Quel avenir pour le combustible MOX et le retraitement ?

Avis de l’ACRO transmis à la commission d’enquête publique concernant la « modification substantielle de l’installation nucléaire de base du centre nucléaire de production d’électricité de Paluel – Introduction de précurseurs MOX »

Fierté française, le « recyclage » des combustibles nucléaires usés consiste à ne réutiliser que le plutonium, soit moins de 1 % de leur masse, sous forme de combustible MOX. Et ces combustibles MOX, qui ne sont pas retraités après irradiation, s’entassent dans les piscines de La Hague proches de la saturation. Comme le plutonium a une forte valeur énergétique, cela permet de réduire d’un peu moins de 10 % la consommation de combustibles à l’uranium naturel enrichi, quand tout fonctionne bien.

Actuellement, 22 réacteurs de 900 MW utilisent du combustible MOX au Tricastin, à Dampierre, à Gravelines, à St Laurent, à Blayais et à Chinon. Ces réacteurs, mis en service dans les années 1970, vont donc bientôt dépasser la cinquantaine d’années d’exploitation alors qu’EDF espère pouvoir les utiliser une soixantaine d’années. Sans le moxage de réacteurs plus récents, le retraitement des combustibles usés s’arrêtera faute de débouché pour le plutonium.

EDF a donc pour projet d’introduire du combustible MOX dans la génération suivante de réacteurs, les 1300 MW. Pour cela, elle veut faire des essais avec 4 assemblages dits « précurseurs » dans la tranche 4 de Paluel à partir de 2024. Puis, à partir de 2028, une recharge complète (24 assemblages) sera introduite sur une tranche de Paluel après sa 4ème visite décennale. Enfin, EDF sollicitera l’autorisation de généraliser l’utilisation de MOX sur d’autres tranches, selon le besoin, après 2032. C’est l’objet de l’enquête publique qui a lieu du mercredi 12 avril 2023 au mardi 16 mai 2023.

Le dossier d’EDF fait plus de 6 000 pages et le public n’a qu’un mois pour se l’approprier et se faire un avis. Qui peut sérieusement étudier 200 pages techniques par jour sur ses heures libres ? Pas l’ACRO !

La demande d’EDF a lieu dans un contexte particulier : l’usine Melox, qui fait face à des problèmes de qualité de production des pastilles de combustible MOX depuis 2017, n’arrive plus à fournir les réacteurs 900 MW. Comme le montrent les données d’Orano (voir le graphique ci-dessous) la production de l’usine a été divisée par deux et les plans de redressement tardent à être effectifs. Dans de telles conditions, vouloir moxer d’autres réacteurs n’a aucun sens. Orano doit d’abord faire la preuve que l’usine Melox est de nouveau capable de produire 120 tonnes par an.

Comme les assemblages de combustible des 1300 MW n’ont pas la même géométrie que ceux des 900 MW, il a donc fallu adapter l’usine Melox et l’emballage de transport. Et, à Paluel, il faudra ajouter 4 grappes de commande. Mais ces efforts d’EDF pour moxer des réacteurs 1300 MW auront un impact limité dans le temps puisqu’ils ont déjà plus de quarante ans et que les essais à Paluel vont durer près d’une décennie. Cela ne suffira pas pour justifier la construction d’une nouvelle usine de retraitement, alors que la décision concernant son renouvellement ou pas, doit être prise avant 2030, selon l’ASN.

A plus long terme, il sera, de toutes façons, difficile de justifier une nouvelle usine de retraitement et la poursuite de Mélox pour seulement 7 réacteurs EPR, en supposant qu’EDF arrive à les construire.

En conclusion, la demande d’EDF d’introduire quatre assemblages MOX dits précurseurs dans Paluel 4 fait suite à la loi de Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE 2019 – 2028) qui fixe comme objectif, d’ici à 2035, de réduire la part de la production d’énergie électrique d’origine nucléaire à 50 %. Pour atteindre cet objectif, la PPE propose la fermeture de 12 réacteurs nucléaires de 900 MWe à l’échéance de leur cinquième visite décennale. Mais pour pouvoir préserver le retraitement jusqu’en 2040 « où une grande partie des installations et des ateliers de l’usine de La Hague arrivera en fin de vie », il fallait trouver d’autres débouchés pour le plutonium extrait. D’où la volonté de moxer « un nombre suffisant de réacteurs de 1300 MWe ».

Mais, l’objectif de réduire la part d’électricité nucléaire par l’arrêt des réacteurs 900 MW – les seuls moxés – vient d’être abandonné. Le moxage des 1300 MW ne se justifie donc plus dans un contexte où Mélox n’arrive pas fournir les 900 MW.

A plus long terme, avec la saturation des piscines de combustibles usés, les déboires de Mélox et le vieillissement de l’usine de retraitement dont le renouvellement ne peut pas être justifié avec 7 EPR, c’est toute la gestion des combustibles usés qui doit être repensée en associant la société civile.

Concertation sur le projet de piscine à La Hague : Peut-on débattre du nucléaire ?

La « concertation » menée par EDF sur le projet de piscines d’entreposage des combustibles usés à La Hague se termine. Force est de constater que c’est un échec complet.

L’ACRO a été la première à avoir soumis un cahier d’acteur. Nous avions identifié des lacunes dans la liste des documents sur le site de la concertation et les avons demandés aux garants. Six mois plus tard, aucune information n’est disponible sur le site Internet de la « consultation » concernant ces deux sujets.

Le premier document demandé concerne la pollution du « parc aux ajoncs » où sont prévues les piscines. Face à notre insistance, Orano, propriétaire du terrain, a fini par nous répondre qu’elle nous enverrait le document quand son instruction sera terminée. Elle y fait état d’une concentration maximale de 5 400 Bq/kg, sans que l’on sache de quels radioéléments il s’agit. En attendant, le public ne saura rien sur les niveaux de pollution et la surveillance du chantier de dépollution, ni sur le devenir des terres excavées ou encore le niveau de décontamination prévu. Toutes ces questions pourraient l’intéresser pourtant.

Qui bloque le débat ?

L’autre information manquante concerne les risques de saturation des entreposages de combustibles usés. Le document rédigé en 2016 par les exploitants est secret. En 2018, nous nous sommes battus pour obtenir la publication du rapport de l’expertise faite par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Face à l’absence de réponse, nous en avons révélé les conclusions. Puis, quand l’IRSN a fini par le publier, 10% étaient noircis. Nous avons saisi la CADA qui a imposé le dévoilement de plusieurs parties. Mais la plupart des chiffres restent secrets !

Qui bloque le débat ? Les exploitants ou les opposants ?

Ces rapports pointent pourtant les risques de saturation des entreposages qui justifient le projet de piscine. Selon les chiffres secrets de 2016, cette saturation devait arriver à l’horizon 2030, alors la piscine ne sera pas prête avant 2034. Face aux retards de l’exploitant, l’ASN a imposé le dépôt d’une demande d’autorisation de création (DAC) avant décembre 2020. En vain…

Suite aux déboires de l’usine Mélox et aux arrêts à venir des usines de retraitement, la saturation pourrait arriver beaucoup plus tôt. Selon le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), ce pourrait être dès 2024, en cas de fonctionnement dégradé. Cela signifie que la première piscine a au moins 10 ans de retard en prenant en compte les marges de sécurité. Et, en cas de saturation, il faudra arrêter des réacteurs nucléaires.

Qui est irresponsable ? Les opposants ou le porteur de projet ?

D’autres questions sont ignorées. Par exemple : Pourquoi les piscines actuelles ne sont pas bunkérisées, alors que celles en projet le seront ? L’invasion de l’Ukraine par la Russie montre qu’une nation nucléarisée n’est pas à l’abri d’un conflit et il nous faut réviser les règles de sécurité. Le sujet a pourtant fait l’objet de plusieurs questionnements lors de la réunion du 20 juin à Saint-Lô.

Les quelques réunions publiques organisées lors de cette « concertation » ont montré le fossé entre les exploitants du nucléaire pour qui il s’agit d’une formalité administrative à laquelle il faut se soumettre et le public qui demande à être mieux informé et véritablement associé à la décision. Devant des salles presque vides, les acteurs industriels et institutionnels ont fait des présentations idéalisées de la gestion des combustibles usés, ignorant les recommandations du HCTISN. Orano a affirmé que 96% des matières extraites des combustibles usés étaient recyclables, ce qui est faux car il restera toujours de l’uranium de retraitement appauvri sans solution technologique. Le représentant du ministère n’était pas en reste en mettant en avant le multi-recyclage des combustibles MOx sans souligner toutes les difficultés techniques qui le rendent irréaliste.

Une note d’éclairage de la Commission nationale de débat public (CNDP) sur 17 ans de débats publics et concertations concernant le nucléaire souligne la forte conflictualité du sujet car le public a le sentiment que les décisions sont déjà prises et que le débat n’a donc plus de raison. Alors que, dans les années à venir, sont programmés des débats sur les projets de nouveaux réacteurs EPR – prévus sans entreposage pour y mettre les combustibles usés -, et qu’il faudra décider, d’ici 5 ans si le retraitement est reconduit ou pas, il est temps de réinventer le débat public autour du nucléaire en s’appuyant sur une véritable transparence et une présentation des enjeux avec toutes les incertitudes associées.

Mais les acteurs industriels et institutionnels sont-ils prêts à s’ouvrir sincèrement au débat ? Le 24 juin dernier, la CNDP a dû recadrer EDF en rappelant que la détermination du calendrier et des modalités du débat sur les EPR2 sont de sa seule compétence !


Mise à jour du 8 août 2022 : Le rapport des garants

Le rapport des garants de la concertation menée par EDF est en ligne sur le site de la concertation (copie).

Projet de dépotoir radioactif à Chalk River au Canada : mise à jour de l’expertise du projet par l’ACRO

En 2018, l’ACRO avait été sollicitée par ICI Radio-Canada Télé et par la Communauté métropolitaine de Montreal pour apporter son expertise sur le projet de dépotoir radioactif à Chalk River au Canada. Situé à 200 kilomètres en amont de la région Ottawa-Gatineau, le complexe nucléaire de Chalk River sert, depuis les années 1950, de laboratoire pour le développement de l’industrie nucléaire canadienne. Un lieu “d’élimination” de déchets radioactifs est projeté sur le site d’un milieu humide à proximité de la rivière des Outaouais présentant ainsi des risques de contamination en cas de fuite. Cette rivière est une importante source d’eau potable pour une grande partie des habitants du Grand Montréal.

Le processus de consultation des parties prenantes se poursuit et les Laboratoires nucléaires canadiens (le promoteur) ont revu leur copie : ils n’envisagent plus que d’y stocker des déchets de faible activité, excluant ainsi les déchets de moyenne activité initialement inclus.

Dans ce contexte, la Communauté métropolitaine de Montréal a de nouveau sollicité l’ACRO afin de prendre en compte les évolutions du projet. Nous avons mis à jour notre rapport d’expertise qui a été soumis par la Communauté à la Commission Canadienne de Sûreté Nucléaire. Une audience publique aura lieu du 30 mai au 3 juin 2022.

Lire l’avis de la Communauté métropolitaine de Montréal accompagné du rapport d’expertise de l’ACRO mis à jour.

Liens externes :

Une animation du dépotoir nucléaire proposé à Chalk River.

 

Projet de piscine nucléaire centralisée à La Hague : cahier d’acteur de l’ACRO

Téléchargez le cahier d’acteur de l’ACRO dans le cadre de la consultation sur le projet de piscine d’entreposage centralisé d’EDF à La Hague (50).

Piscine centralisée à La Hague : Un projet trop tardif et risqué

Synthèse :

EDF a déjà beaucoup de retard dans son projet de piscine centralisée. Et n’ayant pu trouver de site, elle s’est rabattue sur un terrain pollué, dans une zone très nucléarisée, en comptant sur une meilleure acceptabilité sociale. La dépollution sur site et les aléas de chantier rendent le calendrier présenté peu réaliste. La saturation des piscines existantes, à l’horizon 2030, fait planer une menace inacceptable sur l’approvisionnement électrique du pays. Il est donc trop tard pour construire une piscine centralisée et EDF doit se tourner vers des solutions plus rapides à mettre en œuvre. En attendant, la production de combustibles nucléaires classiques (UNE) doit être réduite pour maintenir une marge suffisante dans les entreposages.

La Hague a déjà la concentration de substances radioactives la plus élevée au monde. Cumuler les installations nucléaires sur un même site pourrait rendre un accident grave encore plus complexe à gérer.

Après le 11 septembre 2001, la protection des piscines existantes contre les risques d’agression extérieure est devenue un sujet majeur. Le projet de piscine montre que les inquiétudes étaient légitimes. Les piscines existantes doivent aussi être bunkérisées !

Pour une information du public complète durant cette consultation, l’ACRO demande

  • qu’EDF mette en ligne une version publique de son rapport « impact cycle 2016 », autorise l’IRSN à publier la version intégrale de l’expertise qui en a été faite et justifie son retard ;
  • qu’Orano rende publique « le dossier d’assainissement du parc aux ajoncs » qu’elle a dû rendre à l’ASN en octobre 2021.

Un projet trop tardif…

La saturation, à l’horizon 2030, des piscines d’entreposage de combustibles irradiés est anticipée depuis le début des années 2000, mais, à quelques années de l’échéance, EDF est très en retard. L’arrêté du 23 février 2017 établissant les prescriptions du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs lui imposait pourtant de déposer « avant le 31 décembre 2020 auprès du ministre chargé de la sûreté nucléaire une demande d’autorisation de création pour une nouvelle installation d’entreposage de combustibles usés, ou une demande de modification substantielle s’il s’agit de l’extension d’une installation existante. » Dans son dossier, « EDF prévoit de déposer son dossier de Demande d’autorisation de création de l’installation (DAC) en 2023. » Et le planning présenté fait état d’« une mise en service de l’installation en 2034. »

Il est peu probable qu’EDF accélère son calendrier, ses autres chantiers – le centre d’entreposage ICEDA et l’EPR de Flamanville – ayant accumulé les retards supplémentaires. Et, pour ce projet de piscine, les obstacles sont nombreux.

Un site pollué et des retards supplémentaires ?

Pour EDF, « l’impact de la Piscine sur son environnement sera très faible. Elle sera implantée sur un terrain actuellement intégré au site nucléaire de La Hague, et ne requiert de convertir aucun nouveau terrain à un usage industriel. » Pas un mot sur la pollution chimique et radioactive du terrain où la piscine doit être implantée. Aucune information sur les nappes phréatiques, alors que la piscine doit être à moitié enterrée.

EDF ajoute qu’« aucun rejet radioactif, que ce soit par voie gazeuse ou liquide, n’est effectué en phase chantier », sans mentionner que le site doit être assaini avant le chantier. Et cet assainissement engendrera des déchets et des rejets.

Des années de laisser-aller.

Le « parc aux ajoncs », où doit être implantée la piscine, est notoirement une zone polluée depuis des années, mais que Cogéma/Areva/Orano s’est bien gardée d’assainir. Ces années de négligence retardent le projet, maintenant que les terrains pollués ont trouvé un acheteur.

Dans une lettre d’inspection (CODEP-DRC-2021-043175) datée de septembre 2021, l’ASN regrette les retards dans l’investigation radiologique et chimique des sols. Et « les inspecteurs ont noté que l’essentiel des sondages étaient réalisés dans les trois premiers mètres, et rarement au-delà de dix mètres. » Orano est aussi en retard dans la transmission de la modélisation hydrogéologique prescrite par la décision du 25 juin 2019. Rappelons que la piscine devrait être semi-enterrée et affecter les nappes phréatiques.

Par ailleurs, des terres et des gravats devront être déplacés et il faut encore trouver de nouvelles zones d’entreposage sur site. Toujours selon la lettre d’inspection de l’ASN, Orano n’en est qu’aux « études prospectives et […] actions envisagées » pour la « gestion des terres et gravats sur le site dans les prochaines années ». Et l’ASN de s’inquiéter des retards éventuels.

A noter que « le dossier d’assainissement du parc aux ajoncs » a dû être « transmis et présenté en octobre 2021 à l’ASN ». Il n’a pas été rendu public et EDF n’en fait pas mention dans son dossier soumis à consultation.

Le cas du Ru des Landes.

Dans le cadre de son Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement, l’ACRO effectue une surveillance régulière de la pollution radioactive autour des installations nucléaires de La Hague, ce qui lui a permis, en 2016, de mettre en évidence une pollution inhabituelle dans la zone du Ru des Landes, avec la présence notable d’américium-241 et de plutonium, particulièrement toxiques. En janvier 2017, Areva, devenue Orano depuis, s’est engagée à reprendre les terres contaminées. Et en mars 2017, une équipe projet a été mise en place, mais, en janvier 2022, aucun travail d’assainissement n’a encore été mené et des vaches continuent à y paître. Faudra-t-il autant de temps pour le parc aux ajoncs, situé juste au-dessus du Ru des Landes ?

Et les nappes phréatiques ?

La nappe phréatique qui alimente le Ru des Landes est aussi contaminée en plutonium, américium 241 et strontium 90. Dans un avis publié en avril 2017, l’IRSN précise que « dans la note technique transmise en décembre 2016, AREVA NC cite comme origine possible du marquage de la source du ruisseau des Landes, des transferts de radionucléides par les eaux souterraines à partir des fosses bétonnées non étanches de la ZNO. En outre, selon l’étude d’impact réalisée dans le cadre de la demande de démantèlement complet de l’usine UP2-400, un marquage global de cette zone est également attribué aux rejets intervenus lors de l’incendie du silo 130 » Il est donc fort probable que les nappes phréatiques sous le parc aux ajoncs soient aussi contaminées.

Des rejets significatifs

Peu d’information.

Dans ses documents, EDF annonce qu’« en exploitation ses rejets radioactifs seront de l’ordre de 1% des rejets actuels du site d’Orano ». C’est donc beaucoup puisque Orano a les rejets radioactifs en mer les plus élevés au monde ! EDF ne donne aucune indication sur la façon dont ce chiffre a été évalué. Elle précise juste que « les effluents radioactifs seront principalement composés de tritium, de carbone-14 et d’autres produits de fission et d’activation émetteurs bêta ou gamma qui proviennent des assemblages combustibles ». Le suivi des piscines existantes aurait dû permettre d’être plus précis.

Le tritium – hydrogène radioactif – est très difficile à contenir et sera donc le radioélément le plus rejeté. Les usines Orano en rejettent 11 400 TBq par an. 1% de cette valeur – 114 TBq – représente à peu près deux fois plus que les rejets de la centrale de Flamanville limités à 60 TBq par an.

…qui menace l’approvisionnement électrique français

Pourquoi les retards du projet d’entreposage de combustibles usés sont inquiétants ?

Accumulation

Flux de matières nucléaires

Il y a deux types de combustibles nucléaires actuellement utilisés en France : les combustibles à l’uranium naturel enrichi (UNE) qui représentent 90% des combustibles qui sortent actuellement des centrales nucléaires françaises, selon le Haut Comité à la Transparence et à l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN, rapport de 2018). Ils sont entièrement retraités après une dizaine d’années en piscine, mais seul le plutonium est recyclé pour fabriquer du combustible MOx qui constitue les 10% restant. Dans son dossier, EDF écrit, sans vergogne, que « l’uranium issu du traitement (URT) est recyclé ». C’est faux ! Par le passé, une petite partie de l’uranium de retraitement a effectivement été recyclé après ré-enrichissement en Sibérie, mais cela n’a représenté que 2% environ de l’uranium séparé à La Hague, selon le HCTISN.

Ni les combustibles MOx usés, ni les quelques assemblages à base d’uranium de retraitement ne sont retraités. Ils doivent donc être entreposés durant des décennies et s’accumulent. Ils viennent s’ajouter aux combustibles classiques (UNE) qui n’ont pas été retraités par le passé.

D’entrée de jeu, EDF explique que les combustibles MOX usés sont « appelés à être retraités ultérieurement sur ce même site. » Il s’agit d’un vœu pieux. Avec la fermeture des réacteurs 900 MW – les seuls qui consomment le MOX –, EDF ne pourra même pas retraiter tous les combustibles classiques à l’uranium naturel. Alors pourquoi aller retraiter des combustibles MOX ?

Saturation à l’horizon 2030

La saturation est anticipée depuis le début des années 2000

La saturation, à l’horizon 2030, des piscines d’entreposage de combustibles irradiés est anticipée depuis le début des années 2000 et l’ASN presse EDF d’étendre ses entreposages depuis 2010. Mais, si quelques réacteurs parmi les plus anciens – les seuls habilités à consommer du MOx –, ne sont pas autorisés à poursuivre leur fonctionnement au-delà de 40 ans, il faudra diminuer la part du retraitement afin de ne pas séparer plus de plutonium que nécessaire. En retirant moins de combustibles des piscines de la Hague, la saturation arrivera plus vite que prévu.

Une fois la saturation atteinte, il faudra réduire la production de combustibles classiques afin de laisser la place aux MOx usés. Cela nécessitera d’arrêter 10% du parc nucléaire, soit 5 à 6 réacteurs non Moxés.

Comme le projet de piscine sera achevé, au mieux, en 2034, l’industrie nucléaire travaille déjà sur des plans B, même si EDF n’en parle pas dans son document soumis à consultation. Il est déjà prévu de densifier les piscines existantes de La Hague et, si cela ne suffisait pas, de mettre des combustibles dans des containers de transport. Aucune de ces solutions n’est durable et il s’agit plutôt de pis-aller.

En cas d’aléas, une situation alarmante

C’est en cas d’aléa entraînant un arrêt prolongé du retraitement, de la fabrication de MOx ou du transport que la situation pourrait devenir problématique. L’engorgement des piscines entraînerait l’arrêt de tout le parc nucléaire en quelques mois, menaçant ainsi l’approvisionnement électrique du pays. Les autorités de contrôle, face à un dilemme insoluble, pourraient avoir à trancher entre la sûreté et l’approvisionnement électrique et alors être obligées d’accepter des manquements graves à la sûreté pour permettre la poursuite de l’exploitation des réacteurs nucléaires. Une telle situation est inacceptable et montre l’irresponsabilité d’EDF.

Une pénurie d’entreposage pour imposer la poursuite du nucléaire

Suite à la catastrophe de Fukushima, le Japon a dû arrêter tout son parc nucléaire en 14 mois, alors que celui-ci fournissait 30% de l’électricité du pays. En France, le nucléaire fournit 70% de l’électricité. L’arrêt du parc aura donc des conséquences beaucoup plus graves. C’est pourquoi la loi sur la transition énergétique et croissance verte prévoyait de ramener la part du nucléaire à 50% de l’électricité produite avant 2025. L’arrêt des réacteurs les plus anciens – les seuls qui consomment le plutonium extrait – aurait entraîné une réduction du retraitement et une accélération de la saturation des entreposages, qui aurait, à son tour, entraîné l’arrêt de réacteurs plus récents.

En maintenant une pénurie d’entreposages, l’industrie nucléaire a imposé la poursuite du retraitement, l’exploitation des réacteurs les plus anciens et le report à 2035 de l’échéance de la loi sur la transition énergétique et croissance verte. Mais cette politique est délétère, car elle risque d’entraîner un effondrement de la production d’électricité, une fois la saturation atteinte.

Un secret bien gardé

Tout est fait pour garder le secret sur cette situation alarmante. L’IRSN avait censuré tout le chapitre « aléas » et presque tous les chiffres de son rapport d’expertise sur le sujet. L’ACRO a dû saisir la CADA pour que la partie « aléas » soit dévoilée. Quant au rapport rédigé par EDF, Orano et l’ANDRA, il reste entièrement couvert par le « secret des affaires » ! Et EDF n’a même pas songé à en fournir une version publique dans le cadre de cette concertation.

Conclusion

L’Arrêté du 23/02/17 relatif au Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs exige « une nouvelle installation d’entreposage de combustibles usés, ou une demande de modification substantielle s’il s’agit de l’extension d’une installation existante » et n’impose aucunement une piscine d’entreposage. C’est le choix d’EDF qui appuie son argumentaire sur « le choix politique de la France de retraiter ses combustibles usés »

Avec une mise en service prévue, au mieux, en 2034, la piscine en projet arrivera trop tard pour éviter la saturation des entreposages qui pourraient avoir des conséquences dramatiques pour l’approvisionnement électrique du pays. EDF doit donc se tourner vers d’autres solutions plus rapides à mettre en œuvre. La piscine centralisée aurait pu être une solution, si la procédure avait été engagée il y a 10 ans. En attendant, la production de combustibles nucléaires classiques (UNE) doit être réduite pour maintenir une marge suffisante dans les entreposages.

Le projet de piscine bunkérisée souligne aussi la vulnérabilité des piscines existantes qui ne bénéficient pas du même niveau de protection. Il est donc indispensable de renforcer la protection des piscines existantes, aussi bien à La Hague qu’auprès des centrales nucléaires.

Consultation ASN relative aux rejets des usines de La Hague : l’ACRO demande une réduction significative

Consultation ASN relative aux projets de décisions modifiant certaines modalités de prélèvement et consommation d’eau, de rejet et de surveillance de l’environnement, et certaines limites de rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux de l’établissement de La Hague

Avis de l’ACRO

L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a mis à la consultation du public, pour une période de 2 semaines seulement, ses projets de décisions modifiant certaines modalités de prélèvement et consommation d’eau, de rejet et de surveillance de l’environnement, et certaines limites de rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux de l’établissement de La Hague.

Il ne nous est matériellement pas possible d’évaluer dans le détail les textes soumis à la consultation du public en un temps aussi court. L’avis de l’ACRO, qui suit, n’inclut donc que des remarques générales. L’association salue l’extension de certains contrôles demandés par l’ASN.

Rappelons que ces usines ont les plus forts rejets radioactifs en mer au monde et que l’ACRO, dans le cadre de sa surveillance citoyenne, les détecte jusqu’au Danemark. Rappelons aussi que la France s’est engagée, dans le cadre de la convention OSPAR pour la protection de l’Atlantique du Nord-Est, à réduire ses rejets en mer de façon à ramener, pour les substances radioactives, les niveaux dans l’environnement à des niveaux proches du bruit de fond pour les substances naturelles et proches de zéro pour celles d’origine artificielle à l’horizon 2020. Cet engagement pris en 1998, à Sintra au Portugal, par les États membres de la convention OSPAR a été confirmé lors des réunions suivantes de 2003 à Brême et de 2010 à Bergen. Comme aucune politique de réduction de ces rejets n’a été mise en place, l’échéance de 2020 a été discrètement repoussée à 2050 le 1er octobre 2021. Par ailleurs, l’engagement de 2021 inclut aussi une réduction des rejets chimiques de façon à obtenir des teneurs proches de zéro en 2050.

  • La formulation actuelle du paragraphe [Areva-LH-83] (« Dans le but d’atteindre à terme des concentrations de substances radioactives en mer proches de zéro pour les radioéléments artificiels et proches des teneurs ambiantes pour les radioéléments naturels ») ne donne aucune contrainte temporelle. L’ACRO demande donc que les décisions de l’ASN incluent un échéancier précis de réduction des rejets radioactifs et chimiques en mer des installations situées à La Hague.

La version actuelle (Décision n° 2015-DC-0535 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 22 décembre 2015) exige que « l’exploitant adresse à l’Autorité de sûreté nucléaire, au plus tard le 31 décembre 2017, et ensuite tous les quatre ans :

  • une étude technico-économique visant à réduire ses rejets tant chimiques que radiologiques. Cette étude sera notamment basée sur une comparaison des techniques utilisées avec les meilleures technologies disponibles à un coût raisonnable et sera accompagnée d’un bilan des modifications et de leurs conséquences sur les rejets,
  • un document présentant les conséquences sur l’environnement des modifications techniques envisageables. Ce document est soumis à l’appréciation du Groupe Radioécologie Nord Cotentin (GRNC) ou d’un groupe d’expertise pluraliste qui aurait repris ses missions. L’avis est rendu public et est présenté à la Commission Locale d’Information (CLI). »

Dans ce nouveau projet, l’ASN reporte à 2023 l’échéance et étend à 6 ans l’écart entre deux rapports.

Où sont les rapports de 2017 et 2021 ? L’ACRO qui a été un membre très actif du GRNC n’a pas été consultée.

  • L’ACRO demande que les études technico-économiques de 2017 et 2021 soient rendues publiques et fassent l’objet d’un débat après une expertise pluraliste. Pourquoi attendre 2023 ?

Il n’est fait aucun retour d’expérience de Fukushima, où une station de traitement des eaux contaminées, qui filtre 62 radioéléments, a été mise en place en quelques années, alors que Cogéma-Areva-Orano n’a fait aucun effort significatif pour réduire ses rejets en mer en une vingtaine d’années et ne met pas en œuvre les meilleures technologies disponibles.

Dans la contribution française de 2019 à la convention OSPAR, il est précisé que radioéléments rejetés en mer qui ont le plus fort impact sont l’iode-129 et le carbone-14 : la dose du groupe de référence, à savoir les pêcheurs locaux, serait réduite de 30% si ces deux radioéléments étaient filtrés. L’ASN n’impose aucune réduction des autorisations de rejets de ces deux radioéléments. Le cobalt-60, quant à lui, représente 4% de la dose du même groupe de référence. L’ASN prévoit de réduire d’un facteur 1,8 l’autorisation de rejet en cobalt-60.

Mis à part le cobalt 60, les réductions de rejets radioactifs dans le projet de décision ASN ne concernent que les radioéléments secondaires.

Il est important de souligner que le cobalt-60 et l’iode-129 font partie des radioéléments filtrés par la station ALPS à Fukushima.

Autre exemple qui montre la différence avec Fukushima : à La Hague, « l’activité volumique moyenne quotidienne ajoutée calculée des effluents rejetés en mer, après dilution à un kilomètre du point de rejet, doit être inférieure à 4 000 Bq/L pour le tritium et 200 Bq/L pour les radioéléments autres que le tritium. » A Fukushima, bien que l’autorisation de rejet permette une concentration en tritium à l’émissaire pouvant aller jusqu’à 60 000 Bq/l, TEPCo va diluer les effluents avant rejet afin d’obtenir une concentration en tritium rejeté inférieure à 1 500 Bq/L.

  • L’ACRO demande qu’une véritable politique de réduction des rejets radioactifs soit mise en place en profitant du retour d’expérience de Fukushima.

Comme l’Autorité environnementale l’a souligné récemment (Avis 2021-18), les rejets en nitrates et nitrites de l’usine de retraitement représentent « le rejet, en équivalent azote du lisier de 100 000 porcs directement dans la mer, non épuré, non épandu ». Le projet de décision réduit de 100 000 à 70 000 kg par an les rejets en ion nitrite, mais ne modifie pas l’autorisation de rejet de l’ion nitrate qui reste à 2 900 000 kg par an !

  • L’ACRO demande que les rejets en nitrates soient réduits significativement étant donné leur impact sur les écosystèmes.

Rappelons enfin que l’ACRO avait mis en évidence, en 2016, une pollution radioactive conséquente au Ru des Landes et Areva, devenue Orano, s’était engagé à « reprendre et conditionner les terres marquées en américium 241 dans la zone située au nord-ouest du site. » A ce jour, aucun travail n’a été entrepris.

  • L’ACRO demande donc à l’ASN de prescrire une surveillance renforcée de la zone contaminée qui est accessible à tous.

Nouvelle prolongation de l’autorisation de création de l’EPR de Flamanville

Mise en service de l’EPR (Flamanville 3) : Projet de décret soumis par l’ASN à la CLI de Flamanville

Contexte

L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a été saisie en juillet 2019 par le ministre en charge de la sûreté nucléaire pour qu’elle porte un avis sur la demande d’EDF de proroger de 4 ans la durée avant la mise en service de l’EPR de Flamanville.

A la suite de la réunion de la CLI de Flamanville le 30 janvier 2020, l’ASN adresse un courrier sollicitant l’avis de la CLI, le 3 février 2020, sur le projet de décret d’autorisation de création de l’installation nucléaire de base dénommée Flamanville 3. L’objectif de cette modification est de porter à 17 ans, contre 13 en 2017 et 10 en 2007, le délai fixé pour la mise en service de l’installation.

Cette modification ne fait pas l’objet d’une consultation du public.

Avis de l’ACRO

La date de la mise en service de l’EPR de Flamanville est à nouveau reportée, cette fois-ci en 2024. En 2016, il avait été révélé que les calottes supérieure et inférieure de la cuve n’étaient pas conformes à cause d’une concentration carbone anormalement élevée affectant les propriétés mécaniques. Cette anomalie est inacceptable car l’hypothèse d’une défaillance de la cuve étant exclue, aucune solution pour y remédier n’est prévue. L’ASN avait ensuite donné son accord pour une mise en service en 2020 sous réserve du changement du couvercle de la cuve en 2024.

Entre temps, d’autres anomalies ont été révélées, en particulier dans les soudures des circuits secondaires principaux. La réparation des 8 soudures de traversées, exigée par l’ASN, amène EDF à demander ce nouveau report de la mise en service. Ainsi, il va falloir découper les tuyaux, pour introduire un robot, ce qui va générer 8 soudures supplémentaires sur le circuit secondaire et le rendre plus vulnérable. Contrairement aux affirmations d’EDF et de l’ASN, rien n’assure que ce nouveau délai de 4 ans soit suffisant.

Depuis 2007, la catastrophe de Fukushima a entraîné un renforcement des exigences de sûreté, le chantier et les équipements ont connu de très nombreux défauts et anomalies. Le coût initial de l’EPR a été multiplié par quatre alors que celui des énergies éolienne et solaire baisse et les rend plus économiques.

L’ACRO estime donc qu’un nouveau débat public sur la mise en service du réacteur doit être organisé. Pour cela, elle demande qu’EDF explique publiquement toutes les raisons ayant généré les reports de mise en service, et que l’ASN et l’IRSN contribuent à la totale et nécessaire transparence sur la sûreté de cet EPR.

L’ACRO demande qu’au cas où une mise en service serait envisagée en 2024, celle-ci soit effectuée avec le nouveau couvercle de cuve, comme exigé par l’ASN en 2017.

L’ACRO émet donc un avis défavorable au décret visant à prolonger de 4 ans le délai de mise en service de l’EPR de Flamanville, faute de garanties sur la sûreté et sur l’organisation d’un nouveau débat public.

avis précédents :

Avis de l’ACRO sur le projet de décret de prolongation à 13 ans du délai fixé pour la mise en service de l’EPR de Flamanville, février 2017
Réacteur EPR Flamanville 3 : position de l’ACRO relative au projet d’avis de l’ASN concernant l’anomalie de la composition de l’acier du fond et du couvercle de la cuve, septembre 2017

Protection radiologique des personnes et de l’environnement en cas d’accident nucléaire grave – Radiological Protection of People and the Environment in the Event of a Large Nuclear Accident

English below

Commentaires de l’ACRO sur le projet de rapport de la CIPR (les références sont à la fin du document, après la section en anglais) :

Un accident nucléaire ne peut pas être réduit à un problème de radioprotection car il a inévitablement des conséquences sociales, environnementales et économiques. La vie quotidienne des populations peut être profondément affectée. Ainsi, la CIPR propose une nouvelle publication sur les accidents graves qui concerne différents aspects de la réponse en prenant en compte tous les impacts. L’ACRO salue cette initiative mais regrette que le rapport soumis à la consultation du public ait des lacunes graves.

Niveaux de référence

Le principal problème concerne les niveaux de référence qui ne sont pas assez protecteurs. Tout d’abord, la CIPR considère « qu’il y a des preuves scientifiques fiables que l’exposition du corps entier à des niveaux supérieurs à 100 mSv peut augmenter la probabilité d’occurrence des cancers de la population exposée. En dessous de 100 mSv, la preuve est moins claire. Par prudence, la Commission suppose, pour toute la radioprotection, que même les faibles doses induisent une petite augmentation du risque » (22). Une telle affirmation ne prend pas en compte tous les résultats de la littérature scientifique. Dans les faits, ce projet de rapport reprend les niveaux de la publication 103 de la CIPR, qui sont les mêmes que ceux de la publication 60 qui remonte à 1990. Ces niveaux sont surtout basés sur le suivi des hibakusha de Hiroshima et Nagasaki (TD86). Il y a de nombreuses études en radiobiologie et en épidémiologie qui suggèrent fortement l’existence d’effets stochastiques en dessous de 100 mSv et que la relation linéaire sans seuil est basée sur des faits et pas seulement « sur une approche précautionneuse de la radioprotection ». Voir, par exemple, les réfs. [LD].

L’ACRO exhorte la CIPR à réduire les niveaux de référence et les limites qu’elle recommande.

Après un accident nucléaire, la CIPR recommande : « le niveau de référence pour la protection des intervenants après la phase d’urgence nucléaire ne doit pas dépasser 20 mSv par an. Pour les personnes qui vivent dans des zones durablement contaminées après la phase d’urgence, le niveau de référence doit être choisi dans ou sous l’intervalle de 1 à 20 mSv recommandé par la Commission pour ce qui est des situations d’exposition existantes, en prenant en compte la distribution des doses dans la population et la tolérance aux risques dans des situations d’exposition existantes durables. Et, d’une manière générale, il n’est pas nécessaire que le niveau de référence dépasse 10 mSv par an. L’objectif d’optimisation de la protection est une baisse progressive de l’exposition à des niveaux de l’ordre de 1 mSv par an » (j).

Comme cette position étant difficilement compréhensible, la CIPR ajoute : « La Commission considère que des expositions annuelles de l’ordre de 10 mSv durant les premières années du processus de réhabilitation, additionnées à l’exposition durant la phase d’urgence, pourraient conduire à une exposition totale plus grande que 100 mSv dans un temps relativement court pour les personnes affectées. Par conséquent, il n’est pas recommandé de sélectionner des niveaux de référence au-delà de 10 mSv par an quand il est estimé que de telles expositions peuvent durer plusieurs années, une fois que la phase de réhabilitation commence. De plus, l’expérience de Tchernobyl et de Fukushima a montré qu’avec des niveaux d’exposition de l’ordre de 10 mSv par an, il est difficile – étant données les multiples conséquences négatives, sociétales, économiques et environnementales associées à la présence durable d’une contamination radioactive et aux nombreuses restrictions imposées à la vie quotidienne par les actions de protection – de maintenir des conditions de vie, de travail et de production décentes et durables dans les zones affectées » (80).

L’introduction d’un nouveau niveau de référence à 10 mSv/an est bienvenu car le Japon, par exemple, maintient un niveau à 20 mSv/an depuis plus de 8 ans à Fukushima. La réduction progressive des niveaux d’exposition à des niveaux de l’ordre de 1 mSv/an, ou plus bas, n’est pas assez protectrice sans un échéancier. Par contraste, les directives des Etats-Unis requièrent le déplacement quand les personnes peuvent être exposées à 20 mSv ou plus durant la première année, et 5 mSv ou moins à partir de la seconde année. L’objectif à long terme est de maintenir les doses à ou en dessous de 50 mSv en 50 ans. Le guide des mesures de protection en cas de déplacement traite de l’exposition externe après le panache aux matières radioactives déposées et de l’inhalation de matières radioactives remises en suspension qui ont été initialement déposées au sol ou sur d’autres surfaces [USEPA1992, FEMA2013].

L’ACRO exhorte la CIPR à introduire d’autres niveaux de référence associés à un échéancier précis pour la dose cumulée au cours des années, comme aux Etats-Unis.

Il convient de garder à l’esprit que la population peut déjà avoir été exposée à des doses allant jusqu’à 100 mSv lors de la phase d’urgence.

En ce qui concerne la phase d’urgence, la CIPR déclare : « Pour l’optimisation des actions de protection durant la phase d’urgence, la Commission recommande que les niveaux de référence pour limiter l’exposition des populations affectées et des intervenants ne doit généralement pas dépasser 100 mSv. Cela peut être appliqué sur une période courte et, d’une manière générale ne doit pas dépasser un an » (77). Mais elle explique, plus loin, qu’« une situation d’exposition d’urgence peut être de très courte durée (heures ou jours), ou elle peut se prolonger sur une longue période (semaines, mois ou années) » (85). Une situation d’exposition d’urgence qui requiert des actions « urgentes » ne peut pas durer des mois, voire des années ! Ce n’est pas cohérent avec le niveau de référence de la CIPR pour les situations d’urgence qui ne doit pas dépasser un an. Si cette urgence dure plus d’un an, il n’y a plus de niveau de référence.

Par ailleurs, comme l’explique la CIPR, « pour les décisions prises lors de la phase d’urgence, dans l’éventualité d’un accident nucléaire, surtout dans les premier instants, le besoin d’agir rapidement ne permet pas l’implication des parties prenantes. » (51). Ainsi, l’extension de la situation d’urgence au-delà de durées raisonnables va entraver l’implication des parties prenantes.

Dans le cas de l’accident à la centrale de Fukushima dai-ichi, la CIPR rappelle que « le 22 avril 2011, les territoires situés au-delà de la zone de 20 km pour lesquels il a été estimé que la dose attendue en un an pouvait atteindre 20 mSv ont été désignés comme “zone d’évacuation intentionnelle”. Le gouvernement central a ordonné que la réinstallation des habitants des zones d’évacuation intentionnelle soit effectuée en à peu près un mois. Le critère d’évacuation choisi par le gouvernement a été établi en fonction de l’intervalle de niveaux de référence de 20 à 100 mSv par an pour les situations d’urgence recommandés par la CIPR » (B7). Un ordre d’évacuation issu 42 jours après la déclaration d’urgence avec plus d’un mois pour l’appliquer n’est PAS une évacuation d’urgence ! Les autorités japonaises ont trahi les citoyens en se référant aux situations d’exposition d’urgence.

En conclusion, la phase d’urgence doit être aussi courte que possible sinon les autorités vont se référer à des niveaux de référence les plus élevés et exclure l’implication des parties prenantes. Il est important de noter que, d’un point de vue purement physique, les radioéléments à vie courte dominent l’exposition externe durant un mois et qu’après les éléments à vie plus longue comme le césium radioactif dominent. Il n’est donc pas nécessaire d’étendre la phase d’urgence sur de longues durées.

L’ACRO exhorte la CIPR à réduire la phase d’urgence à la période la plus courte possible qui ne doit pas dépasser un mois.

Protection des enfants et des femmes enceintes

La CIPR « recommande de porter une attention particulière aux enfants et aux femmes enceintes, pour qui les risques radiologiques peuvent être élevés que pour les autres groupes d’individus. Les activités sociales et économiques stratégiques devraient également faire l’objet de dispositions de protection spécifiques dans le cadre de la mise en œuvre du processus d’optimisation. » (65) De fait, les fœtus et les jeunes enfants sont plus sensibles aux radiations que les adultes, mais la plupart des niveaux de référence et limites de doses ont été établis pour des adultes. Les recommandations de la CIPR visant à assurer une meilleure protection sont très décevantes. Elles incluent :

  • « la surveillance de la dose à la thyroïde dans la phase initiale [qui] est importante pour les enfants et les femmes enceintes » (102);
  • « l’administration d’iode stable durant la phase initiale [qui est particulièrement est importante pour les enfants et les femmes enceintes » (130);
  • « le contrôle de la qualité radiologique du lait, qui constitue une part importante de l’alimentation des enfants dans la plupart des pays, [et qui] est particulièrement important pendant la phase initiale d’un accident car il constitue une source potentielle d’exposition de la thyroïde à l’iode radioactif » (134);
  • « Une sous-catégorie de la surveillance sanitaire [qui] est le suivi de sous-groupes potentiellement sensibles (par ex. les enfants, les femmes enceintes) » (198).

L’ACRO exhorte la CIPR à introduire des limites et des niveaux de référence plus protecteurs pour les femmes enceintes, les bébés et les enfants.

Evacuation et protection des populations

Étonnamment, le résumé analytique du projet de rapport ne mentionne pas les personnes déplacées et leur protection. Plus loin, dans le texte principal, la CIPR affirme que « l’expérience internationale après les accidents nucléaires et non nucléaires montre que les nations et les individus ne sont pas disposés à abandonner facilement les zones touchées » (57), ce qui n’est pas exact. A Fukushima, seulement 23% des personnes qui ont été obligées d’évacuer sont revenues après la levée des ordres d’évacuation. De plus, de nombreuses familles ont évacué seules, sans aucun soutien.

En outre, la CIPR ne prend en compte que la « réinstallation temporaire ». Dans les cas de Tchernobyl et de Fukushima, il existe encore de vastes zones où personne n’est autorisé à revenir et de nombreuses familles sont réinstallées ailleurs définitivement. Pourquoi la CIPR les ignore-t-elle ?

La CIPR semble considérer qu’une fois qu’elles ont quitté les zones contaminées, elles ne sont plus concernées par la radioprotection et ne méritent plus d’être prises en considération. Mais elles ont fui une exposition aux radiations !

Les personnes réinstallées ailleurs et les rapatriés devraient bénéficier de la même considération dans la publication. Les personnes déplacées souffrent de difficultés financières, de discrimination et de mise à l’écart (intimidation dans le cas des enfants). Beaucoup se sentent coupables d’avoir abandonné leur ville natale, ceux qui sont restés et ceux qui sont revenus. Ils ont besoin d’une protection et d’une attention particulières.

L’ébauche de la CIPR ne tient compte que des populations vivant dans des territoires contaminés qui n’ont pas été évacuées ou qui sont revenues. Il convient également de noter que de nombreux rapatriés ne vivent pas chez eux, mais ont été réinstallés dans un nouveau logement dans leur ville natale. Dans certaines villes et certains villages, ils doivent vivre dans un quartier complètement nouveau.

La CIPR note que « la réinstallation temporaire est cependant associée à des troubles psychologiques. Plusieurs études menées après l’accident de Fukushima ont montré une augmentation significative de l’incidence de la dépression et du syndrome de stress post-traumatique chez les résidents relogés de Fukushima » (136). Mais vivre dans des territoires contaminés est aussi associé à des troubles psychologiques et à un stress qui n’est jamais mentionné. Les travaux de terrain menés au Japon indiquent que ce traumatisme est réel [Shinrai2019 et ses références]. L’insistance sur les « troubles psychologiques dus à la réinstallation » cache le traumatisme de ceux qui sont restés, ou sont revenus, et se sentent “piégés” dans cette situation subie.

La seule solution proposée est la diffusion d’une culture radiologique pour apprendre à vivre dans des territoires contaminés avec une exposition aux radiations optimisée afin d’aider les gens à répondre à leurs préoccupations de la vie quotidienne. Cependant, la CIPR ne considère jamais que cela pourrait être un fardeau trop lourd pour beaucoup et que la plupart des familles aimeraient offrir un autre avenir à leurs enfants, sans avoir à vérifier et à évaluer constamment chaque mouvement de leur vie quotidienne.

La CIPR ne mentionne qu’une seule fois que « les individus ont le droit fondamental de décider s’ils veulent ou non rentrer chez eux. Toutes les décisions de rester dans une zone touchée ou de la quitter doivent être respectées et soutenues par les autorités, et des stratégies doivent être élaborées pour la réinstallation de ceux qui ne veulent pas ou ne sont pas autorisés à rentrer dans leur foyer » (158). Cela n’est pas suffisant et devrait être davantage étayé par des conseils pratiques aux autorités.

L’ACRO exhorte la CIPR à examiner sérieusement la question des populations déplacées et de se référer aux Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays du Conseil économique et social des Nations Unies [UNESC1998]. Rappelant que « les déplacements engendrent presque toujours de graves souffrances pour les populations touchées », ces Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays leur offrent des garanties. En particulier, « les autorités compétentes ont le devoir et la responsabilité première d’établir les conditions et de fournir les moyens qui permettent aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays de retourner volontairement, en toute sécurité et dignité, dans leurs foyers ou lieux de résidence habituelle, ou de se réinstaller volontairement dans une autre partie du pays. Ces autorités s’efforceront de faciliter la réintégration des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays qui ont été rapatriées ou réinstallées. » Ils ajoutent que « les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ont le droit d’être protégées contre le retour forcé ou la réinstallation dans tout lieu où leur vie, leur sécurité, leur liberté et/ou leur santé seraient en danger » et que « des efforts particuliers devraient être faits pour assurer la pleine participation des personnes déplacées à la planification et à la gestion de leur retour ou de leur réinstallation et réintégration ».

Les personnes vulnérables sont particulièrement exposées en cas d’accident nucléaire grave. La CIPR reconnaît que « dans les mois qui ont suivi l’accident nucléaire de Fukushima, une augmentation générale de la mortalité a été observée (à l’exclusion des décès dus au séisme et au tsunami), notamment chez les personnes âgées. Cette augmentation ne peut être attribuée aux effets directs des rayonnements sur la santé, bien qu’elle soit une conséquence directe de l’accident » (40). En outre, « l’évacuation non planifiée de personnes âgées ou sous surveillance médicale de maisons de repos peut avoir causé plus de mal que de bien à ces personnes » (54). Ainsi, « l’évacuation peut être inappropriée pour certaines populations, comme les patients dans les hôpitaux et les maisons de repos, ainsi que les personnes âgées, si elle n’est pas bien planifiée » (124).

L’ACRO est d’accord avec la CIPR sur ce point, mais considère que l’hébergement prolongé des personnes vulnérables dans les zones exposées devrait être bien préparé. Le personnel doit accepter de prendre soin des patients malgré la situation radiologique.

Confiance et implication des parties prenantes

Dans son projet de rapport, la CIPR explique fréquemment qu’un accident nucléaire génère de la « complexité » ou des « situations complexes » sans expliquer le sens de ces expressions. Voir par exemple le § (15). Sans accident nucléaire, la vie et la société sont déjà complexes. Mais des individus et des groupes ont mis en place des mécanismes fondés sur la confiance pour faire face à une telle complexité. Un accident nucléaire remet en cause cette confiance et les populations touchées sont perdues devant une situation sans précédent. Ainsi, le principal défi pour les autorités est donc de fournir des informations dignes de confiance.

La CIPR mentionne une fois « l’effondrement de la confiance dans les experts et les autorités » (29) et suggère que « les actions de protection devraient contribuer à regagner la confiance de toutes les personnes par rapport à la zone affectée » (66). Mais la confiance doit être conservée plutôt que restaurée !

Les mesures de protection choisies doivent être expliquées et justifiées aux populations touchées. Ensuite, une réévaluation régulière est nécessaire en raison des grandes incertitudes qui sous-tendent le processus de décision précoce. Par conséquent, le processus étape par étape illustré à la figure 2.2 devrait être étendu pour inclure l’explication et la réévaluation. En outre, l’implication des parties prenantes doit être spécifiquement mentionnée ici.

La CIPR explique que « le processus d’optimisation doit reconnaître qu’il y a inévitablement des conflits d’intérêts et chercher à concilier les différences et les besoins des différents groupes. Par exemple, les producteurs de biens, de services et d’aliments souhaiteront poursuivre leur production, mais leur capacité à le faire est affectée par la volonté des consommateurs de recevoir et d’acheter ces articles » (66). Dans sa publication sur les fondements éthiques de la radioprotection, la CIPR a ignoré ces intérêts contradictoires et l’ACRO a considéré dans ses commentaires qu’il s’agissait d’une lacune majeure. Ainsi, l’ACRO est satisfaite de voir qu’ils sont reconnus ici. Cependant, la réponse est décevante : « Les mesures de protection devraient contribuer à regagner la confiance de toutes les personnes en ce qui concerne la zone touchée » (66). C’est tout !

Lorsque la CIPR recommande que « toute décision modifiant une situation d’exposition aux rayonnements devrait faire plus de bien que de mal » (48), tient-elle compte des individus, des groupes, de la nation ? Les intervenants seront exposés pour sauver les autres. La CIPR écrit plus loin : « La responsabilité de juger la justification incombe généralement aux autorités pour assurer un bénéfice global, au sens le plus large, à la société, et donc pas nécessairement à chaque individu » (50). Cette position est en conflit avec le droit à la santé de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Chaque individu personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille. »

Anand Grover, Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, a noté dans son rapport sur Fukushima : « Les recommandations de la CIPR sont basées sur les principes d’optimisation et de justification, selon lesquels toutes les actions du gouvernement devraient être basées sur la maximisation du bien par rapport au mal. Une telle analyse risques-avantages n’est pas conforme au cadre du droit à la santé, car elle donne la priorité aux intérêts collectifs sur les droits individuels. En vertu du droit à la santé, le droit de chaque individu doit être protégé. En outre, ces décisions, qui ont un impact à long terme sur la santé physique et mentale des personnes, devraient être prises avec leur participation active, directe et effective » [HRC2013].

L’ACRO exhorte la CIPR à se préoccuper sérieusement des conflits d’intérêts inhérents à ses principes de radioprotection avec la participation sincère parties prenantes.

A long terme, la CIPR encourage le processus de co-expertise et la participation des parties prenantes. L’ACRO soutient également une telle approche. Toutefois, les « dialogues de la CIPR » à Fukushima promus dans le projet de rapport ne sont pas un exemple à suivre, car ils se limitaient aux personnes partageant le point de vue de la CIPR et n’étaient mis en œuvre que dans quelques villes sélectionnées. Les opposants n’ont pas été autorisés à assister aux réunions. De telles réunions ne peuvent que générer des frustrations chez les personnes qui sont exclues ou qui se sentent exclues. Les dialogues devraient être ouverts à toutes les composantes des populations touchées.

Lors des réunions publiques, les participants sont confrontés aux autorités et à leurs experts pour traiter de questions complexes. Les gens ne sont donc pas en mesure de faire valoir leur point de vue, à moins qu’ils ne soient assistés par des experts qu’ils ont eux-mêmes choisis. Après un accident nucléaire grave, les gens sont encore plus vulnérables et ne peuvent pas tenir tête aux autorités. Les participants devraient également être en mesure de forger leur propre point de vue sans la présence des autorités avant d’engager le dialogue avec elles. De plus, le processus de co-expertise présenté dans le projet de rapport ne concerne qu’une minorité de la population qui est prête à lutter pour la récupération et la réhabilitation de la zone contaminée. Il ignore complètement les populations qui préféreraient d’autres solutions comme la réinstallation dans un autre lieu. Ils auraient aussi besoin d’un processus de co-expertise !

Enfin, en ce qui concerne la caractérisation de la situation radiologique, la CIPR écrit : « L’expérience montre que le pluralisme des organisations impliquées dans la mise en œuvre du système de surveillance radiologique (autorités, organismes experts, laboratoires locaux et nationaux, organisations non gouvernementales, instituts privés, universités, acteurs locaux, exploitants nucléaires, etc) est un facteur important en faveur de la confiance des populations envers les mesures » (161). L’ACRO est tout à fait d’accord sur ce point, mais il ne suffit pas d’accumuler des données et le suivi citoyen doit être soutenu financièrement. Les données devraient être facilement accessibles à tous et l’analyse indépendante devrait être soutenue. Les tendances et la modélisation sont également importantes pour un processus décisionnel.

L’ACRO demande à la CIPR à reconsidérer sa recommandation sur le processus de co-expertise et la participation des parties prenantes.

Protection des intervenants

En ce qui concerne les intervenants en situation d’urgence, la CIPR écrit : « Lorsqu’un travailleur professionnellement exposé intervient en tant qu’intervenant, l’exposition reçue pendant l’intervention doit être comptabilisée et enregistrée séparément des expositions reçues pendant les situations d’exposition prévues, et ne doit pas être prise en compte pour le respect des limites de dose professionnelle » (120). Cette recommandation est inacceptable.

Les doses reçues ont le même impact, qu’elles soient prises en situation d’urgence ou lors d’interventions planifiées, et elles se cumulent. A Fukushima, de nombreux intervenants résident en zone contaminée où ils continuent à être exposés, sans que cela soit pris en compte.

L’ACRO exhorte la CIPR à reconsidérer sa position : l’enregistrement des doses reçues par un intervenant doit prendre en compte toutes les situations d’exposition, de garantir le respect d’une valeur limite dose-vie qui ne devrait être pas excéder 500 mSv. La réglementation française retient une limite en dose-vie de 1000 mSv pour les intervenants en situation d’urgence radiologique. ACRO considère que cette dernière limite est trop élevée et qu’en outre elle devrait cumuler toutes les doses reçues en toute situation d’exposition.

Conclusions

Un accident nucléaire grave entraîne des dommages irréversibles mais ne peut être exclu. La CIPR devrait recommander que les efforts les plus importants soient déployés par les exploitants nucléaires pour éviter les accidents et que des autorités de sûreté nucléaire indépendantes imposent les normes les plus élevées. Si ces normes ne peuvent être respectées, la centrale nucléaire devrait être arrêtée.


ACRO’s comments on the ICRP draft report:

A nuclear accident cannot be reduced to a radiation protection problem as it has inevitably social, environmental and economic consequences. The daily life of people can be deeply affected. Thus, the ICRP has drafted a new publication on large accidents that takes into account various aspects of the response considering all impacts. ACRO welcomes this initiative but regrets that the draft submitted to public consultation has severe shortcomings.

Reference levels

The main problem is that reference levels are not protective enough. First of all, ICRP considers that “there is reliable scientific evidence that whole-body exposures on the order of ≥100 mSv can increase the probability of cancer occurring in an exposed population. Below 100 mSv, the evidence is less clear. The Commission prudently assumes, for purposes of radiological protection, that even small doses might result in a slight increase in risk” (22). Such statement does not take into account all the results of the scientific literature. As a matter of facts, this draft report reproduces the levels of the ICRP publication 103, which are the same as in ICRP publication 60 which dates back to 1990. These levels are mainly based on the follow-up of the Hiroshima and Nagasaki hibakushas (TD86). There are many other studies in radiobiology and in epidemiology that strongly suggest the existence of stochastic effects below 100 mSv and that the linear and non-threshold relationship is based on facts and not only “on a precautionary basis for the management of radiation protection.” See for example Refs. [LD].

ACRO urges ICRP to reduce the reference levels and limits it recommends.

After a nuclear disaster, ICRP recommends: “For protection of responders after the urgent emergency response, the reference level should not exceed 20 mSv per year. For people living in long-term contaminated areas following the emergency response, the reference level should be selected within or below the Commission’s recommended band of 1–20 mSv for existing exposure situations, taking into account the actual distribution of doses in the population and the tolerability of risk for the long-lasting existing exposure situations, and there is generally no need for the reference level to exceed 10 mSv per year. The objective of optimisation of protection is a progressive reduction in exposure to levels on the order of 1 mSv per year” (j).

As this statement is hardly understandable, ICRP adds: “The Commission considers that annual exposures of the order of 10 mSv during the first years of the recovery process, added to exposure received during the emergency response, could lead to total exposures greater than 100 mSv in a relatively short period of time for some affected people. Therefore, it is not recommended to select reference levels beyond 10 mSv per year when it is estimated that such exposures could continue for several years, which may be the case once the recovery phase starts. In addition, experience from Chernobyl and Fukushima has shown that for exposure levels of the order of 10 mSv per year, it is difficult – given the multiple societal, economic, and environmental negative consequences associated with the long-lasting presence of contamination, and the numerous restrictions imposed on everyday life by the protective actions – to maintain sustainable and decent living, working, and production conditions in affected areas” (80).

The introduction of a new reference level at 10 mSv/y is welcome since Japan, for example, sticks to 20 mSv/y more than 8 years on in Fukushima. The progressive reduction in exposure to levels on the order of 1 mSv/y or below is not protective enough without a time frame. In contrast, U.S. guidelines require relocation when people may be exposed to 20 mSv or more of radiation in the first year and 5 mSv or below from the second year. The long-term objectives are to keep doses at or below 50 mSv in 50 years. The relocation protective action guide addresses post-plume external exposure to deposited radioactive materials and inhalation of re-suspended radioactive materials that were initially deposited on the ground or other surfaces [USEPA1992, FEMA2013].

ACRO urges ICRP to introduce other reference levels accompanied by specific time frame for the cumulated doses over the years as in the USA.

It is worth reminding that the population may have already been exposed to doses up to 100 mSv during the emergency phase.

Regarding the emergency phase, the ICRP states: “For the optimisation of protective actions during the emergency response, the Commission recommends that the reference level for restricting exposures of the affected population and the emergency responders should generally not exceed 100 mSv. This may be applied for a short period, and should not generally exceed 1 year” (77). But it later explains that “an emergency exposure situation may be of very short duration (hours or days), or it may continue for an extended period of time (weeks, months, or years)” (85). An emergency that requires urgent actions cannot last months or even years! This is not consistent with ICRP’s reference level for emergency should not exceed one year. If the emergency lasts longer, there is no reference level anymore.

Moreover, as explained by ICRP, “for emergency response decisions, in the event of a nuclear accident, especially in the early phase, the need to act quickly is not conducive to stakeholder involvement” (51). Thus, extending emergency beyond reasonable periods of time will hinder stakeholder involvement.

In the case of the accident at the Fukushima dai-ichi nuclear power plant (NPP), the ICRP recalls that “on 22 April 2011, the area outside the 20-km zone for which it was estimated that the projected dose within 1 year of the accident could reach 20 mSv was designated as the ‘deliberate evacuation area’. The national government issued an order that relocation of people from the deliberate evacuation area should be implemented in approximately 1 month. The criterion for relocation was selected by the government with consideration of the 20–100-mSv per year band of reference levels for emergency exposure situations recommended by ICRP” (B7). An evacuation order released 42 days after the emergency declaration with more than a month to comply is NOT an emergency evacuation! Japanese authorities betrayed their citizen by referring to the emergency exposure situation.

As a conclusion, the emergency phase should be as short as possible otherwise authorities will refer to highest reference values and exclude stakeholder involvement. Note that on a purely physical point of view, short-lived radioelements generally dominate the external exposure for a month and then longer-lived nuclei such as radioactive caesium dominate. There is no need to extend the emergency phase to long duration.

ACRO urges ICRP to reduce the emergency phase to the shortest possible period of time that should not exceed a month.

Protection of children and pregnant women

ICRP “recommends paying particular attention to children and pregnant women, for whom radiological risks may be greater than for other groups of individuals. Strategic social and economic activities should also be the subject of specific protection provisions in implementation of the optimisation process.” (65) As a matter of facts, foetus and young children are more sensitive to radiations than adults but most of dose limits and reference levels were derived for adults. ICRP’s recommendations to enforce a better protection are very deceiving. They include:

  • “thyroid dose monitoring in the early phase [that] is important for children and pregnant women.” (102)
  • administration of stable iodine during the early phase [that] is particularly important for pregnant women and children.” (130)
  • control of the radiological quality of milk, which is an important part of the diet of children in most countries, [that] is particularly important during the early phase of an accident because it is a potential source of thyroid exposure from radioactive iodine.” (134)
  • “A subcategory of health monitoring [that] is the follow-up of potentially sensitive subgroups (e.g. children, pregnant women);” (198)

ACRO urges ICRP to introduce more protective limits and reference levels for pregnant women, infants and children.

Evacuation and protection of populations

Surprisingly, the executive summary of the draft report does not mention displaced people and their protection. Later, in the main text ICRP claims that “worldwide experience after nuclear and non-nuclear accidents shows that nations and individuals are not willing to readily abandon affected areas” (57), which is not correct. In Fukushima, only 23% of the people who were forced to evacuate have returned after the evacuation orders were lifted. In addition, many families evacuated on their own, without any support.

Moreover, ICRP only considers “temporally relocation”. In both Chernobyl and Fukushima cases, there are still vast zones where nobody is allowed to come back and many families are permanently relocated. Why are they ignored by the ICRP?

ICRP might consider that once they left the contaminated areas, they are not concerned by radiation protection anymore and they do not deserve to be considered. But they escaped radiation exposure!

Relocated people and returnees should benefit from the same consideration in the publication. Relocated people are suffering from financial difficulty, discrimination and marginalisation (bullying in case of children). Many feel guilty to have abandoned their hometown, those who remained and those who returned. They need special protection and consideration.

ICRP’s draft only considers populations living in contaminated territories who did not evacuate or who returned. Note also that many returnees do not live in their home but have been relocated in a new dwelling in their hometown. In some towns and villages, they have to live in a completely new district.

ICRP notes that “temporary relocation is, however, associated with psychological effects. Several studies carried out after the Fukushima accident showed significant increases in the incidence of depression and post-traumatic stress disorder among relocated residents of Fukushima Prefecture” (136). But living in contaminated territories is also associated with psychological effects and stress that is never mentioned. Field work conducted in Japan indicates that this trauma is real [Shinrai2019 and references therein]. The insistence on the “psychological effects of relocation” hides the trauma of those who stayed, or returned, and feel “trapped” in this unchosen situation.

The only suggested solution is the dissemination of radiological culture to learn how to live in contaminated territories with an optimised radiation exposure to help people to address their daily life concerns. However, ICRP never considers that this could be a too heavy burden for many and that most families would like to offer another future to their children, free from a burden of constant checking and assessment of every move of their daily lives.

ICRP mentions only once that “individuals have a basic right to decide whether or not to return. All decisions about whether to remain in or leave an affected area should be respected and supported by the authorities, and strategies should be developed for resettlement of those who either do not want or are not permitted to move back to their homes” (158). This is not enough and should be more substantiated by practical advices to the authorities.

ACRO urges ICRP to seriously consider displaced populations and refer to the Guiding Principles on Internal Displacement of the United Nations’ Economic and Social Council [UNESC1998]. Recalling that “displacement nearly always generates conditions of severe hardship and suffering for the affected populations”, these Guiding Principles on Internal Displacement provide them guaranties. In particular, “competent authorities have the primary duty and responsibility to establish conditions, as well as provide the means, which allow internally displaced persons to return voluntarily, in safety and with dignity, to their homes or places of habitual residence, or to resettle voluntarily in another part of the country. Such authorities shall endeavour to facilitate the reintegration of returned or resettled internally displaced persons.” They add that “internally displaced persons have the right to be protected against forcible return to or resettlement in any place where their life, safety, liberty and/or health would be at risk” and that “special efforts should be made to ensure the full participation of internally displaced persons in the planning and management of their return or resettlement and reintegration”.

Vulnerable people are particularly at risk in case of a severe nuclear accident. ICRP acknowledges that “during the months following the Fukushima nuclear accident, a general increase in mortality was observed (excluding deaths due to the earthquake and tsunami), especially among elderly people. This increase cannot be attributed to the direct health effects of radiation, although it is a direct consequence of the accident” (40). Also, “the unplanned evacuation of elderly or medically-supervised people from nursing homes may have caused more harm than good for these people” (54). Thus, “evacuation can be inappropriate for certain populations, such as patients in hospitals and nursing homes, as well as elderly people, if it is not well planned” (124).

ACRO agrees with ICRP on this point, but considers that extended sheltering of vulnerable people in exposed areas should be well prepared. Staff should agree to take care of patients in spite of the radiological situation.

Confidence and stakeholder’s involvement

In its draft report, ICRP frequently explains that a nuclear accident generates “complexity” or “complex situations” without explaining what does such expressions mean. See e.g. § (15). Without nuclear accident, life and society are already complex. But individuals and groups have built up mechanisms to face such complexity based on trust. A nuclear accident challenges this confidence and affected population are lost in front an unprecedented situation. Thus, the main challenge for authorities is to deliver trustworthy information.

ICRP mentions once “a collapse of trust in experts and authorities” (29) and suggests that “protective actions should contribute to regaining the confidence of all people in relation to the affected area” (66). But confidence should be kept rather than restored!

The selected protective actions should be explained and justified to the affected populations. Then, regular reassessment is necessary knowing the large uncertainties underlying the early decision process. Thus, the step-by-step process shown in Fig. 2.2 should be extended to include explanation and re-evaluation. Furthermore, stakeholder involvement should be specifically mentioned here.

ICRP explains that “the optimisation process must recognise that there are inevitable conflicting interests, and seek to reconcile the differences and needs of various groups. For example, producers of goods, services, and food will wish to continue production, but their ability to do so is affected by the willingness of consumers to receive and purchase these items” (66). In its publication on Ethical Foundations of Radiological Protection, ICRP ignored these conflicting interests and ACRO considered in its comments that it was a major shortcoming. Thus, ACRO is satisfied to see that they are acknowledged here. However, the response is disappointing: “protective actions should contribute to regaining the confidence of all people in relation to the affected area” (66). That’s all!

When ICRP recommends that “any decision altering a radiation exposure situation should do more good than harm” (48) does it consider individuals, groups, the nation? Responders will be exposed to save others. ICRP further writes: “Responsibility for judging justification usually falls on the authorities to ensure an overall benefit, in the broadest sense, to society, and thus not necessarily to each individual” (50). This position is in conflict with the right to health of the Universal Declaration of Human Rights: “Everyone has the right to a standard of living adequate for the health and well-being of himself and of his family”.

Anand Grover, Special Rapporteur to UN Human Rights Council, noted in his report on Fukushima: “ICRP recommendations are based on the principles of optimisation and justification, according to which all actions of the Government should be based on maximizing good over harm. Such a risk-benefit analysis is not in consonance with the right to health framework, as it gives precedence to collective interests over individual rights. Under the right to health, the right of every individual has to be protected. Moreover, such decisions, which have a long-term impact on the physical and mental health of people, should be taken with their active, direct and effective participation” [HRC2013].

ACRO urges ICRP to seriously address the conflicts of interest inherent to its radiation protection principles with a sincere involvement of stakeholder.

On the long term, ICRP promotes co-expertise process and stakeholder involvement. ACRO also supports such an approach. However, “ICRP dialogues” in Fukushima promoted in the draft report are not an example to follow as they were limited to people agreeing with ICRP’s point of view and only implemented in very few selected towns. Opponents were not allowed to attend the meetings. Such meetings can only generate frustrations to the people who are excluded or feel excluded. Dialogues should be open to all component of the affected populations.

At public meetings, participants are confronted with authorities and their experts to deal with complex issues. People are therefore not in a position to make their views considered, unless they are assisted by experts they have chosen themselves. After a severe nuclear accident, people are even more vulnerable and cannot stand up to the authorities. Participants should also be able to forge their own point of view without authorities before engaging dialogue with authorities. Moreover, the co-expertise process presented in the draft report is only for a minority of the population that is ready to fight for recovery and rehabilitation of the contaminated zone. It completely ignores populations who would prefer other solutions such as relocation. They would also need a co-expertise process!

Finally, regarding the characterisation of the radiological situation, ICRP writes: “Experience shows that the pluralism of organisations involved in implementation of the radiation monitoring system (authorities, expert bodies, local and national laboratories, non-governmental organisations, private institutes, universities, local stakeholders, nuclear operators, etc.) is an important factor in favour of confidence in the measurements among the affected population” (161). ACRO fully agrees with this, but accumulating data is not enough and citizen monitoring should be supported financially. Data should be easily accessible to anybody and independent analysis should be supported. Trends and modelling are also important for a decision process.

ACRO urges ICRP to reconsider its recommendation on the co-expertise process and stakeholder involvement.

Protection of the responders

Regarding the emergency responders, ICRP writes: “When an occupationally exposed worker is involved as a responder, the exposure received during the response should be accounted for and recorded separately from exposures received during planned exposure situations, and not taken into account for compliance with occupational dose limits” (120). This recommendation is not acceptable.

Exposure doses have the same impact, whether taken in an emergency situation or during planned interventions, and they are cumulative. In Fukushima, many workers are residing in contaminated areas where they continue to be exposed. These additional doses are not taken into account.

ACRO urges ICRP to reconsider its position: recording of doses received by responders must take into account all exposure situations, to ensure compliance with a dose-life limit value that should not exceed 500 mSv. French regulations set a life-dose limit of 1000 mSv for responders in a radiological emergency situation. ACRO considers that this latter limit is too high and that, in addition, it should include all doses received in any exposure situation.

Conclusions

A severe nuclear accident induces irreversible damages but cannot be ruled out. ICRP should recommend that upmost efforts are done by nuclear operators to avoid accidents and that independent nuclear safety authorities enforce the highest standard. If such standards cannot be fulfilled, the nuclear plant should be phased out.


References – Références

[FEMA2013] Federal Emergency Management Agency, Program Manual – Radiological Emergency Preparedness, June 2013
http://www.fema.gov/media-library-data/20130726-1917-25045-9774/2013_rep_program_manual__final2_.pdf

[HRC2013] Human Rights Council, Report of the Special Rapporteur on the right of everyone to the enjoyment of the highest attainable standard of physical and mental health, Anand Grover, Mission to Japan (15 – 26 November 2012), 2 May 2013 (A/HRC/23/41/Add.3)
http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/RegularSession/Session23/A-HRC-23-41-Add3_en.pdf

[LD] Some scientific publications related to the stochastic impact of low doses of radiation:

  • Zhou H. et al. Radiation risk to low fluences of α particles may be greater than we thought. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2001) 98(25): 14410–14415
  • Rothkamm K. et al. Evidence for a lack of DNA double-strand break repair in human cells exposed to very low X-ray doses. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2003) 100(9): 5057–5062
  • Mancuso M. et al. Oncogenic bystander radiation effects in Patched heterozygous mouse cerebellum. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2008) 105(34): 12445–12450
  • Löbrich M. et al. In vivo formation and repair of DNA double-strand breaks after computed tomography examinations. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2005) 102(25): 8984–8989
  • Beels L. et al. Dose-length product of scanners correlates with DNA damage in patients undergoing contrast CT. Eur. J. of Radiol. (2012) 81: 1495–1499
  • Brenner DJ. Et al. Cancer risks attributable to low doses of ionizing radiation: Assessing what we really know. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2003) 100(24): 13761–137662
  • Watanabe T. et al. Hiroshima survivors exposed to very low doses of A-bomb primary radiation showed a high risk for cancers. Environ. Health Prev. Med. (2008) 13(5): 264-70
  • Ozaka K. et al. Studies of the Mortality of Atomic Bomb Survivors, Report 14, 1950–2003: An Overview of Cancer and Noncancer Diseases. Rad. Res. (2012) 177: 229-243
  • Pearce M.S. et al. Radiation exposure from CT scans in childhood and subsequent risk of leukaemia and brain tumours: a retrospective cohort study. Lancet (2012) 380(9840):499-505.
  • Mathews J.D. Cancer risk in 680,000 people exposed to computed tomography scans in childhood or adolescence: data linkage study of 11 million Australians. BMJ. (2013) 346:f2360
  • Bollaerts K. et al. Childhood leukaemia near nuclear sites in Belgium, 2002–2008. Eur. J. Cancer Prev. (2018) 27(2): 184-191
  • Hsieh WH. et al. 30 years follow-up and increased risks of breast cancer and leukaemia after long-term low-dose-rate radiation exposure. Br. J. Cancer (2017) 117(12): 1883-1887
  • Spycher B.D. et al. Background Ionizing Radiation and the Risk of Childhood Cancer: A Census-Based Nationwide Cohort Study. Environ. Health Perpect. (2015) 123(6): 622-628
  • Kendall G.M. et al. A record-based case–control study of natural background radiation and the incidence of childhood leukaemia and other cancers in Great Britain during 1980–2006. Leukemia (2013) 27(1):3-9.
  • Richardson DB. et al. Risk of cancer from occupational exposure to ionising radiation: retrospective cohort study of workers in France, the United Kingdom, and the United States (INWORKS). BMJ (2015) 351: h5359.
  • Little MP. et al. Leukaemia and myeloid malignancy among people exposed to low doses (<100 mSv) of ionising radiation during childhood: a pooled analysis of nine historical cohort studies. Lancet Haematol. (2018) 5(8): 346-e358.
  • NCRP Commentary No. 27: Implications of recent epidemiologic studies for the linear-nonthreshold model and radiation protection. NCRP 2018.

[SHINRAI2019] Christine Fassert and Reiko Hasegawa, Shinrai research Project: The 3/11 accident and its social consequences – Case studies from Fukushima prefecture, Rapport IRSN/2019/00178
https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/fukushima-2019/Documents/IRSN-Report-2019-00178_Shinrai-Research-Project_032019.pdf

[UNESC1998] United Nations, Economic and Social Council, Commission on Human Rights 1998, Guiding Principles on Internal Displacement, E/CN.4/1998/53/Add.2, 11th February 1998
http://www.ohchr.org/EN/Issues/IDPersons/Pages/Standards.aspx

[USEPA1992] United States Environmental Protection Agency, Office of Radiation Programs, Manual of Protective Action Guides and Protective Actions for Nuclear Incidents, Revised 1991, second printing, May 1992. EPA-400-R-92-001.
http://www.epa.gov/radiation/docs/er/400-r-92-001.pdf

Nucléaire français : la fuite en avant ou l’effondrement

Ce texte est écrit à partir d’un document gardé secret tant le contenu dérange mais que l’ACRO, qui se bat pour qu’il soit rendu public, a pu consulter dans l’objectif de faire progresser la transparence.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) publiée au Journal Officiel du 18 août 2015, vise à préparer l’après pétrole et à instaurer un modèle énergétique robuste et durable. En ce qui concerne le nucléaire, elle s’est fixé comme objectif de réduire sa part dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025. La part du nucléaire étant de l’ordre de 75% actuellement, c’est donc environ un tiers du parc qui doit être arrêté pour atteindre cet objectif, soit environ 19 réacteurs sur 58. A priori les plus anciens.

Or, le combustible MOx, qui permet de recycler le plutonium extrait à l’usine de retraitement d’Orano à La Hague, est utilisé dans les réacteurs les plus anciens du parc. Leur arrêt à l’horizon 2025 aura donc un impact énorme sur l’activité de cette usine et de celle de Melox qui fabrique le combustible. Cela mérite que l’on s’y attarde, surtout quand un débat national sur le plan de gestion des matières et déchets radioactifs est en préparation.

Dès 1997, le directeur de la sûreté des installations nucléaires a indiqué à EDF qu’il souhaitait disposer d’une approche globale de la sûreté du combustible nucléaire. Depuis, EDF a transmis plusieurs dossiers, tous secrets. La dernière mise à jour était demandée pour le 30 juin 2016 par l’ASN qui précisait également les scénarios devant être étudiés afin de tenir compte de l’objectif fixé par la loi pour la transition écologique et pour la croissance verte. EDF a rendu sa copie le 29 juin 2016, dans un dossier intitulé « Impact cycle 2016 » qui n’est pas plus public que ses prédécesseurs. L’ASN a aussi demandé une expertise sur ce dossier à l’IRSN. Le rapport n’est pas public, mais l’ACRO a pu l’examiner.

Selon l’IRSN, le scénario qui conduit donc à l’arrêt de 19 tranches de puissance unitaire 900 MWe et à une production électrique d’origine nucléaire abaissée de 420 TWh à 305 TWh en 2025, conduit à la saturation des piscines de la Hague et des réacteurs nucléaires en moins de 5 ans après la première fermeture. Tout le parc nucléaire devra donc s’arrêter pour cause d’occlusion intestinale après la mise à l’arrêt de moins de 9 tanches utilisant du MOX ! Les résultats de la simulation de l’IRSN confirment la conclusion d’EDF.

EDF a un projet de piscine centralisée bunkérisée pour augmenter ses capacités d’entreposage des combustibles usés. Le rapport IRSN mentionne une ouverture en 2030. Ainsi, toujours selon l’IRSN, le report à 2035 de la limitation à 50 % de la production d’électricité d’origine nucléaire, décale de 10 ans les dates de saturation des piscines, ce qui est compatible avec le calendrier prévisionnel de mise en service de la piscine d’entreposage centralisé, prévue à l’horizon 2030. Et, comme par hasard, le premier ministre a profité de la vacance au ministère de la transition écologique pour annoncer le report de 10 ans de la limitation à 50 % de la production d’électricité d’origine nucléaire…

Rien ne dit qu’EDF terminera sa piscine en 2030. Et, en attendant on ne pourrait pas arrêter le retraitement et le MOx. Pour M. Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d’EDF, « si je devais utiliser une image pour décrire notre situation, ce serait celle d’un cycliste qui, pour ne pas tomber, ne doit pas s’arrêter de pédaler. » Il tentait de justifier la construction de nouveaux EPR lors de son audition, le 7 juin 2018, par la commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires. Cela s’applique aussi aux usines de retraitement de la Hague et Melox qui doivent pédaler sans relâche pour éviter l’arrêt complet du parc nucléaire.

Le retraitement consiste à séparer l’uranium, le plutonium des combustibles usés qui sortent des réacteurs. L’uranium, qui représente encore 95% de la masse des combustibles usés, est officiellement recyclable, mais n’est pas recyclé. Comme il ne nécessite pas de stockage en piscine, il est envoyé à Pierrelatte dans la Drôme. Les éléments les plus radioactifs sont concentrés, vitrifiés et entreposés à La Hague en attendant un stockage définitif. Reste le plutonium, moins de 1% de ce qui sort des réacteurs, qui ne peut pas être accumulé pour des raisons de prolifération. Il sert à faire du combustible MOx qui est utilisé dans 22 réacteurs (ceux du palier CPY à Dampierre, Gravelines, Le Blayais, Tricastin, Chinon et Saint Laurent). Le MOx n’est pas retraité ensuite.

C’est ce petit pourcent qui peut bloquer toute la machine. Toute l’industrie nucléaire est donc dans une situation très fragile, car on peut imaginer des aléas qui entraîneraient un arrêt prolongé d’une des mailles de cette chaîne du plutonium. Et le maillon faible, ce sont les évaporateurs de l’usine de retraitement de La Hague qui assurent la concentration des produits de fission. Ces équipements, conçus pour une durée de fonctionnement de trente ans, se corrodent plus rapidement que prévu lors de leur conception. Selon l’ASN, cette corrosion est de nature à remettre en cause à moyen terme la sûreté de l’installation. En effet, la tenue de ces équipements à la pression de leurs circuits de chauffe ou au séisme pourrait être remise en cause dans les prochaines années et potentiellement dès 2018 pour l’évaporateur le plus dégradé. Des fuites sont déjà apparues.

En cas d’arrêt des évaporateurs de l’un des ateliers, l’usine correspondante devrait également être arrêtée. Ainsi, le dossier d’EDF postule un aléa d’exploitation de 6 mois d’arrêt survenant uniquement sur l’une des deux usines de La Hague. Dans ce cas, l’autre usine seule devrait assurer le traitement des combustibles usés. Mais l’IRSN considère qu’un aléa peut survenir sur les deux usines simultanément et qu’un évènement sur un équipement dont le caractère générique nécessiterait l’arrêt d’équipements similaires, ne peut pas être écarté. La situation correspondant à l’arrêt temporaire des deux usines, même pour quelques mois, n’est cependant pas étudiée par Orano Cycle. En tout état de cause, une diminution des capacités de traitement de ces usines pourrait conduire à terme à la saturation des entreposages des combustibles usés.

Ainsi, au regard de la situation actuelle des évaporateurs, l’IRSN relève que l’aléa forfaitaire de six mois retenu ne peut pas être considéré comme enveloppe. Un arrêt des deux usines pour une durée supérieure aux six mois pourrait conduire à une saturation des piscines d’entreposage. L’IRSN demande donc à Orano cycle et EDF de revoir leur copie sur ce sujet et de préciser la durée d’indisponibilité qui conduirait à la saturation des piscines. La réponse est facile à estimer puisque la place disponible à La Hague ne serait plus que de 7,4% : la saturation interviendrait au bout d’une année environ.

L’industrie nucléaire française a donc mis en place un système que l’on ne peut pas stopper sur décision politique, sans risque d’un effet falaise qui arrêterait tout le parc en peu de temps. Mais ce système est extrêmement fragile et le piège pourrait se refermer sur ces concepteurs, à la suite de pannes. Pourtant, François de Rugy, alors président de l’Assemblée nationale, a affirmé : « Ce n’est plus EDF qui fait la politique de l’énergie en France » (AFP, 12/07/2018). Vraiment ?

L’utilisation de MOx dans les réacteurs les plus récents de 1 300 MWe en remplacement des réacteurs les plus anciens n’est pas simple à mettre en œuvre. Cela demande des études complètes sur le fonctionnement des cœurs des réacteurs et des travaux conséquents à instruire et valider. Il faudrait aussi revoir la fabrication des combustibles et leur transport car ils n’ont pas la même longueur dans les réacteurs anciens et les plus récents.

Reste donc l’option d’arrêter les réacteurs les plus récents en premier pour pouvoir continuer à utiliser le combustible MOx ! En effet, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ne stipule pas les réacteurs qui doivent être fermés avant 2025. Ou encore d’arrêter des réacteurs anciens et récents pour satisfaire à la loi sans entraîner l’arrêt complet du parc en 5 ans par effet falaise. L’IRSN montre que c’est possible avec l’arrêt d’autant de réacteurs anciens de 900 MWe que de réacteurs récents de 1 300 MWe. Avec une telle option, les activités des usines de retraitement de fabrication de MOx seraient réduites de moitié.

Quoi qu’il en soit, EDF devrait aussi augmenter rapidement ses capacités d’entreposage de combustibles usés.

Tous ces éléments auraient dû être rendus publics en amont du débat national qui a eu lieu sur la Programmation Pluriannuelle de l’Energie. Ils doivent l’être avant le nouveau débat sur le Plan de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs.

Une information indépendante a un coût : aidez l’ACRO dans son combat pour la transparence en adhérant ou en faisant un don

Mise à jour du 18 octobre 2018

L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a rendu public son avis sur le sujet, mais les rapports “Impact cycle 2016” d’EDF et de l’IRSN restent secrets. Cet avis confirme les informations rendues publiques par l’ACRO. Notamment :

  • La saturation des piscines d’entreposage des combustibles usés à brève échéance après 2030, dans un scénario ou rien ne change. Ce sont les combustibles MOx et à l’uranium de retraitement, non retraités qui s’accumulent. En d’autres termes, si EDF ou Orano ne peuvent pas ouvrir de nouveaux entreposages à temps, ce sera l’occlusion intestinale. L’ASN estime nécessaire que soient présentées les parades envisagées dans l’hypothèse d’un retard de la mise en service de la piscine d’entreposage centralisé.
  • L’arrêt progressif de 19 réacteurs de 900 MWe, dont 13 utilisant du MOX, et l’absence de mise en œuvre de combustible à l’uranium de retraitement, entraînera une saturation des capacités d’entreposage de combustibles usés moins de cinq ans après l’arrêt du premier réacteur.

L’ASN ajoute que, compte tenu de la durée de conception et de réalisation de nouveaux entreposages de combustibles usés, qu’il s’agisse d’entreposages à sec ou sous eau, le délai entre la prise de décision de l’industriel et sa mise en œuvre est de l’ordre de la décennie. En conséquence, l’ASN souligne que, quelle que soit l’évolution du parc de réacteurs, la proportion entre la production électrique des réacteurs consommant du combustible MOX et celle des réacteurs consommant du combustible à l’uranium naturel enrichi doit être conservée, sur la décennie à venir, à un niveau voisin ou supérieur à son niveau actuel. Et donc, l’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) devra nécessairement entraîner l’arrêt de réacteurs plus récents n’utilisant pas de MOx.

Par ailleurs, l’ASN valide la demande de l’IRSN de réévaluer les conséquences d’un arrêt prolongé du retraitement dans une usine de La Hague.

L’ASN ne demande pas la publication des rapports “impact cycle 2016” et n’explique pas pourquoi ces informations n’ont pas été rendues publiques lors du débat national sur la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE).

Mise à jour du 24 octobre 2018

Deux semaines après que l’ACRO en ait révélé son contenu, l’IRSN publie enfin le rapport « Impact cycle 2016 », ou du moins une version censurée à 10% et son avis rendu à l’ASN. Il confirme que l’industrie nucléaire française a mis au point un système que l’on ne peut pas arrêter sur simple décision politique et que les seules options possibles sont la fuite en avant ou l’effondrement. La situation de l’approvisionnement électrique français est très fragile à cause de la place prise par une mono-industrie très vulnérable aux aléas d’installations vieillissantes.

Dans son avis à l’ASN, l’IRSN précise que “l’échéance prévue pour la mise à disposition de capacités supplémentaires d’entreposage de combustibles usés présente peu de marge pour éviter une saturation des piscines en considérant les hypothèses retenues dans le scénario “de référence””. Dit autrement, si EDF a du retard pour sa piscine centralisée, comme elle a du retard pour son installation ICEDA ou l’EPR, les piscines seront pleines et il faudra arrêter tout le parc nucléaire à l’horizon 2030. Cet arrêt pourrait avoir lieu plus tôt au moindre aléa ou en cas d’arrêt de réacteurs fonctionnant au MOx.

A noter que “l’IRSN rappelle que le risque de saturation des piscines d’entreposage a été identifié dans le cadre de l’examen des dossiers “Cycle 2000” et “Impact cycle 2007”. Ces rapports n’ont jamais été rendus publics.

L’ACRO est scandalisée que ces informations primordiales n’aient pas été rendues publiques au moment du débat national sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Que représente un tel débat aux yeux des pouvoirs publics ? Une simple opération de communication ?

Commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires :

Accès direct à la vidéo de l’audition du président de l’ACRO, le 31/5/2018

L’ACRO se réjouit que les principales recommandations de son étude sur les plans d’urgence en cas de catastrophe nucléaire soient reprises par le rapport de la commission d’enquête parlementaire (p. 66).

Le site de la commission d’enquête avec le rapport est ici.