Quel avenir pour le combustible MOX et le retraitement ?

Avis de l’ACRO transmis à la commission d’enquête publique concernant la « modification substantielle de l’installation nucléaire de base du centre nucléaire de production d’électricité de Paluel – Introduction de précurseurs MOX »

Fierté française, le « recyclage » des combustibles nucléaires usés consiste à ne réutiliser que le plutonium, soit moins de 1 % de leur masse, sous forme de combustible MOX. Et ces combustibles MOX, qui ne sont pas retraités après irradiation, s’entassent dans les piscines de La Hague proches de la saturation. Comme le plutonium a une forte valeur énergétique, cela permet de réduire d’un peu moins de 10 % la consommation de combustibles à l’uranium naturel enrichi, quand tout fonctionne bien.

Actuellement, 22 réacteurs de 900 MW utilisent du combustible MOX au Tricastin, à Dampierre, à Gravelines, à St Laurent, à Blayais et à Chinon. Ces réacteurs, mis en service dans les années 1970, vont donc bientôt dépasser la cinquantaine d’années d’exploitation alors qu’EDF espère pouvoir les utiliser une soixantaine d’années. Sans le moxage de réacteurs plus récents, le retraitement des combustibles usés s’arrêtera faute de débouché pour le plutonium.

EDF a donc pour projet d’introduire du combustible MOX dans la génération suivante de réacteurs, les 1300 MW. Pour cela, elle veut faire des essais avec 4 assemblages dits « précurseurs » dans la tranche 4 de Paluel à partir de 2024. Puis, à partir de 2028, une recharge complète (24 assemblages) sera introduite sur une tranche de Paluel après sa 4ème visite décennale. Enfin, EDF sollicitera l’autorisation de généraliser l’utilisation de MOX sur d’autres tranches, selon le besoin, après 2032. C’est l’objet de l’enquête publique qui a lieu du mercredi 12 avril 2023 au mardi 16 mai 2023.

Le dossier d’EDF fait plus de 6 000 pages et le public n’a qu’un mois pour se l’approprier et se faire un avis. Qui peut sérieusement étudier 200 pages techniques par jour sur ses heures libres ? Pas l’ACRO !

La demande d’EDF a lieu dans un contexte particulier : l’usine Melox, qui fait face à des problèmes de qualité de production des pastilles de combustible MOX depuis 2017, n’arrive plus à fournir les réacteurs 900 MW. Comme le montrent les données d’Orano (voir le graphique ci-dessous) la production de l’usine a été divisée par deux et les plans de redressement tardent à être effectifs. Dans de telles conditions, vouloir moxer d’autres réacteurs n’a aucun sens. Orano doit d’abord faire la preuve que l’usine Melox est de nouveau capable de produire 120 tonnes par an.

Comme les assemblages de combustible des 1300 MW n’ont pas la même géométrie que ceux des 900 MW, il a donc fallu adapter l’usine Melox et l’emballage de transport. Et, à Paluel, il faudra ajouter 4 grappes de commande. Mais ces efforts d’EDF pour moxer des réacteurs 1300 MW auront un impact limité dans le temps puisqu’ils ont déjà plus de quarante ans et que les essais à Paluel vont durer près d’une décennie. Cela ne suffira pas pour justifier la construction d’une nouvelle usine de retraitement, alors que la décision concernant son renouvellement ou pas, doit être prise avant 2030, selon l’ASN.

A plus long terme, il sera, de toutes façons, difficile de justifier une nouvelle usine de retraitement et la poursuite de Mélox pour seulement 7 réacteurs EPR, en supposant qu’EDF arrive à les construire.

En conclusion, la demande d’EDF d’introduire quatre assemblages MOX dits précurseurs dans Paluel 4 fait suite à la loi de Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE 2019 – 2028) qui fixe comme objectif, d’ici à 2035, de réduire la part de la production d’énergie électrique d’origine nucléaire à 50 %. Pour atteindre cet objectif, la PPE propose la fermeture de 12 réacteurs nucléaires de 900 MWe à l’échéance de leur cinquième visite décennale. Mais pour pouvoir préserver le retraitement jusqu’en 2040 « où une grande partie des installations et des ateliers de l’usine de La Hague arrivera en fin de vie », il fallait trouver d’autres débouchés pour le plutonium extrait. D’où la volonté de moxer « un nombre suffisant de réacteurs de 1300 MWe ».

Mais, l’objectif de réduire la part d’électricité nucléaire par l’arrêt des réacteurs 900 MW – les seuls moxés – vient d’être abandonné. Le moxage des 1300 MW ne se justifie donc plus dans un contexte où Mélox n’arrive pas fournir les 900 MW.

A plus long terme, avec la saturation des piscines de combustibles usés, les déboires de Mélox et le vieillissement de l’usine de retraitement dont le renouvellement ne peut pas être justifié avec 7 EPR, c’est toute la gestion des combustibles usés qui doit être repensée en associant la société civile.

Nucléaire : un « cycle » du combustible grippé – Note d’information

Fierté française, le « recyclage » des combustibles nucléaires usés, affiche une piètre performance après 56 ans de développements industriels. En effet, seul le plutonium, soit moins de 1% de la masse des combustibles usés, repasse en réacteur sous forme de combustible Mox. Et ces combustibles Mox ne sont pas retraités après irradiation et s’entassent dans les piscines de La Hague proches de la saturation. Comme le plutonium a une forte valeur énergétique, cela permet de réduire d’un peu moins de 10% la consommation de combustibles à l’uranium naturel enrichi.

Mais, ces dernières années, un changement de procédé à l’usine Mélox a grippé le « cycle » car les pastilles de combustibles Mox qui y sont produites n’ont pas l’homogénéité requise. Les rebuts sont renvoyés à La Hague, sans solution pour le moment. Et là aussi cela sature.

Une étude des données publiées tous les ans par l’ANDRA dans ses inventaires de déchets et matières radioactifs permet d’avoir une idée de l’ampleur du problème. Plongeons-nous dans les chiffres.

Pour en savoir plus, lire la note d’information de l’ACRO :

Le prix du recyclage des combustibles nucléaires usés

Orano le clame sur son site Internet : « le recyclage permet de récupérer jusqu’à 96 % de matière valorisable dans un combustible usé : 1 % de plutonium, et 95 % d’uranium. Les 4 % restant sont des produits de fission, des déchets ultimes non valorisables. » Il faudrait ajouter les rejets dans l’environnement suivi par l’ACRO… Le plutonium (1%) est recyclé sous forme de combustible MOx. Mais, on a beau fouiller sur le site, la compagnie ne dit rien du recyclage de l’uranium. EDF n’est pas beaucoup plus disert sur l’utilisation de l’uranium de retraitement. Il faut vraiment chercher sur son site Internet pour trouver des bribes d’information.

Pourquoi ces cachoteries ? A peine 2% de l’uranium extrait des combustibles lors des opérations de retraitement (URT) ont été recyclés à ce jour… Et c’était avant 2013, à la centrale de Cruas dans la Drôme. Depuis, plus rien. Il faut dire que cet uranium de retraitement doit être envoyé en Russie pour y être réenrichi où les normes environnementales et de radioprotection sont moins contraignantes. Ainsi, les effluents produits lors de la purification de l’uranium étaient directement injectés dans le sol… Cela fait mauvais genre pour une énergie prétendue propre ! Les contrats ont donc été suspendus en 2013.

Pour sauver le mythe du recyclage, EDF a signé un nouveau contrat de 600 millions d’euros avec la Russie en 2018. Et, promis, cette fois-ci les effluents issus de la purification de l’uranium français seront vitrifiés. Le premier chargement dans un réacteur d’uranium de retraitement réenrichi (URE) est prévu pour 2023. L’invasion de l’Ukraine n’a en rien altéré les plans de la compagnie et une cargaison est arrivée discrètement à Dunkerque le 28 novembre 2022. Greenpeace a permis sa médiatisation.

Les exactions et les crimes de guerre commis par la Russie en Ukraine n’ont pas remis pas en cause les liens avec Rosatom, l’entreprise d’Etat russe en charge du complexe militaro-industriel nucléaire, directement associée à la prise en otage la centrale ukrainienne de Zaporijjia. Des armes y sont entreposées. Les troupes d’occupation n’y respectent pas les règles de sûreté et ont miné le site. Le personnel ukrainien y est persécuté – certains auraient même été torturés. Tenex, le partenaire russe d’EDF qui réenrichit l’uranium de retraitement, est une filiale de Rosatom…

Si EDF rompait ses contrats avec Rosatom, c’en serait fini du recyclage de l’uranium qui devrait alors être classé en déchet ultime. Pour le moment, il est toujours considéré comme matière « valorisable ». Rappelons, qu’il pèse pour 95% des combustibles usés. Alors, entre l’Ukraine et le mythe du recyclage, EDF a choisi. L’industrie nucléaire se comporte donc comme les industries fossiles.

Mais, rassurez-vous, les 16 engagements Responsabilité Sociétale d’Entreprise d’EDF incluent « l’éthique et les droits humains ». Pour cela, la compagnie a déployé un Plan de Vigilance « pour prévenir d’éventuelles atteintes graves aux personnes et à l’environnement qui pourraient être causées par les activités de l’entreprise ou par celles de ses relations commerciales. » Dans son document intitulé Droits humains et libertés fondamentales, Santé et sécurité, Environnement, Ethique des affaires : les engagements et exigences du Groupe EDF, il est écrit que « le Groupe EDF ne tolère aucune atteinte au respect des droits humains et libertés fondamentales dans ses activités propres. Il veille à ce que cela soit également le cas s’agissant d’activités de tiers lorsque celles-ci sont exercées dans le cadre d‘une relation d’affaires avec le Groupe EDF. Le Groupe EDF s’engage à respecter et demande à ses relations d’affaires de respecter, a minima les standards internationaux de protection et de défense des droits humains et des libertés fondamentales, et en particulier la charte internationale des droits de l’homme de l’ONU et les conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail […]. Le Groupe EDF s’engage à accorder une attention particulière aux impacts de ses activités sur les personnes reconnues comme vulnérables par le droit international des droits de l’homme, et demande à ses relations d’affaires d’y accorder la même attention.

Le Groupe EDF s’engage à enquêter en toute transparence, impartialité et bonne foi sur toute allégation d’atteinte aux droits humains ou liberté fondamentale liée aux activités exercées par les entités du Groupe, prestataires et sous-traitants.

Si une atteinte aux droits humains ou libertés fondamentales est avérée dans le cadre de ses activités, le Groupe s’engage à dialoguer avec les victimes et/ou leurs représentants en vue de remédier à la situation. »

Ouf ! Tout va bien…

Combien de rebuts de MOx japonais à La Hague ?

Un départ de combustibles MOx vers le Japon est prévu dans les jours qui viennent. Cela semble paradoxal dans un contexte où l’usine Mélox ne peut pas produire assez pour fournir les réacteurs nucléaires Edf. En effet, un changement de procédé a induit une forte baisse de la productivité et génère une grande quantité de rebuts qui sont entreposés à La Hague en attendant de trouver une solution. Combien de temps vont-ils rester là ?

En attendant, les rebuts continuent à s’accumuler et, en avril dernier, Orano était très proche de la saturation. Il lui a fallu ouvrir, en urgence, de nouveaux entreposages. Or, en cas de saturation prolongée, c’est l’occlusion qui menace, car il faudra arrêter l’usine Mélox, puis le retraitement, ce qui engendrera une saturation des entreposages de combustibles usés et un arrêt des réacteurs nucléaires, dans une situation énergétique dégradée.

Alors que les entreposages sont dans une situation critique, quelle est la part des rebuts japonais à La Hague ? L’ACRO réclame plus de transparence sur le sujet et un débat démocratique sur la gestion des combustibles nucléaires.

Concertation sur le projet de piscine à La Hague : Peut-on débattre du nucléaire ?

La « concertation » menée par EDF sur le projet de piscines d’entreposage des combustibles usés à La Hague se termine. Force est de constater que c’est un échec complet.

L’ACRO a été la première à avoir soumis un cahier d’acteur. Nous avions identifié des lacunes dans la liste des documents sur le site de la concertation et les avons demandés aux garants. Six mois plus tard, aucune information n’est disponible sur le site Internet de la « consultation » concernant ces deux sujets.

Le premier document demandé concerne la pollution du « parc aux ajoncs » où sont prévues les piscines. Face à notre insistance, Orano, propriétaire du terrain, a fini par nous répondre qu’elle nous enverrait le document quand son instruction sera terminée. Elle y fait état d’une concentration maximale de 5 400 Bq/kg, sans que l’on sache de quels radioéléments il s’agit. En attendant, le public ne saura rien sur les niveaux de pollution et la surveillance du chantier de dépollution, ni sur le devenir des terres excavées ou encore le niveau de décontamination prévu. Toutes ces questions pourraient l’intéresser pourtant.

Qui bloque le débat ?

L’autre information manquante concerne les risques de saturation des entreposages de combustibles usés. Le document rédigé en 2016 par les exploitants est secret. En 2018, nous nous sommes battus pour obtenir la publication du rapport de l’expertise faite par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Face à l’absence de réponse, nous en avons révélé les conclusions. Puis, quand l’IRSN a fini par le publier, 10% étaient noircis. Nous avons saisi la CADA qui a imposé le dévoilement de plusieurs parties. Mais la plupart des chiffres restent secrets !

Qui bloque le débat ? Les exploitants ou les opposants ?

Ces rapports pointent pourtant les risques de saturation des entreposages qui justifient le projet de piscine. Selon les chiffres secrets de 2016, cette saturation devait arriver à l’horizon 2030, alors la piscine ne sera pas prête avant 2034. Face aux retards de l’exploitant, l’ASN a imposé le dépôt d’une demande d’autorisation de création (DAC) avant décembre 2020. En vain…

Suite aux déboires de l’usine Mélox et aux arrêts à venir des usines de retraitement, la saturation pourrait arriver beaucoup plus tôt. Selon le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), ce pourrait être dès 2024, en cas de fonctionnement dégradé. Cela signifie que la première piscine a au moins 10 ans de retard en prenant en compte les marges de sécurité. Et, en cas de saturation, il faudra arrêter des réacteurs nucléaires.

Qui est irresponsable ? Les opposants ou le porteur de projet ?

D’autres questions sont ignorées. Par exemple : Pourquoi les piscines actuelles ne sont pas bunkérisées, alors que celles en projet le seront ? L’invasion de l’Ukraine par la Russie montre qu’une nation nucléarisée n’est pas à l’abri d’un conflit et il nous faut réviser les règles de sécurité. Le sujet a pourtant fait l’objet de plusieurs questionnements lors de la réunion du 20 juin à Saint-Lô.

Les quelques réunions publiques organisées lors de cette « concertation » ont montré le fossé entre les exploitants du nucléaire pour qui il s’agit d’une formalité administrative à laquelle il faut se soumettre et le public qui demande à être mieux informé et véritablement associé à la décision. Devant des salles presque vides, les acteurs industriels et institutionnels ont fait des présentations idéalisées de la gestion des combustibles usés, ignorant les recommandations du HCTISN. Orano a affirmé que 96% des matières extraites des combustibles usés étaient recyclables, ce qui est faux car il restera toujours de l’uranium de retraitement appauvri sans solution technologique. Le représentant du ministère n’était pas en reste en mettant en avant le multi-recyclage des combustibles MOx sans souligner toutes les difficultés techniques qui le rendent irréaliste.

Une note d’éclairage de la Commission nationale de débat public (CNDP) sur 17 ans de débats publics et concertations concernant le nucléaire souligne la forte conflictualité du sujet car le public a le sentiment que les décisions sont déjà prises et que le débat n’a donc plus de raison. Alors que, dans les années à venir, sont programmés des débats sur les projets de nouveaux réacteurs EPR – prévus sans entreposage pour y mettre les combustibles usés -, et qu’il faudra décider, d’ici 5 ans si le retraitement est reconduit ou pas, il est temps de réinventer le débat public autour du nucléaire en s’appuyant sur une véritable transparence et une présentation des enjeux avec toutes les incertitudes associées.

Mais les acteurs industriels et institutionnels sont-ils prêts à s’ouvrir sincèrement au débat ? Le 24 juin dernier, la CNDP a dû recadrer EDF en rappelant que la détermination du calendrier et des modalités du débat sur les EPR2 sont de sa seule compétence !


Mise à jour du 8 août 2022 : Le rapport des garants

Le rapport des garants de la concertation menée par EDF est en ligne sur le site de la concertation (copie).

Saisie par l’ACRO, la CADA demande plus de transparence à l’industrie nucléaire

Première publication : 18 décembre 2019 – Mise à jour : 22 janvier 2020

Les piscines de combustibles usés devraient arriver à saturation à l’horizon 2030, entraînant un arrêt forcé d’une partie du parc nucléaire si aucune solution n’est mise en œuvre d’ici là. Mais le rapport « impact cycle 2016 » d’EDF et Orano sur le sujet est secret. L’expertise qu’en a fait l’IRSN n’est que partiellement publique : 10% du rapport ont été noircis à la demande des exploitants. Il n’y a quasiment aucun chiffre.

L’ACRO a donc saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) qui vient de rendre son avis (n°20192568 du 28 novembre 2019) : plusieurs passages occultés devront être dévoilés. C’est le cas, en particulier, de toute la partie concernant l’étude des aléas.

Pour l’ACRO, l’industrie nucléaire abuse de la loi sur le secret des affaires. Heureusement, la CADA est venu rappeler que le code de l’environnement prime.

La place disponible dans les piscines de La Hague n’était plus que de 7,4% en 2016 (chiffre noirci dans le rapport IRSN, mais révélé par l’ACRO en octobre 2018) : en cas d’aléa sur une des étapes de la chaîne du combustible (retraitement, transport, MOx), la saturation interviendrait au bout d’un an et il faudra arrêter le parc nucléaire français pour cause d’occlusion intestinale ! Ce délai va se raccourcir à mesure que l’on s’approche de l’échéance de 2030. Il y a là une vulnérabilité majeure pour l’approvisionnement électrique français que l’industrie nucléaire voulait cacher.

L’ACRO a donc écrit à l’IRSN pour lui demander de se conformer à l’avis de la CADA. Pour l’Association, qui a eu le rapport non censuré entre les mains, rien ne justifie ces cachotteries. Elle milite pour une publication intégrale du rapport.

EDF arrivera-t-elle à construire sa piscine centralisée avant 2030 ? Le calendrier est tendu alors que l’emplacement envisagé est toujours secret.

L’ACRO regrette que toutes ces informations n’aient pas été disponibles pour les deux débats publics sur la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) et le Plan de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs (PNGMDR) organisés en 2018 et 2019. Une fois de plus, sans l’action d’associations citoyennes, le défaut de transparence aurait perduré.

Extrait sur les aléas du rapport IRSN qui devra être dévoilé :


Mise à jour du 22 janvier 2020 :

Suite à l’action de l’ACRO et à l’avis de la CADA, l’IRSN a mis en ligne une nouvelle version de son rapport “impact cycle 2016”. La partie “aléas” a été largement dévoilée, mais pas complètement. En revanche, même si certains tableaux sont maintenant en clair, beaucoup de chiffres restent secrets, sans justification.

Le rapport EDF, quant à lui, reste secret.

Le sujet va être abordé par le Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) lors de sa séance du 22 janvier 2020 (voir l’ordre du jour). Voici l’intervention de l’ACRO au sein de ce Comité.

La transparence reste un combat pour tout ce qui touche au nucléaire.

核燃料—ある芳しくない現状

ACROにおいてオリジナルを元に、日本の読者のために言葉を補足あるいは削除して翻訳した上で、新たな情報を加えて内容をアップデートした。オリジナルの報告書のサイト
翻訳者:内山田 康

出典:「原子力資料情報室通信」539号、8ー11頁(2019年5月1日)
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フランスはその58基の原子炉を稼働させるために、年によって変動はあるものの、およそ1200トンの核燃料を必要とする。その主要な部分は、天然ウランから新たに作られた核燃料である一方、原子炉から取り出された使用済み燃料をリサイクルしたMOXが占める割合は極めて小さい。HCTISN[原子力安全の透明性と情報に関する高等委員会]は、フランスにおける核燃料の管理の実情についての報告書を公表したところであり(HCTISN 2018)、ACROはこれに積極的に取り組んできた。

現場の状況

ウラン235は天然に存在する唯一の核分裂性同位体であるが、それはウラン238が大部分を占める天然ウランには0.7 %しか含まれていない。フランスの原子炉は濃縮ウランを使い、そのウラン235の存在比はほぼ4 %に保たれている(HCTISN 2018: 19)。濃縮ウランを作った残りの天然ウランは劣化ウランとなる。

58基の原子炉からなるフランスの原子力発電所では、毎年およそ1200トンの燃料を消費するが、そのうち1080トンの濃縮ウランは、天然由来のものである。複数の企業によって行われているこの濃縮は、毎年およそ7800トンの天然ウランを必要とし、典型的にウラン235を0.2 %から0.3 %含む6720トンの劣化ウランを生み出し続けている。オラノ(旧アレヴァ)に蓄積されたその量は30万トンを超える。

核燃料は原子炉内に4年間滞在する。原子炉から取り出された使用済み燃料には、二つの可能な戦略が存在する。すなわち、

  • 何もしない。使用済み燃料は、究極の放射性廃棄物とされ、それはそれ以後数千年にわたって隔離して保管されねばならない。
  • 何年もの間貯蔵された後で「再処理」する。この過程において、使用済み燃料は溶解されて、未使用のウラン、いわゆる回収ウラン、プルトニウム、究極の廃棄物に分離される。

第一の選択は、大多数の国によって選ばれている。第二の選択は、フランス、ロシア…ほぼこれだけだ。英国は2020年に再処理を中止すると宣言しているし、日本は使用済み燃料を再処理する意志を表明しているが、その六ヶ所再処理工場の稼働はすでに24年も遅れることが明らかになっている。

現在フランスで、使用済み燃料からプルトニウムを抽出してリサイクルする政策を選択している。すなわち、毎年、平均10.8トンのプロトニウムを109.2トンの劣化ウランと混合して、120トンのMOX燃料が作られている。

これはフランスの24基の原子炉で使用される燃料の30%程度にしかならない。だから24基もの原子炉が必要なのである。これらは、クリュアス原子力発電所の4基の原子炉を除き、より古く過渡的な電気出力900 MWeである。原子炉で一度使用されたMOX燃料は、再処理されない。オラノは、ラ・アーグに10,000トンに迫る使用済みMOX燃料を保管している。

したがってHCTISNの報告書は次のことを明らかにしている。すなわち:
「原子炉に毎年挿入される1200トンの燃料のうち、120トンがMOX燃料であり、それは10.8トンのリサイクルされたプルトニウムから製造される。
もしも、リサイクルされた物質の量を見積もるならば、(挿入された物質の総量)1200トンに対する(リサイクルされた物質)10.8トンの比率となり、つまりリサイクルの比率は1%未満に過ぎないことを認めなければならない。
もしも、物質の持つ潜在的なエネルギーを考慮に入れるならば、濃縮天然ウランから作られた新しい燃料が節約される割合は、(燃料の総量)1200トンに対する(リサイクルに由来する燃料)120トンの比率、つまりそれは10 %のリサイクル率を表象する。」

以前EDF[フランス電力]は、わずかな部分ではあったが、回収ウランをリサイクルしていた。しかし今では止めている。会社は詳細については語らないまま、このリサイクルを再開すると公表している。オラノは30,000トンに迫る量の在庫を抱えており、その大部分はトリカスタンのサイトに保管されている。

サイクル?

原子炉から取り出された[使用済み燃料の]1 %未満しかリサイクルされていないにも拘わらず、原子力産業と公的諸機関は、フランスの戦略は「閉じたサイクル」であると語る。再処理しないもう一つのオプションは、「開かれたサイクル」の問題であり、それは物笑いの種と紙一重であるとも語る。それはまたサイクルの上流と下流に拘わる問題だ。もしも、それが真に閉じたサイクルだったならば、それには上流も下流もないだろう。

原子力産業は自らの能力に誇りを持っている。すなわち極めてエネルギーに富むプルトニウムは、天然ウランを10%節約することができる。しかし、ウランを濃縮する際に優先されるのは「経済的な最適化」であって、資源の節約ではない。もしも、劣化ウランに含まれるウラン235の含有量が0.20 %であるならば、フランスの原子力発電所に合計7,436トンの天然ウランを供給しなければならない。しかし、もしもその含有量が0.30 %であるならば、それは9,002トンでなければならない。この場合の差異は17%以上となる。ところで、含有量が少なくなるほどウラン235を取り出すためにかかる費用は高くなる。天然ウランの市場価格が安ければ、天然ウランをより多く使用する方がより優位であり、高ければ劣化ウランをさらに[濃縮して]劣化させる方が、より優位となる。原子力産業界は経済的な最適化に専心し、資源の節約はその関心事ではない。よって、再処理の目的は、天然資源の使用を節約することではないのである。

どんな中期的な進化があるのか?

2015年8月18日の法令資料に掲載された「エネルギー転換との増大に関する法律」は、中長期的な目標として、2025年には原子力による発電の割合を50%にすると見通しを立てている。たとえこの2025年の見通しが実現できなかったとしても、現在の多数派政権は、 MOX燃料を使用する、より古い原子炉の使用を止めて原子力の割合を減らす目標を変えていない。

よって、この法律の施行はリサイクルの量を減らすことにつながり、それはさらにラ・アーグの再処理工場の稼働にも影響を与えるだろう。だが、この主題はタブーとなっている。EDFはこの主題について2016年6月に作成された「サイクルのインパクト2016」というタイトルの調査結果をASN[原子力安全局]に提出した。IRSN[放射線防護原子力安全研究所]は、これについて専門家による評価を行い、それは2018年5月に提出された。ACROはこの二つの報告書を手に入れるために力を尽くしたが、EDFの報告書は秘密のままであり、IRSNは2018年5月にその報告書の一部を伏せた別バージョンを公表したが、ほとんど全ての数字は黒塗りになっている。

しかし、ACROはこの文書が漏洩したためにIRSNによる分析結果を手に入れることができた。そして、複数ある使用済み燃料の貯蔵プールが、飽和状態に近づいていることを明らかにした。すなわち、フランスの使用済み燃料の再処理の全てを引き受けるラ・アーグには、あと7.4%を超える余裕しか無いのだ。使用済みMOX燃料が蓄積する結果、2030年頃には複数の使用済み燃料の貯蔵プールは飽和状態になるだろう。EDFはそれまでに中央集権化した一つの新しい貯蔵プールを造ろうとしているが、それが上手くいかなければ、フランスの原子力発電所は停止しなければならなくなる。

もしも MOX燃料を消費する古い原子炉が停止した場合、この法律により、その分の再処理は減らさねばならない。そして普通の核燃料が貯蔵プールの飽和に拍車をかける。再処理工場あるいは MOX燃料の製造工場において故障が起きた時、これらの貯蔵プールはおよそ一年で飽和するだろう。

このようにして、フランスの原子力産業は、国の72%の発電を担うものの、極めて脆弱なシステムである。これら貯蔵プールが飽和したならば、それは短期間のうちに全ての原子力発電所の完全な停止と国家にとっての深刻な困難に帰結するだろう。これは極めて憂慮すべきことだ。

評価を与えられていない物質

300,000トンの劣化ウラン、10,000トンの再処理されていない使用済み燃料、それに30,000トンの回収ウランは、「価値を高める物質」とされ、廃棄物として分類されていない。EDFは回収ウランを濃縮あるいはリサイクルに使いたいと言っているが、劣化回収ウランには使い道がない。

原子力産業と国の諸機関は、この在庫はフランスをクウェートと同じくらいに豊かにする宝だと考えている。SFEN[フランス原子力学会]も同じ無尽蔵のエネルギーについて語る。しかしそこにはある小さな問題、一つの些細な問題がある。これら全ての物質の技術を持っていないのだ。ならばそれを探すか。それはほとんど1世紀をむなしく費やすこととなる。

実際この研究はすでに、2006年6月28日の放射性物質および放射性廃棄物の持続可能な管理計画法の中の目的に含まれ、長期的には第四世代の原子炉として展開されている。この計画はと呼ばれており、最も楽観的な者でさえ、その実用化は今世紀の後半よりも前になるとは考えていない。

これは高速中性子炉(RNR)に関わるものであり、それはスーパーフェニックスがやろうとしていたことを1世紀遅れてやろうとしている。それが技術として大きな期待をかけられていたことは知っての通りだ。

しかし、もしも第四世代を放棄するならば、高い価値を与えた廃棄物中の諸物質のほぼ全てを分類し直す必要があり、また全ての報告を見直す必要がある。ASTRIDを信頼する人々がどれだけ少なくなろうとも、彼らはそれを守ろうとしている。したがって、ACROとFNE(「フランス自然環境」という名の数多くの環境NGOからなる協会)とグリーンピースは次のように主張する。

「この(高速炉に関する)ほとんど実現されなかった約束に基づいて、核物質と核廃棄物に関するフランスの管理政策を確立することには合理性がない。第四世代を必要としない別の管理の方法を提案することが必要だ。(…)

放射性廃棄物の中のいわゆる価値を高めうる諸物質を(廃棄物として)再分類することは、放射性廃棄物の管理に重大なインパクトを与えるだろうし、それは準備されねばならないことだ。フランスでは海外から持ち込まれた放射性廃棄物を保管することは禁じられている。海外(主に日本とドイツ)から送られてきた「価値を高めうる諸物質」は、それぞれの元国へ送り返されたら廃棄物になるのだろうか。(日本由来の「価値を高めうる諸物質」のうち95%を占める回収ウランは、廃棄物として分類されていないために、フランスに保管されている。しかし、回収ウランは実際のところ価値を持たないから日本はそれを送り返せとは言わないのではないか。)

情報公開

原子力の管理者たちは、使用済み燃料の95%がリサイクル可能だと強弁するが、それを実現する技術が存在しないことについては何も言わない。それは1%にも満たないのだ。

2010年と時と同様に、HCTISNはより明確な報告を要求したが、今のところ何の音沙汰もない。すなわち:

「しかし高等委員会は、原子力業界および「核燃料サイクル」に利害をもつ団体によって公開された情報と文書は、実施されている「核燃料サイクル」を明確に理解できるようには書かれていないと指摘する。「核燃料サイクル」に関する報告では、しばしば使用済み燃料の再処理で分離された諸物質の全てが、直ちに価値が高められるかのように 、解釈されている。例えば複数の報告において回収ウランの濃縮が根拠として取り上げられているが、それは2013年以降実施されていない。価値を高められうる物質の存在および保管についてはほとんど触れられることがない。結局、公開された諸要素からは、異なる段階にかかる時間を明確に理解することができない。」

よって、高等委員会は、「核燃料サイクル」に関与する産業と制度のアクターたちから構成される統一体が、より良い理解のために、以下のことについての情報を確認し完成させた上で、それぞれのサイトにおいて公表することを推奨する。

  • フランスで現実に行われている「核燃料サイクル」、特に流動的なものと、実際に価値を高められることを待つ貯蔵されているもの(使用済み燃料、再処理で分離された諸物質、劣化ウラン)、
  • 物質の利用と放射性廃棄物の管理に関わる利害をよりよく定義するための、特に次世代の未来のための「核燃料サイクル」の異なる諸段階に費やされる時間。」

結論

フランスは使用済み燃料を再処理する最後の国である一方で、この主題はタブーとなっている。再処理工場の重要性の低下は避けられないが、そのことは秘密となっている。さらに、施設は永続的に利用されるものではない。普通の核燃料を再処理する場合にかかる余分なコストもまた公表されていない。

核燃料サイクルと廃棄物に関するこの主題は議論に値する。すなわち、もしも現世代が問題について知識を持たなくなったら、未来の世代をどうやって守るのか。原子力業界は伝えるべき論点を持たず、その報告書は秘密となっている。そこで業界は世界のリーダーとしての地位を強調して、ナショナリストの音色を響かせようとする。だがフランスはほぼ一人ぼっちなのだ。


ASTRIDはAdvanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration(工業的実証のための先進的ナトリウム技術原子炉)を意味し、それはスーパーフェニックスと同じ技術を使い、それが実現できなかったことをするための増殖炉プロジェクトである。それは工業化の段階の可能性を実証するという野心のためのものである。スーパーフェニックスの電気出力1240MWeに対して、当初このプロジェクトの出力は600MWeだった。しかし2018年の初めに、この事業を所有する原子力庁(CEA)は、財政上の理由から政府に対してその出力を下げることを提案した。2039年の稼働を予想していた600MWeの実証炉を建造することに代えて、今後は100〜200MWeに出力を下げたプロジェクトを想定している。その建造については何も決定していないが、その支持者たちは、今世紀後半に完成すると話している。


Pas de débat public sans transparence : l’ACRO demande la publication de deux dossiers

Alors qu’un débat national sur la gestion des déchets et matières nucléaires est prévu d’ici peu, l’ACRO a demandé, fin juillet 2018, à l’ASN et l’IRSN de rendre publics deux documents importants pour éclairer les débats. En vain.

Actuellement, le taux de recyclage des combustibles nucléaires qui sortent des réacteurs nucléaires français est inférieur à 1% (10,8 tonnes de plutonium sur 1 200 tonnes de combustibles déchargés par an), comme l’a reconnu le dernier rapport du Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN). Comme le plutonium n’est réutilisé que dans les réacteurs les plus anciens, leur fermeture progressive aura forcément un impact majeur sur la politique de retraitement et de gestion des déchets nucléaires. Voir les détails ici.

EDF a établi, en juin 2016, une étude intitulée « Impact cycle 2016 » étudiant les évolutions potentielles de la politique de retraitement et l’ASN a demandé à l’IRSN d’en faire une expertise. Ces deux rapports ne sont pas publics.

L’ACRO a donc demandé à l’ASN et à l’IRSN de rendre publics ces deux documents non censurés, bien en amont du débat national à venir. Comment peut-on organiser une consultation si toutes les données ne sont pas publiques ?

Voir le communiqué en PDF

La réponse de l’IRSN à notre courrier en recommandé du 30 juillet 2018 : IRSN – réponse

Recyclage du combustible nucléaire : un bilan peu radieux

Pour faire tourner son parc de 58 réacteurs, la France a besoin, bon an mal an, d’environ 1 200 tonnes de combustible nucléaire. La majeure partie est du combustible neuf fabriqué à partir d’uranium naturel, tandis qu’une faible partie est issue du recyclage partiel des combustibles sortis des réacteurs. Le Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) vient de publier un rapport sur le sujet qui présente un bilan actualisé de la gestion du combustible en France auquel l’ACRO a activement participé. Malgré quelques erreurs factuelles que nous avons signalées, en vain, et des lacunes, ce rapport, qui est une mise à jour du rapport de 2010 sur le même sujet, présente de nombreuses données intéressantes. Il permettra d’éclairer le débat national sur la gestion des déchets et matières radioactifs prévu pour 4 mois à partir de novembre 2018.

Etat des lieux

L’uranium-235 est le seul isotope naturel qui soit fissible, mais il ne représente que 0,7% de l’uranium naturel, dominé par l’uranium-238. Les réacteurs français utilisent de l’uranium enrichi, dont la teneur en uranium-235 est portée à environ 4%. Le reste de l’uranium naturel devient de l’uranium appauvri.

Chaque année, le parc nucléaire français, constitué de 58 réacteurs, consomme environ 1 200 tonnes de combustible, dont 1 080 tonnes d’uranium enrichi d’origine naturelle. L’enrichissement, réalisé par plusieurs entreprises, nécessite, chaque année, environ 7 800 tonnes d’uranium naturel, et génère 6 720 tonnes d’uranium appauvri, qui ne contient plus que typiquement 0,2 à 0,3% d’uranium-235. Le stock détenu par Orano dépasse les 300 000 tonnes.

Le combustible nucléaire passe 4 années en réacteur où une partie de l’uranium-235 fissionne et émet des neutrons qui vont provoquer d’autres fissions. Bombardé par un neutron, l’uranium-238, quant à lui, peut former du plutonium qui est aussi fissible.

A la sortie du réacteur, il y a deux stratégies possibles pour les combustibles usés :

  • ne rien faire. Les combustibles usés sont considérés comme des déchets radioactifs ultimes qu’il va falloir stocker pour des millénaires ;
  • « retraiter » après plusieurs années d’attente. Cela consiste à dissoudre les combustibles usés pour séparer l’uranium non utilisé, dit uranium de retraitement, le plutonium et les déchets ultimes.

La première option est celle de la plupart des pays. La deuxième option est celle de la France, de la Russie et… puis c’est presque tout. Le Royaume-Uni a annoncé l’arrêt du retraitement en 2020 et le Japon affiche bien une volonté de retraiter les combustibles usés, mais la mise en service de son usine à Rokkashô accuse déjà 24 années de retard.

En France, actuellement, seul le plutonium extrait des combustibles usés est recyclé : chaque année, 10,8 tonnes en moyenne de plutonium sont mélangées à 109,2 tonnes d’uranium appauvri pour former 120 tonnes de combustible MOx.

Ce combustible constitue une partie du cœur (à hauteur de 30%) de 24 réacteurs nucléaires français, les plus anciens, ceux du palier CPY-900 MWe, à l’exception des 4 réacteurs de Cruas. Après passage en réacteur, le MOx n’est pas retraité. Orano a un stock de près de 10 000 tonnes de combustibles usés non traités à La Hague.

Ainsi, en guise de bilan, le rapport du HCTISN, précise :

« Sur 1 200 tonnes de combustibles chargées chaque année dans les réacteurs, 120 tonnes sont des combustibles MOX fabriqués à partir des 10,8 tonnes de plutonium recyclé.

Si l’on comptabilise les quantités de matières recyclées, il convient de considérer un taux de recyclage inférieur à 1% correspondant au rapport 10,8 t (matières recyclées) / 1 200 t (matières totales chargées).

Si l’on considère le potentiel énergétique des matières, on peut considérer que la fraction économisée de combustible frais à l’uranium naturel enrichi permise par le recyclage du plutonium conduit à établir le rapport 120 t (combustibles issus du recyclage) / 1 200 t (totalité des combustibles), ce qui représente un taux de recyclage de 10%. »

Par le passé, EDF a aussi recyclé une petite partie de l’uranium de retraitement (cf rapport de 2010), mais ce n’est plus le cas actuellement. La compagnie annonce vouloir reprendre ce recyclage, sans plus de précision. Orano en a possède un stock de près de 30 000 tonnes qui est essentiellement entreposé à sur le site du Tricastin.

Cycle ?

L’industrie nucléaire et les pouvoirs publics parlent de « cycle fermé » pour la stratégie française, alors que moins de 1% de ce qui sort des réacteurs est recyclé. Et pour l’autre option, sans retraitement, il est question de « cycle ouvert », ce qui confine au ridicule. Il est aussi question d’amont et d’aval du cycle. S’il y avait réellement un cycle fermé, il n’y aurait ni amont, ni aval !

L’industrie nucléaire est fière de ses performances : le plutonium, très énergétique, permet d’économiser 10% d’uranium naturel. Mais, lors de l’étape d’enrichissement de l’uranium, c’est la seule « optimisation économique » qui prime, pas l’économie des ressources. Le rapport du HCTISN précise que si le taux résiduel d’uranium-235 dans l’uranium appauvri est de 0,20%, il faut 7 436 tonnes d’uranium naturel pour alimenter le parc français. Mais si ce taux résiduel est de 0,30%, il en faut 9 002 tonnes. L’écart est supérieur à 17%. Or, aller rechercher l’uranium-235 coûte de plus en plus cher si l’on veut un taux résiduel faible. En fonction du cours de l’uranium, il sera plus avantageux d’utiliser plus d’uranium naturel ou d’appauvrir plus l’uranium appauvri. Mais l’économie des ressources ne semble pas être la préoccupation des industriels qui préfèrent l’optimisation économique. Le but du retraitement n’est donc pas l’économie des ressources naturelles !

Quelle évolution à moyen terme ?

La Loi relative à la Transition énergétique et la croissance verte, publiée au Journal Officiel du 18 août 2015, donne comme objectifs à moyen et long termes, de porter la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025. Même si l’horizon de 2025 ne sera pas tenu, la présente majorité gouvernementale n’a pas modifié l’objectif de réduction qui entraînera la fermeture des réacteurs les plus anciens, ceux qui consomment du MOx.

L’application de la loi va donc entraîner une réduction du recyclage qui aura un impact sur l’activité de l’usine de retraitement de La Hague. Mais le sujet est tabou. EDF a remis à l’ASN une étude intitulée « Impact cycle 2016 » établie en juin 2016 sur ce sujet. L’IRSN en a effectué une expertise qui a été remise en mai 2018. Mais ces documents restent secrets et le Haut Comité à la TRANSPARENCE et l’INFORMATION n’a pas suivi les associations qui demandaient la publication de ces documents. L’ACRO a écrit à l’ASN et l’IRSN pour en obtenir une copie. Mais, nos courriers, expédiés fin juillet 2018, restent sans réponse à ce jour. Nous continuerons donc à nous battre pour qu’ils soient rendus publics bien en amont du débat sur la gestion des déchets et matières radioactifs.

Matières non valorisées

Les 300 000 tonnes d’uranium appauvri, les 10 000 tonnes de combustibles usés non traités et les 30 000 tonnes d’uranium de retraitement ne sont pas classés en déchets. EDF annonce bien vouloir reprendre une partie de l’uranium de retraitement pour le réenrichir et le recycler, mais l’uranium de retraitement appauvri reste sans utilisation.

L’industrie nucléaire et les pouvoirs publics considèrent ces stocks comme un trésor qui fera de la France un pays aussi riche que le Koweit. La SFEN parle même d’énergie illimitée. Mais, il y a juste un petit problème, une broutille : on n’a pas la technologie disponible pour “valoriser” toutes ces matières ! Alors on cherche. Et cela fait presqu’un siècle que l’on cherche, en vain.

Les travaux de recherche actuellement en cours, qui entrent dans le cadre de la loi de programmation du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, ont pour but le déploiement, à long terme, de réacteurs nucléaires de quatrième génération. Le projet s’appelle ASTRID et même les plus optimistes ne prévoient pas un déploiement avant la deuxième moitié de ce siècle.

Il s’agit d’un réacteur à neutrons rapides (RNR), comme l’était Superphénix, qui doit faire ce que Superphénix aurait dû faire, avec un siècle de retard. On a vu plus prometteur comme technologie !

Mais si l’on abandonne la génération IV, il faut reclasser presque toutes les matières valorisées en déchets et revoir toute la communication. Alors, on garde Astrid, même si de moins en moins de personnes y croient. Le CEA a même revu à la baisse la puissance de son prototype. Ainsi, pour l’ACRO, FNE et Greenpeace,

« il n’est pas raisonnable de bâtir la politique de gestion des matières et déchets nucléaires français sur cette promesse peu réaliste. Il est indispensable de présenter un plan de gestion alternatif sans génération IV.

Il en est de même pour les grands projets structurants, comme le centre d’enfouissement Cigéo, qui fait l’objet de fortes contestations et qui n’est pas encore qualifié. Là encore, il est important de travailler à un plan de gestion alternatif des déchets radioactifs.

Le reclassement des matières dites valorisables en déchets radioactifs aura un impact énorme sur la gestion des déchets radioactifs et doit être préparé. Il est interdit de stocker en France des déchets radioactifs d’origine étrangère. Est-ce que les matières valorisables d’origine étrangère devenues déchets seront renvoyées dans leur pays d’origine ? »

Information du public

Les exploitants du nucléaire continuent de proclamer haut et fort que 95% des combustibles usés sont recyclables, sans préciser que la technologie n’existe pas et qu’actuellement, c’est moins de 1%.

Comme en 2010, le HCTISN demande une communication plus claire, en vain pour le moment :

« Le Haut comité constate néanmoins que les informations et les documents mis à disposition du public par les acteurs de la filière nucléaire et les parties intéressées sur le « cycle du combustible » ne permettent pas toujours d’appréhender clairement le « cycle du combustible » tel qu’il est mis en œuvre actuellement. L’interprétation des éléments de communication sur le « cycle du combustible » laisse parfois croire en effet à la mise en œuvre de procédés de valorisation immédiate de l’ensemble des matières issues du traitement des combustibles usés. L’enrichissement de l’uranium de retraitement est par exemple évoqué sur plusieurs supports de communication alors qu’il n’est plus mis en œuvre depuis 2013. L’existence et les données relatives aux entreposages de matières valorisables sont souvent peu évoquées. Enfin, les éléments mis à disposition du public ne permettent pas d’appréhender avec clarté l’échelle temporelle des différentes étapes. »

« Ainsi le Haut comité recommande à l’ensemble des acteurs industriels et institutionnels du « cycle du combustible » […] de vérifier et de compléter les informations qu’ils mettent à disposition du public via leur site internet respectif afin que celles-ci permettent de mieux appréhender :

  • le « cycle du combustible » tel qu’il est mis en œuvre actuellement en France en présentant, notamment, les flux et les entreposages actuels des matières en attente de valorisation (combustibles usés, matières issues du retraitement, uranium appauvri),

  • l’échelle temporelle des différentes étapes du « cycle du combustible » afin de mieux cerner les enjeux liés à l’utilisation des matières et à la gestion des déchets radioactifs, en particulier pour les générations futures. »

Conclusion

Alors que la France est un des derniers pays à retraiter les combustibles usés, le sujet est tabou. Une baisse de charge de l’usine de retraitement est inéluctable, mais chut ! Par ailleurs, les installations ne pourront pas être exploitées indéfiniment. Quant au surcoût engendré par le retraitement par rapport au combustible classique, il n’est pas connu non plus.

Le sujet mérite d’être débattu : comment protéger les générations futures si les générations actuelles sont tenues dans l’ignorance ? Comme l’industrie nucléaire n’a pas d’argument à présenter, ses rapports prospectifs sont secrets. Alors, elle tente de faire vibrer la fibre nationaliste en mettant en avant sa position de leader au monde. Mais la France est quasiment seule…

Une information indépendante a un coût : aidez l’ACRO dans son combat pour la transparence en adhérant ou en faisant un don

Annexe au rapport du HCTISN dans sa version originale, signée par l’ACRO, FNE et Greenpeace

Les associations signataires saluent la publication de ce rapport qui fait un bilan sur le combustible nucléaire, son utilisation, traitement et devenir, même s’il reste incomplet. Plusieurs questions sont sans réponse.
Il apparaît que moins de 1% des combustibles irradiés sont recyclés actuellement (0,9%) et il est abusif de parler de « cycle » et encore plus de « cycle fermé ». La terminologie « cycle ouvert » pour qualifier l’absence de cycle frise le ridicule. Par ailleurs, plus du tiers des combustibles usés issus des réacteurs à eau pressurisée d’EDF ne sont actuellement pas retraités, quarante ans après le premier déchargement.
Le combustible MOX n’est utilisé que dans les réacteurs les plus anciens. Leur arrêt progressif dans les années à venir va entraîner une baisse du retraitement et du taux de recyclage. Comme le rapport n’aborde pas cette évolution, nous demandons la publication complète du rapport « Impact Cycle 2016 » établi par EDF au nom également d’Orano Cycle et de l’Andra et du rapport d’expertise de l’IRSN sur le dossier. Nous regrettons de ne pas avoir été suivis par le Haut comité à la TRANSPARENCE et l’INFORMATION sur ce sujet.
La classification en matières valorisables des combustibles irradiés non traités et de l’uranium de retraitement repose sur une chimère, la génération IV de réacteurs nucléaires refroidis au sodium, un métal qui s’enflamme spontanément à l’air et qui explose dans l’eau. Le concept date des années 1950 et, s’il devait aboutir, aura fait l’objet de plus d’un siècle de recherches et développements. De plus, la puissance du projet de démonstrateur Astrid a été revue à la baisse. Il n’est pas raisonnable de bâtir la politique de gestion des matières et déchets nucléaires français sur cette promesse peu réaliste. Il est indispensable de présenter un plan de gestion alternatif sans génération IV.
Il en est de même pour les grands projets structurants, comme le centre d’enfouissement Cigéo, qui fait l’objet de fortes contestations et qui n’est pas encore qualifié. Là encore, il est important de travailler à un plan de gestion alternatif des déchets radioactifs.
Le reclassement des matières dites valorisables en déchets radioactifs aura un impact énorme sur la gestion des déchets radioactifs et doit être préparé. Il est interdit de stocker en France des déchets radioactifs d’origine étrangère. Est-ce que les matières valorisables d’origine étrangère devenues déchets seront renvoyées dans leur pays d’origine ?