Projet de dépotoir radioactif à Chalk River au Canada : mise à jour de l’expertise du projet par l’ACRO

En 2018, l’ACRO avait été sollicitée par ICI Radio-Canada Télé et par la Communauté métropolitaine de Montreal pour apporter son expertise sur le projet de dépotoir radioactif à Chalk River au Canada. Situé à 200 kilomètres en amont de la région Ottawa-Gatineau, le complexe nucléaire de Chalk River sert, depuis les années 1950, de laboratoire pour le développement de l’industrie nucléaire canadienne. Un lieu “d’élimination” de déchets radioactifs est projeté sur le site d’un milieu humide à proximité de la rivière des Outaouais présentant ainsi des risques de contamination en cas de fuite. Cette rivière est une importante source d’eau potable pour une grande partie des habitants du Grand Montréal.

Le processus de consultation des parties prenantes se poursuit et les Laboratoires nucléaires canadiens (le promoteur) ont revu leur copie : ils n’envisagent plus que d’y stocker des déchets de faible activité, excluant ainsi les déchets de moyenne activité initialement inclus.

Dans ce contexte, la Communauté métropolitaine de Montréal a de nouveau sollicité l’ACRO afin de prendre en compte les évolutions du projet. Nous avons mis à jour notre rapport d’expertise qui a été soumis par la Communauté à la Commission Canadienne de Sûreté Nucléaire. Une audience publique aura lieu du 30 mai au 3 juin 2022.

Lire l’avis de la Communauté métropolitaine de Montréal accompagné du rapport d’expertise de l’ACRO mis à jour.

Liens externes :

Une animation du dépotoir nucléaire proposé à Chalk River.

 

Protection radiologique des personnes et de l’environnement en cas d’accident nucléaire grave – Radiological Protection of People and the Environment in the Event of a Large Nuclear Accident

English below

Commentaires de l’ACRO sur le projet de rapport de la CIPR (les références sont à la fin du document, après la section en anglais) :

Un accident nucléaire ne peut pas être réduit à un problème de radioprotection car il a inévitablement des conséquences sociales, environnementales et économiques. La vie quotidienne des populations peut être profondément affectée. Ainsi, la CIPR propose une nouvelle publication sur les accidents graves qui concerne différents aspects de la réponse en prenant en compte tous les impacts. L’ACRO salue cette initiative mais regrette que le rapport soumis à la consultation du public ait des lacunes graves.

Niveaux de référence

Le principal problème concerne les niveaux de référence qui ne sont pas assez protecteurs. Tout d’abord, la CIPR considère « qu’il y a des preuves scientifiques fiables que l’exposition du corps entier à des niveaux supérieurs à 100 mSv peut augmenter la probabilité d’occurrence des cancers de la population exposée. En dessous de 100 mSv, la preuve est moins claire. Par prudence, la Commission suppose, pour toute la radioprotection, que même les faibles doses induisent une petite augmentation du risque » (22). Une telle affirmation ne prend pas en compte tous les résultats de la littérature scientifique. Dans les faits, ce projet de rapport reprend les niveaux de la publication 103 de la CIPR, qui sont les mêmes que ceux de la publication 60 qui remonte à 1990. Ces niveaux sont surtout basés sur le suivi des hibakusha de Hiroshima et Nagasaki (TD86). Il y a de nombreuses études en radiobiologie et en épidémiologie qui suggèrent fortement l’existence d’effets stochastiques en dessous de 100 mSv et que la relation linéaire sans seuil est basée sur des faits et pas seulement « sur une approche précautionneuse de la radioprotection ». Voir, par exemple, les réfs. [LD].

L’ACRO exhorte la CIPR à réduire les niveaux de référence et les limites qu’elle recommande.

Après un accident nucléaire, la CIPR recommande : « le niveau de référence pour la protection des intervenants après la phase d’urgence nucléaire ne doit pas dépasser 20 mSv par an. Pour les personnes qui vivent dans des zones durablement contaminées après la phase d’urgence, le niveau de référence doit être choisi dans ou sous l’intervalle de 1 à 20 mSv recommandé par la Commission pour ce qui est des situations d’exposition existantes, en prenant en compte la distribution des doses dans la population et la tolérance aux risques dans des situations d’exposition existantes durables. Et, d’une manière générale, il n’est pas nécessaire que le niveau de référence dépasse 10 mSv par an. L’objectif d’optimisation de la protection est une baisse progressive de l’exposition à des niveaux de l’ordre de 1 mSv par an » (j).

Comme cette position étant difficilement compréhensible, la CIPR ajoute : « La Commission considère que des expositions annuelles de l’ordre de 10 mSv durant les premières années du processus de réhabilitation, additionnées à l’exposition durant la phase d’urgence, pourraient conduire à une exposition totale plus grande que 100 mSv dans un temps relativement court pour les personnes affectées. Par conséquent, il n’est pas recommandé de sélectionner des niveaux de référence au-delà de 10 mSv par an quand il est estimé que de telles expositions peuvent durer plusieurs années, une fois que la phase de réhabilitation commence. De plus, l’expérience de Tchernobyl et de Fukushima a montré qu’avec des niveaux d’exposition de l’ordre de 10 mSv par an, il est difficile – étant données les multiples conséquences négatives, sociétales, économiques et environnementales associées à la présence durable d’une contamination radioactive et aux nombreuses restrictions imposées à la vie quotidienne par les actions de protection – de maintenir des conditions de vie, de travail et de production décentes et durables dans les zones affectées » (80).

L’introduction d’un nouveau niveau de référence à 10 mSv/an est bienvenu car le Japon, par exemple, maintient un niveau à 20 mSv/an depuis plus de 8 ans à Fukushima. La réduction progressive des niveaux d’exposition à des niveaux de l’ordre de 1 mSv/an, ou plus bas, n’est pas assez protectrice sans un échéancier. Par contraste, les directives des Etats-Unis requièrent le déplacement quand les personnes peuvent être exposées à 20 mSv ou plus durant la première année, et 5 mSv ou moins à partir de la seconde année. L’objectif à long terme est de maintenir les doses à ou en dessous de 50 mSv en 50 ans. Le guide des mesures de protection en cas de déplacement traite de l’exposition externe après le panache aux matières radioactives déposées et de l’inhalation de matières radioactives remises en suspension qui ont été initialement déposées au sol ou sur d’autres surfaces [USEPA1992, FEMA2013].

L’ACRO exhorte la CIPR à introduire d’autres niveaux de référence associés à un échéancier précis pour la dose cumulée au cours des années, comme aux Etats-Unis.

Il convient de garder à l’esprit que la population peut déjà avoir été exposée à des doses allant jusqu’à 100 mSv lors de la phase d’urgence.

En ce qui concerne la phase d’urgence, la CIPR déclare : « Pour l’optimisation des actions de protection durant la phase d’urgence, la Commission recommande que les niveaux de référence pour limiter l’exposition des populations affectées et des intervenants ne doit généralement pas dépasser 100 mSv. Cela peut être appliqué sur une période courte et, d’une manière générale ne doit pas dépasser un an » (77). Mais elle explique, plus loin, qu’« une situation d’exposition d’urgence peut être de très courte durée (heures ou jours), ou elle peut se prolonger sur une longue période (semaines, mois ou années) » (85). Une situation d’exposition d’urgence qui requiert des actions « urgentes » ne peut pas durer des mois, voire des années ! Ce n’est pas cohérent avec le niveau de référence de la CIPR pour les situations d’urgence qui ne doit pas dépasser un an. Si cette urgence dure plus d’un an, il n’y a plus de niveau de référence.

Par ailleurs, comme l’explique la CIPR, « pour les décisions prises lors de la phase d’urgence, dans l’éventualité d’un accident nucléaire, surtout dans les premier instants, le besoin d’agir rapidement ne permet pas l’implication des parties prenantes. » (51). Ainsi, l’extension de la situation d’urgence au-delà de durées raisonnables va entraver l’implication des parties prenantes.

Dans le cas de l’accident à la centrale de Fukushima dai-ichi, la CIPR rappelle que « le 22 avril 2011, les territoires situés au-delà de la zone de 20 km pour lesquels il a été estimé que la dose attendue en un an pouvait atteindre 20 mSv ont été désignés comme “zone d’évacuation intentionnelle”. Le gouvernement central a ordonné que la réinstallation des habitants des zones d’évacuation intentionnelle soit effectuée en à peu près un mois. Le critère d’évacuation choisi par le gouvernement a été établi en fonction de l’intervalle de niveaux de référence de 20 à 100 mSv par an pour les situations d’urgence recommandés par la CIPR » (B7). Un ordre d’évacuation issu 42 jours après la déclaration d’urgence avec plus d’un mois pour l’appliquer n’est PAS une évacuation d’urgence ! Les autorités japonaises ont trahi les citoyens en se référant aux situations d’exposition d’urgence.

En conclusion, la phase d’urgence doit être aussi courte que possible sinon les autorités vont se référer à des niveaux de référence les plus élevés et exclure l’implication des parties prenantes. Il est important de noter que, d’un point de vue purement physique, les radioéléments à vie courte dominent l’exposition externe durant un mois et qu’après les éléments à vie plus longue comme le césium radioactif dominent. Il n’est donc pas nécessaire d’étendre la phase d’urgence sur de longues durées.

L’ACRO exhorte la CIPR à réduire la phase d’urgence à la période la plus courte possible qui ne doit pas dépasser un mois.

Protection des enfants et des femmes enceintes

La CIPR « recommande de porter une attention particulière aux enfants et aux femmes enceintes, pour qui les risques radiologiques peuvent être élevés que pour les autres groupes d’individus. Les activités sociales et économiques stratégiques devraient également faire l’objet de dispositions de protection spécifiques dans le cadre de la mise en œuvre du processus d’optimisation. » (65) De fait, les fœtus et les jeunes enfants sont plus sensibles aux radiations que les adultes, mais la plupart des niveaux de référence et limites de doses ont été établis pour des adultes. Les recommandations de la CIPR visant à assurer une meilleure protection sont très décevantes. Elles incluent :

  • « la surveillance de la dose à la thyroïde dans la phase initiale [qui] est importante pour les enfants et les femmes enceintes » (102);
  • « l’administration d’iode stable durant la phase initiale [qui est particulièrement est importante pour les enfants et les femmes enceintes » (130);
  • « le contrôle de la qualité radiologique du lait, qui constitue une part importante de l’alimentation des enfants dans la plupart des pays, [et qui] est particulièrement important pendant la phase initiale d’un accident car il constitue une source potentielle d’exposition de la thyroïde à l’iode radioactif » (134);
  • « Une sous-catégorie de la surveillance sanitaire [qui] est le suivi de sous-groupes potentiellement sensibles (par ex. les enfants, les femmes enceintes) » (198).

L’ACRO exhorte la CIPR à introduire des limites et des niveaux de référence plus protecteurs pour les femmes enceintes, les bébés et les enfants.

Evacuation et protection des populations

Étonnamment, le résumé analytique du projet de rapport ne mentionne pas les personnes déplacées et leur protection. Plus loin, dans le texte principal, la CIPR affirme que « l’expérience internationale après les accidents nucléaires et non nucléaires montre que les nations et les individus ne sont pas disposés à abandonner facilement les zones touchées » (57), ce qui n’est pas exact. A Fukushima, seulement 23% des personnes qui ont été obligées d’évacuer sont revenues après la levée des ordres d’évacuation. De plus, de nombreuses familles ont évacué seules, sans aucun soutien.

En outre, la CIPR ne prend en compte que la « réinstallation temporaire ». Dans les cas de Tchernobyl et de Fukushima, il existe encore de vastes zones où personne n’est autorisé à revenir et de nombreuses familles sont réinstallées ailleurs définitivement. Pourquoi la CIPR les ignore-t-elle ?

La CIPR semble considérer qu’une fois qu’elles ont quitté les zones contaminées, elles ne sont plus concernées par la radioprotection et ne méritent plus d’être prises en considération. Mais elles ont fui une exposition aux radiations !

Les personnes réinstallées ailleurs et les rapatriés devraient bénéficier de la même considération dans la publication. Les personnes déplacées souffrent de difficultés financières, de discrimination et de mise à l’écart (intimidation dans le cas des enfants). Beaucoup se sentent coupables d’avoir abandonné leur ville natale, ceux qui sont restés et ceux qui sont revenus. Ils ont besoin d’une protection et d’une attention particulières.

L’ébauche de la CIPR ne tient compte que des populations vivant dans des territoires contaminés qui n’ont pas été évacuées ou qui sont revenues. Il convient également de noter que de nombreux rapatriés ne vivent pas chez eux, mais ont été réinstallés dans un nouveau logement dans leur ville natale. Dans certaines villes et certains villages, ils doivent vivre dans un quartier complètement nouveau.

La CIPR note que « la réinstallation temporaire est cependant associée à des troubles psychologiques. Plusieurs études menées après l’accident de Fukushima ont montré une augmentation significative de l’incidence de la dépression et du syndrome de stress post-traumatique chez les résidents relogés de Fukushima » (136). Mais vivre dans des territoires contaminés est aussi associé à des troubles psychologiques et à un stress qui n’est jamais mentionné. Les travaux de terrain menés au Japon indiquent que ce traumatisme est réel [Shinrai2019 et ses références]. L’insistance sur les « troubles psychologiques dus à la réinstallation » cache le traumatisme de ceux qui sont restés, ou sont revenus, et se sentent “piégés” dans cette situation subie.

La seule solution proposée est la diffusion d’une culture radiologique pour apprendre à vivre dans des territoires contaminés avec une exposition aux radiations optimisée afin d’aider les gens à répondre à leurs préoccupations de la vie quotidienne. Cependant, la CIPR ne considère jamais que cela pourrait être un fardeau trop lourd pour beaucoup et que la plupart des familles aimeraient offrir un autre avenir à leurs enfants, sans avoir à vérifier et à évaluer constamment chaque mouvement de leur vie quotidienne.

La CIPR ne mentionne qu’une seule fois que « les individus ont le droit fondamental de décider s’ils veulent ou non rentrer chez eux. Toutes les décisions de rester dans une zone touchée ou de la quitter doivent être respectées et soutenues par les autorités, et des stratégies doivent être élaborées pour la réinstallation de ceux qui ne veulent pas ou ne sont pas autorisés à rentrer dans leur foyer » (158). Cela n’est pas suffisant et devrait être davantage étayé par des conseils pratiques aux autorités.

L’ACRO exhorte la CIPR à examiner sérieusement la question des populations déplacées et de se référer aux Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays du Conseil économique et social des Nations Unies [UNESC1998]. Rappelant que « les déplacements engendrent presque toujours de graves souffrances pour les populations touchées », ces Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays leur offrent des garanties. En particulier, « les autorités compétentes ont le devoir et la responsabilité première d’établir les conditions et de fournir les moyens qui permettent aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays de retourner volontairement, en toute sécurité et dignité, dans leurs foyers ou lieux de résidence habituelle, ou de se réinstaller volontairement dans une autre partie du pays. Ces autorités s’efforceront de faciliter la réintégration des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays qui ont été rapatriées ou réinstallées. » Ils ajoutent que « les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ont le droit d’être protégées contre le retour forcé ou la réinstallation dans tout lieu où leur vie, leur sécurité, leur liberté et/ou leur santé seraient en danger » et que « des efforts particuliers devraient être faits pour assurer la pleine participation des personnes déplacées à la planification et à la gestion de leur retour ou de leur réinstallation et réintégration ».

Les personnes vulnérables sont particulièrement exposées en cas d’accident nucléaire grave. La CIPR reconnaît que « dans les mois qui ont suivi l’accident nucléaire de Fukushima, une augmentation générale de la mortalité a été observée (à l’exclusion des décès dus au séisme et au tsunami), notamment chez les personnes âgées. Cette augmentation ne peut être attribuée aux effets directs des rayonnements sur la santé, bien qu’elle soit une conséquence directe de l’accident » (40). En outre, « l’évacuation non planifiée de personnes âgées ou sous surveillance médicale de maisons de repos peut avoir causé plus de mal que de bien à ces personnes » (54). Ainsi, « l’évacuation peut être inappropriée pour certaines populations, comme les patients dans les hôpitaux et les maisons de repos, ainsi que les personnes âgées, si elle n’est pas bien planifiée » (124).

L’ACRO est d’accord avec la CIPR sur ce point, mais considère que l’hébergement prolongé des personnes vulnérables dans les zones exposées devrait être bien préparé. Le personnel doit accepter de prendre soin des patients malgré la situation radiologique.

Confiance et implication des parties prenantes

Dans son projet de rapport, la CIPR explique fréquemment qu’un accident nucléaire génère de la « complexité » ou des « situations complexes » sans expliquer le sens de ces expressions. Voir par exemple le § (15). Sans accident nucléaire, la vie et la société sont déjà complexes. Mais des individus et des groupes ont mis en place des mécanismes fondés sur la confiance pour faire face à une telle complexité. Un accident nucléaire remet en cause cette confiance et les populations touchées sont perdues devant une situation sans précédent. Ainsi, le principal défi pour les autorités est donc de fournir des informations dignes de confiance.

La CIPR mentionne une fois « l’effondrement de la confiance dans les experts et les autorités » (29) et suggère que « les actions de protection devraient contribuer à regagner la confiance de toutes les personnes par rapport à la zone affectée » (66). Mais la confiance doit être conservée plutôt que restaurée !

Les mesures de protection choisies doivent être expliquées et justifiées aux populations touchées. Ensuite, une réévaluation régulière est nécessaire en raison des grandes incertitudes qui sous-tendent le processus de décision précoce. Par conséquent, le processus étape par étape illustré à la figure 2.2 devrait être étendu pour inclure l’explication et la réévaluation. En outre, l’implication des parties prenantes doit être spécifiquement mentionnée ici.

La CIPR explique que « le processus d’optimisation doit reconnaître qu’il y a inévitablement des conflits d’intérêts et chercher à concilier les différences et les besoins des différents groupes. Par exemple, les producteurs de biens, de services et d’aliments souhaiteront poursuivre leur production, mais leur capacité à le faire est affectée par la volonté des consommateurs de recevoir et d’acheter ces articles » (66). Dans sa publication sur les fondements éthiques de la radioprotection, la CIPR a ignoré ces intérêts contradictoires et l’ACRO a considéré dans ses commentaires qu’il s’agissait d’une lacune majeure. Ainsi, l’ACRO est satisfaite de voir qu’ils sont reconnus ici. Cependant, la réponse est décevante : « Les mesures de protection devraient contribuer à regagner la confiance de toutes les personnes en ce qui concerne la zone touchée » (66). C’est tout !

Lorsque la CIPR recommande que « toute décision modifiant une situation d’exposition aux rayonnements devrait faire plus de bien que de mal » (48), tient-elle compte des individus, des groupes, de la nation ? Les intervenants seront exposés pour sauver les autres. La CIPR écrit plus loin : « La responsabilité de juger la justification incombe généralement aux autorités pour assurer un bénéfice global, au sens le plus large, à la société, et donc pas nécessairement à chaque individu » (50). Cette position est en conflit avec le droit à la santé de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Chaque individu personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille. »

Anand Grover, Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, a noté dans son rapport sur Fukushima : « Les recommandations de la CIPR sont basées sur les principes d’optimisation et de justification, selon lesquels toutes les actions du gouvernement devraient être basées sur la maximisation du bien par rapport au mal. Une telle analyse risques-avantages n’est pas conforme au cadre du droit à la santé, car elle donne la priorité aux intérêts collectifs sur les droits individuels. En vertu du droit à la santé, le droit de chaque individu doit être protégé. En outre, ces décisions, qui ont un impact à long terme sur la santé physique et mentale des personnes, devraient être prises avec leur participation active, directe et effective » [HRC2013].

L’ACRO exhorte la CIPR à se préoccuper sérieusement des conflits d’intérêts inhérents à ses principes de radioprotection avec la participation sincère parties prenantes.

A long terme, la CIPR encourage le processus de co-expertise et la participation des parties prenantes. L’ACRO soutient également une telle approche. Toutefois, les « dialogues de la CIPR » à Fukushima promus dans le projet de rapport ne sont pas un exemple à suivre, car ils se limitaient aux personnes partageant le point de vue de la CIPR et n’étaient mis en œuvre que dans quelques villes sélectionnées. Les opposants n’ont pas été autorisés à assister aux réunions. De telles réunions ne peuvent que générer des frustrations chez les personnes qui sont exclues ou qui se sentent exclues. Les dialogues devraient être ouverts à toutes les composantes des populations touchées.

Lors des réunions publiques, les participants sont confrontés aux autorités et à leurs experts pour traiter de questions complexes. Les gens ne sont donc pas en mesure de faire valoir leur point de vue, à moins qu’ils ne soient assistés par des experts qu’ils ont eux-mêmes choisis. Après un accident nucléaire grave, les gens sont encore plus vulnérables et ne peuvent pas tenir tête aux autorités. Les participants devraient également être en mesure de forger leur propre point de vue sans la présence des autorités avant d’engager le dialogue avec elles. De plus, le processus de co-expertise présenté dans le projet de rapport ne concerne qu’une minorité de la population qui est prête à lutter pour la récupération et la réhabilitation de la zone contaminée. Il ignore complètement les populations qui préféreraient d’autres solutions comme la réinstallation dans un autre lieu. Ils auraient aussi besoin d’un processus de co-expertise !

Enfin, en ce qui concerne la caractérisation de la situation radiologique, la CIPR écrit : « L’expérience montre que le pluralisme des organisations impliquées dans la mise en œuvre du système de surveillance radiologique (autorités, organismes experts, laboratoires locaux et nationaux, organisations non gouvernementales, instituts privés, universités, acteurs locaux, exploitants nucléaires, etc) est un facteur important en faveur de la confiance des populations envers les mesures » (161). L’ACRO est tout à fait d’accord sur ce point, mais il ne suffit pas d’accumuler des données et le suivi citoyen doit être soutenu financièrement. Les données devraient être facilement accessibles à tous et l’analyse indépendante devrait être soutenue. Les tendances et la modélisation sont également importantes pour un processus décisionnel.

L’ACRO demande à la CIPR à reconsidérer sa recommandation sur le processus de co-expertise et la participation des parties prenantes.

Protection des intervenants

En ce qui concerne les intervenants en situation d’urgence, la CIPR écrit : « Lorsqu’un travailleur professionnellement exposé intervient en tant qu’intervenant, l’exposition reçue pendant l’intervention doit être comptabilisée et enregistrée séparément des expositions reçues pendant les situations d’exposition prévues, et ne doit pas être prise en compte pour le respect des limites de dose professionnelle » (120). Cette recommandation est inacceptable.

Les doses reçues ont le même impact, qu’elles soient prises en situation d’urgence ou lors d’interventions planifiées, et elles se cumulent. A Fukushima, de nombreux intervenants résident en zone contaminée où ils continuent à être exposés, sans que cela soit pris en compte.

L’ACRO exhorte la CIPR à reconsidérer sa position : l’enregistrement des doses reçues par un intervenant doit prendre en compte toutes les situations d’exposition, de garantir le respect d’une valeur limite dose-vie qui ne devrait être pas excéder 500 mSv. La réglementation française retient une limite en dose-vie de 1000 mSv pour les intervenants en situation d’urgence radiologique. ACRO considère que cette dernière limite est trop élevée et qu’en outre elle devrait cumuler toutes les doses reçues en toute situation d’exposition.

Conclusions

Un accident nucléaire grave entraîne des dommages irréversibles mais ne peut être exclu. La CIPR devrait recommander que les efforts les plus importants soient déployés par les exploitants nucléaires pour éviter les accidents et que des autorités de sûreté nucléaire indépendantes imposent les normes les plus élevées. Si ces normes ne peuvent être respectées, la centrale nucléaire devrait être arrêtée.


ACRO’s comments on the ICRP draft report:

A nuclear accident cannot be reduced to a radiation protection problem as it has inevitably social, environmental and economic consequences. The daily life of people can be deeply affected. Thus, the ICRP has drafted a new publication on large accidents that takes into account various aspects of the response considering all impacts. ACRO welcomes this initiative but regrets that the draft submitted to public consultation has severe shortcomings.

Reference levels

The main problem is that reference levels are not protective enough. First of all, ICRP considers that “there is reliable scientific evidence that whole-body exposures on the order of ≥100 mSv can increase the probability of cancer occurring in an exposed population. Below 100 mSv, the evidence is less clear. The Commission prudently assumes, for purposes of radiological protection, that even small doses might result in a slight increase in risk” (22). Such statement does not take into account all the results of the scientific literature. As a matter of facts, this draft report reproduces the levels of the ICRP publication 103, which are the same as in ICRP publication 60 which dates back to 1990. These levels are mainly based on the follow-up of the Hiroshima and Nagasaki hibakushas (TD86). There are many other studies in radiobiology and in epidemiology that strongly suggest the existence of stochastic effects below 100 mSv and that the linear and non-threshold relationship is based on facts and not only “on a precautionary basis for the management of radiation protection.” See for example Refs. [LD].

ACRO urges ICRP to reduce the reference levels and limits it recommends.

After a nuclear disaster, ICRP recommends: “For protection of responders after the urgent emergency response, the reference level should not exceed 20 mSv per year. For people living in long-term contaminated areas following the emergency response, the reference level should be selected within or below the Commission’s recommended band of 1–20 mSv for existing exposure situations, taking into account the actual distribution of doses in the population and the tolerability of risk for the long-lasting existing exposure situations, and there is generally no need for the reference level to exceed 10 mSv per year. The objective of optimisation of protection is a progressive reduction in exposure to levels on the order of 1 mSv per year” (j).

As this statement is hardly understandable, ICRP adds: “The Commission considers that annual exposures of the order of 10 mSv during the first years of the recovery process, added to exposure received during the emergency response, could lead to total exposures greater than 100 mSv in a relatively short period of time for some affected people. Therefore, it is not recommended to select reference levels beyond 10 mSv per year when it is estimated that such exposures could continue for several years, which may be the case once the recovery phase starts. In addition, experience from Chernobyl and Fukushima has shown that for exposure levels of the order of 10 mSv per year, it is difficult – given the multiple societal, economic, and environmental negative consequences associated with the long-lasting presence of contamination, and the numerous restrictions imposed on everyday life by the protective actions – to maintain sustainable and decent living, working, and production conditions in affected areas” (80).

The introduction of a new reference level at 10 mSv/y is welcome since Japan, for example, sticks to 20 mSv/y more than 8 years on in Fukushima. The progressive reduction in exposure to levels on the order of 1 mSv/y or below is not protective enough without a time frame. In contrast, U.S. guidelines require relocation when people may be exposed to 20 mSv or more of radiation in the first year and 5 mSv or below from the second year. The long-term objectives are to keep doses at or below 50 mSv in 50 years. The relocation protective action guide addresses post-plume external exposure to deposited radioactive materials and inhalation of re-suspended radioactive materials that were initially deposited on the ground or other surfaces [USEPA1992, FEMA2013].

ACRO urges ICRP to introduce other reference levels accompanied by specific time frame for the cumulated doses over the years as in the USA.

It is worth reminding that the population may have already been exposed to doses up to 100 mSv during the emergency phase.

Regarding the emergency phase, the ICRP states: “For the optimisation of protective actions during the emergency response, the Commission recommends that the reference level for restricting exposures of the affected population and the emergency responders should generally not exceed 100 mSv. This may be applied for a short period, and should not generally exceed 1 year” (77). But it later explains that “an emergency exposure situation may be of very short duration (hours or days), or it may continue for an extended period of time (weeks, months, or years)” (85). An emergency that requires urgent actions cannot last months or even years! This is not consistent with ICRP’s reference level for emergency should not exceed one year. If the emergency lasts longer, there is no reference level anymore.

Moreover, as explained by ICRP, “for emergency response decisions, in the event of a nuclear accident, especially in the early phase, the need to act quickly is not conducive to stakeholder involvement” (51). Thus, extending emergency beyond reasonable periods of time will hinder stakeholder involvement.

In the case of the accident at the Fukushima dai-ichi nuclear power plant (NPP), the ICRP recalls that “on 22 April 2011, the area outside the 20-km zone for which it was estimated that the projected dose within 1 year of the accident could reach 20 mSv was designated as the ‘deliberate evacuation area’. The national government issued an order that relocation of people from the deliberate evacuation area should be implemented in approximately 1 month. The criterion for relocation was selected by the government with consideration of the 20–100-mSv per year band of reference levels for emergency exposure situations recommended by ICRP” (B7). An evacuation order released 42 days after the emergency declaration with more than a month to comply is NOT an emergency evacuation! Japanese authorities betrayed their citizen by referring to the emergency exposure situation.

As a conclusion, the emergency phase should be as short as possible otherwise authorities will refer to highest reference values and exclude stakeholder involvement. Note that on a purely physical point of view, short-lived radioelements generally dominate the external exposure for a month and then longer-lived nuclei such as radioactive caesium dominate. There is no need to extend the emergency phase to long duration.

ACRO urges ICRP to reduce the emergency phase to the shortest possible period of time that should not exceed a month.

Protection of children and pregnant women

ICRP “recommends paying particular attention to children and pregnant women, for whom radiological risks may be greater than for other groups of individuals. Strategic social and economic activities should also be the subject of specific protection provisions in implementation of the optimisation process.” (65) As a matter of facts, foetus and young children are more sensitive to radiations than adults but most of dose limits and reference levels were derived for adults. ICRP’s recommendations to enforce a better protection are very deceiving. They include:

  • “thyroid dose monitoring in the early phase [that] is important for children and pregnant women.” (102)
  • administration of stable iodine during the early phase [that] is particularly important for pregnant women and children.” (130)
  • control of the radiological quality of milk, which is an important part of the diet of children in most countries, [that] is particularly important during the early phase of an accident because it is a potential source of thyroid exposure from radioactive iodine.” (134)
  • “A subcategory of health monitoring [that] is the follow-up of potentially sensitive subgroups (e.g. children, pregnant women);” (198)

ACRO urges ICRP to introduce more protective limits and reference levels for pregnant women, infants and children.

Evacuation and protection of populations

Surprisingly, the executive summary of the draft report does not mention displaced people and their protection. Later, in the main text ICRP claims that “worldwide experience after nuclear and non-nuclear accidents shows that nations and individuals are not willing to readily abandon affected areas” (57), which is not correct. In Fukushima, only 23% of the people who were forced to evacuate have returned after the evacuation orders were lifted. In addition, many families evacuated on their own, without any support.

Moreover, ICRP only considers “temporally relocation”. In both Chernobyl and Fukushima cases, there are still vast zones where nobody is allowed to come back and many families are permanently relocated. Why are they ignored by the ICRP?

ICRP might consider that once they left the contaminated areas, they are not concerned by radiation protection anymore and they do not deserve to be considered. But they escaped radiation exposure!

Relocated people and returnees should benefit from the same consideration in the publication. Relocated people are suffering from financial difficulty, discrimination and marginalisation (bullying in case of children). Many feel guilty to have abandoned their hometown, those who remained and those who returned. They need special protection and consideration.

ICRP’s draft only considers populations living in contaminated territories who did not evacuate or who returned. Note also that many returnees do not live in their home but have been relocated in a new dwelling in their hometown. In some towns and villages, they have to live in a completely new district.

ICRP notes that “temporary relocation is, however, associated with psychological effects. Several studies carried out after the Fukushima accident showed significant increases in the incidence of depression and post-traumatic stress disorder among relocated residents of Fukushima Prefecture” (136). But living in contaminated territories is also associated with psychological effects and stress that is never mentioned. Field work conducted in Japan indicates that this trauma is real [Shinrai2019 and references therein]. The insistence on the “psychological effects of relocation” hides the trauma of those who stayed, or returned, and feel “trapped” in this unchosen situation.

The only suggested solution is the dissemination of radiological culture to learn how to live in contaminated territories with an optimised radiation exposure to help people to address their daily life concerns. However, ICRP never considers that this could be a too heavy burden for many and that most families would like to offer another future to their children, free from a burden of constant checking and assessment of every move of their daily lives.

ICRP mentions only once that “individuals have a basic right to decide whether or not to return. All decisions about whether to remain in or leave an affected area should be respected and supported by the authorities, and strategies should be developed for resettlement of those who either do not want or are not permitted to move back to their homes” (158). This is not enough and should be more substantiated by practical advices to the authorities.

ACRO urges ICRP to seriously consider displaced populations and refer to the Guiding Principles on Internal Displacement of the United Nations’ Economic and Social Council [UNESC1998]. Recalling that “displacement nearly always generates conditions of severe hardship and suffering for the affected populations”, these Guiding Principles on Internal Displacement provide them guaranties. In particular, “competent authorities have the primary duty and responsibility to establish conditions, as well as provide the means, which allow internally displaced persons to return voluntarily, in safety and with dignity, to their homes or places of habitual residence, or to resettle voluntarily in another part of the country. Such authorities shall endeavour to facilitate the reintegration of returned or resettled internally displaced persons.” They add that “internally displaced persons have the right to be protected against forcible return to or resettlement in any place where their life, safety, liberty and/or health would be at risk” and that “special efforts should be made to ensure the full participation of internally displaced persons in the planning and management of their return or resettlement and reintegration”.

Vulnerable people are particularly at risk in case of a severe nuclear accident. ICRP acknowledges that “during the months following the Fukushima nuclear accident, a general increase in mortality was observed (excluding deaths due to the earthquake and tsunami), especially among elderly people. This increase cannot be attributed to the direct health effects of radiation, although it is a direct consequence of the accident” (40). Also, “the unplanned evacuation of elderly or medically-supervised people from nursing homes may have caused more harm than good for these people” (54). Thus, “evacuation can be inappropriate for certain populations, such as patients in hospitals and nursing homes, as well as elderly people, if it is not well planned” (124).

ACRO agrees with ICRP on this point, but considers that extended sheltering of vulnerable people in exposed areas should be well prepared. Staff should agree to take care of patients in spite of the radiological situation.

Confidence and stakeholder’s involvement

In its draft report, ICRP frequently explains that a nuclear accident generates “complexity” or “complex situations” without explaining what does such expressions mean. See e.g. § (15). Without nuclear accident, life and society are already complex. But individuals and groups have built up mechanisms to face such complexity based on trust. A nuclear accident challenges this confidence and affected population are lost in front an unprecedented situation. Thus, the main challenge for authorities is to deliver trustworthy information.

ICRP mentions once “a collapse of trust in experts and authorities” (29) and suggests that “protective actions should contribute to regaining the confidence of all people in relation to the affected area” (66). But confidence should be kept rather than restored!

The selected protective actions should be explained and justified to the affected populations. Then, regular reassessment is necessary knowing the large uncertainties underlying the early decision process. Thus, the step-by-step process shown in Fig. 2.2 should be extended to include explanation and re-evaluation. Furthermore, stakeholder involvement should be specifically mentioned here.

ICRP explains that “the optimisation process must recognise that there are inevitable conflicting interests, and seek to reconcile the differences and needs of various groups. For example, producers of goods, services, and food will wish to continue production, but their ability to do so is affected by the willingness of consumers to receive and purchase these items” (66). In its publication on Ethical Foundations of Radiological Protection, ICRP ignored these conflicting interests and ACRO considered in its comments that it was a major shortcoming. Thus, ACRO is satisfied to see that they are acknowledged here. However, the response is disappointing: “protective actions should contribute to regaining the confidence of all people in relation to the affected area” (66). That’s all!

When ICRP recommends that “any decision altering a radiation exposure situation should do more good than harm” (48) does it consider individuals, groups, the nation? Responders will be exposed to save others. ICRP further writes: “Responsibility for judging justification usually falls on the authorities to ensure an overall benefit, in the broadest sense, to society, and thus not necessarily to each individual” (50). This position is in conflict with the right to health of the Universal Declaration of Human Rights: “Everyone has the right to a standard of living adequate for the health and well-being of himself and of his family”.

Anand Grover, Special Rapporteur to UN Human Rights Council, noted in his report on Fukushima: “ICRP recommendations are based on the principles of optimisation and justification, according to which all actions of the Government should be based on maximizing good over harm. Such a risk-benefit analysis is not in consonance with the right to health framework, as it gives precedence to collective interests over individual rights. Under the right to health, the right of every individual has to be protected. Moreover, such decisions, which have a long-term impact on the physical and mental health of people, should be taken with their active, direct and effective participation” [HRC2013].

ACRO urges ICRP to seriously address the conflicts of interest inherent to its radiation protection principles with a sincere involvement of stakeholder.

On the long term, ICRP promotes co-expertise process and stakeholder involvement. ACRO also supports such an approach. However, “ICRP dialogues” in Fukushima promoted in the draft report are not an example to follow as they were limited to people agreeing with ICRP’s point of view and only implemented in very few selected towns. Opponents were not allowed to attend the meetings. Such meetings can only generate frustrations to the people who are excluded or feel excluded. Dialogues should be open to all component of the affected populations.

At public meetings, participants are confronted with authorities and their experts to deal with complex issues. People are therefore not in a position to make their views considered, unless they are assisted by experts they have chosen themselves. After a severe nuclear accident, people are even more vulnerable and cannot stand up to the authorities. Participants should also be able to forge their own point of view without authorities before engaging dialogue with authorities. Moreover, the co-expertise process presented in the draft report is only for a minority of the population that is ready to fight for recovery and rehabilitation of the contaminated zone. It completely ignores populations who would prefer other solutions such as relocation. They would also need a co-expertise process!

Finally, regarding the characterisation of the radiological situation, ICRP writes: “Experience shows that the pluralism of organisations involved in implementation of the radiation monitoring system (authorities, expert bodies, local and national laboratories, non-governmental organisations, private institutes, universities, local stakeholders, nuclear operators, etc.) is an important factor in favour of confidence in the measurements among the affected population” (161). ACRO fully agrees with this, but accumulating data is not enough and citizen monitoring should be supported financially. Data should be easily accessible to anybody and independent analysis should be supported. Trends and modelling are also important for a decision process.

ACRO urges ICRP to reconsider its recommendation on the co-expertise process and stakeholder involvement.

Protection of the responders

Regarding the emergency responders, ICRP writes: “When an occupationally exposed worker is involved as a responder, the exposure received during the response should be accounted for and recorded separately from exposures received during planned exposure situations, and not taken into account for compliance with occupational dose limits” (120). This recommendation is not acceptable.

Exposure doses have the same impact, whether taken in an emergency situation or during planned interventions, and they are cumulative. In Fukushima, many workers are residing in contaminated areas where they continue to be exposed. These additional doses are not taken into account.

ACRO urges ICRP to reconsider its position: recording of doses received by responders must take into account all exposure situations, to ensure compliance with a dose-life limit value that should not exceed 500 mSv. French regulations set a life-dose limit of 1000 mSv for responders in a radiological emergency situation. ACRO considers that this latter limit is too high and that, in addition, it should include all doses received in any exposure situation.

Conclusions

A severe nuclear accident induces irreversible damages but cannot be ruled out. ICRP should recommend that upmost efforts are done by nuclear operators to avoid accidents and that independent nuclear safety authorities enforce the highest standard. If such standards cannot be fulfilled, the nuclear plant should be phased out.


References – Références

[FEMA2013] Federal Emergency Management Agency, Program Manual – Radiological Emergency Preparedness, June 2013
http://www.fema.gov/media-library-data/20130726-1917-25045-9774/2013_rep_program_manual__final2_.pdf

[HRC2013] Human Rights Council, Report of the Special Rapporteur on the right of everyone to the enjoyment of the highest attainable standard of physical and mental health, Anand Grover, Mission to Japan (15 – 26 November 2012), 2 May 2013 (A/HRC/23/41/Add.3)
http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/RegularSession/Session23/A-HRC-23-41-Add3_en.pdf

[LD] Some scientific publications related to the stochastic impact of low doses of radiation:

  • Zhou H. et al. Radiation risk to low fluences of α particles may be greater than we thought. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2001) 98(25): 14410–14415
  • Rothkamm K. et al. Evidence for a lack of DNA double-strand break repair in human cells exposed to very low X-ray doses. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2003) 100(9): 5057–5062
  • Mancuso M. et al. Oncogenic bystander radiation effects in Patched heterozygous mouse cerebellum. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2008) 105(34): 12445–12450
  • Löbrich M. et al. In vivo formation and repair of DNA double-strand breaks after computed tomography examinations. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2005) 102(25): 8984–8989
  • Beels L. et al. Dose-length product of scanners correlates with DNA damage in patients undergoing contrast CT. Eur. J. of Radiol. (2012) 81: 1495–1499
  • Brenner DJ. Et al. Cancer risks attributable to low doses of ionizing radiation: Assessing what we really know. Proc. Natl. Acad. Sci. USA (2003) 100(24): 13761–137662
  • Watanabe T. et al. Hiroshima survivors exposed to very low doses of A-bomb primary radiation showed a high risk for cancers. Environ. Health Prev. Med. (2008) 13(5): 264-70
  • Ozaka K. et al. Studies of the Mortality of Atomic Bomb Survivors, Report 14, 1950–2003: An Overview of Cancer and Noncancer Diseases. Rad. Res. (2012) 177: 229-243
  • Pearce M.S. et al. Radiation exposure from CT scans in childhood and subsequent risk of leukaemia and brain tumours: a retrospective cohort study. Lancet (2012) 380(9840):499-505.
  • Mathews J.D. Cancer risk in 680,000 people exposed to computed tomography scans in childhood or adolescence: data linkage study of 11 million Australians. BMJ. (2013) 346:f2360
  • Bollaerts K. et al. Childhood leukaemia near nuclear sites in Belgium, 2002–2008. Eur. J. Cancer Prev. (2018) 27(2): 184-191
  • Hsieh WH. et al. 30 years follow-up and increased risks of breast cancer and leukaemia after long-term low-dose-rate radiation exposure. Br. J. Cancer (2017) 117(12): 1883-1887
  • Spycher B.D. et al. Background Ionizing Radiation and the Risk of Childhood Cancer: A Census-Based Nationwide Cohort Study. Environ. Health Perpect. (2015) 123(6): 622-628
  • Kendall G.M. et al. A record-based case–control study of natural background radiation and the incidence of childhood leukaemia and other cancers in Great Britain during 1980–2006. Leukemia (2013) 27(1):3-9.
  • Richardson DB. et al. Risk of cancer from occupational exposure to ionising radiation: retrospective cohort study of workers in France, the United Kingdom, and the United States (INWORKS). BMJ (2015) 351: h5359.
  • Little MP. et al. Leukaemia and myeloid malignancy among people exposed to low doses (<100 mSv) of ionising radiation during childhood: a pooled analysis of nine historical cohort studies. Lancet Haematol. (2018) 5(8): 346-e358.
  • NCRP Commentary No. 27: Implications of recent epidemiologic studies for the linear-nonthreshold model and radiation protection. NCRP 2018.

[SHINRAI2019] Christine Fassert and Reiko Hasegawa, Shinrai research Project: The 3/11 accident and its social consequences – Case studies from Fukushima prefecture, Rapport IRSN/2019/00178
https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/fukushima-2019/Documents/IRSN-Report-2019-00178_Shinrai-Research-Project_032019.pdf

[UNESC1998] United Nations, Economic and Social Council, Commission on Human Rights 1998, Guiding Principles on Internal Displacement, E/CN.4/1998/53/Add.2, 11th February 1998
http://www.ohchr.org/EN/Issues/IDPersons/Pages/Standards.aspx

[USEPA1992] United States Environmental Protection Agency, Office of Radiation Programs, Manual of Protective Action Guides and Protective Actions for Nuclear Incidents, Revised 1991, second printing, May 1992. EPA-400-R-92-001.
http://www.epa.gov/radiation/docs/er/400-r-92-001.pdf

Rapport du HCTISN sur la gestion du combustible nucléaire

Le Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) vient de rendre public son rapport sur la gestion du combustible nucléaire en France. Même s’il est incomplet et présente encore des erreurs factuelles que nous avons signalées en vain, ce rapport apporte des informations nouvelles.

De plus, l’annexe signée de l’ACRO, FNE et Greenpeace ne correspond pas exactement au texte que nous avons envoyé :

Les associations signataires saluent la publication de ce rapport qui fait un bilan sur le combustible nucléaire, son utilisation, traitement et devenir, même s’il reste incomplet. Plusieurs questions sont sans réponse.
Il apparaît que moins de 1% des combustibles irradiés sont recyclés actuellement (0,9%) et il est abusif de parler de « cycle » et encore plus de « cycle fermé ». La terminologie « cycle ouvert » pour qualifier l’absence de cycle frise le ridicule. Par ailleurs, plus du tiers des combustibles usés issus des réacteurs à eau pressurisée d’EDF ne sont actuellement pas retraités, quarante ans après le premier déchargement.
Le combustible MOX n’est utilisé que dans les réacteurs les plus anciens. Leur arrêt progressif dans les années à venir va entraîner une baisse du retraitement et du taux de recyclage. Comme le rapport n’aborde pas cette évolution, nous demandons la publication complète du rapport « Impact Cycle 2016 » établi par EDF au nom également d’Orano Cycle et de l’Andra et du rapport d’expertise de l’IRSN sur le dossier. Nous regrettons de ne pas avoir été suivis par le Haut comité à la TRANSPARENCE et l’INFORMATION sur ce sujet.
La classification en matières valorisables des combustibles irradiés non traités et de l’uranium de retraitement repose sur une chimère, la génération IV de réacteurs nucléaires refroidis au sodium, un métal qui s’enflamme spontanément à l’air et qui explose dans l’eau. Le concept date des années 1950 et, s’il devait aboutir, aura fait l’objet de plus d’un siècle de recherches et développements. De plus, la puissance du projet de démonstrateur Astrid a été revue à la baisse. Il n’est pas raisonnable de bâtir la politique de gestion des matières et déchets nucléaires français sur cette promesse peu réaliste. Il est indispensable de présenter un plan de gestion alternatif sans génération IV.
Il en est de même pour les grands projets structurants, comme le centre d’enfouissement Cigéo, qui fait l’objet de fortes contestations et qui n’est pas encore qualifié. Là encore, il est important de travailler à un plan de gestion alternatif des déchets radioactifs.
Le reclassement des matières dites valorisables en déchets radioactifs aura un impact énorme sur la gestion des déchets radioactifs et doit être préparé. Il est interdit de stocker en France des déchets radioactifs d’origine étrangère. Est-ce que les matières valorisables d’origine étrangère devenues déchets seront renvoyées dans leur pays d’origine ?

Le rapport HCTISN.

Commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires :

Accès direct à la vidéo de l’audition du président de l’ACRO, le 31/5/2018

L’ACRO se réjouit que les principales recommandations de son étude sur les plans d’urgence en cas de catastrophe nucléaire soient reprises par le rapport de la commission d’enquête parlementaire (p. 66).

Le site de la commission d’enquête avec le rapport est ici.

Cahiers d’acteur de l’ACRO dans le cadre du débat public CIGEO

Dans le cadre du débat public CIGEO (stockage profond de déchets radioactifs à Bure), l’ACRO vient de publier 2 cahiers d’acteurs (pour consulter l’ensemble des cahiers d’acteurs sur le site officiel, cliquez ici) :

Cahier d’acteur de l’ACRO N°79

Cahier d’acteur de l’ACRO N°81

Débat public – Projet Penly 3

ACROnique du nucléaire n°91, décembre 2010


La Commission Particulière du Débat Public (CPDP) dirigée par M Didier Houi  a été nommée par la CNDP (Commission Nationale du Débat Public) afin d’animer  la confrontation entre, d’une part, EDF, le maître d’ouvrage et les différents acteurs se sentant concernés par le projet de construction d’une troisième unité de production électronucléaire sur le site de Penly de type EPR (Projet Penly 3).

Le débat public s’est déroulé entre le 24 mars 2010 et le 24 juillet de cette même année, lorsque la CNDP a jugé que le dossier fourni par EDF était assez complet pour être soumis au débat public.

Pour avoir le droit de prendre place à la tribune, les associations ou les organismes intéressés devaient rédiger un cahier d’acteur résumant leur position vis-à-vis du projet EDF et disposaient, de ce fait, théoriquement, du temps nécessaire pour expliciter leur argumentation. Le public, lui, lorsqu’il parvenait à avoir le micro n’avait que trois minutes pour poser une question, alors qu’EDF pouvait répondre sans limite de temps et avoir le dernier mot…..

Le but de cet article n’est évidemment pas de résumer tout ce qui a pu être dit au cours des douze séances du débat public. (Le lecteur pourra trouver sur l’internet les verbatim ainsi que les vidéos des séances). Il consiste seulement à expliquer pourquoi il a semblé à l’ACRO utile de participer au débat (en dépit du fait que nous considérions que les jeux étaient faits d’avance),  de rendre compte de certains arguments que nous avons avancés, et des questions que nous avons posées oralement et par écrit ainsi que des réponses qui nous ont été apportées.

Contrairement à certaines associations qui ont refusé de s’associer au débat, nous avons opté d’y participer. En effet, ne pas le faire aurait abouti à laisser le champ libre au maître d’ouvrage qui aurait ainsi pu développer à loisir son argumentation sans la moindre contestation technique et obtenir un certain soutien public. Nous avons eu raison, comme le montre la réaction de ce même public lors des débats, et, surtout comme le démontre la CPDP dans son document final intitulé « Compte rendu du débat public » de septembre 2010, qui reprend un grand nombre de nos observations et de nos mises en cause du projet Penly 3 d’EDF.

 

La position de l’ACRO vis-à-vis du projet Penly 3 (voir ACROnique du nucléaire n° 89 de juin 2010) :

·       Que ce projet, renforçant la part du nucléaire, (déjà de 80% de la production d’électricité), va à l’encontre de la politique énergétique  définie par la loi.

·       Qu’EDF devait justifier de plusieurs années d’exploitation (3 ans minimum) avant de pouvoir disposer d’un produit industriel fiable. Ce n’est, évidemment, pas le cas.

·       Qu’en proposant une énergie surabondante sans résoudre les problèmes de pics de demande, EDF fournit une solution inacceptable au problème. Il est intéressant de remarquer que c’est la conclusion de l’étude commandée par la CPDP à un cabinet indépendant.

·       Que le code de la santé publique stipule le principe de justification, institué par la CIPR (Commission internationale de protection radiologique). EDF n’a pas tenu compte de ce principe dans sa présentation de la radioprotection (p 118 de son dossier).

 Pour toutes ces raisons, l’ACRO a pris position contre le projet Penly3.

 

Examinons maintenant plusieurs questions orales et écrites posées par l’ACRO ainsi que les réponses fournies.

 

·        « Quelle est la fiabilité du système de contrôle commande de l’EPR? »

Celle-ci a été critiquée, au deuxième semestre 2009 par les autorités de sûreté nucléaire française, finlandaise et anglaise. Le premier ministre avait, alors, déclaré que le problème serait résolu avant la fin de l’année…. Sans préciser laquelle….. La réponse, embarrassée d’EDF a consisté à dire qu’un accord de principe avait été obtenu de l’ASN lors de sa présentation. Puis, que tout serait réglé pour juin 2010. Nous en sommes toujours là et, pour le moment, rien n’indique que les choses ont vraiment évolué.

 ·        « Pourquoi EDF a-t-elle fait l’hypothèse d’un retraitement à 100% pour calculer la quantité de déchets générés par l’EPR alors que ce réacteur va consommer du MOX qui n’est pas retraité ? Pourquoi EDF n’a-t-elle pas compté tous les déchets générés, de la mine d’uranium au démantèlement ? N’est-elle pas capable de faire une estimation honnête ? »

Réponse EDF : Nous avons fait l’hypothèse d’un retraitement à 100 % du combustible usé car c’est l’option qui est retenue à terme pour le traitement des combustibles usés, UO2 et MOX (cf. dossier du maître d’ouvrage p 130).

Votre seconde question est relative à l’exhaustivité de l’inventaire des déchets générés par Penly 3. Dans le dossier du maître d’ouvrage, nous avons présenté les déchets d’exploitation et de retraitement des combustibles usés (page 54 du dossier du maître d’ouvrage). Nous avons également présenté les déchets de démantèlement pour une unité du parc actuel (page 120 du dossier du maître d’ouvrage). Les calculs n’ont pas encore été effectués pour les unités de type EPR, les résultats devraient être du même ordre de grandeur. Enfin, nous avons précisé lors de la réunion du Havre, le 10 juin, que le volume de déchets conventionnels produits par le démantèlement d’une unité était de 100 000 m3 environ.

Les déchets restent définitivement propriété de celui qui les génère. Dans le dossier du maître d’ouvrage, nous avons décrit les déchets que Penly 3 sera susceptible de produire directement ou indirectement. Les déchets miniers et ceux générés par la fabrication des éléments combustibles ne sont pas propriété d’EDF, seuls leurs producteurs en connaissent le détail ; de la même manière que quand nous achetons un litre d’essence, nous n’avons pas d’indication précise sur les types et les quantités de déchets qui ont été générés pour le produire.

Les éléments fournis ci-dessus nous semblent de nature à dissiper les inquiétudes formulées dans votre troisième question.

Commentaire : Eh bien, pas tellement….. EDF botte en touche et ne répond pas vraiment à la question. Le recyclage du MOX ne devrait être possible qu’avec la très hypothétique génération 4 de réacteurs nucléaires (voir le dossier sur le sujet). Il endommage plus les cuves de réacteurs….. EDF, pourtant, dans ses documents internes ne cache pas sa réticence à utiliser ce combustible qui intéresse seulement AREVA.

 ·         « Pourquoi EDF a-t-elle fait une présentation incomplète de la radioprotection et a omis le principe de justification ? »

Réponse EDF : Votre question porte sur le premier principe sur lequel repose la radioprotection, à savoir la justification, en réponse aux impositions de l’article L1333.1 du Code de la santé publique.

La radioprotection désigne l’ensemble des mesures mises en œuvre pour protéger l’homme de la radioactivité : le public, les travailleurs de l’industrie (et en particulier de l’industrie nucléaire), le personnel médical, les chercheurs…

La Commission internationale de protection contre les rayonnements ionisants (CIPR) a défini les trois principes de la radioprotection : justification, optimisation, limitation des doses de rayonnements.

La définition du principe de justification est inscrite dans l’ordonnance 2001-270 du 28 mars 2001 relative à la transposition de directives communautaires dans le domaine de la protection contre les rayonnements ionisants : « Une activité nucléaire ou une intervention ne peut être entreprise ou exercée que si elle est justifiée par les avantages qu’elle procure, notamment en matière sanitaire, sociale, économique ou scientifique, rapportés aux risques inhérents à l’exposition aux rayonnements ionisants auxquels elle est susceptible de soumettre les personnes.»

Conformément à la communication de la Commission européenne  au sujet de la mise en œuvre de la Directive EURATOM 96/29 (Journal officiel n° C 133 du 30/04/1998 p. 0003), la détermination de la justification de toute nouvelle pratique incombe aux Etats membres.
L’entité responsable de la justification doit en effet être indépendante des propriétaires et des exploitants de la pratique. A ce titre, EDF fournit des éléments nécessaires pour vérifier que la pratique est justifiée au sens de la radioprotection, comme c’est le cas pour des travaux importants soumis à autorisation.Conformément à l’ordonnance 2001-270 du 28 mars 2001, les autorisations délivrées aux installations nucléaires de base (INB) tiennent lieu d’autorisation des activités.

Concernant la création d’une nouvelle unité de production électronucléaire en France, la détermination de la justification est formalisée par la délivrance d’un Décret d’autorisation de création par le Premier ministre contresigné par les ministres chargés de la sûreté nucléaire (Ministres chargés de l’Environnement, de l’Industrie et de la Santé), après instruction du dossier de Demande d’autorisation de création par l’Autorité de sûreté nucléaire.
Le dossier déposé par l’exploitant comprend (cf article 8 du décret du 2 novembre 2007) notamment  le rapport préliminaire de sûreté, l’étude de maîtrise des risques, l’étude d’impact sur l’environnement et la santé, le bilan et le compte-rendu du débat public.

Commentaire : En fait, le galimatias développé ci-dessus montre qu’EDF se contente de « fournir des éléments » aux autorités françaises (puisque chaque état membre est responsable…) L’absence de remarques vaut approbation… EDF ne répond pas à la question : pourquoi le principe de justification n’est pas écrit en toutes lettres dans son dossier?

 ·       « Pourquoi EDF a-t-elle refusé de répondre aux questions posées par la CLI de Brennilis lors de l’enquête publique ? N’avait-elle pas les réponses aux questions posées ? » 

Réponse EDF : Votre question porte sur l’instruction des recommandations émises par la CLI (Commission locale d’information auprès de l’installation nucléaire du site des monts d’Arrée à Brennilis)  à l’issue de l’enquête publique portant sur la demande de décret de démantèlement complet de la centrale de Brennilis.

La demande d’autorisation de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement d’une centrale nucléaire est soumise à enquête publique telle que prévue par l’article 13 du décret du 2 novembre 2007.
Ce dernier énonce notamment que le préfet de département consulte pour avis un certain nombre d’instances dont la commission locale d’information.
La CLI a organisé en 2009, pour préparer son avis, sept réunions consacrées au dossier de démantèlement de la centrale de Brennilis.

La CLI a rendu, le 1er décembre 2009, un avis favorable sur le dossier de démantèlement de la centrale de Brennilis.

Cet avis, accompagné d’un certain nombre d’observations et de recommandations structurées autour de 15 thèmes, a été transmis au Préfet du Finistère le 2 décembre 2009 en insistant  pour que les quinze points soient pris en compte dans le décret autorisant le démantèlement de l’installation.
Dans son courrier adressé au préfet du Finistère, le Président de la CLI n’exprime pas la volonté qu’EDF réponde à ces recommandations mais leur prise en compte dans le décret.

Au cours des diverses réunions organisées par la CLI, EDF a toutefois répondu à toutes les questions des membres de la CLI et du public et a apporté oralement des éléments de réponse à la plupart des recommandations de la CLI.

Afin d’éclairer les auteurs du futur décret d’autorisation, les divers avis recueillis par le Préfet, à savoir celui de la CLI, de la CLE (Commission locale de l’eau), du Conseil général, des conseils municipaux sont adressés aux ministres chargés de la sûreté nucléaire au même titre que le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur et l’avis du préfet.

Les recommandations émises par la CLI seront traitées, par les services de l’État et par  l’Autorité de sûreté nucléaire, dans le cadre de l’instruction du futur décret.

Commentaire : Dans son courrier le président de la CLI ne mentionne pas explicitement qu’il attend une réponse d’EDF. EDF n’a donc pas fait de réponse formelle! Incroyable! Quel mépris pour la CLI et le public.

 ·       « Pourquoi EDF avait-elle fait espionner des associations opposées à l’EPR de Flamanville ? EDF peut-elle s’engager à ne pas faire espionner les associations impliquées dans le débat cette fois-ci ? »[1]

Réponse EDF : Votre question fait référence à la question n°19 qui portait sur l’instruction judiciaire en cours relative à des faits d’intrusion frauduleuse dans des systèmes d’information, visant en particulier des représentants de l’association Greenpeace.

Dès qu’elle a eu connaissance de la situation, EDF s’est attachée à recueillir les informations nécessaires notamment pour apporter tout son concours au bon déroulement de l’enquête judiciaire devant déterminer les éventuelles responsabilités.

EDF a découvert, dans le cadre des investigations conduites au sein de l’entreprise qu’un contrat de veille avec la société Securewyse avait été signé en dérogation aux règles du Groupe. Ce contrat a été résilié depuis.

L’entreprise s’attache au quotidien à assurer la sécurité de ses installations et des personnes, avec les services de l’État, afin de prévenir toute action violente sur ses sites notamment nucléaires, dont la protection relève de la défense nationale. Dans ce cadre, EDF, comme toutes les entreprises industrielles, réalise une veille constante des informations susceptibles d’affecter son activité dans le strict respect des dispositions légales.

EDF condamne fermement toute méthode visant à obtenir des informations de manière illicite. C’est une des raisons pour lesquelles EDF a demandé à se porter partie civile.

EDF souhaite que toute la lumière soit faite dans cette affaire avec équité et dans la sérénité, au seul regard de l’examen objectif des faits.

Commentaire : Pris la main dans le sac, EDF a osé se porter partie civile contre la société qui a accompli pour son compte le méfait relaté ! La justice ne s’y est pas trompée puisque

la cour d’appel de Versailles a débouté le groupe EDF. Dans un arrêt rendu le 3 septembre 2010, la chambre d’instruction de la cour d’appel a débouté le groupe d’électricité de sa demande, estimant qu’il n’était “pas nécessaire qu’EDF obtienne par la voie judiciaire” des fichiers “qu’il lui est reproché de s’être procurés illégalement”.

Le parquet de Nanterre vient, par ailleurs, de requérir le renvoi en correctionnelle d’EDF et de ses deux anciens dirigeants, notamment pour “complicité d’accès et maintien à un système automatisé de données aggravés par l’utilisation d’un moyen de cryptologie”. Il revient désormais au juge d’instruction en charge du dossier, de décider ou non de leur renvoi devant le tribunal. C’est particulièrement instructif…..

·        A Envermeu (Seine Maritime), le sujet de la dangerosité du tritium a été évoqué par un membre de l’ACRO : qui a souligné l’obstination des représentants d’EDF à présenter le tritium comme un radionucléide presque inoffensif, qui peut être rejeté dans l’environnement sans précaution particulière, sous prétexte que le rayonnement bêta est faible et qu’il ne délivre sa charge radioactive qu’à un micromètre de distance environ. De ce fait, les dégâts qu’il peut occasionner dans l’ADN des cellules qu’il bombarde de l’intérieur lorsqu’il les pénètre sous sa forme tritium organiquement lié et qui ont été étudiés en Allemagne et en Angleterre mettent en évidence que les modèles actuels ne permettent pas d’expliquer ces faits et rendent nécessaire l’application du principe de précaution, qui fait partie de notre constitution depuis 2004, jusqu’à la conclusion d’études complémentaires indispensables.

La bioaccumulation, observée par des analyses effectuées sur les poissons et les crustacés de la baie de Cardiff est toujours niée par EDF confortée par l’obstination de l’IRSN. L’ASN pour sa part commence a admettre la nécessité d’études complémentaires et a confié une mission d’évaluation a deux groupes de travail qui ont remis leurs conclusions en juillet 2010.

La directive européenne 96-29, en son article 6,  stipule qu’il n’est pas envisageable, sans analyse sérieuse, de permettre une augmentation des rejets tritiés des différents sites de production  l’ASN, cependant,  a permis pratiquement un doublement des émissions de Paluel et 25 % d’augmentation sur Penly.

La convention OSPAR, signée par la France en 1999 visant à réduire vers zéro les rejets chimiques et radioactifs dans l’Atlantique Nord, dans la Manche, d’ici à 2019 ? EDF n’en tient aucun compte, pas plus d’ailleurs que de ce qu’a  écrit le député Christian Bataille, qui n’est pas particulièrement un antinucléaire : « Les autorités responsables des installations nucléaires doivent être conscientes que les rejets de tritium dans l’environnement risquent de devenir, dans les années à venir, un problème majeur et certainement un des principaux axes de la contestation antinucléaire ».

·        La question des rejets en tritium des installations nucléaires en général et de l’EPR en particulier a été évoquée par un membre de l’ACRO à Envermeu. C’est le sujet chaud du moment. Cet adhérent a rappelé que le tritium était présenté comme étant presque inoffensif et qu’il était rejeté sans restriction dans l’environnement. Or, de nombreuses études au niveau européén remettent en cause les connaissances sur son impact sanitaire et son comportement dans l’environnement. L’augmentation des autorisations de rejets des centrales nucléaires existantes va à l’encontre du principe de précaution inscrit dans la Constitution française et de la convention d’OSPAR sur la protection de l’Atlantique du Nord-Est.

 

CONCLUSION :

Ce débat est en recul par rapport à celui de Flamanville. Il a vu, cependant, l’apparition des intérimaires du nucléaire comme groupe organisé prenant part au débat. Mais, le compte-rendu final les ignore. Le seul point positif est la commande d’une expertise indépendante sur le contexte énergétique qui aboutit à la conclusion que l’EPR Penly 3 n’est pas nécessaire.

Tout au long du débat public, EDF a insisté sur son sens des responsabilités, son respect des procédures et des règlements et sur la notion clé de transparence. Les exemples ci-dessus montrent qu’EDF ne répond pas vraiment aux questions posées. Les réponses sont arrivées très tard, empêchant ainsi toute possibilité de réaction et de demande d’approfondissement. Dans son compte rendu du débat public, la CPDP remarque que « la majorité du public n’y croit pas ou plus… » Un membre de la mission permanente de la France auprès de l’AIEA rappelle que « la transparence est un élément déterminant de l’utilisation responsable de l’énergie nucléaire ».Or le nombre d’incidents évoqués lors du débat et n’ayant pas fait l’objet d’un traitement à la hauteur des engagements pris le montre à l’évidence, EDF parle beaucoup mais agit peu. Cette société reconnaît, d’ailleurs, que la transparence est un sujet compliqué et qu’il est difficile de communiquer sur le nucléaire…. (p 62 du compte rendu de la CPDP).

Le compte rendu conclut, enfin, sur ce sujet en mentionnant « que la suspicion sur le souci de transparence d’EDF s’installe de façon plus définitive quand le classement « secret défense » du rapport Roussely est confirmé deux mois après la date de sortie annoncée alors qu’il concerne l’avenir de la politique énergétique nationale et du nucléaire en particulier ».

Est-il nécessaire d’ajouter quelque chose à cela ? 


[1] Début avril, une question était posée à EDF sur les affaires d’espionnage qui avaient eu lieu lors du débat EPR à Flamanville. La personne demandait des garanties de la part d’EDF qu’il n’y aurait pas de nouvel espionnage des associations opposées au projet. Non seulement, EDF n’a jamais répondu bien que 2 mois se soient écoulés, mais la question a discrètement disparue du site Internet du débat. Est-ce sous la pression d’EDF, ou bien est-ce un choix délibéré de la part de la CPDP ?

Ancien lien

L’EPR Penly 3 n’est pas justifié

Cahier d’acteur de l’ACRO pour le débat public à propos du projet d’EPR Penly 3


Un argumentaire incohérent

Les priorités de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique [1] sont claires : d’abord la maîtrise de la demande d’énergie, puis la diversification des sources d’énergie pour laquelle, selon l’article 4 [2], « l’Etat se fixe donc trois priorités. La première est de maintenir l’option nucléaire ouverte à l’horizon 2020 en disposant, vers 2015, d’un réacteur nucléaire de nouvelle génération opérationnel permettant d’opter pour le remplacement de l’actuelle génération. La deuxième priorité en matière de diversification énergétique dans le secteur électrique est d’assurer le développement des énergies renouvelables. […] Il convient donc d’atteindre l’objectif indicatif d’une production intérieure d’électricité d’origine renouvelable de 21 % de la consommation intérieure d’électricité totale à l’horizon 2010. »

Avec un EPR en construction à Flamanville, la première priorité se concrétise, mais pas la deuxième. Le projet d’EPR à Penly va donc à l’encontre de la politique énergétique définie par la loi, puisqu’il va renforcer la part du nucléaire dans la production d’électricité qui est déjà supérieure à 80%. Seule la France a une part aussi élevée, ce qui est une aberration en soi, les autres « grands pays nucléaires » étant largement en dessous.

Lors du débat public sur le projet d’EPR à Flamanville qui a eu lieu en 2005-2006, EDF écrivait dans son dossier (page 13) : « En tant qu’industriel, EDF a besoin, pour la réalisation d’une éventuelle série de réacteurs, d’un modèle de réacteur éprouvé par plusieurs années d’exploitation. Cette expérience lui permettrait de déployer une organisation industrielle expérimentée, afin d’optimiser, d’une part le prix de revient de cette centrale – et donc les coûts futurs de l’électricité – et d’autre part, la sûreté d’exploitation et l’impact sur l’environnement. De plus, ces années d’exploitation permettraient de disposer de compétences acquises sur l’installation pour garantir une exploitation de qualité en toute sûreté pour les éventuels réacteurs de série à construire. » Et d’insister, page 31, sur l’importance de « l’expérience d’exploitation suffisante d’un EPR avant de mettre en chantier une éventuelle série. Cette expérience ne s’acquiert que sur la durée : pour disposer d’un produit industriel fiable, maîtrisé et optimisé, il faut avoir exploité cette nouvelle unité pendant une durée raisonnable, estimée à 3 ans environ par EDF. »

Le réacteur de Flamanville est loin d’être terminé. L’EPR de Penly ne sera donc pas « fiable, maîtrisé et optimisé » ? S’agit-il d’un nouveau prototype pour essayer de faire mieux que pour les chantiers EPR en France et en Finlande qui accumulent les déboires et les retards ?

Les réacteurs en construction ne sont pas exactement ceux imaginés initialement par EDF et Areva. L’armature métallique a été largement augmentée à la demande de l’autorité de sûreté finlandaise, ce qui a conduit à des anomalies et des suspensions du chantier de Flamanville par l’autorité de sûreté nucléaire française (ASN). Le système de contrôle commande n’a pas été jugé satisfaisant par les autorités de sûreté de trois pays européens qui « ont demandé aux exploitants et au fabricant d’améliorer la conception initiale de l’EPR [3]. » Aujourd’hui, ce problème n’est toujours pas résolu. Alors que la fiabilité de l’EPR est mise en cause, quels impératifs peuvent justifier la construction immédiate d’un deuxième réacteur en France ?

Un réacteur EPR engage la compagnie pour 80 ans minimum si l’on prend en compte la construction et le démantèlement, et la population pour des milliers d’années avec les déchets nucléaires produits. Il est donc étonnant de voir un tel revirement stratégique en moins de quatre ans. En effet, la consommation d’électricité en France stagne depuis 2005. Elle est même en baisse en 2009. Le remplacement prochain de l’usine d’enrichissement de l’uranium, très énergivore, va rendre disponible la production de trois réacteurs nucléaires environ [4]. En outre, la part d’EDF va en diminuant avec l’ouverture du marché.

Ainsi, fin 2007, le PDG d’EDF, Pierre Gadonneix affirmait encore qu’« il n’y a pas de place pour du nucléaire supplémentaire avant 2020 » [5]. L’argumentaire pour un nouvel EPR à Penly ne paraît ni sérieux ni acceptable.

  • Pour l’ACRO, la décision d’un éventuel renouvellement du parc électronucléaire doit être prise en 2020 à l’issue d’un grand débat national. Le projet Penly 3 n’est pas justifié.

Pour un respect des engagements en faveur des énergies renouvelables

« L’objectif indicatif d’une production intérieure d’électricité d’origine renouvelable de 21 % de la consommation intérieure d’électricité totale à l’horizon 2010 » de la loi de 2005 n’est pas atteint puisque la part de d’électricité d’origine renouvelable était de 15% de la consommation intérieure brute en 2009. L’engagement du paquet climat énergie de l’Union Européenne d’atteindre 20% de la consommation d’énergie (et non d’électricité) d’origine renouvelable en 2020 risque d’être utopique. Avec la loi Grenelle 1 [6], la France va plus loin et « s’engage à porter la part des énergies renouvelables à au moins 23 % de sa consommation d’énergie finale d’ici à 2020. »

Lors de la réunion de clôture du débat EPR tête de série, Bernard Salha, responsable de l’ingénierie nucléaire d’EDF a rappelé « qu’en ce qui concerne les ENR, donc les énergies renouvelables, le Groupe EDF s’est d’ores et déjà engagé à investir 3 [milliards d’euros], l’équivalent du prix du réacteur EPR de Flamanville, dans des projets éoliens d’ici 2010. » Même si cela n’est pas dit explicitement, cet investissement ne concerne pas uniquement la France. Nous sommes en 2010 : cet engagement a-t-il été respecté ? Le coût de l’EPR a fortement augmenté : l’investissement dans l’éolien aussi ?

Aucun chiffre précis n’est donné dans le dossier d’EDF.

  • L’ACRO demande donc que les engagements en faveur des énergies renouvelables soient respectés et qu’EDF soit contrainte de participer à cet effort.

Pour une autre politique énergétique

L’année 2009 a été difficile en termes d’approvisionnement électrique pour la France car EDF accumule les déboires sur le parc nucléaire actuel dont le taux de disponibilité ne cesse de se dégrader pour atteindre 78%, un des plus mauvais au monde. C’est lors des pics de demande, au moment des grands froids, que la situation est la plus critique. La réponse n’est pas la construction d’un nouveau réacteur nucléaire, mais la fiabilisation des moyens de production actuels et l’investissement dans les moyens de lissage des pointes de production.

EDF est en surproduction la plupart du temps, et doit importer massivement de l’électricité très émettrice de CO2 lors de pics de demande pendant les grands froids. La surcapacité d’électricité d’origine nucléaire, observable depuis 1985, oblige de passer des contrats de fourniture avec les pays voisins, notamment la Suisse, l’Italie, la Belgique et la Grande-Bretagne. Ces contrats, ou « droits à tirer », rendent la production d’environ 8 à 10 réacteurs non disponibles pour les pointes de consommation françaises. Il est paradoxal que l’Allemagne, pays ayant décidé un moratoire sur le nucléaire, nous fournisse l’équivalent de la production annuelle de 1,5 réacteur depuis 2004.

La compagnie justifie le réacteur Penly 3 par « une marge de sécurité en termes de capacités de production » sans expliquer en quoi cela va améliorer la situation actuelle. En clair, cela signifie des surplus électriques supplémentaires qui vont pousser la compagnie à encourager encore plus la consommation d’électricité, pour le chauffage notamment, et donc provoquer des difficultés encore plus grandes lors des pointes.

Le Danemark et certains cantons suisses ont interdit le chauffage électrique car c’est une aberration scientifique. En imposant que les nouveaux bâtiments consomment moins de 50 kWh d’énergie primaire par mètre carré et par an à partir de 2012, la loi issue du Grenelle de l’environnement exclut de facto le chauffage électrique. En effet, avec l’électricité, l’énergie primaire produite est environ trois fois supérieure à celle consommée. EDF espère pouvoir continuer à promouvoir le chauffage électrique grâce aux pompes à chaleur vantées dans son dossier. Or, lors des grands froids, elles ne pompent pas beaucoup de calories dans le sol mais beaucoup de watts sur le réseau électrique.

Quant aux voitures électriques dont l’émergence soudaine justifierait les nouveaux investissements dans le nucléaire, leur développement massif se heurte à des verrous technologiques qui hypothèquent beaucoup l’avenir. Peut-on vraiment engager un tel projet sur une hypothèse aussi peu étayée ?

Avec une technologie beaucoup plus simple qu’une centrale nucléaire et génératrice de beaucoup plus d’emplois, il est possible de réduire drastiquement la consommation électrique des bâtiments. Les engagements du Grenelle de l’environnement, avec comme « objectif de réduire les consommations d’énergie du parc des bâtiments existants d’au moins 38 % d’ici à 2020 »  sont un premier pas en ce sens. La Suisse est allée beaucoup plus loin en se donnant l’objectif d’une « société à 2000 watts [7] », soit trois fois moins que la consommation actuelle.

En cas de surplus, EDF compte exporter l’électricité produite. Lors du débat pour le premier EPR à Flamanville, le chantier devait servir de vitrine à l’exportation du réacteur. Faute de commande, il est maintenant proposé de construire le réacteur en France pour exporter l’électricité…

Malheureusement, les nuisances, parmi lesquelles l’exposition des travailleurs, en majorité des sous-traitants au statut précaire, les déchets nucléaires, les rejets dans l’environnement et les risques d’accident, restent en France.

L’évaluation des volumes de déchets produits par l’EPR dans le dossier EDF est largement sous-estimée. Elle se base sur l’hypothèse d’un retraitement intégral qui permet de classer certains déchets en « matière valorisable », même si elle n’est pas valorisée. Cette hypothèse est contredite par le projet d’utiliser du combustible MOx qui n’est pas retraité. Enfin, tous les déchets produits en amont à partir de la mine et en aval par le démantèlement ne sont pas pris en compte.

  •  En proposant une énergie surabondante sans résoudre les problèmes de pics de demande, l’EPR à Penly va à l’encontre d’une politique de sobriété énergétique et va accroître les volumes de déchets radioactifs pour lesquels aucune solution acceptable n’existe, constituant ainsi un legs éthiquement inacceptable pour les générations futures.

Pour un débat clair et utile

Lors du précédent débat public pour l’EPR, la Commission Particulière de Débat Public (CPDP) avait sollicité plusieurs acteurs afin de rédiger un cahier collectif d’acteurs qui devait apporter un éclairage différent sur le projet. Rien de tel n’est proposé cette fois-ci. Pourquoi ? Certes, ce cahier collectif d’acteurs n’était qu’une juxtaposition d’avis divergents, se basant parfois sur les mêmes données de départ, mais c’était mieux que rien. Comme nous l’avions dit lors de la clôture, il aurait été plus pertinent de mettre les acteurs autour d’une table pour définir ce qui fait consensus  et expliciter les dissensions. Le public aurait pu alors comprendre les choix de société qui se cachent derrière les chiffres et s’approprier le débat.

Les quelques engagements pris par EDF à l’issue du débat précédent sont restés lettre morte. Certes une convention a bien été signée entre la Commission Locale d’Information (CLI) de Flamanville, l’Association Nationale des CLI (ANCLI) et EDF pour permettre un questionnement précis du dossier de sûreté, mais elle n’a jamais été activée. Quant à la transparence dont se félicite le pétitionnaire, elle n’existe pas : l’ACRO a pu constater qu’EDF refuse systématiquement de répondre aux questions lors des réunions de la CLI de Flamanville.

Ce mépris d’EDF pour les consultations du public se retrouve sur d’autres dossiers. A Brennilis, suite à l’enquête publique concernant le démantèlement du réacteur, les commissaires enquêteurs écrivent, dans leur rapport, qu’« EDF, malgré la demande de la commission d’enquête, n’a pas souhaité répondre aux recommandations ou réserves émises par la CLI », qui avaient été formulées suite à une expertise de l’ACRO. « En conséquence, la commission d’enquête n’a aucune garantie que ces réserves et recommandations seront effectivement prises en compte par EDF. » Ils ont donc émis, à l’unanimité, un avis défavorable.

Rappelons que la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, ratifiée par la France [8], impose que « chaque Partie veille à ce que, au moment de prendre la décision, les résultats de la procédure de participation du public soient dûment pris en considération. »

  • L’ACRO regrette que la CPDP ne prenne pas position pour ou contre l’EPR à l’issue du débat et demande des garanties que les demandes du public soient bien prises en compte, conformément à la convention d’Aarhus.

Conclusions

Nous sommes convaincus, comme beaucoup, que le défi énergétique sera l’un des défis majeurs du 21ième  siècle avec l’épuisement des ressources en pétrole et la menace du réchauffement climatique. En ne produisant que de l’électricité, le nucléaire ne peut avoir qu’un impact mineur sur ces problèmes. Tant que les autorités se limiteront à penser en moyens de production réduits à une « alternative infernale » – nucléaire ou effet de serre – et non en utilisation rationnelle de l’énergie, elles seront incapables de répondre au défi. La priorité de toute politique énergétique doit être la réduction de la consommation. Cela est proclamé par les pouvoirs publics et soutenu par les associations de protection de l’environnement, mais sans effets significatifs. Nous aurions donc préféré un large débat sur les économies d’énergie avec, à la clé, des mesures concrètes et des mesures réglementaires qui ne sont pas forcément populaires. Cela aurait été l’occasion de mettre en œuvre une expérimentation d’un véritable processus de démocratie participative beaucoup plus ambitieux que le débat actuel, afin de trouver une synergie entre les moyens techniques, individuels et collectifs à mettre en œuvre pour une meilleure utilisation de l’énergie qui ne soit pas source de conflit.  Malheureusement, l’EPR est présenté comme la solution qui, en servant d’alibi, va à l’encontre de la nécessité de réduire notre consommation. Il va aussi renforcer la dépendance de la production électrique à une mono-industrie, alors qu’il est plus sûr stratégiquement et économiquement de diversifier les sources.

Un réacteur nucléaire n’est pas un produit industriel banal, c’est une installation à risques. Outre la possibilité d’un accident majeur, y compris suite à une intention malveillante, l’EPR émettra des rejets radioactifs dans l’environnement, contribuera à l’exposition des travailleurs du nucléaire et produira des déchets pour lesquels aucune solution éthiquement et socialement acceptable n’est proposée. C’est aussi un investissement lourd qui obère d’autant d’autres investissements.

Les risques spécifiques liés aux radiations ionisantes, pour lesquelles il est reconnu internationalement qu’il n’y a pas de seuil d’innocuité [9], ont un nouveau cadre réglementaire. Le Code de la Santé Publique [10] stipule le principe de justification institué par la CIPR [11] : « Une activité nucléaire ou une intervention ne peut être entreprise ou exercée que si elle est justifiée par les avantages qu’elle procure, notamment en matière sanitaire, sociale, économique ou scientifique, rapportés aux risques inhérents à l’exposition aux rayonnements ionisants auxquels elle est susceptible de soumettre les personnes. » EDF a omis ce premier principe dans sa présentation de la radioprotection, page 118 de son dossier, ce qui est symptomatique… Nous connaissons les risques engendrés par l’industrie nucléaire pour les travailleurs et l’environnement, mais nous ne sommes pas convaincus par les avantages d’un nouvel EPR à Penly ou ailleurs.

  • C’est pour toutes ces raisons que l’ACRO a pris position contre la construction du réacteur EPR à Penly ou ailleurs et pour une autre politique énergétique
[1]  n°2005-781 du 13 juillet 2005

[2] modifié par la loi n°2006-11 du 5 janvier 2006
[3] Communiqué des autorités de sûreté nucléaire française, britannique et finlandaise du 2 novembre 2009

[4] L’enrichissement de l’uranium par ultracentrifugation, qui sera mis en service prochainement dans l’usine Georges Besse II, consomme environ 50 fois moins d’énergie que la méthode actuelle par diffusion gazeuse. L’électricité produite par trois des réacteurs nucléaires du Tricastin dédiée actuellement à l’enrichissement va être disponible pour d’autres usages.
[5] Challenges, 6 décembre 2007 : « Et pour étayer sa démonstration, il s’appuie sur le dernier bilan prévisionnel du RTE, le gestionnaire des réseaux électriques, qui anticipe « une modération dans la consommation électrique » à cause des efforts d’économie d’énergie, tandis que quatre centrales au gaz à cycle combiné entreront en service et que de nouvelles éoliennes procureront 2000 mégawatts supplémentaires. EDF prévoit d’augmenter la puissance des centrales nucléaires existantes, ce qui produira encore 2 000 mégawatts de plus. Bref, les besoins seront couverts. »
[6] LOI n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (1)

[7] 2000 watts correspondent à la consommation énergétique moyenne par personne sur la planète. Tendre vers une société à 2000 watts (dont seulement 500 watts d’origine fossile) permet un équilibre entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement. La Suisse était une société à 2000 watts dans les années 60. Le Conseil fédéral l’a intégrée dans sa stratégie de développement durable et plusieurs cantons ont adopté la société à 2000 watts comme objectif de leur stratégie énergétique.
[8] La loi n° 2002-285 du 28 février 2002 contient un article unique : Est autorisée l’approbation de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (ensemble deux annexes), signée à Aarhus le 25 juin 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi.

[9]  US National Academy of sciences. 2006. Health risks from exposure to low levels of ionizing radiation. BEIR VII – Phase 2.
[10] Partie Législative [première partie.- Protection générale de la santé – livre III.- Protection de la santé et environnement – titre III.- Prévention des risques sanitaires liés aux milieux – chapitre III . – Rayonnements ionisants]  dans son 1er article

[11] Commission internationale de protection radiologique, www.icrp.org

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Espionnage : le vrai visage d’EdF

Editorial ACROnique n°86 de septembre 2009


EdF vient d’être prise la main dans le sac : une copie du disque dur de l’ordinateur de l’ex-directeur des campagnes de Greenpeace a été retrouvée dans ses bureaux. Les révélations se sont bousculées et l’espionnage concernant Greenpeace dans plusieurs pays d’Europe et d’autres associations anti-nucléaires a fait scandale. Les soupçons de certains membres de la Commission Nationale de Débat Public sur l’EPR sont devenus plausibles et les dénégations du PDG d’EdF n’ont convaincu personne[1].

Cette affaire d’espionnage montre le pouvoir des associations. Une grande compagnie comme EdF va jusqu’à utiliser des moyens illégaux, par sous-traitant interposé, pour se protéger, afin d’avoir en avant-première des informations qui sont destinées à être rendues publiques. Ces pratiques ne se limitent pas à l’industrie nucléaire et au secret défense. Ainsi Nestlé a fait infiltrer un groupe d’ATTAC, à Lausanne, qui travaillait à la rédaction d’un livre sur la multinationale[2]. McDonald’s a fait de même avec une petite association londonienne et l’industrie pétrolière n’est pas en reste… Les exemples sont malheureusement nombreux[3].

L’arme judiciaire est souvent utilisée pour faire taire les associations. Il est fort probable que l’espionnage a aussi pour but de dénicher des informations dérangeantes afin de tenter de compromettre les opposants. En quoi une petite association peut-elle être aussi menaçante pour une multinationale ?

EdF, tout comme Areva, dépensent beaucoup en publicité et sponsoring. Ce qui compte, c’est de verdir leur image : le « recyclage » pour Areva et l’électricité sans CO2 pour EdF. Areva, qui n’a rien à vendre au public, va jusqu’à tenter de séduire les enfants à travers la presse jeunesse. Une information négative rendue publique par une association et reprise par les médias coûte alors très cher pour tenter de rétablir une bonne image.

Face aux associations critiques, il ne s’agit pas pour ces multinationales, de corriger des accusations éventuellement erronées, de donner leur point de vue… bref de débattre démocratiquement pour convaincre, voire améliorer leurs pratiques. Non, il s’agit de faire taire toute critique, d’éliminer toute opposition, afin de maîtriser leur image.

Mais est-ce le public qui est réellement visé in fine ? Certes, EdF est maintenant dans le secteur concurrentiel et doit séduire les clients. Mais, Enercoop n’a que 3000 sociétaires privés, une goutte d’eau. Les particuliers qui ont rejoint les autres concurrents d’EdF l’ont plutôt fait avec une motivation financière. Y-a-t-il vraiment de quoi espionner les associations et séduire les enfants ? Ce sont plutôt les décideurs qui sont la cible. Si EdF ou Areva ont une bonne image, il sera plus facile à un homme politique de les soutenir. Et que craignent surtout le plus ces compagnies ?

La réglementation !

Pour un monde viable, nos sociétés doivent pouvoir fonctionner avec 2000 watts en moyenne par personne, toutes énergies confondues, c’est-à-dire environ trois fois moins que la consommation énergétique actuelle en Europe. Ce concept de société à 2000 watts[4] est actuellement débattu en Suisse, jusqu’au niveau du gouvernement fédéral et certains cantons, comme celui de Genève ont déjà adopté cet objectif. Et ce qui fait débat, ce n’est pas le fait qu’il faille aller vers une société trois fois plus sobre en énergie, mais la vitesse à laquelle cet objectif sera atteint, sachant que les technologies sont déjà presque toutes disponibles. Est-ce pour dans une cinquantaine d’années avec une politique très ambitieuse imposant la sobriété par la réglementation et orientant les investissements massifs vers les économies d’énergie ou dans 150 ans environ avec, seulement, des mesures incitatives[5] ?

Le réchauffement climatique et les déchets nucléaires, c’est maintenant ! Il est trop tard pour tergiverser : les pouvoirs publics doivent réglementer pour diminuer drastiquement la consommation d’énergie. Mais, cette option n’est pas favorable à EdF et Areva qui s’enrichissent grâce à la gabegie énergétique et l’externalisation de leurs nuisances. Leur but est donc de faire croire que la population pense comme eux. Et tout est permis pour verdir son image afin d’éviter que l’évidence devienne évidente !


[1] Voir la revue de presse

[2] Voir par exemple le reportage de la télévision suisse romande dans Temps Présent du jeudi 12 juin 2008 : http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=370501&sid=9209396

[3] Lire par exemple, Battling Big Business, countering greenwash, infiltration and other forms of corporate bullying, édité par Evelyne Lubbers, Green Books, Royaume Uni.

[4] http://www.societe2000watts.com/

[5] Voir par exemple le reportage de la télévision suisse romande dans Temps Présent du jeudi 23 août 2007 : http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=370501&sid=8027943

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Le nucléaire est-il soluble dans la démocratie ?

Editorial de l’ACROnique du nucléaire n°82, septembre 2008


En ratifiant en 2002 la convention d’Aarhus, la France s’est engagée à garantir la « participation du public au processus décisionnel » en matière d’environnement. Avec la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, les autorités ont prétendu avoir tourné définitivement la page de la mauvaise gestion des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl sur le territoire national. Et pour montrer que nous étions vraiment entrés dans une nouvelle ère démocratique, deux débats nationaux furent organisés en France en 2005-2006 sous l’égide de la Commission Nationale de Débat Public (CNDP) sur la gestion des déchets radioactifs et la construction d’un réacteur EPR « tête de série ». Le débat sur les déchets fut très riche car la Commission a élargi les questions mises en jeu : initié pour les seuls déchets de haute et moyenne activité à vie longue, il a pris en compte tous les déchets et toutes les matières radioactives dites valorisables. Des solutions nouvelles ont été proposées comme alternative à l’enfouissement des déchets, à savoir l’entreposage pérennisé qui consiste à transmettre générations après générations les moyens de surveillance de ces déchets les plus toxiques.

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Malheureusement, la loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs n’a pas retenu cette option et a consacré comme « solutions de référence » les choix précédents de gestion, que sont le retraitement et l’enfouissement. Les seuls progrès concernent les mesures d’accompagnement de la gestion des déchets : un plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs est mis en place et les compétences de la Commission Nationale d’Évaluation sont étendues.

Les décrets et les textes d’application qui ont suivi sont encore plus éloignés des souhaits de la population. Ainsi le gouvernement qui a créé un Ministère de l’Identité Nationale pour faire de la chasse aux étrangers une de ses priorités accepte officiellement le stockage en France de matières radioactives dites valorisables d’origine étrangère, même si elles ne sont pas valorisées… On est encore loin de la Convention d’Aarhus qui stipule que « chaque Partie veille à ce que, au moment de prendre la décision, les résultats de la procédure de participation du public soient dûment pris en considération. »

En ce qui concerne l’EPR, les autorités ont pris moins de risque puisque la décision de construire le réacteur était prise par la loi sur l’énergie du 13 juillet 2005, bien avant le lancement du débat, ignorant encore la Convention d’Aarhus qui garantit que « chaque Partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c’est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence. » Qu’a apporté le débat ? Une garantie d’EDF de favoriser une expertise pluraliste de la sûreté du réacteur qui s’est traduite par la signature d’une convention en grandes pompes entre EDF, la Commission Locale d’Information de Flamanville (CLIF) et l’Association Nationale des Commissions Locales d’Information (ANCLI), mais qui est restée lettre morte : Un bien maigre résultat pour une procédure de consultation lourde et ambitieuse. Alors que pour la première fois dans l’histoire du nucléaire français le chantier de construction d’un réacteur nucléaire est arrêté par l’autorité de sûreté pour anomalies répétées, aucun avis tiers basé sur une expertise ouverte et pluraliste n’est disponible. Là encore, le débat n’a concerné que les mesures d’accompagnement, pas le fond du problème. On pourrait aussi citer le cas d’ITER pour lequel le débat n’a eu lieu qu’une fois les conventions internationales signées.

Le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du Territoire, vient de charger l’ANDRA de rechercher un site d’accueil pour les déchets faiblement radioactifs à vie longue en précisant que la procédure doit être conduite de manière « exemplaire et transparente, […] dans le respect de la démocratie locale ». Une précision qui a une valeur d’aveu quant au passé sans être rassurante pour l’avenir. Sans surprise, l’enfouissement à faible profondeur dans une couche argileuse est déjà décidé et seules les mesures d’accompagnement seront débattues. Si vous avez un avis sur la couleur des volets des bâtiments ou la taille du portail, n’hésitez pas à le faire savoir à l’ANDRA, elle est preneuse.

Quant à l’annonce par le Président de la République de la construction d’un deuxième réacteur EPR, elle ne s’encombre, comme à son habitude, d’aucun artifice démocratique et s’apparente une fois de plus au fait du prince. La loi du 13 juillet 2005, signée par le Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire, Nicolas Sarkozy est pourtant claire : les deux premières priorités de l’Etat sont : maîtriser la demande d’énergie et diversifier les sources d’approvisionnement énergétique. Pour ce deuxième point, l’article 4 de la loi précise que « L’Etat se fixe donc trois priorités. La première est de maintenir l’option nucléaire ouverte à l’horizon 2020 en disposant, vers 2015, d’un réacteur nucléaire de nouvelle génération opérationnel permettant d’opter pour le remplacement de l’actuelle génération. La deuxième priorité en matière de diversification énergétique dans le secteur électrique est d’assurer le développement des énergies renouvelables. » C’est dans le même esprit qu’EDF justifiait la nécessité de l’EPR actuellement en construction sur des arguments industriels, et non énergétiques. Il y a à peine 6 mois, le PDG d’EDF expliquait encore qu’« il n’y a pas de place pour du nucléaire supplémentaire avant 2020 »*. A peine l’annonce présidentielle faite, EDF s’est déclarée candidate à la construction de ce deuxième réacteur de 3ième génération… Comment la compagnie peut-elle paraître crédible ? Est-ce un coup de marketing pour compenser les déboires de l’EPR en France et en Finlande?

* Challenges, 6 décembre 2007, repris dans l’éditorial de l’ACROnique du nucléaire n°80 de mars 2008

Ancien lien

« Faut-il tout dire pour bien informer ? »

Communiqué de presse ACRO du 3 avril 2007


L’ANDRA (Agence Nationale pour la Gestion des Déchets Radioactifs) organise le 5 avril à Cherbourg Octeville un colloque sur comment « Mieux répondre aux attentes d’information du public ». La principale question posée aux intervenants et re-débattue le soir est : « faut-il tout dire pour bien informer ? ».

L’ANDRA aurait-elle quelque chose à cacher ? Aurait-elle honte de divulguer certaines informations ? Alors que les autorités s’enorgueillent d’avoir fait voter une nouvelle loi sur la « transparence » nucléaire, dont les décrets d’application sont en cours de préparation, cette question en forme d’aveux n’est pas innocente.

Les droits français et européen sont très ambitieux sur ce sujet. La charte de l’environnement, maintenant adossée à la constitution française, impose que « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ». Afin de pouvoir exercer ce devoir, « toute personne a le droit, dans les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Quant à la convention d’Aarhus, ratifiée en 2002 par la France, elle est beaucoup plus précise et très contraignante sur ce sujet.

Alors que la question primordiale est la mise en pratique de la convention d’Aarhus, malgré les réticences des pouvoirs publics, l’ANDRA remet-elle en cause les bases même de cette démocratie participative appliquée aux questions environnementales ?

Ces nouvelles dispositions, qui ne sont pas dues à une poignée d’« écolos » idéalistes, voire « illuminés », tardent à être appliquées. Ainsi, l’ANCLI a demandé la mise en place d’une Commission Pluraliste et Permanente de Débat sur les déchets et matières radioactifs qui doit accompagner les dix années de recherche prévues par la nouvelle loi sur les déchets. Malheureusement, personne ne veut en entendre parler. On en est encore à se demander si une agence nationale doit tout dire.

Par le passé, l’ANDRA a eu beaucoup de choses à cacher, n’hésitant pas à porter plainte contre l’ACRO quand elle osait divulguer les dysfonctionnements du Centre de Stockage de la Manche. Le fonctionnement à huis clos a permis tous les abus et nous en payons encore aujourd’hui les conséquences. Nos descendants et les générations futures aussi. Mais chut, il ne faut pas leur dire…

Ancien lien