N°138 : Surveillance de la contamination de l’eau potable et de légumes autour de Valduc (septembre 2022)
N°137 : Résultats 2021 de la surveillance radiologique de l’environnement autour des installations nucléaires de la Loire et de la Vienne (juin 2022)
N°136 : Suivi du projet de la piscine nucléaire EDF à La Hague / Enquête publique sur la poursuite du démantèlement de la centrale de Brennilis (mars 2022)
Etudiants, participez à la surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement mise en place par l’ACRO. Vous pourrez mettre à profit vos compétences en biologie, environnement, physique ou informatique (gestion de bases de données, SIG…) dans un cadre convivial !
L’ACRO a créé l’Observatoire Citoyende la radioactivité dans l’environnement, un réseau de surveillance basé sur la vigilance des citoyens, riverains ou non d’installations nucléaires. Les deux principaux volets sont le suivi des niveaux de radioactivité le long du littoral normand et le suivi du tritium dans les eaux douces et les eaux de consommation. Dans les deux cas, il s’agit d’évaluer les répercussions des rejets d’effluents radioactifs des installations nucléaires dans l’environnement.
Vous pouvez participer à l’ensemble des opérations, des prélèvements dans l’environnement jusqu’à la valorisation des résultats, en passant par toutes les étapes de traitement et d’analyse des échantillons au sein du laboratoire de l’ACRO. L’équipe sera présente pour assurer un encadrement technique et scientifique qui vous permettra d’acquérir, ou de perfectionner différents savoirs et savoir-faire, certains étant propre à notre domaine d’activités (analyses par spectrométrie gamma et scintillation liquide), d’autres étant plus universels (préparation d’échantillons, gestion de bases de données, SIG, sites internet…).
Par votre implication au sein de l’Observatoire Citoyen vous acquerrez de nouvelles compétences qui vous seront profitables.
Suite à la crise sanitaire liée au COVID-19, l’ACRO reporte son assemblée générale, initialement prévue le 4 avril prochain, à une date ultérieure qui sera fixée prochainement.
15Notre observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement a été sélectionné par le moteur de recherche Lilo. Vous pouvez désormais nous financer gratuitement en utilisant Lilo pour vos recherches quotidiennes !
Pour découvrir ce nouveau moteur et nous financer gratuitement, c’est très simple :
L’ACRO a rendu publique, mercredi 17 juillet dernier, une carte exclusive de la contamination de l’eau potable par le tritium à partir des données transmises par le ministère de la santé et a souligné le risque en cas d’accident nucléaire, comme l’indiquait le titre de son communiqué. La Direction Générale de la Santé, qui nous a fourni les données, a été prévenue par mail le lundi 15 juillet au soir de notre communication à venir et de nos revendications.
Cette cartographique de la contamination en tritium de l’eau potable n’avait jamais été faite. Les données étaient disponibles, mais elles n’étaient connues, ni de la presse, ni du public. Notre carte a donc eu un énorme impact, qui nous a nous même surpris. Notre site Internet a été consulté par plus de 160 000 citoyens en quelques jours !
Les promoteurs de l’énergie nucléaire ont vu d’un mauvais œil cette information sur les rejets de leurs installations qui impactent directement l’eau potable. Certains ont essayé de faire croire que ce tritium était naturel, alors qu’aux taux relevés, il ne peut être qu’artificiel. Mais, personne ne s’est intéressé à l’objet même de notre communication, à savoir quelle alimentation en eau potable en cas d’accident nucléaire grave ?
Dans ce contexte, un message a été posté anonymement sur les réseaux sociaux. Il mentionnait une contamination au « titanium », et non au tritium, et un prétendu arrêté préfectoral interdisant de boire de l’eau du robinet en Ile de France. Il a semé la panique et entraîné des messages rassurants des autorités sur la qualité de l’eau de consommation. L’ACRO a rapidement démenti sur twitter cette fausse information, dès qu’elle a découvert la rumeur.
Quelques messages circulent sur les réseaux faisant état d’une interdiction de consommer de l’eau dans les hôpitaux parisiens. C’est complètement faux. Comme nous l’avons dit, aucune valeur ne dépasse le critère de qualité fixé à 100 Bq/L. https://t.co/hNFWcyAwv2
Peine perdue, cette fausse information a permis d’accuser l’ACRO d’avoir semé la panique. S’en est suivie une avalanche de tweets insultants basés sur la théorie du complot : l’ACRO manipulerait les journalistes. C’est nous donner beaucoup de pouvoir ! Certains sont même allés à proférer des menaces.
TF1 s’est particulièrement distinguée dans le paysage médiatique français par sa propre fake news. Lors de son journal de 20h du 21 juillet 2019, la chaîne assène : « le communiqué alarmiste d’une association a semé la panique chez plus de 6 millions de Français. Sauf que tout était faux. » Il s’agit de propos diffamants : nos données viennent du ministère de la santé et n’ont jamais été contestées. La contamination est avérée et elle est issue des rejets des installations nucléaires.
L’ACRO est un lanceur d’alerte. Rien dans sa communication n’est anxiogène. Elle ne cherche pas à provoquer la panique, mais le débat. Le but de ce travail est d’éclairer le public et les autorités sur les niveaux de radioactivité et les risques engendrés en cas d’accident.
C’est Le Canard Enchaîné qui, le premier, a publié l’information, en précisant : « Pas de panique : la concentration en hydrogène radioactif (autre nom du tritium) reste très en deçà des normes sanitaires et est donc sans danger. » Notre communiqué précisait qu’« aucune valeur ne dépasse le critère de qualité fixé à 100 Bq/L instauré par les autorités sanitaires. » Nous disons que le tritium est un lanceur d’alerte et nous insistons sur le risque en cas d’accident nucléaire grave. La dépêche AFP qui a suivi, et qui a été reprise par presque toute la presse, citait notre phrase et précisait que les valeurs étaient bien en-dessous de la limite de potabilité de l’OMS.
Pour mémoire, nous avions déjà mis en avant, le 18 juin dernier, grâce à nos propres résultats d’analyse, la contamination de l’eau potable le long de la Loire. L’information avait déjà été largement reprise par la presse, sans pour autant provoquer de mouvement de panique.
On nous a aussi reproché d’avoir utilisé le mot « contamination », mais c’est celui utilisé dans le monde de la radioprotection. Il peut y avoir de faibles contaminations avec un risque faible et de fortes contaminations qui présentent des risques élevés. Le mot a pour but de souligner la présence d’éléments radioactifs artificiels. Nous continuerons donc à l’utiliser.
Nous avons été surpris et choqués, lors de notre étude, de découvrir que 6,4 millions de Français buvaient une eau contaminée directement par l’industrie nucléaire, même si cela n’avait pas d’impact sanitaire. Personne ne connaissait ce chiffre puisqu’une telle étude est inédite. Notre travail met en lumière la vulnérabilité de l’alimentation en eau potable de grandes agglomérations en cas d’accident nucléaire grave. Nous n’avons pas été démentis sur le sujet. Aucune préfecture n’a été en mesure d’indiquer qu’elle dispose un plan « ORSEC eau potable ».
Il nous a été reproché de faire peur avec l’accident nucléaire. Mais toutes les instances nationales et internationales invitent à s’y préparer : cela fait partie intégrante de la sûreté nucléaire. Cette vulnérabilité de l’eau potable est peu connue. Elle nous avait échappé lors de nos études précédentes sur les plans d’urgence nucléaire.
Nous nous devions d’alerter sur ce risque et nous allons continuer à faire pression pour qu’il soit pris en compte. Notre observatoire de la radioactivité dans l’eau va être étendu et nous continuerons à communiquer sur le sujet. C’est la raison d’être de notre association, qui milite pour le droit de savoir dans le domaine du nucléaire et de la radioactivité.
Mise à jour : les résultats du contrôle sanitaire de l’eau du robinet sont désormais disponibles sur le site data.gouv.fr
Plus de 8 ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima, la France s’apprête à étendre la distribution d’iode dans un rayon de 20 km autour de ses 19 centrales nucléaires (site de la campagne). 3 millions de personnes bénéficieront d’une protection de leur thyroïde en cas d’accident nucléaire grave (chiffres officiels par centrale). Cela ne représente que 4,6% des 65 millions d’habitants en France métropolitaine.
A titre de comparaison, la Belgique propose de l’iode à toute sa population, ce qui représente un rayon de 100 km autour de ses centrales. Le Luxembourg aussi. La Norvège, qui ne possède pas de centrale nucléaire, recommande, depuis janvier dernier, à toute sa population d’avoir de l’iode à la maison (page, document). En Suisse, 60% de la population a reçu de l’iode à la maison, suite à l’extension de 20 à 50 km de la distribution.
Pourquoi les Français ne sont-ils pas bien protégés en cas d’accident grave ? L’ACRO a interrogé le ministère de l’intérieur, pour lui demander de justifier sa politique. La réponse reçue rappelle la politique française, mais ne répond pas aux questions posées. Nous sommes heureux d’apprendre que les “méthodes retenues répondent d’une part aux objectifs de traçabilité, de qualité de stockage et de manœuvrabilité et d’autre part de réactivité au plus près des installations”. (La réponse complète est ci-dessous). Mais, au vu du contenu des PPI quant à l’organisation de cette « réactivité » au delà des 20 km, nous ne sommes pas rassurés.
L’ACRO réclame que la zone de distribution soit étendue à 100 km et invite la population et en particulier les familles avec enfants, les femmes enceintes ou allaitantes à demander des comprimés d’iode en utilisant le N° Vert mis à disposition par les autorités : 0 800 96 00 20 (appels possibles de 10h à 18h en semaine).
Pour en savoir plus sur les plans d’urgence nucléaire en France, lire notre étude.
L’ACRO milite depuis des années pour l’extension de la distribution d’iode en France. Suite à notre dernière campagne, des centaines de mails ont été envoyés dans les préfectures pour demander à bénéficier d’iode à la maison quand on n’est pas dans un rayon de 20 km d’une centrale nucléaire. A notre connaissance, personne n’a reçu de réponse.
Nous avons écrit au ministère de l’intérieur pour lui demander de justifier pourquoi les Français ne bénéficient pas de la même protection que leurs voisins européens en cas d’accident nucléaire. Nous demandions aussi que les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes puissent être protégés en priorité et bénéficier de la prophylaxie à l’iode dès que la dose à la thyroïde dépasse les 10 mSv, conformément aux recommandations de l’OMS. La Belgique a adopté cette valeur.
La réponse que nous avons reçue rappelle la politique française, mais ne répond pas aux questions posées. Nous sommes heureux d’apprendre que les “méthodes retenues répondent d’une part aux objectifs de traçabilité, de qualité de stockage et de manœuvrabilité et d’autre part de réactivité au plus près des installations”. Rassurés ?
Des réunions d’informations devraient être organisées prochainement pour organiser la distribution d’iode entre 10 et 20 km autour des centrales nucléaires françaises. Il faut continuer à faire pression sur les autorités pour obtenir une meilleure protection.
Lettre envoyée par l’ACRO le 8 mars 2019 à Monsieur Christophe Castaner, ministre de l’intérieur :
La France devrait bientôt étendre la distribution de comprimés d’iode stable à un rayon de 20 km autour des centrales nucléaires alors que la Suisse l’a étendue de 20 à 50 km et la Belgique de 20 à 100 km. En effet, toutes les études s’accordent pour dire qu’en cas d’accident grave sur une centrale nucléaire, il pourrait être nécessaire de protéger la thyroïde de la population sur des distances pouvant dépasser la centaine de kilomètres. D’ailleurs, la France a validé le rapport européen ATHLET2014 recommandant « d’être en mesure d’étendre […] la mise à l’abri des personnes et la distribution d’iode sur un rayon allant jusqu’à 100 km ».
Comment pouvez-vous justifier que les Français ne bénéficieront pas de la même protection que leurs voisins européens ?
Nous vous demandons de revoir votre position et d’étendre la distribution de comprimés d’iode à une distance de 100 km voire à tout le pays. Les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes doivent être protégés en priorité et bénéficier de la prophylaxie à l’iode dès que la dose à la thyroïde dépasse les 10 mSv, conformément aux recommandations de l’OMS. La Belgique a adopté cette valeur. Pourquoi la France maintient-elle une limite à 50 mSv pour tout le monde ?
Dans cette fiche technique, nous allons tenter de décrire simplement les principes de base des bombes atomiques et montrer les liens avec l’industrie nucléaire. Nous nous limiterons à des principes généraux. Une fois la bombe fabriquée, il faut pouvoir la déployer, la contrôler, la protéger… puis démanteler les bombes et les installations devenues obsolètes et dépolluer les sites contaminés. Selon les audits atomiques indépendants effectués en France et aux Etats-Unis cela représente plus de la moitié des coûts engagés, mais cela dépasse largement notre propos.
Un peu de physique
La Fission
La fission du noyau d’éléments lourds naturels comme l’uranium ou artificiels comme le plutonium entraîne un dégagement d’une grande quantité d’énergie et de particules, comme les neutrons. Cette fission peut être déclenchée par le choc d’un neutron. Une réaction en chaîne se développe alors : la fission émettant des neutrons qui déclenchent d’autres fissions qui vont émettre d’autres neutrons… Si le nombre de neutrons produits est inférieur au nombre de neutrons consommés ou qui s’échappent, la réaction va s’éteindre d’elle même, sauf si elle est entretenue par un apport extérieur de neutrons. Si le nombre de neutrons créés est supérieur au nombre de neutrons consommés, alors la réaction s’emballe et conduit à une explosion. Dans le cas de réactions nucléaires, l’emballement est très rapide et l’énergie dégagée immense, d’où l’intérêt que lui portent les militaires. Enfin, si le nombre de neutrons créés est égal au nombre de neutrons consommés ou s’échappant, la réaction va s’auto-entretenir. Ce régime, dit critique, est celui qui a lieu dans les réacteurs nucléaires. En cas d’explosion, on parle de régime sur-critique et, dans l’autre cas, de régime sous-critique. Les isotopes impairs de l’uranium et du plutonium sont plus facilement fissibles que les isotopes pairs quand ils sont soumis à un flux de neutrons thermiques, comme dans les réacteurs nucléaires classiques, mais avec des neutrons rapides, présents dans les surgénérateurs ou les bombes, tous les isotopes du plutonium ont pratiquement les mêmes propriétés. On appelle masse critique la quantité de matière fissile minimum nécessaire à la sur-criticité.
L’uranium naturel ne contient que 0,72% d’U235, celui qui est le plus fissible, le reste étant essentiellement composé d’U238 qui ne convient pas. Pour faire une arme il faut augmenter cette proportion jusqu’à 80-93%, en utilisant un processus industriel, l’enrichissement, qui est le même que celui utilisé pour la production de combustible civil où la proportion d’U235 varie de 3 à 5%. C’est l’usine de Pierrelatte (d’abord CEA puis COGEMA) qui se charge de cette opération. Le plutonium est produit dans des réacteurs nucléaires par bombardement d’uranium 238 par des neutrons et doit ensuite être extrait du combustible irradié par un processus industriel identique à celui de la technologie civile, à savoir le retraitement. En fonction de la technologie du réacteur et du temps d’irradiation on obtiendra un pourcentage plus ou moins élevé de Pu239, qui est le favori des militaires. Les autres isotopes sont issus de bombardements successifs du Pu239 par des neutrons, quand ils nâentraînent pas une réaction de fission. Pour avoir un pourcentage élevé de Pu239, il suffit d’irradier moins longtemps du combustible dans n’importe quel réacteur nucléaire. Les réacteurs qui fonctionnent à l’uranium naturel en produiront plus. Le manteau des surgénérateurs comme Phénix et ou Superphénix, c’est-à-dire les barres de combustibles qui sont à la périphérie, permet aussi de produire du Pu239 de bonne qualité.
La Fusion
La fusion de deux noyaux légers dégage une plus grande quantité d’énergie, mais il faut comprimer beaucoup plus les gaz utilisés pour que la réaction puisse avoir lieu. Dans les armes thermonucléaires, c’est la fusion du tritium (H3) avec le deutérium (H2) qui est utilisée ; elle produit de l’hélium plus un neutron. L’avantage c’est que ces gaz sont légers et qu’une faible masse est suffisante pour dégager une énergie énorme. La difficulté est liée à l’allumage, des explosifs chimiques classiques n’étant pas suffisants pour atteindre la compression nécessaire.
Le tritium est aussi produit dans des réacteurs nucléaires par bombardement du lithium 6 par un neutron. Le Lithium 6, lui, est présent dans la nature, mais il doit être séparé de son isotope, le lithium 7. En France, c’est la COGEMA qui se charge de cette opération dans son usine de Miramas. L’ensemble du processus de production du tritium reste géré par le CEA dans deux réacteurs à eau lourde (Célestin 1 & 2 à Marcoule). Le deutérium, quant à lui, nécessite de l’eau lourde pour sa fabrication, qui a été importée de Norvège, des Etats-Unis, mais aussi fabriquée en France dans deux usines pilotes qui ne fonctionnent plus (Toulouse et Mazingarbe, Nord). Le site de production du deutérium gazeux à partir d’eau lourde n’est pas connu clairement. Il est possible que le deutérium soit produit au centre civil du CEA de Grenoble, mais également qu’il soit extrait du processus d’extraction du tritium à Marcoule.
Première génération
Les armes de première génération n’utilisent que la fission de noyaux lourds. Deux masses sous critique d’uranium sont regroupées ou une masse de plutonium ou d’uranium est brusquement comprimée à l’aide d’un explosif chimique afin d’en faire une seule masse sur-critique. La réaction en chaîne est généralement amorcée par une source de neutrons qui doit être parfaitement synchronisée avec le passage au régime sur-critique pour avoir le meilleur rendement, mais cela n’est pas une nécessité. Les bombes sud-africaines étaient amorcées par les neutrons du bruit de fond. La puissance de la bombe peut être améliorée grâce à un matériau réflecteur de neutrons, comme le béryllium. Il est relativement facile de fabriquer une bombe atomique de première génération, à condition que l’on possède la matière fissile. Les Etats-Unis n’ont jamais testé la bombe à l’uranium enrichi avant de la larguer sur Hiroshima et n’ont fait qu’un seul essai pour celle au plutonium avant de bombarder Nagasaki. Une équipe de 400 personnes environ a été suffisante à l’Afrique du Sud pour construire six bombes à l’uranium enrichi. La fin des essais nucléaires ne supprime donc pas le risque de prolifération horizontale, à savoir l’émergence de nouvelles puissances nucléaires ou la menace d’un groupe terroriste qui se serait procuré la matière première au marché noir. Une importante question concerne l’utilisation de plutonium issu des réacteurs civils à eau sous pression pour fabriquer ce type d’arme. Pour les partisans du retraitement du combustible irradié, le Pu 240 est indésirable car il risque de déclencher une implosion avant même que la sur-criticité soit atteinte, réduisant ainsi la puissance de la bombe. Cela peut même être un avantage pour fabriquer une bombe rudimentaire, car il nây a pas besoin de source de neutrons pour initier la réaction. Même de puissance réduite, une telle bombe peut faire beaucoup de dégâts. Un autre inconvénient avancé pour le plutonium civil est que le pourcentage de Pu238 est trop élevé (environ 2%, pour environ 0,01% pour du Pu dit militaire). D’une durée de vie relativement courte (88 ans), la désintégration du Pu 238 entraîne un échauffement qui peut endommager les explosifs chimiques. Si la bombe larguée sur Nagasaki avait contenu 2% de Pu 238, elle aurait eu une température de l’ordre de 250°C. Cette montée en température peut néanmoins être réduite des deux tiers à l’aide d’un système de refroidissement en aluminium. Enfin, le troisième argument avancé par les promoteurs du retraitement est que le plutonium civil est beaucoup plus irradiant, entraînant un risque beaucoup plus élevé pour les personnes travaillant à proximité. L’utilisation de cobayes humains par les puissances nucléaires pour tester les effets de la radioactivité laisse penser que cet argument n’est pas forcément un inconvénient majeur… (Note: cette discussion est tirée d’un article de Frank von Hippel, Fissile material security in post-cold-war world, Physics Today, june 1995 et de A.B. Lovins, Nuclear weapons and power-reactor plutonium, Nature, Vol. 283, 28 fev. 1980, p. 817).
Les bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki, avaient respectivement une puissance de 15 et 22 kilotonnes d’équivalent TNT (Note : 1kt = 1012 cal = 4,18 x 1012 J). Les armes à fission pure développées par la suite ont atteint plusieurs dizaines de kilotonnes.
Deuxième génération
Le principe des armes thermonucléaires est simple à comprendre, même si leur réalisation pose de gros problèmes technologiques. Dans les armes à fission dopées (boosted fission), une réaction de fission similaire à celle de l’arme de première génération, déclenche une réaction de fusion du cœur constitué d’un mélange de tritium (H3) et de deutérium (H2). Les neutrons dégagés par la réaction de fusion entraînent une réaction de fission plus complète que celle qui a lieu dans les armes de première génération où une faible portion de la matière fissile est consommée. La performance d’une telle arme dépend essentiellement de l’explosion chimique initiale car il est important que le gaz soit suffisamment comprimé et ne se mélange pas avec le matériau fissible. Cela peut être testé sans enclencher de réaction nucléaire et reste donc possible dans le cadre du “traité d’interdiction des essais nucléaires”, à condition d’avoir une installation permettant d’étudier l’hydrodynamique de l’explosion à l’aide de rayons X : c’est un des buts de l’installation AIRIX du CEA, en construction à Moronvillier, sur le site où ont lieu les essais nucléaires froids. Il est généralement admis qu’Israël, l’Inde et le Pakistan ont atteint ce stade. A noter qu’avec cette technologie, le plutonium, dit de qualité civile, ne change rien, quant à la puissance de l’explosion, mais le plutonium militaire est généralement préféré pour des problèmes de température et de radioactivité. Dans les bombes thermonucléaires ou bombes à hydrogène, une bombe à fission, éventuellement dopée, déclenche l’explosion par réaction de fusion. C’est un mélange de lithium et de deutérium enfermé dans une capsule tampon d’uranium ou de plomb qui est utilisé, le tritium nécessaire à la réaction de fusion étant directement produit lors de l’explosion par le bombardement des neutrons. Il n’y a virtuellement pas de limite à la puissance dégagée par ce type d’arme ; l’essai nucléaire le plus puissant de l’histoire, avec 60 Mégatonnes (60.000 kilotonnes) dâéquivalent TNT due à 97% à la réaction de fusion, a eu lieu en URSS en octobre 1962. Mais, sachant que la puissance dégagée lors de l’explosion est de l’ordre de 1kt/kg, il est possible de faire beaucoup de dégâts avec une bombe de quelques kg. Des efforts constants de miniaturisation ont eu lieu afin de rendre la bombe plus légère et transportable par toutes sortes de vecteurs, en particulier des missiles intercontinentaux.
Il a fallu de longues années de recherche aux Etats-Unis et en URSS pour mettre au point ce type d’armes (Note : voir le dossier de Physics Today, Nov. 1996) ; mais une fois les principes de base connus, il est possible dâaccéder rapidement à cette technologie : la Chine a testé sa première bombe thermonucléaire après seulement 3 essais de première génération, un essai à fission dopée et un essai préliminaire de bombe à hydrogène. Les armes de deuxième génération sont d’une technologie plus élaborée et, malgré deux milliers d’essais nucléaires, le mécanisme n’est pas encore entièrement compris. Les puissances nucléaires déclarées sont probablement arrivées au bout des améliorations possibles et possèdent une bonne maîtrise de la production de ce type d’armes. La fin des essais nucléaires n’est donc pas trop pénalisante pour elles, mais est certainement un frein pour les autres pays. Il est peu probable que de telles armes disparaissent car elles sont sûres et très mortelles. Les réductions effectuées dans les arsenaux concernent essentiellement des armes obsolètes ou dâune utilité devenue douteuse. Le tritium et le Li6 deviennent des éléments stratégiques qui doivent être contrôlés comme les matières fissibles pour éviter la prolifération.
Troisième génération
La troisième génération regroupe des bombes basées sur les technologies précédentes, mais dont certains effets sont accentués ou réduits selon l’utilité stratégique recherchée. Par exemple, la bombe à neutrons, qui émet une grande quantité de neutrons avec une puissance réduite, est supposée être efficace contre une avancée massive de chars. Son utilité tactique est en fait réduite. D’autres améliorations visent à réduire les “effets collatéraux” de la radioactivité émise, là aussi avec des succès limités. A noter que ces améliorations constituent une entorse à la doctrine de dissuasion, étant un premier pas vers une bombe pouvant être utilisée sur le champ de bataille. Ces armes nécessitent de nombreux développements scientifiques et technologiques et l’arrêt des essais nucléaires est un frein à leur développement.
Les différents types de têtes nucléaires en service dans l’arsenal français (1960-1998)
Type
Puissance
Vecteur
Armée
Entrée en service
Retrait du service
AN11
60 kt
Mirage IVA
Air
06/07/63
1973
AN22
70 kt
Mirage IVA
Air
1973
01/07/88
MR31
130 kt
S2 Albion
Air
02/08/71
MR41
500 kt
M1/M1 SNLE
Marine
2/8/1971
1979
AN52
25 kt
Mi3,JagA,SEt
Air
06/04/73
AN51
10/25 kt
Pluton
Terre
3/1974
1993
TN60
1 Mt
M20 SNLE
Marine
23/12/76
–
TN61
1 Mt
M20 SNLE
Marine
1978
1993
TN61
1 Mt
S3 Albion
Air
01/06/80
16/09/96
TN70
150 kt
M4A SNLE
Marine
25/05/85
1997
TN80
300 kt
Mirage IVP
Air
01/09/85
01/07/96
TN71
150 kt
M4B SNLE
Marine
09/12/87
TN81
300 kt
Mirage 2000 N
Air
01/07/88
TN81
300 kt
Super-Etendard
Marine
4/1989
TN90
80 kt
Hadès
Terre
1992
1996
TN75
100 kt
M45 SNLE
Marine
1/1997
AN: fission Pu ; MR : fission dopée Pu ; TN : thermonucléaire (Tiré du site du CDRPC)
Pour en savoir plus
Cette fiche technique est basée sur les références suivantes (sauf les références déjà indiquées) :
* Bruno Barillot, Audit atomique, CDRPC, 187, montree de Choulans, 69005 Lyon (fevrier 1999)
* Stephen I. Schwartz editor, Atomic Audit, Brookings Institution Press, 1775 Massachusetts Ave., N.W. Washington, D.C. 20036 (1998)
* Andre Gsponer et Jean-Pierre Hurni, Fourth generation of nuclear weapons, Technical Report, INESAP, c/o IANUS, Darmstadt University of Technology, D-64289 Darmstadt (mai 1998)
* The military critical technology list, part II : weapons of mass destruction technologies, section V : nuclear weapon technology, Department of Defence, Etats-Unis, fevrier 1998, peut être téléchargé à l’adresse suivante : http://www.dtic.mil/mctl/
Texte initialement écrit pour le Dictionnaire des risques paru chez Armand Colin et paru dans l’ACROnique du nucléaire n°63, décembre 2003. Version remise à jour pour l’édition 2007 du dictionnaire.
“On va faire la guerre une bonne dernière fois pour ne plus avoir à la faire. Ce fut l’alibi bien-aimé […] des conquérants de toutes tailles. […] Par malheur, ça n’a jamais marché” note Jean Bacon. En effet, la “civilisation” ou la “démocratie”, selon les époques, prétendument apportées au bout du fusil, n’ont jamais supprimé les conflits. Avec l’arme nucléaire, en exposant l’ennemi potentiel au risque d’une riposte massivement destructrice, a-t-on enfin trouvé définitivement le chemin de la paix ? L’équilibre de la terreur entre les deux grandes puissances aurait ainsi évité une troisième guerre mondiale, mais pas les nombreux petits conflits qui ont ensanglanté la planète. On comprend alors l’attrait que suscite cette arme radicalement nouvelle pour de nombreux pays se sentant menacés : comment oserions-nous la refuser aux pays en voie de développement alors qu’elle est indispensable à notre survie, et ceci d’autant plus, que cela représente de juteux marchés pour le fleuron de notre industrie ? Evidemment, le transfert de technologie sera “pacifique”, les technologies civile et militaire pour se procurer la matière première étant identiques. Tout comme les armes exportées sont qualifiées de “défensives”.
Les motivations pour partager son savoir sont multiples : échange de technologies entre la Corée du Nord et le Pakistan, accès au pétrole irakien ou iranien pour la France, développer en secret des technologies militaires dans un pays tiers pour l’Allemagne ou tout simplement renforcer son camp. Malheureusement, cette prolifération, dite horizontale, ne fait qu’augmenter le risque de voir un conflit régional dégénérer en guerre nucléaire. En effet, aucun pays, pas même les démocraties, n’est à l’abri de l’accession au pouvoir d’une équipe dirigeante peu scrupuleuse.
De fait, pas un pays ne s’est doté d’infrastructures nucléaires sans une arrière-pensée militaire, même si certains, comme la Suisse, le Brésil ou l’Afrique du Sud par exemple, ont officiellement renoncé à l’arme nucléaire. Quarante-quatre pays sont actuellement recensés par le traité d’interdiction des essais nucléaires comme possédant une technologie suffisante pour accéder à l’arme suprême. Personne ne met en doute qu’il suffirait d’un délai de quelques mois à un pays très industrialisé pour disposer, s’il le souhaitait, de l’arme atomique et des moyens de la déployer. L’acharnement du Japon, par exemple, à vouloir développer une filière plutonium et des lanceurs de satellites en dépit de nombreux déboires est lourd de sens à cet égard.
Conceptuellement, il est facile de fabriquer une arme rudimentaire, la difficulté étant d’ordre technologique pour accéder à la matière fissible. Le plutonium issu des réacteurs civils peut faire l’affaire, avec des performances moindres. Les Etats-Unis l’ont testé. Pour un groupe terroriste, qui recherche davantage un impact psychologique et médiatique, c’est suffisant. Mais dans une situation d’équilibre de la terreur, il faut des armes fiables qui n’explosent pas accidentellement et qui, en cas d’attaque, détruisent bien toutes les capacités ennemies à réagir. De telles armes nécessitent de la matière fissile dite de qualité militaire et des développements technologiques poussés. Le risque est déjà grand, avec des armes plus ou moins rudimentaires, de voir des équilibres régionaux se transformer en catastrophe, sans pour autant apporter la paix. Par exemple, le conflit au Cachemire n’a pas cessé avec l’accession de l’Inde et du Pakistan au statut de puissances nucléaires.
Dès 1946, l’Assemblée générale des Nations unies vote la création d’une commission atomique chargée d’éliminer les armes nucléaires et de destruction massive. Depuis, on ne compte plus les tentatives officielles et vœux pieux pour parvenir à un désarmement général. “L’homme se trouve placé devant l’alternative suivante : mettre fin à la course aux armements ou périr” prévient même l’ONU en 1977. Rien n’y fait. La diminution des arsenaux nucléaires des grandes puissances ne doit pas faire illusion. Ce sont des armes qui étaient devenues stratégiquement obsolètes qui ont été démantelées.
Les grandes puissances prennent comme prétexte la menace liée à la prolifération horizontale pour garder des arsenaux conséquents et développer de nouvelles armes, provoquant ainsi une prolifération dite verticale. Mais le tollé mondial provoqué par la reprise des essais nucléaires occidentaux en France en 1995 impose une certaine discrétion. Les programmes nucléaires “civils” permettent d’entretenir une infrastructure industrielle et un savoir faire ; sous couvert d’entretien du stock d’armes, les grandes puissances se sont engagées dans la course à une arme de quatrième génération miniaturisée, utilisable sur le champ de bataille. Elles s’appuient sur la recherche fondamentale qui leur sert d’alibi. Ainsi, par exemple, le laser mégajoule en France met en avant son intérêt pour l’astrophysique : la population se laisse berner et les concurrents avertis peuvent mesurer les progrès réalisés. Mais, le partage de certaines connaissances avec une communauté scientifique non-militaire, nécessaire pour attirer des chercheurs, facilite la prolifération horizontale.
Le développement de ces nouvelles armes est lié à un changement stratégique : avec la fin de la guerre froide, les territoires nationaux ne sont plus directement menacés ; c’est l’accès aux matières premières et ressources énergétiques qui devient primordial. Mais en cas d’utilisation, la frontière qui existe entre les armes classiques et celles de destruction massive risque d’être brouillée et d’entraîner une escalade dans la riposte. Les idéalistes voient là une violation de l’article 6 du traité de non-prolifération : “Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace.” Alors que chaque pays jure de sa bonne foi.
Un désarmement complet n’est réalisable que par étapes ; le plus urgent semble être de sortir de l’état d’alerte. Comme au temps de la guerre froide, des milliers d’armes nucléaires américaines et russes peuvent être déclenchées en quelques dizaines de minutes. Un déclenchement accidentel ou suite à une erreur de jugement, entraînant une riposte immédiate, aurait des conséquences effroyables. Cependant, un désarmement complet et sûr impliquerait un renoncement à de nombreuses activités industrielles et de recherche, telles celles qui ont été interdites à l’Irak par le conseil de sécurité de l’ONU après la première guerre du Golfe. Se priver de recherches sur l’atome, surtout quand on a accumulé des déchets nucléaires dont on ne sait que faire, est-ce vraiment souhaitable ? Placer les activités proliférantes sous contrôle international est nécessaire, mais pas suffisant. Les institutions et traités ad hoc ayant montré leur inefficacité depuis la seconde guerre mondiale, de nouveaux mécanismes sont à inventer, parmi lesquels un contrôle citoyen avec la mise en place d’une protection internationale pour les lanceurs d’alerte.
Il n’est pas besoin, comme on le sait, d’armement nucléaire pour tuer massivement. Mais l’attrait pour ces armes de destruction massive est tel qu’il semble impossible d’en freiner la prolifération, malgré le lourd tribut déjà payé par les pays engagés dans la course folle. Outre le coût financier et humain qui aurait pu trouver des utilisations plus pacifiques, la fascination pour cette arme a fait que tout était permis. Partout, des populations – souvent des minorités ethniques et des appelés du contingent – ont été exposées sciemment aux essais nucléaires atmosphériques. Aux Etats-Unis, près 9.000 cobayes humains ont été, à leur insu, victimes d’expérimentations médicales visant à étudier l’influence des radioéléments. Nombre d’entre eux étaient des enfants. En URSS, l’infrastructure nucléaire était construite par des prisonniers des camps de détention spéciaux. L’environnement a aussi été sacrifié et certains sites ne peuvent plus être réhabilités. C’est bien là l’ironie suprême de la course à l’arme nucléaire, qui sous couvert d’apporter la sécurité absolue à chacun, n’aura conduit qu’à réduire la sécurité de tous.
David Boilley
Bibliographie :
Dominique Lorentz, Affaires atomiques, Les arènes, 2001
Jean Bacon, Les Saigneurs de la guerre : Du commerce des armes, et de leur usage, Les Presses d’aujourd’hui, 1981 et Phébus 2003.
Sven Lindqvist, Maintenant tu es mort ; Histoire des bombes, Serpent à plumes 2002
Conférences Pugwash sur la science et les affaires mondiales, Eliminer les armes nucléaires ; Est-ce souhaitable ? Est-ce réalisable ?, Transition, 1997
André Gsponer et Jean-Pierre Hurni, Fourth generation of nuclear weapons, Technical Report, INESAP, c/o IANUS, Darmstadt University of Technology, D-64289 Darmstadt (mai 1998)
Bruno Barrillot, Audit atomique, éd. du CRDPC, 1999.
Bruno Barrillot, L’héritage de la bombe, éd. du CRDPC, 2002.
Stephen I. Schwartz et al, Atomic audit, Brookings Institution Press mai 1998
Eileen Welsome, The Plutonium Files: America’s Secret Medical Experiments in the Cold War, Dial Press 1999
Avis de l’ACRO transmis à la commission d’enquête publique concernant la « modification substantielle de l’installation nucléaire de base du centre nucléaire de production d’électricité de Paluel – Introduction de précurseurs MOX »
Fierté française, le « recyclage » des combustibles nucléaires usés consiste à ne réutiliser que le plutonium, soit moins de 1 % de leur masse, sous forme de combustible MOX. Et ces combustibles MOX, qui ne sont pas retraités après irradiation, s’entassent dans les piscines de La Hague proches de la saturation. Comme le plutonium a une forte valeur énergétique, cela permet de réduire d’un peu moins de 10 % la consommation de combustibles à l’uranium naturel enrichi, quand tout fonctionne bien.
Actuellement, 22 réacteurs de 900 MW utilisent du combustible MOX au Tricastin, à Dampierre, à Gravelines, à St Laurent, à Blayais et à Chinon. Ces réacteurs, mis en service dans les années 1970, vont donc bientôt dépasser la cinquantaine d’années d’exploitation alors qu’EDF espère pouvoir les utiliser une soixantaine d’années. Sans le moxage de réacteurs plus récents, le retraitement des combustibles usés s’arrêtera faute de débouché pour le plutonium.
EDF a donc pour projet d’introduire du combustible MOX dans la génération suivante de réacteurs, les 1300 MW. Pour cela, elle veut faire des essais avec 4 assemblages dits « précurseurs » dans la tranche 4 de Paluel à partir de 2024. Puis, à partir de 2028, une recharge complète (24 assemblages) sera introduite sur une tranche de Paluel après sa 4ème visite décennale. Enfin, EDF sollicitera l’autorisation de généraliser l’utilisation de MOX sur d’autres tranches, selon le besoin, après 2032. C’est l’objet de l’enquête publique qui a lieu du mercredi 12 avril 2023 au mardi 16 mai 2023.
Le dossier d’EDF fait plus de 6 000 pages et le public n’a qu’un mois pour se l’approprier et se faire un avis. Qui peut sérieusement étudier 200 pages techniques par jour sur ses heures libres ? Pas l’ACRO !
La demande d’EDF a lieu dans un contexte particulier : l’usine Melox, qui fait face à des problèmes de qualité de production des pastilles de combustible MOX depuis 2017, n’arrive plus à fournir les réacteurs 900 MW. Comme le montrent les données d’Orano (voir le graphique ci-dessous) la production de l’usine a été divisée par deux et les plans de redressement tardent à être effectifs. Dans de telles conditions, vouloir moxer d’autres réacteurs n’a aucun sens. Orano doit d’abord faire la preuve que l’usine Melox est de nouveau capable de produire 120 tonnes par an.
Comme les assemblages de combustible des 1300 MW n’ont pas la même géométrie que ceux des 900 MW, il a donc fallu adapter l’usine Melox et l’emballage de transport. Et, à Paluel, il faudra ajouter 4 grappes de commande. Mais ces efforts d’EDF pour moxer des réacteurs 1300 MW auront un impact limité dans le temps puisqu’ils ont déjà plus de quarante ans et que les essais à Paluel vont durer près d’une décennie. Cela ne suffira pas pour justifier la construction d’une nouvelle usine de retraitement, alors que la décision concernant son renouvellement ou pas, doit être prise avant 2030, selon l’ASN.
A plus long terme, il sera, de toutes façons, difficile de justifier une nouvelle usine de retraitement et la poursuite de Mélox pour seulement 7 réacteurs EPR, en supposant qu’EDF arrive à les construire.
En conclusion, la demande d’EDF d’introduire quatre assemblages MOX dits précurseurs dans Paluel 4 fait suite à la loi de Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE 2019 – 2028) qui fixe comme objectif, d’ici à 2035, de réduire la part de la production d’énergie électrique d’origine nucléaire à 50 %. Pour atteindre cet objectif, la PPE propose la fermeture de 12 réacteurs nucléaires de 900 MWe à l’échéance de leur cinquième visite décennale. Mais pour pouvoir préserver le retraitement jusqu’en 2040 « où une grande partie des installations et des ateliers de l’usine de La Hague arrivera en fin de vie », il fallait trouver d’autres débouchés pour le plutonium extrait. D’où la volonté de moxer « un nombre suffisant de réacteurs de 1300 MWe ».
Mais, l’objectif de réduire la part d’électricité nucléaire par l’arrêt des réacteurs 900 MW – les seuls moxés – vient d’être abandonné. Le moxage des 1300 MW ne se justifie donc plus dans un contexte où Mélox n’arrive pas fournir les 900 MW.
A plus long terme, avec la saturation des piscines de combustibles usés, les déboires de Mélox et le vieillissement de l’usine de retraitement dont le renouvellement ne peut pas être justifié avec 7 EPR, c’est toute la gestion des combustibles usés qui doit être repensée en associant la société civile.
Fierté française, le « recyclage » des combustibles nucléaires usés, affiche une piètre performance après 56 ans de développements industriels. En effet, seul le plutonium, soit moins de 1% de la masse des combustibles usés, repasse en réacteur sous forme de combustible Mox. Et ces combustibles Mox ne sont pas retraités après irradiation et s’entassent dans les piscines de La Hague proches de la saturation. Comme le plutonium a une forte valeur énergétique, cela permet de réduire d’un peu moins de 10% la consommation de combustibles à l’uranium naturel enrichi.
Mais, ces dernières années, un changement de procédé à l’usine Mélox a grippé le « cycle » car les pastilles de combustibles Mox qui y sont produites n’ont pas l’homogénéité requise. Les rebuts sont renvoyés à La Hague, sans solution pour le moment. Et là aussi cela sature.
Une étude des données publiées tous les ans par l’ANDRA dans ses inventaires de déchets et matières radioactifs permet d’avoir une idée de l’ampleur du problème. Plongeons-nous dans les chiffres.
Depuis 2001, année de la fermeture de sa dernière mine, la France importe tout son uranium. Pour savoir d’où il vient et en quelle quantité, il faut prendre en compte toute la chaîne de transformations chimiques et nucléaires entre la mine et le réacteur, qui est complexe, et retracer ensuite les échanges commerciaux. Car l’uranium voyage beaucoup et change de pavillon en cours de route. Et le manque de transparence n’aide pas…
Depuis 2001, année de la fermeture de sa dernière mine, la France importe tout son uranium. D’où vient-il ? Difficile de répondre car, entre les mines et les réacteurs, l’uranium voyage beaucoup pour subir un ensemble de transformations chimiques et nucléaires, et change alors de pavillon. Aux Etats-Unis, l’administration publie un rapport annuel complet sur les flux d’uranium et les coûts associés. Euratom publie des données au niveau européen. Mais rien de tel en France et il faut fouiller sur internet pour trouver des données, malheureusement incomplètes.
L’uranium naturel est composé essentiellement de deux isotopes, l’uranium-238 et l’uranium-235 auxquels s’ajoutent des traces d’uranium-234. Seul l’uranium-235 est fissible, mais sa teneur naturelle n’est que de 0,72%. Or, la grande majorité des réacteurs nucléaires de production d’électricité utilisent un combustible dont la teneur en uranium-235 a été enrichie entre 3 et 5%. Il faut donc séparer physiquement les deux principaux isotopes de l’uranium naturel après une série de conversions chimiques, pour obtenir, d’un côté, de l’uranium enrichi à partir duquel le combustible est fabriqué et de l’uranium appauvri qui a très peu de débouchés. L’enrichissement est donc une étape stratégique pour l’industrie nucléaire avec seulement 4 acteurs majeurs : Rosatom en Russie couvre 46% de la production mondiale ; Urenco, avec des usines au Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas et Etats-Unis, détient 30% des parts de marché ; Orano, avec une usine en France, 12% et CNNC en Chine, 11%. Ce dernier ne fournit que la Chine, dont le marché est fermé. Le marché russe est aussi fermé aux enrichisseurs occidentaux, mais Rosatom fournit aussi l’occident, en plus du marché national.
In fine, les assemblages de combustible utilisés par EDF sont fabriqués par sa filiale Framatome, dans ses usines françaises et allemandes et par Westinghouse, dans ses usines en Suède et au Royaume-Uni.
Orano, exploite des mines d’uranium situées au Canada, Kazakhstan, Niger et Ouzbékistan et a des participations dans d’autres mines dont il n’est pas l’exploitant. Mais la compagnie enrichit de l’uranium provenant de presque tous les pays producteurs d’uranium et fournit une soixantaine de clients dans le monde. D’après Le Monde, quatre pays, à savoir le Kazakhstan (20,1 %), l’Australie (18,7 %), le Niger (17,9 %) et l’Ouzbékistan (16,1 %), lui ont fourni les trois quarts de l’uranium naturel importé entre 2005 et 2020.
Entre 1956 et 2003, le parc nucléaire français a eu besoin de 173 837 tonnes d’uranium naturel, soit 11,5% de la demande mondiale, selon le « Red book » de l’OCDE. EDF s’approvisionne auprès d’Orano, qui lui fournit actuellement 40 % de son combustible, d’Urenco et de Tenex, la filiale de Rosatom. Entre 2009 et 2012, années pour lesquelles des données précises sont disponibles, Tenex a enrichi 28% de l’uranium consommé par EDF. Même après l’invasion de l’Ukraine, EDF continue ses achats en Russie, selon le Canard Enchaîné (7/12/2022), alors qu’elle pourrait se fournir ailleurs.
Sans la Russie, impossible de réutiliser une partie de l’uranium récupéré lors du retraitement des combustibles usés. Et, pour sauver le mythe du recyclage, l’industrie nucléaire est prête à s’assoir sur la résolution du parlement européen qui « invite les États membres à mettre un terme à toute collaboration avec la Russie dans le domaine nucléaire, en particulier avec Rosatom et ses filiales ».
Mise à jour du 13 mars 2023
Le 11 mars, Greenpeace a publié un rapport sur les flux d’uranium entre la Russie et la France qui vient compléter notre travail. Il a eu un plus grand impact médiatique que le nôtre…
Dans sa réponse aux médias, EDF ne nie pas l’importation d’uranium enrichi en provenance de Russie tout en opposant le “caractère confidentiel” du détail de ses approvisionnements. Elle précise cependant qu’elle n’a pas “augmenté sa part d’enrichissement de son uranium naturel non russe réalisé en Russie en 2022 par rapport à 2021”.
Et comme l’uranium n’est pas concerné par les sanctions européenne, la compagnie a beau jeu d’affirmer appliquer “strictement toutes les sanctions internationales et/ou les restrictions liées à la non-obtention d’autorisations administratives requises, tout en respectant les engagements contractuels pris”. Et donc elle ne va pas rompre ses contrats avec la Russie, même si son partenaire occupe la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia. Les 16 engagements Responsabilité Sociétale d’Entreprise d’EDF, qui incluent « l’éthique et les droits humains », ne pèse pas bien lourd, comme nous l’avions déjà souligné.
Le 8 février 2023, le gouvernement a annoncé vouloir démanteler l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), l’expert officiel. L’expertise passerait sous la tutelle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et la recherche retournerait au CEA, comme c’était le cas au siècle dernier. La décision a été prise à huis-clos, sans la moindre concertation, officiellement lors du Conseil de Politique Nucléaire qui s’est tenu à l’Elysée le 3 février dernier, mais annoncée plus tard. Cette instance, créée en 2008 par Nicolas Sarkozy, réunit des ministres, le chef d’état-major des armées, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale et l’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique autour du président de la République. Mais, elle n’inclut pas les ministres en charge du travail, de la santé ou de l’environnement…
La ministre de la Transition énergétique a demandé au président de l’ASN, au directeur général de l’IRSN, et à l’administrateur général du CEA, de lui proposer, d’ici fin février, les premières mesures et une méthode de travail permettant de mettre en œuvre ces orientations, avant une feuille de route plus détaillée en vue de la loi de finances 2024. Voir la lettre de mission.
Pourquoi cette décision, prise sans concertation, est inquiétante ?
La recherche et l’expertise se nourrissent mutuellement. En les séparant, le gouvernement va entraîner une perte de compétence et, in fine, affaiblir l’expertise. Ce doit être le but recherché suite aux déboires à répétition de l’EPR de Flamanville, de Melox et à la fragilité du parc nucléaire vieillissant. Et, sous la tutelle du CEA, la part de la recherche dédiée à la sûreté, à la radioprotection et à l’environnement risque de diminuer.
En plaçant l’expertise au sein de l’ASN, il y a un risque que cette dernière cherche à influencer l’avis technique. La séparation des deux acteurs, comme c’est le cas actuellement, oblige à un dialogue approfondi et permet aussi une plus grande transparence dans le processus.
Rappelons que le système actuel est issu des travaux présidés par le député Le Déaut, missionné par le premier ministre en 1998, qui avait mené une large concertation. Dans son rapport il soulignait :
Il faut garder une distinction entre, d’une part le niveau de l’autorité, d’autre part l’expertise.
Un expert en sûreté ne peut pas dépendre d’un exploitant ni d’un grand organisme de recherche promoteur du nucléaire. Il faut séparer administrativement l’IPSN (Institut de protection et de sécurité nucléaire) du CEA (Commissariat à l’énergie atomique).
La décision du gouvernement ne repose sur aucun audit ou étude qui viendrait étayer ce changement majeur de la gouvernance du pays le plus nucléarisé au monde. Sacrifier la sûreté pour gagner quelques mois sur la construction des futurs EPR n’a aucun sens alors que les retards actuels sont techniques et non procéduriers. Le communiqué gouvernemental ne contient ni le mot « concertation » ni le mot « transparence ». Des concepts sans importance, sans doute…
Le fonctionnement de l’IRSN doit être réformé en l’ouvrant plus au monde académique et aux parties prenantes en acceptant une plus grande pluralité d’approches. Il y a aussi la nécessité de garantir la liberté académique à ses chercheurs qui ne sont pas libres de publier ou de parler aux médias. Nous n’oublions pas le licenciement d’une chercheuse de cet institut en 2020, car ses résultats de recherches ne plaisaient pas à sa hiérarchie. En réaction, l’ACRO avait démissionné du Comité d’Orientation des Recherches de l’IRSN où elle siégeait depuis une dizaine d’années. Enfin, sur certains domaines non soumis au secret, il y a nécessité de voir émerger d’autres acteurs, aussi bien en recherche qu’en expertise.
Le sort que promet le gouvernement à l’IRSN va aggraver la situation. L’ACRO, organisme indépendant et citoyen œuvrant à toujours plus de transparence, ne peut que déplorer cette politique gouvernementale, tant sur le fond que sur la forme.
Dans un nouveau communiqué publiéle 23 février, le gouvernement répond indirectement aux critiques et inquiétudes nombreuses qui se sont exprimées de tous les côtés en corrigeant sa copie :
les compétences en matière de recherche et d’expertise en sûreté nucléaire en radioprotection, en protection et surveillance de l’environnement seront maintenues ensemble au sein de la future autorité de sûreté ;
les rôles exécutifs respectivement du contrôle et de l’expertise resteront séparés du rôle de décision et de pilotage stratégique ;
l’information, la transparence et le dialogue technique avec la société devront être garanties.
Cependant, le gouvernement va se contenter d’amender son projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires alors que le sujet aurait mérité une loi à lui tout seul en se donnant le temps de la réflexion et de la concertation. Le gouvernement veut donc réformer autoritairement par décrets, au mépris de la démocratie.
Une réforme du contrôle ne changera rien aux retards et aux surcoûts de l’EPR de Flamanville, aux déboires de Mélox, à la saturation inquiétante des entreposages de combustibles nucléaires et au vieillissement des installations actuelles.
Le samedi 25 février, le gouvernement a déposé un premier amendement à son projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, confirmant ainsi sa volonté de passer en force. Il n’a mené aucune consultation des parties prenantes alors qu’il reste de nombreux problèmes à régler.
Tout tient dans une phrase : “L’Autorité de sûreté nucléaire exerce des missions d’expertise et de recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la radioprotection ainsi que des actions de sécurité civile en cas d’accident radiologique”. Le reste, et l’autre amendement, concernent surtout le statut des futurs agents. L’IRSN ne faisait pas que de l’expertise et de la recherche : que deviendront ses autres activités ? Qu’en est-il de son expertise sur la sécurité ? Et toujours pas un mot sur la gouvernance du nouvel organisme, ni sur la transparence ou la démarche d’ouverture.
La seule justification apportée par le gouvernement est que “le présent projet de loi vise à accélérer et sécuriser les projets de construction de nouveaux réacteurs nucléaires”, sans expliquer comment EDF ira plus vite grâce à cette loi. L’EPR de Flamanville a plus de dix ans de retard !
L’ACRO appelle les députés à voter CONTRE les amendements du gouvernement entraînant la fusion de l’ASN et de l’IRSN car l’impact de cette réforme n’a pas encore été évaluée. De nombreux points restent flous. Par exemple :
la partie expertise du futur ensemble pourra-t-elle publier ses avis avant la prise de décision comme c’est le cas actuellement ?
quel est le sort promis à toute la partie de l’IRSN en charge de l’expertise des installation nucléaires secrètes ?
Une réforme de la sûreté et de la radioprotection ne peut se faire qu’APRES avoir mené de larges consultations avec tous les acteurs et parties prenantes. Les amendements actuels sont prématurés et ne garantissent pas une évolution favorable de l’organisation de l’expertise et du contrôle.
Merci aux députés qui, le 15 mars, ont adopté un amendement maintenant la séparation entre l’ASN et l’IRSN. Le gouvernement a, le lendemain, a déposé un autre amendement – retiré dans la journée – modifiant les finalités du rapport étudiant une fusion des deux organismes.
Lors du débat parlementaire, selon Ouest-France, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a répondu à l’ancienne ministre Barbara Pompili : « Tu sais parfaitement que cette réforme et cette interrogation étaient engagées déjà il y a quelques mois, on ne va pas rentrer dans ce débat-là. » Si tel est le cas, pourquoi avoir agi en secret sans la moindre consultation des principaux intéressés ?
Il faut lancer des assises pour discuter de l’expertise et du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et panser les plaies ouvertes par le projet brutal du gouvernement.
Orano le clame sur son site Internet : « le recyclage permet de récupérer jusqu’à 96 % de matière valorisable dans un combustible usé : 1 % de plutonium, et 95 % d’uranium. Les 4 % restant sont des produits de fission, des déchets ultimes non valorisables. » Il faudrait ajouter les rejets dans l’environnement suivi par l’ACRO… Le plutonium (1%) est recyclé sous forme de combustible MOx. Mais, on a beau fouiller sur le site, la compagnie ne dit rien du recyclage de l’uranium. EDF n’est pas beaucoup plus disert sur l’utilisation de l’uranium de retraitement. Il faut vraiment chercher sur son site Internet pour trouver des bribes d’information.
Pourquoi ces cachoteries ? A peine 2% de l’uranium extrait des combustibles lors des opérations de retraitement (URT) ont été recyclés à ce jour… Et c’était avant 2013, à la centrale de Cruas dans la Drôme. Depuis, plus rien. Il faut dire que cet uranium de retraitement doit être envoyé en Russie pour y être réenrichi où les normes environnementales et de radioprotection sont moins contraignantes. Ainsi, les effluents produits lors de la purification de l’uranium étaient directement injectés dans le sol… Cela fait mauvais genre pour une énergie prétendue propre ! Les contrats ont donc été suspendus en 2013.
Pour sauver le mythe du recyclage, EDF a signé un nouveau contrat de 600 millions d’euros avec la Russie en 2018. Et, promis, cette fois-ci les effluents issus de la purification de l’uranium français seront vitrifiés. Le premier chargement dans un réacteur d’uranium de retraitement réenrichi (URE) est prévu pour 2023. L’invasion de l’Ukraine n’a en rien altéré les plans de la compagnie et une cargaison est arrivée discrètement à Dunkerque le 28 novembre 2022. Greenpeace a permis sa médiatisation.
Les exactions et les crimes de guerre commis par la Russie en Ukraine n’ont pas remis pas en cause les liens avec Rosatom, l’entreprise d’Etat russe en charge du complexe militaro-industriel nucléaire, directement associée à la prise en otage la centrale ukrainienne de Zaporijjia. Des armes y sont entreposées. Les troupes d’occupation n’y respectent pas les règles de sûreté et ont miné le site. Le personnel ukrainien y est persécuté – certains auraient même été torturés. Tenex, le partenaire russe d’EDF qui réenrichit l’uranium de retraitement, est une filiale de Rosatom…
Si EDF rompait ses contrats avec Rosatom, c’en serait fini du recyclage de l’uranium qui devrait alors être classé en déchet ultime. Pour le moment, il est toujours considéré comme matière « valorisable ». Rappelons, qu’il pèse pour 95% des combustibles usés. Alors, entre l’Ukraine et le mythe du recyclage, EDF a choisi. L’industrie nucléaire se comporte donc comme les industries fossiles.
Mais, rassurez-vous, les 16 engagements Responsabilité Sociétale d’Entreprise d’EDF incluent « l’éthique et les droits humains ». Pour cela, la compagnie a déployé un Plan de Vigilance « pour prévenir d’éventuelles atteintes graves aux personnes et à l’environnement qui pourraient être causées par les activités de l’entreprise ou par celles de ses relations commerciales. » Dans son document intitulé Droits humains et libertés fondamentales, Santé et sécurité, Environnement, Ethique des affaires : les engagements et exigences du Groupe EDF, il est écrit que « le Groupe EDF ne tolère aucune atteinte au respect des droits humains et libertés fondamentales dans ses activités propres. Il veille à ce que cela soit également le cas s’agissant d’activités de tiers lorsque celles-ci sont exercées dans le cadre d‘une relation d’affaires avec le Groupe EDF. Le Groupe EDF s’engage à respecter et demande à ses relations d’affaires de respecter, a minima les standards internationaux de protection et de défense des droits humains et des libertés fondamentales, et en particulier la charte internationale des droits de l’homme de l’ONU et les conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail […]. Le Groupe EDF s’engage à accorder une attention particulière aux impacts de ses activités sur les personnes reconnues comme vulnérables par le droit international des droits de l’homme, et demande à ses relations d’affaires d’y accorder la même attention.
Le Groupe EDF s’engage à enquêter en toute transparence, impartialité et bonne foi sur toute allégation d’atteinte aux droits humains ou liberté fondamentale liée aux activités exercées par les entités du Groupe, prestataires et sous-traitants.
Si une atteinte aux droits humains ou libertés fondamentales est avérée dans le cadre de ses activités, le Groupe s’engage à dialoguer avec les victimes et/ou leurs représentants en vue de remédier à la situation. »
A la demande du Réseau sortir du nucléaire, l’ACRO a fait un suivi de la contamination en tritium de l’eau de la Seine et de l’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) à Choisy-le-Roy, de mai à juillet 2022. Il ressort que tous les échantillons sont contaminés à des niveaux qui varient de 10,4 à 22,1 Bq/L.
De telles concentrations sont largement supérieures aux niveaux naturels qui sont actuellement de l’ordre de 1,5 Bq/L en moyenne en France. Le tritium détecté à Choisy-le-Roy provient donc des rejets de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine où un seul réacteur était en fonctionnement à cette époque. Il convient de noter qu’aucune concentration ne dépasse la valeur guide de 100 Bq/L prise en référence par la réglementation françaisepour la qualité des eaux de boisson.
Ce suivi fait écho à la carte de la contamination des eaux destinées à la consommation humaine que nous avions publiée en 2019 à partir de données transmises par le ministère de la santé. Nous alertions sur les risques en cas d’accident grave : comment se ferait l’alimentation en eau potable en cas de dépassement des niveaux maximaux admissibles ? Deux millions de personnes dépendent de l’usine de potabilisation de Choisy-le-Roi.
Des plans “ORSEC eau potable” existent maintenant, mais ils sont secrets.
Dans le cadre de son Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement, l’ACRO effectue une surveillance régulière de la pollution radioactive autour des installations nucléaires de La Hague, ce qui lui a permis, en 2016, de mettre en évidence une pollution inhabituelle dans la zone du Ru des Landes, avec la présence notable d’américium-241 et de plutonium, particulièrement toxiques. Areva, devenue Orano, s’est engagée à reprendre les terres contaminées. Si, en décembre 2022, aucun travail d’assainissement n’a encore été mené, des vaches continuent à y paître. Mais les travaux sont pour bientôt, promis…
L’ACRO reste vigilante et continue les investigations sur ses fonds propres.
Voici une chronologie des informations publiées sur cette pollution :
10 octobre 2016 : l’ACRO alerte sur une pollution à l’américium autour du ruisseau des Landes à la Hague
Dans le cadre de son Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement, l’ACRO effectue une surveillance régulière de la pollution radioactive autour des installations nucléaires de La Hague qui lui a permis de mettre en évidence, au niveau du Ruisseau des Landes, dans les sédiments et mousses aquatiques, du cobalt-60, de l’iode-129, du césium-137 et de l’américium-241.
La présence de ces quatre radionucléides artificiels, et plus particulièrement l’américium-241, est totalement anormale puisque ce ruisseau ne constitue pas un exutoire réglementaire des eaux pluviales recueillies sur le site d’Areva. La campagne de prélèvements ACRO du 17 septembre 2016 montre également que la tache de contamination par l’américium n’est pas localisée en un seul point, MAIS concerne toute la zone humide autour de la source.
Des travaux sont en cours non loin de cette zone, sur le site nucléaire, autour du silo 130 afin d’en garantir l’étanchéité et d’en améliorer la surveillance par ajout de piézomètres. Est-ce que la pollution observée en 2016 est la continuité des fuites de la Zone Nord-Ouest ou est-ce une nouvelle contamination due aux travaux en cours ? Qui va décontaminer la zone extérieure ?
24 janvier 2017 : Areva reconnait la pollution et s’engage à nettoyer la zone.
“AREVA la Hague va mettre en œuvre un plan d’action en vue de reprendre et conditionner les terres marquées en américium 241 dans la zone située au nord-ouest du site. L’usine de la Hague renforce également son programme de surveillance environnementale en planifiant une campagne semestrielle de prélèvements supplémentaires dans la zone en question […]
Les mesures effectuées dans les échantillons de terres et de boues ont mis en évidence un marquage en américium 241, avec une valeur haute de 8 becquerels par kilo de terre humide.”
Areva ne donne pas le détail de ses résultats de mesure.
26 janvier 2017 : l’ACRO publie de nouveaux résultats obtenus qui confirment ses premières analyses et de surcroît, montrent des niveaux de contamination encore plus importants en certains endroits.
Suite aux premières constatations, l’ACRO a décidé de continuer les investigations sur ses fonds propres afin de mieux cerner l’étendue des pollutions observées ainsi que leurs origines. Deux campagnes de prélèvement ont été réalisées les 17 octobre et 16 novembre dernier au cours desquelles ont été collectés une quarantaine d’échantillons. Outre l’américium-241, d’autres éléments radioactifs sont mesurés comme le césium-137, le cobalt-60, l’iode-129. Des mesures des isotopes du plutonium et de strontium-90 sont également en cours.
L’ACRO réitère sa demande que toute la lumière soit faite sur l’origine, l’étendue et l’impact de cette pollution, avec accès à toutes les données environnementales. En attendant, elle continue ses investigations.
2 mars 2017 : l’ACRO publie de nouveaux résultats d’analyse qui confirment la présence de strontium et de plutonium
“L’ACRO a confié à un laboratoire d’analyse suisse accrédité le soin d’effectuer des analyses complémentaires sur des échantillons de sol prélevés autour du ruisseau des Landes à la Hague. Les résultats confirment la présence de strontium-90 et de plutonium – deux éléments particulièrement radiotoxiques – à des niveaux significatifs : jusqu’à 212 Bq/kg de matière sèche pour le strontium et jusqu’à 492 Bq/kg de matière sèche pour les seuls plutoniums 239 et 240 (239+240Pu).”
-> Lien direct vers le communiqué et les résultats.
Areva a réagi immédiatement en publiant son propre communiqué :
“AREVA la Hague a engagé son plan d’actions afin d’analyser et traiter les marquages historiques dans les terres à proximité de la source du ruisseau des Landes, dans la zone située au nord-ouest du site. Une équipe projet a ainsi été mise en place […].
Par ailleurs, les contrôles réalisés dans les échantillons de terre confirment la présence d’un marquage en plutonium, avec une valeur moyenne de l’ordre de 20 becquerels par kilo de terre prélevée, dans la zone la plus marquée (soit environ 200 becquerels par kilo de terre sèche).”
Areva ne publie pas le détail de ses résultats de mesure.
10 mars 2017 : l’ACRO demande l’accès à toutes les données environnementales relatives à la pollution radioactive de la zone du Ru des Landes
“La Charte de l’environnement, adossée à la Constitution et de la convention européenne d’Aarhus, le Code de l’environnement, article L125-10, garantit à toute personne le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les exploitants d’une installation nucléaire de base. Les articles L124-1 et suivants, quant à eux, garantissent le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues, reçues ou établies par les autorités et établissements publics.
L’ACRO a donc saisi Areva, l’ASN, l’IRSN et le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, afin d’obtenir la publication de toutes les données relatives à la pollution radioactive dans la zone du Ru des Landes à La Hague.”
Areva et l’IRSN nous ont envoyé leurs données depuis, mais pas pour les prélèvements les plus récents.
14 mars 2017 : l’IRSN publie un état des lieux de sa surveillance de cette zone depuis 1996
“Des mesures réalisées par l’IRSN en octobre 2016 confirment celles publiées par l’ACRO […]. L’IRSN a réalisé de nouvelles campagnes de prélèvements, notamment début 2017, qui devrait permettre de disposer de meilleurs éléments de caractérisation locale et peut-être d’établir un lien entre certains événements passés et les observations actuelles.”
Les résultats de ces nouvelles campagnes ne sont pas publics.
20 avril 2017 : avis de l’IRSN relatif à la présence de radioactivité artificielle au nord-ouest de l’établissement AREVA-NC de La Hague (publié en mai 2017)
“A la suite de mesures réalisées en 2016 par l’association ACRO indiquant la présence d’américium, de césium, de plutonium et de strontium à proximité de la source du ruisseau des Landes, dans la zone de bocage située au nord-ouest de l’établissement AREVA NC de La Hague, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé à AREVA NC d’expliciter les origines possibles de ces contaminations et les voies de transfert susceptibles de les expliquer, de préciser les risques sanitaires associés et d’examiner la nécessité de compléter son programme de surveillance de l’environnement.
Par lettre citée en référence, l’ASN demande l’avis et les observations de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur la note technique transmise par AREVA NC en décembre 2016, en réponse à cette demande.”
La note technique d’Areva n’est pas publique. Mais l’IRSN précise :
“Dans la note technique transmise en décembre 2016, AREVA NC cite comme origine possible du marquage de la source du ruisseau des Landes, des transferts de radionucléides par les eaux souterraines à partir des fosses bétonnées non étanches de la ZNO. En outre, selon l’étude d’impact réalisée dans le cadre de la demande de démantèlement complet de l’usine UP2-400, un marquage global de cette zone est également attribué aux rejets intervenus lors de l’incendie du silo 130 […].
En conclusion, en l’état actuel des connaissances, l’IRSN considère que les contaminations observées dans la zone située au nord-ouest de l’établissement de La Hague sont à relier à plusieurs évènements pour lesquels des modes de transfert différents sont à considérer […].
Il est toutefois à souligner que tous les marquages en américium 241 et en plutonium constatés, s’agissant notamment des singularités observées en amont et aval de la résurgence de la nappe, ne sont à ce jour pas clairement expliqués.
Par ailleurs, l’IRSN considère que les phénomènes de transfert identifiés ci-dessus pourraient conduire, bien que les entreposages à l’origine des contaminations soient actuellement vides, à une augmentation progressive du marquage au niveau de la source du ruisseau des Landes, qui apparaît comme une zone d’accumulation des contaminants.”
13 septembre 2017 : la pollution au plutonium du Ru des Landes a les honneurs du Canard Enchaîné
5 octobre 2017 : Areva propose de reprendre 25 m3 de terres contaminées sur 40 m2
Pas de détail sur le site Internet d’Areva. Si tout le monde convient que le Ru des Landes est une « Zone à dépolluer » (ZAD), l’ACRO demande :
que l’étendue de la pollution soit bien caractérisée car cette surface nous semble réduite ;
que les mécanismes de transfert soient bien étudiés pour éviter de nouveaux apports ;
que l’impact sanitaire soit étudié de manière pluraliste à partir de 1974.
Janvier 2018 : l’IRSN met en ligne son avis sur le plan de dépollution d’Areva
L’IRSN a mis en ligne son avis n°2017-00376 daté du 4 décembre 2017 relatif à la contamination du Ru des Landes et à la surveillance après travaux (lien direct). Le dossier Areva n’est toujours pas public, mais indiquerait un marquage, en plutonium, américium 241 et strontium 90, des eaux de la nappe alimentant la résurgence. Ce qui signifie que les fuites continuent. L’exploitant prévoit donc un captage des eaux de la nappe pour éviter toute nouvelle contamination des terres au niveau de la résurgence.
Janvier 2019 : Bilan 2015-2017 de l’état radiologique de l’environnement français
Le bilan 2015-2017 de l’état radiologique de l’environnement français (lien direct) publié par l’IRSN rend compte, à partir de la page 309, de la pollution radioactive au Ru des Landes en prenant en compte nos mesures.
Autrement, on attend toujours la consultation promise par l’ASN sur le plan de dépollution proposé par Orano.
Décembre 2020 : L’université de Lausanne et l’ACRO montrent, dans une publication scientifique, que la pollution au plutonium est probablement antérieure à 1983
Les analyses complémentaires effectuées par l’université de Lausanne confirment que l’usine de retraitement est bien à l’origine de cette pollution et permettent de la dater approximativement. Les éléments détectés dans l’environnement suggèrent que le combustible usé traité, à l’origine de cette pollution, est ancien. Lien vers la publication scientifique.
Septembre 2022 : L’ASN autorise enfin Orano à procéder aux opérations d’assainissement des sols à proximité du ruisseau des Landes
Presque 6 ans après la première alerte de l’ACRO, l’ASN, dans sa décision n° CODEP-CAE-2022-0046581, autorise Orano à procéder aux opérations d’assainissement des sols à proximité du ruisseau des Landes. Espérons qu’il ne faudra pas attendre 6 années de plus pour que les travaux soient réalisés. Dans le nucléaire, la gestion des déchets et des pollutions s’inscrit dans le temps long…
L’ACRO va maintenir sa vigilance et sa surveillance radiologique du site. Elle a besoin de votre soutien pour cela.
Un départ de combustibles MOx vers le Japon est prévu dans les jours qui viennent. Cela semble paradoxal dans un contexte où l’usine Mélox ne peut pas produire assez pour fournir les réacteurs nucléaires Edf. En effet, un changement de procédé a induit une forte baisse de la productivité et génère une grande quantité de rebuts qui sont entreposés à La Hague en attendant de trouver une solution. Combien de temps vont-ils rester là ?
En attendant, les rebuts continuent à s’accumuler et, en avril dernier, Orano était très proche de la saturation. Il lui a fallu ouvrir, en urgence, de nouveaux entreposages. Or, en cas de saturation prolongée, c’est l’occlusion qui menace, car il faudra arrêter l’usine Mélox, puis le retraitement, ce qui engendrera une saturation des entreposages de combustibles usés et un arrêt des réacteurs nucléaires, dans une situation énergétique dégradée.
Alors que les entreposages sont dans une situation critique, quelle est la part des rebuts japonais à La Hague ? L’ACRO réclame plus de transparence sur le sujet et un débat démocratique sur la gestion des combustibles nucléaires.
Nous avons été sollicités, dès le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, concernant les risques liés aux combats dans la zone d’exclusion de Tchornobyl. S’il est difficile d’évaluer les conséquences d’un conflit, voici quelques points d’information. Nous suivons de près l’évolution de la situation sur place et cette page sera régulièrement mise à jour :
25 février 2022, attaque de la centrale de Tchornobyl par les armées de la fédération de Russie
4 et 5 mars 2022, attaque de la centrale de Zaporizhzhia par les armées de la fédération de Russie
6 et 7 mars 2022, bombardement d’une source de neutrons à Kharkiv, suite à son bombardement
9 mars 2022, alimentation électrique de la centrale de Tchornobyl coupée
10 mars 2022, l’industrie nucléaire française maintient ses contrats avec la Russie – transformateur électrique endommagé à Zaporizhzhia – source de neutron bombardée une deuxième fois
14 et 15 mars 2022, la ligne électrique vers Tchornobyl à nouveau coupée puis rétablie et des explosions ont eu lieu à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
17 au 19 mars 2022, deux lignes électriques coupées à Zaporizhzhia – une rétablie
22 et 24 mars 2022, des incendies sont signalés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
26 au 28 mars 2022, les troupes de la Fédération de Russie s’emparent de Slavutych, ville où loge le personnel de Tchornobyl et bombardent à nouveau la source de neutrons de Kharkiv
30 et 31 mars 2022, l’armée de la Fédération de Russie se retire de Tchornobyl
6 avril 2022, vidéo des tranchées creusées par l’armée d’occupation dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
9 avril 2022, niveaux de radiations dans les zones occupées de Tchornobyl
20 avril 2022, rétablissement des communications directes avec la centrale de Tchornobyl – la centrale de Zaporizhzhia est toujours occupée sans inspection possible
19 mai 2022 : la Russie veut accaparer le Sud de l’Ukraine et lui vendre l’électricité fournie par la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
2 juin 2022 : bilan du pillage de l’armée russe à Tchornobyl
3 juin 2022 : pénurie de pièces détachées et de consommables à la centrale de Zaporizhzhia
5 juin 2022 : un missile basse à basse altitude au-dessus de la centrale nucléaire du Sud.
20 juillet 2022 : mission de Greenpeace dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
5 – 13 août 2022 : bombardements à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
25-26 août 2022 : centrale nucléaire de Zaporizhzhia totalement coupée du réseau électrique
1er – 3 septembre 2022 : mission de l’AIEA à la centrale de Zaporizhzhia – cas de torture
9 – 17 septembre 2022 : situation de plus en plus tendue à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
19 septembre 2022 : la zone industrielle de la centrale nucléaire de Pivdennoukrainsk bombardée
21 septembre 2022 : la centrale de Zaporizhzhia à nouveau bombardée et l’alimentation électrique du réacteur n°6 temporairement coupée
27-30 septembre 2022 : l’AIEA fait part d’explosions sur le site de la centrale de Zaporizhzhia
1-3 octobre 2022 : arrestation du directeur de la centrale de Zaporizhzhia par les troupes d’occupation
5 octobre 2022 : la Russie annonce prendre le contrôle de la centrale de Zaporizhzhia, qui sera exploitée par Rosatom
Combats à Tchornobyl : quels risques liés à la radioactivité ?
Mis en ligne le 25 février 2022
Notre pensée va d’abord aux Ukrainiens victimes de cette guerre et à leurs proches. En ce qui concerne les risques secondaires par rapport à la guerre, liés au nucléaire, il y a de nombreuses sources d’inquiétude.
Tout d’abord, il y a le corium (mélange de combustibles fondus et de gravats) issu de l’accident nucléaire, mais il est protégé par le sarcophage et le dôme qui a été construit plus récemment. Une attaque sur un réacteur nucléaire en fonctionnement (il y en a 15 en Ukraine) aurait sûrement des conséquences beaucoup plus dramatiques du fait des radioéléments à vie courte comme l’iode-131 présents.
Il y a aussi des piscines d’entreposage des combustibles usés. Il y avait 21 000 assemblages à Tchornobyl il y a quelques années, selon le Journal de l’énergie. Un transfert de ces combustibles vers un entreposage à sec voisin a débuté en 2020 (source). Les conteneurs d’un entreposage à sec sont a priori robustes, mais jusqu’à quel niveau ? Une brèche sur une piscine suite à une attaque pourrait rendre le refroidissement difficile et entraîner des rejets massifs. Ce problème existe aussi pour les centrales nucléaires en fonctionnement car ces entreposages sont mal protégés contre les agressions extérieures et il n’y a pas de confinement pour retenir une partie de la radioactivité qui pourrait être émise. Le maintien du refroidissement des piscines avait été une forte source d’inquiétude lors de la catastrophe de Fukushima et demeure un point de fragilité partout. L’ACRO avait contribué à l’étude de Greenpeace de 2017 sur le sujet.
La sécurité des installations nucléaires est aussi un souci majeur pour le club européen des autorités de sûreté (ENSREG) qui, dans une déclaration datée du 27 février, appelle la Fédération de Russie à respecter le droit international en laissant leur homologue ukrainien (SNRIU) à accéder aux centrales.
Le lac qui servait au refroidissement des réacteurs de Tchornobyl a été l’exutoire des forts rejets radioactifs et de déchets. Il est extrêmement contaminé. Une brèche dans la digue qui le sépare de la Pripiat pourrait entraîner une forte contamination de ce cours d’eau qui se jette dans le Dniepr. Or l’eau du Dniepr sert à l’approvisionnement en eau potable des 8 millions d’habitants de Kyiv. Nous avions déjà souligné ce risque dans l’étude que nous avons faite en sur le projet de voie fluviale E40.
Il y a aussi de nombreux sites de déchets radioactifs disséminés dans la zone d’exclusion, dont l’inventaire n’est pas toujours bien connu. Il est beaucoup plus difficile d’évaluer les risques. Enfin, si le conflit dans la zone devait se poursuivre jusqu’à l’été, un incendie de forêt entraînerait aussi une dispersion de particules radioactives.
Les débits de dose ambiant sur le site de la centrale contrôlés par des balises peuvent être consultés en ligne ici. Ils sont dans une zone où, rappelons-le, personne n’habite, mais où de nombreuses personnes travaillent. Les communiqués de l’AIEA n’apportent généralement aucune information.
Enfin, la menace de la Russie d’utiliser l’arme nucléaire est aussi extrêmement inquiétante. L’équilibre de la terreur supposée nous protéger d’un conflit direct entre puissances nucléaires fait peser une menace inacceptable et, en cas d’utilisation, il n’y aura que des perdants.
A noter qu’EDF et Framatome ont des accords de coopération et des contrats avec Rosatom en Russie.
Combats à la centrale de Zaporizhzhia
4 mars 2022
Comme mentionné dès le début de la guerre, le principal risque nucléaire, outre l’emploi de la bombe atomique, est une perte de contrôle d’un ou plusieurs des 15 réacteurs nucléaires en activité en Ukraine. Les combats autour de la centrale de Zaporizhzhya, avec ses 6 tranches, inquiètent l’ONU (communiqué du 2 mars 2022) et l’AIEA.
Cette centrale a été bombardée dans la nuit du 3 au 4 mars, vers 1h, entraînant un incendie d’un bâtiment administratif, qui a pu être maîtrisé. Les réacteurs seraient intacts, selon l’autorité de sûreté ukrainienne, même si un bâtiment auxiliaire de la première tranche a été endommagé, sans affecter la sûreté. C’est la première fois dans l’histoire qu’une centrale nucléaire en activité est bombardée. Elle est désormais aux mains de l’armée d’envahissement qui peut s’en servir pour faire du chantage. L’autorité de sûreté ukrainienne n’y a probablement plus accès.
Le 4 mars matin,
l’unité 1 était déjà à l’arrêt ;
les unités 2, 3 ont été déconnectées du réseau et le refroidissement des installations nucléaires est en cours ;
l’unité 4 est en service à une puissance de 690 MW (60% de sa puissance) ;
les unités 5 et 6 sont en cours de refroidissement.
Dans une mise à jour publiée le 4 mars à 8h, l’autorité de sûreté ukrainienne précise que “la perte du refroidissement du combustible nucléaire entraînera des rejets radioactifs importants dans l’environnement. Par conséquent, un tel événement peut dépasser tous les accidents précédents survenus dans les centrales nucléaires, y compris l’accident de Tchornobyl et l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Il convient de rappeler qu’en plus des six unités de production d’électricité sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhya, il existe une installation d’entreposage de combustible nucléaire usé, dont l’endommagement par un bombardement entraînera également des rejets radioactifs.”
deux obus ont touché l’entreposage à sec des combustibles usés ;
le personnel sur place a dû rester en poste depuis plus de 24 heures.
Par ailleurs, selon ce nouveau communiqué, le réacteur n°2 alimente en électricité la centrale, le n°3 a été déconnecté et devrait être en “arrêt à froid” et le 4 continue à produire.
L’AIEA n’apporte aucune information complémentaire. Greenpeace a publié une note détaillée sur les installations nucléaire ukrainiennes et les risques potentiels. Dans un entretien avec Le Monde, Petro Kotin, président de l’entreprise qui exploite la centrale, les bombardements ont aussi fait trois morts, tous employés, et deux blessés dont un est entre la vie et la mort. Le personnel continue son travail et l’armée russe contrôle la direction de la centrale.
Quant à Tchornobyl, le personnel sur place serait toujours l’otage des forces d’occupation, selon The Kyiv Independent, et serait épuisé physiquement et mentalement.
A noter qu’un site d’entreposage des déchets radioactifs à Kyiv a été bombardé, sans conséquences radiologiques.
En France, dès le 4 mars matin, l’ASN a activé son centre d’urgence en mode veille afin de suivre l’évolution de la situation dans les installations nucléaires en Ukraine. Par ailleurs, nous avons été sollicités par les médias à propos de l’iode, qui ne protège que la thyroïde des retombées radioactives en iode-131. Pour rappel, en France métropolitaine, moins de 5% de la population bénéficie de comprimés d’iode à la maison pour protéger sa thyroïde en cas d’accident nucléaire, contrairement à la Belgique où tout le pays est couvert. Nous avions réclamé, en vain, l’extension de la distribution à au moins 100 km autour des installations nucléaires françaises.
Le 5 mars, l’autorité de régulation nucléaire ukrainienne a mis en ligne une simulation des retombées radioactives en cas d’accident grave sur une des 6 tranches de la centrale de Zaporizhzhya. Ce jour là, les vents se dirigent opportunément vers la Russie…
Dans un autre communiqué publié le même jour à 8h, l’autorité de régulation précise que le réacteur n°2 est connecté au réseau et fournissait une puissance de 750 MW et que l’unité 4 fonctionne à 980 MW, c’est à dire presque à pleine puissance. Pas de changement pour les autres tranches qui sont arrêtées ou en cours de refroidissement.
L’AIEA a aussi publié un communiqué qui n’apporte aucune information supplémentaire si ce n’est que, selon l’exploitant, Energoatom, le personnel sur place depuis le 23 février a enfin pu être remplacé.
Bombardement d’une source de neutrons à Kharkiv
Le 6 mars 2022, l’Autorité de régulation nucléaire annonce la destruction de la source de neutrons sous-critique de Kharkiv, qu’elle qualifie de “terrorisme nucléaire”. Située au Kharkiv Institute of Physics and Technology, elle aurait été bombardée. Elle venait d’être rechargée en combustible nucléaire neuf et avait été mise à l’arrêt le 24 février, premier jour de l’invasion russe. L’Autorité liste les équipements détruits, mais ne donne pas d’information relative à la sûreté.
A noter qu’un missile Grad a frappé des civils qui faisaient la queue pour acheter de la nourriture dans cette même ville le 6 mars matin.
La centrale de Tchornobyl continue d’être sous le contrôle de l’envahisseur où le personnel fait son travail sans rotation depuis 11 jours, selon un communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire qui n’a plus de liaison directe avec la centrale. De nombreux détecteurs qui surveillent l’état des installations ont été détruits et il n’est pas possible de les réparer. L’Autorité de contrôle signale “une tendance à la détérioration pour un certain nombre d’indicateurs, en particulier la concentration de radionucléides à longue durée de vie dans l’atmosphère. L’occupant viole gravement les exigences de radioprotection et la procédure stricte de contrôle d’accès dans l’entreprise et dans la zone d’exclusion. En particulier, l’agresseur néglige les exigences relatives à l’utilisation obligatoire de sas, au changement de vêtements et de chaussures lors de la visite de zones “sales” de l’entreprise, à la décontamination, entreprend des mouvements incontrôlés de personnel et d’équipements militaires dans l’entreprise, dans la zone d’exclusion et au-delà de ses limites. Cela entraîne à son tour une détérioration de la situation radiologique dans l’entreprise et dans la zone d’exclusion, et contribue à la propagation de la contamination radioactive en dehors de la zone d’exclusion de Tchornobyl.”
La centrale nucléaire de Zaporizhzhia est aussi sous contrôle de l’armée d’occupation. L’autorité de régulation signale une coupure des communications internet et mobile avec la centrale et la forte pression sur les employés qui sont coupés des leurs et manquent d’alimentation.
Enfin, les autorités ukrainiennes et l’exploitant nucléaire ont lancé un appel à l’ONU, l’OSCE et l’UE pour qu’elles interviennent afin d’éviter une catastrophe nucléaire majeure. Dans un communiqué, l’ENSREG, qui regroupe les autorités de sûreté nucléaire européennes, condamne fortement les attaques contre des installations nucléaires par les forces russes et demande à l’armée de quitter les sites afin de garantir la sûreté. Elle signale qu’à Tchornobyl, il ne reste qu’une seule ligne électrique sur 3 pour alimenter la centrale et que les générateurs diesel de secours n’ont du carburant que pour 48 heures. Enfin, les membres de l’ENSREG salue le travail de leur homologue ukrainien dans ces conditions extrêmement difficiles.
L’électricité est indispensable pour garantir le refroidissement des réacteurs arrêtés. La perte de toute alimentation électrique suite au séisme et tsunami au Japon avait conduit à la catastrophe de Fukushima en mars 2011. A Tchornobyl, les combustibles usés sont assez anciens pour que cela ne soit plus un problème. En revanche, c’est un des principaux risques sur les autres centrales en activité. A Tchornobyl, une coupure de courant signifierait l’arrêt de tous les systèmes de surveillance.
Le 7 mars, l’autorité de régulation nucléaire a publié des informations complémentaires sur l’état de la source de neutrons et des photos des dégâts. La situation radiologique sur le site est normale. A la centrale de Zaporizhzhia, il y a des problèmes de connexion internet et d’accès à la nourriture. L’occupation du site par l’envahisseur provoque beaucoup de stress chez les opérateurs. Seuls deux réacteurs fonctionnent car des lignes électriques ont été détruites et il n’est pas possible de distribuer plus d’électricité.
Le 8 mars, la situation n’a pas changé dans les centrales occupées, mais l’horreur continue en Ukraine : l’armée de la Fédération de Russie aurait détruit une soixantaine d’hôpitaux en Ukraine, selon The Kyiv Independent. Et au centre d’oncologie de Kharkiv, il y a des sources radioactives. L’autorité de régulation nucléaire a mis en ligne une nouvelle simulation des retombées radioactives en cas d’accident nucléaire grave et lance un appel à l’aide car les efforts des autres pays n’ont abouti à rien.
L’AIEA, dans son bulletin quotidien, précise que le personnel à Tchornobyl n’a toujours pas pu être remplacé, ce qui inquiétant pour la sûreté. En revanche, pour les autres installations, y compris la centrale de Zaporizhzhia occupée, la relève est possible. De plus, l’AIEA précise que la connexion aux instruments de mesure à Tchornobyl est perdue.
Alimentation électrique de la centrale de Tchornobyl coupée
L’Autorité de régulation nucléaire signale que la seule ligne électrique qui alimentait la centrale nucléaire de Tchornobyl a été coupée le 9 mars à 11h22. Les diesels de secours n’ont une réserve d’essence que pour 48h. La situation est donc critique, mais, comme les 20 000 assemblages de combustibles usés sont anciens, le dégagement thermique est moindre que dans une centrale en activité. Le refroidissement passif pourrait suffire. En revanche, l’absence d’accès aux capteurs rend tout contrôle impossible.
Le site Internet de l’Autorité de régulation nucléaire ukrainienne ne répond plus ce 9 mars au soir. Dans son communiqué quotidiendu 9 mars 2022 l’AIEA précise avoir perdu la connexion avec la centrale de Zaporizhzhya et n’a donc plus accès aux informations qui devraient lui être remontées régulièrement.
Pour ce qui est de la source de neutrons, elle a été complètement arrêtée, selon un communiqué de l’autorité de régulation et les niveaux de radiations ambiants sont normaux.
L’industrie nucléaire française maintient ses contrats avec la Russie et transformateur électrique endommagé à Zaporizhzhia
Présentation surréaliste d’EDF mardi 8 mars devant le HCTISN (document présenté) : il n’est jamais fait mention de la guerre en Ukraine et des sanctions économiques envers la Russie. L’uranium de retraitement réenrichi en Sibérie sera chargé dans les réacteurs de Cruas en 2023, comme si de rien était. Interrogée à plusieurs reprises sur l’impact du conflit en cours, EDF refuse de répondre. Le Haut Comité à la TRANSPARENCE et à L’INFORMATION ne serait pas le lieu pour parler de ce sujet. Le même jour, Le Figaro révèle que l’Etat français est prêt à céder 20% d’Arabelle – les turbines nucléaires rachetées par EDF – au russe Rosatom.
L’industrie nucléaire n’est pas la seule à vouloir maintenir ses contrats avec la Russie à tout prix. Mais il y a urgence à accentuer les sanction contre la Russie car chaque jour qui passe, ce sont des décès et des destructions en plus. Et si le conflit se poursuit, il y aura des pénuries alimentaires dans plusieurs autres pays. Les contrats sur l’uranium de retraitement n’ont aucun impact sur notre approvisionnement énergétique. Ils doivent être suspendus immédiatement.
Serge Haroche, prix Nobel de physique, souhaite, dans une tribune au Monde, des sanctions sévères pour que l’on puisse “nous regarder en face avec moins de honte”.
A la centrale de Zaporizhzhia, un transformateur électrique de la tranche n°6 a été endommagé selon l’Autorité de régulation nucléaire. Faute de pièces et de personnel spécialisé, il n’est pas possible de faire des réparations et de poursuivre les travaux de maintenance. De plus, il y aurait des obus qui n’ont pas explosé sur le site de la centrale et, notamment, dans le bâtiment administratif qui a brûlé lors de l’attaque. Enfin, le site reste sous le contrôle de l’armée d’occupation qui auraient miné un réservoir, selon The Kyiv Independent et deux des lignes à haute tension sont coupées, ainsi que les liaisons internet, ce qui rend le contrôle à distance impossible.
A Tchornobyl, le courant aurait été rétabli par la Biélorussie, selon le ministre de l’énergie russe cité par Reuters. L’AIEA n’est pas en mesure de confirmer cette information. Et le communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire ne fait aucune mention du retour de l’électricité. En cas de coupure complète de l’alimentation électrique, une fois le diesel consommé, la ventilation de la piscine de combustibles usés, avec 19 442 assemblages, s’arrêterait et l’hydrogène pourrait s’accumuler, entraînant ainsi un risque d’explosion. Ce risque n’est pas évoqué dans la note de l’IRSN du jour, ni dans celle de l’AIEA. Cependant, dans un message envoyé à l’ACRO, l’IRSN précise que l’accumulation d’hydrogène est assez lente et qu’il devrait être possible d’aérer les locaux en ouvrant le bâtiment.
Dans un communiquédu 11 mars 2022, l’Autorité de régulation nucléaire ukrainienne précise que le courant n’a toujours pas été rétabli à Tchornobyl, mais que du diesel a été apporté pour les générateurs de secours et que des réparations ont lieu sur les lignes électriques.
La source de neutrons a été bombardée une deuxième fois, le 10 mars 2022 au soir, selon un communiqué de l’autorité de régulation nucléaire ukrainienne, mais les dommages seraient mineurs. Pas de changement à la centrale de Zaporizhzhia, selon un autre communiqué. Mais, selon l’exploitant cité par Reuters, la Russie a tenté de prendre le contrôle de la centrale nucléaire de conception soviétique en y envoyant des cadres de Rosatom, l’exploitant nucléaire Russe. Celui-là même qui devait prendre 20% des turbines Arabelle, en partenariat avec EDF.
Le communiqué du 11 mars au soir de l’AIEA n’apporte aucune information supplémentaire ni analyse. Il ne sert qu’à mettre en scène le patron de l’organisation. Par ailleurs, selon la FAO, 8 millions à 13 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de la faim dans le monde à cause de cette guerre.
Dans un communiqué daté du 12 mars, l’autorité de régulation nucléaire ukrainienne confirme la présence d’au moins 11 personnes de Rosatom sur le site de la centrale de Zaporizhzhia, mais qui n’interféreraient pas avec les opérations. La centrale est toujours exploitée par le personnel d’Energoatom. Cet article de la pravda ukrainienne donne deux versions des faits : d’après le président d’Energoatom, les cadres de Rosatom auraient annoncé à la direction de la centrale vouloir diriger les opérations car les installations appartiendraient désormais à la Russie. Mais, ces cadres auraient affirmé aux médias être là “pour évaluer la sûreté nucléaire et radiologique après le bombardement et la saisie de la centrale, ainsi que pour apporter une aide aux réparations”.
Electricité rétablie à Tchornobyl
La Pravda de Kyiv rapporte, le 13 mars 2022, que l’Ukraine a rétabli l’électricité à la centrale nucléaire de Tchornobyl, permettant ainsi un refroidissement stabilisé des combustibles usés, et dans la commune voisine de Slavutych. La zone est toujours occupée par l’armée de la Fédération de Russie et le personnel sur place (211 personnes) n’a pas été relevé depuis le début de l’offensive, le 24 avril dernier. Il serait épuisé.
Ligne vers Tchornobyl à nouveau coupée, puis rétablie et explosions à la centrale de Zaporizhzhia
La compagnie Energoatom signale sur Telegram que l’armée d’occupation a de nouveau endommagé la ligne électrique vers Tchornobyl. L’électricité avait été rétablie la veille à 19h07, selon la Pravda de Kyiv. Toujours sur Telegram, Energoatom signale que l’armée d’occupation a fait exploser des munitions sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia et le personnel a dû se mettre à l’abri.
L’AIEA, dans son communiqué du soir, confirme aussi la nouvelle coupure de courant, mais signale que la ligne a déjà pu être réparée. Tant mieux ! Pour ce qui est des explosions de munitions, l’organisation dit chercher des informations. Le 15 mars, dans un communiqué, l’Autorité de régulation nucléaire explique que, la veille, les forces d’occupation russes ont fait exploser des munitions qui n’avaient pas explosé lors du bombardement du site le 4 mars 2022 et ce, à proximité immédiate des groupes électrogènes. Elle souligne que l’utilisation d’armes dans les installations nucléaires, y compris l’élimination par détonation des munitions, constitue une menace pour la sécurité des installations nucléaires.
Le ministère des affaires étrangères russe, accuse l’Ukraine de sabotage de ses propres installations, avec la complicité des Etats-Unis et de l’OTAN. Aussi crédible que la “dénazification” du pays… Pendant ce temps là, la guerre continue, les victimes s’accumulent et de nombreuses compagnies françaises refusent toujours de suspendre leurs contrats avec la Russie.
Dans un courrier mis en ligne sur le site de l’Autorité de régulation nucléaire Ukrainienne, Greenpeace dénonce que Mikhail Chudakov, Directeur général adjoint de l’AIEA était, jusqu’en 2015, Directeur général adjoint de Rosatom, la compagnie russe qui est au côté des troupes d’occupation à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Elle demande qu’il soit démis de ses fonctions à l’AIEA car il pourrait transmettre des informations confidentielles à l’envahisseur.
Une troisième ligne électrique coupée à Zaporizhzhia
Le 17 mars 2022, dans un communiqué, l’Autorité de régulation nucléaire indique que le 16 mars à 14h29 une troisième ligne électrique a été coupée à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. La centrale a dû réduire sa puissance et ne produire que ce qui peut être évacuer par le réseau électrique. Il ne resterait plus qu’une ligne. Si elle est coupée, la centrale doit s’arrêter et n’a plus que les groupes électrogènes comme source d’énergie. La situation pourrait alors devenir critique.
La centrale est toujours occupée, mais exploité par le personnel ukrainien qui peut se relayer. L’autorité a mis en ligne une simulation des rejets radioactifs en cas d’accident grave : ils pointent vers la Turquie.
A l’inverse, à Tchornobyl, le personnel est toujours otage des troupes d’occupation et n’a pas pu être remplacé depuis le 24 février. Il en est donc à son 22 ème jour consécutif sur place et est épuisé, tant physiquement que moralement, selon le point quotidien effectué par l’autorité de régulation. Le système de surveillance automatique n’a pas été restauré.
Toujours selon l’autorité de régulation nucléaire, l’alimentation électrique de la source de neutrons de Karkiv a aussi été coupée, sans que cela n’engendre de risque particulier.
Le 18 mars, l’Autorité de régulation nucléaire, fait état d’une coupure temporaire de la ligne électrique de secours qui relie la centrale nucléaire de Zaporizhzhia à une centrale thermique voisine. Cette ligne peut fournir du courant à la centrale nucléaire en cas d’arrêt total de la production électrique, afin de maintenir le refroidissement des combustibles nucléaires. La coupure a eu lieu le 17 mars vers 14h et a été rétablie vers 20h. Sachant qu’il y a 3 lignes haute-tension pour la distribution du courant sur 4 de coupées, la centrale nucléaire était dans une situation vulnérable.
Le site et les environs sont toujours occupés par les troupes de la Fédération de Russie et seules deux tranches produisent du courant car il n’y a pas assez de lignes électriques pour évacuer la production électrique.
Le 19 mars, l’Autorité de régulation nucléaire annonce qu’une des lignes HT (celle dénommée “Kakhovska”) qui dessert la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a été rétablie le 18 mars à 19h48. Cela fait donc un total de 3 lignes disponibles si l’on inclut la ligne de secours vers la centrale thermique. Bonne nouvelle ! La centrale va probablement pouvoir augmenter sa production.
A Tchornobyl, le personnel est toujours otage des troupes d’occupation, depuis 24 jours ! Mais, le 20 mars, selon The Kyiv Independent, 64 personnes retenues à Tchornobyl ont pu partir et être remplacées par 46 volontaires. Et le 21 mars, l’AIEA rapporte que tous les autres ont aussi pu être remplacés.
Des incendies sont signalés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
Plusieurs incendies ont été signalés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl, selon The Guardiandu 22 mars 2022, qui relaie un communiqué du parlement ukrainien. Sept feux auraient été repérés par le satellite Sentinel de l’ESA. Les balises de surveillance de la radioactivité étant débranchées dans la zone, il est difficile d’évaluer l’impact. Cependant, l’AIEA, dans son communiquédu 23 mars, signale une légère augmentation des niveaux de césium-137 à Kyiv et dans des centrales nucléaires de l’Ouest de la zone, mais sans donner aucun chiffre, comme à son accoutumé.
Les autorités ukrainiennes expliquent que la plupart des incendies ont été localisés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl. Une trentaine aurait déjà éclaté depuis le début de l’invasion, sans propagation grâce aux conditions météo. L’IRSN a publié une note avec quelques valeurs de contamination. Plus inquiétant, l’armée russe a attaqué Slavutych où loge une partie du personnel de Tchornobyl, ce qui empêche toute rotation sur le site de la centrale, selon l’autorité de régulation nucléaire.
L’armée de la Fédération de Russie s’emparent de Slavutych, ville où loge le personnel de Tchornobyl
Selon the Kyiv Independent, les troupes d’occupation se sont emparées de la ville de Slavutych, ville où loge le personnel de Tchornobyl, rendant toute relève impossible sur le site de la centrale nucléaire. Le maire aurait été kidnappé pendant un temps, le 26 mars 2022.
La source de neutrons de Kharkiv a aussi été une nouvelle fois bombardée par les troupes d’occupation le 26 mars 2022. Et selon un communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire, le bâtiment qui abrite la source a été endommagé.
Par ailleurs, le 27 mars 2022, le ministère de l’énergie d’Ukraine a annoncé avoir demandé l’expulsion de la Russie de l’AIEA pour terrorisme nucléaire, selon UkInform.net, où, a minima, la réduction de son rôle en retirant tous les postes clés aux représentants de la Fédération de Russie.
La source de neutrons a été de nouveau bombardée le 28 mars 2022, selon l’Autorité de régulation nucléaire. Comme la stratégie des troupes d’occupation est de raser certaines villes, comme Marioupol, au péril de nombreuses vies humaines, ce ne sont pas quelques éléments radioactifs qui vont les arrêter…
L’armée d’occupation aurait commencé à se retirer de Tchornobyl
Selon l’AFP (30 mars 2022), qui cite un haut responsable du Pentagone, les forces d’occupation de la Fédération de Russie auraient commencé à se retirer du site nucléaire de Tchornobyl, sous leur contrôle depuis le premier jour de l’invasion, pour aller au Bélarus. Le 31 mars 2022, ils auraient entièrement quitté le site nucléaire et se prépareraient à quitter aussi Slavutych, la ville qui héberge le personnel, selon Radio Free Europe, financée par les Etats-Unis. Energoatom, qui gère la centrale, confirme sur Telegram qu’il n’y a plus de soldat sur le site nucléaire et indique sur Telegram que les soldats seraient malades après avoir creusé des tranchées dans la zone d’exclusion très contaminée. Certains médias mentionnent que des soldats sont hospitalisés à Gomel, au Bélarus, mais cela reste à confirmer (Cf le message Telegram d’Energoatom). Le Monde mentionne aussi que les troupes de la Fédération de Russie ont pillé le site nucléaire et pris des otages, rapportant un message Telegram d’Energoatom, qui complète en précisant qu’il s’agit de cafetières, bouilloires, ordinateurs… et du pillage d’un hôtel voisin. Dans un communiqué daté du 1er avril 2022, l’Autorité de régulation nucléaire confirme le départ des troupes d’occupation et dit vouloir reprendre les contrôles dans la zone.
Dans son étude sur le corridor fluvial E40, l’ACRO avait estimé les doses qui pouvaient être prises par des travailleurs engagés dans la construction d’un barrage dans la zone d’exclusion de Tchornobyl. L’exposition externe pourrait atteindre 15 mSv pour 2 000 heures de présence et l’inhalation de poussières, plus difficile à évaluer, pourrait atteindre des niveaux similaires. Les soldats russes ont passé moins de la moitié de ce temps dans la zone d’exclusion. Ce sont des niveaux qui dépassent largement la limite annuelle pour le public (1 mSv/an), mais qui n’entraînent pas une hospitalisation.
Vidéo des tranchées creusées par l’armée d’occupation dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
Le 6 avril 2022, la compagnie Energoatom a publié sur son compte Telegram une vidéo aérienne des tranchées qui auraient été creusées par les troupes d’occupation dans la zone d’exclusion de Tchornobyl :
Vidéo mise en ligne le 7 avril 2022 des tranchées qui auraient été creusées par l’armée russe près de la centrale de Tchornobyl. Des mesures de débit de dose sont faites dans la tranchée, mais aucune valeur n’est donnée.
Niveaux de radiations dans les zones occupées de Tchornobyl
9 avril 2022 : Plusieurs personnes se sont rendues dans la zone d’exclusion de Tchornobyl où des tranchées auraient été creusées par les troupes d’occupation de la fédération de Russie. Petro Kotin, le président d’Energoatom, a mesuré entre 3,2 et 4 µSv/h, selon un message Telegram, accompagné de photos et d’une vidéo :
Ce sont des niveaux élevés qui correspondent à peu près au seuil fixé pour l’évacuation des habitants à Fukushima (3,8 µSv/h), mais, en supposant qu’une personne reste continument dans la tranchée pendant 30 jour, elle prend donc une dose externe de moins de 3 mSv environ.
Même en prenant en compte l’inhalation de poussières radioactives, de tels niveaux ne correspondent pas à une irradiation aigüe, comme nous l’avions déjà souligné le 1er avril dernier. Ils ne peuvent donc pas être responsables de l’hospitalisation de soldats, comme cela a été avancé.
Par ailleurs, l’Agence d’Etat en charge de la gestion de la zone d’exclusion rapporte que les serveurs qui gèrent les 39 balises de contrôle de la radioactivité ont été pillées par l’armée d’occupation. Il n’est donc pas possible d’accéder aux données. Elle aurait aussi perdu ses archives.
Rétablissement des liaisons directes avec la centrale nucléaire de Tchornobyl
Selon un communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire, sa liaison directe avec la centrale nucléaire de Tchornobyl est rétablie depuis le 19 avril 2022. Les informations quotidiennes radiologiques et sur l’état de sûreté des installations sont transmises. La rotation du personnel se déroule de manière planifiée. Le déminage du site est toujours en cours par les forces de sécurité. Et des inspections sont menées pour faire un inventaire des matières radioactives et des équipements de surveillance et de contrôle.
La route entre Tchornobyl et Slavutych passant par le Belarus, elle n’est plus empruntée et le personnel est transporté par bateau sur la Pripyat.
Par ailleurs, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia est toujours sous occupation russe avec la présence d’ingénieurs de Rosatom, et il n’est pas possible à l’Autorité de régulation nucléaire d’y mener des inspections, ce qui représente une violation des règles élémentaires de sûreté, comme le rappelle l’Autorité de régulation, dans un communiqué.
Le 5 mai, l’Autorité de régulation nucléaire a annoncé avoir retiré l’accréditation à plusieurs compagnies qui intervenaient à Tchornobyl, non pas à cause de leur faute, mais à cause des risques qui font suite à l’occupation du site. Il n’est plus possible d’y mener des opérations de routine. Et le 12 mai, l’Autorité de régulation signale que la transmission des données depuis Tchornobyl a été rétablie.
Le 19 mai, des membres du gouvernement russe ont déclaré vouloir accaparer tout le Sud de l’Ukraine et récupérer l’exploitation de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. L’électricité servira à la Russie et pourrait être vendue à l’Ukraine, selon l’AFP. Energoatom, l’exploitant, a réagi violemment sur Telegram en précisant qu’il contrôlait toujours la centrale, qu’il n’y avait pas de ligne pour acheminer l’électricité en Russie et que l’Ukraine ne payerait jamais. Et de rappeler que le réseau électrique ukrainien était désormais relié à l’Europe. Mais la Russie devait sûrement parler des régions qu’elle compte annexer.
Le 2 juin 2022, le Washington Post fait un bilan des dommages causés par l’armée de la Fédération de Russie lors de son occupation de la centrale de Tchornobyl : 698 ordinateurs, 344 véhicules, 1 500 dosimètres, des logiciels et presque toutes les pièces des systèmes de protection incendie, pillés ou simplement détruits. Et l’inventaire n’est pas terminé. Neuf personnes y ont été tuées et cinq prises en otage. Le coût des dommages s’élèverait à 135 millions de dollars. Mais, le dommage le plus important est sûrement l’impact psychologique de la guerre et de l’occupation. 36 ans après la pire catastrophe nucléaire de l’histoire, environ 6 000 personnes y travaillent quotidiennement.
Le 3 juin 2022, l’agence Reuters rapporte que la centrale nucléaire de Zaporizhzhia est confrontée à une grave pénurie de pièces de rechange et de matériel consommable qui menace la sécurité de ses opérations, citant le service de renseignement du ministère de la Défense ukrainien. Les rotations de personnel à la centrale nucléaire ont lieu une fois par semaine. Cette information n’a pas été du goût de l’exploitant, Energoatom, qui a violemment réagi sur Telegram.
Le 5 juin 2022, un missile tiré l’armée russe est passé à relativement basse altitude au-dessus de la centrale nucléaire du Sud. Voir les images publiées sur le fil Telegram de l’exploitant :
Le 20 juillet 2022, Greenpeace a rendu compte de sa mission dans la zone d’exclusion de Tchornobyl à l’invitation des autorités ukrainiennes. Son communiqué de presse ne fait pas état de niveaux de contamination inattendus pour cette zone, mais l’organisation souligne que ses valeurs sont jusqu’à 3 fois plus élevées que les relevés effectués par l’AIEA. Ce n’est pas étonnant. Dans son étude sur le projet de voie fluvial E40 qui devait traverser cette zone, l’ACRO avait déjà souligné le fait que l’AIEA sous-estimait l’impact de la pollution rémanente. La conférence de presse de Greenpeace peut être visionnée ici.
Greenpeace a effectué des mesures de débit de dose ambiant ainsi que des analyses d’échantillons de sols prélevés sur place. La vidéo des prélèvements est ici et les photos sont accessibles ici. Pour l’anecdote, l’appareil de terrain qui a servi à faire des analyses par spectrométrie a été testé et étalonné à l’ACRO avant le départ en mission.
Greenpeace a aussi diffusé une vidéo des dégâts dus aux pillages et sabotages de l’armée d’occupation. Enfin, l’organisation a publié une étude des images satellites de la zone lors de l’occupation russe.
Entre le 5 et le 13 août 2022, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a subi des dommages suite à des bombardements répétés. Selon l’exploitant, cette centrale, en zone occupée, serait minée et servirait d’entreposage d’armements afin de les protéger de bombardements ukrainiens. Seraient concernées, les salles des machines des unités 1 et 2, d’après un communiqué de l’autorité de régulation nucléaire daté du 5 août 2022. Une telle situation fait, bien évidemment, courir des risques inacceptables aux employés de la centrale et aux installations.
Le journal d’opposition russe, The Insider, a mis en ligne une vidéo où l’on voit des camions militaires russes livrer un engin dans le bâtiment réacteur de la centrale nucléaire :
L’autorité de régulation fait état de trois bombardements le 5 août à partir de 14h30 dans un communiqué publié le soir même. Une station de production d’azote et un bâtiment auxiliaire auraient été endommagés. Une ligne haute tension a aussi été coupée. Dans une note publiée le 9 août, l’IRSN précise que l’unité n°3 a dû être mise à l’arrêt et que des générateurs diesels de secours ont été activés. Selon les autorités, il n’y aurait pas d’élévation des niveaux de radioactivité. Pour l’AIEA, cette attaque viole 6 piliers de la sûreté nucléaire : les bombardements menacent l’intégrité physique des installations, des installations de secours, augmentent le stress des employés, menacent la sécurité électrique des installations nécessaires au refroidissement des combustibles et rendent beaucoup plus difficile, voire impossible, la gestion de crise.
Le 6 août 2022, l’exploitant fait état d’un nouveau bombardement qui a endommagé l’installation d’entreposage à sec des combustibles usés avec ses 174 conteneurs de 24 assemblages chacun. Des fenêtres et trois balises de détection de la radioactivité auraient été détruites. Un employé a dû être hospitalisé. Selon l’exploitant, les occupants – des militaires et des employés de la compagnie russe Rosatom – se seraient mis aux abris avant l’attaque. Selon l’IRSN, les conteneurs n’auraient pas été endommagés.
Le 11 août 2022, l’exploitant rapporte de nouvelles attaques de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia sans dommages majeurs. Il publie des photos de la station de protection incendie touchée. Une station de pompage et des balises auraient aussi été touchées. Selon l’IRSN, la ligne électrique coupée quelques jours plus tôt a pu être réparée.
Les autorités ukrainiennes soupçonnent la Russie de vouloir couper l’alimentation électrique d’une partie de l’Ukraine et de rediriger la production de la centrale de Zaporizhzhia vers la Crimée. Des pylônes vers la Crimée ont donc été détruits, selon ce post Telegram daté du 11 août de l’exploitant nucléaire :
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Selon cet article du 13 août 2022, les forces d’occupation recherchent les responsables de la destruction du pylône. Et, selon Reuters, la Russie accuse l’Ukraine des attaques contre la centrale nucléaire de Zaporizhzhia.
Selon la BBC, le personnel sur le site de la centrale doit travailler dans des conditions très difficiles, sous la menace des armes. L’armée d’occupation contrôlerait les réseaux de téléphonie mobile et a coupé internet. L’accès à la nourriture y serait limité. La situation psychologique et matérielle des travailleurs augmente le risque d’accident. Des employés auraient aussi été kidnappés.
Rappelons qu’une perte de l’alimentation électrique de la centrale nucléaire pourrait entraîner un scénario à la Fukushima. Les diesels de secours auraient une réserve de fioul de 7 jours, selon WENRA (source). Par ailleurs, la présence d’explosifs sur le site conduit à d’autres scénarios “inimaginables”. Et, dans tous les cas, la catastrophe sera impossible à gérer, aussi bien à la centrale qu’à l’extérieur.
La centrale nucléaire de Zaporizhzhya aurait à nouveau été bombardée le 13 août 2022 selon l’Ukrainska Pravda. De nombreuses personnes quitteraient Enerhodar, la ville voisine occupée, de crainte d’un accident nucléaire comme on peut le voir sur cette vidéo :
A huge convoy of cars is trying to leave occupied Enerhodar. People are leaving their homes next to Zaporizhzhya NPP, controlled by Russian terrorists, blackmailing the world with a nuclear catastrophe. Today Russians again shelled nuclear station. pic.twitter.com/x3UspAl5Uu
Les 25 et 26 août 2022, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a été complètement coupée du réseau électrique pour la première fois de son histoire. Selon l’autorité de régulation, la connexion a été perdue à au moins deux reprises, le jeudi 25 août. Sans pouvoir évacuer l’électricité produite, il a fallu arrêter les réacteurs 5 et 6, les seuls encore en activité. Et comme de l’électricité est nécessaire au refroidissement des combustibles, les diesels de secours ont été mis en service. Sur le papier, selon les stress tests post-Fukushima, la centrale peut tenir 7 jours ainsi, mais il vaut mieux ne pas avoir à tester les limites en situation réelle…
Toujours selon l’autorité de régulation, les lignes électriques ont pu être rétablies le 26 août et les deux réacteurs nucléaires remis en service. A noter, que des canalisations d’eau ont aussi été endommagées. La situation sur place s’est approchée de celle de Fukushima où il y a eu perte de l’alimentation en eau et en électricité. Et c’est un personnel épuisé, en état de stress lié à l’occupation par l’armée russe qui a dû gérer cette situation.
Selon Energoatom sur Telegram, le feu a pris dans une centrale à charbon située près de la centrale et a endommagé la dernière ligne électrique disponible, les autres ayant été coupées par l’occupant.
Le 1er septembre 2022, une mission de 16 inspecteurs de l’AIEA, menée par son directeur général, a pu se rendre sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Cinq inspecteurs restent sur place. Le reste de la délégation est reparti au bout de quelques heures.
Le directeur de l’AIEA a déclaré aux médias avoir pu “rassembler beaucoup d’informations” et avoir “vu ce qu’il avait besoin de voir”. On n’en saura pas plus pour le moment. Et d’ajouter que l’intégrité physique de cette centrale avait été violée à plusieurs reprises, ce qui était déjà connu de tous.
Le réacteur n°5 a dû être à nouveau arrêté durant la nuit, suite à des bombardements. Le 6 reste en activité, selon l’autorité de régulation.
Le 2 septembre 2022, l’AIEA a dit que deux inspecteurs resteraient sur place. Quant à l’exploitant, il a remis en service le réacteur n°5.
Le quotidien britannique The Telegraph et le journal russe d’opposition The Insider rapportent que des employés de la centrale de Zaporizhzhia ont été torturés. Certains sont détenus dans des conditions très difficiles par l’armée russe.
Et, le 3 septembre 2022, toutes les lignes vers le réseau électrique sont à nouveau coupées, suite à des bombardements. Seule une ligne de secours vers la centrale thermique est disponible. Le réacteur n°5 a de nouveau été arrêté et l’électricité produite par le réacteur n°6 est évacuée vers la centrale thermique avant fournie au réseau, selon AIEA.
La présence d’inspecteurs internationaux n’apporte rien à la sécurité du site.
Le 5 septembre 2022, le dernière ligne électrique de secours a été coupée par des bombardements, selon l’exploitant, et la centrale est à nouveau complètement coupée du réseau, malgré la présence de l’AIEA. La puissance du réacteur n°6 a été fortement réduite pour ne fournir que l’électricité nécessaire à la centrale, selon l’AIEA. Selon l’IRSN, la fiabilité de cette disposition, qui n’est pas une disposition d’exploitation courante, est limitée. Ce n’est de plus pas une solution pérenne.
Par ailleurs, quatre des six représentants de l’AIEA ont achevé leur travail à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, selon l’exploitant, et ont quitté le site de la centrale. Il est prévu que les deux autres experts continuent à travailler à la centrale de manière permanente (voir aussi, en anglais).
Enfin, selon Le Monde, Enerhodar, la ville qui héberge les travailleurs de la centrale de Zaporizhzhia, se vide de ses habitants.
Le 7 septembre, l’AIEA a mis en ligne son premier rapport de mission à la centrale nucléaire de Zaporizhzhya. Pas grand chose de neuf. Après avoir rappelé que les 7 piliers de la sureté ont été violé, le rapport mentionne des dommages liés aux bombardements, avec deux photos. En toute logique, l’AIEA appelle à l’arrêt des combats, mais cela devrait être sans effet. L’organisation de l’ONU confirme aussi la présence de troupes russes, de matériel militaire, sans plus de précision, et d’ingénieurs de Rosatom, la compagnie russe. Et de demander le retrait des véhicules militaires. Le personnel ukrainien de la centrale, en nombre insuffisant, n’a pas librement accès à toutes les zones. A ces problèmes s’ajoute le stress permanent qui pause aussi des problèmes de sûreté. Et l’AIEA demande l’établissement d’un environnement de travail plus serein… et l’accès à toutes les zones. Idem pour les lignes électriques coupées, elles doivent être rétablies, ainsi que la fourniture de matériels nécessaires à l’exploitation de la centrale. Il faudrait aussi refaire des exercices de crise… Bref, il est difficile de voir ce qu’a apporté cette mission.
Le 9 septembre 2022, le DG de l’AIEA alerte que la ville d’Enerhodar, où loge le personnel de la centrale nucléaire de Zaporizhzhya, n’a plus de courant suite à des bombardements nocturnes. Cela signifie plus d’eau potable non plus. La situation y est devenue intenable et la fatigue du personnel rend la centrale nucléaire plus vulnérable. De nombreux opérateurs pourraient quitter la ville. Et comme les bombardements continuent, il est peu probable que la centrale puisse être reconnectée au réseau électrique et l’exploitant n’a plus aucun intérêt à garder un réacteur en fonctionnement, même réduit. Si ce réacteur est arrêté, la centrale ne sera plus refroidie qu’avec les diesels de secours. Et s’ils manquent de carburant ou s’ils tombent tous en panne, il n’y a plus de solution d’ultime secours. La situation de la centrale nucléaire est donc de plus en plus précaire.
Le 11 septembre 2022 à 3h41, le réacteur n°6 a été mis à l’arrêt, selon l’exploitant (voir aussi le communiqué de l’Autorité de régulation). Cela faisait trois jours qu’il était en situation d'”îlotage” avec une puissance réduite (114 à 140 MW) pour alimenter les seuls besoins de la centrale. Mais, comme une ligne électrique (celle de secours à 330 kV) a pu être rétablie la veille, afin d’assurer les besoins électrique, il n’était plus nécessaire de maintenir le réacteur n°6 dans cet état. L’électricité et l’eau courantes ont été rétablies à Enerhodar, mais la situation reste précaire et en cas de nouvelle coupure de la ligne, il faudra activer les générateurs diesels de secours. L’exploitant dit faire son possible pour accroître ses réserves de carburant, qui permettraient de tenir 10 jours, selon l’autorité de régulation nucléaire.
Et le 13 septembre 2022, selon l’AIEA, 3 lignes électriques ont été rétablies, ce qui est rassurant. Une fournit la centrale en courant et les deux autres sont là en secours. Il n’est pas question de remettre des réacteurs en service pour le moment. Le 17 septembre 2022, c’est au tour de la ligne haute tension de 750 kV d’être rétablie, selon l’AIEA. Les trois lignes rétablies précédemment redeviennent des lignes de secours, ce qui renforce la sécurité de l’alimentation électrique du site et le maintien à froid des combustibles nucléaires. Il y a toujours trois lignes à haute tension de 750 kV de coupées. Par ailleurs, l’exploitant a augmenté ses réserves en diesel pour les générateurs de secours.
Le 19 septembre 2022, dans un communiqué, Energoatom accuse la Russie d’avoir bombardé une zone industrielle située à proximité de la centrale nucléaire du Sud (google map), à 00h20 locales. Une puissante explosion se serait produite à seulement 300 mètres des 3 réacteurs en fonctionnement. Elle n’a pas fait de morts ou de blessés, mais aurait soufflé une centaine de fenêtres dans le bâtiment de la centrale et provoqué une brève coupure de trois lignes de haute tension à la centrale. Une des unités hydroélectriques du barrage voisin a été arrêtée.
La compagnie a diffusé des images de l’explosion et des dégâts sur sa chaîne Telegram :
Le 21 septembre 2022 à 1h13, heure locale, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a de nouveau été bombardée, selon l’exploitant. Deux transformateurs ont été endommagés, entraînant la coupure de l’alimentation électrique du réacteur n°6. Deux générateurs diesel de secours ont été immédiatement mis en service pour assurer le refroidissement des combustibles usés. Vers 2h, le réacteur n°6 a pu être raccordé aux autres tranches de la centrale et les diesels de secours ont pu être arrêtés. L’exploitant impute le bombardement à la Russie et rappelle qu’il y a deux inspecteurs de l’AIEA sur place.
Et l’AIEA d’ajouter qu’un autre bombardement, le 20 septembre 2022, de l’un des bassins de refroidissement par aspersion du site. Un tuyau a été endommagé, mettant le bassin hors service en attendant les réparations. Espérons qu’il y a des systèmes d’adduction d’eau de secours, car à Fukushima, il y a eu coupure d’électricité et d’eau. De plus, des tirs d’obus ont également été signalés sur le site industriel autour de la centrale thermique, situé à quelques kilomètres.
Les 27 et 28 septembre 2022, l’AIEA fait part d’explosions sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Celles du 27 septembre auraient brisé des vitres dans un des bâtiments turbine. Et, le 28 septembre, l’AIEA fait part d’autres explosions qu’elle attribue, comme celles de la veille, à des passages d’animaux sur des mines. Et, le 30 septembre, l’AIEA signale dans un tweet qu’il y aurait eu 6 explosions de mines en une semaine.
Le 1er octobre 2022, le directeur de la centrale de Zaporizhzhia, Ihor Murashov, a été arrêté la veille vers 16h par les troupes d’occupation russes alors qu’il se rendait à Energodar, selon l’exploitant. L’AIEA a réagi immédiatement, selon un communiqué, et a demandé des explications à la Russie. Les explosions de mines sur le site de la centrale continuent. Et, le 3 octobre, il a été libéré et a pu rentrer chez lui, toujours selon l’exploitant qui souligne l’impact de la pression internationale et de l’AIEA.
Le 5 octobre 2022, un décret signé par le président Poutine prend possession de la centrale de Zaporizhzhia et en confie l’exploitation à une filiale de Rosatom enregistrée à Moscou, ce qui a provoqué l’ire de l’exploitant nucléaire ukrainien, Energoatom, dans un message Telegram :
L’autorité de régulation nucléaire, de son côté, a rappelé, dans un communiqué, que le décret du Président Poutine était sans valeur car elle était la seule habilité à délivrer des licences d’exploitation. Quant à l’AIEA, elle ne prend pas position dans son communiqué et dit vouloir engager des consultations… Son communiqué du 6 octobre est tout aussi ambigu : les derniers développements entraîneraient de la confusion sur qui à la charge de l’installation ! La réaction française, quant à elle, ne souffre d’aucune ambiguïté dans son affirmation de la pleine et entière souveraineté ainsi que la propriété de l’Ukraine sur la centrale nucléaire.
Iode
L’ACRO réclame depuis des années une extension de la distribution de comprimés d’iode au-delà des 20 km autour des centrales nucléaires françaises. Rappelons qu’en Suisse, cette distribution a été étendue à 50 km et en Belgique à 100 km. Mais, comme nous l’avons déjà souligné, en France métropolitaine, moins de 5% de la population bénéficiera de comprimés d’iode à la maison pour protéger sa thyroïde en cas d’accident nucléaire.
Quelle surprise donc de découvrir qu’en plein mois d’août 2022, des comprimés d’iode sont distribués à toute la population des Vosges, selon l’Est-Républicain, département où il n’y a pas d’installation nucléaire. Est-ce lié au risque d’accident à la centrale nucléaire de Zaporizhzhya en Ukraine ? Si oui, pourquoi seulement les Vosges ?
En fait, il ne s’agit pas d’une distribution à la population, mais seulement la reconstitution des stocks et une vérification que les infrastructures de distribution sont bien opérationnelles en cas de besoin. Certains maires auraient mal interprété le courrier de la préfecture et informé les habitants, par erreur. Voir un exemple de missive sur le site Internet du Républicain Lorrain. Par ailleurs, il n’y a aucune information relative à l’iode sur le site de la préfecture des Vosges et c’est bien dommage…
L’industrie nucléaire française n’a toujours pas rompu ses contrats avec l’industrie nucléaire russe, afin de maintenir l’illusion du recyclage de l’uranium de retraitement.
Le 7 avril 2022, le parlement européen a adopté une résolution réclamant l’imposition d’un embargo « total et immédiat » sur les importations « de pétrole, de charbon, de combustible nucléaire et de gaz » russes. Lire le communiqué. Mais, la résolution est non contraignante…
Et le 13 août 2022, le président Zelenskyy a appelé à des sanctions contre l’industrie nucléaire russe (source). EDF et Orano vont-ils enfin rompre leurs contrats avec Rosatom ?
Selon Greenpeace, le 24 août 2022, au port de Dunkerque, 52 fûts contenant de l’uranium enrichi en Russie ont été déchargés du cargo Mikhail Dudin en provenance de Saint-Pétersbourg. Ils ont ensuite été chargés dans des camions qui ont pris la direction de la vallée du Rhône, où se trouvent les sites nucléaires de Pierrelatte et de Romans-sur-Isère.