Tous les trimestres, nous publions un dossier thématique, une revue de presse, des résultats d’analyse de la radioactivité.

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Historiques des Acroniques

Derniers numéros :

N°140 : D’où vient l’uranium importé en France ? – Nucléaire, un cycle du combustible grippé (mars 2023) Note d’information de l’ACRO

N°139 : Projet de construction de six EPR2 dont une première paire à Penly – Pollution au plutonium à La Hague révélée par l’ACRO (décembre 2022)

N°138 : Surveillance de la contamination de l’eau potable et de légumes autour de Valduc (septembre 2022)

N°137 : Résultats 2021 de la surveillance radiologique de l’environnement autour des installations nucléaires de la Loire et de la Vienne (juin 2022)

N°136 : Suivi du projet de la piscine nucléaire EDF à La Hague / Enquête publique sur la poursuite du démantèlement de la centrale de Brennilis (mars 2022)


Engagement étudiant : rejoignez l’ACRO !

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Etudiants, participez à la surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement mise en place par l’ACRO. Vous pourrez mettre à profit vos compétences en biologie, environnement, physique ou informatique (gestion de bases de données, SIG…) dans un cadre convivial !

L’ACRO a créé l’Observatoire Citoyen de la radioactivité dans l’environnement, un réseau de surveillance basé sur la vigilance des citoyens, riverains ou non d’installations nucléaires. Les deux principaux volets sont le suivi des niveaux de radioactivité le long du littoral normand et le suivi du tritium dans les eaux douces et les eaux de consommation. Dans les deux cas, il s’agit d’évaluer les répercussions des rejets d’effluents radioactifs des installations nucléaires dans l’environnement.

Vous pouvez participer à l’ensemble des opérations, des prélèvements dans l’environnement jusqu’à la valorisation des résultats, en passant par toutes les étapes de traitement et d’analyse des échantillons au sein du laboratoire de l’ACRO. L’équipe sera présente pour assurer un encadrement technique et scientifique qui vous permettra d’acquérir, ou de perfectionner différents savoirs et savoir-faire, certains étant propre à notre domaine d’activités (analyses par spectrométrie gamma et scintillation liquide), d’autres étant plus universels (préparation d’échantillons, gestion de bases de données, SIG, sites internet…).

Par votre implication au sein de l’Observatoire Citoyen vous acquerrez de nouvelles compétences qui vous seront profitables.

Si vous êtes intéressés, contactez-nous au plus vite !

Soutenez l’ACRO en choisissant Lilo comme moteur de recherche

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15Notre observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement a été sélectionné par le moteur de recherche Lilo. Vous pouvez désormais nous financer gratuitement en utilisant Lilo pour vos recherches quotidiennes !

Pour découvrir ce nouveau moteur et nous financer gratuitement, c’est très simple :

  1. Se rendre sur http://www.lilo.org/?utm_source=acro-observatoire-citoyen pour utiliser le moteur de recherche Lilo.
  2. Cumuler au minimum 50 gouttes d’eau.
  3. Aller sur la fiche projet http://www.lilo.org/fr/acro-observatoire-citoyen/?utm_source=acro-observatoire-citoyen et verser au minimum 50 gouttes d’eau la première fois que vous nous versez vos gouttes d’eau (les fois suivantes, c’est à souhait).
  4. Faire ses recherches au quotidien avec Lilo pour gagner des gouttes d’eau.
  5. Reverser régulièrement ses gouttes d’eau, en se rendant directement sur la fiche projet http://www.lilo.org/fr/acro-observatoire-citoyen/?utm_source=acro-observatoire-citoyen

Contamination au tritium de l’eau potable : mise au point de l’ACRO

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L’ACRO a rendu publique, mercredi 17 juillet dernier, une carte exclusive de la contamination de l’eau potable par le tritium à partir des données transmises par le ministère de la santé et a souligné le risque en cas d’accident nucléaire, comme l’indiquait le titre de son communiqué. La Direction Générale de la Santé, qui nous a fourni les données, a été prévenue par mail le lundi 15 juillet au soir de notre communication à venir et de nos revendications.

Cette cartographique de la contamination en tritium de l’eau potable n’avait jamais été faite. Les données étaient disponibles, mais elles n’étaient connues, ni de la presse, ni du public. Notre carte a donc eu un énorme impact, qui nous a nous même surpris. Notre site Internet a été consulté par plus de 160 000 citoyens en quelques jours !

Les promoteurs de l’énergie nucléaire ont vu d’un mauvais œil cette information sur les rejets de leurs installations qui impactent directement l’eau potable. Certains ont essayé de faire croire que ce tritium était naturel, alors qu’aux taux relevés, il ne peut être qu’artificiel. Mais, personne ne s’est intéressé à l’objet même de notre communication, à savoir quelle alimentation en eau potable en cas d’accident nucléaire grave ?

Dans ce contexte, un message a été posté anonymement sur les réseaux sociaux. Il mentionnait une contamination au « titanium », et non au tritium, et un prétendu arrêté préfectoral interdisant de boire de l’eau du robinet en Ile de France. Il a semé la panique et entraîné des messages rassurants des autorités sur la qualité de l’eau de consommation. L’ACRO a rapidement démenti sur twitter cette fausse information, dès qu’elle a découvert la rumeur.

Peine perdue, cette fausse information a permis d’accuser l’ACRO d’avoir semé la panique. S’en est suivie une avalanche de tweets insultants basés sur la théorie du complot : l’ACRO manipulerait les journalistes. C’est nous donner beaucoup de pouvoir ! Certains sont même allés à proférer des menaces.

TF1 s’est particulièrement distinguée dans le paysage médiatique français par sa propre fake news. Lors de son journal de 20h du 21 juillet 2019, la chaîne assène : « le communiqué alarmiste d’une association a semé la panique chez plus de 6 millions de Français. Sauf que tout était faux. » Il s’agit de propos diffamants : nos données viennent du ministère de la santé et n’ont jamais été contestées. La contamination est avérée et elle est issue des rejets des installations nucléaires.

L’ACRO est un lanceur d’alerte. Rien dans sa communication n’est anxiogène. Elle ne cherche pas à provoquer la panique, mais le débat. Le but de ce travail est d’éclairer le public et les autorités sur les niveaux de radioactivité et les risques engendrés en cas d’accident.

C’est Le Canard Enchaîné qui, le premier, a publié l’information, en précisant : « Pas de panique : la concentration en hydrogène radioactif (autre nom du tritium) reste très en deçà des normes sanitaires et est donc sans danger. » Notre communiqué précisait qu’« aucune valeur ne dépasse le critère de qualité fixé à 100 Bq/L instauré par les autorités sanitaires. » Nous disons que le tritium est un lanceur d’alerte et nous insistons sur le risque en cas d’accident nucléaire grave. La dépêche AFP qui a suivi, et qui a été reprise par presque toute la presse, citait notre phrase et précisait que les valeurs étaient bien en-dessous de la limite de potabilité de l’OMS.

Pour mémoire, nous avions déjà mis en avant, le 18 juin dernier, grâce à nos propres résultats d’analyse, la contamination de l’eau potable le long de la Loire. L’information avait déjà été largement reprise par la presse, sans pour autant provoquer de mouvement de panique.

On nous a aussi reproché d’avoir utilisé le mot « contamination », mais c’est celui utilisé dans le monde de la radioprotection. Il peut y avoir de faibles contaminations avec un risque faible et de fortes contaminations qui présentent des risques élevés. Le mot a pour but de souligner la présence d’éléments radioactifs artificiels. Nous continuerons donc à l’utiliser.

Nous avons été surpris et choqués, lors de notre étude, de découvrir que 6,4 millions de Français buvaient une eau contaminée directement par l’industrie nucléaire, même si cela n’avait pas d’impact sanitaire. Personne ne connaissait ce chiffre puisqu’une telle étude est inédite. Notre travail met en lumière la vulnérabilité de l’alimentation en eau potable de grandes agglomérations en cas d’accident nucléaire grave. Nous n’avons pas été démentis sur le sujet. Aucune préfecture n’a été en mesure d’indiquer qu’elle dispose un plan « ORSEC eau potable ».

Il nous a été reproché de faire peur avec l’accident nucléaire. Mais toutes les instances nationales et internationales invitent à s’y préparer : cela fait partie intégrante de la sûreté nucléaire. Cette vulnérabilité de l’eau potable est peu connue. Elle nous avait échappé lors de nos études précédentes sur les plans d’urgence nucléaire.

Nous nous devions d’alerter sur ce risque et nous allons continuer à faire pression pour qu’il soit pris en compte. Notre observatoire de la radioactivité dans l’eau va être étendu et nous continuerons à communiquer sur le sujet. C’est la raison d’être de notre association, qui milite pour le droit de savoir dans le domaine du nucléaire et de la radioactivité.

Mise à jour : les résultats du contrôle sanitaire de l’eau du robinet sont désormais disponibles sur le site data.gouv.fr

En France métropolitaine, moins de 5% de la population bénéficiera de comprimés d’iode à la maison pour protéger sa thyroïde en cas d’accident nucléaire

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Plus de 8 ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima, la France s’apprête à étendre la distribution d’iode dans un rayon de 20 km autour de ses 19 centrales nucléaires (site de la campagne). 3 millions de personnes bénéficieront d’une protection de leur thyroïde en cas d’accident nucléaire grave (chiffres officiels par centrale). Cela ne représente que 4,6% des 65 millions d’habitants en France métropolitaine.

A titre de comparaison, la Belgique propose de l’iode à toute sa population, ce qui représente un rayon de 100 km autour de ses centrales. Le Luxembourg aussi. La Norvège, qui ne possède pas de centrale nucléaire, recommande, depuis janvier dernier, à toute sa population d’avoir de l’iode à la maison (page, document). En Suisse, 60% de la population a reçu de l’iode à la maison, suite à l’extension de 20 à 50 km de la distribution.

Pourquoi les Français ne sont-ils pas bien protégés en cas d’accident grave ? L’ACRO a interrogé le ministère de l’intérieur, pour lui demander de justifier sa politique. La réponse reçue rappelle la politique française, mais ne répond pas aux questions posées. Nous sommes heureux d’apprendre que les “méthodes retenues répondent d’une part aux objectifs de traçabilité, de qualité de stockage et de manœuvrabilité et d’autre part de réactivité au plus près des installations”. (La réponse complète est ci-dessous). Mais, au vu du contenu des PPI quant à l’organisation de cette « réactivité » au delà des 20 km, nous ne sommes pas rassurés.

L’ACRO réclame que la zone de distribution soit étendue à 100 km et invite la population et en particulier les familles avec enfants, les femmes enceintes ou allaitantes à demander des comprimés d’iode en utilisant le N° Vert mis à disposition par les autorités : 0 800 96 00 20 (appels possibles de 10h à 18h en semaine).

L’ACRO milite depuis des années pour l’extension de la distribution d’iode en France. Suite à notre dernière campagne, des centaines de mails ont été envoyés dans les préfectures pour demander à bénéficier d’iode à la maison quand on n’est pas dans un rayon de 20 km d’une centrale nucléaire. A notre connaissance, personne n’a reçu de réponse.

Nous avons écrit au ministère de l’intérieur pour lui demander de justifier pourquoi les Français ne bénéficient pas de la même protection que leurs voisins européens en cas d’accident nucléaire. Nous demandions aussi que les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes puissent être protégés en priorité et bénéficier de la prophylaxie à l’iode dès que la dose à la thyroïde dépasse les 10 mSv, conformément aux recommandations de l’OMS. La Belgique a adopté cette valeur.

La réponse que nous avons reçue rappelle la politique française, mais ne répond pas aux questions posées. Nous sommes heureux d’apprendre que les “méthodes retenues répondent d’une part aux objectifs de traçabilité, de qualité de stockage et de manœuvrabilité et d’autre part de réactivité au plus près des installations”. Rassurés ?

Des réunions d’informations devraient être organisées prochainement pour organiser la distribution d’iode entre 10 et 20 km autour des centrales nucléaires françaises. Il faut continuer à faire pression sur les autorités pour obtenir une meilleure protection.

Lettre envoyée par l’ACRO le 8 mars 2019 à Monsieur Christophe Castaner, ministre de l’intérieur :

La France devrait bientôt étendre la distribution de comprimés d’iode stable à un rayon de 20 km autour des centrales nucléaires alors que la Suisse l’a étendue de 20 à 50 km et la Belgique de 20 à 100 km. En effet, toutes les études s’accordent pour dire qu’en cas d’accident grave sur une centrale nucléaire, il pourrait être nécessaire de protéger la thyroïde de la population sur des distances pouvant dépasser la centaine de kilomètres. D’ailleurs, la France a validé le rapport européen ATHLET2014 recommandant « d’être en mesure d’étendre […] la mise à l’abri des personnes et la distribution d’iode sur un rayon allant jusqu’à 100 km ».

Comment pouvez-vous justifier que les Français ne bénéficieront pas de la même protection que leurs voisins européens ?

Nous vous demandons de revoir votre position et d’étendre la distribution de comprimés d’iode à une distance de 100 km voire à tout le pays. Les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes doivent être protégés en priorité et bénéficier de la prophylaxie à l’iode dès que la dose à la thyroïde dépasse les 10 mSv, conformément aux recommandations de l’OMS. La Belgique a adopté cette valeur. Pourquoi la France maintient-elle une limite à 50 mSv pour tout le monde ?

Voici la réponse que nous avons reçue.

Trois générations d’armes nucléaires

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Fiche technique extraite de l’ACROnique du nucléaire n°46, septembre 1999


Dans cette fiche technique, nous allons tenter de décrire simplement les principes de base des bombes atomiques et montrer les liens avec l’industrie nucléaire. Nous nous limiterons à des principes généraux. Une fois la bombe fabriquée, il faut pouvoir la déployer, la contrôler, la protéger… puis démanteler les bombes et les installations devenues obsolètes et dépolluer les sites contaminés. Selon les audits atomiques indépendants effectués en France et aux Etats-Unis cela représente plus de la moitié des coûts engagés, mais cela dépasse largement notre propos.


Un peu de physique

La Fission

La fission du noyau d’éléments lourds naturels comme l’uranium ou artificiels comme le plutonium entraîne un dégagement d’une grande quantité d’énergie et de particules, comme les neutrons. Cette fission peut être déclenchée par le choc d’un neutron. Une réaction en chaîne se développe alors : la fission émettant des neutrons qui déclenchent d’autres fissions qui vont émettre d’autres neutrons… Si le nombre de neutrons produits est inférieur au nombre de neutrons consommés ou qui s’échappent, la réaction va s’éteindre d’elle même, sauf si elle est entretenue par un apport extérieur de neutrons. Si le nombre de neutrons créés est supérieur au nombre de neutrons consommés, alors la réaction s’emballe et conduit à une explosion. Dans le cas de réactions nucléaires, l’emballement est très rapide et l’énergie dégagée immense, d’où l’intérêt que lui portent les militaires. Enfin, si le nombre de neutrons créés est égal au nombre de neutrons consommés ou s’échappant, la réaction va s’auto-entretenir. Ce régime, dit critique, est celui qui a lieu dans les réacteurs nucléaires. En cas d’explosion, on parle de régime sur-critique et, dans l’autre cas, de régime sous-critique. Les isotopes impairs de l’uranium et du plutonium sont plus facilement fissibles que les isotopes pairs quand ils sont soumis à un flux de neutrons thermiques, comme dans les réacteurs nucléaires classiques, mais avec des neutrons rapides, présents dans les surgénérateurs ou les bombes, tous les isotopes du plutonium ont pratiquement les mêmes propriétés. On appelle masse critique la quantité de matière fissile minimum nécessaire à la sur-criticité.

L’uranium naturel ne contient que 0,72% d’U235, celui qui est le plus fissible, le reste étant essentiellement composé d’U238 qui ne convient pas. Pour faire une arme il faut augmenter cette proportion jusqu’à 80-93%, en utilisant un processus industriel, l’enrichissement, qui est le même que celui utilisé pour la production de combustible civil où la proportion d’U235 varie de 3 à 5%. C’est l’usine de Pierrelatte (d’abord CEA puis COGEMA) qui se charge de cette opération. Le plutonium est produit dans des réacteurs nucléaires par bombardement d’uranium 238 par des neutrons et doit ensuite être extrait du combustible irradié par un processus industriel identique à celui de la technologie civile, à savoir le retraitement. En fonction de la technologie du réacteur et du temps d’irradiation on obtiendra un pourcentage plus ou moins élevé de Pu239, qui est le favori des militaires. Les autres isotopes sont issus de bombardements successifs du Pu239 par des neutrons, quand ils nâentraînent pas une réaction de fission. Pour avoir un pourcentage élevé de Pu239, il suffit d’irradier moins longtemps du combustible dans n’importe quel réacteur nucléaire. Les réacteurs qui fonctionnent à l’uranium naturel en produiront plus. Le manteau des surgénérateurs comme Phénix et ou Superphénix, c’est-à-dire les barres de combustibles qui sont à la périphérie, permet aussi de produire du Pu239 de bonne qualité.

La Fusion

La fusion de deux noyaux légers dégage une plus grande quantité d’énergie, mais il faut comprimer beaucoup plus les gaz utilisés pour que la réaction puisse avoir lieu. Dans les armes thermonucléaires, c’est la fusion du tritium (H3) avec le deutérium (H2) qui est utilisée ; elle produit de l’hélium plus un neutron. L’avantage c’est que ces gaz sont légers et qu’une faible masse est suffisante pour dégager une énergie énorme. La difficulté est liée à l’allumage, des explosifs chimiques classiques n’étant pas suffisants pour atteindre la compression nécessaire.

Le tritium est aussi produit dans des réacteurs nucléaires par bombardement du lithium 6 par un neutron. Le Lithium 6, lui, est présent dans la nature, mais il doit être séparé de son isotope, le lithium 7. En France, c’est la COGEMA qui se charge de cette opération dans son usine de Miramas. L’ensemble du processus de production du tritium reste géré par le CEA dans deux réacteurs à eau lourde (Célestin 1 & 2 à Marcoule). Le deutérium, quant à lui, nécessite de l’eau lourde pour sa fabrication, qui a été importée de Norvège, des Etats-Unis, mais aussi fabriquée en France dans deux usines pilotes qui ne fonctionnent plus (Toulouse et Mazingarbe, Nord). Le site de production du deutérium gazeux à partir d’eau lourde n’est pas connu clairement. Il est possible que le deutérium soit produit au centre civil du CEA de Grenoble, mais également qu’il soit extrait du processus d’extraction du tritium à Marcoule.

Première génération

Les armes de première génération n’utilisent que la fission de noyaux lourds. Deux masses sous critique d’uranium sont regroupées ou une masse de plutonium ou d’uranium est brusquement comprimée à l’aide d’un explosif chimique afin d’en faire une seule masse sur-critique. La réaction en chaîne est généralement amorcée par une source de neutrons qui doit être parfaitement synchronisée avec le passage au régime sur-critique pour avoir le meilleur rendement, mais cela n’est pas une nécessité. Les bombes sud-africaines étaient amorcées par les neutrons du bruit de fond. La puissance de la bombe peut être améliorée grâce à un matériau réflecteur de neutrons, comme le béryllium. Il est relativement facile de fabriquer une bombe atomique de première génération, à condition que l’on possède la matière fissile. Les Etats-Unis n’ont jamais testé la bombe à l’uranium enrichi avant de la larguer sur Hiroshima et n’ont fait qu’un seul essai pour celle au plutonium avant de bombarder Nagasaki. Une équipe de 400 personnes environ a été suffisante à l’Afrique du Sud pour construire six bombes à l’uranium enrichi. La fin des essais nucléaires ne supprime donc pas le risque de prolifération horizontale, à savoir l’émergence de nouvelles puissances nucléaires ou la menace d’un groupe terroriste qui se serait procuré la matière première au marché noir. Une importante question concerne l’utilisation de plutonium issu des réacteurs civils à eau sous pression pour fabriquer ce type d’arme. Pour les partisans du retraitement du combustible irradié, le Pu 240 est indésirable car il risque de déclencher une implosion avant même que la sur-criticité soit atteinte, réduisant ainsi la puissance de la bombe. Cela peut même être un avantage pour fabriquer une bombe rudimentaire, car il nây a pas besoin de source de neutrons pour initier la réaction. Même de puissance réduite, une telle bombe peut faire beaucoup de dégâts. Un autre inconvénient avancé pour le plutonium civil est que le pourcentage de Pu238 est trop élevé (environ 2%, pour environ 0,01% pour du Pu dit militaire). D’une durée de vie relativement courte (88 ans), la désintégration du Pu 238 entraîne un échauffement qui peut endommager les explosifs chimiques. Si la bombe larguée sur Nagasaki avait contenu 2% de Pu 238, elle aurait eu une température de l’ordre de 250°C. Cette montée en température peut néanmoins être réduite des deux tiers à l’aide d’un système de refroidissement en aluminium. Enfin, le troisième argument avancé par les promoteurs du retraitement est que le plutonium civil est beaucoup plus irradiant, entraînant un risque beaucoup plus élevé pour les personnes travaillant à proximité. L’utilisation de cobayes humains par les puissances nucléaires pour tester les effets de la radioactivité laisse penser que cet argument n’est pas forcément un inconvénient majeur… (Note: cette discussion est tirée d’un article de Frank von Hippel, Fissile material security in post-cold-war world, Physics Today, june 1995 et de A.B. Lovins, Nuclear weapons and power-reactor plutonium, Nature, Vol. 283, 28 fev. 1980, p. 817).

Les bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki, avaient respectivement une puissance de 15 et 22 kilotonnes d’équivalent TNT (Note : 1kt = 1012 cal = 4,18 x 1012 J). Les armes à fission pure développées par la suite ont atteint plusieurs dizaines de kilotonnes.

Deuxième génération

Le principe des armes thermonucléaires est simple à comprendre, même si leur réalisation pose de gros problèmes technologiques. Dans les armes à fission dopées (boosted fission), une réaction de fission similaire à celle de l’arme de première génération, déclenche une réaction de fusion du cœur constitué d’un mélange de tritium (H3) et de deutérium (H2). Les neutrons dégagés par la réaction de fusion entraînent une réaction de fission plus complète que celle qui a lieu dans les armes de première génération où une faible portion de la matière fissile est consommée. La performance d’une telle arme dépend essentiellement de l’explosion chimique initiale car il est important que le gaz soit suffisamment comprimé et ne se mélange pas avec le matériau fissible. Cela peut être testé sans enclencher de réaction nucléaire et reste donc possible dans le cadre du “traité d’interdiction des essais nucléaires”, à condition d’avoir une installation permettant d’étudier l’hydrodynamique de l’explosion à l’aide de rayons X : c’est un des buts de l’installation AIRIX du CEA, en construction à Moronvillier, sur le site où ont lieu les essais nucléaires froids. Il est généralement admis qu’Israël, l’Inde et le Pakistan ont atteint ce stade. A noter qu’avec cette technologie, le plutonium, dit de qualité civile, ne change rien, quant à la puissance de l’explosion, mais le plutonium militaire est généralement préféré pour des problèmes de température et de radioactivité. Dans les bombes thermonucléaires ou bombes à hydrogène, une bombe à fission, éventuellement dopée, déclenche l’explosion par réaction de fusion. C’est un mélange de lithium et de deutérium enfermé dans une capsule tampon d’uranium ou de plomb qui est utilisé, le tritium nécessaire à la réaction de fusion étant directement produit lors de l’explosion par le bombardement des neutrons. Il n’y a virtuellement pas de limite à la puissance dégagée par ce type d’arme ; l’essai nucléaire le plus puissant de l’histoire, avec 60 Mégatonnes (60.000 kilotonnes) dâéquivalent TNT due à 97% à la réaction de fusion, a eu lieu en URSS en octobre 1962. Mais, sachant que la puissance dégagée lors de l’explosion est de l’ordre de 1kt/kg, il est possible de faire beaucoup de dégâts avec une bombe de quelques kg. Des efforts constants de miniaturisation ont eu lieu afin de rendre la bombe plus légère et transportable par toutes sortes de vecteurs, en particulier des missiles intercontinentaux.

Il a fallu de longues années de recherche aux Etats-Unis et en URSS pour mettre au point ce type d’armes (Note : voir le dossier de Physics Today, Nov. 1996) ; mais une fois les principes de base connus, il est possible dâaccéder rapidement à cette technologie : la Chine a testé sa première bombe thermonucléaire après seulement 3 essais de première génération, un essai à fission dopée et un essai préliminaire de bombe à hydrogène. Les armes de deuxième génération sont d’une technologie plus élaborée et, malgré deux milliers d’essais nucléaires, le mécanisme n’est pas encore entièrement compris. Les puissances nucléaires déclarées sont probablement arrivées au bout des améliorations possibles et possèdent une bonne maîtrise de la production de ce type d’armes. La fin des essais nucléaires n’est donc pas trop pénalisante pour elles, mais est certainement un frein pour les autres pays. Il est peu probable que de telles armes disparaissent car elles sont sûres et très mortelles. Les réductions effectuées dans les arsenaux concernent essentiellement des armes obsolètes ou dâune utilité devenue douteuse. Le tritium et le Li6 deviennent des éléments stratégiques qui doivent être contrôlés comme les matières fissibles pour éviter la prolifération.

Troisième génération

La troisième génération regroupe des bombes basées sur les technologies précédentes, mais dont certains effets sont accentués ou réduits selon l’utilité stratégique recherchée. Par exemple, la bombe à neutrons, qui émet une grande quantité de neutrons avec une puissance réduite, est supposée être efficace contre une avancée massive de chars. Son utilité tactique est en fait réduite. D’autres améliorations visent à réduire les “effets collatéraux” de la radioactivité émise, là aussi avec des succès limités. A noter que ces améliorations constituent une entorse à la doctrine de dissuasion, étant un premier pas vers une bombe pouvant être utilisée sur le champ de bataille. Ces armes nécessitent de nombreux développements scientifiques et technologiques et l’arrêt des essais nucléaires est un frein à leur développement.

Les différents types de têtes nucléaires en service dans l’arsenal français (1960-1998)

Type
Puissance
Vecteur
Armée
Entrée en service
Retrait du service
AN11
60 kt
Mirage IVA
Air
06/07/63
1973
AN22
70 kt
Mirage IVA
Air
1973
01/07/88
MR31
130 kt
S2 Albion
Air
02/08/71
MR41
500 kt
M1/M1 SNLE
Marine
2/8/1971
1979
AN52
25 kt
Mi3,JagA,SEt
Air
06/04/73
AN51
10/25 kt
Pluton
Terre
3/1974
1993
TN60
1 Mt
M20 SNLE
Marine
23/12/76
TN61
1 Mt
M20 SNLE
Marine
1978
1993
TN61
1 Mt
S3 Albion
Air 
01/06/80
16/09/96
TN70
150 kt
M4A SNLE
Marine
25/05/85
1997 
TN80
300 kt
Mirage IVP
Air
01/09/85
01/07/96
TN71
150 kt
M4B SNLE
Marine
09/12/87
TN81
300 kt
Mirage 2000 N
Air
01/07/88
TN81
300 kt
Super-Etendard
Marine
4/1989
TN90
80 kt
Hadès
Terre
1992
1996
TN75
100 kt
M45 SNLE
Marine
1/1997

AN: fission Pu ; MR : fission dopée Pu ; TN : thermonucléaire (Tiré du site du CDRPC)


Pour en savoir plus

Cette fiche technique est basée sur les références suivantes (sauf les références déjà indiquées) :

* Bruno Barillot, Audit atomique, CDRPC, 187, montree de Choulans, 69005 Lyon (fevrier 1999)

* Stephen I. Schwartz editor, Atomic Audit, Brookings Institution Press, 1775 Massachusetts Ave., N.W. Washington, D.C. 20036 (1998)

* Andre Gsponer et Jean-Pierre Hurni, Fourth generation of nuclear weapons, Technical Report, INESAP, c/o IANUS, Darmstadt University of Technology, D-64289 Darmstadt (mai 1998)

* The military critical technology list, part II : weapons of mass destruction technologies, section V : nuclear weapon technology, Department of Defence, Etats-Unis, fevrier 1998, peut être téléchargé à l’adresse suivante : http://www.dtic.mil/mctl/

Ancien article

Prolifération nucléaire

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Texte initialement écrit pour le Dictionnaire des risques paru chez Armand Colin et paru dans l’ACROnique du nucléaire n°63, décembre 2003. Version remise à jour pour l’édition 2007 du dictionnaire.


“On va faire la guerre une bonne dernière fois pour ne plus avoir à la faire. Ce fut l’alibi bien-aimé […] des conquérants de toutes tailles. […] Par malheur, ça n’a jamais marché” note Jean Bacon. En effet, la “civilisation” ou la “démocratie”, selon les époques, prétendument apportées au bout du fusil, n’ont jamais supprimé les conflits. Avec l’arme nucléaire, en exposant l’ennemi potentiel au risque d’une riposte massivement destructrice, a-t-on enfin trouvé définitivement le chemin de la paix ? L’équilibre de la terreur entre les deux grandes puissances aurait ainsi évité une troisième guerre mondiale, mais pas les nombreux petits conflits qui ont ensanglanté la planète. On comprend alors l’attrait que suscite cette arme radicalement nouvelle pour de nombreux pays se sentant menacés : comment oserions-nous la refuser aux pays en voie de développement alors qu’elle est indispensable à notre survie, et ceci d’autant plus, que cela représente de juteux marchés pour le fleuron de notre industrie ? Evidemment, le transfert de technologie sera “pacifique”, les technologies civile et militaire pour se procurer la matière première étant identiques. Tout comme les armes exportées sont qualifiées de “défensives”.

Les motivations pour partager son savoir sont multiples : échange de technologies entre la Corée du Nord et le Pakistan, accès au pétrole irakien ou iranien pour la France, développer en secret des technologies militaires dans un pays tiers pour l’Allemagne ou tout simplement renforcer son camp. Malheureusement, cette prolifération, dite horizontale, ne fait qu’augmenter le risque de voir un conflit régional dégénérer en guerre nucléaire. En effet, aucun pays, pas même les démocraties, n’est à l’abri de l’accession au pouvoir d’une équipe dirigeante peu scrupuleuse.

De fait, pas un pays ne s’est doté d’infrastructures nucléaires sans une arrière-pensée militaire, même si certains, comme la Suisse, le Brésil ou l’Afrique du Sud par exemple, ont officiellement renoncé à l’arme nucléaire. Quarante-quatre pays sont actuellement recensés par le traité d’interdiction des essais nucléaires comme possédant une technologie suffisante pour accéder à l’arme suprême. Personne ne met en doute qu’il suffirait d’un délai de quelques mois à un pays très industrialisé pour disposer, s’il le souhaitait, de l’arme atomique et des moyens de la déployer. L’acharnement du Japon, par exemple, à vouloir développer une filière plutonium et des lanceurs de satellites en dépit de nombreux déboires est lourd de sens à cet égard.

Conceptuellement, il est facile de fabriquer une arme rudimentaire, la difficulté étant d’ordre technologique pour accéder à la matière fissible. Le plutonium issu des réacteurs civils peut faire l’affaire, avec des performances moindres. Les Etats-Unis l’ont testé. Pour un groupe terroriste, qui recherche davantage un impact psychologique et médiatique, c’est suffisant. Mais dans une situation d’équilibre de la terreur, il faut des armes fiables qui n’explosent pas accidentellement et qui, en cas d’attaque, détruisent bien toutes les capacités ennemies à réagir. De telles armes nécessitent de la matière fissile dite de qualité militaire et des développements technologiques poussés. Le risque est déjà grand, avec des armes plus ou moins rudimentaires, de voir des équilibres régionaux se transformer en catastrophe, sans pour autant apporter la paix. Par exemple, le conflit au Cachemire n’a pas cessé avec l’accession de l’Inde et du Pakistan au statut de puissances nucléaires.

Dès 1946, l’Assemblée générale des Nations unies vote la création d’une commission atomique chargée d’éliminer les armes nucléaires et de destruction massive. Depuis, on ne compte plus les tentatives officielles et vœux pieux pour parvenir à un désarmement général. “L’homme se trouve placé devant l’alternative suivante : mettre fin à la course aux armements ou périr” prévient même l’ONU en 1977. Rien n’y fait. La diminution des arsenaux nucléaires des grandes puissances ne doit pas faire illusion. Ce sont des armes qui étaient devenues stratégiquement obsolètes qui ont été démantelées.

Les grandes puissances prennent comme prétexte la menace liée à la prolifération horizontale pour garder des arsenaux conséquents et développer de nouvelles armes, provoquant ainsi une prolifération dite verticale. Mais le tollé mondial provoqué par la reprise des essais nucléaires occidentaux en France en 1995 impose une certaine discrétion. Les programmes nucléaires “civils” permettent d’entretenir une infrastructure industrielle et un savoir faire ; sous couvert d’entretien du stock d’armes, les grandes puissances se sont engagées dans la course à une arme de quatrième génération miniaturisée, utilisable sur le champ de bataille. Elles s’appuient sur la recherche fondamentale qui leur sert d’alibi. Ainsi, par exemple, le laser mégajoule en France met en avant son intérêt pour l’astrophysique : la population se laisse berner et les concurrents avertis peuvent mesurer les progrès réalisés. Mais, le partage de certaines connaissances avec une communauté scientifique non-militaire, nécessaire pour attirer des chercheurs, facilite la prolifération horizontale.

Le développement de ces nouvelles armes est lié à un changement stratégique : avec la fin de la guerre froide, les territoires nationaux ne sont plus directement menacés ; c’est l’accès aux matières premières et ressources énergétiques qui devient primordial. Mais en cas d’utilisation, la frontière qui existe entre les armes classiques et celles de destruction massive risque d’être brouillée et d’entraîner une escalade dans la riposte. Les idéalistes voient là une violation de l’article 6 du traité de non-prolifération : “Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace.” Alors que chaque pays jure de sa bonne foi.

Un désarmement complet n’est réalisable que par étapes ; le plus urgent semble être de sortir de l’état d’alerte. Comme au temps de la guerre froide, des milliers d’armes nucléaires américaines et russes peuvent être déclenchées en quelques dizaines de minutes. Un déclenchement accidentel ou suite à une erreur de jugement, entraînant une riposte immédiate, aurait des conséquences effroyables. Cependant, un désarmement complet et sûr impliquerait un renoncement à de nombreuses activités industrielles et de recherche, telles celles qui ont été interdites à l’Irak par le conseil de sécurité de l’ONU après la première guerre du Golfe. Se priver de recherches sur l’atome, surtout quand on a accumulé des déchets nucléaires dont on ne sait que faire, est-ce vraiment souhaitable ? Placer les activités proliférantes sous contrôle international est nécessaire, mais pas suffisant. Les institutions et traités ad hoc ayant montré leur inefficacité depuis la seconde guerre mondiale, de nouveaux mécanismes sont à inventer, parmi lesquels un contrôle citoyen avec la mise en place d’une protection internationale pour les lanceurs d’alerte.

Il n’est pas besoin, comme on le sait, d’armement nucléaire pour tuer massivement. Mais l’attrait pour ces armes de destruction massive est tel qu’il semble impossible d’en freiner la prolifération, malgré le lourd tribut déjà payé par les pays engagés dans la course folle. Outre le coût financier et humain qui aurait pu trouver des utilisations plus pacifiques, la fascination pour cette arme a fait que tout était permis. Partout, des populations – souvent des minorités ethniques et des appelés du contingent – ont été exposées sciemment aux essais nucléaires atmosphériques. Aux Etats-Unis, près 9.000 cobayes humains ont été, à leur insu, victimes d’expérimentations médicales visant à étudier l’influence des radioéléments. Nombre d’entre eux étaient des enfants. En URSS, l’infrastructure nucléaire était construite par des prisonniers des camps de détention spéciaux. L’environnement a aussi été sacrifié et certains sites ne peuvent plus être réhabilités. C’est bien là l’ironie suprême de la course à l’arme nucléaire, qui sous couvert d’apporter la sécurité absolue à chacun, n’aura conduit qu’à réduire la sécurité de tous.

David Boilley

Bibliographie :

  • Dominique Lorentz, Affaires atomiques, Les arènes, 2001
  • Jean Bacon, Les Saigneurs de la guerre : Du commerce des armes, et de leur usage, Les Presses d’aujourd’hui, 1981 et Phébus 2003.
  • Sven Lindqvist, Maintenant tu es mort ; Histoire des bombes, Serpent à plumes 2002
  • Conférences Pugwash sur la science et les affaires mondiales, Eliminer les armes nucléaires ; Est-ce souhaitable ? Est-ce réalisable ?, Transition, 1997
  • André Gsponer et Jean-Pierre Hurni, Fourth generation of nuclear weapons, Technical Report, INESAP, c/o IANUS, Darmstadt University of Technology, D-64289 Darmstadt (mai 1998)
  • Bruno Barrillot, Audit atomique, éd. du CRDPC, 1999.
  • Bruno Barrillot, L’héritage de la bombe, éd. du CRDPC, 2002.
  • Stephen I. Schwartz et al, Atomic audit, Brookings Institution Press mai 1998
  • Eileen Welsome, The Plutonium Files: America’s Secret Medical Experiments in the Cold War, Dial Press 1999
  • Kenzaburô Oé, Notes sur Hiroshima, Gallimard 1996

dicodico2Autres textes du dictionnaire des risques :

Ancien lien

Le contrôle nucléaire recadré

Le 8 février 2023, le gouvernement avait annoncé vouloir démanteler l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), l’expert officiel. L’expertise devait passer sous la tutelle de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) et la recherche retourner au Commissariat à l’Energie Atomique (CEA), comme c’était le cas au siècle dernier. Ce projet de réforme imposé sans justification ni concertation a provoqué une levée de boucliers de tous les côtés (lire la réaction de l’ACRO, qui avait publié la lettre de mission adressée à l’ASN, l’IRSN et le CEA), une grève massive du personnel de l’IRSN et un vote défavorable du parlement, le 15 mars 2023.

Mais le gouvernement n’a pas lâché l’affaire : le Conseil de Politique Nucléaire (CPN) du 19 juillet 2023 « a décidé d’un renforcement significatif de la gouvernance du nucléaire ». Aucun argument ni justification ne sont apportés. Il est juste fait référence à un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) « qui recommande de créer une grande autorité indépendante de la sûreté nucléaire et de la radioprotection dont les moyens financiers et humains seraient renforcés. Cette nouvelle autorité permettra d’adapter la sûreté nucléaire face aux 3 défis de la relance nucléaire que sont (i) la prolongation du parc existant, (ii) la construction de nouveaux EPR et (iii) le développement de petits réacteurs modulaires innovants. Le CPN a confirmé la volonté du Gouvernement d’avancer en ce sens en veillant à ce que l’ensemble des missions de l’ASN et l’IRSN soient préservées et leurs moyens humains renforcés. »

Quels sont les arguments avancés par le rapport de l’OPECST en faveur de cette réforme ?

Le rapport commence par vanter le système actuel de contrôle qui jouit d’une « réputation élevée » dans les arènes internationales. Il souligne aussi l’excellence de la recherche menée par l’IRSN, qui nourrit l’expertise et lui assure « les moyens d’investigation les plus performants ». Le système dual actuel, avec l’expertise séparée de l’autorité – ce qui est remis en cause par le gouvernement – n’est pas non plus critiqué par le rapport de l’OPECST qui note que « l’existence d’un écart entre les expertises et la décision n’est pas par elle-même problématique, tant que les premières ne forcent pas la seconde ».

Alors, pourquoi vouloir changer le système ? Comme le souligne aussi le CPN, l’ASN et l’IRSN vont faire face à un accroissement des travaux liés au parc actuel, vieillissant, et au nouveau parc à construire. Et le gouvernement ne semble pas prêt à mettre les moyens nécessaires pour l’expertise et le contrôle. Alors, sous couvert de « fluidifier » les procédures, il espère faire des économies d’échelle en fusionnant l’ASN et l’IRSN. A ce propos, le rapport précise : « bien que l’organisation actuelle ait permis de gérer de façon satisfaisante les enjeux de sûreté nucléaire et de radioprotection depuis 2006, dans un contexte de calme relatif dans le domaine de l’industrie nucléaire, elle pourrait être moins adaptée à ce nouveau contexte. »

Jamais, le rapport de l’OPECST n’explique en quoi le nouveau système, qu’il va jusqu’à baptiser en Autorité indépendante en sûreté nucléaire et radioprotection, ou AISNR, serait plus performant ou mieux adapté. Au contraire, il souligne que des personnes auditionnées « ont attiré l’attention sur les tensions, frictions et inquiétudes inéluctables que fait naître toute perspective de changement institutionnel », sans plus de précisions, ce qui est bien dommage. Et le rapport de souligner, en langage technocratique, que les bouleversements envisagés vont engendrer des difficultés nouvelles : « Puisqu’est projetée une évolution structurelle, il faut s’attendre à ce que son appropriation par les acteurs fasse l’objet d’une courbe d’apprentissage : le risque n’est pas exclu que l’organisation ait d’abord tendance à piétiner, voire à légèrement régresser, avant de s’engager sur la voie d’un progrès global. » Aucune durée de la « courbe d’apprentissage » n’est donnée.

Et sans la moindre analyse de risque, la conclusion est de foncer vers le nouveau système car « cette période transitoire, par nature délicate, ne saurait donc être concomitante avec la phase opérationnelle des nouveaux programmes attendus, ce qui ouvre, pour une éventuelle réorganisation, une fenêtre d’opportunité relativement étroite, sans doute d’ici fin 2024. » Cela ne laisse pas beaucoup de temps à la ministre de la transition énergétique, missionnée par le CPN pour « engager les concertations avec les parties prenantes et les parlementaires en vue de préparer un projet de loi d’ici l’automne ». La sûreté nucléaire et la radioprotection sont des biens communs. Une réforme d’une telle ampleur nécessite un projet clair qui permet de comprendre les bénéfices obtenus et de mener des consultations, forcément longues et difficiles. Avec un projet de loi à l’automne, il faut donc s’attendre à un passage en force.

Pour ce qui est des activités commerciales de l’IRSN, qui n’ont pas leur place au sein d’une autorité administrative indépendante, elles devraient être externalisées. Quant à l’expertise pour le nucléaire de défense de l’IRSN, elles pourraient être transférée au ministère de la défense qui sera juge et partie. La sûreté n’en sortira pas grandie. Mais c’est ce que suggère l’amiral Guillaume, consulté. Alors, pas besoin de poser la question à d’autres…

Quels sont les risques du nouveau système aux contours bien flous ?

Suite à la première tentative de fusion entre l’ASN et l’IRSN, seuls les salariés de l’IRSN se sont mis en grève car il ne s’agit pas d’une fusion entre deux entités mais de la mise sous tutelle de l’expert. Le fait que le Directeur général de l’IRSN n’ait pas été consulté en amont, ni même informé, n’est pas rassurant. La première version du projet prévoyait, en plus, un complet démantèlement de l’Institut avec le transfert des activités de recherche au CEA. Le rapport parlementaire mentionne le maintien, « en première approche », de la recherche au sein de l’AISNR.

A propos de la recherche, le rapport ne parle que d’excellence à maintenir et renforcer. Rien sur l’ouverture à la société, le lien avec l’expertise, la gouvernance, la publication des résultats…

Quant à l’expertise, pourra-t-elle faire l’objet de pression en interne d’une seule entité ? C’est l’une des craintes le plus souvent exprimées. En particulier, l’IRSN publie ses avis indépendamment de la décision de l’ASN, souvent en amont. Les rapporteurs soulignent que « les expertises devront continuer d’être publiées à destination du grand public : au lieu d’être des expertises de l’IRSN, ces études seront simplement celles des services instructeurs d’une nouvelle autorité. À l’avenir, même si les rapporteurs ne sauraient se prononcer sur un calendrier idéal de publication, il leur semble, dans un souci d’apaisement, que les expertises et recommandations doivent être diffusées de manière concomitante, au moment où l’autorité indépendante rend sa décision. » Que signifie « dans un souci d’apaisement » ? Si cela n’avait pas été un sujet de controverse, la publication des expertises n’aurait plus été garantie ?

De fait, le rapport ne contient pas un mot sur la gouvernance de la nouvelle entité. L’IRSN est dotée d’un conseil d’administration, d’un conseil scientifique et d’un comité d’orientation des recherches. Que vont-ils devenir ? La relation avec la société civile, va au-delà de la simple transparence, qui devra être maintenue à un même « niveau élevé ».

Cela en fait des détails à régler pour un projet de loi à l’automne ! Que veut le gouvernement ? Le rapport de l’OPECST semble nostalgique d’un âge d’or qui se concrétisa « par la construction, pour l’essentiel sur quinze ans, de 1971 à 1986, d’un parc de 58 réacteurs nucléaires. » Et d’ajouter que « l’une des explications majeures de cette réussite porte sur la souplesse du système de contrôle de la sûreté nucléaire et le caractère pragmatique de la démarche française dans ce domaine. » Que signifie cette « souplesse » ? Du laxisme, comme en Chine, où deux EPR ont été construits plus rapidement qu’en Europe ?

Le passage sur le projet de piscine centralisée est symptomatique de ce pourrait être la « souplesse » espérée. EDF n’a toujours pas transmis de dossier de demande d’autorisation de création alors que l’ASN lui a demandé de le faire avant décembre 2020. Ce retard n’est pas mentionné dans le rapport de l’OPECST qui reporte toute la charge sur le contrôle : « Ce dossier devra être instruit dans des délais très brefs, le risque d’une saturation de l’entreposage actuel, anticipée à l’horizon 2030, ayant été accentué par les difficultés de fabrication de combustible MOX survenus ces dernières années. » Les rapporteurs auraient plutôt dû s’interroger sur un renforcement des pouvoirs du contrôleur afin qu’EDF respecte ses décisions…

Il y a eu deux catastrophes nucléaires majeures depuis cet âge d’or, fantasmé, et il n’est pas possible de revenir en arrière. Rappelons que le système de contrôle actuel, avec l’expertise séparée de l’autorité, a été préconisé en 1998 par Jean-Yves Le Déaut, député de la Meurthe-et-Moselle, suite à une saisine de Lionel Jospin alors premier ministre (et non Michel Rocard, comme écrit par erreur dans le rapport de l’OPECST). Il s’agissait alors de répondre à « une crédibilité écornée de l’ensemble du système », notamment, à cause du « nuage de Tchernobyl qui vient le premier fragiliser la confiance que les citoyens pouvaient avoir dans le système » de l’époque. Dans le rapport de l’OPECST, cela se traduit par « en France, l’idée de la nécessité d’un contrôle plus indépendant fait son chemin » et c’est tout !

Sans comprendre les erreurs du passé, il n’est pas possible de construire un système de contrôle robuste.

Conclusions

Insistons sur le fait que la sûreté nucléaire et la radioprotection sont des biens communs indispensables à la protection des populations qui doivent donc être consultées. Le passage en force du gouvernement est donc inadmissible. Alors que trois anciens présidents de l’OPECST, de trois familles politiques différentes, avaient alerté, dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, sur ce qu’ils considèrent être une « une dérive technocratique dangereuse », le rapport de ce même Office, rédigé à la va-vite pour relancer le projet gouvernemental après son rejet par le parlement ne fait aucune analyse des faiblesses du système actuel ni des bénéfices et des risques du nouveau système. Ce rapport est affligeant et ne grandit pas l’OPECST.

L’ACRO est attachée au système dual, avec l’expertise clairement séparée de l’autorité, qui a fait ses preuves, mais appelle aussi à une plus grande liberté académique pour les chercheurs qui, à l’IRSN, ne sont pas libres de publier ou de parler aux médias. Et, sur certains domaines non soumis au secret, il y a nécessité de voir émerger d’autres acteurs, aussi bien en recherche qu’en expertise. Rien ne permet de penser que la réforme gouvernementale, imposée par le haut, sans concertation avec toutes parties prenantes, apporte le moindre progrès. Au contraire, elle va commencer par déstabiliser tout le système actuel, avec un risque de dégradation pérenne.

Communiqué de presse OCRE

Orano La Hague peut rejeter 840 fois plus de tritium que Fukushima.
Venez prélever avec l’ACRO

ACRO, Communiqué du 29 août 2023

L’ACRO commence demain sa campagne de prélèvements le long des côtes Normandes avec son réseau de préleveurs volontaires. Le programme est en ligne ici : C’est ouvert à tous.
Les échantillons seront ensuite analysés dans le laboratoire de mesure de la radioactivité de l’association, qui est agréé par l’Autorité de sûreté nucléaire et les résultats publiés sur notre site (acro.eu.org).

Les rejets d’Orano La Hague sont les plus élevés au monde et peuvent être détectés jusqu’en Mer du Nord. Certains radioéléments, comme l’iode-129 ou le carbone-14, pourraient pourtant être filtrés. Et pour le tritium, de l’hydrogène radioactif difficile à filtrer, l’autorisation annuel de rejet en mer est 840 fois plus élevée qu’à Fukushima (18 500 Tera becquerels par an contre 22 TBq/an).
L’Observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement, créé par l’ACRO il y 25 ans, permet un suivi des rejets des installations nucléaires de la région dans le temps et dans l’espace. Sur de nombreuses stations, l’ACRO est la seule à faire des contrôles.

Pour en savoir plus :
Observatoire OCRE : https://www.acro.eu.org/lassociation/o-c-r/
Rejets en mer au japon (article ACRO) : https://fukushima.eu.org/debut-du-rejet-en-mer-de-leau-contaminee-traitee-a-la-centrale-de-fukushima-dai-ichi/

Quel avenir pour le combustible MOX et le retraitement ?

Avis de l’ACRO transmis à la commission d’enquête publique concernant la « modification substantielle de l’installation nucléaire de base du centre nucléaire de production d’électricité de Paluel – Introduction de précurseurs MOX »

Fierté française, le « recyclage » des combustibles nucléaires usés consiste à ne réutiliser que le plutonium, soit moins de 1 % de leur masse, sous forme de combustible MOX. Et ces combustibles MOX, qui ne sont pas retraités après irradiation, s’entassent dans les piscines de La Hague proches de la saturation. Comme le plutonium a une forte valeur énergétique, cela permet de réduire d’un peu moins de 10 % la consommation de combustibles à l’uranium naturel enrichi, quand tout fonctionne bien.

Actuellement, 22 réacteurs de 900 MW utilisent du combustible MOX au Tricastin, à Dampierre, à Gravelines, à St Laurent, à Blayais et à Chinon. Ces réacteurs, mis en service dans les années 1970, vont donc bientôt dépasser la cinquantaine d’années d’exploitation alors qu’EDF espère pouvoir les utiliser une soixantaine d’années. Sans le moxage de réacteurs plus récents, le retraitement des combustibles usés s’arrêtera faute de débouché pour le plutonium.

EDF a donc pour projet d’introduire du combustible MOX dans la génération suivante de réacteurs, les 1300 MW. Pour cela, elle veut faire des essais avec 4 assemblages dits « précurseurs » dans la tranche 4 de Paluel à partir de 2024. Puis, à partir de 2028, une recharge complète (24 assemblages) sera introduite sur une tranche de Paluel après sa 4ème visite décennale. Enfin, EDF sollicitera l’autorisation de généraliser l’utilisation de MOX sur d’autres tranches, selon le besoin, après 2032. C’est l’objet de l’enquête publique qui a lieu du mercredi 12 avril 2023 au mardi 16 mai 2023.

Le dossier d’EDF fait plus de 6 000 pages et le public n’a qu’un mois pour se l’approprier et se faire un avis. Qui peut sérieusement étudier 200 pages techniques par jour sur ses heures libres ? Pas l’ACRO !

La demande d’EDF a lieu dans un contexte particulier : l’usine Melox, qui fait face à des problèmes de qualité de production des pastilles de combustible MOX depuis 2017, n’arrive plus à fournir les réacteurs 900 MW. Comme le montrent les données d’Orano (voir le graphique ci-dessous) la production de l’usine a été divisée par deux et les plans de redressement tardent à être effectifs. Dans de telles conditions, vouloir moxer d’autres réacteurs n’a aucun sens. Orano doit d’abord faire la preuve que l’usine Melox est de nouveau capable de produire 120 tonnes par an.

Comme les assemblages de combustible des 1300 MW n’ont pas la même géométrie que ceux des 900 MW, il a donc fallu adapter l’usine Melox et l’emballage de transport. Et, à Paluel, il faudra ajouter 4 grappes de commande. Mais ces efforts d’EDF pour moxer des réacteurs 1300 MW auront un impact limité dans le temps puisqu’ils ont déjà plus de quarante ans et que les essais à Paluel vont durer près d’une décennie. Cela ne suffira pas pour justifier la construction d’une nouvelle usine de retraitement, alors que la décision concernant son renouvellement ou pas, doit être prise avant 2030, selon l’ASN.

A plus long terme, il sera, de toutes façons, difficile de justifier une nouvelle usine de retraitement et la poursuite de Mélox pour seulement 7 réacteurs EPR, en supposant qu’EDF arrive à les construire.

En conclusion, la demande d’EDF d’introduire quatre assemblages MOX dits précurseurs dans Paluel 4 fait suite à la loi de Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE 2019 – 2028) qui fixe comme objectif, d’ici à 2035, de réduire la part de la production d’énergie électrique d’origine nucléaire à 50 %. Pour atteindre cet objectif, la PPE propose la fermeture de 12 réacteurs nucléaires de 900 MWe à l’échéance de leur cinquième visite décennale. Mais pour pouvoir préserver le retraitement jusqu’en 2040 « où une grande partie des installations et des ateliers de l’usine de La Hague arrivera en fin de vie », il fallait trouver d’autres débouchés pour le plutonium extrait. D’où la volonté de moxer « un nombre suffisant de réacteurs de 1300 MWe ».

Mais, l’objectif de réduire la part d’électricité nucléaire par l’arrêt des réacteurs 900 MW – les seuls moxés – vient d’être abandonné. Le moxage des 1300 MW ne se justifie donc plus dans un contexte où Mélox n’arrive pas fournir les 900 MW.

A plus long terme, avec la saturation des piscines de combustibles usés, les déboires de Mélox et le vieillissement de l’usine de retraitement dont le renouvellement ne peut pas être justifié avec 7 EPR, c’est toute la gestion des combustibles usés qui doit être repensée en associant la société civile.

Nucléaire : un « cycle » du combustible grippé – Note d’information

Fierté française, le « recyclage » des combustibles nucléaires usés, affiche une piètre performance après 56 ans de développements industriels. En effet, seul le plutonium, soit moins de 1% de la masse des combustibles usés, repasse en réacteur sous forme de combustible Mox. Et ces combustibles Mox ne sont pas retraités après irradiation et s’entassent dans les piscines de La Hague proches de la saturation. Comme le plutonium a une forte valeur énergétique, cela permet de réduire d’un peu moins de 10% la consommation de combustibles à l’uranium naturel enrichi.

Mais, ces dernières années, un changement de procédé à l’usine Mélox a grippé le « cycle » car les pastilles de combustibles Mox qui y sont produites n’ont pas l’homogénéité requise. Les rebuts sont renvoyés à La Hague, sans solution pour le moment. Et là aussi cela sature.

Une étude des données publiées tous les ans par l’ANDRA dans ses inventaires de déchets et matières radioactifs permet d’avoir une idée de l’ampleur du problème. Plongeons-nous dans les chiffres.

Pour en savoir plus, lire la note d’information de l’ACRO :

D’où vient l’uranium importé en France ? Note d’information

Depuis 2001, année de la fermeture de sa dernière mine, la France importe tout son uranium. Pour savoir d’où il vient et en quelle quantité, il faut prendre en compte toute la chaîne de transformations chimiques et nucléaires entre la mine et le réacteur, qui est complexe, et retracer ensuite les échanges commerciaux. Car l’uranium voyage beaucoup et change de pavillon en cours de route. Et le manque de transparence n’aide pas…

Pour en savoir plus, lire la note d’information de l’ACRO.

Résumé :

Depuis 2001, année de la fermeture de sa dernière mine, la France importe tout son uranium. D’où vient-il ? Difficile de répondre car, entre les mines et les réacteurs, l’uranium voyage beaucoup pour subir un ensemble de transformations chimiques et nucléaires, et change alors de pavillon. Aux Etats-Unis, l’administration publie un rapport annuel complet sur les flux d’uranium et les coûts associés. Euratom publie des données au niveau européen. Mais rien de tel en France et il faut fouiller sur internet pour trouver des données, malheureusement incomplètes.

L’uranium naturel est composé essentiellement de deux isotopes, l’uranium-238 et l’uranium-235 auxquels s’ajoutent des traces d’uranium-234. Seul l’uranium-235 est fissible, mais sa teneur naturelle n’est que de 0,72%. Or, la grande majorité des réacteurs nucléaires de production d’électricité utilisent un combustible dont la teneur en uranium-235 a été enrichie entre 3 et 5%. Il faut donc séparer physiquement les deux principaux isotopes de l’uranium naturel après une série de conversions chimiques, pour obtenir, d’un côté, de l’uranium enrichi à partir duquel le combustible est fabriqué et de l’uranium appauvri qui a très peu de débouchés. L’enrichissement est donc une étape stratégique pour l’industrie nucléaire avec seulement 4 acteurs majeurs : Rosatom en Russie couvre 46% de la production mondiale ; Urenco, avec des usines au Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas et Etats-Unis, détient 30% des parts de marché ; Orano, avec une usine en France, 12% et CNNC en Chine, 11%. Ce dernier ne fournit que la Chine, dont le marché est fermé. Le marché russe est aussi fermé aux enrichisseurs occidentaux, mais Rosatom fournit aussi l’occident, en plus du marché national.

In fine, les assemblages de combustible utilisés par EDF sont fabriqués par sa filiale Framatome, dans ses usines françaises et allemandes et par Westinghouse, dans ses usines en Suède et au Royaume-Uni.

Orano, exploite des mines d’uranium situées au Canada, Kazakhstan, Niger et Ouzbékistan et a des participations dans d’autres mines dont il n’est pas l’exploitant. Mais la compagnie enrichit de l’uranium provenant de presque tous les pays producteurs d’uranium et fournit une soixantaine de clients dans le monde. D’après Le Monde, quatre pays, à savoir le Kazakhstan (20,1 %), l’Australie (18,7 %), le Niger (17,9 %) et l’Ouzbékistan (16,1 %), lui ont fourni les trois quarts de l’uranium naturel importé entre 2005 et 2020.

Entre 1956 et 2003, le parc nucléaire français a eu besoin de 173 837 tonnes d’uranium naturel, soit 11,5% de la demande mondiale, selon le « Red book » de l’OCDE. EDF s’approvisionne auprès d’Orano, qui lui fournit actuellement 40 % de son combustible, d’Urenco et de Tenex, la filiale de Rosatom. Entre 2009 et 2012, années pour lesquelles des données précises sont disponibles, Tenex a enrichi 28% de l’uranium consommé par EDF. Même après l’invasion de l’Ukraine, EDF continue ses achats en Russie, selon le Canard Enchaîné (7/12/2022), alors qu’elle pourrait se fournir ailleurs.

Sans la Russie, impossible de réutiliser une partie de l’uranium récupéré lors du retraitement des combustibles usés. Et, pour sauver le mythe du recyclage, l’industrie nucléaire est prête à s’assoir sur la résolution du parlement européen qui « invite les États membres à mettre un terme à toute collaboration avec la Russie dans le domaine nucléaire, en particulier avec Rosatom et ses filiales ».


Mise à jour du 13 mars 2023

Le 11 mars, Greenpeace a publié un rapport sur les flux d’uranium entre la Russie et la France qui vient compléter notre travail. Il a eu un plus grand impact médiatique que le nôtre…

Dans sa réponse aux médias, EDF ne nie pas l’importation d’uranium enrichi en provenance de Russie tout en opposant le “caractère confidentiel” du détail de ses approvisionnements. Elle précise cependant qu’elle n’a pas “augmenté sa part d’enrichissement de son uranium naturel non russe réalisé en Russie en 2022 par rapport à 2021”.

Et comme l’uranium n’est pas concerné par les sanctions européenne, la compagnie a beau jeu d’affirmer appliquer “strictement toutes les sanctions internationales et/ou les restrictions liées à la non-obtention d’autorisations administratives requises, tout en respectant les engagements contractuels pris”. Et donc elle ne va pas rompre ses contrats avec la Russie, même si son partenaire occupe la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia. Les 16 engagements Responsabilité Sociétale d’Entreprise d’EDF, qui incluent « l’éthique et les droits humains », ne pèse pas bien lourd, comme nous l’avions déjà souligné.

L’ACRO déplore la volonté du gouvernement d’affaiblir le contrôle en sûreté nucléaire et radioprotection

Le 8 février 2023, le gouvernement a annoncé vouloir démanteler l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), l’expert officiel. L’expertise passerait sous la tutelle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et la recherche retournerait au CEA, comme c’était le cas au siècle dernier. La décision a été prise à huis-clos, sans la moindre concertation, officiellement lors du Conseil de Politique Nucléaire qui s’est tenu à l’Elysée le 3 février dernier, mais annoncée plus tard. Cette instance, créée en 2008 par Nicolas Sarkozy, réunit des ministres, le chef d’état-major des armées, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale et l’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique autour du président de la République. Mais, elle n’inclut pas les ministres en charge du travail, de la santé ou de l’environnement…

La ministre de la Transition énergétique a demandé au président de l’ASN, au directeur général de l’IRSN, et à l’administrateur général du CEA, de lui proposer, d’ici fin février, les premières mesures et une méthode de travail permettant de mettre en œuvre ces orientations, avant une feuille de route plus détaillée en vue de la loi de finances 2024. Voir la lettre de mission.

Pourquoi cette décision, prise sans concertation, est inquiétante ?

La recherche et l’expertise se nourrissent mutuellement. En les séparant, le gouvernement va entraîner une perte de compétence et, in fine, affaiblir l’expertise. Ce doit être le but recherché suite aux déboires à répétition de l’EPR de Flamanville, de Melox et à la fragilité du parc nucléaire vieillissant. Et, sous la tutelle du CEA, la part de la recherche dédiée à la sûreté, à la radioprotection et à l’environnement risque de diminuer.

En plaçant l’expertise au sein de l’ASN, il y a un risque que cette dernière cherche à influencer l’avis technique. La séparation des deux acteurs, comme c’est le cas actuellement, oblige à un dialogue approfondi et permet aussi une plus grande transparence dans le processus.

Rappelons que le système actuel est issu des travaux présidés par le député Le Déaut, missionné par le premier ministre en 1998, qui avait mené une large concertation. Dans son rapport il soulignait :

  • Il faut garder une distinction entre, d’une part le niveau de l’autorité, d’autre part l’expertise.
  • Un expert en sûreté ne peut pas dépendre d’un exploitant ni d’un grand organisme de recherche promoteur du nucléaire. Il faut séparer administrativement l’IPSN (Institut de protection et de sécurité nucléaire) du CEA (Commissariat à l’énergie atomique).

La décision du gouvernement ne repose sur aucun audit ou étude qui viendrait étayer ce changement majeur de la gouvernance du pays le plus nucléarisé au monde. Sacrifier la sûreté pour gagner quelques mois sur la construction des futurs EPR n’a aucun sens alors que les retards actuels sont techniques et non procéduriers. Le communiqué gouvernemental ne contient ni le mot « concertation » ni le mot « transparence ». Des concepts sans importance, sans doute…

Le fonctionnement de l’IRSN doit être réformé en l’ouvrant plus au monde académique et aux parties prenantes en acceptant une plus grande pluralité d’approches. Il y a aussi la nécessité de garantir la liberté académique à ses chercheurs qui ne sont pas libres de publier ou de parler aux médias. Nous n’oublions pas le licenciement d’une chercheuse de cet institut en 2020, car ses résultats de recherches ne plaisaient pas à sa hiérarchie. En réaction, l’ACRO avait démissionné du Comité d’Orientation des Recherches de l’IRSN où elle siégeait depuis une dizaine d’années. Enfin, sur certains domaines non soumis au secret, il y a nécessité de voir émerger d’autres acteurs, aussi bien en recherche qu’en expertise.

Le sort que promet le gouvernement à l’IRSN va aggraver la situation. L’ACRO, organisme indépendant et citoyen œuvrant à toujours plus de transparence, ne peut que déplorer cette politique gouvernementale, tant sur le fond que sur la forme.


Dans un nouveau communiqué publié le 23 février, le gouvernement répond indirectement aux critiques et inquiétudes nombreuses qui se sont exprimées de tous les côtés en corrigeant sa copie :

  • les compétences en matière de recherche et d’expertise en sûreté nucléaire en radioprotection, en protection et surveillance de l’environnement seront maintenues ensemble au sein de la future autorité de sûreté ;
  • les rôles exécutifs respectivement du contrôle et de l’expertise resteront séparés du rôle de décision et de pilotage stratégique ;
  • l’information, la transparence et le dialogue technique avec la société devront être garanties.

Cependant, le gouvernement va se contenter d’amender son projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires alors que le sujet aurait mérité une loi à lui tout seul en se donnant le temps de la réflexion et de la concertation. Le gouvernement veut donc réformer autoritairement par décrets, au mépris de la démocratie.

Une réforme du contrôle ne changera rien aux retards et aux surcoûts de l’EPR de Flamanville, aux déboires de Mélox, à la saturation inquiétante des entreposages de combustibles nucléaires et au vieillissement des installations actuelles.


Le samedi 25 février, le gouvernement a déposé un premier amendement à son projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, confirmant ainsi sa volonté de passer en force. Il n’a mené aucune consultation des parties prenantes alors qu’il reste de nombreux problèmes à régler.

Tout tient dans une phrase : “L’Autorité de sûreté nucléaire exerce des missions d’expertise et de recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la radioprotection ainsi que des actions de sécurité civile en cas d’accident radiologique”. Le reste, et l’autre amendement, concernent surtout le statut des futurs agents. L’IRSN ne faisait pas que de l’expertise et de la recherche : que deviendront ses autres activités ? Qu’en est-il de son expertise sur la sécurité ? Et toujours pas un mot sur la gouvernance du nouvel organisme, ni sur la transparence ou la démarche d’ouverture.

La seule justification apportée par le gouvernement est que “le présent projet de loi vise à accélérer et sécuriser les projets de construction de nouveaux réacteurs nucléaires”, sans expliquer comment EDF ira plus vite grâce à cette loi. L’EPR de Flamanville a plus de dix ans de retard !

Notons que deux autres amendements, visant à maintenir une séparation entre l’ASN et l’IRSN, ont été déposés par le groupe “socialistes et apparentés”, ainsi que par le groupe “Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires”.


L’ACRO appelle les députés à voter CONTRE les amendements du gouvernement entraînant la fusion de l’ASN et de l’IRSN car l’impact de cette réforme n’a pas encore été évaluée. De nombreux points restent flous. Par exemple :

  • la partie expertise du futur ensemble pourra-t-elle publier ses avis avant la prise de décision comme c’est le cas actuellement ?
  • quel est le sort promis à toute la partie de l’IRSN en charge de l’expertise des installation nucléaires secrètes ?

Une réforme de la sûreté et de la radioprotection ne peut se faire qu’APRES avoir mené de larges consultations avec tous les acteurs et parties prenantes. Les amendements actuels sont prématurés et ne garantissent pas une évolution favorable de l’organisation de l’expertise et du contrôle.


Merci aux députés qui, le 15 mars, ont adopté un amendement maintenant la séparation entre l’ASN et l’IRSN. Le gouvernement a, le lendemain, a déposé un autre amendement – retiré dans la journée – modifiant les finalités du rapport étudiant une fusion des deux organismes.

Lors du débat parlementaire, selon Ouest-France, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a répondu à l’ancienne ministre Barbara Pompili : « Tu sais parfaitement que cette réforme et cette interrogation étaient engagées déjà il y a quelques mois, on ne va pas rentrer dans ce débat-là. » Si tel est le cas, pourquoi avoir agi en secret sans la moindre consultation des principaux intéressés ?

Il faut lancer des assises pour discuter de l’expertise et du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et panser les plaies ouvertes par le projet brutal du gouvernement.

Le prix du recyclage des combustibles nucléaires usés

Orano le clame sur son site Internet : « le recyclage permet de récupérer jusqu’à 96 % de matière valorisable dans un combustible usé : 1 % de plutonium, et 95 % d’uranium. Les 4 % restant sont des produits de fission, des déchets ultimes non valorisables. » Il faudrait ajouter les rejets dans l’environnement suivi par l’ACRO… Le plutonium (1%) est recyclé sous forme de combustible MOx. Mais, on a beau fouiller sur le site, la compagnie ne dit rien du recyclage de l’uranium. EDF n’est pas beaucoup plus disert sur l’utilisation de l’uranium de retraitement. Il faut vraiment chercher sur son site Internet pour trouver des bribes d’information.

Pourquoi ces cachoteries ? A peine 2% de l’uranium extrait des combustibles lors des opérations de retraitement (URT) ont été recyclés à ce jour… Et c’était avant 2013, à la centrale de Cruas dans la Drôme. Depuis, plus rien. Il faut dire que cet uranium de retraitement doit être envoyé en Russie pour y être réenrichi où les normes environnementales et de radioprotection sont moins contraignantes. Ainsi, les effluents produits lors de la purification de l’uranium étaient directement injectés dans le sol… Cela fait mauvais genre pour une énergie prétendue propre ! Les contrats ont donc été suspendus en 2013.

Pour sauver le mythe du recyclage, EDF a signé un nouveau contrat de 600 millions d’euros avec la Russie en 2018. Et, promis, cette fois-ci les effluents issus de la purification de l’uranium français seront vitrifiés. Le premier chargement dans un réacteur d’uranium de retraitement réenrichi (URE) est prévu pour 2023. L’invasion de l’Ukraine n’a en rien altéré les plans de la compagnie et une cargaison est arrivée discrètement à Dunkerque le 28 novembre 2022. Greenpeace a permis sa médiatisation.

Les exactions et les crimes de guerre commis par la Russie en Ukraine n’ont pas remis pas en cause les liens avec Rosatom, l’entreprise d’Etat russe en charge du complexe militaro-industriel nucléaire, directement associée à la prise en otage la centrale ukrainienne de Zaporijjia. Des armes y sont entreposées. Les troupes d’occupation n’y respectent pas les règles de sûreté et ont miné le site. Le personnel ukrainien y est persécuté – certains auraient même été torturés. Tenex, le partenaire russe d’EDF qui réenrichit l’uranium de retraitement, est une filiale de Rosatom…

Si EDF rompait ses contrats avec Rosatom, c’en serait fini du recyclage de l’uranium qui devrait alors être classé en déchet ultime. Pour le moment, il est toujours considéré comme matière « valorisable ». Rappelons, qu’il pèse pour 95% des combustibles usés. Alors, entre l’Ukraine et le mythe du recyclage, EDF a choisi. L’industrie nucléaire se comporte donc comme les industries fossiles.

Mais, rassurez-vous, les 16 engagements Responsabilité Sociétale d’Entreprise d’EDF incluent « l’éthique et les droits humains ». Pour cela, la compagnie a déployé un Plan de Vigilance « pour prévenir d’éventuelles atteintes graves aux personnes et à l’environnement qui pourraient être causées par les activités de l’entreprise ou par celles de ses relations commerciales. » Dans son document intitulé Droits humains et libertés fondamentales, Santé et sécurité, Environnement, Ethique des affaires : les engagements et exigences du Groupe EDF, il est écrit que « le Groupe EDF ne tolère aucune atteinte au respect des droits humains et libertés fondamentales dans ses activités propres. Il veille à ce que cela soit également le cas s’agissant d’activités de tiers lorsque celles-ci sont exercées dans le cadre d‘une relation d’affaires avec le Groupe EDF. Le Groupe EDF s’engage à respecter et demande à ses relations d’affaires de respecter, a minima les standards internationaux de protection et de défense des droits humains et des libertés fondamentales, et en particulier la charte internationale des droits de l’homme de l’ONU et les conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail […]. Le Groupe EDF s’engage à accorder une attention particulière aux impacts de ses activités sur les personnes reconnues comme vulnérables par le droit international des droits de l’homme, et demande à ses relations d’affaires d’y accorder la même attention.

Le Groupe EDF s’engage à enquêter en toute transparence, impartialité et bonne foi sur toute allégation d’atteinte aux droits humains ou liberté fondamentale liée aux activités exercées par les entités du Groupe, prestataires et sous-traitants.

Si une atteinte aux droits humains ou libertés fondamentales est avérée dans le cadre de ses activités, le Groupe s’engage à dialoguer avec les victimes et/ou leurs représentants en vue de remédier à la situation. »

Ouf ! Tout va bien…

Contamination systématique au tritium de l’eau de la Seine et de l’eau du robinet à Choisy le Roy

A la demande du Réseau sortir du nucléaire, l’ACRO a fait un suivi de la contamination en tritium de l’eau de la Seine et de l’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) à Choisy-le-Roy, de mai à juillet 2022. Il ressort que tous les échantillons sont contaminés à des niveaux qui varient de 10,4 à 22,1 Bq/L.

De telles concentrations sont largement supérieures aux niveaux naturels qui sont actuellement de l’ordre de 1,5 Bq/L en moyenne en France. Le tritium détecté à Choisy-le-Roy provient donc des rejets de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine où un seul réacteur était en fonctionnement à cette époque. Il convient de noter qu’aucune concentration ne dépasse la valeur guide de 100 Bq/L prise en référence par la réglementation française pour la qualité des eaux de boisson.

Ce suivi fait écho à la carte de la contamination des eaux destinées à la consommation humaine que nous avions publiée en 2019 à partir de données transmises par le ministère de la santé. Nous alertions sur les risques en cas d’accident grave : comment se ferait l’alimentation en eau potable en cas de dépassement des niveaux maximaux admissibles ? Deux millions de personnes dépendent de l’usine de potabilisation de Choisy-le-Roi.

Des plans “ORSEC eau potable” existent maintenant, mais ils sont secrets.

Voir le rapport d’analyse avec tous les résultats.

Pollution au plutonium à La Hague révélée par l’ACRO : chronologie des évènements

Chronologie pour suivre ce dossier

Dans le cadre de son Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement, l’ACRO effectue une surveillance régulière de la pollution radioactive autour des installations nucléaires de La Hague, ce qui lui a permis, en 2016, de mettre en évidence une pollution inhabituelle dans la zone du Ru des Landes, avec la présence notable d’américium-241 et de plutonium, particulièrement toxiques. Areva, devenue Orano, s’est engagée à reprendre les terres contaminées. Si, en décembre 2022, aucun travail d’assainissement n’a encore été mené, des vaches continuent à y paître. Mais les travaux sont pour bientôt, promis…

L’ACRO reste vigilante et continue les investigations sur ses fonds propres.
Elle a besoin de votre soutien : adhérez ou faites un don.

Voici une chronologie des informations publiées sur cette pollution :

10 octobre 2016 : l’ACRO alerte sur une pollution à l’américium autour du ruisseau des Landes à la Hague

Dans le cadre de son Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement, l’ACRO effectue une surveillance régulière de la pollution radioactive autour des installations nucléaires de La Hague qui lui a permis de mettre en évidence, au niveau du Ruisseau des Landes, dans les sédiments et mousses aquatiques, du cobalt-60, de l’iode-129, du césium-137 et de l’américium-241.
La présence de ces quatre radionucléides artificiels, et plus particulièrement l’américium-241, est totalement anormale puisque ce ruisseau ne constitue pas un exutoire réglementaire des eaux pluviales recueillies sur le site d’Areva. La campagne de prélèvements ACRO du 17 septembre 2016 montre également que la tache de contamination par l’américium n’est pas localisée en un seul point, MAIS concerne toute la zone humide autour de la source.
Des travaux sont en cours non loin de cette zone, sur le site nucléaire, autour du silo 130 afin d’en garantir l’étanchéité et d’en améliorer la surveillance par ajout de piézomètres. Est-ce que la pollution observée en 2016 est la continuité des fuites de la Zone Nord-Ouest ou est-ce une nouvelle contamination due aux travaux en cours ? Qui va décontaminer la zone extérieure ?

-> Lien direct vers le communiqué de l’ACRO.

24 janvier 2017 : Areva reconnait la pollution et s’engage à nettoyer la zone.

“AREVA la Hague va mettre en œuvre un plan d’action en vue de reprendre et conditionner les terres marquées en américium 241 dans la zone située au nord-ouest du site. L’usine de la Hague renforce également son programme de surveillance environnementale en planifiant une campagne semestrielle de prélèvements supplémentaires dans la zone en question […]
Les mesures effectuées dans les échantillons de terres et de boues ont mis en évidence un marquage en américium 241, avec une valeur haute de 8 becquerels par kilo de terre humide.”

Areva ne donne pas le détail de ses résultats de mesure.

-> Lien direct vers le communiqué d’Areva.

26 janvier 2017 : l’ACRO publie de nouveaux résultats obtenus qui confirment ses premières analyses et de surcroît, montrent des niveaux de contamination encore plus importants en certains endroits.

Suite aux premières constatations, l’ACRO a décidé de continuer les investigations sur ses fonds propres afin de mieux cerner l’étendue des pollutions observées ainsi que leurs origines. Deux campagnes de prélèvement ont été réalisées les 17 octobre et 16 novembre dernier au cours desquelles ont été collectés une quarantaine d’échantillons. Outre l’américium-241, d’autres éléments radioactifs sont mesurés comme le césium-137, le cobalt-60, l’iode-129. Des mesures des isotopes du plutonium et de strontium-90 sont également en cours.
L’ACRO réitère sa demande que toute la lumière soit faite sur l’origine, l’étendue et l’impact de cette pollution, avec accès à toutes les données environnementales. En attendant, elle continue ses investigations.

-> Lien direct vers le communiqué de l’ACRO.

2 mars 2017 : l’ACRO publie de nouveaux résultats d’analyse qui confirment la présence de strontium et de plutonium

“L’ACRO a confié à un laboratoire d’analyse suisse accrédité le soin d’effectuer des analyses complémentaires sur des échantillons de sol prélevés autour du ruisseau des Landes à la Hague. Les résultats confirment la présence de strontium-90 et de plutonium – deux éléments particulièrement radiotoxiques –  à des niveaux significatifs : jusqu’à 212 Bq/kg de matière sèche pour le strontium et jusqu’à 492 Bq/kg de matière sèche pour les seuls plutoniums 239 et 240 (239+240Pu).”

-> Lien direct vers le communiqué et les résultats.

Areva a réagi immédiatement en publiant son propre communiqué :

“AREVA la Hague a engagé son plan d’actions afin d’analyser et traiter les marquages historiques dans les terres à proximité de la source du ruisseau des Landes, dans la zone située au nord-ouest du site. Une équipe projet a ainsi été mise en place […].
Par ailleurs, les contrôles réalisés dans les échantillons de terre confirment la présence d’un marquage en plutonium, avec une valeur moyenne de l’ordre de 20 becquerels par kilo de terre prélevée, dans la zone la plus marquée (soit environ 200 becquerels par kilo de terre sèche).”

Areva ne publie pas le détail de ses résultats de mesure.

-> Lien direct vers le communiqué d’Areva.

10 mars 2017 : l’ACRO demande l’accès à toutes les données environnementales relatives à la pollution radioactive de la zone du Ru des Landes

“La Charte de l’environnement, adossée à la Constitution et de la convention européenne d’Aarhus, le Code de l’environnement, article L125-10, garantit à toute personne le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les exploitants d’une installation nucléaire de base. Les articles L124-1 et suivants, quant à eux, garantissent le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues, reçues ou établies par les autorités et établissements publics.
L’ACRO a donc saisi Areva, l’ASN, l’IRSN et le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, afin d’obtenir la publication de toutes les données relatives à la pollution radioactive dans la zone du Ru des Landes à La Hague.”

-> Lien direct vers le communiqué de l’ACRO.

Areva et l’IRSN nous ont envoyé leurs données depuis, mais pas pour les prélèvements les plus récents.

14 mars 2017 : l’IRSN publie un état des lieux de sa surveillance de cette zone depuis 1996

“Des mesures réalisées par l’IRSN en octobre 2016 confirment celles publiées par l’ACRO […]. L’IRSN a réalisé de nouvelles campagnes de prélèvements, notamment début 2017, qui devrait permettre de disposer de meilleurs éléments de caractérisation locale et peut-être d’établir un lien entre certains événements passés et les observations actuelles.”

Les résultats de ces nouvelles campagnes ne sont pas publics.

-> Lien direct la note d’information de l’IRSN.

20 avril 2017 : avis de l’IRSN relatif à la présence de radioactivité artificielle au nord-ouest de l’établissement AREVA-NC de La Hague (publié en mai 2017)

“A la suite de mesures réalisées en 2016 par l’association ACRO indiquant la présence d’américium, de césium, de plutonium et de strontium à proximité de la source du ruisseau des Landes, dans la zone de bocage située au nord-ouest de l’établissement AREVA NC de La Hague, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé à AREVA NC d’expliciter les origines possibles de ces contaminations et les voies de transfert susceptibles de les expliquer, de préciser les risques sanitaires associés et d’examiner la nécessité de compléter son programme de surveillance de l’environnement.
Par lettre citée en référence, l’ASN demande l’avis et les observations de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur la note technique transmise par AREVA NC en décembre 2016, en réponse à cette demande.”

La note technique d’Areva n’est pas publique. Mais l’IRSN précise :

“Dans la note technique transmise en décembre 2016, AREVA NC cite comme origine possible du marquage de la source du ruisseau des Landes, des transferts de radionucléides par les eaux souterraines à partir des fosses bétonnées non étanches de la ZNO. En outre, selon l’étude d’impact réalisée dans le cadre de la demande de démantèlement complet de l’usine UP2-400, un marquage global de cette zone est également attribué aux rejets intervenus lors de l’incendie du silo 130 […].
En conclusion, en l’état actuel des connaissances, l’IRSN considère que les contaminations observées dans la zone située au nord-ouest de l’établissement de La Hague sont à relier à plusieurs évènements pour lesquels des modes de transfert différents sont à considérer […].
Il est toutefois à souligner que tous les marquages en américium 241 et en plutonium constatés, s’agissant notamment des singularités observées en amont et aval de la résurgence de la nappe, ne sont à ce jour pas clairement expliqués.
Par ailleurs, l’IRSN considère que les phénomènes de transfert identifiés ci-dessus pourraient conduire, bien que les entreposages à l’origine des contaminations soient actuellement vides, à une augmentation progressive du marquage au niveau de la source du ruisseau des Landes, qui apparaît comme une zone d’accumulation des contaminants.”

-> Lien direct vers l’avis de l’IRSN.

13 septembre 2017 : la pollution au plutonium du Ru des Landes a les honneurs du Canard Enchaîné

5 octobre 2017 : Areva propose de reprendre 25 m3 de terres contaminées sur 40 m2

Pas de détail sur le site Internet d’Areva. Si tout le monde convient que le Ru des Landes est une « Zone à dépolluer » (ZAD), l’ACRO demande :

  • que l’étendue de la pollution soit bien caractérisée car cette surface nous semble réduite ;
  • que les mécanismes de transfert soient bien étudiés pour éviter de nouveaux apports ;
  • que l’impact sanitaire soit étudié de manière pluraliste à partir de 1974.

Janvier 2018 : l’IRSN met en ligne son avis sur le plan de dépollution d’Areva

L’IRSN a mis en ligne son avis n°2017-00376 daté du 4 décembre 2017 relatif à la contamination du Ru des Landes et à la surveillance après travaux (lien direct). Le dossier Areva n’est toujours pas public, mais indiquerait un marquage, en plutonium, américium 241 et strontium 90, des eaux de la nappe alimentant la résurgence. Ce qui signifie que les fuites continuent. L’exploitant prévoit donc un captage des eaux de la nappe pour éviter toute nouvelle contamination des terres au niveau de la résurgence.

Janvier 2019 : Bilan 2015-2017 de l’état radiologique de l’environnement français

Le bilan 2015-2017 de l’état radiologique de l’environnement français (lien direct) publié par l’IRSN rend compte, à partir de la page 309, de la pollution radioactive au Ru des Landes en prenant en compte nos mesures.

Autrement, on attend toujours la consultation promise par l’ASN sur le plan de dépollution proposé par Orano.

Décembre 2020 : L’université de Lausanne et l’ACRO montrent, dans une publication scientifique, que la pollution au plutonium est probablement antérieure à 1983

Les analyses complémentaires effectuées par l’université de Lausanne confirment que l’usine de retraitement est bien à l’origine de cette pollution et permettent de la dater approximativement. Les éléments détectés dans l’environnement suggèrent que le combustible usé traité, à l’origine de cette pollution, est ancien. Lien vers la publication scientifique.

Septembre 2022 : L’ASN autorise enfin Orano à procéder aux opérations d’assainissement des sols à proximité du ruisseau des Landes

Presque 6 ans après la première alerte de l’ACRO, l’ASN, dans sa décision n° CODEP-CAE-2022-0046581, autorise Orano à procéder aux opérations d’assainissement des sols à proximité du ruisseau des Landes. Espérons qu’il ne faudra pas attendre 6 années de plus pour que les travaux soient réalisés. Dans le nucléaire, la gestion des déchets et des pollutions s’inscrit dans le temps long…

L’ACRO va maintenir sa vigilance et sa surveillance radiologique du site. Elle a besoin de votre soutien pour cela.

Combien de rebuts de MOx japonais à La Hague ?

Un départ de combustibles MOx vers le Japon est prévu dans les jours qui viennent. Cela semble paradoxal dans un contexte où l’usine Mélox ne peut pas produire assez pour fournir les réacteurs nucléaires Edf. En effet, un changement de procédé a induit une forte baisse de la productivité et génère une grande quantité de rebuts qui sont entreposés à La Hague en attendant de trouver une solution. Combien de temps vont-ils rester là ?

En attendant, les rebuts continuent à s’accumuler et, en avril dernier, Orano était très proche de la saturation. Il lui a fallu ouvrir, en urgence, de nouveaux entreposages. Or, en cas de saturation prolongée, c’est l’occlusion qui menace, car il faudra arrêter l’usine Mélox, puis le retraitement, ce qui engendrera une saturation des entreposages de combustibles usés et un arrêt des réacteurs nucléaires, dans une situation énergétique dégradée.

Alors que les entreposages sont dans une situation critique, quelle est la part des rebuts japonais à La Hague ? L’ACRO réclame plus de transparence sur le sujet et un débat démocratique sur la gestion des combustibles nucléaires.