Nucléaire : un « cycle » du combustible grippé – Note d’information

Fierté française, le « recyclage » des combustibles nucléaires usés, affiche une piètre performance après 56 ans de développements industriels. En effet, seul le plutonium, soit moins de 1% de la masse des combustibles usés, repasse en réacteur sous forme de combustible Mox. Et ces combustibles Mox ne sont pas retraités après irradiation et s’entassent dans les piscines de La Hague proches de la saturation. Comme le plutonium a une forte valeur énergétique, cela permet de réduire d’un peu moins de 10% la consommation de combustibles à l’uranium naturel enrichi.

Mais, ces dernières années, un changement de procédé à l’usine Mélox a grippé le « cycle » car les pastilles de combustibles Mox qui y sont produites n’ont pas l’homogénéité requise. Les rebuts sont renvoyés à La Hague, sans solution pour le moment. Et là aussi cela sature.

Une étude des données publiées tous les ans par l’ANDRA dans ses inventaires de déchets et matières radioactifs permet d’avoir une idée de l’ampleur du problème. Plongeons-nous dans les chiffres.

Pour en savoir plus, lire la note d’information de l’ACRO :

D’où vient l’uranium importé en France ? Note d’information

Depuis 2001, année de la fermeture de sa dernière mine, la France importe tout son uranium. Pour savoir d’où il vient et en quelle quantité, il faut prendre en compte toute la chaîne de transformations chimiques et nucléaires entre la mine et le réacteur, qui est complexe, et retracer ensuite les échanges commerciaux. Car l’uranium voyage beaucoup et change de pavillon en cours de route. Et le manque de transparence n’aide pas…

Pour en savoir plus, lire la note d’information de l’ACRO.

Résumé :

Depuis 2001, année de la fermeture de sa dernière mine, la France importe tout son uranium. D’où vient-il ? Difficile de répondre car, entre les mines et les réacteurs, l’uranium voyage beaucoup pour subir un ensemble de transformations chimiques et nucléaires, et change alors de pavillon. Aux Etats-Unis, l’administration publie un rapport annuel complet sur les flux d’uranium et les coûts associés. Euratom publie des données au niveau européen. Mais rien de tel en France et il faut fouiller sur internet pour trouver des données, malheureusement incomplètes.

L’uranium naturel est composé essentiellement de deux isotopes, l’uranium-238 et l’uranium-235 auxquels s’ajoutent des traces d’uranium-234. Seul l’uranium-235 est fissible, mais sa teneur naturelle n’est que de 0,72%. Or, la grande majorité des réacteurs nucléaires de production d’électricité utilisent un combustible dont la teneur en uranium-235 a été enrichie entre 3 et 5%. Il faut donc séparer physiquement les deux principaux isotopes de l’uranium naturel après une série de conversions chimiques, pour obtenir, d’un côté, de l’uranium enrichi à partir duquel le combustible est fabriqué et de l’uranium appauvri qui a très peu de débouchés. L’enrichissement est donc une étape stratégique pour l’industrie nucléaire avec seulement 4 acteurs majeurs : Rosatom en Russie couvre 46% de la production mondiale ; Urenco, avec des usines au Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas et Etats-Unis, détient 30% des parts de marché ; Orano, avec une usine en France, 12% et CNNC en Chine, 11%. Ce dernier ne fournit que la Chine, dont le marché est fermé. Le marché russe est aussi fermé aux enrichisseurs occidentaux, mais Rosatom fournit aussi l’occident, en plus du marché national.

In fine, les assemblages de combustible utilisés par EDF sont fabriqués par sa filiale Framatome, dans ses usines françaises et allemandes et par Westinghouse, dans ses usines en Suède et au Royaume-Uni.

Orano, exploite des mines d’uranium situées au Canada, Kazakhstan, Niger et Ouzbékistan et a des participations dans d’autres mines dont il n’est pas l’exploitant. Mais la compagnie enrichit de l’uranium provenant de presque tous les pays producteurs d’uranium et fournit une soixantaine de clients dans le monde. D’après Le Monde, quatre pays, à savoir le Kazakhstan (20,1 %), l’Australie (18,7 %), le Niger (17,9 %) et l’Ouzbékistan (16,1 %), lui ont fourni les trois quarts de l’uranium naturel importé entre 2005 et 2020.

Entre 1956 et 2003, le parc nucléaire français a eu besoin de 173 837 tonnes d’uranium naturel, soit 11,5% de la demande mondiale, selon le « Red book » de l’OCDE. EDF s’approvisionne auprès d’Orano, qui lui fournit actuellement 40 % de son combustible, d’Urenco et de Tenex, la filiale de Rosatom. Entre 2009 et 2012, années pour lesquelles des données précises sont disponibles, Tenex a enrichi 28% de l’uranium consommé par EDF. Même après l’invasion de l’Ukraine, EDF continue ses achats en Russie, selon le Canard Enchaîné (7/12/2022), alors qu’elle pourrait se fournir ailleurs.

Sans la Russie, impossible de réutiliser une partie de l’uranium récupéré lors du retraitement des combustibles usés. Et, pour sauver le mythe du recyclage, l’industrie nucléaire est prête à s’assoir sur la résolution du parlement européen qui « invite les États membres à mettre un terme à toute collaboration avec la Russie dans le domaine nucléaire, en particulier avec Rosatom et ses filiales ».


Mise à jour du 13 mars 2023

Le 11 mars, Greenpeace a publié un rapport sur les flux d’uranium entre la Russie et la France qui vient compléter notre travail. Il a eu un plus grand impact médiatique que le nôtre…

Dans sa réponse aux médias, EDF ne nie pas l’importation d’uranium enrichi en provenance de Russie tout en opposant le “caractère confidentiel” du détail de ses approvisionnements. Elle précise cependant qu’elle n’a pas “augmenté sa part d’enrichissement de son uranium naturel non russe réalisé en Russie en 2022 par rapport à 2021”.

Et comme l’uranium n’est pas concerné par les sanctions européenne, la compagnie a beau jeu d’affirmer appliquer “strictement toutes les sanctions internationales et/ou les restrictions liées à la non-obtention d’autorisations administratives requises, tout en respectant les engagements contractuels pris”. Et donc elle ne va pas rompre ses contrats avec la Russie, même si son partenaire occupe la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia. Les 16 engagements Responsabilité Sociétale d’Entreprise d’EDF, qui incluent « l’éthique et les droits humains », ne pèse pas bien lourd, comme nous l’avions déjà souligné.

Combien de rebuts de MOx japonais à La Hague ?

Un départ de combustibles MOx vers le Japon est prévu dans les jours qui viennent. Cela semble paradoxal dans un contexte où l’usine Mélox ne peut pas produire assez pour fournir les réacteurs nucléaires Edf. En effet, un changement de procédé a induit une forte baisse de la productivité et génère une grande quantité de rebuts qui sont entreposés à La Hague en attendant de trouver une solution. Combien de temps vont-ils rester là ?

En attendant, les rebuts continuent à s’accumuler et, en avril dernier, Orano était très proche de la saturation. Il lui a fallu ouvrir, en urgence, de nouveaux entreposages. Or, en cas de saturation prolongée, c’est l’occlusion qui menace, car il faudra arrêter l’usine Mélox, puis le retraitement, ce qui engendrera une saturation des entreposages de combustibles usés et un arrêt des réacteurs nucléaires, dans une situation énergétique dégradée.

Alors que les entreposages sont dans une situation critique, quelle est la part des rebuts japonais à La Hague ? L’ACRO réclame plus de transparence sur le sujet et un débat démocratique sur la gestion des combustibles nucléaires.

Risques nucléaires suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie : mise à jour le 6 octobre 2022

Nous avons été sollicités, dès le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie,  concernant les risques liés aux combats dans la zone d’exclusion de Tchornobyl. S’il est difficile d’évaluer les conséquences d’un conflit, voici quelques points d’information. Nous suivons de près l’évolution de la situation sur place et cette page sera régulièrement mise à jour :

  • 25 février 2022, attaque de la centrale de Tchornobyl par les armées de la fédération de Russie
  • 4 et 5 mars 2022, attaque de la centrale de Zaporizhzhia par les armées de la fédération de Russie
  • 6 et 7 mars 2022, bombardement d’une source de neutrons à Kharkiv, suite à son bombardement
  • 9 mars 2022, alimentation électrique de la centrale de Tchornobyl coupée
  • 10 mars 2022, l’industrie nucléaire française maintient ses contrats avec la Russie – transformateur électrique endommagé à Zaporizhzhia – source de neutron bombardée une deuxième fois
  • 13 mars 2022, électricité rétablie à Tchornobyl
  • 14 et 15 mars 2022, la ligne électrique vers Tchornobyl à nouveau coupée puis rétablie et des explosions ont eu lieu à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
  • 17 au 19 mars 2022, deux lignes électriques coupées à Zaporizhzhia – une rétablie
  • 22 et 24 mars 2022, des incendies sont signalés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
  • 26 au 28 mars 2022, les troupes de la Fédération de Russie s’emparent de Slavutych, ville où loge le personnel de Tchornobyl et bombardent à nouveau la source de neutrons de Kharkiv
  • 30 et 31 mars 2022, l’armée de la Fédération de Russie se retire de Tchornobyl
  • 6 avril 2022, vidéo des tranchées creusées par l’armée d’occupation dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
  • 9 avril 2022, niveaux de radiations dans les zones occupées de Tchornobyl
  • 20 avril 2022, rétablissement des communications directes avec la centrale de Tchornobyl – la centrale de Zaporizhzhia est toujours occupée sans inspection possible
  • 5 et 12 mai 2022, des nouvelles de Tchornobyl
  • 19 mai 2022 : la Russie veut accaparer le Sud de l’Ukraine et lui vendre l’électricité fournie par la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
  • 2 juin 2022 : bilan du pillage de l’armée russe à Tchornobyl
  • 3 juin 2022 : pénurie de pièces détachées et de consommables à la centrale de Zaporizhzhia
  • 5 juin 2022 : un missile basse à basse altitude au-dessus de la centrale nucléaire du Sud.
  • 20 juillet 2022 : mission de Greenpeace dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
  • 5 – 13 août 2022 : bombardements à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
  • 25-26 août 2022 : centrale nucléaire de Zaporizhzhia totalement coupée du réseau électrique
  • 1er – 3 septembre 2022 : mission de l’AIEA à la centrale de Zaporizhzhia – cas de torture
  • 9 – 17 septembre 2022 : situation de plus en plus tendue à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
  • 19 septembre 2022 : la zone industrielle de la centrale nucléaire de Pivdennoukrainsk bombardée
  • 21 septembre 2022 : la centrale de Zaporizhzhia à nouveau bombardée et l’alimentation électrique du réacteur n°6 temporairement coupée
  • 27-30 septembre 2022 : l’AIEA fait part d’explosions sur le site de la centrale de Zaporizhzhia
  • 1-3 octobre 2022 : arrestation du directeur de la centrale de Zaporizhzhia par les troupes d’occupation
  • 5 octobre 2022 : la Russie annonce prendre le contrôle de la centrale de Zaporizhzhia, qui sera exploitée par Rosatom

Combats à Tchornobyl : quels risques liés à la radioactivité ?

Mis en ligne le 25 février 2022

Notre pensée va d’abord aux Ukrainiens victimes de cette guerre et à leurs proches. En ce qui concerne les risques secondaires par rapport à la guerre, liés au nucléaire, il y a de nombreuses sources d’inquiétude.

Tout d’abord, il y a le corium (mélange de combustibles fondus et de gravats) issu de l’accident nucléaire, mais il est protégé par le sarcophage et le dôme qui a été construit plus récemment. Une attaque sur un réacteur nucléaire en fonctionnement (il y en a 15 en Ukraine) aurait sûrement des conséquences beaucoup plus dramatiques du fait des radioéléments à vie courte comme l’iode-131 présents.

Il y a aussi des piscines d’entreposage des combustibles usés. Il y avait 21 000 assemblages à Tchornobyl il y a quelques années, selon le Journal de l’énergie. Un transfert de ces combustibles vers un entreposage à sec voisin a débuté en 2020 (source). Les conteneurs d’un entreposage à sec sont a priori robustes, mais jusqu’à quel niveau ? Une brèche sur une piscine suite à une attaque pourrait rendre le refroidissement difficile et entraîner des rejets massifs. Ce problème existe aussi pour les centrales nucléaires en fonctionnement car ces entreposages sont mal protégés contre les agressions extérieures et il n’y a pas de confinement pour retenir une partie de la radioactivité qui pourrait être émise. Le maintien du refroidissement des piscines avait été une forte source d’inquiétude lors de la catastrophe de Fukushima et demeure un point de fragilité partout. L’ACRO avait contribué à l’étude de Greenpeace de 2017 sur le sujet.

La sécurité des installations nucléaires est aussi un souci majeur pour le club européen des autorités de sûreté (ENSREG) qui, dans une déclaration datée du 27 février, appelle la Fédération de Russie à respecter le droit international en laissant leur homologue ukrainien (SNRIU) à accéder aux centrales.

Le lac qui servait au refroidissement des réacteurs de Tchornobyl a été l’exutoire des forts rejets radioactifs et de déchets. Il est extrêmement contaminé. Une brèche dans la digue qui le sépare de la Pripiat pourrait entraîner une forte contamination de ce cours d’eau qui se jette dans le Dniepr. Or l’eau du Dniepr sert à l’approvisionnement en eau potable des 8 millions d’habitants de Kyiv. Nous avions déjà souligné ce risque dans l’étude que nous avons faite en sur le projet de voie fluviale E40.

Il y a aussi de nombreux sites de déchets radioactifs disséminés dans la zone d’exclusion, dont l’inventaire n’est pas toujours bien connu. Il est beaucoup plus difficile d’évaluer les risques. Enfin, si le conflit dans la zone devait se poursuivre jusqu’à l’été, un incendie de forêt entraînerait aussi une dispersion de particules radioactives.

Les débits de dose ambiant sur le site de la centrale contrôlés par des balises peuvent être consultés en ligne ici. Ils sont dans une zone où, rappelons-le, personne n’habite, mais où de nombreuses personnes travaillent. Les communiqués de l’AIEA n’apportent généralement aucune information.

Enfin, la menace de la Russie d’utiliser l’arme nucléaire est aussi extrêmement inquiétante. L’équilibre de la terreur supposée nous protéger d’un conflit direct entre puissances nucléaires fait peser une menace inacceptable et, en cas d’utilisation, il n’y aura que des perdants.

A noter qu’EDF et Framatome ont des accords de coopération et des contrats avec Rosatom en Russie.

Combats à la centrale de Zaporizhzhia

4 mars 2022

Comme mentionné dès le début de la guerre, le principal risque nucléaire, outre l’emploi de la bombe atomique, est une perte de contrôle d’un ou plusieurs des 15 réacteurs nucléaires en activité en Ukraine. Les combats autour de la centrale de Zaporizhzhya, avec ses 6 tranches, inquiètent l’ONU (communiqué du 2 mars 2022) et l’AIEA.

Cette centrale a été bombardée dans la nuit du 3 au 4 mars, vers 1h, entraînant un incendie d’un bâtiment administratif, qui a pu être maîtrisé. Les réacteurs seraient intacts, selon l’autorité de sûreté ukrainienne, même si un bâtiment auxiliaire de la première tranche a été endommagé, sans affecter la sûreté. C’est la première fois dans l’histoire qu’une centrale nucléaire en activité est bombardée. Elle est désormais aux mains de l’armée d’envahissement qui peut s’en servir pour faire du chantage. L’autorité de sûreté ukrainienne n’y a probablement plus accès.

Le 4 mars matin,

  • l’unité 1 était déjà à l’arrêt ;
  • les unités 2, 3 ont été déconnectées du réseau et le refroidissement des installations nucléaires est en cours ;
  • l’unité 4 est en service à une puissance de 690 MW (60% de sa puissance) ;
  • les unités 5 et 6 sont en cours de refroidissement.

Dans une mise à jour publiée le 4 mars à 8h, l’autorité de sûreté ukrainienne précise que “la perte du refroidissement du combustible nucléaire entraînera des rejets radioactifs importants dans l’environnement. Par conséquent, un tel événement peut dépasser tous les accidents précédents survenus dans les centrales nucléaires, y compris l’accident de Tchornobyl et l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Il convient de rappeler qu’en plus des six unités de production d’électricité sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhya, il existe une installation d’entreposage de combustible nucléaire usé, dont l’endommagement par un bombardement entraînera également des rejets radioactifs.”

Dans un autre communiqué daté du 4 mars à 15h, mais mis en ligne en anglais plus tardivement,

  • le bâtiment du réacteur n°1 a été endommagé ;
  • deux obus ont touché l’entreposage à sec des combustibles usés ;
  • le personnel sur place a dû rester en poste depuis plus de 24 heures.

Par ailleurs, selon ce nouveau communiqué, le réacteur n°2 alimente en électricité la centrale, le n°3 a été déconnecté et devrait être en “arrêt à froid” et le 4 continue à produire.

L’AIEA n’apporte aucune information complémentaire. Greenpeace a publié une note détaillée sur les installations nucléaire ukrainiennes et les risques potentiels. Dans un entretien avec Le Monde, Petro Kotin, président de l’entreprise qui exploite la centrale, les bombardements ont aussi fait trois morts, tous employés, et deux blessés dont un est entre la vie et la mort. Le personnel continue son travail et l’armée russe contrôle la direction de la centrale.

Quant à Tchornobyl, le personnel sur place serait toujours l’otage des forces d’occupation, selon The Kyiv Independent, et serait épuisé physiquement et mentalement.

A noter qu’un site d’entreposage des déchets radioactifs à Kyiv a été bombardé, sans conséquences radiologiques.

En France, dès le 4 mars matin, l’ASN a activé son centre d’urgence en mode veille afin de suivre l’évolution de la situation dans les installations nucléaires en Ukraine. Par ailleurs, nous avons été sollicités par les médias à propos de l’iode, qui ne protège que la thyroïde des retombées radioactives en iode-131. Pour rappel, en France métropolitaine, moins de 5% de la population bénéficie de comprimés d’iode à la maison pour protéger sa thyroïde en cas d’accident nucléaire, contrairement à la Belgique où tout le pays est couvert. Nous avions réclamé, en vain, l’extension de la distribution à au moins 100 km autour des installations nucléaires françaises.

Le rapport de l’ACRO sur les plans d’urgence nucléaire en France date de 2016, mais est malheureusement toujours d’actualité car aucun progrès significatif n’a été fait depuis.

Le 5 mars, l’autorité de régulation nucléaire ukrainienne a mis en ligne une simulation des retombées radioactives en cas d’accident grave sur une des 6 tranches de la centrale de Zaporizhzhya. Ce jour là, les vents se dirigent opportunément vers la Russie…

Dans un autre communiqué publié le même jour à 8h, l’autorité de régulation précise que le réacteur n°2 est connecté au réseau et fournissait une puissance de 750 MW et que l’unité 4 fonctionne à 980 MW, c’est à dire presque à pleine puissance. Pas de changement pour les autres tranches qui sont arrêtées ou en cours de refroidissement.

L’AIEA a aussi publié un communiqué qui n’apporte aucune information supplémentaire si ce n’est que, selon l’exploitant, Energoatom, le personnel sur place depuis le 23 février a enfin pu être remplacé.

Bombardement d’une source de neutrons à Kharkiv

Le 6 mars 2022, l’Autorité de régulation nucléaire annonce la destruction de la source de neutrons sous-critique de Kharkiv, qu’elle qualifie de “terrorisme nucléaire”. Située au Kharkiv Institute of Physics and Technology, elle aurait été bombardée. Elle venait d’être rechargée en combustible nucléaire neuf et avait été mise à l’arrêt le 24 février, premier jour de l’invasion russe. L’Autorité liste les équipements détruits, mais ne donne pas d’information relative à la sûreté.

A noter qu’un missile Grad a frappé des civils qui faisaient la queue pour acheter de la nourriture dans cette même ville le 6 mars matin.

La centrale de Tchornobyl continue d’être sous le contrôle de l’envahisseur où le personnel fait son travail sans rotation depuis 11 jours, selon un communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire qui n’a plus de liaison directe avec la centrale. De nombreux détecteurs qui surveillent l’état des installations ont été détruits et il n’est pas possible de les réparer. L’Autorité de contrôle signale “une tendance à la détérioration pour un certain nombre d’indicateurs, en particulier la concentration de radionucléides à longue durée de vie dans l’atmosphère. L’occupant viole gravement les exigences de radioprotection et la procédure stricte de contrôle d’accès dans l’entreprise et dans la zone d’exclusion. En particulier, l’agresseur néglige les exigences relatives à l’utilisation obligatoire de sas, au changement de vêtements et de chaussures lors de la visite de zones “sales” de l’entreprise, à la décontamination, entreprend des mouvements incontrôlés de personnel et d’équipements militaires dans l’entreprise, dans la zone d’exclusion et au-delà de ses limites. Cela entraîne à son tour une détérioration de la situation radiologique dans l’entreprise et dans la zone d’exclusion, et contribue à la propagation de la contamination radioactive en dehors de la zone d’exclusion de Tchornobyl.”

La centrale nucléaire de Zaporizhzhia est aussi sous contrôle de l’armée d’occupation. L’autorité de régulation signale une coupure des communications internet et mobile avec la centrale et la forte pression sur les employés qui sont coupés des leurs et manquent d’alimentation.

Enfin, les autorités ukrainiennes et l’exploitant nucléaire ont lancé un appel à l’ONU, l’OSCE et l’UE pour qu’elles interviennent afin d’éviter une catastrophe nucléaire majeure. Dans un communiqué, l’ENSREG, qui regroupe les autorités de sûreté nucléaire européennes, condamne fortement les attaques contre des installations nucléaires par les forces russes et demande à l’armée de quitter les sites afin de garantir la sûreté. Elle signale qu’à Tchornobyl, il ne reste qu’une seule ligne électrique sur 3 pour alimenter la centrale et que les générateurs diesel de secours n’ont du carburant que pour 48 heures. Enfin, les membres de l’ENSREG salue le travail de leur homologue ukrainien dans ces conditions extrêmement difficiles.

L’électricité est indispensable pour garantir le refroidissement des réacteurs arrêtés. La perte de toute alimentation électrique suite au séisme et tsunami au Japon avait conduit à la catastrophe de Fukushima en mars 2011. A Tchornobyl, les combustibles usés sont assez anciens pour que cela ne soit plus un problème. En revanche, c’est un des principaux risques sur les autres centrales en activité. A Tchornobyl, une coupure de courant signifierait l’arrêt de tous les systèmes de surveillance.

Le communiqué du 6 mars de l’AIEA ne contient aucune information supplémentaire.

Le 7 mars, l’autorité de régulation nucléaire a publié des informations complémentaires sur l’état de la source de neutrons et des photos des dégâts. La situation radiologique sur le site est normale. A la centrale de Zaporizhzhia, il y a des problèmes de connexion internet et d’accès à la nourriture. L’occupation du site par l’envahisseur provoque beaucoup de stress chez les opérateurs. Seuls deux réacteurs fonctionnent car des lignes électriques ont été détruites et il n’est pas possible de distribuer plus d’électricité.

Le 8 mars, la situation n’a pas changé dans les centrales occupées, mais l’horreur continue en Ukraine : l’armée de la Fédération de Russie aurait détruit une soixantaine d’hôpitaux en Ukraine, selon The Kyiv Independent. Et au centre d’oncologie de Kharkiv, il y a des sources radioactives. L’autorité de régulation nucléaire a mis en ligne une nouvelle simulation des retombées radioactives en cas d’accident nucléaire grave et lance un appel à l’aide car les efforts des autres pays n’ont abouti à rien.

L’AIEA, dans son bulletin quotidien, précise que le personnel à Tchornobyl n’a toujours pas pu être remplacé, ce qui inquiétant pour la sûreté. En revanche, pour les autres installations, y compris la centrale de Zaporizhzhia occupée, la relève est possible. De plus, l’AIEA précise que la connexion aux instruments de mesure à Tchornobyl est perdue.

Alimentation électrique de la centrale de Tchornobyl coupée

L’Autorité de régulation nucléaire signale que la seule ligne électrique qui alimentait la centrale nucléaire de Tchornobyl a été coupée le 9 mars à 11h22. Les diesels de secours n’ont une réserve d’essence que pour 48h. La situation est donc critique, mais, comme les 20 000 assemblages de combustibles usés sont anciens, le dégagement thermique est moindre que dans une centrale en activité. Le refroidissement passif pourrait suffire. En revanche, l’absence d’accès aux capteurs rend tout contrôle impossible.

Le site Internet de l’Autorité de régulation nucléaire ukrainienne ne répond plus ce 9 mars au soir. Dans son communiqué quotidien du 9 mars 2022 l’AIEA précise avoir perdu la connexion avec la centrale de Zaporizhzhya et n’a donc plus accès aux informations qui devraient lui être remontées régulièrement.

Pour ce qui est de la source de neutrons, elle a été complètement arrêtée, selon un communiqué de l’autorité de régulation et les niveaux de radiations ambiants sont normaux.

L’industrie nucléaire française maintient ses contrats avec la Russie et transformateur électrique endommagé à Zaporizhzhia

Présentation surréaliste d’EDF mardi 8 mars devant le HCTISN (document présenté) : il n’est jamais fait mention de la guerre en Ukraine et des sanctions économiques envers la Russie. L’uranium de retraitement réenrichi en Sibérie sera chargé dans les réacteurs de Cruas en 2023, comme si de rien était. Interrogée à plusieurs reprises sur l’impact du conflit en cours, EDF refuse de répondre. Le Haut Comité à la TRANSPARENCE et à L’INFORMATION ne serait pas le lieu pour parler de ce sujet. Le même jour, Le Figaro révèle que l’Etat français est prêt à céder 20% d’Arabelle – les turbines nucléaires rachetées par EDF – au russe Rosatom.

L’industrie nucléaire n’est pas la seule à vouloir maintenir ses contrats avec la Russie à tout prix. Mais il y a urgence à accentuer les sanction contre la Russie car chaque jour qui passe, ce sont des décès et des destructions en plus. Et si le conflit se poursuit, il y aura des pénuries alimentaires dans plusieurs autres pays. Les contrats sur l’uranium de retraitement n’ont aucun impact sur notre approvisionnement énergétique. Ils doivent être suspendus immédiatement.

Serge Haroche, prix Nobel de physique, souhaite, dans une tribune au Monde, des sanctions sévères pour que l’on puisse “nous regarder en face avec moins de honte”.

A la centrale de Zaporizhzhia, un transformateur électrique de la tranche n°6 a été endommagé selon l’Autorité de régulation nucléaire. Faute de pièces et de personnel spécialisé, il n’est pas possible de faire des réparations et de poursuivre les travaux de maintenance. De plus, il y aurait des obus qui n’ont pas explosé sur le site de la centrale et, notamment, dans le bâtiment administratif qui a brûlé lors de l’attaque. Enfin, le site reste sous le contrôle de l’armée d’occupation qui auraient miné un réservoir, selon The Kyiv Independent et deux des lignes à haute tension sont coupées, ainsi que les liaisons internet, ce qui rend le contrôle à distance impossible.

A Tchornobyl, le courant aurait été rétabli par la Biélorussie, selon le ministre de l’énergie russe cité par Reuters. L’AIEA n’est pas en mesure de confirmer cette information. Et le communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire ne fait aucune mention du retour de l’électricité. En cas de coupure complète de l’alimentation électrique, une fois le diesel consommé, la ventilation de la piscine de combustibles usés, avec 19 442 assemblages, s’arrêterait et l’hydrogène pourrait s’accumuler, entraînant ainsi un risque d’explosion. Ce risque n’est pas évoqué dans la note de l’IRSN du jour, ni dans celle de l’AIEA. Cependant, dans un message envoyé à l’ACRO, l’IRSN précise que l’accumulation d’hydrogène est assez lente et qu’il devrait être possible d’aérer les locaux en ouvrant le bâtiment.

Dans un communiqué du 11 mars 2022, l’Autorité de régulation nucléaire ukrainienne précise que le courant n’a toujours pas été rétabli à Tchornobyl, mais que du diesel a été apporté pour les générateurs de secours et que des réparations ont lieu sur les lignes électriques.

La source de neutrons a été bombardée une deuxième fois, le 10 mars 2022 au soir, selon un communiqué de l’autorité de régulation nucléaire ukrainienne, mais les dommages seraient mineurs. Pas de changement à la centrale de Zaporizhzhia, selon un autre communiqué. Mais, selon l’exploitant cité par Reuters, la Russie a tenté de prendre le contrôle de la centrale nucléaire de conception soviétique en y envoyant des cadres de Rosatom, l’exploitant nucléaire Russe. Celui-là même qui devait prendre 20% des turbines Arabelle, en partenariat avec EDF.

Le communiqué du 11 mars au soir de l’AIEA n’apporte aucune information supplémentaire ni analyse. Il ne sert qu’à mettre en scène le patron de l’organisation. Par ailleurs, selon la FAO, 8 millions à 13 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de la faim dans le monde à cause de cette guerre.

Dans un communiqué daté du 12 mars, l’autorité de régulation nucléaire ukrainienne confirme la présence d’au moins 11 personnes de Rosatom sur le site de la centrale de Zaporizhzhia, mais qui n’interféreraient pas avec les opérations. La centrale est toujours exploitée par le personnel d’Energoatom. Cet article de la pravda ukrainienne donne deux versions des faits : d’après le président d’Energoatom, les cadres de Rosatom auraient annoncé à la direction de la centrale vouloir diriger les opérations car les installations appartiendraient désormais à la Russie. Mais, ces cadres auraient affirmé aux médias être là “pour évaluer la sûreté nucléaire et radiologique après le bombardement et la saisie de la centrale, ainsi que pour apporter une aide aux réparations”.

Electricité rétablie à Tchornobyl

La Pravda de Kyiv rapporte, le 13 mars 2022, que l’Ukraine a rétabli l’électricité à la centrale nucléaire de Tchornobyl, permettant ainsi un refroidissement stabilisé des combustibles usés, et dans la commune voisine de Slavutych. La zone est toujours occupée par l’armée de la Fédération de Russie et le personnel sur place (211 personnes) n’a pas été relevé depuis le début de l’offensive, le 24 avril dernier. Il serait épuisé.

Ligne vers Tchornobyl à nouveau coupée, puis rétablie et explosions à la centrale de Zaporizhzhia

La compagnie Energoatom signale sur Telegram que l’armée d’occupation a de nouveau endommagé la ligne électrique vers Tchornobyl. L’électricité avait été rétablie la veille à 19h07, selon la Pravda de KyivToujours sur Telegram, Energoatom signale que l’armée d’occupation a fait exploser des munitions sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia et le personnel a dû se mettre à l’abri.

L’AIEA, dans son communiqué du soir, confirme aussi la nouvelle coupure de courant, mais signale que la ligne a déjà pu être réparée. Tant mieux ! Pour ce qui est des explosions de munitions, l’organisation dit chercher des informations. Le 15 mars, dans un communiqué, l’Autorité de régulation nucléaire explique que, la veille, les forces d’occupation russes ont fait exploser des munitions qui n’avaient pas explosé lors du bombardement du site le 4 mars 2022 et ce, à proximité immédiate des groupes électrogènes. Elle souligne que l’utilisation d’armes dans les installations nucléaires, y compris l’élimination par détonation des munitions, constitue une menace pour la sécurité des installations nucléaires.

Le ministère des affaires étrangères russe, accuse l’Ukraine de sabotage de ses propres installations, avec la complicité des Etats-Unis et de l’OTAN. Aussi crédible que la “dénazification” du pays… Pendant ce temps là, la guerre continue, les victimes s’accumulent et de nombreuses compagnies françaises refusent toujours de suspendre leurs contrats avec la Russie.

Dans un courrier mis en ligne sur le site de l’Autorité de régulation nucléaire Ukrainienne, Greenpeace dénonce que Mikhail Chudakov, Directeur général adjoint de l’AIEA était, jusqu’en 2015, Directeur général adjoint de Rosatom, la compagnie russe qui est au côté des troupes d’occupation à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Elle demande qu’il soit démis de ses fonctions à l’AIEA car il pourrait transmettre des informations confidentielles à l’envahisseur.

Une troisième ligne électrique coupée à Zaporizhzhia

Le 17 mars 2022, dans un communiqué, l’Autorité de régulation nucléaire indique que le 16 mars à 14h29 une troisième ligne électrique a été coupée à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. La centrale a dû réduire sa puissance et ne produire que ce qui peut être évacuer par le réseau électrique. Il ne resterait plus qu’une ligne. Si elle est coupée, la centrale doit s’arrêter et n’a plus que les groupes électrogènes comme source d’énergie. La situation pourrait alors devenir critique.

La centrale est toujours occupée, mais exploité par le personnel ukrainien qui peut se relayer. L’autorité a mis en ligne une simulation des rejets radioactifs en cas d’accident grave : ils pointent vers la Turquie.

A l’inverse, à Tchornobyl, le personnel est toujours otage des troupes d’occupation et n’a pas pu être remplacé depuis le 24 février. Il en est donc à son 22 ème jour consécutif sur place et est épuisé, tant physiquement que moralement, selon le point quotidien effectué par l’autorité de régulation. Le système de surveillance automatique n’a pas été restauré.

Toujours selon l’autorité de régulation nucléaire, l’alimentation électrique de la source de neutrons de Karkiv a aussi été coupée, sans que cela n’engendre de risque particulier.

Le 18 mars, l’Autorité de régulation nucléaire, fait état d’une coupure temporaire de la ligne électrique de secours qui relie la centrale nucléaire de Zaporizhzhia à une centrale thermique voisine. Cette ligne peut fournir du courant à la centrale nucléaire en cas d’arrêt total de la production électrique, afin de maintenir le refroidissement des combustibles nucléaires. La coupure a eu lieu le 17 mars vers 14h et a été rétablie vers 20h. Sachant qu’il y a 3 lignes haute-tension pour la distribution du courant sur 4 de coupées, la centrale nucléaire était dans une situation vulnérable.

Le site et les environs sont toujours occupés par les troupes de la Fédération de Russie et seules deux tranches produisent du courant car il n’y a pas assez de lignes électriques pour évacuer la production électrique.

Le 19 mars, l’Autorité de régulation nucléaire annonce qu’une des lignes HT (celle dénommée “Kakhovska”) qui dessert la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a été rétablie le 18 mars à 19h48. Cela fait donc un total de 3 lignes disponibles si l’on inclut la ligne de secours vers la centrale thermique. Bonne nouvelle ! La centrale va probablement pouvoir augmenter sa production.

A Tchornobyl, le personnel est toujours otage des troupes d’occupation, depuis 24 jours ! Mais, le 20 mars, selon The Kyiv Independent, 64 personnes retenues à Tchornobyl ont pu partir et être remplacées par 46 volontaires. Et le 21 mars, l’AIEA rapporte que tous les autres ont aussi pu être remplacés.

Des incendies sont signalés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl

Plusieurs incendies ont été signalés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl, selon The Guardian du 22 mars 2022, qui relaie un communiqué du parlement ukrainien. Sept feux auraient été repérés par le satellite Sentinel de l’ESA. Les balises de surveillance de la radioactivité étant débranchées dans la zone, il est difficile d’évaluer l’impact. Cependant, l’AIEA, dans son communiqué du 23 mars, signale une légère augmentation des niveaux de césium-137 à Kyiv et dans des centrales nucléaires de l’Ouest de la zone, mais sans donner aucun chiffre, comme à son accoutumé.

Les autorités ukrainiennes expliquent que la plupart des incendies ont été localisés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl. Une trentaine aurait déjà éclaté depuis le début de l’invasion, sans propagation grâce aux conditions météo. L’IRSN a publié une note avec quelques valeurs de contamination. Plus inquiétant, l’armée russe a attaqué Slavutych où loge une partie du personnel de Tchornobyl, ce qui empêche toute rotation sur le site de la centrale, selon l’autorité de régulation nucléaire.

L’armée de la Fédération de Russie s’emparent de Slavutych, ville où loge le personnel de Tchornobyl

Selon the Kyiv Independent, les troupes d’occupation se sont emparées de la ville de Slavutych, ville où loge le personnel de Tchornobyl, rendant toute relève impossible sur le site de la centrale nucléaire. Le maire aurait été kidnappé pendant un temps, le 26 mars 2022.

La source de neutrons de Kharkiv a aussi été une nouvelle fois bombardée par les troupes d’occupation le 26 mars 2022. Et selon un communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire, le bâtiment qui abrite la source a été endommagé.

Par ailleurs, le 27 mars 2022, le ministère de l’énergie d’Ukraine a annoncé avoir demandé l’expulsion de la Russie de l’AIEA pour terrorisme nucléaire, selon UkInform.net, où, a minima, la réduction de son rôle en retirant tous les postes clés aux représentants de la Fédération de Russie.

La source de neutrons a été de nouveau bombardée le 28 mars 2022, selon l’Autorité de régulation nucléaire. Comme la stratégie des troupes d’occupation est de raser certaines villes, comme Marioupol, au péril de nombreuses vies humaines, ce ne sont pas quelques éléments radioactifs qui vont les arrêter…

L’armée d’occupation aurait commencé à se retirer de Tchornobyl

Selon l’AFP (30 mars 2022), qui cite un haut responsable du Pentagone, les forces d’occupation de la Fédération de Russie auraient commencé à se retirer du site nucléaire de Tchornobyl, sous leur contrôle depuis le premier jour de l’invasion, pour aller au Bélarus. Le 31 mars 2022, ils auraient entièrement quitté le site nucléaire et se prépareraient à quitter aussi Slavutych, la ville qui héberge le personnel, selon Radio Free Europe, financée par les Etats-Unis. Energoatom, qui gère la centrale, confirme sur Telegram qu’il n’y a plus de soldat sur le site nucléaire et indique sur Telegram que les soldats seraient malades après avoir creusé des tranchées dans la zone d’exclusion très contaminée. Certains médias mentionnent que des soldats sont hospitalisés à Gomel, au Bélarus, mais cela reste à confirmer (Cf le message Telegram d’Energoatom). Le Monde mentionne aussi que les troupes de la Fédération de Russie ont pillé le site nucléaire et pris des otages, rapportant un message Telegram d’Energoatom, qui complète en précisant qu’il s’agit de cafetières, bouilloires, ordinateurs… et du pillage d’un hôtel voisin. Dans un communiqué daté du 1er avril 2022, l’Autorité de régulation nucléaire confirme le départ des troupes d’occupation et dit vouloir reprendre les contrôles dans la zone.

Dans son étude sur le corridor fluvial E40, l’ACRO avait estimé les doses qui pouvaient être prises par des travailleurs engagés dans la construction d’un barrage dans la zone d’exclusion de Tchornobyl. L’exposition externe pourrait atteindre 15 mSv pour 2 000 heures de présence et l’inhalation de poussières, plus difficile à évaluer, pourrait atteindre des niveaux similaires. Les soldats russes ont passé moins de la moitié de ce temps dans la zone d’exclusion. Ce sont des niveaux qui dépassent largement la limite annuelle pour le public (1 mSv/an), mais qui n’entraînent pas une hospitalisation.

Vidéo des tranchées creusées par l’armée d’occupation dans la zone d’exclusion de Tchornobyl

Le 6 avril 2022, la compagnie Energoatom a publié sur son compte Telegram une vidéo aérienne des tranchées qui auraient été creusées par les troupes d’occupation dans la zone d’exclusion de Tchornobyl :

Et l’Agence d’Etat qui gère la zone d’exclusion de Tchornobyl a mis en ligne des photos de la zone interdite et des bureaux des compagnies publiques qui travaillent sur place, montrant un pillage systématique par les troupes d’occupation.

Vidéo mise en ligne le 7 avril 2022 des tranchées qui auraient été creusées par l’armée russe près de la centrale de Tchornobyl. Des mesures de débit de dose sont faites dans la tranchée, mais aucune valeur n’est donnée.

Niveaux de radiations dans les zones occupées de Tchornobyl

9 avril 2022 : Plusieurs personnes se sont rendues dans la zone d’exclusion de Tchornobyl où des tranchées auraient été creusées par les troupes d’occupation de la fédération de Russie. Petro Kotin, le président d’Energoatom, a mesuré entre 3,2 et 4 µSv/h, selon un message Telegram, accompagné de photos et d’une vidéo :

Ce sont des niveaux élevés qui correspondent à peu près au seuil fixé pour l’évacuation des habitants à Fukushima (3,8 µSv/h), mais, en supposant qu’une personne reste continument dans la tranchée pendant 30 jour, elle prend donc une dose externe de moins de 3 mSv environ.

CNN y est aussi allé avec le ministre de l’intérieur et a rapporté des images vidéo. La chaîne montre un débit de dose de 11 µSv/h près du sol. En restant sur place 30 jours, la dose externe serait de 8 mSv. La BBC aussi, mais ne donne pas d’information sur les niveaux de radiation.

Même en prenant en compte l’inhalation de poussières radioactives, de tels niveaux ne correspondent pas à une irradiation aigüe, comme nous l’avions déjà souligné le 1er avril dernier. Ils ne peuvent donc pas être responsables de l’hospitalisation de soldats, comme cela a été avancé.

Par ailleurs, l’Agence d’Etat en charge de la gestion de la zone d’exclusion rapporte que les serveurs qui gèrent les 39 balises de contrôle de la radioactivité ont été pillées par l’armée d’occupation. Il n’est donc pas possible d’accéder aux données. Elle aurait aussi perdu ses archives.

Rétablissement des liaisons directes avec la centrale nucléaire de Tchornobyl

Selon un communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire, sa liaison directe avec la centrale nucléaire de Tchornobyl est rétablie depuis le 19 avril 2022. Les informations quotidiennes radiologiques et sur l’état de sûreté des installations sont transmises. La rotation du personnel se déroule de manière planifiée. Le déminage du site est toujours en cours par les forces de sécurité. Et des inspections sont menées pour faire un inventaire des matières radioactives et des équipements de surveillance et de contrôle.

La route entre Tchornobyl et Slavutych passant par le Belarus, elle n’est plus empruntée et le personnel est transporté par bateau sur la Pripyat.

Par ailleurs, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia est toujours sous occupation russe avec la présence d’ingénieurs de Rosatom, et il n’est pas possible à l’Autorité de régulation nucléaire d’y mener des inspections, ce qui représente une violation des règles élémentaires de sûreté, comme le rappelle l’Autorité de régulation, dans un communiqué.

Le 5 mai, l’Autorité de régulation nucléaire a annoncé avoir retiré l’accréditation à plusieurs compagnies qui intervenaient à Tchornobyl, non pas à cause de leur faute, mais à cause des risques qui font suite à l’occupation du site. Il n’est plus possible d’y mener des opérations de routine. Et le 12 mai, l’Autorité de régulation signale que la transmission des données depuis Tchornobyl a été rétablie.

Le 19 mai, des membres du gouvernement russe ont déclaré vouloir accaparer tout le Sud de l’Ukraine et récupérer l’exploitation de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. L’électricité servira à la Russie et pourrait être vendue à l’Ukraine, selon l’AFP. Energoatom, l’exploitant, a réagi violemment sur Telegram en précisant qu’il contrôlait toujours la centrale, qu’il n’y avait pas de ligne pour acheminer l’électricité en Russie et que l’Ukraine ne payerait jamais. Et de rappeler que le réseau électrique ukrainien était désormais relié à l’Europe. Mais la Russie devait sûrement parler des régions qu’elle compte annexer.

Le 2 juin 2022, le Washington Post fait un bilan des dommages causés par l’armée de la Fédération de Russie lors de son occupation de la centrale de Tchornobyl : 698 ordinateurs, 344 véhicules, 1 500 dosimètres, des logiciels et presque toutes les pièces des systèmes de protection incendie, pillés ou simplement détruits. Et l’inventaire n’est pas terminé. Neuf personnes y ont été tuées et cinq prises en otage. Le coût des dommages s’élèverait à 135 millions de dollars. Mais, le dommage le plus important est sûrement l’impact psychologique de la guerre et de l’occupation. 36 ans après la pire catastrophe nucléaire de l’histoire, environ 6 000 personnes y travaillent quotidiennement.

Le 3 juin 2022, l’agence Reuters rapporte que la centrale nucléaire de Zaporizhzhia est confrontée à une grave pénurie de pièces de rechange et de matériel consommable qui menace la sécurité de ses opérations, citant le service de renseignement du ministère de la Défense ukrainien. Les rotations de personnel à la centrale nucléaire ont lieu une fois par semaine. Cette information n’a pas été du goût de l’exploitant, Energoatom, qui a violemment réagi sur Telegram.

Le 5 juin 2022, un missile tiré l’armée russe est passé à relativement basse altitude au-dessus de la centrale nucléaire du Sud. Voir les images publiées sur le fil Telegram de l’exploitant :

Le 20 juillet 2022, Greenpeace a rendu compte de sa mission dans la zone d’exclusion de Tchornobyl à l’invitation des autorités ukrainiennes. Son communiqué de presse ne fait pas état de niveaux de contamination inattendus pour cette zone, mais l’organisation souligne que ses valeurs sont jusqu’à 3 fois plus élevées que les relevés effectués par l’AIEA. Ce n’est pas étonnant. Dans son étude sur le projet de voie fluvial E40 qui devait traverser cette zone, l’ACRO avait déjà souligné le fait que l’AIEA sous-estimait l’impact de la pollution rémanente. La conférence de presse de Greenpeace peut être visionnée ici.

Greenpeace a effectué des mesures de débit de dose ambiant ainsi que des analyses d’échantillons de sols prélevés sur place. La vidéo des prélèvements est ici et les photos sont accessibles ici. Pour l’anecdote, l’appareil de terrain qui a servi à faire des analyses par spectrométrie a été testé et étalonné à l’ACRO avant le départ en mission.

Greenpeace a aussi diffusé une vidéo des dégâts dus aux pillages et sabotages de l’armée d’occupation. Enfin, l’organisation a publié une étude des images satellites de la zone lors de l’occupation russe.

Entre le 5 et le 13 août 2022, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a subi des dommages suite à des bombardements répétés. Selon l’exploitant, cette centrale, en zone occupée, serait minée et servirait d’entreposage d’armements afin de les protéger de bombardements ukrainiens. Seraient concernées, les salles des machines des unités 1 et 2, d’après un communiqué de l’autorité de régulation nucléaire daté du 5 août 2022. Une telle situation fait, bien évidemment, courir des risques inacceptables aux employés de la centrale et aux installations.

Le journal d’opposition russe, The Insider, a mis en ligne une vidéo où l’on voit des camions militaires russes livrer un engin dans le bâtiment réacteur de la centrale nucléaire : 

L’autorité de régulation fait état de trois bombardements le 5 août à partir de 14h30 dans un communiqué publié le soir même. Une station de production d’azote et un bâtiment auxiliaire auraient été endommagés. Une ligne haute tension a aussi été coupée. Dans une note publiée le 9 août, l’IRSN précise que l’unité n°3 a dû être mise à l’arrêt et que des générateurs diesels de secours ont été activés. Selon les autorités, il n’y aurait pas d’élévation des niveaux de radioactivité. Pour l’AIEA, cette attaque viole 6 piliers de la sûreté nucléaire : les bombardements menacent l’intégrité physique des installations, des installations de secours, augmentent le stress des employés, menacent la sécurité électrique des installations nécessaires au refroidissement des combustibles et rendent beaucoup plus difficile, voire impossible, la gestion de crise.

Le 6 août 2022, l’exploitant fait état d’un nouveau bombardement qui a endommagé l’installation d’entreposage à sec des combustibles usés avec ses 174 conteneurs de 24 assemblages chacun. Des fenêtres et trois balises de détection de la radioactivité auraient été détruites. Un employé a dû être hospitalisé. Selon l’exploitant, les occupants – des militaires et des employés de la compagnie russe Rosatom – se seraient mis aux abris avant l’attaque. Selon l’IRSN, les conteneurs n’auraient pas été endommagés.

Voir aussi la note de Wenra, le club des régulateurs nucléaires occidentaux.

Le 11 août 2022, l’exploitant rapporte de nouvelles attaques de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia sans dommages majeurs. Il publie des photos de la station de protection incendie touchée. Une station de pompage et des balises auraient aussi été touchées. Selon l’IRSN, la ligne électrique coupée quelques jours plus tôt a pu être réparée.

Les autorités ukrainiennes soupçonnent la Russie de vouloir couper l’alimentation électrique d’une partie de l’Ukraine et de rediriger la production de la centrale de Zaporizhzhia vers la Crimée. Des pylônes vers la Crimée ont donc été détruits, selon ce post Telegram daté du 11 août de l’exploitant nucléaire :

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Selon cet article du 13 août 2022, les forces d’occupation recherchent les responsables de la destruction du pylône. Et, selon Reuters, la Russie accuse l’Ukraine des attaques contre la centrale nucléaire de  Zaporizhzhia.

Selon la BBC, le personnel sur le site de la centrale doit travailler dans des conditions très difficiles, sous la menace des armes. L’armée d’occupation contrôlerait les réseaux de téléphonie mobile et a coupé internet. L’accès à la nourriture y serait limité. La situation psychologique et matérielle des travailleurs augmente le risque d’accident. Des employés auraient aussi été kidnappés.

Rappelons qu’une perte de l’alimentation électrique de la centrale nucléaire pourrait entraîner un scénario à la Fukushima. Les diesels de secours auraient une réserve de fioul de 7 jours, selon WENRA (source). Par ailleurs, la présence d’explosifs sur le site conduit à d’autres scénarios “inimaginables”. Et, dans tous les cas, la catastrophe sera impossible à gérer, aussi bien à la centrale qu’à l’extérieur.

La centrale nucléaire de Zaporizhzhya aurait à nouveau été bombardée le 13 août 2022 selon l’Ukrainska Pravda. De nombreuses personnes quitteraient Enerhodar, la ville voisine occupée, de crainte d’un accident nucléaire comme on peut le voir sur cette vidéo :

Les 25 et 26 août 2022, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a été complètement coupée du réseau électrique pour la première fois de son histoire. Selon l’autorité de régulation, la connexion a été perdue à au moins deux reprises, le jeudi 25 août. Sans pouvoir évacuer l’électricité produite, il a fallu arrêter les réacteurs 5 et 6, les seuls encore en activité. Et comme de l’électricité est nécessaire au refroidissement des combustibles, les diesels de secours ont été mis en service. Sur le papier, selon les stress tests post-Fukushima, la centrale peut tenir 7 jours ainsi, mais il vaut mieux ne pas avoir à tester les limites en situation réelle…

Toujours selon l’autorité de régulation, les lignes électriques ont pu être rétablies le 26 août et les deux réacteurs nucléaires remis en service. A noter, que des canalisations d’eau ont aussi été endommagées. La situation sur place s’est approchée de celle de Fukushima où il y a eu perte de l’alimentation en eau et en électricité. Et c’est un personnel épuisé, en état de stress lié à l’occupation par l’armée russe qui a dû gérer cette situation.

Selon Energoatom sur Telegram, le feu a pris dans une centrale à charbon située près de la centrale et a endommagé la dernière ligne électrique disponible, les autres ayant été coupées par l’occupant.

Le 1er septembre 2022, une mission de 16 inspecteurs de l’AIEA, menée par son directeur général, a pu se rendre sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Cinq inspecteurs restent sur place. Le reste de la délégation est reparti au bout de quelques heures.

Le directeur de l’AIEA a déclaré aux médias avoir pu “rassembler beaucoup d’informations” et avoir “vu ce qu’il avait besoin de voir”. On n’en saura pas plus pour le moment. Et d’ajouter que l’intégrité physique de cette centrale avait été violée à plusieurs reprises, ce qui était déjà connu de tous.

Le réacteur n°5 a dû être à nouveau arrêté durant la nuit, suite à des bombardements. Le 6 reste en activité, selon l’autorité de régulation.

Le 2 septembre 2022, l’AIEA a dit que deux inspecteurs resteraient sur place. Quant à l’exploitant, il a remis en service le réacteur n°5.

Le quotidien britannique The Telegraph et le journal russe d’opposition The Insider rapportent que des employés de la centrale de Zaporizhzhia ont été torturés. Certains sont détenus dans des conditions très difficiles par l’armée russe.

Et, le 3 septembre 2022, toutes les lignes vers le réseau électrique sont à nouveau coupées, suite à des bombardements. Seule une ligne de secours vers la centrale thermique est disponible. Le réacteur n°5 a de nouveau été arrêté et l’électricité produite par le réacteur n°6 est évacuée vers la centrale thermique avant fournie au réseau, selon AIEA.

La présence d’inspecteurs internationaux n’apporte rien à la sécurité du site.

Le 5 septembre 2022, le dernière ligne électrique de secours a été coupée par des bombardements, selon l’exploitant, et la centrale est à nouveau complètement coupée du réseau, malgré la présence de l’AIEA. La puissance du réacteur n°6 a été fortement réduite pour ne fournir que l’électricité nécessaire à la centrale, selon l’AIEA. Selon l’IRSN, la fiabilité de cette disposition, qui n’est pas une disposition d’exploitation courante, est limitée. Ce n’est de plus pas une solution pérenne.

Par ailleurs, quatre des six représentants de l’AIEA ont achevé leur travail à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, selon l’exploitant, et ont quitté le site de la centrale. Il est prévu que les deux autres experts continuent à travailler à la centrale de manière permanente (voir aussi, en anglais).

Enfin, selon Le Monde, Enerhodar, la ville qui héberge les travailleurs de la centrale de Zaporizhzhia, se vide de ses habitants.

Le 7 septembre, l’AIEA a mis en ligne son premier rapport de mission à la centrale nucléaire de Zaporizhzhya. Pas grand chose de neuf. Après avoir rappelé que les 7 piliers de la sureté ont été violé, le rapport mentionne des dommages liés aux bombardements, avec deux photos. En toute logique, l’AIEA appelle à l’arrêt des combats, mais cela devrait être sans effet. L’organisation de l’ONU confirme aussi la présence de troupes russes, de matériel militaire, sans plus de précision, et d’ingénieurs de Rosatom, la compagnie russe. Et de demander le retrait des véhicules militaires. Le personnel ukrainien de la centrale, en nombre insuffisant, n’a pas librement accès à toutes les zones. A ces problèmes s’ajoute le stress permanent qui pause aussi des problèmes de sûreté. Et l’AIEA demande l’établissement d’un environnement de travail plus serein… et l’accès à toutes les zones. Idem pour les lignes électriques coupées, elles doivent être rétablies, ainsi que la fourniture de matériels nécessaires à l’exploitation de la centrale. Il faudrait aussi refaire des exercices de crise… Bref, il est difficile de voir ce qu’a apporté cette mission.

Le 9 septembre 2022, le DG de l’AIEA alerte que la ville d’Enerhodar, où loge le personnel de la centrale nucléaire de Zaporizhzhya, n’a plus de courant suite à des bombardements nocturnes. Cela signifie plus d’eau potable non plus. La situation y est devenue intenable et la fatigue du personnel rend la centrale nucléaire plus vulnérable. De nombreux opérateurs pourraient quitter la ville. Et comme les bombardements continuent, il est peu probable que la centrale puisse être reconnectée au réseau électrique et l’exploitant n’a plus aucun intérêt à garder un réacteur en fonctionnement, même réduit. Si ce réacteur est arrêté, la centrale ne sera plus refroidie qu’avec les diesels de secours. Et s’ils manquent de carburant ou s’ils tombent tous en panne, il n’y a plus de solution d’ultime secours. La situation de la centrale nucléaire est donc de plus en plus précaire.

Le 11 septembre 2022 à 3h41, le réacteur n°6 a été mis à l’arrêt, selon l’exploitant (voir aussi le communiqué de l’Autorité de régulation). Cela faisait trois jours qu’il était en situation d'”îlotage” avec une puissance réduite (114 à 140 MW) pour alimenter les seuls besoins de la centrale. Mais, comme une ligne électrique (celle de secours à 330 kV) a pu être rétablie la veille, afin d’assurer les besoins électrique, il n’était plus nécessaire de maintenir le réacteur n°6 dans cet état. L’électricité et l’eau courantes ont été rétablies à Enerhodar, mais la situation reste précaire et en cas de nouvelle coupure de la ligne, il faudra activer les générateurs diesels de secours. L’exploitant dit faire son possible pour accroître ses réserves de carburant, qui permettraient de tenir 10 jours, selon l’autorité de régulation nucléaire.

Et le 13 septembre 2022, selon l’AIEA, 3 lignes électriques ont été rétablies, ce qui est rassurant. Une fournit la centrale en courant et les deux autres sont là en secours. Il n’est pas question de remettre des réacteurs en service pour le moment. Le 17 septembre 2022, c’est au tour de la ligne haute tension de 750 kV d’être rétablie, selon l’AIEA. Les trois lignes  rétablies précédemment redeviennent des lignes de secours, ce qui renforce la sécurité de l’alimentation électrique du site et le maintien à froid des combustibles nucléaires. Il y a toujours trois lignes à haute tension de 750 kV de coupées. Par ailleurs, l’exploitant a augmenté ses réserves en diesel pour les générateurs de secours.

Le 19 septembre 2022, dans un communiqué, Energoatom accuse la Russie d’avoir bombardé une zone industrielle située à proximité de la centrale nucléaire du Sud (google map), à 00h20 locales. Une puissante explosion se serait produite à seulement 300 mètres des 3 réacteurs en fonctionnement. Elle n’a pas fait de morts ou de blessés, mais aurait soufflé une centaine de fenêtres dans le bâtiment de la centrale et provoqué une brève coupure de trois lignes de haute tension à la centrale. Une des unités hydroélectriques du barrage voisin a été arrêtée.

La compagnie a diffusé des images de l’explosion et des dégâts sur sa chaîne Telegram :

Le 21 septembre 2022 à 1h13, heure locale, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a de nouveau été bombardée, selon l’exploitant. Deux transformateurs ont été endommagés, entraînant la coupure de l’alimentation électrique du réacteur n°6. Deux générateurs diesel de secours ont été immédiatement mis en service pour assurer le refroidissement des combustibles usés. Vers 2h, le réacteur n°6 a pu être raccordé aux autres tranches de la centrale et les diesels de secours ont pu être arrêtés. L’exploitant impute le bombardement à la Russie et rappelle qu’il y a deux inspecteurs de l’AIEA sur place.

Et l’AIEA d’ajouter qu’un autre bombardement, le 20 septembre 2022, de l’un des bassins de refroidissement par aspersion du site. Un tuyau a été endommagé, mettant le bassin hors service en attendant les réparations. Espérons qu’il y a des systèmes d’adduction d’eau de secours, car à Fukushima, il y a eu coupure d’électricité et d’eau. De plus, des tirs d’obus ont également été signalés sur le site industriel autour de la centrale thermique, situé à quelques kilomètres.

Les 27 et 28 septembre 2022, l’AIEA fait part d’explosions sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Celles du 27 septembre auraient brisé des vitres dans un des bâtiments turbine. Et, le 28 septembre, l’AIEA fait part d’autres explosions qu’elle attribue, comme celles de la veille, à des passages d’animaux sur des mines. Et, le 30 septembre, l’AIEA signale dans un tweet qu’il y aurait eu 6 explosions de mines en une semaine.

Le 1er octobre 2022, le directeur de la centrale de Zaporizhzhia, Ihor Murashov, a été arrêté la veille vers 16h par les troupes d’occupation russes alors qu’il se rendait à Energodar, selon l’exploitant. L’AIEA a réagi immédiatement, selon un communiqué, et a demandé des explications à la Russie. Les explosions de mines sur le site de la centrale continuent. Et, le 3 octobre, il a été libéré et a pu rentrer chez lui, toujours selon l’exploitant qui souligne l’impact de la pression internationale et de l’AIEA.

Le 5 octobre 2022, un décret signé par le président Poutine prend possession de la centrale de Zaporizhzhia et en confie l’exploitation à une filiale de Rosatom enregistrée à Moscou, ce qui a provoqué l’ire de l’exploitant nucléaire ukrainien, Energoatom, dans un message Telegram :

L’autorité de régulation nucléaire, de son côté, a rappelé, dans un communiqué, que le décret du Président Poutine était sans valeur car elle était la seule habilité à délivrer des licences d’exploitation. Quant à l’AIEA, elle ne prend pas position dans son communiqué et dit vouloir engager des consultations… Son communiqué du 6 octobre est tout aussi ambigu : les derniers développements entraîneraient de la confusion sur qui à la charge de l’installation ! La réaction française, quant à elle, ne souffre d’aucune ambiguïté dans son affirmation de la pleine et entière souveraineté ainsi que la propriété de l’Ukraine sur la centrale nucléaire.


Iode

L’ACRO réclame depuis des années une extension de la distribution de comprimés d’iode au-delà des 20 km autour des centrales nucléaires françaises. Rappelons qu’en Suisse, cette distribution a été étendue à 50 km et en Belgique à 100 km. Mais, comme nous l’avons déjà souligné, en France métropolitaine, moins de 5% de la population bénéficiera de comprimés d’iode à la maison pour protéger sa thyroïde en cas d’accident nucléaire.

Quelle surprise donc de découvrir qu’en plein mois d’août 2022, des comprimés d’iode sont distribués à toute la population des Vosges, selon l’Est-Républicain, département où il n’y a pas d’installation nucléaire. Est-ce lié au risque d’accident à la centrale nucléaire de Zaporizhzhya en Ukraine ? Si oui, pourquoi seulement les Vosges ?

En fait, il ne s’agit pas d’une distribution à la population, mais seulement la reconstitution des stocks et une vérification que les infrastructures de distribution sont bien opérationnelles en cas de besoin. Certains maires auraient mal interprété le courrier de la préfecture et informé les habitants, par erreur. Voir un exemple de missive sur le site Internet du Républicain Lorrain. Par ailleurs, il n’y a aucune information relative à l’iode sur le site de la préfecture des Vosges et c’est bien dommage…


L’industrie nucléaire française n’a toujours pas rompu ses contrats avec l’industrie nucléaire russe, afin de maintenir l’illusion du recyclage de l’uranium de retraitement.

Le 7 avril 2022, le parlement européen a adopté une résolution réclamant l’imposition d’un embargo « total et immédiat » sur les importations « de pétrole, de charbon, de combustible nucléaire et de gaz » russes. Lire le communiqué. Mais, la résolution est non contraignante…

Et le 13 août 2022, le président Zelenskyy a appelé à des sanctions contre l’industrie nucléaire russe (source). EDF et Orano vont-ils enfin rompre leurs contrats avec Rosatom ?

Selon Greenpeace, le 24 août 2022, au port de Dunkerque, 52 fûts contenant de l’uranium enrichi en Russie ont été déchargés du cargo Mikhail Dudin en provenance de Saint-Pétersbourg. Ils ont ensuite été chargés dans des camions qui ont pris la direction de la vallée du Rhône, où se trouvent les sites nucléaires de Pierrelatte et de Romans-sur-Isère.

Projet de dépotoir radioactif à Chalk River au Canada : mise à jour de l’expertise du projet par l’ACRO

En 2018, l’ACRO avait été sollicitée par ICI Radio-Canada Télé et par la Communauté métropolitaine de Montreal pour apporter son expertise sur le projet de dépotoir radioactif à Chalk River au Canada. Situé à 200 kilomètres en amont de la région Ottawa-Gatineau, le complexe nucléaire de Chalk River sert, depuis les années 1950, de laboratoire pour le développement de l’industrie nucléaire canadienne. Un lieu “d’élimination” de déchets radioactifs est projeté sur le site d’un milieu humide à proximité de la rivière des Outaouais présentant ainsi des risques de contamination en cas de fuite. Cette rivière est une importante source d’eau potable pour une grande partie des habitants du Grand Montréal.

Le processus de consultation des parties prenantes se poursuit et les Laboratoires nucléaires canadiens (le promoteur) ont revu leur copie : ils n’envisagent plus que d’y stocker des déchets de faible activité, excluant ainsi les déchets de moyenne activité initialement inclus.

Dans ce contexte, la Communauté métropolitaine de Montréal a de nouveau sollicité l’ACRO afin de prendre en compte les évolutions du projet. Nous avons mis à jour notre rapport d’expertise qui a été soumis par la Communauté à la Commission Canadienne de Sûreté Nucléaire. Une audience publique aura lieu du 30 mai au 3 juin 2022.

Lire l’avis de la Communauté métropolitaine de Montréal accompagné du rapport d’expertise de l’ACRO mis à jour.

Liens externes :

Une animation du dépotoir nucléaire proposé à Chalk River.

 

Les déchets radioactifs polluent déjà l’environnement en Belgique

Le magazine #Investigation de la télévision publique belge (La Une) a commandé des analyses de la radioactivité à l’ACRO pour son documentaire intitulé, “Déchets nucléaires, l’éternel problème”, à voir ou à revoir en ligne et diffusé le 9 décembre 2020. Les résultats détaillés sont dans le rapport d’analyse.

Il apparaît que tous les échantillons prélevés autour du site Umicore à Olen et le long de la rivière Molse-Nete sont contaminés à des niveaux inhabituels pour l’environnement.

Le long de la Molse-Nete, les analyses par spectrométrie gamma que nous avons effectuées ont mis en évidence trois radioéléments artificiels : le césium-137, le cobalt-60 et l’américium-241. On trouve du césium-137 partout dans l’environnement suite aux essais nucléaires atmosphériques et à l’accident de Tchernobyl. Mais les niveaux relevés près de la Molse-Nete, qui varient de 830 à 5 250 Bq par kilogramme de matière sèche, sont beaucoup plus élevés que ce l’on trouve habituellement dans l’environnement. Le cobalt-60 n’est généralement pas présent dans l’environnement, sauf dans les zones influencées par l’industrie nucléaire. Enfin, s’il y a de l’américium-241, il doit aussi y avoir du plutonium que l’on ne peut pas détecter avec notre appareil qui ne mesure que le rayonnement gamma. Là encore, les niveaux relevés, allant de 397 à 2 740 Bq/kg sec, sont très élevés.

La présence de ces radioéléments à de tels niveaux signe un impact de l’installation nucléaire proche qui n’est pas étanche. On peut comparer ces niveaux aux seuils d’exemption de la directive 2013-59 Euratom du 5 décembre 2013 qui sont de 100 Bq/kg pour le césium-137 et l’américium-214. Même en prenant en compte l’humidité des sols, les niveaux relevés dépassent ce seuil. Si ce seuil ne s’applique pas à l’environnement, cela signifie, que si un échantillon présentait une telle contamination dans une installation nucléaire, il serait considéré comme un déchet radioactif qui ne peut pas être banalisé. Le site devrait donc être assaini !

Lire l’article de la RTBF sur le sujet pour comprendre le contexte.

Pour l’échantillon prélevé à Olen, près de la décharge D1 d’Umicore, on note surtout la présence de radioéléments d’origine naturelle à des niveaux beaucoup plus élevés que ce que l’on trouve généralement dans l’environnement. Il s’agit donc de radioéléments naturels concentrés concentrés du fait de pratiques humaines qui constituent, là encore, une pollution. Et les niveaux relevés pour les descendants de l’uranium-238 dépassent aussi le seuil d’exemption de la directive 2013-59 Euratom du 5 décembre 2013 qui est de 1 000 Bq/kg. Ce site aussi devrait être assaini.

Lire cet autre article de la RTBF sur le sujet pour comprendre le contexte.


Ce documentaire a provoqué de nombreuses réactions et la RTBF a effectué une mise au point le 12 décembre 2020 afin de rétablir certains faits.

L’héritage de Tchernobyl et la voie navigable transeuropéenne E40 – Chernobyl heritage and the E40 trans-Europe waterway – Наследие Чернобыля и трансъевропейский водный путь Е40

English belowРусская версия ниже

Le projet de voie navigable internationale E40 vise à relier la mer Baltique et la mer Noire, de Gdansk à Kherson, en passant par la Pologne, la Biélorussie et l’Ukraine. Elle doit notamment traverser la Polésie, qui est la plus grande région sauvage d’Europe, où elle est susceptible de poser un risque élevé de dégradation des étendues naturelles dans le parc national Pripiatsky (Прыпяцкі нацыянальны парк). En outre, une partie du projet comprend l’aménagement de la rivière Pripiat qui coule au pied de la centrale nucléaire de Tchernobyl et traverse la réserve radio-écologique d’État de Polésie (Палескі дзяржаўны радыяцыйна-экалагічны запаведнік) dans la zone d’exclusion de Tchernobyl qui est fortement contaminée par divers radioéléments.

C’est dans ce contexte que l’ACRO a effectué une première étude radio-écologique du projet pour le compte de la société zoologique de Francfort et le collectif « Save Polesia ».

Conclusions

Tchernobyl est l’accident industriel le plus grave de l’histoire. Plus de 30 ans plus tard, la contamination radioactive résiduelle est telle qu’elle interdit de vivre dans une zone d’exclusion étendue. Aujourd’hui, la contamination est dominée par le césium-137, le strontium-90 et divers isotopes du plutonium hautement toxique. L’américium-241, le noyau fils du plutonium-241, est également très toxique et sa contribution croissante devrait dominer l’impact radiologique à l’avenir. La stratégie générale consiste à attendre la lente décroissance radioactive et la réhabilitation de la zone d’exclusion de Tchernobyl demeure impossible pendant des décennies. Le démantèlement du bassin de refroidissement de Tchernobyl – le point chaud le plus radioactif – est la seule exception. Il existe également environ 90 sites de stockage de déchets radioactifs dans la zone d’exclusion de Tchernobyl qui doivent encore être démantelés.
Au-delà de la zone d’exclusion, la vie quotidienne de millions de personnes est toujours affectée par la contamination résiduelle. L’ensemble du bassin versant Pripiat-Dniepr a été contaminé par les retombées et les transferts directs dans la rivière. En aval de la zone d’exclusion de Tchernobyl, environ 8 millions d’Ukrainiens boivent l’eau du Dniepr, et jusqu’à 20 millions mangent des aliments irrigués avec cette eau. Les principaux contaminants sont le césium-137 qui tend à se fixer dans les sédiments de fond et le strontium-90 qui est continuellement transporté vers la mer Noire par la cascade du Dniepr. Les sédiments contaminés par le césium-137 ont été lentement recouverts par des sédiments moins contaminés et plus propres au fond du réservoir de Kiev, offrant un bouclier naturel à ce polluant. L’AIEA recommande, comme stratégie globale, de laisser ces sédiments en place et d’éviter tous processus qui conduiraient à leur remise en suspension. Pour le strontium-90, rien ne peut être fait.
En amont de la zone d’exclusion de Tchernobyl, il existe des zones le long de la rivière Pripiat qui ont été contaminées par les retombées radioactives au moment de l’accident. Le césium-137 est le contaminant dominant. La stratégie globale consiste également à attendre sa lente désintégration radioactive.
La CIPR considère ces situations comme des situations existantes pour lesquelles elle recommande un processus d’optimisation visant à retrouver les niveaux d’exposition prévalant avant l’accident. Les mesures de protection consistent principalement à adapter la vie quotidienne des habitants des territoires contaminés, car les modes de vie individuels sont des facteurs influents de l’exposition. Cela suppose que les personnes touchées soient pleinement conscientes de la situation et bien informées.
La convention d’Aarhus exige également que les États veillent à ce que les informations environnementales soient disponibles dans des bases de données électroniques facilement accessibles au public. Actuellement, ce n’est pas le cas. Il est très difficile d’accéder aux données sur la contamination radioactive afin d’évaluer les doses d’exposition.
Dans un tel contexte, la voie navigable intérieure E40 projetée, qui devrait passer à proximité de la centrale nucléaire de Tchernobyl et traverser la zone d’exclusion de Tchernobyl, aura nécessairement un impact radiologique sur les travailleurs de la construction et de la maintenance, ainsi que sur la population en aval qui dépend de l’eau des rivières Pripiat et Dniepr. Bien que ce projet nécessite de grands travaux tels que la construction d’un barrage et l’alignement du cours de la rivière dans la partie la plus contaminée de son cours, aucune étude d’impact radiologique n’est disponible.
Les principes de la CIPR en matière de radioprotection et les conventions d’Aarhus et d’Espoo exigent des études environnementales et radiologiques, une justification du projet et la participation des parties prenantes et du grand public au processus de décision.
La présente étude montre que les travaux de construction pour la partie de la voie navigable E40 qui traverse la zone d’exclusion de Tchernobyl et passe à proximité de la centrale nucléaire ne sont pas réalisables. L’exposition estimée des travailleurs serait trop élevée pour être acceptée. En outre, le bassin de refroidissement de Tchernobyl, fortement contaminé, et les stockages temporaires de déchets radioactifs dans la plaine d’inondation de la rivière Pripiat n’ont pas encore été démantelés, ce qui empêche tout travail de construction. L’AIEA recommande également une liste d’autres mesures de protection qui restent à mettre en œuvre.
La partie de la voie navigable E40 qui se trouve en amont de la zone d’exclusion de Tchernobyl serait alors inutile, car sans connexion avec le Dniepr. Cela signifie également que les travaux d’aménagement qui consistent en la construction de plusieurs barrages et l’alignement des méandres de la rivière Pripiat pour accepter les navires de classe V ne sont pas justifiés.
Enfin, la portion de la route E40 allant de la mer Noire au réservoir de Kiev nécessite principalement des travaux de dragage réguliers. L’étude de faisabilité mentionne 68 000 m3 de travaux de dragage par an dans le réservoir de Kiev, qui stocke du césium-137 dans ses sédiments de fond. Une telle activité est contraire aux recommandations de l’AIEA de laisser les sédiments en place car elle augmentera la dose des personnes qui dépendent de l’eau du réservoir de Kiev pour leur approvisionnement en eau et en nourriture.


Chernobyl heritage and the E40 trans-Europe waterway

The E40 international waterway project aims to link the Baltic and Black Seas, from Gdansk to Kherson, via Poland, Belarus and Ukraine. In particular, it should cross the Polesia, the largest wilderness area in Europe, where it is likely to pose a high risk of degradation of natural areas in the Pripiatsky National Park (Прыпяцкі нацыянальны парк). In addition, part of the project includes the development of the Pripiat River, which flows at the foot of the Chernobyl nuclear power plant and crosses the Polesie State Radio-Ecological Reserve (Палескі дзяржаўны дзяржаўны радыяцыйна-экалагічны запаведнік) in the Chernobyl Exclusion Zone, which is heavily contaminated by various radioelements.

It is in this context that ACRO carried out a first radio-ecological assessment of the project on commission of the Frankfurt Zoological Society and the “Save Polesia” partnership.

Conclusions

Chernobyl is the most severe industrial accident in history. More than 30 years later, residual radioactive contamination is such that it forbids living in an extended exclusion zone. Nowadays, the contamination is dominated by cesium-137, strontium-90 and various isotopes of the highly toxic plutonium. Americium-241, the daughter nucleus of plutonium-241, is also highly toxic and has an increasing contribution that is expected to dominate the radiological impact in the future. The general strategy is to wait for the slow radioactive decay and rehabilitation of the Chernobyl exclusion zone remains impossible for decades. Decommissioning of the Chernobyl cooling pond – the most radioactive hot spot – is the only exception. There are also about 90 radioactive waste storage sites in the Chernobyl exclusion zone that remain to be decommissioned.
Beyond the exclusion zone, the daily life of millions of people is still affected by the residual contamination. The whole Pripyat-Dnieper watershed was contaminated by the fallouts and direct transfers to the river. Downstream of the Chernobyl exclusion zone, approximately 8 million Ukrainians drink water from the Dnieper River, and as many as 20 million eat foods irrigated with Dnieper River water. Dominating contaminants are the cesium-137 that tends to be fixed in bottom sediments and the strontium-90 that is continuously transported down to the Black Sea through the Dnieper cascade. Sediments contaminated by cesium-137 have been slowly covered by less contaminated and clean sediments in the bottom of the Kyiv reservoir, offering a natural shield to this pollutant. The IAEA recommends, as an overall strategy, to leave these sediments as is and avoid processes that will lead to their resuspension. For strontium-90 nothing can be done.
Upstream of the Chernobyl exclusion zone, there are zones along the Pripyat river that were contaminated by the radioactive fallouts at the time of the accident. Cesium-137 is the dominating contaminant. The overall strategy there is also to wait for the slow radioactive decay.
The ICRP considers these situations as existing situations for which it recommends an optimisation process intended to recover the exposure levels prevailing before the accident. Protection measures mainly consist in adapting the daily life of the inhabitants of the contaminated territories because individual lifestyles are key drivers of the exposure. This supposes that affected individuals are fully aware of the situation and well informed.
The Aarhus convention also requires that States ensure that environmental information is available in electronic databases which are easily accessible to the public. Presently, this is not the case. It is very difficult to access to data about the radioactive contamination in order to assess the exposure doses.
In such a context, the projected E40 inland waterway, which is supposed to pass nearby the Chernobyl nuclear power plant and go through the Chernobyl Exclusion Zone, will necessarily have a radiological impact on both construction and maintenance workers, as well as on the population depending on the water of the Pripyat and Dnieper rivers. Although this project requires heavy works such as dam construction and alignment of the river course in the most contaminated part of its route, no radiological impact study is available.
ICRP principles for radiation protection, Aarhus and Espoo conventions require environmental and radiological studies, a justification of the project and the participation of the stakeholders and the general public in the decision process.
The present study shows that the construction works for the part of the E40 waterway route that crosses the Chernobyl exclusion zone and passes nearby the Chernobyl nuclear power plant are not feasible. The forecasted exposure of the workers would be too high to be accepted. Moreover, the heavily contaminated Chernobyl cooling pond and temporary radioactive waste storages in the floodplain of the Pripyat River have not been decommissioned yet, preventing any construction work. The IAEA also recommends a list of other protective actions that remain to be done.
The portion of the E40 waterway that lies upstream the Chernobyl exclusion zone would then be useless without a connection to the Dnieper river. This also means that development works that consist of several dam construction and alignment of meandering Pripyat river to accept class V vessels are not justified.
Finally, the portion of the E40 route from the Black Sea to the Kyiv reservoir mainly requires regular dredging work. The feasibility study mentions 68 000 m3 of dredging work every year in the Kyiv reservoir, that stocks cesium-137 in its bottom sediments. Such an activity is contrary to the IAEA’s recommendations to leave the sediments in place because it will increase the dose of people who depend on the water from the Kyiv reservoir for their water and food supply.


Наследие Чернобыля и трансъевропейский водный путь Е40

В преддверии годовщины аварии на ЧАЭС опубликовано научное исследование «Наследие Чернобыля и трансъевропейский водный путь Е40», над которым работала независимая команда экспертов совместно с представителями беларусских общественных организаций АПБ и «Багна».

план строительства судоходной трассы длиной более 2000 км, который хотят проложить по Висле, Припяти и Днепру для того, чтобы соединить Балтийское и Чёрное моря для судов. План проекта предполагает строительство обводного канала в Польше, 6-7 плотин и шлюзов на Припяти, углубительные работы по всему маршруту, чтобы по этим рекам могли ходить многотоннажные суда класса «река-море». Инициаторами строительства Е40 выступила коалиция организаций из трёх стран во главе с РУЭСП «Днепро-Бугский водный путь».

Чтобы узнать, как строительство Е40 может повлиять на радиационную ситуацию в регионе, Лаборатория по контролю за радиоактивностью Франции (Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest, ACRO) провела независимое экспертное исследование по заказу Франкфуртского зоологического общества (ФЗО).

Дноуглубительные и инфраструктурные работы в Чернобыльской зоне отчуждения, по мнению учёных:

  • поднимут со дна Киевского водохранилища загрязнённые радионуклидами донные отложения, которые Международное агентство по атомной энергии рекомендует не трогать;
  • подвергнут строителей опасным уровням радиации;
  • подвергнут миллионы людей ниже по течению повышенному риску через загрязнённую радионуклидами воду.

Дэвид Бойли, один из авторов исследования, физик-ядерщик и председатель ACRO, отозвался о планах создания E40:

«Принимая во внимание результаты нашего анализа радиоактивности, строительство водного пути E40 через чернобыльскую зону отчуждения не представляется возможным».

-> Скачать брошюру исследования
-> Скачать полную версию исследования

Выводы

Чернобыль – самая крупная промышленная авария в истории человечества. Более 30 лет спустя уровень остаточного радиоактивного загрязнения все еще настолько высок, что запрещает жить в расширенной зоне отчуждения. В настоящее время в загрязнении преобладают цезий-137, стронций-90 и различные изотопы высокотоксичного плутония. Америций-241, дочернее ядро плутония-241, также очень токсичен и оказывает все большее воздействие, которое, как ожидается, будет доминировать среди других элементов в плане радиологического воздействия в будущем. Общая стратегия состоит в том, чтобы ждать медленного радиоактивного распада, при этом восстановление чернобыльской зоны отчуждения остается невозможным в течение десятилетий. Вывод из эксплуатации Чернобыльского пруда-охладителя – наиболее радиоактивной горячей точки – является единственным исключением. В Чернобыльской зоне отчуждения также находится около 90 хранилищ радиоактивных отходов, которые еще предстоит вывести из эксплуатации.

За пределами зоны отчуждения остаточное загрязнение по-прежнему влияет на повседневную жизнь миллионов людей. Весь Припять-Днепровский водораздел был загрязнен осадками и прямыми уносами в реку. Вниз по течению от зоны отчуждения около 8 миллионов украинцев пьют воду непосредственно из Днепра, а до 20 миллионов едят продукты, орошаемые его водой. Доминирующими загрязняющими веществами являются цезий-137, который имеет тенденцию накапливаться в донных отложениях, и стронций-90, который непрерывно переносится в Черное море через Днепровский каскад. Отложения, загрязненные цезием-137, медленно покрывались менее загрязненными и чистыми отложениями на дне Киевского водохранилища, которые создавали естественный «щит». В качестве общей стратегии МАГАТЭ рекомендует оставить эти отложения как есть и избегать процессов, которые приведут к их ресуспендированию. В отношении стронция-90 сделать что-либо невозможно.

Вверх по течению от зоны отчуждения вдоль реки Припять есть зоны, загрязненные радиоактивными осадками во время аварии. Цезий-137 является доминирующим загрязняющим веществом. Общая стратегия также заключается в ожидании медленного радиоактивного распада.

МКРЗ рассматривает это как существующие ситуации, для которых рекомендуется провести процесс оптимизации, предназначенный для восстановления уровней воздействия (облучения), преобладавших до аварии. Меры защиты в основном состоят в адаптации повседневной жизни жителей загрязненных территорий, поскольку индивидуальный образ жизни является ключевым фактором воздействия. Это предполагает, что жители пострадавших территорий полностью осведомлены о ситуации и хорошо проинформированы.

Орхусская конвенция также требует, чтобы государства обеспечивали доступность экологической информации в электронных базах данных, которые были бы легко доступны для общественности. В настоящее время это никак не реализуется. Очень сложно получить доступ к данным о радиоактивном загрязнении, чтобы в должной мере оценить дозы облучения.

В таком контексте разрабатываемый внутренний водный путь E40, который должен проходить рядом с Чернобыльской АЭС и через чернобыльскую зону отчуждения, обязательно окажет радиологическое воздействие как на строителей, так и на ремонтников, а также на население, зависящее в своей хозяйственной деятельности от Припяти и Днепра. Несмотря на то, что в рамках проекта предусмотрено проведение сложных и трудоемких работ, таких как строительство плотины и выравнивание русла реки в наиболее загрязненной части его пути, какие-либо исследования по радиологическому воздействию отсутствуют.

Принципы МКРЗ в области радиационной защиты, Орхусская и Эспоо конвенции требуют наличия экологических и радиологических исследований, обоснования проекта и участия заинтересованных сторон и широкой общественности в процессе принятия тех или иных решений.

Настоящее исследование показывает, что строительные работы для части водного пути E40, которая пересекает чернобыльскую зону отчуждения и проходит рядом с Чернобыльской атомной электростанцией, невозможны. Прогнозируемое радиологические воздействие на работников будет неоправданно высоким. Более того, сильно загрязненный прудохладитель Чернобыльской АЭС и временные хранилища радиоактивных отходов в пойме реки Припять еще не выведены из эксплуатации, что не позволяет проводить рядом с ними какие-либо строительные работы. МАГАТЭ также рекомендует список других защитных мер, которые еще предстоит предпринять.

Часть водного пути E40, находящаяся выше по течению зоны отчуждения, будет бесполезной без соединения с Днепром. Кроме того, работы по строительству нескольких плотин и выравниванию меандрирующей Припяти для приема судов класса V должным образом не обоснованы.

Наконец, участок пути E40 от Черного моря до Киевского водохранилища требует регулярных дноуглубительных работ. В технико-экономическом обосновании упоминается о 68000 м3 дноуглубительных работ в год, их необходимо проводить на Киевском водохранилище, которое хранит большие запасы цезия-137 в своих донных отложениях. Такая деятельность противоречит рекомендациям МАГАТЭ о том, чтобы оставить отложения нетронутыми, поскольку это увеличит дозу воздействия для людей, которые зависят от воды из Киевского водохранилища в своих хозяйственных и пищевых нуждах.

Перевод на русский: АПБ (Ахова птушак Бацькаўшчыны)

©Olga Kaskevich

Fukushima en forme olympique : bilan chiffré pour le 9ième anniversaire

Depuis le 12 mars 2011, l’ACRO effectue un suivi régulier de la catastrophe de Fukushima qui est à retrouver sur un site Internet dédié : https://fukushima.eu.org

Depuis quelques années, à l’occasion de son anniversaire, l’ACRO effectue aussi un bilan chiffré de la catastrophe et de ses conséquences. Les sources sont indiquées. L’association vient de mettre en ligne le bilan pour le 9ème anniversaire qui sera encore mis à jour d’ici le 11 mars prochain.

Pour ce qui est de la centrale, il y est notamment question de l’avancement des travaux au niveau des 4 réacteurs accidentés, du problème de l’eau contaminée et des travailleurs.

Pour les territoires contaminés, bien que les travaux de décontamination soient terminés, sauf dans la zone la plus touchée, le gouvernement peine à trouver une solution pérenne pour les déchets radioactifs engendrés et les populations ne rentrent pas. Voir les chiffres officiels sur notre site.

L’article fait aussi un bilan de l’impact sanitaire de cette catastrophe (cancers de la thyroïde et décès).

Enfin, avec seulement 9 réacteurs remis en service, le parc nucléaire japonais est dans les limbes.

A retrouver sur : https://fukushima.eu.org/fukushima-en-forme-olympique-bilan-chiffre-pour-le-9ieme-anniversaire/