Pollution au plutonium à La Hague révélée par l’ACRO : chronologie des évènements

Chronologie pour suivre ce dossier

Dans le cadre de son Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement, l’ACRO effectue une surveillance régulière de la pollution radioactive autour des installations nucléaires de La Hague, ce qui lui a permis, en 2016, de mettre en évidence une pollution inhabituelle dans la zone du Ru des Landes, avec la présence notable d’américium-241 et de plutonium, particulièrement toxiques. Areva, devenue Orano, s’est engagée à reprendre les terres contaminées. Si, en décembre 2022, aucun travail d’assainissement n’a encore été mené, des vaches continuent à y paître. Mais les travaux sont pour bientôt, promis…

L’ACRO reste vigilante et continue les investigations sur ses fonds propres.
Elle a besoin de votre soutien : adhérez ou faites un don.

Voici une chronologie des informations publiées sur cette pollution :

10 octobre 2016 : l’ACRO alerte sur une pollution à l’américium autour du ruisseau des Landes à la Hague

Dans le cadre de son Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement, l’ACRO effectue une surveillance régulière de la pollution radioactive autour des installations nucléaires de La Hague qui lui a permis de mettre en évidence, au niveau du Ruisseau des Landes, dans les sédiments et mousses aquatiques, du cobalt-60, de l’iode-129, du césium-137 et de l’américium-241.
La présence de ces quatre radionucléides artificiels, et plus particulièrement l’américium-241, est totalement anormale puisque ce ruisseau ne constitue pas un exutoire réglementaire des eaux pluviales recueillies sur le site d’Areva. La campagne de prélèvements ACRO du 17 septembre 2016 montre également que la tache de contamination par l’américium n’est pas localisée en un seul point, MAIS concerne toute la zone humide autour de la source.
Des travaux sont en cours non loin de cette zone, sur le site nucléaire, autour du silo 130 afin d’en garantir l’étanchéité et d’en améliorer la surveillance par ajout de piézomètres. Est-ce que la pollution observée en 2016 est la continuité des fuites de la Zone Nord-Ouest ou est-ce une nouvelle contamination due aux travaux en cours ? Qui va décontaminer la zone extérieure ?

-> Lien direct vers le communiqué de l’ACRO.

24 janvier 2017 : Areva reconnait la pollution et s’engage à nettoyer la zone.

“AREVA la Hague va mettre en œuvre un plan d’action en vue de reprendre et conditionner les terres marquées en américium 241 dans la zone située au nord-ouest du site. L’usine de la Hague renforce également son programme de surveillance environnementale en planifiant une campagne semestrielle de prélèvements supplémentaires dans la zone en question […]
Les mesures effectuées dans les échantillons de terres et de boues ont mis en évidence un marquage en américium 241, avec une valeur haute de 8 becquerels par kilo de terre humide.”

Areva ne donne pas le détail de ses résultats de mesure.

-> Lien direct vers le communiqué d’Areva.

26 janvier 2017 : l’ACRO publie de nouveaux résultats obtenus qui confirment ses premières analyses et de surcroît, montrent des niveaux de contamination encore plus importants en certains endroits.

Suite aux premières constatations, l’ACRO a décidé de continuer les investigations sur ses fonds propres afin de mieux cerner l’étendue des pollutions observées ainsi que leurs origines. Deux campagnes de prélèvement ont été réalisées les 17 octobre et 16 novembre dernier au cours desquelles ont été collectés une quarantaine d’échantillons. Outre l’américium-241, d’autres éléments radioactifs sont mesurés comme le césium-137, le cobalt-60, l’iode-129. Des mesures des isotopes du plutonium et de strontium-90 sont également en cours.
L’ACRO réitère sa demande que toute la lumière soit faite sur l’origine, l’étendue et l’impact de cette pollution, avec accès à toutes les données environnementales. En attendant, elle continue ses investigations.

-> Lien direct vers le communiqué de l’ACRO.

2 mars 2017 : l’ACRO publie de nouveaux résultats d’analyse qui confirment la présence de strontium et de plutonium

“L’ACRO a confié à un laboratoire d’analyse suisse accrédité le soin d’effectuer des analyses complémentaires sur des échantillons de sol prélevés autour du ruisseau des Landes à la Hague. Les résultats confirment la présence de strontium-90 et de plutonium – deux éléments particulièrement radiotoxiques –  à des niveaux significatifs : jusqu’à 212 Bq/kg de matière sèche pour le strontium et jusqu’à 492 Bq/kg de matière sèche pour les seuls plutoniums 239 et 240 (239+240Pu).”

-> Lien direct vers le communiqué et les résultats.

Areva a réagi immédiatement en publiant son propre communiqué :

“AREVA la Hague a engagé son plan d’actions afin d’analyser et traiter les marquages historiques dans les terres à proximité de la source du ruisseau des Landes, dans la zone située au nord-ouest du site. Une équipe projet a ainsi été mise en place […].
Par ailleurs, les contrôles réalisés dans les échantillons de terre confirment la présence d’un marquage en plutonium, avec une valeur moyenne de l’ordre de 20 becquerels par kilo de terre prélevée, dans la zone la plus marquée (soit environ 200 becquerels par kilo de terre sèche).”

Areva ne publie pas le détail de ses résultats de mesure.

-> Lien direct vers le communiqué d’Areva.

10 mars 2017 : l’ACRO demande l’accès à toutes les données environnementales relatives à la pollution radioactive de la zone du Ru des Landes

“La Charte de l’environnement, adossée à la Constitution et de la convention européenne d’Aarhus, le Code de l’environnement, article L125-10, garantit à toute personne le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les exploitants d’une installation nucléaire de base. Les articles L124-1 et suivants, quant à eux, garantissent le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues, reçues ou établies par les autorités et établissements publics.
L’ACRO a donc saisi Areva, l’ASN, l’IRSN et le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, afin d’obtenir la publication de toutes les données relatives à la pollution radioactive dans la zone du Ru des Landes à La Hague.”

-> Lien direct vers le communiqué de l’ACRO.

Areva et l’IRSN nous ont envoyé leurs données depuis, mais pas pour les prélèvements les plus récents.

14 mars 2017 : l’IRSN publie un état des lieux de sa surveillance de cette zone depuis 1996

“Des mesures réalisées par l’IRSN en octobre 2016 confirment celles publiées par l’ACRO […]. L’IRSN a réalisé de nouvelles campagnes de prélèvements, notamment début 2017, qui devrait permettre de disposer de meilleurs éléments de caractérisation locale et peut-être d’établir un lien entre certains événements passés et les observations actuelles.”

Les résultats de ces nouvelles campagnes ne sont pas publics.

-> Lien direct la note d’information de l’IRSN.

20 avril 2017 : avis de l’IRSN relatif à la présence de radioactivité artificielle au nord-ouest de l’établissement AREVA-NC de La Hague (publié en mai 2017)

“A la suite de mesures réalisées en 2016 par l’association ACRO indiquant la présence d’américium, de césium, de plutonium et de strontium à proximité de la source du ruisseau des Landes, dans la zone de bocage située au nord-ouest de l’établissement AREVA NC de La Hague, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé à AREVA NC d’expliciter les origines possibles de ces contaminations et les voies de transfert susceptibles de les expliquer, de préciser les risques sanitaires associés et d’examiner la nécessité de compléter son programme de surveillance de l’environnement.
Par lettre citée en référence, l’ASN demande l’avis et les observations de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur la note technique transmise par AREVA NC en décembre 2016, en réponse à cette demande.”

La note technique d’Areva n’est pas publique. Mais l’IRSN précise :

“Dans la note technique transmise en décembre 2016, AREVA NC cite comme origine possible du marquage de la source du ruisseau des Landes, des transferts de radionucléides par les eaux souterraines à partir des fosses bétonnées non étanches de la ZNO. En outre, selon l’étude d’impact réalisée dans le cadre de la demande de démantèlement complet de l’usine UP2-400, un marquage global de cette zone est également attribué aux rejets intervenus lors de l’incendie du silo 130 […].
En conclusion, en l’état actuel des connaissances, l’IRSN considère que les contaminations observées dans la zone située au nord-ouest de l’établissement de La Hague sont à relier à plusieurs évènements pour lesquels des modes de transfert différents sont à considérer […].
Il est toutefois à souligner que tous les marquages en américium 241 et en plutonium constatés, s’agissant notamment des singularités observées en amont et aval de la résurgence de la nappe, ne sont à ce jour pas clairement expliqués.
Par ailleurs, l’IRSN considère que les phénomènes de transfert identifiés ci-dessus pourraient conduire, bien que les entreposages à l’origine des contaminations soient actuellement vides, à une augmentation progressive du marquage au niveau de la source du ruisseau des Landes, qui apparaît comme une zone d’accumulation des contaminants.”

-> Lien direct vers l’avis de l’IRSN.

13 septembre 2017 : la pollution au plutonium du Ru des Landes a les honneurs du Canard Enchaîné

5 octobre 2017 : Areva propose de reprendre 25 m3 de terres contaminées sur 40 m2

Pas de détail sur le site Internet d’Areva. Si tout le monde convient que le Ru des Landes est une « Zone à dépolluer » (ZAD), l’ACRO demande :

  • que l’étendue de la pollution soit bien caractérisée car cette surface nous semble réduite ;
  • que les mécanismes de transfert soient bien étudiés pour éviter de nouveaux apports ;
  • que l’impact sanitaire soit étudié de manière pluraliste à partir de 1974.

Janvier 2018 : l’IRSN met en ligne son avis sur le plan de dépollution d’Areva

L’IRSN a mis en ligne son avis n°2017-00376 daté du 4 décembre 2017 relatif à la contamination du Ru des Landes et à la surveillance après travaux (lien direct). Le dossier Areva n’est toujours pas public, mais indiquerait un marquage, en plutonium, américium 241 et strontium 90, des eaux de la nappe alimentant la résurgence. Ce qui signifie que les fuites continuent. L’exploitant prévoit donc un captage des eaux de la nappe pour éviter toute nouvelle contamination des terres au niveau de la résurgence.

Janvier 2019 : Bilan 2015-2017 de l’état radiologique de l’environnement français

Le bilan 2015-2017 de l’état radiologique de l’environnement français (lien direct) publié par l’IRSN rend compte, à partir de la page 309, de la pollution radioactive au Ru des Landes en prenant en compte nos mesures.

Autrement, on attend toujours la consultation promise par l’ASN sur le plan de dépollution proposé par Orano.

Décembre 2020 : L’université de Lausanne et l’ACRO montrent, dans une publication scientifique, que la pollution au plutonium est probablement antérieure à 1983

Les analyses complémentaires effectuées par l’université de Lausanne confirment que l’usine de retraitement est bien à l’origine de cette pollution et permettent de la dater approximativement. Les éléments détectés dans l’environnement suggèrent que le combustible usé traité, à l’origine de cette pollution, est ancien. Lien vers la publication scientifique.

Septembre 2022 : L’ASN autorise enfin Orano à procéder aux opérations d’assainissement des sols à proximité du ruisseau des Landes

Presque 6 ans après la première alerte de l’ACRO, l’ASN, dans sa décision n° CODEP-CAE-2022-0046581, autorise Orano à procéder aux opérations d’assainissement des sols à proximité du ruisseau des Landes. Espérons qu’il ne faudra pas attendre 6 années de plus pour que les travaux soient réalisés. Dans le nucléaire, la gestion des déchets et des pollutions s’inscrit dans le temps long…

L’ACRO va maintenir sa vigilance et sa surveillance radiologique du site. Elle a besoin de votre soutien pour cela.

Septembre 2023 : Orano a débuté les travaux de dépollution, sept ans après la première alerte de l’ACRO

Acronique #135 : décembre 2021

              Au sommaire :

1.Édito

2.Récit d’un préleveur volontaire

3.La convention OSPAR pour la protection de l’Atlantique du Nord-Est reporte discrètement de 2020 à 2050 son engagement de réduire les rejets radioactifs en mer

4.Consultation ASN relative aux projets de décisions modifiant certaines modalités de prélèvement et consommation d’eau, de
rejet et de surveillance de l’environnement, et certaines limites de rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux de l’établissement de La Hague

                 5.Revue de presse

L’Observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement : un outil unique qui est menacé

Dès 1988, l’ACRO a mis en place un programme de surveillance citoyenne de la radioactivité sur le plateau de La Hague où l’usine de retraitement a les rejets dans l’environnement les plus élevés du pays. Cette surveillance a été étendue à l’échelle de tout le bassin Seine-Normandie en 1997 et est devenue l’« Observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement » en 2007. Si la surveillance des rejets de la centrale nucléaire de Chinon est effectuée depuis le début de l’ACRO, l’observatoire citoyen couvre aussi tout le bassin Vienne-Loire depuis 2017.

En associant un réseau de préleveurs volontaires et un laboratoire performant, l’ACRO a mis en place, au fil des ans, un outil unique au monde qui effectue une surveillance régulière de la radioactivité dans l’environnement en des lieux où nul autre organisme n’effectue de mesure. Tous les résultats sont en ligne sur notre site Internet. Cette démarche vise à permettre à tout un chacun de devenir un acteur majeur de la protection de l’environnement et s’est révélée particulièrement pertinente en cas d’évènements particuliers, comme un accident nucléaire au Japon, par exemple. Le laboratoire Chikurin-sha, que nous avons aidé et soutenu, a repris le flambeau sur place.

Cet observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement est menacé par une baisse significative des subventions et nous avons besoin de vous pour maintenir notre vigilance face aux rejets des installations nucléaires.

Nous lançons donc un appel aux dons
– en ligne via la plateforme sécurisée helloasso, ou
– par chèque à l’ordre de “Association ACRO”, en l’envoyant à l’adresse suivante :
138 Rue de l’Eglise 14200 Hérouville-Saint-Clair.

Les donateurs bénéficieront d’une déduction fiscale de 66% (60% pour les entreprises).

Tritium dans la Loire : la surveillance officielle défaillante

Depuis que l’ACRO a étendu son observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement au bassin de la Loire et de la Vienne, les choses bougent. La mesure, en janvier 2019, de 310 Bq de tritium par litre d’eau de la Loire à Saumur, à une vingtaine de kilomètres en aval de la centrale de Chinon a déclenché une vaste étude menée par l’IRSN qui conduit les autorités à admettre que les rejets radioactifs ne se diluent pas comme prévu dans le fleuve.

Repartons du début : les quatre réacteurs de la centrale de Chinon sont autorisés à rejeter 80 TBq de tritium par an dans la Loire, soit environ 4 fois plus que ce qui devrait être rejeté chaque année à Fukushima. Lors de ces rejets, EDF doit veiller à ce que la concentration moyenne sur 24h, en supposant un bon mélange dans l’eau du fleuve, ne dépasse pas 80 Bq/L. Ce bon mélange est très théorique et personne ne peut dire à quelle distance de la centrale il a lieu. Localement, au niveau de la station de mesure multiparamètres, située à 6,5 km en aval du point de rejet, l’activité volumique mesurée dans l’environnement ne doit pas dépasser, en moyenne sur une heure, 280 Bq/L à mi-rejet et 140 Bq/L en moyenne journalière (décision n°2015-DC-0528 de l’ASN).

Ainsi, quand l’ACRO a mesuré 310 Bq/L à Saumur, à environ 20 km en aval de la centrale de Chinon, ces valeurs étaient largement dépassées. Pourtant rien d’anormal n’avait été relevé au niveau de la station multiparamètres aval… L’ASN et l’IRSN ont donc cherché à comprendre en lançant une étude au niveau du pont Cessart de Saumur, exactement là où l’échantillon particulièrement contaminé a été prélevé. Le coût global pour l’IRSN de cette étude est supérieur à 650 000€ !

L’IRSN a installé des préleveurs automatiques de part et d’autre du pont. Elle a aussi fait faire des prélèvements manuels depuis le pont afin d’étudier la dispersion latérale de la pollution au tritium. Les premiers résultats ont été présentés à un comité de suivi auquel l’ACRO participe. Il en ressort que le mélange est, la plupart du temps, imparfait au niveau du pont Cessart à Saumur, comme l’ACRO l’avait déjà montré en octobre 2020. La contamination en rive gauche est généralement caractéristique de l’eau de la Vienne et celle en rive droite de l’eau de la Loire dans laquelle les rejets de Chinon ne sont pas encore bien mélangés.

L’IRSN a aussi accès aux informations détaillées concernant les rejets de toutes les installations nucléaires sur la Loire et la Vienne ce qui lui permet de confronter les mesures à la modélisation de l’impact des rejets radioactifs. A l’aide du code utilisé habituellement, basé sur un modèle à une dimension, il arrive à expliquer les concentrations observées en changeant les hypothèses de mélange en fonction des circonstances. Cela signifie que l’institut ne peut pas prédire le comportement de la pollution, juste interpréter ce qui est mesuré.

L’IRSN a aussi confronté les résultats des mesures d’EDF au niveau de sa station multiparamètres avec ses modèles. Il en ressort que, très souvent, cette station ne détecte pas les rejets de Chinon, qui passent, en majorité, de l’autre côté de l’île située en face de la station (voir les images satellite ci-dessous) ! Il lui arrive aussi de ne même pas détecter le tritium rejeté par les centrales en amont. L’IRSN l’explique par les eaux du Cher et de l’Indre qui se jettent dans la Loire en amont de Chinon et qui ne se seraient pas encore bien mélangées.

La station multiparamètres d’EDF ne surveille donc pas bien les rejets de Chinon. Contraindre les rejets par une concentration maximale à ce niveau n’est donc pas très contraignant !

EDF est consciente du problème et elle mène des études qui « [contribuent] à alimenter la réflexion sur l’amélioration de la représentativité du point de prélèvement de la surveillance aval »… Elle a aussi reconnu, lors de la réunion du 22 mars 2021 du comité de suivi, que ce problème concerne aussi St Laurent des Eaux et parfois Belleville.

L’IRSN a aussi développé, pour l’occasion, un modèle à deux dimensions de la dispersion du tritium afin de mieux appréhender les variations transversales de concentration dans l’eau du fleuve. Il arrive à reproduire les concentrations mesurées à une distance suffisante du point de rejet, sauf pour le fameux prélèvement de janvier 2019. Le modèle montre bien que la concentration était la plus forte au centre du fleuve, exactement là où les préleveurs ont collecté l’échantillon, mais avec une valeur de 80 Bq/L environ, alors que l’on a mesuré 4 fois plus (310 Bq/L). Un tel écart pourrait être expliqué par une erreur dans la détermination de la quantité de tritium rejeté, comme cela a eu lieu le 22 septembre 2020, sans que la station multiparamètres ne le voit.

En conclusion, sans la surveillance citoyenne mise en place par les associations locales et l’ACRO, tous ces problèmes seraient restés méconnus. Les autorités doivent mieux contraindre les rejets d’EDF et imposer une surveillance plus stricte.

Pour pouvoir continuer cette surveillance indépendante des rejets des installations nucléaires,
adhérez à l’ACRO ou faites un don.

acronique du nucléaire #131, décembre 2020

  •  Edito
  • Surveillance de la Loire par l’ACRO (suite)
  • Surveillance de l’ACRO du plateau de la Hague
  • L’ACRO démissionne du Comité d’Orientation des recherches (COR) de l’IRSN
  • Centrale de Flamanville : état des lieux des réacteurs
  • revue de presse

 

Les déchets radioactifs polluent déjà l’environnement en Belgique

Le magazine #Investigation de la télévision publique belge (La Une) a commandé des analyses de la radioactivité à l’ACRO pour son documentaire intitulé, “Déchets nucléaires, l’éternel problème”, à voir ou à revoir en ligne et diffusé le 9 décembre 2020. Les résultats détaillés sont dans le rapport d’analyse.

Il apparaît que tous les échantillons prélevés autour du site Umicore à Olen et le long de la rivière Molse-Nete sont contaminés à des niveaux inhabituels pour l’environnement.

Le long de la Molse-Nete, les analyses par spectrométrie gamma que nous avons effectuées ont mis en évidence trois radioéléments artificiels : le césium-137, le cobalt-60 et l’américium-241. On trouve du césium-137 partout dans l’environnement suite aux essais nucléaires atmosphériques et à l’accident de Tchernobyl. Mais les niveaux relevés près de la Molse-Nete, qui varient de 830 à 5 250 Bq par kilogramme de matière sèche, sont beaucoup plus élevés que ce l’on trouve habituellement dans l’environnement. Le cobalt-60 n’est généralement pas présent dans l’environnement, sauf dans les zones influencées par l’industrie nucléaire. Enfin, s’il y a de l’américium-241, il doit aussi y avoir du plutonium que l’on ne peut pas détecter avec notre appareil qui ne mesure que le rayonnement gamma. Là encore, les niveaux relevés, allant de 397 à 2 740 Bq/kg sec, sont très élevés.

La présence de ces radioéléments à de tels niveaux signe un impact de l’installation nucléaire proche qui n’est pas étanche. On peut comparer ces niveaux aux seuils d’exemption de la directive 2013-59 Euratom du 5 décembre 2013 qui sont de 100 Bq/kg pour le césium-137 et l’américium-214. Même en prenant en compte l’humidité des sols, les niveaux relevés dépassent ce seuil. Si ce seuil ne s’applique pas à l’environnement, cela signifie, que si un échantillon présentait une telle contamination dans une installation nucléaire, il serait considéré comme un déchet radioactif qui ne peut pas être banalisé. Le site devrait donc être assaini !

Lire l’article de la RTBF sur le sujet pour comprendre le contexte.

Pour l’échantillon prélevé à Olen, près de la décharge D1 d’Umicore, on note surtout la présence de radioéléments d’origine naturelle à des niveaux beaucoup plus élevés que ce que l’on trouve généralement dans l’environnement. Il s’agit donc de radioéléments naturels concentrés concentrés du fait de pratiques humaines qui constituent, là encore, une pollution. Et les niveaux relevés pour les descendants de l’uranium-238 dépassent aussi le seuil d’exemption de la directive 2013-59 Euratom du 5 décembre 2013 qui est de 1 000 Bq/kg. Ce site aussi devrait être assaini.

Lire cet autre article de la RTBF sur le sujet pour comprendre le contexte.


Ce documentaire a provoqué de nombreuses réactions et la RTBF a effectué une mise au point le 12 décembre 2020 afin de rétablir certains faits.

Surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement autour des installations nucléaires de la Loire et de la Vienne

L’ACRO et le collectif de préleveurs Loire Vienne à Zéro nucléaire (LVZn) publient ce jour un nouveau bilan de leur surveillance citoyenne du tritium dans l’eau du bassin de la Loire et de la Vienne à retrouver sur le site de l’ACRO (acro.eu.org). Cet élément radioactif, rejeté par intermittence par les cinq centrales nucléaires situées sur ces cours d’eau, se retrouve dans les écosystèmes et l’eau de consommation.

Cette surveillance citoyenne fait apparaître deux points saillants :

• En aval de la centrale nucléaire de Dampierre, la concentration en tritium dans la Loire a dépassé la limite de qualité pour les eaux de consommation fixée à 100 Bq/L. Les résultats de la surveillance d’EDF font état de valeurs proches, alors que l’autorisation de rejet limite à 80 Bq/L en moyenne la concentration en tritium dans l’eau du fleuve.

• A Saumur, en aval de toutes les installations nucléaires situées sur la Loire et la Vienne, on retrouve presque systématiquement du tritium dans l’eau du fleuve et dans l’eau du robinet. La valeur la plus élevée détectée à ce jour reste celle du 21 janvier 2019, avec 310 Bq/L dans la Loire, qui a déjà été rendue publique en juin 2019. L’ASN a exclu un incident à la centrale de Chinon ayant entraîné un rejet anormal ce jour-là. Après avoir exclu l’existence d’une autre source de contamination, l’IRSN a, dans une note datée du 17 octobre 2019, mis en cause la « méthodologie du prélèvement » qui n’aurait pas été effectué dans la « zone de bon mélange ».

Les investigations supplémentaires que nous avons effectuées montrent qu’il n’y a pas de « bon mélange » à Saumur, contrairement à ce qui est admis. La contamination en tritium sur la rive gauche est encore influencée par les eaux de la Vienne et celle en rive droite, par les eaux de la Loire.

Le 21 janvier 2019, EDF n’a relevé que 32,8 Bq/L au niveau de son hydro-collecteur, situé en amont de la confluence avec la Vienne, soit environ 10 fois moins que nous. Il est donc fort probable qu’il n’y avait non plus de « bon mélange » dans l’eau de la Loire et que l’hydro-collecteur ne permet donc pas de suivre correctement les rejets de la centrale de Chinon.

Ainsi, ce ne sont donc pas les prélèvements qui doivent être remis en cause, mais la modélisation effectuée par l’IRSN et la surveillance effectuée par EDF.

Dans un rapport pas encore publié sur son site Internet, mais transmis à la CLI de Chinon le 1er octobre 2020 (ce rapport est désormais public : lien direct, copie), l’IRSN corrobore nos observations : « L’homogénéisation des concentrations en Loire des rejets liquides du CNPE de Chinon n’est pas atteinte en toutes circonstances au niveau de sa station de surveillance aval. En conséquence, il est fortement pressenti que la mesure du 21 janvier 2019 traduise la persistance jusqu’à Saumur de concentrations de tritium hétérogènes consécutives aux rejets liquides du CNPE de Chinon ». Ce n’est donc pas notre « méthodologie de prélèvement » qui est en cause ! De plus, selon ce rapport, entre mai 2018 et mai 2019, l’hydro-collecteur en question, qui sert à EDF et à l’IRSN, n’a détecté les rejets de Chinon que de la « fin juillet 2018 à début novembre 2018 ». Le reste du temps, les « mesures effectuées à cette station sont essentiellement représentatives des contributions des CNPE amont ». Ce dysfonctionnement n’aurait pas été découvert sans la surveillance citoyenne effectuée par l’ACRO et le collectif de préleveurs !

Communiqué au format pdf

Tous les résultats de la surveillance citoyenne de la radioactivité dans le bassin de la Loire sont dans notre rapport :

 

Engagement étudiant : rejoignez l’ACRO !

Mis en avant

Etudiants, participez à la surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement mise en place par l’ACRO. Vous pourrez mettre à profit vos compétences en biologie, environnement, physique ou informatique (gestion de bases de données, SIG…) dans un cadre convivial !

L’ACRO a créé l’Observatoire Citoyen de la radioactivité dans l’environnement, un réseau de surveillance basé sur la vigilance des citoyens, riverains ou non d’installations nucléaires. Les deux principaux volets sont le suivi des niveaux de radioactivité le long du littoral normand et le suivi du tritium dans les eaux douces et les eaux de consommation. Dans les deux cas, il s’agit d’évaluer les répercussions des rejets d’effluents radioactifs des installations nucléaires dans l’environnement.

Vous pouvez participer à l’ensemble des opérations, des prélèvements dans l’environnement jusqu’à la valorisation des résultats, en passant par toutes les étapes de traitement et d’analyse des échantillons au sein du laboratoire de l’ACRO. L’équipe sera présente pour assurer un encadrement technique et scientifique qui vous permettra d’acquérir, ou de perfectionner différents savoirs et savoir-faire, certains étant propre à notre domaine d’activités (analyses par spectrométrie gamma et scintillation liquide), d’autres étant plus universels (préparation d’échantillons, gestion de bases de données, SIG, sites internet…).

Par votre implication au sein de l’Observatoire Citoyen vous acquerrez de nouvelles compétences qui vous seront profitables.

Si vous êtes intéressés, contactez-nous au plus vite !