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Derniers numéros :

N°144 : Le nucléaire français n’assume pas ses liens avec la Russie – Regard d’un haguais sur la décontamination du Ru des Landes – Pavlo, liquidateur – Petit point sur la catastrophe de Fukushima 13 ans après – Surveillance radiologique du plateau de la Hague 2022 ( printemps 2024)

N°143 : L’absorption de l’IRSN par l’ASN à marche forcée – Bilan 2022 de la surveillance radiologique de l’environnement autour des installations nucléaires de la Loire et de la Vienne (décembre 2023)

N°142 : Alors que les piscines françaises sont proches de la saturation, KEPCo va envoyer des combustibles en France – Le contrôle nucléaire recadré – Analyses environnementales du CNPE de Nogent sur Seine ( septembre 2023)

N°141 : L’humanité face au défi climatique – Quel avenir pour le combustible Mox et le retraitement ? – Au revoir Jean-Claude (juin 2023)

N°140 : D’où vient l’uranium importé en France ? – Nucléaire, un cycle du combustible grippé (mars 2023) Note d’information de l’ACRO

N°139 : Projet de construction de six EPR2 dont une première paire à Penly – Pollution au plutonium à La Hague révélée par l’ACRO (décembre 2022)

N°138 : Surveillance de la contamination de l’eau potable et de légumes autour de Valduc (septembre 2022)

N°137 : Résultats 2021 de la surveillance radiologique de l’environnement autour des installations nucléaires de la Loire et de la Vienne (juin 2022)

N°136 : Suivi du projet de la piscine nucléaire EDF à La Hague / Enquête publique sur la poursuite du démantèlement de la centrale de Brennilis (mars 2022)

Historiques des Acroniques


Engagement étudiant : rejoignez l’ACRO !

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Etudiants, participez à la surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement mise en place par l’ACRO. Vous pourrez mettre à profit vos compétences en biologie, environnement, physique ou informatique (gestion de bases de données, SIG…) dans un cadre convivial !

L’ACRO a créé l’Observatoire Citoyen de la radioactivité dans l’environnement, un réseau de surveillance basé sur la vigilance des citoyens, riverains ou non d’installations nucléaires. Les deux principaux volets sont le suivi des niveaux de radioactivité le long du littoral normand et le suivi du tritium dans les eaux douces et les eaux de consommation. Dans les deux cas, il s’agit d’évaluer les répercussions des rejets d’effluents radioactifs des installations nucléaires dans l’environnement.

Vous pouvez participer à l’ensemble des opérations, des prélèvements dans l’environnement jusqu’à la valorisation des résultats, en passant par toutes les étapes de traitement et d’analyse des échantillons au sein du laboratoire de l’ACRO. L’équipe sera présente pour assurer un encadrement technique et scientifique qui vous permettra d’acquérir, ou de perfectionner différents savoirs et savoir-faire, certains étant propre à notre domaine d’activités (analyses par spectrométrie gamma et scintillation liquide), d’autres étant plus universels (préparation d’échantillons, gestion de bases de données, SIG, sites internet…).

Par votre implication au sein de l’Observatoire Citoyen vous acquerrez de nouvelles compétences qui vous seront profitables.

Si vous êtes intéressés, contactez-nous au plus vite ! Si vous êtes à l’Unicaen, la demande doit être déposée avant le 18 novembre.

Soutenez l’ACRO en choisissant Lilo comme moteur de recherche

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15Notre observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement a été sélectionné par le moteur de recherche Lilo. Vous pouvez désormais nous financer gratuitement en utilisant Lilo pour vos recherches quotidiennes !

Pour découvrir ce nouveau moteur et nous financer gratuitement, c’est très simple :

  1. Se rendre sur http://www.lilo.org/?utm_source=acro-observatoire-citoyen pour utiliser le moteur de recherche Lilo.
  2. Cumuler au minimum 50 gouttes d’eau.
  3. Aller sur la fiche projet http://www.lilo.org/fr/acro-observatoire-citoyen/?utm_source=acro-observatoire-citoyen et verser au minimum 50 gouttes d’eau la première fois que vous nous versez vos gouttes d’eau (les fois suivantes, c’est à souhait).
  4. Faire ses recherches au quotidien avec Lilo pour gagner des gouttes d’eau.
  5. Reverser régulièrement ses gouttes d’eau, en se rendant directement sur la fiche projet http://www.lilo.org/fr/acro-observatoire-citoyen/?utm_source=acro-observatoire-citoyen

Contamination au tritium de l’eau potable : mise au point de l’ACRO

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L’ACRO a rendu publique, mercredi 17 juillet dernier, une carte exclusive de la contamination de l’eau potable par le tritium à partir des données transmises par le ministère de la santé et a souligné le risque en cas d’accident nucléaire, comme l’indiquait le titre de son communiqué. La Direction Générale de la Santé, qui nous a fourni les données, a été prévenue par mail le lundi 15 juillet au soir de notre communication à venir et de nos revendications.

Cette cartographique de la contamination en tritium de l’eau potable n’avait jamais été faite. Les données étaient disponibles, mais elles n’étaient connues, ni de la presse, ni du public. Notre carte a donc eu un énorme impact, qui nous a nous même surpris. Notre site Internet a été consulté par plus de 160 000 citoyens en quelques jours !

Les promoteurs de l’énergie nucléaire ont vu d’un mauvais œil cette information sur les rejets de leurs installations qui impactent directement l’eau potable. Certains ont essayé de faire croire que ce tritium était naturel, alors qu’aux taux relevés, il ne peut être qu’artificiel. Mais, personne ne s’est intéressé à l’objet même de notre communication, à savoir quelle alimentation en eau potable en cas d’accident nucléaire grave ?

Dans ce contexte, un message a été posté anonymement sur les réseaux sociaux. Il mentionnait une contamination au « titanium », et non au tritium, et un prétendu arrêté préfectoral interdisant de boire de l’eau du robinet en Ile de France. Il a semé la panique et entraîné des messages rassurants des autorités sur la qualité de l’eau de consommation. L’ACRO a rapidement démenti sur twitter cette fausse information, dès qu’elle a découvert la rumeur.

Peine perdue, cette fausse information a permis d’accuser l’ACRO d’avoir semé la panique. S’en est suivie une avalanche de tweets insultants basés sur la théorie du complot : l’ACRO manipulerait les journalistes. C’est nous donner beaucoup de pouvoir ! Certains sont même allés à proférer des menaces.

TF1 s’est particulièrement distinguée dans le paysage médiatique français par sa propre fake news. Lors de son journal de 20h du 21 juillet 2019, la chaîne assène : « le communiqué alarmiste d’une association a semé la panique chez plus de 6 millions de Français. Sauf que tout était faux. » Il s’agit de propos diffamants : nos données viennent du ministère de la santé et n’ont jamais été contestées. La contamination est avérée et elle est issue des rejets des installations nucléaires.

L’ACRO est un lanceur d’alerte. Rien dans sa communication n’est anxiogène. Elle ne cherche pas à provoquer la panique, mais le débat. Le but de ce travail est d’éclairer le public et les autorités sur les niveaux de radioactivité et les risques engendrés en cas d’accident.

C’est Le Canard Enchaîné qui, le premier, a publié l’information, en précisant : « Pas de panique : la concentration en hydrogène radioactif (autre nom du tritium) reste très en deçà des normes sanitaires et est donc sans danger. » Notre communiqué précisait qu’« aucune valeur ne dépasse le critère de qualité fixé à 100 Bq/L instauré par les autorités sanitaires. » Nous disons que le tritium est un lanceur d’alerte et nous insistons sur le risque en cas d’accident nucléaire grave. La dépêche AFP qui a suivi, et qui a été reprise par presque toute la presse, citait notre phrase et précisait que les valeurs étaient bien en-dessous de la limite de potabilité de l’OMS.

Pour mémoire, nous avions déjà mis en avant, le 18 juin dernier, grâce à nos propres résultats d’analyse, la contamination de l’eau potable le long de la Loire. L’information avait déjà été largement reprise par la presse, sans pour autant provoquer de mouvement de panique.

On nous a aussi reproché d’avoir utilisé le mot « contamination », mais c’est celui utilisé dans le monde de la radioprotection. Il peut y avoir de faibles contaminations avec un risque faible et de fortes contaminations qui présentent des risques élevés. Le mot a pour but de souligner la présence d’éléments radioactifs artificiels. Nous continuerons donc à l’utiliser.

Nous avons été surpris et choqués, lors de notre étude, de découvrir que 6,4 millions de Français buvaient une eau contaminée directement par l’industrie nucléaire, même si cela n’avait pas d’impact sanitaire. Personne ne connaissait ce chiffre puisqu’une telle étude est inédite. Notre travail met en lumière la vulnérabilité de l’alimentation en eau potable de grandes agglomérations en cas d’accident nucléaire grave. Nous n’avons pas été démentis sur le sujet. Aucune préfecture n’a été en mesure d’indiquer qu’elle dispose un plan « ORSEC eau potable ».

Il nous a été reproché de faire peur avec l’accident nucléaire. Mais toutes les instances nationales et internationales invitent à s’y préparer : cela fait partie intégrante de la sûreté nucléaire. Cette vulnérabilité de l’eau potable est peu connue. Elle nous avait échappé lors de nos études précédentes sur les plans d’urgence nucléaire.

Nous nous devions d’alerter sur ce risque et nous allons continuer à faire pression pour qu’il soit pris en compte. Notre observatoire de la radioactivité dans l’eau va être étendu et nous continuerons à communiquer sur le sujet. C’est la raison d’être de notre association, qui milite pour le droit de savoir dans le domaine du nucléaire et de la radioactivité.

Mise à jour : les résultats du contrôle sanitaire de l’eau du robinet sont désormais disponibles sur le site data.gouv.fr

En France métropolitaine, moins de 5% de la population bénéficiera de comprimés d’iode à la maison pour protéger sa thyroïde en cas d’accident nucléaire

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Plus de 8 ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima, la France s’apprête à étendre la distribution d’iode dans un rayon de 20 km autour de ses 19 centrales nucléaires (site de la campagne). 3 millions de personnes bénéficieront d’une protection de leur thyroïde en cas d’accident nucléaire grave (chiffres officiels par centrale). Cela ne représente que 4,6% des 65 millions d’habitants en France métropolitaine.

A titre de comparaison, la Belgique propose de l’iode à toute sa population, ce qui représente un rayon de 100 km autour de ses centrales. Le Luxembourg aussi. La Norvège, qui ne possède pas de centrale nucléaire, recommande, depuis janvier dernier, à toute sa population d’avoir de l’iode à la maison (page, document). En Suisse, 60% de la population a reçu de l’iode à la maison, suite à l’extension de 20 à 50 km de la distribution.

Pourquoi les Français ne sont-ils pas bien protégés en cas d’accident grave ? L’ACRO a interrogé le ministère de l’intérieur, pour lui demander de justifier sa politique. La réponse reçue rappelle la politique française, mais ne répond pas aux questions posées. Nous sommes heureux d’apprendre que les “méthodes retenues répondent d’une part aux objectifs de traçabilité, de qualité de stockage et de manœuvrabilité et d’autre part de réactivité au plus près des installations”. (La réponse complète est ci-dessous). Mais, au vu du contenu des PPI quant à l’organisation de cette « réactivité » au delà des 20 km, nous ne sommes pas rassurés.

L’ACRO réclame que la zone de distribution soit étendue à 100 km et invite la population et en particulier les familles avec enfants, les femmes enceintes ou allaitantes à demander des comprimés d’iode en utilisant le N° Vert mis à disposition par les autorités : 0 800 96 00 20 (appels possibles de 10h à 18h en semaine).

L’ACRO milite depuis des années pour l’extension de la distribution d’iode en France. Suite à notre dernière campagne, des centaines de mails ont été envoyés dans les préfectures pour demander à bénéficier d’iode à la maison quand on n’est pas dans un rayon de 20 km d’une centrale nucléaire. A notre connaissance, personne n’a reçu de réponse.

Nous avons écrit au ministère de l’intérieur pour lui demander de justifier pourquoi les Français ne bénéficient pas de la même protection que leurs voisins européens en cas d’accident nucléaire. Nous demandions aussi que les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes puissent être protégés en priorité et bénéficier de la prophylaxie à l’iode dès que la dose à la thyroïde dépasse les 10 mSv, conformément aux recommandations de l’OMS. La Belgique a adopté cette valeur.

La réponse que nous avons reçue rappelle la politique française, mais ne répond pas aux questions posées. Nous sommes heureux d’apprendre que les “méthodes retenues répondent d’une part aux objectifs de traçabilité, de qualité de stockage et de manœuvrabilité et d’autre part de réactivité au plus près des installations”. Rassurés ?

Des réunions d’informations devraient être organisées prochainement pour organiser la distribution d’iode entre 10 et 20 km autour des centrales nucléaires françaises. Il faut continuer à faire pression sur les autorités pour obtenir une meilleure protection.

Lettre envoyée par l’ACRO le 8 mars 2019 à Monsieur Christophe Castaner, ministre de l’intérieur :

La France devrait bientôt étendre la distribution de comprimés d’iode stable à un rayon de 20 km autour des centrales nucléaires alors que la Suisse l’a étendue de 20 à 50 km et la Belgique de 20 à 100 km. En effet, toutes les études s’accordent pour dire qu’en cas d’accident grave sur une centrale nucléaire, il pourrait être nécessaire de protéger la thyroïde de la population sur des distances pouvant dépasser la centaine de kilomètres. D’ailleurs, la France a validé le rapport européen ATHLET2014 recommandant « d’être en mesure d’étendre […] la mise à l’abri des personnes et la distribution d’iode sur un rayon allant jusqu’à 100 km ».

Comment pouvez-vous justifier que les Français ne bénéficieront pas de la même protection que leurs voisins européens ?

Nous vous demandons de revoir votre position et d’étendre la distribution de comprimés d’iode à une distance de 100 km voire à tout le pays. Les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes doivent être protégés en priorité et bénéficier de la prophylaxie à l’iode dès que la dose à la thyroïde dépasse les 10 mSv, conformément aux recommandations de l’OMS. La Belgique a adopté cette valeur. Pourquoi la France maintient-elle une limite à 50 mSv pour tout le monde ?

Voici la réponse que nous avons reçue.

Trois générations d’armes nucléaires

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Fiche technique extraite de l’ACROnique du nucléaire n°46, septembre 1999


Dans cette fiche technique, nous allons tenter de décrire simplement les principes de base des bombes atomiques et montrer les liens avec l’industrie nucléaire. Nous nous limiterons à des principes généraux. Une fois la bombe fabriquée, il faut pouvoir la déployer, la contrôler, la protéger… puis démanteler les bombes et les installations devenues obsolètes et dépolluer les sites contaminés. Selon les audits atomiques indépendants effectués en France et aux Etats-Unis cela représente plus de la moitié des coûts engagés, mais cela dépasse largement notre propos.


Un peu de physique

La Fission

La fission du noyau d’éléments lourds naturels comme l’uranium ou artificiels comme le plutonium entraîne un dégagement d’une grande quantité d’énergie et de particules, comme les neutrons. Cette fission peut être déclenchée par le choc d’un neutron. Une réaction en chaîne se développe alors : la fission émettant des neutrons qui déclenchent d’autres fissions qui vont émettre d’autres neutrons… Si le nombre de neutrons produits est inférieur au nombre de neutrons consommés ou qui s’échappent, la réaction va s’éteindre d’elle même, sauf si elle est entretenue par un apport extérieur de neutrons. Si le nombre de neutrons créés est supérieur au nombre de neutrons consommés, alors la réaction s’emballe et conduit à une explosion. Dans le cas de réactions nucléaires, l’emballement est très rapide et l’énergie dégagée immense, d’où l’intérêt que lui portent les militaires. Enfin, si le nombre de neutrons créés est égal au nombre de neutrons consommés ou s’échappant, la réaction va s’auto-entretenir. Ce régime, dit critique, est celui qui a lieu dans les réacteurs nucléaires. En cas d’explosion, on parle de régime sur-critique et, dans l’autre cas, de régime sous-critique. Les isotopes impairs de l’uranium et du plutonium sont plus facilement fissibles que les isotopes pairs quand ils sont soumis à un flux de neutrons thermiques, comme dans les réacteurs nucléaires classiques, mais avec des neutrons rapides, présents dans les surgénérateurs ou les bombes, tous les isotopes du plutonium ont pratiquement les mêmes propriétés. On appelle masse critique la quantité de matière fissile minimum nécessaire à la sur-criticité.

L’uranium naturel ne contient que 0,72% d’U235, celui qui est le plus fissible, le reste étant essentiellement composé d’U238 qui ne convient pas. Pour faire une arme il faut augmenter cette proportion jusqu’à 80-93%, en utilisant un processus industriel, l’enrichissement, qui est le même que celui utilisé pour la production de combustible civil où la proportion d’U235 varie de 3 à 5%. C’est l’usine de Pierrelatte (d’abord CEA puis COGEMA) qui se charge de cette opération. Le plutonium est produit dans des réacteurs nucléaires par bombardement d’uranium 238 par des neutrons et doit ensuite être extrait du combustible irradié par un processus industriel identique à celui de la technologie civile, à savoir le retraitement. En fonction de la technologie du réacteur et du temps d’irradiation on obtiendra un pourcentage plus ou moins élevé de Pu239, qui est le favori des militaires. Les autres isotopes sont issus de bombardements successifs du Pu239 par des neutrons, quand ils nâentraînent pas une réaction de fission. Pour avoir un pourcentage élevé de Pu239, il suffit d’irradier moins longtemps du combustible dans n’importe quel réacteur nucléaire. Les réacteurs qui fonctionnent à l’uranium naturel en produiront plus. Le manteau des surgénérateurs comme Phénix et ou Superphénix, c’est-à-dire les barres de combustibles qui sont à la périphérie, permet aussi de produire du Pu239 de bonne qualité.

La Fusion

La fusion de deux noyaux légers dégage une plus grande quantité d’énergie, mais il faut comprimer beaucoup plus les gaz utilisés pour que la réaction puisse avoir lieu. Dans les armes thermonucléaires, c’est la fusion du tritium (H3) avec le deutérium (H2) qui est utilisée ; elle produit de l’hélium plus un neutron. L’avantage c’est que ces gaz sont légers et qu’une faible masse est suffisante pour dégager une énergie énorme. La difficulté est liée à l’allumage, des explosifs chimiques classiques n’étant pas suffisants pour atteindre la compression nécessaire.

Le tritium est aussi produit dans des réacteurs nucléaires par bombardement du lithium 6 par un neutron. Le Lithium 6, lui, est présent dans la nature, mais il doit être séparé de son isotope, le lithium 7. En France, c’est la COGEMA qui se charge de cette opération dans son usine de Miramas. L’ensemble du processus de production du tritium reste géré par le CEA dans deux réacteurs à eau lourde (Célestin 1 & 2 à Marcoule). Le deutérium, quant à lui, nécessite de l’eau lourde pour sa fabrication, qui a été importée de Norvège, des Etats-Unis, mais aussi fabriquée en France dans deux usines pilotes qui ne fonctionnent plus (Toulouse et Mazingarbe, Nord). Le site de production du deutérium gazeux à partir d’eau lourde n’est pas connu clairement. Il est possible que le deutérium soit produit au centre civil du CEA de Grenoble, mais également qu’il soit extrait du processus d’extraction du tritium à Marcoule.

Première génération

Les armes de première génération n’utilisent que la fission de noyaux lourds. Deux masses sous critique d’uranium sont regroupées ou une masse de plutonium ou d’uranium est brusquement comprimée à l’aide d’un explosif chimique afin d’en faire une seule masse sur-critique. La réaction en chaîne est généralement amorcée par une source de neutrons qui doit être parfaitement synchronisée avec le passage au régime sur-critique pour avoir le meilleur rendement, mais cela n’est pas une nécessité. Les bombes sud-africaines étaient amorcées par les neutrons du bruit de fond. La puissance de la bombe peut être améliorée grâce à un matériau réflecteur de neutrons, comme le béryllium. Il est relativement facile de fabriquer une bombe atomique de première génération, à condition que l’on possède la matière fissile. Les Etats-Unis n’ont jamais testé la bombe à l’uranium enrichi avant de la larguer sur Hiroshima et n’ont fait qu’un seul essai pour celle au plutonium avant de bombarder Nagasaki. Une équipe de 400 personnes environ a été suffisante à l’Afrique du Sud pour construire six bombes à l’uranium enrichi. La fin des essais nucléaires ne supprime donc pas le risque de prolifération horizontale, à savoir l’émergence de nouvelles puissances nucléaires ou la menace d’un groupe terroriste qui se serait procuré la matière première au marché noir. Une importante question concerne l’utilisation de plutonium issu des réacteurs civils à eau sous pression pour fabriquer ce type d’arme. Pour les partisans du retraitement du combustible irradié, le Pu 240 est indésirable car il risque de déclencher une implosion avant même que la sur-criticité soit atteinte, réduisant ainsi la puissance de la bombe. Cela peut même être un avantage pour fabriquer une bombe rudimentaire, car il nây a pas besoin de source de neutrons pour initier la réaction. Même de puissance réduite, une telle bombe peut faire beaucoup de dégâts. Un autre inconvénient avancé pour le plutonium civil est que le pourcentage de Pu238 est trop élevé (environ 2%, pour environ 0,01% pour du Pu dit militaire). D’une durée de vie relativement courte (88 ans), la désintégration du Pu 238 entraîne un échauffement qui peut endommager les explosifs chimiques. Si la bombe larguée sur Nagasaki avait contenu 2% de Pu 238, elle aurait eu une température de l’ordre de 250°C. Cette montée en température peut néanmoins être réduite des deux tiers à l’aide d’un système de refroidissement en aluminium. Enfin, le troisième argument avancé par les promoteurs du retraitement est que le plutonium civil est beaucoup plus irradiant, entraînant un risque beaucoup plus élevé pour les personnes travaillant à proximité. L’utilisation de cobayes humains par les puissances nucléaires pour tester les effets de la radioactivité laisse penser que cet argument n’est pas forcément un inconvénient majeur… (Note: cette discussion est tirée d’un article de Frank von Hippel, Fissile material security in post-cold-war world, Physics Today, june 1995 et de A.B. Lovins, Nuclear weapons and power-reactor plutonium, Nature, Vol. 283, 28 fev. 1980, p. 817).

Les bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki, avaient respectivement une puissance de 15 et 22 kilotonnes d’équivalent TNT (Note : 1kt = 1012 cal = 4,18 x 1012 J). Les armes à fission pure développées par la suite ont atteint plusieurs dizaines de kilotonnes.

Deuxième génération

Le principe des armes thermonucléaires est simple à comprendre, même si leur réalisation pose de gros problèmes technologiques. Dans les armes à fission dopées (boosted fission), une réaction de fission similaire à celle de l’arme de première génération, déclenche une réaction de fusion du cœur constitué d’un mélange de tritium (H3) et de deutérium (H2). Les neutrons dégagés par la réaction de fusion entraînent une réaction de fission plus complète que celle qui a lieu dans les armes de première génération où une faible portion de la matière fissile est consommée. La performance d’une telle arme dépend essentiellement de l’explosion chimique initiale car il est important que le gaz soit suffisamment comprimé et ne se mélange pas avec le matériau fissible. Cela peut être testé sans enclencher de réaction nucléaire et reste donc possible dans le cadre du “traité d’interdiction des essais nucléaires”, à condition d’avoir une installation permettant d’étudier l’hydrodynamique de l’explosion à l’aide de rayons X : c’est un des buts de l’installation AIRIX du CEA, en construction à Moronvillier, sur le site où ont lieu les essais nucléaires froids. Il est généralement admis qu’Israël, l’Inde et le Pakistan ont atteint ce stade. A noter qu’avec cette technologie, le plutonium, dit de qualité civile, ne change rien, quant à la puissance de l’explosion, mais le plutonium militaire est généralement préféré pour des problèmes de température et de radioactivité. Dans les bombes thermonucléaires ou bombes à hydrogène, une bombe à fission, éventuellement dopée, déclenche l’explosion par réaction de fusion. C’est un mélange de lithium et de deutérium enfermé dans une capsule tampon d’uranium ou de plomb qui est utilisé, le tritium nécessaire à la réaction de fusion étant directement produit lors de l’explosion par le bombardement des neutrons. Il n’y a virtuellement pas de limite à la puissance dégagée par ce type d’arme ; l’essai nucléaire le plus puissant de l’histoire, avec 60 Mégatonnes (60.000 kilotonnes) dâéquivalent TNT due à 97% à la réaction de fusion, a eu lieu en URSS en octobre 1962. Mais, sachant que la puissance dégagée lors de l’explosion est de l’ordre de 1kt/kg, il est possible de faire beaucoup de dégâts avec une bombe de quelques kg. Des efforts constants de miniaturisation ont eu lieu afin de rendre la bombe plus légère et transportable par toutes sortes de vecteurs, en particulier des missiles intercontinentaux.

Il a fallu de longues années de recherche aux Etats-Unis et en URSS pour mettre au point ce type d’armes (Note : voir le dossier de Physics Today, Nov. 1996) ; mais une fois les principes de base connus, il est possible dâaccéder rapidement à cette technologie : la Chine a testé sa première bombe thermonucléaire après seulement 3 essais de première génération, un essai à fission dopée et un essai préliminaire de bombe à hydrogène. Les armes de deuxième génération sont d’une technologie plus élaborée et, malgré deux milliers d’essais nucléaires, le mécanisme n’est pas encore entièrement compris. Les puissances nucléaires déclarées sont probablement arrivées au bout des améliorations possibles et possèdent une bonne maîtrise de la production de ce type d’armes. La fin des essais nucléaires n’est donc pas trop pénalisante pour elles, mais est certainement un frein pour les autres pays. Il est peu probable que de telles armes disparaissent car elles sont sûres et très mortelles. Les réductions effectuées dans les arsenaux concernent essentiellement des armes obsolètes ou dâune utilité devenue douteuse. Le tritium et le Li6 deviennent des éléments stratégiques qui doivent être contrôlés comme les matières fissibles pour éviter la prolifération.

Troisième génération

La troisième génération regroupe des bombes basées sur les technologies précédentes, mais dont certains effets sont accentués ou réduits selon l’utilité stratégique recherchée. Par exemple, la bombe à neutrons, qui émet une grande quantité de neutrons avec une puissance réduite, est supposée être efficace contre une avancée massive de chars. Son utilité tactique est en fait réduite. D’autres améliorations visent à réduire les “effets collatéraux” de la radioactivité émise, là aussi avec des succès limités. A noter que ces améliorations constituent une entorse à la doctrine de dissuasion, étant un premier pas vers une bombe pouvant être utilisée sur le champ de bataille. Ces armes nécessitent de nombreux développements scientifiques et technologiques et l’arrêt des essais nucléaires est un frein à leur développement.

Les différents types de têtes nucléaires en service dans l’arsenal français (1960-1998)

Type
Puissance
Vecteur
Armée
Entrée en service
Retrait du service
AN11
60 kt
Mirage IVA
Air
06/07/63
1973
AN22
70 kt
Mirage IVA
Air
1973
01/07/88
MR31
130 kt
S2 Albion
Air
02/08/71
MR41
500 kt
M1/M1 SNLE
Marine
2/8/1971
1979
AN52
25 kt
Mi3,JagA,SEt
Air
06/04/73
AN51
10/25 kt
Pluton
Terre
3/1974
1993
TN60
1 Mt
M20 SNLE
Marine
23/12/76
TN61
1 Mt
M20 SNLE
Marine
1978
1993
TN61
1 Mt
S3 Albion
Air 
01/06/80
16/09/96
TN70
150 kt
M4A SNLE
Marine
25/05/85
1997 
TN80
300 kt
Mirage IVP
Air
01/09/85
01/07/96
TN71
150 kt
M4B SNLE
Marine
09/12/87
TN81
300 kt
Mirage 2000 N
Air
01/07/88
TN81
300 kt
Super-Etendard
Marine
4/1989
TN90
80 kt
Hadès
Terre
1992
1996
TN75
100 kt
M45 SNLE
Marine
1/1997

AN: fission Pu ; MR : fission dopée Pu ; TN : thermonucléaire (Tiré du site du CDRPC)


Pour en savoir plus

Cette fiche technique est basée sur les références suivantes (sauf les références déjà indiquées) :

* Bruno Barillot, Audit atomique, CDRPC, 187, montree de Choulans, 69005 Lyon (fevrier 1999)

* Stephen I. Schwartz editor, Atomic Audit, Brookings Institution Press, 1775 Massachusetts Ave., N.W. Washington, D.C. 20036 (1998)

* Andre Gsponer et Jean-Pierre Hurni, Fourth generation of nuclear weapons, Technical Report, INESAP, c/o IANUS, Darmstadt University of Technology, D-64289 Darmstadt (mai 1998)

* The military critical technology list, part II : weapons of mass destruction technologies, section V : nuclear weapon technology, Department of Defence, Etats-Unis, fevrier 1998, peut être téléchargé à l’adresse suivante : http://www.dtic.mil/mctl/

Ancien article

Prolifération nucléaire

Mis en avant

Texte initialement écrit pour le Dictionnaire des risques paru chez Armand Colin et paru dans l’ACROnique du nucléaire n°63, décembre 2003. Version remise à jour pour l’édition 2007 du dictionnaire.


“On va faire la guerre une bonne dernière fois pour ne plus avoir à la faire. Ce fut l’alibi bien-aimé […] des conquérants de toutes tailles. […] Par malheur, ça n’a jamais marché” note Jean Bacon. En effet, la “civilisation” ou la “démocratie”, selon les époques, prétendument apportées au bout du fusil, n’ont jamais supprimé les conflits. Avec l’arme nucléaire, en exposant l’ennemi potentiel au risque d’une riposte massivement destructrice, a-t-on enfin trouvé définitivement le chemin de la paix ? L’équilibre de la terreur entre les deux grandes puissances aurait ainsi évité une troisième guerre mondiale, mais pas les nombreux petits conflits qui ont ensanglanté la planète. On comprend alors l’attrait que suscite cette arme radicalement nouvelle pour de nombreux pays se sentant menacés : comment oserions-nous la refuser aux pays en voie de développement alors qu’elle est indispensable à notre survie, et ceci d’autant plus, que cela représente de juteux marchés pour le fleuron de notre industrie ? Evidemment, le transfert de technologie sera “pacifique”, les technologies civile et militaire pour se procurer la matière première étant identiques. Tout comme les armes exportées sont qualifiées de “défensives”.

Les motivations pour partager son savoir sont multiples : échange de technologies entre la Corée du Nord et le Pakistan, accès au pétrole irakien ou iranien pour la France, développer en secret des technologies militaires dans un pays tiers pour l’Allemagne ou tout simplement renforcer son camp. Malheureusement, cette prolifération, dite horizontale, ne fait qu’augmenter le risque de voir un conflit régional dégénérer en guerre nucléaire. En effet, aucun pays, pas même les démocraties, n’est à l’abri de l’accession au pouvoir d’une équipe dirigeante peu scrupuleuse.

De fait, pas un pays ne s’est doté d’infrastructures nucléaires sans une arrière-pensée militaire, même si certains, comme la Suisse, le Brésil ou l’Afrique du Sud par exemple, ont officiellement renoncé à l’arme nucléaire. Quarante-quatre pays sont actuellement recensés par le traité d’interdiction des essais nucléaires comme possédant une technologie suffisante pour accéder à l’arme suprême. Personne ne met en doute qu’il suffirait d’un délai de quelques mois à un pays très industrialisé pour disposer, s’il le souhaitait, de l’arme atomique et des moyens de la déployer. L’acharnement du Japon, par exemple, à vouloir développer une filière plutonium et des lanceurs de satellites en dépit de nombreux déboires est lourd de sens à cet égard.

Conceptuellement, il est facile de fabriquer une arme rudimentaire, la difficulté étant d’ordre technologique pour accéder à la matière fissible. Le plutonium issu des réacteurs civils peut faire l’affaire, avec des performances moindres. Les Etats-Unis l’ont testé. Pour un groupe terroriste, qui recherche davantage un impact psychologique et médiatique, c’est suffisant. Mais dans une situation d’équilibre de la terreur, il faut des armes fiables qui n’explosent pas accidentellement et qui, en cas d’attaque, détruisent bien toutes les capacités ennemies à réagir. De telles armes nécessitent de la matière fissile dite de qualité militaire et des développements technologiques poussés. Le risque est déjà grand, avec des armes plus ou moins rudimentaires, de voir des équilibres régionaux se transformer en catastrophe, sans pour autant apporter la paix. Par exemple, le conflit au Cachemire n’a pas cessé avec l’accession de l’Inde et du Pakistan au statut de puissances nucléaires.

Dès 1946, l’Assemblée générale des Nations unies vote la création d’une commission atomique chargée d’éliminer les armes nucléaires et de destruction massive. Depuis, on ne compte plus les tentatives officielles et vœux pieux pour parvenir à un désarmement général. “L’homme se trouve placé devant l’alternative suivante : mettre fin à la course aux armements ou périr” prévient même l’ONU en 1977. Rien n’y fait. La diminution des arsenaux nucléaires des grandes puissances ne doit pas faire illusion. Ce sont des armes qui étaient devenues stratégiquement obsolètes qui ont été démantelées.

Les grandes puissances prennent comme prétexte la menace liée à la prolifération horizontale pour garder des arsenaux conséquents et développer de nouvelles armes, provoquant ainsi une prolifération dite verticale. Mais le tollé mondial provoqué par la reprise des essais nucléaires occidentaux en France en 1995 impose une certaine discrétion. Les programmes nucléaires “civils” permettent d’entretenir une infrastructure industrielle et un savoir faire ; sous couvert d’entretien du stock d’armes, les grandes puissances se sont engagées dans la course à une arme de quatrième génération miniaturisée, utilisable sur le champ de bataille. Elles s’appuient sur la recherche fondamentale qui leur sert d’alibi. Ainsi, par exemple, le laser mégajoule en France met en avant son intérêt pour l’astrophysique : la population se laisse berner et les concurrents avertis peuvent mesurer les progrès réalisés. Mais, le partage de certaines connaissances avec une communauté scientifique non-militaire, nécessaire pour attirer des chercheurs, facilite la prolifération horizontale.

Le développement de ces nouvelles armes est lié à un changement stratégique : avec la fin de la guerre froide, les territoires nationaux ne sont plus directement menacés ; c’est l’accès aux matières premières et ressources énergétiques qui devient primordial. Mais en cas d’utilisation, la frontière qui existe entre les armes classiques et celles de destruction massive risque d’être brouillée et d’entraîner une escalade dans la riposte. Les idéalistes voient là une violation de l’article 6 du traité de non-prolifération : “Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace.” Alors que chaque pays jure de sa bonne foi.

Un désarmement complet n’est réalisable que par étapes ; le plus urgent semble être de sortir de l’état d’alerte. Comme au temps de la guerre froide, des milliers d’armes nucléaires américaines et russes peuvent être déclenchées en quelques dizaines de minutes. Un déclenchement accidentel ou suite à une erreur de jugement, entraînant une riposte immédiate, aurait des conséquences effroyables. Cependant, un désarmement complet et sûr impliquerait un renoncement à de nombreuses activités industrielles et de recherche, telles celles qui ont été interdites à l’Irak par le conseil de sécurité de l’ONU après la première guerre du Golfe. Se priver de recherches sur l’atome, surtout quand on a accumulé des déchets nucléaires dont on ne sait que faire, est-ce vraiment souhaitable ? Placer les activités proliférantes sous contrôle international est nécessaire, mais pas suffisant. Les institutions et traités ad hoc ayant montré leur inefficacité depuis la seconde guerre mondiale, de nouveaux mécanismes sont à inventer, parmi lesquels un contrôle citoyen avec la mise en place d’une protection internationale pour les lanceurs d’alerte.

Il n’est pas besoin, comme on le sait, d’armement nucléaire pour tuer massivement. Mais l’attrait pour ces armes de destruction massive est tel qu’il semble impossible d’en freiner la prolifération, malgré le lourd tribut déjà payé par les pays engagés dans la course folle. Outre le coût financier et humain qui aurait pu trouver des utilisations plus pacifiques, la fascination pour cette arme a fait que tout était permis. Partout, des populations – souvent des minorités ethniques et des appelés du contingent – ont été exposées sciemment aux essais nucléaires atmosphériques. Aux Etats-Unis, près 9.000 cobayes humains ont été, à leur insu, victimes d’expérimentations médicales visant à étudier l’influence des radioéléments. Nombre d’entre eux étaient des enfants. En URSS, l’infrastructure nucléaire était construite par des prisonniers des camps de détention spéciaux. L’environnement a aussi été sacrifié et certains sites ne peuvent plus être réhabilités. C’est bien là l’ironie suprême de la course à l’arme nucléaire, qui sous couvert d’apporter la sécurité absolue à chacun, n’aura conduit qu’à réduire la sécurité de tous.

David Boilley

Bibliographie :

  • Dominique Lorentz, Affaires atomiques, Les arènes, 2001
  • Jean Bacon, Les Saigneurs de la guerre : Du commerce des armes, et de leur usage, Les Presses d’aujourd’hui, 1981 et Phébus 2003.
  • Sven Lindqvist, Maintenant tu es mort ; Histoire des bombes, Serpent à plumes 2002
  • Conférences Pugwash sur la science et les affaires mondiales, Eliminer les armes nucléaires ; Est-ce souhaitable ? Est-ce réalisable ?, Transition, 1997
  • André Gsponer et Jean-Pierre Hurni, Fourth generation of nuclear weapons, Technical Report, INESAP, c/o IANUS, Darmstadt University of Technology, D-64289 Darmstadt (mai 1998)
  • Bruno Barrillot, Audit atomique, éd. du CRDPC, 1999.
  • Bruno Barrillot, L’héritage de la bombe, éd. du CRDPC, 2002.
  • Stephen I. Schwartz et al, Atomic audit, Brookings Institution Press mai 1998
  • Eileen Welsome, The Plutonium Files: America’s Secret Medical Experiments in the Cold War, Dial Press 1999
  • Kenzaburô Oé, Notes sur Hiroshima, Gallimard 1996

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Ancien lien

Contamination radioactive des sables du Sahara : mise au point

6 février 2021, le ciel est jaune ocre sur tout l’est de la France. Cette couleur est due à des particules fines transportées par un vent venant du Sahara. Ces phénomènes météorologiques se répètent fréquemment. Ce jour-là, l’ACRO collecte un échantillon de ces retombées de sable et l’analyse dans son laboratoire. Du Césium-137 est mesuré et l’ACRO l’attribue aux essais nucléaires réalisés dans les années 60, notamment les 4 essais nucléaires atmosphériques réalisés par la France dans la région de Reggane au Sahara (voir communiqué 24 février 2021)

Photos prises le 6 février 2021 dans le massif du Jura © ACRO

Photos prises le 6 février 2021 dans le massif du Jura © ACRO

 

 

 

 

 

 

 

La mesure sera répétée par notre laboratoire associatif agréé, l’année suivante à l’occasion d’un nouvel épisode de vents du Sud, sur un échantillon de poussières de sable plus conséquent, récolté en Touraine par un préleveur bénévole de l’association. Notre constatation est identique, cette nouvelle analyse montrant à nouveau la présence de césium-137 avec un niveau mesuré (22 Bq/kg de sable) bien plus élevé que les niveaux généralement relevés dans les sables du territoire métropolitain (voir communiqué du 22 mars 2022).

Rappelons que les retombées globales de ces essais nucléaires proviennent des plusieurs centaines d’essais atmosphériques réalisés dans le monde pendant les années 60 à 80 par l’URSS (219 tirs), les Etats-Unis (219 tirs), La Chine (22 tirs), la France (50 tirs, dont 4 tirs au Sahara et 46 en Polynésie) et le Royaume-Uni (23 tirs).

Ce 31 janvier 2025 parait une publication scientifique qui réinterroge plus précisément l’origine de cette radioactivité véhiculée avec ces particules portées par des vents provenant d’Afrique du nord. A partir d’échantillons de particules fines collectées dans plusieurs pays européens en mars 2022, les auteurs utilisent des techniques sophistiquées d’analyse portant notamment

  • sur les ratios des isotopes du plutonium,
  • sur les ratios d’activité entre le Cs-137 et les plutonium239/240 et
  • sur des analyses minéralogiques.

Les concentrations massiques en césium-137 dans ces sables mesurées par l’ACRO sont cohérentes avec les valeurs de la publication, qui confirme que cet élément radioactif, qui n’existe pas à l’état naturel, a pour origine les retombées des essais nucléaires. Mais, sur la base de leurs analyses, les auteurs considèrent que ces particules fines véhiculées par des vents provenant de ces régions d’Afrique du Nord portent une « signature isotopique » caractéristique des essais nucléaires globaux, dominés par les essais américains et russes, alors que les essais nucléaires français présentent, selon eux, une autre « signature isotopique ».

L’ACRO prend acte de ces résultats et n’a aucune raison de les contester. Il s’agit de laboratoires universitaires reconnus, notamment le LSCE avec lequel le laboratoire de l’ACRO a pu travailler en partenariat dans le passé. Sur un plan scientifique, les résultats présentés dans la revue SCIENCE ADVANCES ne manqueront pas d’intéresser la communauté scientifique concernée par ce sujet.

Sur un plan sociétal, compte tenu que les retombées globales de l’ensemble des essais nucléaires ont largement contaminé l’hémisphère nord de la planète et donc le Sahara d’où partent régulièrement ces vents de sable, nos concitoyens retiendront d’abord une responsabilité collective – dont celle de la France – de tous ces Etats engagés dans une course effrénée pour construire leur armement nucléaire. 60 ans plus tard, ces armes continuent de menacer l’humanité, avec un risque plus élevé dans le contexte géopolitique actuel.

L’ACRO, une vigie citoyenne de la pollution radioactive de l’environnement

Par Pierre BARBEY,  vice-président de l’ACRO, David BOILLEY, président de l’ACRO et Mylène JOSSET, coordinatrice et chargée d’études de l’ACRO

Article paru dans la revue Responsabilité et Environnement, numéro de janvier 2025 (N°117), des Annales des mines

Dans un contexte de défiance d’une partie des citoyens à l’égard des exploitants nucléaires mais aussi vis-à-vis des institutions, le besoin d’une information indépendante et d’une expertise contradictoire est devenu saillant au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl. C’est ainsi qu’a été créée l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest, région fortement nucléarisée. S’appuyant sur le potentiel de son laboratoire, l’ACRO s’est donnée pour mission principale de produire et délivrer de l’information avec pour objectif de « rendre le citoyen auteur et acteur de la surveillance de son environnement comme de son information, mais également acteur dans le cadre des processus de concertation ».

In the wake of the Chernobyl disaster, the need for independent information and contradictory expertise became very apparent, as citizens began to distrust both nuclear operators and institutions. This led to the creation of the Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest (Association for the Control of Radioactivity in the West), a region heavily nuclearized. Drawing on the potential of its laboratory, ACRO’s main mission is to produce and deliver information, with the aim of “making citizens the authors and actors in monitoring and informing their environment, as well as actors in consultation processes”.

Introduction

Le 26 avril 1986 survient  la catastrophe de Tchernobyl. Choqués par le traitement de l’information en France, des citoyens se mobilisent ici et là. Dans la région Nord-Ouest, fortement nucléarisée, les réunions d’information se multiplient et font salles combles. Chaque fois, la même question revient : comment disposer d’informations fiables et indépendantes ? Une association est créée pour répondre à cette attente, l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest (ACRO).

La montée en compétence de l’ACRO

Le premier laboratoire a bénéficié d’un financement citoyen pour l’achat d’une chaîne de spectrométrie gamma HPGe. Les premiers résultats de mesures dans l’environnement mettent en évidence les retombées du « nuage » de Tchernobyl. Puis, très vite, l’ACRO lancera une première alerte sur la contamination en 137Cs de laits en poudre 1er âge de plusieurs marques.

À l’époque, le fonctionnement du laboratoire repose entièrement sur le bénévolat d’acteurs disposant de compétences professionnelles reconnues dans ce domaine. Pour remplir sa mission d’information, l’association édite une revue trimestrielle, l’ACROnique du Nucléaire, qui publie l’ensemble des résultats de mesure et s’attache également à une communication scientifique et technique vulgarisée sur la question nucléaire.

Puis la surveillance s’oriente vers les installations nucléaires du Nord-Cotentin et porte sur des matrices de l’environnement, mais aussi, et surtout, sur des produits de consommation confiés par des particuliers.

Vers la fin des années 1980, l’ACRO a publié des résultats de mesures portant sur la Sainte-Hélène, un cours d’eau dont la source est en bordure du Centre de Stockage de la Manche, géré par l’ANDRA. Au-delà du tritium dans l’eau, un cocktail de radionucléides est observé dans les sédiments, en particulier les 137Cs et 134Cs à des niveaux d’au moins un ordre de grandeur supérieur à ceux publiés par les exploitants et le SCPRI. Les résultats de l’ACRO sont contestés par un exploitant nucléaire. La Commission Spéciale Permanente d’Information près de l’Établissement de La Hague (CSPI, CLI de l’époque) organise alors un essai inter-laboratoires sur le site même de la Sainte-Hélène (seul le SCPRI refusera de rendre les résultats). La presse locale titre « Le laboratoire ACRO avait raison ! ». Non seulement les trois laboratoires (ACRO, SPR-COGEMA et le laboratoire départemental) obtinrent des résultats en parfaite cohérence mais ils ont validé les niveaux de contamination révélés par l’ACRO. Depuis cet épisode, la qualité des données publiées par l’association n’est plus mise en cause.

Le mesurage mais aussi la citoyenneté

Surveillance citoyenne

Le laboratoire de l’ACRO n’est pas un laboratoire comme les autres. Il est en effet piloté par une association avec pour objectif de « rendre le citoyen auteur et acteur de la surveillance de son environnement comme de son information, mais également acteur dans le cadre des processus de concertation ».

C’est ainsi que depuis plus de 20 ans, en appui au laboratoire, l’Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement (OCRE) a été créé pour regrouper les citoyens bénévoles réalisant les prélèvements dans l’environnement (voir la Figure 1). Ces acteurs de terrain, connaisseurs de leur propre environnement, sont formés et s’appuient sur des protocoles techniques. À noter que cette idée originale est reprise aujourd’hui par d’autres acteurs institutionnels et associatifs.

Actuellement, l’observatoire permet de suivre les niveaux de radioactivité sur plus de 600 km du littoral normand, les principaux cours d’eau du bassin Seine-Normandie, ainsi que le long de la Loire et de la Vienne.

Figure 1 : Prélèvements de l’ACRO dans la Manche (© ACRO).

L’activité en iode-129, déterminée dans le cadre de l’observatoire citoyen dans les algues le long du littoral normand, est représentée sur la Figure 2. Ce radioélément est uniquement rejeté par les usines de retraitement à La Hague et peut être détecté jusqu’au Danemark. La technologie pour le filtrer est utilisée au Japon –  l’ACRO réclame la mise en œuvre des meilleures technologies disponibles afin de réduire les rejets, conformément aux engagements pris dans le cadre de la convention OSPAR de protection de l’Atlantique Nord-Est.

Figure 2 : Exemple de résultats de mesures ACRO le long des côtes de la Manche. En haut : concentration en iode-129 dans les algues prélevées lors des deux campagnes de 2023, en Bq/kg sec. En bas : Variations des niveaux d’iode-129 dans les algues mesurés par l’ACRO entre 2013 et 2023, en Bq/kg sec.

Démarche participative

L’ACRO siège activement dans le collège associatif de presque toutes les Commissions Locales d’Information (CLI) de Normandie. L’on observe que sans la présence de ce collège des associations, les débats y resteraient bien ternes.

Dans le milieu des années 1990, suite à l’émotion qui a accompagné la publication des travaux épidémiologiques du Pr Jean-François Viel, la ministre de l’Environnement a chargé l’IPSN d’animer un groupe d’expertise pluraliste – le Groupe Radioécologie du Nord-Cotentin (GRNC) – en vue d’évaluer l’impact dosimétrique des installations nucléaires du Nord-Cotentin. L’ACRO accepte d’y participer, s’impliquant dans les différents sous-groupes de travail, pour apporter sa connaissance du terrain (contestant notamment les zones d’impact retenues par les exploitants) et fournir ses propres résultats de mesure.

Les trois missions successives du GRNC [GRNC, 2010], présidé par Annie Sugier, se sont poursuivies jusqu’en 2010.

Puis c’est une autre controverse environnementale qui apparaît autour des anciennes mines d’uranium du Limousin. Fort de l’expérience tout à fait novatrice du GRNC, un nouveau groupe d’expertises pluraliste (GEP) est constitué, le GEP-Mines qui rendra son rapport en novembre 2013 (GEP, 2013). De nouveau l’ACRO y est présente et contribue à cette expertise.

Le nucléaire est un sujet bien conflictuel dans la société. La démarche participative ne va donc pas de soi car elle implique une confrontation avec les exploitants nucléaires dans un contexte de déséquilibre exacerbé de moyens dont chacun dispose. Le choix de participer ou pas se fait au cas par cas, avec le souci de ne pas jouer les faire-valoir. Le regard critique que porte l’association et son expérience de terrain peuvent faire évoluer des positions (notamment du côté institutionnel). La participation de l’ACRO à différentes instances contribue aussi à sa montée en compétence, surtout en cas d’expertise pluraliste.

En tout état de cause, la participation de l’ACRO ne signifie en aucun cas cogestion de situations à risque et l’association ne peut être associée à un processus de décision qui doit rester le rôle des instances régaliennes.

L’ACRO est aujourd’hui présente dans diverses instances : Le Haut Comité pour la Transparence et la Sécurité et l’Information Nucléaire (HCTISN), le Plan National pour la Gestion des Déchets et Matières Radioactives (PNGMDR) ou encore le Comité Directeur sur le Post Accidentel (CODIRPA).

Quelques illustrations des actions de l’ACRO

L’ACRO est souvent la seule organisation à effectuer une surveillance de la radioactivité sur les sites qu’elle a retenus. La plupart du temps, les résultats sont conformes aux attentes. Mais, à maintes reprises le rôle de vigie citoyenne et d’alerte de l’ACRO s’est révélé fort pertinent, comme l’illustrent ces quelques exemples.

Les incidents de rejets de 106Ru en 2001

En mai 2001, en s’appuyant sur ses propres données de surveillance autour de l’usine de retraitement de La Hague, l’ACRO remet en cause les annonces de l’exploitant sur un incident de rejets atmosphériques de 106Ru en provenance de l’usine. Utilisant le modèle de dispersion aérien du GRNC, l’association évalue que le rejet radioactif a dû être environ 1 000 fois supérieur à ce qu’indique l’exploitant. Un incident analogue surviendra fin octobre 2001, avec, encore une fois, une sous-estimation du rejet par l’exploitant. Un nouveau groupe technique du GRNC, mandaté par l’ASN, met alors en évidence que le dispositif de surveillance des rejets aériens, situé à mi-hauteur de la cheminée de rejet, est inadapté pour le 106Ru et confirme ainsi les données de l’ACRO.

La pollution au 226Ra à Saint Nicolas d’Aliermont

Fin novembre 1993, à la demande de citoyens inquiets d’un projet de lotissement sur un terrain ayant appartenu à la société BAYARD (fabricant de réveils à aiguilles lumineuses peintes au radium), l’ACRO intervient sur le site de Saint Nicolas Aliermont afin de procéder à des prélèvements. Les résultats de mesurages indiquent des contaminations élevées en 226Ra dans la terre végétale (jusqu’à plusieurs centaines de milliers de Bq/kg) ainsi que ses descendants proches (214Pb et 214Bi). Cette alerte lancée par l’ACRO a conduit le préfet à décider la fermeture du site (installation d’une clôture), à suspendre le projet de lotissement et à diligenter sa décontamination que l’ANDRA engagera l’année suivante.

Par la suite, l’ACRO a procédé à des prélèvements de végétaux qui ont souligné un important transfert terre à plante du 226Ra et qui ont permis à l’association d’esquisser une évaluation d’impact sanitaire et ainsi de contester les seuils de décontamination présentés par le ministère de la Santé.

Le Tritium dans la Loire

Depuis 2017, le collectif Loire Vienne Zéro nucléaire, s’est associé à l’ACRO afin de mettre en place une surveillance radiologique de l’environnement des installations nucléaires du bassin de la Loire (Loire et Vienne). Le 21 janvier 2019, une valeur tout à fait anormale de Tritium à 310 Bq/L est observée à Saumur. Des analyses complémentaires effectuées sur place montrent qu’il n’y a toujours pas de « bon mélange » dans la Loire des rejets radioactifs de la centrale de Chinon, située à une vingtaine de kilomètres en amont.

À la suite des échanges entre les différents acteurs (ASN, IRSN, ACRO, Associations, CLI…), l’IRSN conduit une campagne spécifique de mesurages pendant 5 mois au niveau de Saumur. Un des enseignements majeurs de cette étude et des modélisations réalisées est de montrer que la station multi-paramètres d’EDF, censée assurer la surveillance des rejets de la centrale de Chinon, ne détecte pas ou très rarement les rejets du Centre Nucléaire de Production d’Électricité de Chinon, seulement dans certaines conditions de débit du fleuve.

Les actions internationales de l’ACRO

L’existence d’associations indépendantes dotées d’un laboratoire et d’une capacité d’expertise dans le champ nucléaire est assez exceptionnelle sur la scène internationale et explique les sollicitations auxquelles l’ACRO a pu répondre.

L’intervention de l’ACRO en Biélorussie (l’après Tchernobyl)

Au début des années 2000, l’ACRO est intervenue dans plusieurs villages du sud de la Biélorussie pour fournir des équipements de mesurage de la radioactivité dans les denrées alimentaires et former les habitants en vue de développer des pratiques quotidiennes permettant de réduire le risque de contamination interne.

Centrée sur les écoles, la formation des enseignants à l’utilisation des instruments de mesure a permis d’élaborer avec eux des projets pédagogiques à destination des élèves, contribuant par leur approche pratique liée à la mesure, à donner du sens à un apprentissage dans le domaine de la radioactivité et de la contamination potentiellement présente dans leur environnement immédiat, qu’il s’agisse des lieux ou des produits de consommation courante.

L’ACRO en appui aux citoyens japonais après l’accident de Fukushima

Dès les premières semaines suivant l’accident de Fukushima, l’ACRO a procédé à de nombreux mesurages de radioactivité à la demande d’associations japonaises, soulignant l’étendue de la catastrophe jusqu’à Iitate ou la ville de Fukushima. En outre, l’association a été fortement sollicitée pour venir en appui à des groupes de citoyens mobilisés pour développer des moyens autonomes de mesurage de la radioactivité. La défiance vis-à-vis de l’exploitant et du gouvernement est très forte et de nombreux petits laboratoires de mesure vont voir le jour. L’ACRO accueille et forme dans son laboratoire des citoyens japonais dont la mission va être de créer un laboratoire analogue au Japon (Chikurin) qui constitue une référence métrologique auprès des petits laboratoires autonomes. Grâce à un soutien financier de la région Île-de-France, l’association fournit deux détecteurs GeHP et un château de plomb à Chikurin.

Mais, en parallèle, dans l’immédiat post-catastrophe, l’ACRO répond aux nombreuses demandes de résidents au Japon, dont des Français expatriés, inquiets des conséquences sanitaires pour leurs enfants. Le laboratoire de l’association s’est alors consacré presque entièrement à des mesurages de radiotoxicologie qui souligneront la présence de 137Cs dans tous les premiers échantillons urinaires.

L’ACRO aujourd’hui

Depuis son origine, l’association a déménagé à quatre reprises, accroissant à chaque fois les surfaces de son laboratoire et adaptant les locaux et les équipements de façon à mieux répondre aux exigences normatives et de qualité. Les pratiques internes sont conformes aux exigences organisationnelles et techniques fixées par la norme ISO/CEI 17025. L’activité quotidienne du laboratoire est assurée par 4 salariées à temps plein et les bénévoles du réseau OCRE constituent un vivier de ressources humaines.

Le laboratoire participe aux campagnes annuelles d’intercomparaisons (IRSN et AIEA) et dispose de multiples agréments délivrés par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) qui procède à des inspections régulières.

Tableau 1 : Agréments délivrés à l’ACRO par l’Autorité de Sûreté Nucléaire  
(Source : ACRO).

Le laboratoire de l’ACRO est également agréé pour procéder aux analyses et aux essais, pour la répression des fraudes dans les denrées alimentaires et divers objets.

L’ACRO publie tous ses résultats environnementaux sur son site internet ainsi qu’au Réseau National de Mesure de la Radioactivité dans l’Environnement (RNME) (ASN, 2024). Enfin, si la mission principale de l’association est de produire et délivrer de l’information vulgarisée auprès d’un large public, le laboratoire a pu être associé à divers travaux et publications scientifiques (Daillant et al., 2003 ; Daillant et al., 2004 ; Paquet et al., 2013 ; Picat et al., 2002 ; Pittet et al., 2021).

Conclusion

Créée en réaction à une crise de confiance, l’ACRO répond à un besoin de contrôles indépendants de la radioactivité dans l’environnement en permettant aux personnes concernées de devenir des vigies. Cette position singulière exige une qualité sans faille pour garder la confiance du public et des autorités. En s’impliquant, les citoyens ont transformé un sujet purement technique en un sujet politique. Ils ont ainsi contribué à plus de transparence et à une meilleure surveillance de l’impact des rejets radioactifs.

La mesure citoyenne de la radioactivité a encore de longs jours devant elle et devrait être étendue à d’autres types de polluants. La publication du rapport Houllier (Houllier, 2016) sur les sciences et recherches participatives en France a montré l’intérêt et la richesse de cette démarche.

Références

ASN (2024), « Les acteurs du Réseau National de Mesure de la Radioactivité dans l’Environnement (RNME) », https://mesure-radioactivite.fr/les-acteurs-du-rnm

DAILLANT O., BOILLEY D., GERZABEK M., PORSTENDÖRFER J. & TESCH R. (2003), “Tritium and radiocarbon metabolism in lichens and their use as bio-monitors”, BIOMAP Congress, Bled, Slovenia, 21-25 septembre 2003.

DAILLANT O., KIRCHNER G., PIGREE G. & PORSTENDÖRFER J. (2004), “Lichens as indicators of tritium and radiocarbon contamination”, The Science of the Total Environment, 323(1), pp. 253-262.

GEP (2013), « Groupe d’Expertise Pluraliste (GEP) sur les sites miniers d’uranium du Limousin », http://www.gep-nucleaire.org/gep/sections/actualites

GRNC (2010), « Le Groupe Radioécologie Nord-Cotentin », http://www.gep-nucleaire.org/norcot/gepnc/

HOULLIER F. & MERILHOU-GOUDARD J.B. (2016), « Les sciences participatives en France », Natures Sciences Sociétés, 25(4), pp. 418-423, doi:10.15454/1.460620124
8693647E12

PAQUET F., BARBEY P., BARDIES M., BIAU A., BLANCHARDON E., CHETIOUI A., LEBARON-JACOBS L. & PASQUIER J.L. (2013), “The assessment and management of risks associated with exposures to short-range Auger- and beta-emitting radionuclides. State of the art and proposals for lines of research”, Journal of Radiological Protection, 33, pp. R1-R16.

PICAT P., CALMET D., LOUVAT D., VRAY F., LEMAITRE N., LINDEN G., BARBEY P., PIGREE G., BOURCER T., LEVY F., LE BAR S., BARON Y., DELACROIX D., PANAÏVA E., DE BRUYNE T., HERVÉ J.Y., BEGUINEL P., CABANNE N., DE PAEPE A., SANTUCCI C., PROT T., MATRAY J.L. & TILLIE J.L (2002), « Radioactivité d’origine naturelle dans l’environnement en France : niveaux non perturbés par l’homme », Radioprotection, 37(3), pp. 283-327.

PITTET P.A., JOSSET M., BOILLEY D., BERNOLLIN A., ROUGIER G. & FROIDEVAUX P. (2021), “Origin and age of an ongoing radioactive contamination of soils near La Hague reprocessing plant based on 239+240Pu/238Pu and 241Am/241Pu current ratios and 90Sr and Ln(III) soil contents”, Chemo

Suivi radioécologique autour de la centrale de Gravelines

La CLI de Gravelines a souhaité renouveler le suivi initié avec le laboratoire de l’ACRO en 2010, afin de suivre l’évolution des niveaux de radioactivité dans l’environnement autour de la centrale nucléaire.

Sur la base des précédentes campagnes réalisées en 2010 et 2014, dont le plan d’échantillonnage avait été conçu avec les membres de la CLI, il a été décidé de reconduire l’essentiel des prélèvements dans les mêmes conditions (sites, espèces indicatrices, analyses effectuées) afin de permettre une comparaison des résultats et d’ajouter de nouvelles investigations afin d’élargir le référentiel.

Dans ce contexte, trois axes sont retenus :

  1. Le suivi de trois sites marins répartis de part et d’autre du CNPE, pour l’évaluation du marquage de l’environnement littoral par les effluents radioactifs liquides ;
  2. L’analyse d’échantillons du domaine terrestre (couvert végétal, sol, etc.) de la région de Gravelines, pour l’évaluation du marquage de l’environnement terrestre par les effluents radioactifs atmosphériques ;
  3. L’analyse de produits alimentaires (légumes du jardin, poissons) cultivés ou pêchés localement.

Les prélèvements ont été réalisés en octobre 2023, à l’occasion des grandes marées.

Télécharger le rapport d’étude

Télécharger la présentation de l’étude (réunion CLI Gravelines sept 2024) 

Risque de conflit d’intérêt à la tête de l’ASN, puis de l’ASNR

Face au conflit d’intérêt que pourrait représenter la nomination de Pierre-Marie Abadie, actuel directeur de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), aux fonctions de président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), un groupement d’associations alerte les député·es de la commission du Développement durable, instance dans laquelle aura lieu mercredi 16 octobre un vote sur ce projet de nomination.
 
En tant que directeur général de l’Andra, M. Abadie a engagé sa responsabilité sur les dossiers de déclaration d’utilité publique (DUP) et de demande d’autorisation de création (DAC) du projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique destiné aux déchets de haute activité et moyenne activité à vie longue). Nommer le responsable de ce projet à la tête de l’autorité chargée d’instruire la demande d’autorisation de création de ce centre de stockage jettera nécessairement le doute sur l’impartialité de cette instance.
 
Les associations ACRO, BURESTOP, CEDRA 52, Coordination Stop Cigéo, CRIIRAD, Global Chance, GSIEN comptent donc sur le discernement des député·es pour ce vote qui, dans un contexte particulièrement tendu (refonte du système de contrôle de la sûreté nucléaire, relance de la filière nucléaire, instruction d’un projet d’envergure inégalée), représente un enjeu majeur pour la sûreté nucléaire en France. 

Etude des niveaux de radioactivité dans les environs du centre de stockage de l’Aube (CSFMA)

Cette étude répondait au souhait de la CLI de Soulaines de poursuivre le travail engagé en 2007 qui avait pour but de dresser un bilan environnemental autour du Centre de stockage des déchets de faibles et moyennes activités dans l’Aube (CSA) afin de suivre son évolution. Renouvelé une première fois en 2012, il s’agit dix ans plus tard de poursuivre le suivi et de permettre, à partir de nouvelles investigations, d’en élargir la connaissance.

Dans ce contexte, le travail s’est articulé en deux volets complémentaires visant à :

  • Connaitre la situation radiologique sur le site et dans ses environs et d’évaluer ses évolutions,
  • Mesurer les niveaux d’exposition liés à la présence de déchets radioactifs autour des périmètres du CSA, et des deux sites voisins dédiés à la gestion des déchets de très faibles activités (TFA) : le CIRES et DAHER, durant un jour d’activité et un jour d’inactivité des sites.

Comme par le passé, l’élaboration et le suivi de l’étude ont été réalisés par la CLI au travers de la mise en place d’un comité de pilotage permettant l’implication de ses membres dans chacune de ces étapes.

Les prélèvements ont été réalisés lors de deux campagnes qui ont eu lieues du 19 au 23 juin et du 13 au 16 septembre 2023.

Télécharger le rapport Etude Soulaines sans les annexes (partie 1)

Télécharger les annexes du rapport 

Télécharger la présentation de l’étude (réunion CLI de Soulaines du 05/07/2024)

 

Distribution de comprimés d’iode autour des centrales nucléaires : la population mal protégée

Alors que la France s’apprête à renouveler la distribution d’iode dans un rayon de 10 km autour de ses 18 centrales nucléaires (site de la campagne), l’ACRO demande à ce que tout foyer puisse bénéficier de cette protection, s’il le souhaite. Une extension de la distribution jusqu’à 20 km a eu lieu en 2019 et le renouvellement entre 10 et 20 km aura lieu en 2026. Actuellement, moins de 3 millions de personnes bénéficient d’une protection de leur thyroïde en cas d’accident nucléaire grave (chiffres officiels par centrale). Cela représente à peine 4,6% des 65 millions d’habitants en France métropolitaine.

A titre de comparaison, la Belgique propose de l’iode à toute sa population, ce qui représente un rayon de 100 km autour de ses centrales. Le Luxembourg aussi. La Norvège, qui ne possède pas de centrale nucléaire, recommande, depuis janvier 2019, à toute sa population d’avoir de l’iode à la maison. En Suisse, 60% de la population a reçu de l’iode à la maison, suite à l’extension de 20 à 50 km de la distribution après la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima daï-ichi. La France, qui a la plus forte densité d’installations nucléaires en Europe, reste très en retrait par rapport à ces pays.

Tirant les leçons des accidents nucléaires à Tchernobyl et Fukushuma, l’ACRO réclame que la zone de distribution soit étendue à 100 km afin de permettre aux familles avec enfants, aux femmes enceintes ou allaitantes de bénéficier d’une protection optimale en cas d’accident grave. Ces comprimés d’iode existent, mais ne seraient distribués qu’une fois l’accident en cours, en contradiction totale avec un éventuel ordre de rester à l’abri.

L’ACRO milite depuis des années pour l’extension de la distribution d’iode en France. Des réunions d’informations devraient être organisées prochainement pour organiser la distribution d’iode autour des centrales nucléaires françaises. Il faut continuer à faire pression sur les autorités pour obtenir une meilleure protection.

Appel aux dons : 20 ans de surveillance citoyenne, aidez nous à continuer

 

Qu’est-ce-que l’observatoire citoyen (OCRE) ?

L’Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement (OCRE) est un réseau de surveillance unique, mis en place par l’ACRO, afin de connaître les niveaux et les évolutions de la radioactivité dans l’environnement.

En associant un réseau de 250 préleveurs volontaires (citoyens bénévoles) et son laboratoire agréé, l’ACRO a mis en place un outil performant de vigilance citoyenne ouvert à toute personne souhaitant s’impliquer.

Le long des 600 km de côtes du littoral normand, l’ACRO surveille notamment les rejets des usines Orano de La Hague – les plus élevés au monde – et milite pour une réduction de ces rejets, conformément aux engagements pris dans le cadre de la convention OSPAR pour la protection de l’Atlantique Nord. Et, le long des 650 km de rivages de la Loire et de la Vienne, l’Observatoire citoyen, impliquant des associations locales, a permis de mettre en évidence des lacunes dans la surveillance officielle : la station multiparamètres de la centrale de Chinon ne voit souvent pas passer les rejets radioactifs de la centrale qu’elle est supposée contrôler.

Les résultats sont publiés sur notre site internet (acro.eu.org) afin de permettre à tous de connaître les niveaux de radioactivité autour de chez lui et sont versés dans la base de données du Réseau national de mesures

Cet observatoire citoyen ne génère pas de recettes mais des coûts financés en partie sur les fonds propres de l’association. Il est aujourd’hui menacé par une baisse significative des subventions et nous avons besoin de vous pour maintenir notre vigilance face aux rejets des installations nucléaires. 

Avec l’arrivée du nouvel EPR à Flamanville et les rejets de l’usine de retraitement ORANO qui détient le triste record des rejets radioactifs les plus forts au monde, il est plus que jamais important de continuer cette surveillance citoyenne dans l’environnement.

 Il est possible de venir prélever avec nous ou de faire un don par carte bancaire via la plateforme sécurisée HelloAsso, que vous pouvez retrouver sur notre site internet : acro.eu.org

Le don par chèque est également possible (à l’ordre de “Association ACRO”), en l’envoyant à l’adresse suivant : 711 Bld de la Grande Delle 14200 Hérouville-Saint-Clair.

Les donateurs bénéficieront d’une déduction fiscale de 66% (60% pour les entreprises).

L’extrême-droite, une menace pour l’action associative et citoyenne

Comme plus de 1 100 associations, l’ACRO est signataire de la tribune initiée par le Mouvement associatif :

Les élections européennes du 9 juin dernier ont entériné une progression sans précédent de l’extrême-droite. Face à ce constat, le Président de la République a fait le choix de dissoudre l’Assemblée nationale, convoquant brusquement des élections législatives les 30 juin et 7 juillet prochains. Le risque qui s’annonce pour notre démocratie, pour notre République et les valeurs qui la fondent ne peut pas être ignoré.

Nous avons la chance dans notre pays de pouvoir compter sur une dynamique associative particulièrement forte qui nous accompagne au quotidien. Ce sont nos associations, d’abord, qui permettent de proposer à nos enfants de pratiquer une activité sportive. Ce sont elles, encore, qui viennent en soutien des plus démunis, leur proposant un repas ou un toit. Ce sont elles, toujours, qui permettent d’animer nos bourgs et nos quartiers, proposant des activités culturelles accessibles à tous et toutes. Ce sont également elles qui préservent la nature… Nous pourrions poursuivre cette liste à l’infini tant les actions menées par les associations sont diverses et au plus près des besoins des habitantes et habitants.

Ce qui nous réunit aujourd’hui au sein de nos associations, c’est un socle de valeurs et de principes partagés qui est incompatible avec l’extrême-droite. Là où elle prospère sur le sentiment d’abandon et la peur du déclassement, les associations rassemblent et soutiennent les citoyennes et citoyens.

Partout où les forces autoritaires ont accédé au pouvoir, elles n’ont eu de cesse de s’en prendre à la vie associative et celles et ceux qui font association. C’est le cas en Hongrie où le gouvernement de Viktor Orban a été condamné par la Cour de Justice de l’Union Européenne pour ses restrictions imposées au financement des organisations civiles. Mais c’est aussi le cas en France dans les communes administrées par le Rassemblement National. Ainsi, à Hayange (57) en 2016, le maire a mis à la porte le Secours populaire de ses locaux et lui a coupé le chauffage du fait de son caractère “politisé et pro-migrants” alors que l’association comptait près de 1000 bénéficiaires. À ce titre, comment ne pas s’inquiéter de l’utilisation d’un outil déjà largement dévoyé tel que le Contrat d’Engagement Républicain entre les mains d’un tel pouvoir ?

Car ces exemples trahissent une vérité simple : si l’extrême-droite s’en prend aux associations, c’est surtout parce qu’elles agissent au service de tous et toutes, sans discrimination, car les droits sont universels, aucune préférence nationale ne s’y appliquant ; et c’est parce qu’elles sont le réceptacle de la parole citoyenne, du débat contradictoire et d’un pluralisme indispensable à notre vie démocratique.

Parce que les associations portent la parole des citoyennes et citoyens là où l’extrême-droite voudrait la contenir. Parce que les associations prônent le dialogue là où l’extrême-droite se construit sur l’éviction des divergences. Parce que les associations prônent l’ouverture et la tolérance là où l’extrême-droite revendique le repli sur soi. Parce que les associations sont des écoles de la démocratie là où l’extrême-droite en est le fossoyeur. Les valeurs associatives sont incompatibles avec l’extrême-droite.

Nous appelons chacune et chacun d’entre nous à défendre nos valeurs républicaines lors des prochaines élections. Dans la continuité du Pacte du Pouvoir de Vivre qui rendra visible les débats, rassemblements ou les initiatives portées par la société civile (www.pactedupouvoirdevivre.fr), nous appelons toutes les associations à se mobiliser. Nous portons toutes et tous une responsabilité. Il s’agit d’investir pleinement ce combat !