Par Pierre BARBEY, vice-président de l’ACRO, David BOILLEY, président de l’ACRO et Mylène JOSSET, coordinatrice et chargée d’études de l’ACRO
Article paru dans la revue Responsabilité et Environnement, numéro de janvier 2025 (N°117), des Annales des mines
Dans un contexte de défiance d’une partie des citoyens à l’égard des exploitants nucléaires mais aussi vis-à-vis des institutions, le besoin d’une information indépendante et d’une expertise contradictoire est devenu saillant au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl. C’est ainsi qu’a été créée l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest, région fortement nucléarisée. S’appuyant sur le potentiel de son laboratoire, l’ACRO s’est donnée pour mission principale de produire et délivrer de l’information avec pour objectif de « rendre le citoyen auteur et acteur de la surveillance de son environnement comme de son information, mais également acteur dans le cadre des processus de concertation ».
In the wake of the Chernobyl disaster, the need for independent information and contradictory expertise became very apparent, as citizens began to distrust both nuclear operators and institutions. This led to the creation of the Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest (Association for the Control of Radioactivity in the West), a region heavily nuclearized. Drawing on the potential of its laboratory, ACRO’s main mission is to produce and deliver information, with the aim of “making citizens the authors and actors in monitoring and informing their environment, as well as actors in consultation processes”.
Introduction
Le 26 avril 1986 survient la catastrophe de Tchernobyl. Choqués par le traitement de l’information en France, des citoyens se mobilisent ici et là. Dans la région Nord-Ouest, fortement nucléarisée, les réunions d’information se multiplient et font salles combles. Chaque fois, la même question revient : comment disposer d’informations fiables et indépendantes ? Une association est créée pour répondre à cette attente, l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest (ACRO).
La montée en compétence de l’ACRO
Le premier laboratoire a bénéficié d’un financement citoyen pour l’achat d’une chaîne de spectrométrie gamma HPGe. Les premiers résultats de mesures dans l’environnement mettent en évidence les retombées du « nuage » de Tchernobyl. Puis, très vite, l’ACRO lancera une première alerte sur la contamination en 137Cs de laits en poudre 1er âge de plusieurs marques.
À l’époque, le fonctionnement du laboratoire repose entièrement sur le bénévolat d’acteurs disposant de compétences professionnelles reconnues dans ce domaine. Pour remplir sa mission d’information, l’association édite une revue trimestrielle, l’ACROnique du Nucléaire, qui publie l’ensemble des résultats de mesure et s’attache également à une communication scientifique et technique vulgarisée sur la question nucléaire.
Puis la surveillance s’oriente vers les installations nucléaires du Nord-Cotentin et porte sur des matrices de l’environnement, mais aussi, et surtout, sur des produits de consommation confiés par des particuliers.
Vers la fin des années 1980, l’ACRO a publié des résultats de mesures portant sur la Sainte-Hélène, un cours d’eau dont la source est en bordure du Centre de Stockage de la Manche, géré par l’ANDRA. Au-delà du tritium dans l’eau, un cocktail de radionucléides est observé dans les sédiments, en particulier les 137Cs et 134Cs à des niveaux d’au moins un ordre de grandeur supérieur à ceux publiés par les exploitants et le SCPRI. Les résultats de l’ACRO sont contestés par un exploitant nucléaire. La Commission Spéciale Permanente d’Information près de l’Établissement de La Hague (CSPI, CLI de l’époque) organise alors un essai inter-laboratoires sur le site même de la Sainte-Hélène (seul le SCPRI refusera de rendre les résultats). La presse locale titre « Le laboratoire ACRO avait raison ! ». Non seulement les trois laboratoires (ACRO, SPR-COGEMA et le laboratoire départemental) obtinrent des résultats en parfaite cohérence mais ils ont validé les niveaux de contamination révélés par l’ACRO. Depuis cet épisode, la qualité des données publiées par l’association n’est plus mise en cause.
Le mesurage mais aussi la citoyenneté
Surveillance citoyenne
Le laboratoire de l’ACRO n’est pas un laboratoire comme les autres. Il est en effet piloté par une association avec pour objectif de « rendre le citoyen auteur et acteur de la surveillance de son environnement comme de son information, mais également acteur dans le cadre des processus de concertation ».
C’est ainsi que depuis plus de 20 ans, en appui au laboratoire, l’Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement (OCRE) a été créé pour regrouper les citoyens bénévoles réalisant les prélèvements dans l’environnement (voir la Figure 1). Ces acteurs de terrain, connaisseurs de leur propre environnement, sont formés et s’appuient sur des protocoles techniques. À noter que cette idée originale est reprise aujourd’hui par d’autres acteurs institutionnels et associatifs.
Actuellement, l’observatoire permet de suivre les niveaux de radioactivité sur plus de 600 km du littoral normand, les principaux cours d’eau du bassin Seine-Normandie, ainsi que le long de la Loire et de la Vienne.

Figure 1 : Prélèvements de l’ACRO dans la Manche (© ACRO).
L’activité en iode-129, déterminée dans le cadre de l’observatoire citoyen dans les algues le long du littoral normand, est représentée sur la Figure 2. Ce radioélément est uniquement rejeté par les usines de retraitement à La Hague et peut être détecté jusqu’au Danemark. La technologie pour le filtrer est utilisée au Japon – l’ACRO réclame la mise en œuvre des meilleures technologies disponibles afin de réduire les rejets, conformément aux engagements pris dans le cadre de la convention OSPAR de protection de l’Atlantique Nord-Est.

Figure 2 : Exemple de résultats de mesures ACRO le long des côtes de la Manche. En haut : concentration en iode-129 dans les algues prélevées lors des deux campagnes de 2023, en Bq/kg sec. En bas : Variations des niveaux d’iode-129 dans les algues mesurés par l’ACRO entre 2013 et 2023, en Bq/kg sec.
Démarche participative
L’ACRO siège activement dans le collège associatif de presque toutes les Commissions Locales d’Information (CLI) de Normandie. L’on observe que sans la présence de ce collège des associations, les débats y resteraient bien ternes.
Dans le milieu des années 1990, suite à l’émotion qui a accompagné la publication des travaux épidémiologiques du Pr Jean-François Viel, la ministre de l’Environnement a chargé l’IPSN d’animer un groupe d’expertise pluraliste – le Groupe Radioécologie du Nord-Cotentin (GRNC) – en vue d’évaluer l’impact dosimétrique des installations nucléaires du Nord-Cotentin. L’ACRO accepte d’y participer, s’impliquant dans les différents sous-groupes de travail, pour apporter sa connaissance du terrain (contestant notamment les zones d’impact retenues par les exploitants) et fournir ses propres résultats de mesure.
Les trois missions successives du GRNC [GRNC, 2010], présidé par Annie Sugier, se sont poursuivies jusqu’en 2010.
Puis c’est une autre controverse environnementale qui apparaît autour des anciennes mines d’uranium du Limousin. Fort de l’expérience tout à fait novatrice du GRNC, un nouveau groupe d’expertises pluraliste (GEP) est constitué, le GEP-Mines qui rendra son rapport en novembre 2013 (GEP, 2013). De nouveau l’ACRO y est présente et contribue à cette expertise.
Le nucléaire est un sujet bien conflictuel dans la société. La démarche participative ne va donc pas de soi car elle implique une confrontation avec les exploitants nucléaires dans un contexte de déséquilibre exacerbé de moyens dont chacun dispose. Le choix de participer ou pas se fait au cas par cas, avec le souci de ne pas jouer les faire-valoir. Le regard critique que porte l’association et son expérience de terrain peuvent faire évoluer des positions (notamment du côté institutionnel). La participation de l’ACRO à différentes instances contribue aussi à sa montée en compétence, surtout en cas d’expertise pluraliste.
En tout état de cause, la participation de l’ACRO ne signifie en aucun cas cogestion de situations à risque et l’association ne peut être associée à un processus de décision qui doit rester le rôle des instances régaliennes.
L’ACRO est aujourd’hui présente dans diverses instances : Le Haut Comité pour la Transparence et la Sécurité et l’Information Nucléaire (HCTISN), le Plan National pour la Gestion des Déchets et Matières Radioactives (PNGMDR) ou encore le Comité Directeur sur le Post Accidentel (CODIRPA).
Quelques illustrations des actions de l’ACRO
L’ACRO est souvent la seule organisation à effectuer une surveillance de la radioactivité sur les sites qu’elle a retenus. La plupart du temps, les résultats sont conformes aux attentes. Mais, à maintes reprises le rôle de vigie citoyenne et d’alerte de l’ACRO s’est révélé fort pertinent, comme l’illustrent ces quelques exemples.
Les incidents de rejets de 106Ru en 2001
En mai 2001, en s’appuyant sur ses propres données de surveillance autour de l’usine de retraitement de La Hague, l’ACRO remet en cause les annonces de l’exploitant sur un incident de rejets atmosphériques de 106Ru en provenance de l’usine. Utilisant le modèle de dispersion aérien du GRNC, l’association évalue que le rejet radioactif a dû être environ 1 000 fois supérieur à ce qu’indique l’exploitant. Un incident analogue surviendra fin octobre 2001, avec, encore une fois, une sous-estimation du rejet par l’exploitant. Un nouveau groupe technique du GRNC, mandaté par l’ASN, met alors en évidence que le dispositif de surveillance des rejets aériens, situé à mi-hauteur de la cheminée de rejet, est inadapté pour le 106Ru et confirme ainsi les données de l’ACRO.
La pollution au 226Ra à Saint Nicolas d’Aliermont
Fin novembre 1993, à la demande de citoyens inquiets d’un projet de lotissement sur un terrain ayant appartenu à la société BAYARD (fabricant de réveils à aiguilles lumineuses peintes au radium), l’ACRO intervient sur le site de Saint Nicolas Aliermont afin de procéder à des prélèvements. Les résultats de mesurages indiquent des contaminations élevées en 226Ra dans la terre végétale (jusqu’à plusieurs centaines de milliers de Bq/kg) ainsi que ses descendants proches (214Pb et 214Bi). Cette alerte lancée par l’ACRO a conduit le préfet à décider la fermeture du site (installation d’une clôture), à suspendre le projet de lotissement et à diligenter sa décontamination que l’ANDRA engagera l’année suivante.
Par la suite, l’ACRO a procédé à des prélèvements de végétaux qui ont souligné un important transfert terre à plante du 226Ra et qui ont permis à l’association d’esquisser une évaluation d’impact sanitaire et ainsi de contester les seuils de décontamination présentés par le ministère de la Santé.
Le Tritium dans la Loire
Depuis 2017, le collectif Loire Vienne Zéro nucléaire, s’est associé à l’ACRO afin de mettre en place une surveillance radiologique de l’environnement des installations nucléaires du bassin de la Loire (Loire et Vienne). Le 21 janvier 2019, une valeur tout à fait anormale de Tritium à 310 Bq/L est observée à Saumur. Des analyses complémentaires effectuées sur place montrent qu’il n’y a toujours pas de « bon mélange » dans la Loire des rejets radioactifs de la centrale de Chinon, située à une vingtaine de kilomètres en amont.
À la suite des échanges entre les différents acteurs (ASN, IRSN, ACRO, Associations, CLI…), l’IRSN conduit une campagne spécifique de mesurages pendant 5 mois au niveau de Saumur. Un des enseignements majeurs de cette étude et des modélisations réalisées est de montrer que la station multi-paramètres d’EDF, censée assurer la surveillance des rejets de la centrale de Chinon, ne détecte pas ou très rarement les rejets du Centre Nucléaire de Production d’Électricité de Chinon, seulement dans certaines conditions de débit du fleuve.
Les actions internationales de l’ACRO
L’existence d’associations indépendantes dotées d’un laboratoire et d’une capacité d’expertise dans le champ nucléaire est assez exceptionnelle sur la scène internationale et explique les sollicitations auxquelles l’ACRO a pu répondre.
L’intervention de l’ACRO en Biélorussie (l’après Tchernobyl)
Au début des années 2000, l’ACRO est intervenue dans plusieurs villages du sud de la Biélorussie pour fournir des équipements de mesurage de la radioactivité dans les denrées alimentaires et former les habitants en vue de développer des pratiques quotidiennes permettant de réduire le risque de contamination interne.
Centrée sur les écoles, la formation des enseignants à l’utilisation des instruments de mesure a permis d’élaborer avec eux des projets pédagogiques à destination des élèves, contribuant par leur approche pratique liée à la mesure, à donner du sens à un apprentissage dans le domaine de la radioactivité et de la contamination potentiellement présente dans leur environnement immédiat, qu’il s’agisse des lieux ou des produits de consommation courante.
L’ACRO en appui aux citoyens japonais après l’accident de Fukushima
Dès les premières semaines suivant l’accident de Fukushima, l’ACRO a procédé à de nombreux mesurages de radioactivité à la demande d’associations japonaises, soulignant l’étendue de la catastrophe jusqu’à Iitate ou la ville de Fukushima. En outre, l’association a été fortement sollicitée pour venir en appui à des groupes de citoyens mobilisés pour développer des moyens autonomes de mesurage de la radioactivité. La défiance vis-à-vis de l’exploitant et du gouvernement est très forte et de nombreux petits laboratoires de mesure vont voir le jour. L’ACRO accueille et forme dans son laboratoire des citoyens japonais dont la mission va être de créer un laboratoire analogue au Japon (Chikurin) qui constitue une référence métrologique auprès des petits laboratoires autonomes. Grâce à un soutien financier de la région Île-de-France, l’association fournit deux détecteurs GeHP et un château de plomb à Chikurin.
Mais, en parallèle, dans l’immédiat post-catastrophe, l’ACRO répond aux nombreuses demandes de résidents au Japon, dont des Français expatriés, inquiets des conséquences sanitaires pour leurs enfants. Le laboratoire de l’association s’est alors consacré presque entièrement à des mesurages de radiotoxicologie qui souligneront la présence de 137Cs dans tous les premiers échantillons urinaires.
L’ACRO aujourd’hui
Depuis son origine, l’association a déménagé à quatre reprises, accroissant à chaque fois les surfaces de son laboratoire et adaptant les locaux et les équipements de façon à mieux répondre aux exigences normatives et de qualité. Les pratiques internes sont conformes aux exigences organisationnelles et techniques fixées par la norme ISO/CEI 17025. L’activité quotidienne du laboratoire est assurée par 4 salariées à temps plein et les bénévoles du réseau OCRE constituent un vivier de ressources humaines.
Le laboratoire participe aux campagnes annuelles d’intercomparaisons (IRSN et AIEA) et dispose de multiples agréments délivrés par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) qui procède à des inspections régulières.

Tableau 1 : Agréments délivrés à l’ACRO par l’Autorité de Sûreté Nucléaire
(Source : ACRO).
Le laboratoire de l’ACRO est également agréé pour procéder aux analyses et aux essais, pour la répression des fraudes dans les denrées alimentaires et divers objets.
L’ACRO publie tous ses résultats environnementaux sur son site internet ainsi qu’au Réseau National de Mesure de la Radioactivité dans l’Environnement (RNME) (ASN, 2024). Enfin, si la mission principale de l’association est de produire et délivrer de l’information vulgarisée auprès d’un large public, le laboratoire a pu être associé à divers travaux et publications scientifiques (Daillant et al., 2003 ; Daillant et al., 2004 ; Paquet et al., 2013 ; Picat et al., 2002 ; Pittet et al., 2021).
Conclusion
Créée en réaction à une crise de confiance, l’ACRO répond à un besoin de contrôles indépendants de la radioactivité dans l’environnement en permettant aux personnes concernées de devenir des vigies. Cette position singulière exige une qualité sans faille pour garder la confiance du public et des autorités. En s’impliquant, les citoyens ont transformé un sujet purement technique en un sujet politique. Ils ont ainsi contribué à plus de transparence et à une meilleure surveillance de l’impact des rejets radioactifs.
La mesure citoyenne de la radioactivité a encore de longs jours devant elle et devrait être étendue à d’autres types de polluants. La publication du rapport Houllier (Houllier, 2016) sur les sciences et recherches participatives en France a montré l’intérêt et la richesse de cette démarche.
Références
ASN (2024), « Les acteurs du Réseau National de Mesure de la Radioactivité dans l’Environnement (RNME) », https://mesure-radioactivite.fr/les-acteurs-du-rnm
DAILLANT O., BOILLEY D., GERZABEK M., PORSTENDÖRFER J. & TESCH R. (2003), “Tritium and radiocarbon metabolism in lichens and their use as bio-monitors”, BIOMAP Congress, Bled, Slovenia, 21-25 septembre 2003.
DAILLANT O., KIRCHNER G., PIGREE G. & PORSTENDÖRFER J. (2004), “Lichens as indicators of tritium and radiocarbon contamination”, The Science of the Total Environment, 323(1), pp. 253-262.
GEP (2013), « Groupe d’Expertise Pluraliste (GEP) sur les sites miniers d’uranium du Limousin », http://www.gep-nucleaire.org/gep/sections/actualites
GRNC (2010), « Le Groupe Radioécologie Nord-Cotentin », http://www.gep-nucleaire.org/norcot/gepnc/
HOULLIER F. & MERILHOU-GOUDARD J.B. (2016), « Les sciences participatives en France », Natures Sciences Sociétés, 25(4), pp. 418-423, doi:10.15454/1.460620124
8693647E12
PAQUET F., BARBEY P., BARDIES M., BIAU A., BLANCHARDON E., CHETIOUI A., LEBARON-JACOBS L. & PASQUIER J.L. (2013), “The assessment and management of risks associated with exposures to short-range Auger- and beta-emitting radionuclides. State of the art and proposals for lines of research”, Journal of Radiological Protection, 33, pp. R1-R16.
PICAT P., CALMET D., LOUVAT D., VRAY F., LEMAITRE N., LINDEN G., BARBEY P., PIGREE G., BOURCER T., LEVY F., LE BAR S., BARON Y., DELACROIX D., PANAÏVA E., DE BRUYNE T., HERVÉ J.Y., BEGUINEL P., CABANNE N., DE PAEPE A., SANTUCCI C., PROT T., MATRAY J.L. & TILLIE J.L (2002), « Radioactivité d’origine naturelle dans l’environnement en France : niveaux non perturbés par l’homme », Radioprotection, 37(3), pp. 283-327.
PITTET P.A., JOSSET M., BOILLEY D., BERNOLLIN A., ROUGIER G. & FROIDEVAUX P. (2021), “Origin and age of an ongoing radioactive contamination of soils near La Hague reprocessing plant based on 239+240Pu/238Pu and 241Am/241Pu current ratios and 90Sr and Ln(III) soil contents”, Chemo