Fondements éthiques de la radioprotection – Ethical Foundations of Radiological Protection

English below

Le projet de rapport en anglais sur les fondements éthiques du système de radioprotection a été soumis à la consultation du public sur Internet. Ce document inclut les commentaires de l’ACRO.

La CIPR explique que le but de ce projet de rapport est de « décrire comment la Commission a utilisé les critères éthiques pour développer le système de radioprotection, avec comme objectif de présenter de façon cohérente comment l’éthique fait partie du système ». Cependant, ce n’est pas ce qui fait dans le projet de rapport.

La CIPR analyse plutôt comment les trois principes de la radioprotection – la justification, l’optimisation et la limitation – qui sont au cœur du système et qui s’appliquent aux différents modes d’exposition, sont reliés à quatre critères éthiques : la bienfaisance/non-malfaisance, la prudence, la justice et la dignité. Elle ne regarde jamais si ces valeurs éthiques sont pleinement prise en compte par les règles de radioprotection.

La CIPR remarque que « cet intérêt récent pour la dimension éthique de la radioprotection n’est pas sans relation avec les difficultés rencontrées durant des décennies par les professionnels de la radioprotection face aux questions et inquiétudes des citoyens. L’accent mis traditionnellement sur la science des radiations s’avère être insuffisant et il est maintenant reconnu que les dimensions éthiques et humaines des situations d’exposition sont importantes, et parfois décisives dans le processus de décision et dans la communication. » La CIPR cite comme exemples la gestion des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, la gestion des déchets nucléaires et l’augmentation des applications médicales. Dans tous ces cas, les recommandations de la CIPR ont été critiquées et contestées par les personnes exposées. Les valeurs éthiques sont donc vue comme un moyen de communication.

Nous rappelons ici les trois principes fondamentaux du système de radioprotection par soucis d’exhaustivité :

  • « Le principe de justification qui dit que chaque décision qui change la situation d’exposition doit faire plus de bien que de mal. Cela signifie qu’en introduisant une nouvelle source de radiation dans des situations d’exposition planifiées, ou en réduisant l’exposition dans des situations d’exposition existantes ou d’urgence, on doit obtenir un bénéfice suffisant qui compense tous les coûts ou les conséquences négatives. Les bénéfices sont réputés s’appliquer à la société dans son ensemble, à des individus et aussi aux biotes.
  • Le principe d’optimisation qui stipule que toutes les expositions doivent être maintenues aussi bas que raisonnablement possible en prenant en compte les facteurs économiques et sociétaux. C’est une procédure reliée à la source, visant à obtenir le meilleur niveau de protection dans les circonstances actuelles grâce à un processus continu et itératif. Ce principe est la clé de voute du système de radioprotection. De plus, afin d’éviter les conséquences inéquitables de la procédure d’optimisation, la Commission recommande de limiter les doses aux individus et aux biotes pour une source donnée.
  • Le principe de limitation, qui déclare que les expositions individuelles ne doivent pas dépasser les doses limites recommandées par la Commission et qui ne s’applique qu’aux expositions planifiées autres que les expositions médicales et aux expositions des biotes. »

Les deux premiers principes peuvent conduire à des situations conflictuelles. Le bénéfice de quelques personnes ou de la société dans son ensemble peut conduire à exposer d’autres personnes qui ne bénéficient pas de cette exposition. De même, les facteurs économiques et sociétaux sont suffisamment vagues pour conduire à des situations conflictuelles qui ne sont jamais abordées dans le projet de rapport. C’est le cas, par exemple, avec les mines d’uranium dans des pays qui n’ont pas d’énergie nucléaire. Les riverains ne bénéficient pas de la mine alors qu’ils sont exposés aux poussières radioactives. Leurs propres facteurs sociétaux et économiques ne pèsent pas lourds devant ceux des pays où sont implantés les centrales nucléaires.

En ce qui concerne les situations d’exposition existantes qui font suite à un accident nucléaire de grande ampleur, les facteurs économiques et sociétaux des habitants des territoires contaminés ne sont pas ceux des personnes vivant dans les autres parties du pays. Ainsi, par exemple, les premiers veulent vendre leurs produits agricoles et ces derniers veulent éviter une contamination interne.

Ces deux exemples soulèvent des questions éthiques difficiles qui ne sont jamais abordées dans le projet de rapport.

Regardons maintenant les quatre critères éthiques. La CIPR explique que « la bienfaisance signifie promouvoir ou faire le bien, et la non-malfaisance, éviter la causalité du préjudice […]. Dans un sens plus restreint, la bienfaisance inclut la considération des bénéfices directs pour les individus, les communautés et l’environnement. l’utilisation des rayonnements, bien qu’associée à certain risques, peut, sans aucun doute, avoir des conséquences désirables, comme l’amélioration des diagnostiques ou de la thérapie en médecine, ou encore la production d’électricité. Cela doit être mis dans la balance face aux conséquences préjudiciables. »

La CIPR reconnaît que l’évaluation de la bienfaisance et de la non-malfaisance est un défi mais n’a rien d’autre à proposer « qu’une telle évaluation [soit] transparente pour ce qui est pris en compte, qu’elle reconnaisse les désaccords éventuels et qu’elle aille plus loin qu’une simple comparaison des impacts directs sur la santé et des coûts économiques. » La CIPR ne fournit aucun exemple de bonne pratique découlant de ces recommandations qui sont rarement mises en œuvre.

« La prudence est la capacité à faire des choix éclairés et soigneusement considérés sans la connaissance complète de la portée et des conséquences de ces actions […]. Les implications de cette attitude prudente ont été importantes pour la structuration du système de protection radiologique. » Cependant, les limites d’exposition ont toujours été réduites aux cours des années et la CIPR ne se demande jamais si ces recommandations étaient suffisamment prudentes dans le passé.

La CIPR note que « ni la prudence ni le principe de précaution ne devraient être interprétés comme une demande de risque zéro, le choix de l’option la moins risquée ou l’exigence d’actions pour l’action ». Mais les populations ont le droit de choisir l’option la moins risquée et d’exiger des actions dans le souci d’une meilleure protection.

« La justice est généralement définie comme l’équité dans la distribution des avantages et des inconvénients entre les groupes de personnes (justice distributive), l’équité dans la compensation des pertes (justice réparatrice) et l’équité dans les règles et les procédures relatives aux processus décisionnels (justice procédurale) […]. Comme pour les contraintes de dose et les niveaux de référence, les limites de dose sont des outils pour restreindre l’exposition individuelle afin d’assurer l’équité dans la répartition des risques parmi le groupe d’individus exposés. »

Avant de considérer une distribution « équitable » des risques, on doit se demander si ces risques sont acceptables ou non.

De plus, certaines catégories de personnes sont plus sensibles aux radiations que d’autres. C’est le cas, en particulier, des enfants et bébés. La justice devrait impliquer une meilleure protection avec des limites plus faibles pour eux. C’est une forte demande des familles vivant dans les environs de la centrale de Fukushima daï-ichi. Certaines d’entre elles ont évacué sans le moindre soutien afin de protéger leurs enfants.

De la même manière, les individus ne sont pas tous égaux en terme de patrimoine génétique et une partie de la population présente des hypersensibilités face aux effets néfastes des radiations (1 à 3% sont hétérozygotes pour l’ataxie télangiectasie). Le système de radioprotection ne peut être construit pour protéger la majorité des citoyens, mais tous les citoyens.

Anand Grover, Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’Homme, note, dans son rapport sur la situation à Fukushima que « les recommandations de la CIPR sont basées sur les principes d’optimisation et de justification, selon lesquels toutes les actions du gouvernement devraient tendre à maximiser les bénéfices sur les détriments. Une telle analyse risques-bénéfices n’est pas en accord avec le cadre du droit à la santé car il privilégie les intérêts collectifs par rapport aux droits individuels. En vertu du droit à la santé, le droit de chaque individu doit être protégé. »

La CIPR ne traite pas cette question de la santé individuelle dans son projet de rapport. Comment peut-elle espérer répondre aux exigences des populations et être comprise par elles ?

« La justice intergénérationnelle a été traitée par la Commission pour la gestion des déchets radioactifs […]. La Commission introduit des responsabilités vis à vis des générations futures en leur donnant les moyens d’assurer leur protection. » La justice pourrait aussi être étendue à des considérations spatiales en interdisant l’exportation des déchets radioactifs vers des pays étrangers qui ne bénéficient pas de la production d’électricité.

La mise en œuvre de la radioprotection nécessite un système démocratique pour éviter les abus. Cependant, la démocratie n’est pas retenue comme critère éthique par la CIPR.

Dans ce projet de rapport, l’application des principes éthiques est limitée à quelques sujets comme la gestion des déchets. Ces principes sont essentiellement utilisé pour justifier a posteriori les choix faits par la CIPR. L’ACRO pense que les valeurs éthiques doivent être entièrement appliquées à tous les aspects de la radioprotection et que la Commission devrait se demander si elle a atteint ce but. Les exemples présentés plus haut montrent que ce n’est probablement pas le cas.

Finalement, la CIPR considère les valeurs procédurales et introduit la responsabilité, la transparence et l’inclusion (participation des parties prenantes). « La responsabilité peut être définie comme le critère éthique procédural qui implique que les personnes en charge de la prise de décision soient redevables de leurs actions envers ceux qui susceptibles d’être affectés par ces actions. En terme de gouvernance, cela signifie l’obligation pour les individus ou les organisations de rendre compte de leurs actions, d’en accepter la responsabilité et d’être prêt à en assumer les conséquences si nécessaire. »

La transparence « concerne l’équité du processus à travers lequel l’information est intentionnellement partagée entre les individus et/ou les organisations […]. La transparence ne signifie pas simplement la communication ou la consultation. C’est relié à l’accès à l’information relative aux activités, délibérations et les décisions en jeu, et aussi à l’honnêteté avec laquelle cette information est transmise. Cela fait partie de la responsabilité sociale des entreprises, en veillant à ce que les décideurs agissent de manière responsable dans les domaines social, économique et environnemental, dans l’intérêt des individus et groupes concernés. »

Enfin, « la participation des parties-prenantes, aussi appelée implication ou engagement des parties prenantes, signifie « impliquer toutes les parties concernées dans les processus décisionnels liés à la protection radiologique ». »

L’ACRO soutient fortement l’application de ces valeurs procédurales et estime qu’elles devraient être mise en œuvre dès la phase de justification. Bien que cela ne soit pas mentionné dans le projet de rapport, c’est déjà une exigence de la convention d’Aarhus pour ce qui concerne l’environnement. Cela devrait être étendu à la radioprotection.

Le projet de rapport mentionne : « l’expérience de la gestion des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, et plus récemment l’accident de Fukushima, montrent que l’autonomisation des personnes affectées les aide à retrouver la confiance, à comprendre la situation à laquelle elles sont confrontées, et enfin, à prendre des décisions éclairées et à agir en conséquence. » Cela n’est vrai que pour un nombre très limité de personnes. La plupart des citoyens vivant dans les environs de la centrale de Fukushima daï-ichi ne font toujours pas confiance aux autorités. La « responsabilité » et la « transparence » ont été ignorées par les autorités japonaises. La limite arbitraire d’évacuation fixée à 20 mSv/an n’a jamais été expliquée ni justifiée. Les personnes qui refusent cette limite peuvent n’avoir pas d’autre choix que de rester à cause des contraintes économiques.

C’est dommage que la CIPR n’ait pas cherché à comprendre la situation des territoires contaminés dans son ensemble et ait limité ses fameux « dialogues » à un nombre limité de personnes qui sont d’accord avec elle. Elle aurait beaucoup plus appris sur les conséquences de ses recommandations en parlant à toutes les catégories de personnes.

En conclusion, l’ACRO estime que l’étude des fondements éthiques de la radioprotection est nécessaire mais qu’elle n’est pas complète dans ce projet de rapport. Cela devrait être soumis à différentes parties prenantes et discuté par d’autres moyens qu’une simple consultation sur Internet.


English version

The draft ICRP report Ethical Foundations of the System of Radiological Protection has been submitted for public consultation on the Internet. The present document includes comments from ACRO.

ICRP claims that the purpose of the draft report is to “describe how the Commission has used ethical values in developing the system of radiological protection with the objective of presenting a coherent view of how ethics is part of this system”. Actually, this is not what is really done in the draft report.

ICRP rather consider how the three fundamental principles of protection – justification, optimisation, and limitation – that are central to the system and apply to the different types of exposure situations are related to four core ethical values: beneficence/non-maleficence, prudence, justice and dignity. It never considers whether these ethical values are fully taken into account in radiation protection rules.

ICRP notes that “this relatively recent interest in ethical aspects of radiological protection is certainly not unrelated to the difficulties encountered for decades by radiological protection professionals facing the questions and concerns of citizens. The traditional emphasis on the science of radiation has been shown to be insufficient, and it is now recognised that human and ethical dimensions of exposure situations are important and sometimes decisive in both the decision making process and in communication”. As examples, ICRP cites the management of the consequences from the Chernobyl accident, radioactive waste management and the increasing use of medical applications, all situations where its recommendations have been challenged and criticized by exposed persons. Ethical values are then seen as a tool to communicate with the public.

For the sake of completeness, let us recall the three fundamental principles of the present radiological protection system:

  • “The principle of justification, which states that any decision that alters the exposure situation should do more good than harm. This means that, by introducing a new radiation source in planned exposure situations, or by reducing exposures in existing and emergency exposure situations, one should achieve sufficient benefit to offset any costs or negative consequences. The benefits are deemed to apply to society as a whole, to specific individuals and also to biota.
  • The principle of optimisation, which stipulates that all exposures should be kept as low as reasonably achievable taking into account economic and societal factors. It is a source-related process, aimed at achieving the best level of protection under the prevailing circumstances through an ongoing, iterative process. This principle is the cornerstone of the system of protection. Furthermore, in order to avoid inequitable outcomes of the optimisation procedure the Commission recommends restricting doses to individuals and biota from a particular source.
  • The principle of limitation, which declares that individual exposures should not exceed the dose limits recommended by the Commission, and applies only to planned exposure situations other than medical exposure to patients or exposure of biota.”

The first two principles can lead to conflicting situations. The benefit of some people or the society as a whole could lead to the exposure of other people who do not benefit from this exposure. Similarly, the economic and societal factors are vague enough to lead to conflicting situations that are never addressed in the present draft report. This is the case for example with uranium mining in countries that do have nuclear power plants. Neighbouring communities generally do not benefit from the mine although they are exposed to the radioactive dust. Their societal and economical factors do not weight much in front of the societal and economical factors of the countries where the nuclear power plants are implanted.

Regarding existing exposure situations after a large-scale nuclear accident, the economic and societal factors of the population living in contaminated territories are not the same as the ones of the other parts of the country. For example, the former want to sell their agricultural production and the later to avoid internal contamination.

These two examples raise difficult ethical issues related to radiological protection that are never addressed in the draft ICRP report.

Let us consider now the four core ethical values. ICRP explains that “beneficence means promoting or doing good, and non-maleficence means avoiding causation of harm […] In a narrower sense, beneficence includes consideration of direct benefits, for individuals, communities, and the environment. The use of radiation, although coupled with certain risks, undoubtedly can have desirable consequences, such as the improvement of diagnostics or therapy in medicine, or the production of electricity. These have to be weighed against the harmful consequences.”

ICRP recognize that the assessment of beneficence and non-maleficence is a key challenge but has nothing else to propose than recommending, “that such an assessment [should] be transparent about what was included, recognise disagreements where they arise, and go beyond a simple balancing of direct health impacts against economic costs.” ICRP provides no example of good practice arising from these recommendations that are rarely implemented.

“Prudence is the ability to make informed and carefully considered choices without the full knowledge of the scope and consequences of actions […] The implications of this prudent attitude have been significant for the subsequent structuring of the system of radiological protection.” However, exposure limits have always been reduced over the years and the ICRP never asks itself whether its recommendations where prudent enough in the past.

ICRP notes that “neither prudence nor the precautionary principle should be interpreted as demanding zero risk, choosing the least risky option, or requiring action just for the sake of action.” But populations do have the right to choose the least risky option and requiring actions for the sake of a better protection.

“Justice is usually defined as fairness in the distribution of advantages and disadvantages among groups of people (distributive justice), fairness in compensation for losses (restorative justice), and fairness in the rules and procedures in the processes of decision-making (procedural justice). […] As with dose constraints and reference levels, dose limits are tools to restrict individual exposure in order to ensure fairness in the distribution of risks across the exposed group of individuals.”

Before considering a “fair” distribution of the risks one should wonder whether such risks are acceptable or not.

Moreover some categories of people are more sensitive to radiations than others. It is particularly the case of children and infants. Justice would mean a better protection with lower limits for them. This is a strong request from families living around the Fukushima dai-ichi nuclear power plant. Some of them evacuated without any support in order to protect their children.

Similarly, individuals are not all equal in terms of genetic heritage and part of the population has a hypersensitivity to the adverse effects of radiation (1 to 3% are heterozygous for ataxia telangiectasia). The radiation protection system cannot be built to protect the majority of citizens, but all citizens.

Anand Grover, Special Rapporteur of the Human Rights Council, in his report about the situation in Fukushima notes that “ICRP recommendations are based on the principle of optimisation and justification, according to which all actions of the Government should be based on maximizing good over harm. Such a risk-benefit analysis is not in consonance with the right to health framework, as it gives precedence to collective interests over individual rights. Under the right to health, the right of every individual has to be protected.”

ICRP does not address this issue of individual health in its draft report. How can it expect to answer to the demands of the populations and be understood by them?

“Intergenerational justice has been addressed by the Commission for the management of radioactive waste […]. The Commission introduces responsibilities towards future generations in terms of providing the means to deal with their protection”. Justice could also be extended spatial consideration by forbidding the export of radioactive waste to foreign countries that did not benefit from the electricity production.

Implementation of radiological protection requires democracy to avoid abuses. Nevertheless, democracy is not considered as a core ethical value by ICRP.

In this draft report, application of ethical principles is limited to few topics such as waste management. These principles are mainly used to justify a posteriori the choices done by the ICRP. ACRO considers that ethical values should be fully applied to all aspects of radiological protection and the Commission should ask itself whether it has achieved this full implementation. Examples presented before show that this is probably not the case.

The ICRP finally consider procedural values and introduce accountability, transparency and inclusiveness (stakeholder participation). “Accountability can be defined as the procedural ethical value that people who are in charge of decision-making must answer for their actions to all those who are likely to be affected by these actions. In terms of governance this means the obligation of individuals or organisations to report on their activities, to accept responsibility, and to be ready to account for the consequences if necessary.”

Transparency “concerns the fairness of the process through which information is intentionally shared between individuals and/or organisations […] Transparency does not simply mean communication or consultation. It relates to the accessibility of information about the activities, deliberations, and decisions at stake and also the honesty with which this information is transmitted. It is part of corporate social responsibility, ensuring that decision-makers act responsibly in the social, economic and environmental domains in the interest of individuals and groups concerned.”

Finally, “stakeholder participation, also referred to as stakeholder involvement or engagement, means “involving all relevant parties in the decision-making processes related to radiological protection””.

ACRO strongly supports the implementation of these three procedural values and considers that they should be implemented from the justification stage. This is not mentioned in the draft report, although it is a requirement the Aarhus convention for environmental issues. This should be extended to radiological protection.

The draft report mentions: “experience from the management of the consequences of the Chernobyl accident, and more recently the Fukushima accident demonstrated that empowerment of affected people helps them to regain confidence, to understand the situation they are confronted with, and finally to make informed decisions and act accordingly.” This is true for a very limited number of people. Most of citizen living around the Fukushima dai-ichi nuclear power plant still do not trust authorities. “Accountability” and “transparency” have being ignored by Japanese authorities. The arbitrary evacuation limit of 20 mSv/y has never been explained nor justified. People refusing this limit might have no other choice than remaining in contaminated territories due to economical constrains.

It is a pity that the ICRP has never tried to grasp the situation in contaminated territories as whole and has limited its so-called “dialogues” to a limited number of people that agrees with the Commission. It would have learned much more about the consequences of its recommendations in talking to all categories of people.

As conclusion, ACRO considers that studying the ethical basis of the radiological protection is a necessity but it is not achieved in the present draft report. It should be submitted to various stakeholders and discussed by other means than a simple public consultation on the Internet.

Tiers secteur scientifique : Risque, expertise et partage du savoir

Texte écrit pour le Dictionnaire des risques (Armand Colin 2007) et paru dans l’ACROnique du nucléaire n°79, décembre 2007


Le tiers-secteur scientifique englobe l’ensemble des associations et des initiatives qui produisent des savoirs en dehors des institutions étatiques ou des firmes privées, d’où le terme de “tiers secteur”. Les recherches, études, expertises… qu’il réalise sont gouvernées par d’autres logiques que le désir de puissance ou la soif de profits. Que ce soient des laboratoires associatifs, des associations de malades, des agriculteurs et jardiniers sauvegardant la biodiversité, le mouvement du logiciel libre… les savoirs sont construits selon un mode participatif, au sens où l’élaboration division du travail entre experts et “profanes” (usagers des savoirs) et le rapport de délégation cèdent la place à un dialogue et à la co-production des connaissances et des innovations. Le public du tiers-secteur scientifique se distingue donc du public passif de la vulgarisation scientifique. Des clubs d’astronomie, des groupes ornithologiques ou autres sociétés naturalistes ont aussi montré la fertilité d’une alliance entre spécialistes et profanes. Mais, nous ne nous intéresserons ici qu’aux dynamiques d’apprentissage en prise avec une problématique sociétale particulière qui, malgré une grande diversité de méthodes et pratiques, partagent, non pas une théorie ou un dogme, mais plutôt une vision qu’un autre monde – plus solidaire, plus paisible et plus écologiquement et socialement juste – est possible. Le tiers secteur scientifique a pour ambition d’expérimenter et d’établir l’espace public comme un espace de négociations démocratiques des choix scientifiques et des innovations et s’inscrit donc pleinement, par ses valeurs, ses pratiques et ses résultats cognitifs, dans la mouvance plus large de l’économie sociale et solidaire (aussi dénommée tiers secteur), dont il est un pilier cognitif.

Les grands défis environnementaux, de santé publique ou de société nécessitent une synergie entre des progrès technologiques et des changements comportementaux de la part des usagers. Il suffit de songer à la réduction des gaz à effet de serre par exemple ou aux épidémies pour s’en convaincre. Un monde vivable et vivant ne peut être obtenu que par la construction d’un monde commun. Comme le notent justement M. Callon, P. Lascoumes et Y. Barthes, « l’enjeu, pour les acteurs, n’est pas seulement de s’exprimer ou d’échanger, ou encore de passer des compromis ; il n’est pas seulement de réagir, mais de construire. » C’est là que des structures, où experts et profanes sont sur un pied d’égalité, ont un rôle clé à jouer. Ces expériences sont encore rares, mais innovantes et porteuses d’espoir car leur démarche ne consiste pas simplement à dénoncer, mais à penser, argumenter et construire un savoir alternatif pour dépasser les simples slogans et les « alternatives infernales » : OGM ou faim dans le monde, déchets nucléaires ou effet de serre, … Ainsi, il ne s’agit pas non plus d’affirmer de façon symétrique qu’il y a danger là où les industriels ou pouvoirs publics jurent, paroles d’expert, qu’il n’y a aucun danger, mais plutôt de rendre publiques et expliquer les méthodes qui conduisent à l’évaluation différente de l’activité à risque. Même s’il est beaucoup plus facile de dénoncer un mensonge que de construire une vérité impliquant un apprentissage avec une certaine humilité. Pour répondre aux besoins de la société civile, du développement humain et durable, l’enjeu est donc de s’approprier les problèmes, sans subir les termes dans lesquels ils sont généralement posés, et de parvenir à les formuler autrement en les transformant en enjeu politique et citoyen.

Le tiers secteur scientifique ne peut se réduire à un club de « purs et durs » fiers de leur radicalité ou de leur indépendance, considérés comme objectifs en soi et il n’a pas non plus vocation à demeurer dans les marges des secteurs étatiques et marchands pour combler leurs lacunes ou réparer leurs dégâts. Son développement vise à l’émergence d’une société civile mature, aspirant non seulement à se doter de capacités propres de recherche et d’expertise mais aussi à transformer ses rapports avec la recherche publique, à l’image de que certaines associations de malades ont obtenu et apporté. Pour la Fondation Sciences Citoyennes, le tiers secteur scientifique s’inscrit alors dans un mouvement plus général de recherche d’un nouveau pacte social entre science et société, de maîtrise sociale et de démocratisation de la science, qui comprend aussi bien de nouveaux dispositifs d’élaboration démocratiques des orientations techno-scientifiques, que des espaces où se déroulent des activités de contrôle citoyen de la recherche et des technologies. De ce nouveau pacte social, la recherche publique devrait sortir transformée dans ses priorités et sa gouvernance, mais aussi relégitimée et renforcée face aux intérêts marchands et militaires et à l’actuelle tendance à la privatisation des savoirs.

Mais la science officielle et les pouvoirs publics ne le voient pas du même œil ! Généralement, politiques et savants s’accordent avec Gorgias et Socrate pour estimer qu’il est du ressort des seuls « hommes compétents » « de savoir choisir parmi les choses agréables quelles sont celles qui sont bonnes et quelles sont celles qui sont mauvaises ». Traditionnellement, les scientifiques détiennent « la vérité » puis les hommes politiques en tirent « les conclusions qui s’imposent ». « Ce que les sciences ont donné à ceux qui les nourrissaient n’est pas seulement la possibilité de nouveaux pouvoirs de faire, » comme l’expliquent Philippe Pignarre et Isabelle Stengers, « mais aussi, et parfois surtout, le pouvoir de faire taire, de supprimer les objections, au nom d’une rationalité scientifique apolitique. » Les craintes des citoyens ne seraient liées qu’à des comportements pathologiques dus à l’irrationalité ou à un déficit de communication, voire les deux. Un tel jugement fait fi du fait que la population est de plus en plus éduquée et que le tiers secteur scientifique a souvent atteint un degré de connaissance qui dépasse largement celui des décideurs. Quant à l’industrie, elle tire une partie de ses profits de l’externalisation de ses nuisances et n’est pas prête à remettre en cause cet acquis. Les quelques exemples de tentative d’auto-régulation que sont les agences d’évaluation, comités de sages, etc, ont rarement réussi à répondre aux attentes des usagers. Au contraire, elles contribuent à renforcer la démocratie délégative là où plus de démocratie participative est nécessaire.

La convention d’Aarhus, ratifiée en 2002 par la France, et la charte de l’environnement, adossée à la constitution depuis mars 2005, devraient marquer un tournant dans la démocratisation des décisions touchant à l’environnement. Mais ces textes sont encore trop récents pour avoir un effet sur les pratiques. Pour pouvoir avoir voix au chapitre, la société civile doit donc batailler pendant des années et des modes de contestation radicaux sont souvent indispensables pour faire avancer le débat public. Là où l’expert officiel capitule devant la complexité du problème à résoudre, le citoyen directement concerné n’a pas d’autre choix que le déni, se penser en victime ou chercher à comprendre avec obstination. « L’expérience de la différence se faisant entre subir et créer, entre accepter sur le mode du « il faut bien » anonyme et découvrir/explorer/fabriquer le degré d’autonomie créatrice qui peut être reconquis. » Et I. Stengers et P. Pignarre d’ajouter : « nous dirons que cette expérience est ce qu’il arrive lorsqu’une situation a reçu ce qui ne lui appartient jamais en droit, ou jamais « naturellement » : le pouvoir d’obliger à penser ». Un discours basé sur un état de conscience, une intuition ou même le simple bon sens ne suffisant généralement pas pour être entendu, le tiers secteur scientifique doit s’immiscer dans le débat en s’appropriant souvent les mêmes outils et la rigueur scientifique que la techno-science officielle, mais il le fait avec d’autres méthodes et dans un autre esprit. Les quelques exemples où la controverse scientifique a débouché sur un véritable dialogue, montrent un enrichissement mutuel, car chacune des catégories d’acteurs possède des savoirs spécifiques. Une culture du risque mieux partagée ne peut que conduire à l’amélioration de la vigilance, de la précaution en situation d’incertitude, de la prévention en cas de danger avéré, voire de la survie dans des situations post-catastrophiques. Mais cela peut aussi conduire à la remise en cause de l’activité à risque ! C’est ce que craint le plus le pouvoir technoscientifique qui n’est prêt à accepter des concessions sur son fonctionnement que si cela conduit à l’acceptabilité de ses activités. D’où la réticence à partager la connaissance, car, comme le note La Boétie, « les gens asservis, outre ce courage guerrier, ils perdent aussi en toutes autres choses la vivacité, et ont le cœur bas et mol et incapable de toutes choses grandes. »

Parce que le chemin n’est pas balisé, c’est par la pratique que les associations du tiers secteur scientifique construisent une démarche originale et diverse qui doit s’inscrire dans la durée. Il n’est pas sûr que les recettes qui ont fait le succès des unes fonctionnent pour d’autres problématiques. Ses membres consacrent parfois plus de temps et d’énergie à bâtir et pérenniser l’outil qu’à militer pour la cause qu’ils défendent. La survie financière passe souvent par un soutien public, car la production du tiers secteur scientifique, comme les logiciels ou les semences, est naturellement libre et les résultats d’expertise publics. Comme en France, les fonds dédiés à la communication de la technoscience dépassent largement ceux dédiés à un fonctionnement plus démocratique, il est tentant de simplifier le discours pour satisfaire au format imposé par les médias et attirer des dons du public. Seule une forte implication bénévole, sans laquelle la structure ne serait pas viable, permet de maintenir le cap entre les écueils de l’audimat et le risque d’enlisement institutionnel. Pour de nombreux militants, l’effort consenti n’a d’autres buts que de les aider à vivre dans la société du risque. « Et il se pourrait, en outre, » pour M. Callon, P. Lascoumes et Y. Barthe, « que les solutions proposées […] soient transposables, transportables, dans d’autres champs, là où les sciences et les techniques ne sont pas nécessairement centrales, et qu’elles contribuent ainsi au mouvement plus général de démocratisation de la démocratie ».

David Boilley et Claudia Neubauer

  • BONNEUIL Christophe et GAUDILLIERE Jean-Paul (2001), «Faire entrer les sciences en démocratie – pour un tiers secteur scientifique », EcoRev’ – Revue critique d’écologie politique, n° 5, http://ecorev.org.
  • IRWIN Alan (1995), Citizen Science: A Study of People, Expertise, and Sustainable Development, Routledge.
  • CALLON Michel, LASCOUMES Pierre, BARTHE Yannick (2001), Agir dans un monde incertain , essai sur la démocratie technique, Paris, Seuil.
  • L’expertise et la recherche associative et citoyenne en France, Fondation Sciences citoyennes, 18 mars 2004 (http://sciencescitoyennes.org).
  • PIGNARRE Philippe et STENGERS Isabelle (2005), La sorcellerie capitaliste – Pratiques de désenvoûtement, Paris, La Découverte.
  • LA BOETIE Etienne de,  Discours de la servitude volontaire,  réédité par Flammarion (1993)

dicodico2Autres textes du dictionnaire des risques :

Ancien lien

Le projet de loi sur les déchets nucléaires est inacceptable

Communiqué de presse commun ACRO et GSIEN du 28 mars 2006


Le projet de loi présenté le 22 mars en conseil des ministres ignore les conclusions du débat sur les déchets nucléaires et est donc inacceptable pour l’ACRO et le GSIEN. Pourtant, le représentant du Ministère de l’Industrie concluait le dernier débat à Lyon en insistant sur la nécessité de solutions « réversibles » et son « refus d’être piégé dans des solutions sans alternatives » avant de déclarer : « la copie qui va sortir de chez nous est différente de ce que nous aurions fait il y a quatre mois »… On a failli le croire.

Dès l’article 1er, la définition de « déchets radioactifs [qui] s’entend de matières radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue » est trop restrictive et ouvre la porte à de nombreux abus. En effet, sous prétexte que certaines matières sont hypothétiquement recyclables, elles ne sont pas considérées comme déchets, même si dans les faits, elles ne sont pas recyclées et ne le seront jamais. Nous proposons donc plutôt de considérer comme déchet radioactif, toute matière radioactive non utilisée dans un délai à fixer. Cela va au-delà des problèmes de taxe, car seuls les « déchets » étrangers sont interdits de stockage en France. Nous souhaiterions aussi qu’il soit interdit de stocker à l’étranger des déchets français.

Les solutions proposées à l’article 2 sont aberrantes. Ni le traitement, ni le conditionnement des combustibles usés ne réduisent la quantité de déchets radioactifs. Généraliser le traitement est absurde car le plutonium s’accumule actuellement « sur les étagères », comme presque la totalité de l’uranium de retraitement. Par ailleurs, la vitrification en fin de procédé est irréversible dans le sens où elle interdit toute reprise ultérieure des verres. Ce choix technologique est en contradiction avec la continuation des recherches sur la séparation-transmutation.

Ce même article décide du « stockage en couche géologique profonde » alors qu’aucune garantie scientifique ne permet d’affirmer que cette solution soit réalisable. Dans son dernier rapport, la Commission Nationale d’Evaluation précise que « les conditions d’une éventuelle décision finale de réalisation d’un stockage [souterrain] ne sont pas encore réunies. » Par ailleurs, le débat national sur les déchets a montré un fort rejet de cette solution par la population. Quant à la réalisation d’un « prototype d’entreposage pérennisé » recommandé par la Commission Nationale de Débat Public (CNDP), il n’est pas rendu obligatoire par la loi. Les études et recherches sur l’entreposage « pour répondre aux besoins, notamment en termes de capacité et de durée » du projet de loi ne sont pas celles pointées lors du débat.

Par ailleurs, nous pensons que les efforts de recherche sur l’axe séparation-transmutation sont trop onéreux par rapport aux espoirs potentiels de cette solution. Comment justifier l’exposition des travailleurs du nucléaire et les populations du présent siècle à un détriment certain sans protéger pour autant les populations futures dans 100.000 à des millions d’années ? En effet, « la CNE considère, dans son dernier rapport, que finalement la séparation-transmutation répond au principe de précaution de la charte de l’environnement plutôt qu’à la recherche d’une diminution du risque réel dû à la présence en profondeur des déchets. » Surtout, cette voie nécessite de prendre pour option de continuer le nucléaire sans prendre la mesure sur la quantité de déchets qui en résultera.

Si nous saluons la prise en compte des autres déchets dans la loi avec des échéances précises, nous regrettons que les solutions demandées ne soient pas expertisées par la commission nationale d’évaluation ni débattues par le public.

Le public est le grand oublié de ce projet de loi, même si au niveau européen et international (convention d’Aarhus) son avis doit être pris en compte. Si une Commission Locale d’Information et de Suivi est prévue pour le « laboratoire souterrain », rien n’est prévu pour les centres où l’entreposage doit être étudié. De même, nous demandons que pour le plan national de gestion des matières nucléaires et déchets transmis tous les trois ans au Parlement soit organisé une véritable consultation du public. Cela signifie que tous les autres rapports demandés aux exploitants soient aussi rendus publics. Enfin, la commission nationale d’évaluation devrait être ouverte à la société civile pour tenir compte de l’avis des citoyens.

ACROAssociation pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest
138, rue de l’Eglise
14200 Hérouville St Clair
https://acro.eu.org
tél : 02 31 94 35 34
GSIENGroupement de Scientifiques pour l’Information sur l’Energie Nucléaire
2 rue François Villon
91400 Orsay
tél : 01 60 10 03 49

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La Tomographie par Emission de Positons : la TEP

ACROnique du nucléaire n°68, mars 2005


Cette technique récente d’imagerie médicale, aussi connue sous l’abréviation anglaise PET Scan, est utilisée par le centre de recherche CYCERON, situé à Caen dans le Calvados. Ce laboratoire de recherche et d’investigation biomédicales a commandé à l’ACRO une étude d’impact précédent des travaux d’agrandissement. Nous profitons de cette étude pour faire le point sur cette technologie.


La tomographie par émission de positons  est un examen d’imagerie médicale qui permet de visualiser les activités du métabolisme, plus précisément des tissus, chez les humains. Elle diffère des technologies conventionnelles aux rayons-X  et par résonance magnétique qui se limitent aux images de l’anatomie. Les changements physiologiques précèdent les changements anatomiques et, par conséquent, la tomographie par émission de positons permet de déceler à une phase plus précoce les dommages métaboliques et ainsi à aider à contrer leur progression.  Les images sont obtenues par injection dans l’organisme d’une molécule radioactive marquée par des isotopes du carbone, du fluor ou de l’oxygène (émetteurs de positons).Cette technique permet de localiser, en chaque point d’un organe, une substance marquée par un radioélément administré à un sujet vivant, et de suivre dans le temps l’évolution de cette substance. Elle fournit ainsi une image quantitative du fonctionnement de l’organe étudié.

Protocole

C’est une scintigraphie faite après l’injection par intraveineuse d’un produit radioactif (traceur) : le 18F-fluoro-désoxy-glucose ( 18F-FDG). L’activité injectée est fonction du poids du patient, elle varie  de 180 à 300 MBq. Pour un individu adulte à qui l’on injecte 300 MBq de 18F-FDG, la dose efficace reçue sera de : 5,7 mSv. [elle sera de 3,42 mSv pour une injection de 180 MBq…]. Cette dose efficace reçue varie avec l’âge de l’individu :
– Pour un enfant de 10 ans, la dose sera de 10,8 mSv pour 300 MBq injectés (ou de 6,48 mSv pour 180 MBq.)
– Pour un enfant de 5 ans, la dose sera de 9 mSv pour 180 MBq injectés (on présume qu’on n’injectera pas 300 MBq pour un petit poids corporel…)
Ces doses sont à comparer avec la limite d’exposition annuelle pour le public qui est de 1 mSv par an, limite réglementaire fixée pour la quantité d’irradiation qu’un individu peut recevoir à partir de sources artificielles, en excluant, bien évidemment, les sources médicales et naturelles. Les limites autorisées pour les travailleurs du nucléaire sont plus élevées (6 ou 20 mSv/an selon la catégorie). L’irradiation naturelle est en moyenne, en France, de l’ordre de 2,4 mSv/an.

Ce traceur (18F-FDG) est semblable au glucose (sucre) il est absorbé dans les parties du corps où son métabolisme est le plus actif, (le cœur , le cerveau, le foie etc, ainsi que les tissus cancéreux). La caméra TEP détecte les rayonnements qui proviennent des organes du patient et est équipée d’un système informatique capable de donner des images précises, en 3 dimensions, de la répartition du traceur ; on peut ainsi visualiser le fonctionnement des organes, des tissus, des cellules et leurs activités.

Développée au départ pour les recherches scientifiques sur le cerveau et le cœur, (elle permet de déceler et de localiser les lésions cérébrales qui causent l’épilepsie ou les malformations dans les muscles du cœur) ; la TEP  est aujourd’hui fréquemment utilisée en cancérologie car elle permet de déceler les tumeurs cancéreuses à une étape plus précoce que  les autres formes d’imagerie et de déterminer avec précision si une tumeur est de nature bénigne ou maligne.

Production d’isotopes

La très courte durée des radionucléides utilisés en TEP nécessite leur production par un  cyclotron sur le site même de l’utilisation. Les radionucléides (oxygène (15O), azote(13N), carbone (11C) et fluor (18F)) sont produits par réaction nucléaire, en bombardant par un faisceau de particules accélérées, des cibles constituées par des éléments naturels appropriés. A cette fin, il peut délivrer deux types de faisceaux, chacun ayant une énergie fixe prédéterminée.
·  Faisceau de protons (noyaux de l’atome d’hydrogène)
·  Faisceau de deutons (noyaux formés par l’association d’un proton et d’un neutron)

Synthèse des molécules marquées

Le laboratoire de Chimie réalise le marquage et la synthèse des molécules d’intérêt biomédical destinées à véhiculer ces radioéléments vers l’organe étudié, par injection intravasculaire. Tous ces radionucléides se caractérisent par une demi-vie très brève : 50% du radionucléide produit a disparu par émission d’un positon au bout de 2 minutes pour 150, au bout de 2 heures pour 18F. Le marquage doit donc être effectué très rapidement. De plus, les rendements de synthèse sont faibles, ce qui impose un travail à un niveau de radioactivité élevé.

Caméra à Positon

La caméra à positon enregistre les désintégrations de l’isotope injecté au patient et permet ainsi  l’acquisition des images. Cet appareil a l’aspect d’un scanner ou d’une IRM même si le principe de fonctionnement est différent. Lors de l’examen, le patient est allongé sur un lit qui se déplace à l’intérieur d’un anneau détecteur, l’examen dure de 20 à 40 minutes. Depuis 1997, à Cycéron, avec la mise en pleine exploitation de la nouvelle caméra ce sont 450 examens TEP qui sont réalisés et analysés chaque année, à la demande de médecins en vue d’affiner un diagnostic ou de suivre l’efficacité d’un traitement.

Effets secondaires pour le patient et son entourage

En raison de l’activité des radionucléides injectés (même si ils ont une durée de vie courte), cet examen est contre indiqué aux femmes enceintes, aux mères allaitant, (la radioactivité se retrouvant dans le lait, il faut suspendre provisoirement l’allaitement) et les contacts avec les jeunes enfants et les femmes enceintes sont à éviter  la journée suivant l’examen. Des précautions sont donc à prendre vis à vis du milieu familial, professionnel ou hospitalier  pendant environ 12 heures, temps moyen pour que la plus grande partie de la radioactivité ait disparu.

La justification et l’optimisation des doses

Les pratiques médicales qu’elles soient à visées diagnostiques ou thérapeutiques constituent en France la principale source d’exposition aux rayonnements ionisants d’origine artificielle (avec, bien évidemment, une disparité importante selon les personnes). Le développement de la médecine nucléaire contribue également  à disséminer des éléments radioactifs dans l’environnement (par les patients et par les installations.)

L’exposition aux rayonnements ionisants doit apporter un avantage supérieur au  préjudice qu’ils peuvent provoquer. Ce principe fondamental de justification doit être respecté, le principe d’optimisation, qui impose d’obtenir le meilleur résultat pour la moindre dose, doit également être une priorité de santé publique. Les effets pathogènes des rayonnements ionisants exigent un encadrement et une maîtrise et, surtout, une prise de conscience qui restent à construire.


Glossaire :

Becquerel (Bq) : unité standard internationale de mesure de la radioactivité équivalant à une désintégration par seconde. MBq : million de Becquerels

CYCERON : Abréviation pour : cyclotronchimiepositon. CYCERON associe une équipe technique ayant la charge des équipements lourds (cyclotron, radiochimie, caméras) et de l’infrastructure ainsi que des équipes de recherche relevant du CEA, du CNRS, de L’INSERM, de l’université de Caen et du CHU de Caen

Dose efficace : L’unité est le sievert (Sv). Pour les besoins de la radioprotection on a défini une grandeur appelée dose efficace qui essaie de tenir compte, chez l’homme, des dommages radiologiques occasionnés. Une même dose de rayonnement ne provoque pas les mêmes dommages suivant qu’il s’agit d’irradiation ou de contamination, suivant le type de rayonnement et enfin suivant la nature des tissus touchés. (mSv = milli sievert).

Positon ou positron : antiparticule associée à l’électron, de charge positive et de mêmes caractéristiques que l’électron.

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Une autre politique de la recherche est possible !

Communiqué Interassociatif pour la journée d’action du 9 mars contre la LOPRI

Signataires :
Act-Up Paris, ACRO, Agir Pour l’Environnement, AITEC, Les Amis de la Terre France, Association Française des malades de la thyroïde, ATTAC, CNIID, Comité Anti-Amiante Jussieu, Confédération Paysanne, Fondation Sciences Citoyennes, Greenpeace France, GRET, Mutuelle Arts Sciences Social Culture, OPIE LR, PRIARTEM, Réseau Action Climat France, Réseau Cohérence


Face à une loi néolibérale, les associations et mouvements citoyens appellent à la mobilisation du 9 mars au côté des chercheurs et proposent une autre politique de recherche.

La société est la grande oubliée du projet de Loi d’Orientation et de Programmation pour la Recherche et l’Innovation (L.O.P.R.I). Il ne donne aucune place aux associations, représentants des usagers et acteurs sociétaux à buts non marchands, qui devraient être partenaires de la recherche publique. Il ne prévoit aucun dispositif pour démocratiser les choix scientifiques.

Plus des deux tiers des hausses de budgets prévues iront à l’innovation industrielle et à des dispositifs aidant les entreprises à piloter et commanditer de la recherche publique. Le gouvernement parle désormais de « pacte avec la société ». Mais la « société » dont il s’agit, ce sont uniquement les grands conglomérats transnationaux qui mettent au point et diffusent des innovations sans se soucier des besoins de la société et de l’environnement.

Les besoins de recherche de la société, c’est aussi et surtout la production de biens publics : connaissance ouverte, expertise plurielle et indépendante, innovation à but non lucratif ou pour des besoins sociétaux non solvables. Des domaines tels que la santé environnementale et publique au nord comme au sud, les énergies renouvelables, l’ingénierie verte ne peuvent plus être négligés.

D’autres acteurs sociétaux que les entreprises, notamment les associations et acteurs de l’économie sociale et solidaire, doivent donc être associés à la définition des priorités de la recherche, être représentés à parité avec les entreprises dans toutes les instances de pilotage de la recherche. Plutôt qu’un mono-partenariat avec les intérêts économiques, de nouveaux dispositifs favorisant les partenariats de recherche entre laboratoires publics et acteurs sociétaux à buts non lucratifs sont à créer.

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Appel à une journée d’action pour la recherche

Communiqué de presse du 19 février 2005

Les organisations signataires, réunies le 16 février 2005, ont fait le bilan des rencontres qui ont eu lieu entre les différentes organisations et les ministres de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur. Au vu de ces discussions, il apparaît clairement que le texte du projet de L.O.P.R.I (Loi d’Orientation et de Programmation pour la Recherche et l’Innovation), rendu public en janvier et qualifié de “brouillon” par F. d’Aubert, reste entièrement d’actualité pour le gouvernement qui a déjà anticipé sa mise en application.

Les quelques précisions apportées le 11 février lors de la conférence de presse du ministre annonce à laquelle le succès de la journée d’action du 4 février n’est pas étrangère – ne remettent nullement en cause la philosophie générale de ce projet : celui-ci programme l’extension de la précarité de l’emploi et le pilotage de la recherche publique et de l’Enseignement supérieur par les entreprises privées dans le cadre des lois du marché, en totale contradiction avec les conclusions des états généraux de la recherche et avec les besoins de la société. Les seuls chiffres disponibles sur des questions cruciales (emploi statutaire, importance respective des missions et budgets de l’ANR, des organismes et des universités) restent, à ce jour, inchangés par rapport au texte initial et très loin des exigences et propositions de la communauté scientifique.
Ce projet ignore le rôle premier de la recherche qui doit être la production et la transmission de connaissances librement accessibles à tous. Il réduit les besoins de la société à l’innovation industrielle et marchande à laquelle sont affectés les deux-tiers des financements nouveaux prévus par le projet. Il ignore la production de bien publics – expertise plurielle et indépendante, innovations à but non lucratif ou pour des besoins sociétaux non solvables – à laquelle d’autres acteurs sociétaux que les entreprises doivent être associés.

Les organisations signataires considèrent ce projet comme une base inacceptable pour définir les grandes lignes de l’avenir du système de recherche français. Elles demandent qu’un nouveau projet soit élaboré en s’appuyant sur les propositions de la communauté scientifique exprimées à Grenoble, complétés par les syndicats, et sur une prise en compte de la totalité des besoins de la société.

Les organisations signataires demandent à être associées, ensemble, à ce processus de négociation sous la forme d’une discussion réelle qui devrait se tenir le plus rapidement possible en présence des ministres et de tous acteurs concernés.

Pour marquer leur détermination, elles appellent à préparer dès maintenant une journée d’action d’ampleur nationale, avec initiatives dans toutes les régions, le mercredi 9 mars 2005.

Les organisations syndicales et associations :
Sauvons la Recherche, SNCS-FSU, SNESUP-FSU, SNTRS-CGT, FERC-SUP-CGT, SGEN-CFDT-CNRS, SGEN-CFDT-INSERM, UNEF, CGT-IFREMER, CFDT-CEA, FÉDÉRATIONS SUD ( de l’Énergie, Education, Recherche-EPST), SNASUB-FSU, SNPTES-UNSA, CFTC-INRA, A&I-UNSA, CJC, Sup’recherche-UNSA, Droit-d’entrée,
Fondation Sciences Citoyennes, Aides, Attac, Aitec, Les Amis de la Terre France, Greenpeace France, Réseau Cohérence (développement durable), Réseau Action Climat France, Agir Pour l’Environnement, ACRO.

DES ETATS GENERAUX DE LA RECHERCHE … SANS TIERS-ETAT !

ACRO, ActUp, Adéquations, Agir pour l’environnement, AIDES, AITEC, Amis de la Terre France, ATTAC, Fondation Sciences citoyennes, Geyser, MASC, Réseau Action Climat France, Réseau Semences paysannes

Communiqué de Presse, Paris, le 25 mars 2004.

Après la culture, l’enseignement et la santé, voici la recherche publique française mise en danger par une absence de vision politique. Nous ne pouvons qu’être aux côtés des chercheurs. En tant qu’associations productrices de savoirs ou mouvements engagés dans des problématiques à fort contenu scientifique et technique, nous savons la place que peut et doit occuper la recherche publique pour contribuer à relever les défis de notre planète et plus généralement les besoins de nos sociétsés.

Nous saluons donc la mobilisation de tous, regroupés au sein de ” Sauvons la recherche ” autour de ces enjeux. Le Gouvernement et les représentants des chercheurs se sont mis d’accord pour organiser ensemble des Etats Généraux sous l’autorité d’un ” Comité d’initiative et de proposition pour la recherche scientifique ” : le Comité Baulieu – Brézin.

Mais sa composition doit être élargie. Si on trouve en effet parmi ses 32 membres, des représentants des syndicats et collectifs de chercheurs publics et privés, de nombreux mandarins de la science (académiciens, dirigeants d’université ou de sections du CNRS, un prix Nobel) et quelques jeunes chercheurs, des personnalités de l’industrie privée … il n’y a aucun représentant de la société civile et du monde associatif.

Dans de tels Etats Généraux sans Tiers-Etat associatif ou citoyen, comment seront alors pris en compte les besoins non lucratifs de nos sociétés ? Comment seront intégrées les questions du savoir comme bien commun accessible à tous, du rôle de la recherche publique comme pourvoyeuse d’une expertise indépendante des industriels, plurielle et transparente ? Comment s’engagera la recherche pour un développement durable ? Et pour un meilleur accès de tous à la santé ?

Le monde associatif, les associations du tiers-secteur de l’expertise citoyenne et de l’innovation coopérative, les mouvements de citoyens engagés dans la santé et dans la protection de l’environnement estiment avoir leur mot à dire !

Au Comité Baulieu – Brézin et au Gouvernement, nous adressons le message suivant : notre société a changé et il faut entendre ses aspirations vis-à-vis de la recherche. Aujourd’hui notre société aspire à, et progresse par, une réappropriation des savoirs autrefois déléguées à des institutions lointaines. Elle ne peut être exclue de la réflexion des chercheurs sur l’avenir de la recherche scientifique en France.

Nous demandons donc que le monde associatif soit représenté pour débattre :

  1. de la prise en compte de l’avis des citoyens dans les choix budgétaires scientifiques par le développement de dispositifs participatifs ;
  2. de la reconnaissance et soutien du monde associatif comme partenaire de la recherche ;
  3. du développement de capacités d’expertise publique transparente et sans conflit d’intérêt.

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Prolifération nucléaire

Mis en avant

Texte initialement écrit pour le Dictionnaire des risques paru chez Armand Colin et paru dans l’ACROnique du nucléaire n°63, décembre 2003. Version remise à jour pour l’édition 2007 du dictionnaire.


“On va faire la guerre une bonne dernière fois pour ne plus avoir à la faire. Ce fut l’alibi bien-aimé […] des conquérants de toutes tailles. […] Par malheur, ça n’a jamais marché” note Jean Bacon. En effet, la “civilisation” ou la “démocratie”, selon les époques, prétendument apportées au bout du fusil, n’ont jamais supprimé les conflits. Avec l’arme nucléaire, en exposant l’ennemi potentiel au risque d’une riposte massivement destructrice, a-t-on enfin trouvé définitivement le chemin de la paix ? L’équilibre de la terreur entre les deux grandes puissances aurait ainsi évité une troisième guerre mondiale, mais pas les nombreux petits conflits qui ont ensanglanté la planète. On comprend alors l’attrait que suscite cette arme radicalement nouvelle pour de nombreux pays se sentant menacés : comment oserions-nous la refuser aux pays en voie de développement alors qu’elle est indispensable à notre survie, et ceci d’autant plus, que cela représente de juteux marchés pour le fleuron de notre industrie ? Evidemment, le transfert de technologie sera “pacifique”, les technologies civile et militaire pour se procurer la matière première étant identiques. Tout comme les armes exportées sont qualifiées de “défensives”.

Les motivations pour partager son savoir sont multiples : échange de technologies entre la Corée du Nord et le Pakistan, accès au pétrole irakien ou iranien pour la France, développer en secret des technologies militaires dans un pays tiers pour l’Allemagne ou tout simplement renforcer son camp. Malheureusement, cette prolifération, dite horizontale, ne fait qu’augmenter le risque de voir un conflit régional dégénérer en guerre nucléaire. En effet, aucun pays, pas même les démocraties, n’est à l’abri de l’accession au pouvoir d’une équipe dirigeante peu scrupuleuse.

De fait, pas un pays ne s’est doté d’infrastructures nucléaires sans une arrière-pensée militaire, même si certains, comme la Suisse, le Brésil ou l’Afrique du Sud par exemple, ont officiellement renoncé à l’arme nucléaire. Quarante-quatre pays sont actuellement recensés par le traité d’interdiction des essais nucléaires comme possédant une technologie suffisante pour accéder à l’arme suprême. Personne ne met en doute qu’il suffirait d’un délai de quelques mois à un pays très industrialisé pour disposer, s’il le souhaitait, de l’arme atomique et des moyens de la déployer. L’acharnement du Japon, par exemple, à vouloir développer une filière plutonium et des lanceurs de satellites en dépit de nombreux déboires est lourd de sens à cet égard.

Conceptuellement, il est facile de fabriquer une arme rudimentaire, la difficulté étant d’ordre technologique pour accéder à la matière fissible. Le plutonium issu des réacteurs civils peut faire l’affaire, avec des performances moindres. Les Etats-Unis l’ont testé. Pour un groupe terroriste, qui recherche davantage un impact psychologique et médiatique, c’est suffisant. Mais dans une situation d’équilibre de la terreur, il faut des armes fiables qui n’explosent pas accidentellement et qui, en cas d’attaque, détruisent bien toutes les capacités ennemies à réagir. De telles armes nécessitent de la matière fissile dite de qualité militaire et des développements technologiques poussés. Le risque est déjà grand, avec des armes plus ou moins rudimentaires, de voir des équilibres régionaux se transformer en catastrophe, sans pour autant apporter la paix. Par exemple, le conflit au Cachemire n’a pas cessé avec l’accession de l’Inde et du Pakistan au statut de puissances nucléaires.

Dès 1946, l’Assemblée générale des Nations unies vote la création d’une commission atomique chargée d’éliminer les armes nucléaires et de destruction massive. Depuis, on ne compte plus les tentatives officielles et vœux pieux pour parvenir à un désarmement général. “L’homme se trouve placé devant l’alternative suivante : mettre fin à la course aux armements ou périr” prévient même l’ONU en 1977. Rien n’y fait. La diminution des arsenaux nucléaires des grandes puissances ne doit pas faire illusion. Ce sont des armes qui étaient devenues stratégiquement obsolètes qui ont été démantelées.

Les grandes puissances prennent comme prétexte la menace liée à la prolifération horizontale pour garder des arsenaux conséquents et développer de nouvelles armes, provoquant ainsi une prolifération dite verticale. Mais le tollé mondial provoqué par la reprise des essais nucléaires occidentaux en France en 1995 impose une certaine discrétion. Les programmes nucléaires “civils” permettent d’entretenir une infrastructure industrielle et un savoir faire ; sous couvert d’entretien du stock d’armes, les grandes puissances se sont engagées dans la course à une arme de quatrième génération miniaturisée, utilisable sur le champ de bataille. Elles s’appuient sur la recherche fondamentale qui leur sert d’alibi. Ainsi, par exemple, le laser mégajoule en France met en avant son intérêt pour l’astrophysique : la population se laisse berner et les concurrents avertis peuvent mesurer les progrès réalisés. Mais, le partage de certaines connaissances avec une communauté scientifique non-militaire, nécessaire pour attirer des chercheurs, facilite la prolifération horizontale.

Le développement de ces nouvelles armes est lié à un changement stratégique : avec la fin de la guerre froide, les territoires nationaux ne sont plus directement menacés ; c’est l’accès aux matières premières et ressources énergétiques qui devient primordial. Mais en cas d’utilisation, la frontière qui existe entre les armes classiques et celles de destruction massive risque d’être brouillée et d’entraîner une escalade dans la riposte. Les idéalistes voient là une violation de l’article 6 du traité de non-prolifération : “Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace.” Alors que chaque pays jure de sa bonne foi.

Un désarmement complet n’est réalisable que par étapes ; le plus urgent semble être de sortir de l’état d’alerte. Comme au temps de la guerre froide, des milliers d’armes nucléaires américaines et russes peuvent être déclenchées en quelques dizaines de minutes. Un déclenchement accidentel ou suite à une erreur de jugement, entraînant une riposte immédiate, aurait des conséquences effroyables. Cependant, un désarmement complet et sûr impliquerait un renoncement à de nombreuses activités industrielles et de recherche, telles celles qui ont été interdites à l’Irak par le conseil de sécurité de l’ONU après la première guerre du Golfe. Se priver de recherches sur l’atome, surtout quand on a accumulé des déchets nucléaires dont on ne sait que faire, est-ce vraiment souhaitable ? Placer les activités proliférantes sous contrôle international est nécessaire, mais pas suffisant. Les institutions et traités ad hoc ayant montré leur inefficacité depuis la seconde guerre mondiale, de nouveaux mécanismes sont à inventer, parmi lesquels un contrôle citoyen avec la mise en place d’une protection internationale pour les lanceurs d’alerte.

Il n’est pas besoin, comme on le sait, d’armement nucléaire pour tuer massivement. Mais l’attrait pour ces armes de destruction massive est tel qu’il semble impossible d’en freiner la prolifération, malgré le lourd tribut déjà payé par les pays engagés dans la course folle. Outre le coût financier et humain qui aurait pu trouver des utilisations plus pacifiques, la fascination pour cette arme a fait que tout était permis. Partout, des populations – souvent des minorités ethniques et des appelés du contingent – ont été exposées sciemment aux essais nucléaires atmosphériques. Aux Etats-Unis, près 9.000 cobayes humains ont été, à leur insu, victimes d’expérimentations médicales visant à étudier l’influence des radioéléments. Nombre d’entre eux étaient des enfants. En URSS, l’infrastructure nucléaire était construite par des prisonniers des camps de détention spéciaux. L’environnement a aussi été sacrifié et certains sites ne peuvent plus être réhabilités. C’est bien là l’ironie suprême de la course à l’arme nucléaire, qui sous couvert d’apporter la sécurité absolue à chacun, n’aura conduit qu’à réduire la sécurité de tous.

David Boilley

Bibliographie :

  • Dominique Lorentz, Affaires atomiques, Les arènes, 2001
  • Jean Bacon, Les Saigneurs de la guerre : Du commerce des armes, et de leur usage, Les Presses d’aujourd’hui, 1981 et Phébus 2003.
  • Sven Lindqvist, Maintenant tu es mort ; Histoire des bombes, Serpent à plumes 2002
  • Conférences Pugwash sur la science et les affaires mondiales, Eliminer les armes nucléaires ; Est-ce souhaitable ? Est-ce réalisable ?, Transition, 1997
  • André Gsponer et Jean-Pierre Hurni, Fourth generation of nuclear weapons, Technical Report, INESAP, c/o IANUS, Darmstadt University of Technology, D-64289 Darmstadt (mai 1998)
  • Bruno Barrillot, Audit atomique, éd. du CRDPC, 1999.
  • Bruno Barrillot, L’héritage de la bombe, éd. du CRDPC, 2002.
  • Stephen I. Schwartz et al, Atomic audit, Brookings Institution Press mai 1998
  • Eileen Welsome, The Plutonium Files: America’s Secret Medical Experiments in the Cold War, Dial Press 1999
  • Kenzaburô Oé, Notes sur Hiroshima, Gallimard 1996

dicodico2Autres textes du dictionnaire des risques :

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