au retraitement du combustible sont responsables de 98% des rejets de radioéléments provenant du secteur nucléaire. L’usine de retraitement britannique de Sellafield ayant cessé son activité en 2020, les rejets français sont désormais ultra dominants.

Dans sa dernière contribution à la convention OSPAR, datée de 2019, La France reconnaît que les radioéléments qui ont le plus fort impact sont l’iode-129 et le carbone-14 : la dose du groupe de référence, à savoir les pêcheurs locaux, serait réduite de 30% si ces deux radioéléments étaient filtrés. La réduction des rejets en cobalt-60 entraînerait, quant à elle, une réduction de 4% de la dose du même groupe de référence. Mais, malheureusement, Orano n’a pas mis en œuvre les technologies disponibles dans d’autres pays pour réduire les rejets de ces trois éléments. L’iode et le cobalt font partie des 62 radioéléments filtrés par la station ALPS à Fukushima.

Dans le cadre de son Observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement, l’ACRO détecte systématiquement l’iode-129 dans les algues tout le long du littoral de la Manche à des teneurs qui ne diminuent pas avec le temps. Elle en a détecté jusqu’à la frontière danoise.

Le cobalt-60 est régulièrement détecté dans les algues prélevées dans le Nord-Cotentin et plus épisodiquement à St-Valéry-en-Caux, près des centrales nucléaires de Penly et Paluel en Seine maritime.

L’ACRO n’a pas la capacité technique de mesurer le carbone-14, qui est aussi présent naturellement dans l’environnement, mais le constat radiologique publié par l’IRSN montre qu’il y a une contribution systématique des rejets des installations nucléaires et que l’on retrouve donc des niveaux qui dépassent significativement les niveaux naturels dans la Manche et la Mer du Nord, jusqu’aux Pays-Bas. Les plus fortes teneurs sont plus de deux fois plus élevées que les niveaux naturels.

Il est important de noter que les rejets en tritium (hydrogène radioactif) ont, quant à eux, fortement augmenté depuis la déclaration de Sintra. L’usine Orano de La Hague a les rejets les plus élevés au monde, selon le bilan fait par le gouvernement japonais : l’usine rejette tous les 30 jours ce que s’apprête à rejeter le Japon à Fukushima en 30 ans !

L’ACRO surveille aussi le tritium dans l’eau de mer. Dans le Nord-Cotentin, les teneurs sont plus de 100 fois plus élevées que le bruit de fond naturel.

Tous les résultats sont détaillés dans les annexes jointes.

Les teneurs ambiantes dans l’environnement marin ne sont ni proches de zéro pour les substances radioactives artificielles (iode-129 et cobalt-60) et ni proches des niveaux naturels pour le tritium et carbone-14. L’excuse des besoins de plus de recherches et développement pour réduire les rejets radioactifs en mer, avancée dans la contribution française à OSPAR, n’est pas recevable. A l’exclusion du tritium, des technologies sont disponibles et utilisées dans d’autres pays. Elles doivent être utilisées en France.

-> Télécharger ce communiqué et ses annexes en un seul fichier.

Pour consulter les résultats de l’Observatoire citoyen de la radioactivité dans l’Environnement, c’est par ici.


Malgré les engagements internationaux de la France, les rejets radioactifs en mer ne baissent pas

Communiqué de presse du 29 septembre 2021

Avec son usine de retraitement à La Hague, la France a les plus forts rejets radioactifs en mer d’Europe. Et ces rejets ne baissent pas, malgré les engagements pris en 1998, à Sintra au Portugal, par les Etats membres de la convention OSPAR pour la protection de l’Atlantique du Nord-Est :
« NOUS CONVENONS […] d’empêcher que la zone maritime ne soit polluée par des radiations ionisantes, ceci par des réductions progressives et substantielles des rejets, émissions et pertes de substances radioactives, le but étant en dernier ressort de parvenir à des teneurs, dans l’environnement, proches des teneurs ambiantes dans le cas des substances radioactives présentes à l’état naturel, et proches de zéro dans le cas des substances radioactives artificielles […].
NOUS FERONS EN SORTE que les rejets, émissions et pertes de substances radioactives soient, d’ici l’an 2020, ramenés à des niveaux tels que, par rapport aux niveaux historiques, les concentrations additionnelles résultant desdits rejets, émissions et pertes soient proches de zéro. »
Ces engagements ont été confirmés lors des réunions suivantes de 2003 à Brême et de 2010 à Bergen.

Mais, les résultats de la surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement effectuée par l’ACRO depuis plus de 25 ans, montrent que le compte n’y est pas : les rejets de l’usine de retraitement Orano de La Hague sont visibles tout le long du littoral de la Manche et, lors de l’été 2021, ils pouvaient encore être détectés jusqu’à la frontière danoise. L’association demande donc instamment à la France de respecter ses engagements internationaux en réduisant significativement ses rejets radioactifs en mer. Elle va, de son côté, maintenir sa vigilance.

Les radioéléments prédominants

Le « Bilan de santé » effectué en 2010 par la convention OSPAR précise que les usines liées à la fabrication et au retraitement du combustible sont responsables de 98% des rejets de radioéléments provenant du secteur nucléaire. L’usine de retraitement britannique de Sellafield ayant cessé son activité en 2020, les rejets français sont désormais ultra dominants.

Dans sa dernière contribution à la convention OSPAR, datée de 2019, La France reconnaît que les radioéléments qui ont le plus fort impact sont l’iode-129 et le carbone-14 : la dose du groupe de référence, à savoir les pêcheurs locaux, serait réduite de 30% si ces deux radioéléments étaient filtrés. La réduction des rejets en cobalt-60 entraînerait, quant à elle, une réduction de 4% de la dose du même groupe de référence. Mais, malheureusement, Orano n’a pas mis en œuvre les technologies disponibles dans d’autres pays pour réduire les rejets de ces trois éléments. L’iode et le cobalt font partie des 62 radioéléments filtrés par la station ALPS à Fukushima.

Dans le cadre de son Observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement, l’ACRO détecte systématiquement l’iode-129 dans les algues tout le long du littoral de la Manche à des teneurs qui ne diminuent pas avec le temps. Elle en a détecté jusqu’à la frontière danoise.

Le cobalt-60 est régulièrement détecté dans les algues prélevées dans le Nord-Cotentin et plus épisodiquement à St-Valéry-en-Caux, près des centrales nucléaires de Penly et Paluel en Seine maritime.

L’ACRO n’a pas la capacité technique de mesurer le carbone-14, qui est aussi présent naturellement dans l’environnement, mais le constat radiologique publié par l’IRSN montre qu’il y a une contribution systématique des rejets des installations nucléaires et que l’on retrouve donc des niveaux qui dépassent significativement les niveaux naturels dans la Manche et la Mer du Nord, jusqu’aux Pays-Bas. Les plus fortes teneurs sont plus de deux fois plus élevées que les niveaux naturels.

Il est important de noter que les rejets en tritium (hydrogène radioactif) ont, quant à eux, fortement augmenté depuis la déclaration de Sintra. L’usine Orano de La Hague a les rejets les plus élevés au monde, selon le bilan fait par le gouvernement japonais : l’usine rejette tous les 30 jours ce que s’apprête à rejeter le Japon à Fukushima en 30 ans !

L’ACRO surveille aussi le tritium dans l’eau de mer. Dans le Nord-Cotentin, les teneurs sont plus de 100 fois plus élevées que le bruit de fond naturel.

Tous les résultats sont détaillés dans l’Annexe au Communiqué Presse OSPAR

Les teneurs ambiantes dans l’environnement marin ne sont pas proches de zéro pour les substances radioactives artificielles (iode-129 et cobalt-60), ni proches des niveaux naturels pour le tritium et le carbone-14. L’excuse des besoins de plus de recherches et développement pour réduire les rejets radioactifs en mer, avancée dans la contribution française à OSPAR, n’est pas recevable. A l’exclusion du tritium, des technologies sont disponibles et utilisées dans d’autres pays. Elles doivent être utilisées en France.

Pour consulter les résultats de l’Observatoire citoyen de la radioactivité dans l’Environnement, c’est par ici.


Fukushima : bilan de dix années de suivi par l’ACRO

Alors que l’on va commémorer le dixième anniversaire de la catastrophe nucléaire de Fukushima, l’ACRO propose :

Cela fait 10 ans que l’ACRO effectue un suivi de la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima daï-ichi et de ses conséquences sur un site Internet dédié : Fukushima.eu.org. Avec plus de 2 700 articles, c’est le site francophone le plus complet sur le sujet.

Le bilan chiffré traite :

  • de l’avancement du démantèlement des réacteurs accidentés ;
  • de la gestion de l’eau contaminée ;
  • des travailleurs du nucléaire et des décontamineurs ;
  • de la décontamination dans les territoires affectés par les retombées radioactives et de la gestion des déchets engendrés ;
  • du retour des populations dans les zones évacuées ;
  • de l’impact sanitaire ;
  • du coût de la catastrophe ;
  • de la situation du parc nucléaire japonais.

Résumé de la revue sur les cancers de la thyroïde :

L’ACRO a effectué une revue de la littérature scientifique à propos des cancers de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima. Les dernières données publiées font état de 252 cas de cancer suspecté, dont 202 ont été confirmés après une intervention chirurgicale. Mais ces données officielles ne prennent en compte que les cas découverts dans le cadre du suivi sanitaire lancé en 2011 par la province de Fukushima et ne sont donc pas complètes. Il n’est pas possible de connaître le nombre exact de cas.

S’il y a consensus sur le fait que le nombre de cas de cancer de la thyroïde observé est beaucoup plus élevé que ce qui est observé généralement sans dépistage, et ce, dès la première campagne de dépistage, les explications de cette augmentation sont très controversées. L’un des principaux objectifs du suivi en cours, outre de rassurer les familles, est de déterminer si l’exposition à de faibles doses de rayonnements a des effets sur la santé. Cependant, l’ancien directeur du suivi sanitaire de Fukushima, Shunichi Yamashita, a déjà conclu que « bien que les effets sur la santé directement liés à l’exposition aux radiations soient très peu probables dans les circonstances actuelles et les niveaux de radiation à Fukushima, une augmentation des cas de cancer de la thyroïde chez les enfants à Tchernobyl due à l’exposition interne à l’iode radioactif a conduit à exagérer le risque sanitaire des radiations à faibles doses et a également suscité une peur des radiations ». Quels que soient les résultats obtenus, les organisateurs de l’enquête s’en tiennent à cette interprétation.

Plusieurs arguments ont été avancés pour expliquer que les cas de cancer de la thyroïde découverts au cours de la première campagne n’étaient pas le résultat d’une exposition aux radiations après l’accident de Fukushima dai-ichi. Premièrement, une grande part de la population cible a reçu de faibles doses. Cependant, l’UNSCEAR, qui a procédé à une évaluation des doses à la thyroïde, n’exclut pas quelques cas de cancer liés aux radiations. Deuxièmement, la latence prévue pour le cancer de la thyroïde radio-induit est de 4 à 5 ans. Mais la plupart des cancers découverts à partir de la deuxième campagne sont apparus en très peu de temps. Troisièmement, aucun cas de cancer n’a été découvert dans la tranche d’âge la plus jeune, de 0 à 5 ans, au cours de la première campagne. Depuis, plus de 8 cas de ce type ont été découverts lors des campagnes suivantes.

En ce qui concerne les corrélations statistiques avec les doses d’exposition, les données disponibles ne sont pas suffisamment détaillées pour permettre des études précises. Il est intéressant de noter que les études réalisées par les membres du groupe de suivi sanitaire de Fukushima ne trouvent jamais de corrélation avec les doses de radiation, alors que les études réalisées par des chercheurs externes ont trouvé de telles corrélations.

Les arguments avancés pour exclure tout lien avec les retombées radioactives sont contredits par les faits. Si, dix ans après la catastrophe de Fukushima, il n’est toujours pas possible de tirer des conclusions définitives sur les raisons de la forte augmentation du taux de cancer de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima, il n’est plus possible d’exclure que des cancers puissent être induits par les radiations.


Nuage de sable du Sahara : une pollution radioactive qui revient comme un boomerang ; mis à jour au 17.03.2022

Mise à jour le 22 mars 2022 :

L’ACRO a effectué une nouvelle mesure suite à un épisode survenu en mars 2022 en France et les niveaux détectés sont comparables. Lire le communiqué.

Communiqué du 24 février 2021 :

Alors que les vents chargés de poussières en provenance du Sahara, survolent à nouveau l’Europe cette semaine, des analyses réalisées par l’ACRO montrent que celles-ci contiennent des résidus de pollution radioactive datant des essais de la bombe atomique pratiqués par la France dans les années 60.

Une pollution radioactive qui revient comme un boomerang

Entre 1945 et 1980, les Etats-Unis, l’Union soviétique, le Royaume-Uni, la France et la Chine ont réalisé 520 essais nucléaires atmosphériques atteignant des niveaux stratosphériques et dispersant de grandes quantités de produits radioactifs à la surface du globe, principalement dans l’hémisphère nord. Au tout début des années 60, la France a procédé à des essais nucléaires atmosphériques dans le Sahara algérien (Reggane) exposant aux radiations ses propres soldats mais aussi les populations sédentaires et nomades de la région. Depuis ce premier essai au Sahara en 1960 jusqu’à l’ultime expérimentation de 1996 en Polynésie française, la France aura procédé à 210 tirs nucléaires.

Pourquoi parler aujourd’hui – 60 ans plus tard – de ces essais nucléaires du Sahara ?
Le 6 février dernier, une large partie de la France a été l’objet d’un phénomène météorologique apportant des vents chargés de sable et de fines particules en provenance du Sahara.
Pour illustration, dans le massif du Jura, le ciel est demeuré orange toute la journée et ces particules atmosphériques se sont déposées au sol. La neige bien blanche le matin est devenue orange à son tour.

Photos prises le 6 février 2021 dans le massif du Jura © ACRO

Photos prises le 6 février 2021 dans le massif du Jura © ACRO

 

 

 

 

 

 

 

Toutes les surfaces étaient, le soir, recouvertes d’une fine couche de ces particules. L’ACRO a alors fait un prélèvement sur toute la surface d’une voiture à l’aide de multiples frottis.

Photo des dépôts de fines particules de sable © ACRO

Ces frottis ont été transférés au laboratoire de l’ACRO pour une analyse de radioactivité artificielle par spectrométrie gamma (sur un détecteur GeHP).

Le résultat de l’analyse est sans appel. Du césium-137 est clairement identifié.
Il s’agit d’un radioélément artificiel qui n’est donc pas présent naturellement dans le sable et qui est un produit issu de la fission nucléaire mise en jeu lors d’une explosion nucléaire.

Considérant des dépôts homogènes sur une large zone, sur la base de ce résultat d’analyse, l’ACRO estime qu’il est retombé 80 000 Bq au km2 de césium-137.

L’épisode du 6 février constitue une pollution certes très faible mais qui s’ajoutera aux dépôts précédents (essais nucléaires des années 60 et Tchernobyl).
Cette pollution radioactive – encore observable à de longues distances 60 ans après les tirs nucléaires – nous rappelle cette situation de contamination radioactive pérenne dans le Sahara dont la France porte la responsabilité.

Photo du spectre de résultat de l’analyse des poussières en provenance du Sahara par spectrométrie gamma Haute résolution (GeHP). L’analyse radiologique permet d’identifier la présence de césium-137 (Cs-137) matérialisée ici par son pic caractéristique (en rouge) © ACRO.

Version du communiqué en PDF


Surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement autour des installations nucléaires de la Loire et de la Vienne

L’ACRO et le collectif de préleveurs Loire Vienne à Zéro nucléaire (LVZn) publient ce jour un nouveau bilan de leur surveillance citoyenne du tritium dans l’eau du bassin de la Loire et de la Vienne à retrouver sur le site de l’ACRO (acro.eu.org). Cet élément radioactif, rejeté par intermittence par les cinq centrales nucléaires situées sur ces cours d’eau, se retrouve dans les écosystèmes et l’eau de consommation.

Cette surveillance citoyenne fait apparaître deux points saillants :

• En aval de la centrale nucléaire de Dampierre, la concentration en tritium dans la Loire a dépassé la limite de qualité pour les eaux de consommation fixée à 100 Bq/L. Les résultats de la surveillance d’EDF font état de valeurs proches, alors que l’autorisation de rejet limite à 80 Bq/L en moyenne la concentration en tritium dans l’eau du fleuve.

• A Saumur, en aval de toutes les installations nucléaires situées sur la Loire et la Vienne, on retrouve presque systématiquement du tritium dans l’eau du fleuve et dans l’eau du robinet. La valeur la plus élevée détectée à ce jour reste celle du 21 janvier 2019, avec 310 Bq/L dans la Loire, qui a déjà été rendue publique en juin 2019. L’ASN a exclu un incident à la centrale de Chinon ayant entraîné un rejet anormal ce jour-là. Après avoir exclu l’existence d’une autre source de contamination, l’IRSN a, dans une note datée du 17 octobre 2019, mis en cause la « méthodologie du prélèvement » qui n’aurait pas été effectué dans la « zone de bon mélange ».

Les investigations supplémentaires que nous avons effectuées montrent qu’il n’y a pas de « bon mélange » à Saumur, contrairement à ce qui est admis. La contamination en tritium sur la rive gauche est encore influencée par les eaux de la Vienne et celle en rive droite, par les eaux de la Loire.

Le 21 janvier 2019, EDF n’a relevé que 32,8 Bq/L au niveau de son hydro-collecteur, situé en amont de la confluence avec la Vienne, soit environ 10 fois moins que nous. Il est donc fort probable qu’il n’y avait non plus de « bon mélange » dans l’eau de la Loire et que l’hydro-collecteur ne permet donc pas de suivre correctement les rejets de la centrale de Chinon.

Ainsi, ce ne sont donc pas les prélèvements qui doivent être remis en cause, mais la modélisation effectuée par l’IRSN et la surveillance effectuée par EDF.

Dans un rapport pas encore publié sur son site Internet, mais transmis à la CLI de Chinon le 1er octobre 2020 (ce rapport est désormais public : lien direct, copie), l’IRSN corrobore nos observations : « L’homogénéisation des concentrations en Loire des rejets liquides du CNPE de Chinon n’est pas atteinte en toutes circonstances au niveau de sa station de surveillance aval. En conséquence, il est fortement pressenti que la mesure du 21 janvier 2019 traduise la persistance jusqu’à Saumur de concentrations de tritium hétérogènes consécutives aux rejets liquides du CNPE de Chinon ». Ce n’est donc pas notre « méthodologie de prélèvement » qui est en cause ! De plus, selon ce rapport, entre mai 2018 et mai 2019, l’hydro-collecteur en question, qui sert à EDF et à l’IRSN, n’a détecté les rejets de Chinon que de la « fin juillet 2018 à début novembre 2018 ». Le reste du temps, les « mesures effectuées à cette station sont essentiellement représentatives des contributions des CNPE amont ». Ce dysfonctionnement n’aurait pas été découvert sans la surveillance citoyenne effectuée par l’ACRO et le collectif de préleveurs !

Communiqué au format pdf

Tous les résultats de la surveillance citoyenne de la radioactivité dans le bassin de la Loire sont dans notre rapport :

 


L’héritage de Tchernobyl et la voie navigable transeuropéenne E40 – Chernobyl heritage and the E40 trans-Europe waterway – Наследие Чернобыля и трансъевропейский водный путь Е40

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Le projet de voie navigable internationale E40 vise à relier la mer Baltique et la mer Noire, de Gdansk à Kherson, en passant par la Pologne, la Biélorussie et l’Ukraine. Elle doit notamment traverser la Polésie, qui est la plus grande région sauvage d’Europe, où elle est susceptible de poser un risque élevé de dégradation des étendues naturelles dans le parc national Pripiatsky (Прыпяцкі нацыянальны парк). En outre, une partie du projet comprend l’aménagement de la rivière Pripiat qui coule au pied de la centrale nucléaire de Tchernobyl et traverse la réserve radio-écologique d’État de Polésie (Палескі дзяржаўны радыяцыйна-экалагічны запаведнік) dans la zone d’exclusion de Tchernobyl qui est fortement contaminée par divers radioéléments.

C’est dans ce contexte que l’ACRO a effectué une première étude radio-écologique du projet pour le compte de la société zoologique de Francfort et le collectif « Save Polesia ».

Conclusions

Tchernobyl est l’accident industriel le plus grave de l’histoire. Plus de 30 ans plus tard, la contamination radioactive résiduelle est telle qu’elle interdit de vivre dans une zone d’exclusion étendue. Aujourd’hui, la contamination est dominée par le césium-137, le strontium-90 et divers isotopes du plutonium hautement toxique. L’américium-241, le noyau fils du plutonium-241, est également très toxique et sa contribution croissante devrait dominer l’impact radiologique à l’avenir. La stratégie générale consiste à attendre la lente décroissance radioactive et la réhabilitation de la zone d’exclusion de Tchernobyl demeure impossible pendant des décennies. Le démantèlement du bassin de refroidissement de Tchernobyl – le point chaud le plus radioactif – est la seule exception. Il existe également environ 90 sites de stockage de déchets radioactifs dans la zone d’exclusion de Tchernobyl qui doivent encore être démantelés.
Au-delà de la zone d’exclusion, la vie quotidienne de millions de personnes est toujours affectée par la contamination résiduelle. L’ensemble du bassin versant Pripiat-Dniepr a été contaminé par les retombées et les transferts directs dans la rivière. En aval de la zone d’exclusion de Tchernobyl, environ 8 millions d’Ukrainiens boivent l’eau du Dniepr, et jusqu’à 20 millions mangent des aliments irrigués avec cette eau. Les principaux contaminants sont le césium-137 qui tend à se fixer dans les sédiments de fond et le strontium-90 qui est continuellement transporté vers la mer Noire par la cascade du Dniepr. Les sédiments contaminés par le césium-137 ont été lentement recouverts par des sédiments moins contaminés et plus propres au fond du réservoir de Kiev, offrant un bouclier naturel à ce polluant. L’AIEA recommande, comme stratégie globale, de laisser ces sédiments en place et d’éviter tous processus qui conduiraient à leur remise en suspension. Pour le strontium-90, rien ne peut être fait.
En amont de la zone d’exclusion de Tchernobyl, il existe des zones le long de la rivière Pripiat qui ont été contaminées par les retombées radioactives au moment de l’accident. Le césium-137 est le contaminant dominant. La stratégie globale consiste également à attendre sa lente désintégration radioactive.
La CIPR considère ces situations comme des situations existantes pour lesquelles elle recommande un processus d’optimisation visant à retrouver les niveaux d’exposition prévalant avant l’accident. Les mesures de protection consistent principalement à adapter la vie quotidienne des habitants des territoires contaminés, car les modes de vie individuels sont des facteurs influents de l’exposition. Cela suppose que les personnes touchées soient pleinement conscientes de la situation et bien informées.
La convention d’Aarhus exige également que les États veillent à ce que les informations environnementales soient disponibles dans des bases de données électroniques facilement accessibles au public. Actuellement, ce n’est pas le cas. Il est très difficile d’accéder aux données sur la contamination radioactive afin d’évaluer les doses d’exposition.
Dans un tel contexte, la voie navigable intérieure E40 projetée, qui devrait passer à proximité de la centrale nucléaire de Tchernobyl et traverser la zone d’exclusion de Tchernobyl, aura nécessairement un impact radiologique sur les travailleurs de la construction et de la maintenance, ainsi que sur la population en aval qui dépend de l’eau des rivières Pripiat et Dniepr. Bien que ce projet nécessite de grands travaux tels que la construction d’un barrage et l’alignement du cours de la rivière dans la partie la plus contaminée de son cours, aucune étude d’impact radiologique n’est disponible.
Les principes de la CIPR en matière de radioprotection et les conventions d’Aarhus et d’Espoo exigent des études environnementales et radiologiques, une justification du projet et la participation des parties prenantes et du grand public au processus de décision.
La présente étude montre que les travaux de construction pour la partie de la voie navigable E40 qui traverse la zone d’exclusion de Tchernobyl et passe à proximité de la centrale nucléaire ne sont pas réalisables. L’exposition estimée des travailleurs serait trop élevée pour être acceptée. En outre, le bassin de refroidissement de Tchernobyl, fortement contaminé, et les stockages temporaires de déchets radioactifs dans la plaine d’inondation de la rivière Pripiat n’ont pas encore été démantelés, ce qui empêche tout travail de construction. L’AIEA recommande également une liste d’autres mesures de protection qui restent à mettre en œuvre.
La partie de la voie navigable E40 qui se trouve en amont de la zone d’exclusion de Tchernobyl serait alors inutile, car sans connexion avec le Dniepr. Cela signifie également que les travaux d’aménagement qui consistent en la construction de plusieurs barrages et l’alignement des méandres de la rivière Pripiat pour accepter les navires de classe V ne sont pas justifiés.
Enfin, la portion de la route E40 allant de la mer Noire au réservoir de Kiev nécessite principalement des travaux de dragage réguliers. L’étude de faisabilité mentionne 68 000 m3 de travaux de dragage par an dans le réservoir de Kiev, qui stocke du césium-137 dans ses sédiments de fond. Une telle activité est contraire aux recommandations de l’AIEA de laisser les sédiments en place car elle augmentera la dose des personnes qui dépendent de l’eau du réservoir de Kiev pour leur approvisionnement en eau et en nourriture.


Chernobyl heritage and the E40 trans-Europe waterway

The E40 international waterway project aims to link the Baltic and Black Seas, from Gdansk to Kherson, via Poland, Belarus and Ukraine. In particular, it should cross the Polesia, the largest wilderness area in Europe, where it is likely to pose a high risk of degradation of natural areas in the Pripiatsky National Park (Прыпяцкі нацыянальны парк). In addition, part of the project includes the development of the Pripiat River, which flows at the foot of the Chernobyl nuclear power plant and crosses the Polesie State Radio-Ecological Reserve (Палескі дзяржаўны дзяржаўны радыяцыйна-экалагічны запаведнік) in the Chernobyl Exclusion Zone, which is heavily contaminated by various radioelements.

It is in this context that ACRO carried out a first radio-ecological assessment of the project on commission of the Frankfurt Zoological Society and the “Save Polesia” partnership.

Conclusions

Chernobyl is the most severe industrial accident in history. More than 30 years later, residual radioactive contamination is such that it forbids living in an extended exclusion zone. Nowadays, the contamination is dominated by cesium-137, strontium-90 and various isotopes of the highly toxic plutonium. Americium-241, the daughter nucleus of plutonium-241, is also highly toxic and has an increasing contribution that is expected to dominate the radiological impact in the future. The general strategy is to wait for the slow radioactive decay and rehabilitation of the Chernobyl exclusion zone remains impossible for decades. Decommissioning of the Chernobyl cooling pond – the most radioactive hot spot – is the only exception. There are also about 90 radioactive waste storage sites in the Chernobyl exclusion zone that remain to be decommissioned.
Beyond the exclusion zone, the daily life of millions of people is still affected by the residual contamination. The whole Pripyat-Dnieper watershed was contaminated by the fallouts and direct transfers to the river. Downstream of the Chernobyl exclusion zone, approximately 8 million Ukrainians drink water from the Dnieper River, and as many as 20 million eat foods irrigated with Dnieper River water. Dominating contaminants are the cesium-137 that tends to be fixed in bottom sediments and the strontium-90 that is continuously transported down to the Black Sea through the Dnieper cascade. Sediments contaminated by cesium-137 have been slowly covered by less contaminated and clean sediments in the bottom of the Kyiv reservoir, offering a natural shield to this pollutant. The IAEA recommends, as an overall strategy, to leave these sediments as is and avoid processes that will lead to their resuspension. For strontium-90 nothing can be done.
Upstream of the Chernobyl exclusion zone, there are zones along the Pripyat river that were contaminated by the radioactive fallouts at the time of the accident. Cesium-137 is the dominating contaminant. The overall strategy there is also to wait for the slow radioactive decay.
The ICRP considers these situations as existing situations for which it recommends an optimisation process intended to recover the exposure levels prevailing before the accident. Protection measures mainly consist in adapting the daily life of the inhabitants of the contaminated territories because individual lifestyles are key drivers of the exposure. This supposes that affected individuals are fully aware of the situation and well informed.
The Aarhus convention also requires that States ensure that environmental information is available in electronic databases which are easily accessible to the public. Presently, this is not the case. It is very difficult to access to data about the radioactive contamination in order to assess the exposure doses.
In such a context, the projected E40 inland waterway, which is supposed to pass nearby the Chernobyl nuclear power plant and go through the Chernobyl Exclusion Zone, will necessarily have a radiological impact on both construction and maintenance workers, as well as on the population depending on the water of the Pripyat and Dnieper rivers. Although this project requires heavy works such as dam construction and alignment of the river course in the most contaminated part of its route, no radiological impact study is available.
ICRP principles for radiation protection, Aarhus and Espoo conventions require environmental and radiological studies, a justification of the project and the participation of the stakeholders and the general public in the decision process.
The present study shows that the construction works for the part of the E40 waterway route that crosses the Chernobyl exclusion zone and passes nearby the Chernobyl nuclear power plant are not feasible. The forecasted exposure of the workers would be too high to be accepted. Moreover, the heavily contaminated Chernobyl cooling pond and temporary radioactive waste storages in the floodplain of the Pripyat River have not been decommissioned yet, preventing any construction work. The IAEA also recommends a list of other protective actions that remain to be done.
The portion of the E40 waterway that lies upstream the Chernobyl exclusion zone would then be useless without a connection to the Dnieper river. This also means that development works that consist of several dam construction and alignment of meandering Pripyat river to accept class V vessels are not justified.
Finally, the portion of the E40 route from the Black Sea to the Kyiv reservoir mainly requires regular dredging work. The feasibility study mentions 68 000 m3 of dredging work every year in the Kyiv reservoir, that stocks cesium-137 in its bottom sediments. Such an activity is contrary to the IAEA’s recommendations to leave the sediments in place because it will increase the dose of people who depend on the water from the Kyiv reservoir for their water and food supply.


Наследие Чернобыля и трансъевропейский водный путь Е40

В преддверии годовщины аварии на ЧАЭС опубликовано научное исследование «Наследие Чернобыля и трансъевропейский водный путь Е40», над которым работала независимая команда экспертов совместно с представителями беларусских общественных организаций АПБ и «Багна».

план строительства судоходной трассы длиной более 2000 км, который хотят проложить по Висле, Припяти и Днепру для того, чтобы соединить Балтийское и Чёрное моря для судов. План проекта предполагает строительство обводного канала в Польше, 6-7 плотин и шлюзов на Припяти, углубительные работы по всему маршруту, чтобы по этим рекам могли ходить многотоннажные суда класса «река-море». Инициаторами строительства Е40 выступила коалиция организаций из трёх стран во главе с РУЭСП «Днепро-Бугский водный путь».

Чтобы узнать, как строительство Е40 может повлиять на радиационную ситуацию в регионе, Лаборатория по контролю за радиоактивностью Франции (Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest, ACRO) провела независимое экспертное исследование по заказу Франкфуртского зоологического общества (ФЗО).

Дноуглубительные и инфраструктурные работы в Чернобыльской зоне отчуждения, по мнению учёных:

  • поднимут со дна Киевского водохранилища загрязнённые радионуклидами донные отложения, которые Международное агентство по атомной энергии рекомендует не трогать;
  • подвергнут строителей опасным уровням радиации;
  • подвергнут миллионы людей ниже по течению повышенному риску через загрязнённую радионуклидами воду.

Дэвид Бойли, один из авторов исследования, физик-ядерщик и председатель ACRO, отозвался о планах создания E40:

«Принимая во внимание результаты нашего анализа радиоактивности, строительство водного пути E40 через чернобыльскую зону отчуждения не представляется возможным».

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Выводы

Чернобыль – самая крупная промышленная авария в истории человечества. Более 30 лет спустя уровень остаточного радиоактивного загрязнения все еще настолько высок, что запрещает жить в расширенной зоне отчуждения. В настоящее время в загрязнении преобладают цезий-137, стронций-90 и различные изотопы высокотоксичного плутония. Америций-241, дочернее ядро плутония-241, также очень токсичен и оказывает все большее воздействие, которое, как ожидается, будет доминировать среди других элементов в плане радиологического воздействия в будущем. Общая стратегия состоит в том, чтобы ждать медленного радиоактивного распада, при этом восстановление чернобыльской зоны отчуждения остается невозможным в течение десятилетий. Вывод из эксплуатации Чернобыльского пруда-охладителя – наиболее радиоактивной горячей точки – является единственным исключением. В Чернобыльской зоне отчуждения также находится около 90 хранилищ радиоактивных отходов, которые еще предстоит вывести из эксплуатации.

За пределами зоны отчуждения остаточное загрязнение по-прежнему влияет на повседневную жизнь миллионов людей. Весь Припять-Днепровский водораздел был загрязнен осадками и прямыми уносами в реку. Вниз по течению от зоны отчуждения около 8 миллионов украинцев пьют воду непосредственно из Днепра, а до 20 миллионов едят продукты, орошаемые его водой. Доминирующими загрязняющими веществами являются цезий-137, который имеет тенденцию накапливаться в донных отложениях, и стронций-90, который непрерывно переносится в Черное море через Днепровский каскад. Отложения, загрязненные цезием-137, медленно покрывались менее загрязненными и чистыми отложениями на дне Киевского водохранилища, которые создавали естественный «щит». В качестве общей стратегии МАГАТЭ рекомендует оставить эти отложения как есть и избегать процессов, которые приведут к их ресуспендированию. В отношении стронция-90 сделать что-либо невозможно.

Вверх по течению от зоны отчуждения вдоль реки Припять есть зоны, загрязненные радиоактивными осадками во время аварии. Цезий-137 является доминирующим загрязняющим веществом. Общая стратегия также заключается в ожидании медленного радиоактивного распада.

МКРЗ рассматривает это как существующие ситуации, для которых рекомендуется провести процесс оптимизации, предназначенный для восстановления уровней воздействия (облучения), преобладавших до аварии. Меры защиты в основном состоят в адаптации повседневной жизни жителей загрязненных территорий, поскольку индивидуальный образ жизни является ключевым фактором воздействия. Это предполагает, что жители пострадавших территорий полностью осведомлены о ситуации и хорошо проинформированы.

Орхусская конвенция также требует, чтобы государства обеспечивали доступность экологической информации в электронных базах данных, которые были бы легко доступны для общественности. В настоящее время это никак не реализуется. Очень сложно получить доступ к данным о радиоактивном загрязнении, чтобы в должной мере оценить дозы облучения.

В таком контексте разрабатываемый внутренний водный путь E40, который должен проходить рядом с Чернобыльской АЭС и через чернобыльскую зону отчуждения, обязательно окажет радиологическое воздействие как на строителей, так и на ремонтников, а также на население, зависящее в своей хозяйственной деятельности от Припяти и Днепра. Несмотря на то, что в рамках проекта предусмотрено проведение сложных и трудоемких работ, таких как строительство плотины и выравнивание русла реки в наиболее загрязненной части его пути, какие-либо исследования по радиологическому воздействию отсутствуют.

Принципы МКРЗ в области радиационной защиты, Орхусская и Эспоо конвенции требуют наличия экологических и радиологических исследований, обоснования проекта и участия заинтересованных сторон и широкой общественности в процессе принятия тех или иных решений.

Настоящее исследование показывает, что строительные работы для части водного пути E40, которая пересекает чернобыльскую зону отчуждения и проходит рядом с Чернобыльской атомной электростанцией, невозможны. Прогнозируемое радиологические воздействие на работников будет неоправданно высоким. Более того, сильно загрязненный прудохладитель Чернобыльской АЭС и временные хранилища радиоактивных отходов в пойме реки Припять еще не выведены из эксплуатации, что не позволяет проводить рядом с ними какие-либо строительные работы. МАГАТЭ также рекомендует список других защитных мер, которые еще предстоит предпринять.

Часть водного пути E40, находящаяся выше по течению зоны отчуждения, будет бесполезной без соединения с Днепром. Кроме того, работы по строительству нескольких плотин и выравниванию меандрирующей Припяти для приема судов класса V должным образом не обоснованы.

Наконец, участок пути E40 от Черного моря до Киевского водохранилища требует регулярных дноуглубительных работ. В технико-экономическом обосновании упоминается о 68000 м3 дноуглубительных работ в год, их необходимо проводить на Киевском водохранилище, которое хранит большие запасы цезия-137 в своих донных отложениях. Такая деятельность противоречит рекомендациям МАГАТЭ о том, чтобы оставить отложения нетронутыми, поскольку это увеличит дозу воздействия для людей, которые зависят от воды из Киевского водохранилища в своих хозяйственных и пищевых нуждах.

Перевод на русский: АПБ (Ахова птушак Бацькаўшчыны)

©Olga Kaskevich


Saisie par l’ACRO, la CADA demande plus de transparence à l’industrie nucléaire

Première publication : 18 décembre 2019 – Mise à jour : 22 janvier 2020

Les piscines de combustibles usés devraient arriver à saturation à l’horizon 2030, entraînant un arrêt forcé d’une partie du parc nucléaire si aucune solution n’est mise en œuvre d’ici là. Mais le rapport « impact cycle 2016 » d’EDF et Orano sur le sujet est secret. L’expertise qu’en a fait l’IRSN n’est que partiellement publique : 10% du rapport ont été noircis à la demande des exploitants. Il n’y a quasiment aucun chiffre.

L’ACRO a donc saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) qui vient de rendre son avis (n°20192568 du 28 novembre 2019) : plusieurs passages occultés devront être dévoilés. C’est le cas, en particulier, de toute la partie concernant l’étude des aléas.

Pour l’ACRO, l’industrie nucléaire abuse de la loi sur le secret des affaires. Heureusement, la CADA est venu rappeler que le code de l’environnement prime.

La place disponible dans les piscines de La Hague n’était plus que de 7,4% en 2016 (chiffre noirci dans le rapport IRSN, mais révélé par l’ACRO en octobre 2018) : en cas d’aléa sur une des étapes de la chaîne du combustible (retraitement, transport, MOx), la saturation interviendrait au bout d’un an et il faudra arrêter le parc nucléaire français pour cause d’occlusion intestinale ! Ce délai va se raccourcir à mesure que l’on s’approche de l’échéance de 2030. Il y a là une vulnérabilité majeure pour l’approvisionnement électrique français que l’industrie nucléaire voulait cacher.

L’ACRO a donc écrit à l’IRSN pour lui demander de se conformer à l’avis de la CADA. Pour l’Association, qui a eu le rapport non censuré entre les mains, rien ne justifie ces cachotteries. Elle milite pour une publication intégrale du rapport.

EDF arrivera-t-elle à construire sa piscine centralisée avant 2030 ? Le calendrier est tendu alors que l’emplacement envisagé est toujours secret.

L’ACRO regrette que toutes ces informations n’aient pas été disponibles pour les deux débats publics sur la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) et le Plan de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs (PNGMDR) organisés en 2018 et 2019. Une fois de plus, sans l’action d’associations citoyennes, le défaut de transparence aurait perduré.

Extrait sur les aléas du rapport IRSN qui devra être dévoilé :


Mise à jour du 22 janvier 2020 :

Suite à l’action de l’ACRO et à l’avis de la CADA, l’IRSN a mis en ligne une nouvelle version de son rapport “impact cycle 2016”. La partie “aléas” a été largement dévoilée, mais pas complètement. En revanche, même si certains tableaux sont maintenant en clair, beaucoup de chiffres restent secrets, sans justification.

Le rapport EDF, quant à lui, reste secret.

Le sujet va être abordé par le Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) lors de sa séance du 22 janvier 2020 (voir l’ordre du jour). Voici l’intervention de l’ACRO au sein de ce Comité.

La transparence reste un combat pour tout ce qui touche au nucléaire.


Accident nucléaire grave : la France n’est pas prête

Article initialement publié en Avril 2016

En cas d’accident nucléaire grave, la France n’est pas prête. Tel est le constat d’une étude de l’ACRO effectuée pour l’ANCCLI (Association Nationale des Comités et Commissions Locales d’Information). En effet, les leçons de la catastrophe de Tchernobyl ont été ignorées, car il s’agissait d’un accident qualifié de « soviétique », donc impossible en France. Celles de la catastrophe de Fukushima tardent à être prise en compte.

L’étendue des Plans Particuliers d’Intervention (PPI) est toujours limitée à 10 km, alors que l’impact des accidents graves va bien au-delà. Le rapport ATHLET des autorités de sûreté nucléaire et compétentes en radioprotection européennes recommande pourtant de se préparer à évacuer jusqu’à 20 km, protéger la thyroïde et se mettre à l’abri jusqu’à 100 km.

En cas d’évacuation, les personnes vulnérables, comme les malades hospitalisés ou les personnes âgées, sont celles qui risquent le plus. Il y a eu de nombreux décès au Japon. Il y a urgence à prévoir des mesures de protection appropriées pour elles.

Les plans d’urgence n’ont pas été évalués scientifiquement, comme c’est le cas en Amérique du Nord où une évaluation des temps d’évacuation est obligatoire.

Depuis l’accident nucléaire de Fukushima, il n’y a pas eu d’évolution : le plan national de janvier 2014 n’a pas étendu les distances de référence. Les nouveaux PPI sont essentiellement du copié-collé des anciens. Comparativement, la Suisse a étendu la pré-distribution d’iode à 50 km autour de ses centrales nucléaires. En Belgique, le Conseil Supérieur de la Santé vient de préconiser d’adopter des recommandations du rapport ATHLET et d’étudier les vulnérabilités, et ce d’ici la fin 2016. En Allemagne, la Commission de radioprotection recommande aussi d’étendre les PPI jusqu’à 100 km.

Qu’attend la France ?

Etude pour l’ANCCLI

Lire le rapport complet au format pdf

Pour lire le résumé : http://fukushima.eu.org/plans-durgence-nucleaire-en-france-forces-et-faiblesses/