Mesures radiologiques au Fort de Vaujours

A la demande de la division de Paris de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, l’ACRO a effectué des mesures radiologiques dans le fort de Vaujours (77). Celui-ci a servi, pendant des années, à l’expérimentation des explosifs nucléaires par le CEA. La société Placoplatre, qui exploite une mine de gypse à proximité, souhaite y étendre ses activités.

L’ACRO a été sollicitée suite à une divergence de vue entre le collectif Sauvons la Dhuis et différents protagonistes, au sujet de l’existence ou non d’une anomalie radiologique autour d’un point (point CEA-1) situé dans le couloir d’accès à une casemate de tir (TC1).

Il est important de noter qu’il s’agissait d’un exercice de mesures pluraliste et non d’une expertise des lieux.

Cet exercice s’est déroulé le mardi 25 février 2014, entre 14h30 et 19h30, en présence de nombreuses personnes, parmi lesquelles un Huissier de Justice et des représentants de l’ASN Paris, du collectif Sauvons la Dhuis, de l’ACRO, de la CRIIRAD, de l’IRSN-SIAR et de la société PLACOPLATRE propriétaire des lieux.

Sur site, l’ACRO disposait de 5 instruments de mesure portables, permettant la détection des rayonnements alpha, bêta et X-gamma ainsi que d’un spectromètre gamma portatif (seul instrument permettant l’identification de radionucléides).

Des constats dressés au cours de cet exercice, il ressort qu’il existait bien une anomalie radiologique au point singulier en question. Les mesures faites par l’ACRO à l’aide d’un contaminamètre ont en effet mis en évidence une augmentation du niveau de rayonnement à l’endroit visé. Mais la découverte par l’ACRO d’un fragment radioactif est l’élément déterminant de cette démonstration.

En effet, constatant, au cours de l’exercice que la source de rayonnement s’était déplacée, une recherche a alors été entreprise par l’ACRO qui nous a permis de découvrir un fragment métallique de quelques millimètres de section.

Les premières investigations menées sur site, à l’aide de la spectrométrie gamma de terrain, ont permis à l’ACRO de montrer que ce fragment radioactif contient de l’uranium extrait de son minerai, et donc de nature anthropique.

Les mesures réalisées sur place ont été confirmées par des analyses complémentaires réalisées ces derniers jours au laboratoire de l’ACRO.

Ainsi les analyses par spectrométrie gamma à haute résolution montrent que le fragment collecté contient de l’uranium manufacturé (identification des isotopes de l’U-235, U-238 et U-234) de nature non appauvri (rapport isotopique naturel entre l’U-238 et l’U-235). L’activité totale du fragment est estimée à environ 1630 Bq. Cette activité ramenée à la faible masse du fragment (0,09 g) est très largement au dessus de l’activité massique de matériaux naturels.

Pour finir, rappelons que l’approche était limitée ici à un exercice de mesures comparatives sur trois points litigieux. En ce sens, il ne constitue pas et ne peut constituer une caractérisation radiologique fine du bâtiment sur laquelle on pourrait s’appuyer pour affirmer l’absence de risque d’exposition (notamment de contamination interne) pour des travailleurs qui auraient à procéder au démantèlement du fort.

L’ensemble des résultats des mesures réalisées par l’ACRO est présenté dans les deux rapports consultables ci-dessous :

Les irradiations médicales ne sont pas inoffensives

Communiqué ACRO du 02/07/13

L’ACRO pratique régulièrement une veille scientifique concernant les risques liés aux radiations ionisantes. Aujourd’hui, l’association souhaite attirer l’attention des médias et de l’opinion sur une nouvelle étude scientifique qui concerne les irradiations médicales et leurs conséquences potentielles. Cette étude met en évidence une augmentation de 24% de l’incidence des cancers chez les enfants qui ont subi un ou plusieurs scanners. Elle met aussi en évidence l’apparition de ces effets à partir d’une dose voisine de 4,5 millisieverts (4,5 mSv), ce qui est dix fois plus faible que ce qui est communément admis.

 Une équipe de recherche australienne de l’Université de Melbourne vient de publier[1], dans le prestigieux British Medical Journal, une étude cherchant à évaluer le risque de cancer chez les jeunes enfants et les adolescents ayant subit des examens diagnostiques par scanner. Cette étude porte sur les expositions de scanographies reçues par des jeunes âgés de 0 à 19 ans durant la période allant de 1985 à 2005 et suivis jusqu’en décembre 2007.

Les auteurs observent une augmentation de +24% de l’incidence des cancers apparus au sein de la cohorte « exposée », composée de 680 221 individus, par rapport à une cohorte témoin de jeunes n’ayant pas subi de scanners. Cette sur-incidence de cancers est tout à fait significative sur le plan statistique et elle augmente parmi les classes d’âge plus jeune (+35% parmi la classe d’âge de 1 à 4 ans). L’étude met aussi en évidence que le risque de cancers augmente avec la dose. Cela constitue également un argument de poids lorsque l’on cherche à établir une telle relation de causalité.

Les cancers pris en compte correspondent à ceux enregistrés sur la période de suivi qui est de 9,5 ans en moyenne pour l’ensemble de la cohorte. Les chercheurs ne peuvent donc, à ce stade, déterminer les conséquences sur la vie entière des individus ayant fait l’objet de ces examens de scanographie. Compte-tenu de ce que l’on connaît des délais d’apparition des cancers radio-induits, il est raisonnable de penser que cet excès devrait s’amplifier.

Cette étude survient moins d’un an après la publication[2], dans The Lancet, d’une étude anglaise qui a fait couler beaucoup d’encre dans la presse spécialisée.

Mark S Pierce et al ont mené cette étude rétrospective sur une cohorte de 178 604 patients (issus de 81 services hospitaliers de Grande Bretagne), sur la période 1985-2002, ayant globalement subit 283 919 scanners. Les chercheurs ont étudié précisément les expositions (doses à la moelle osseuse et au cerveau) dues aux examens scanographes et reçues avant l’âge de 22 ans. Ils ont, bien-entendu, aussi pris en compte une période de latence.

Les auteurs mettaient en évidence que plus la dose de scanographie estimée était élevée, plus le risque de développer un cancer du cerveau ou une leucémie était élevé.

En outre, en répartissant la cohorte des jeunes exposés en deux groupes de niveaux de dose, ils démontraient un risque relatif 3 fois plus élevé des leucémies, d’une part, et des cancers du cerveau, d’autre part, dans le groupe des individus ayant reçu les doses plus élevées.

Ces études se distinguent des études précédentes qui cherchaient à estimer, de façon pronostique, le risque de cancer lié à des examens radiologiques sur la base de modèles de risque. Il s’agit bien ici de cancers effectifs diagnostiqués et non de cancers « théoriques ».

Les modèles de risque actuellement utilisés reposent encore largement sur le suivi des survivants de Hiroshima et Nagasaki pour lesquels la relation dose / risque de cancer est établie à partir de 50 mSv et plus.

Dans l’étude australienne la dose moyenne liée à un examen scanographique est de 4,5 mSv. C’est donc 10 fois moins que le niveau de dose pour lequel un risque accru de cancer est établi. Dans l’étude anglaise, les doses sont établies plus précisément et sont du même ordre de grandeur. Il faut souligner l’importance numérique de la cohorte des personnes exposées de l’étude australienne.

Ces données scientifiques nouvelles constituent une réponse à tous ceux qui, en lien avec les accidents de Tchernobyl et de Fukushima, tentent de présenter la valeur de 100 mSv comme un seuil d’innocuité ou, tout du moins, comme une valeur en-dessous de laquelle aucun effet des radiations ionisantes ne serait observable. Ellesnous confortent dans la bataille que l’ACRO mène de longue date pour un nouvel abaissement des limites réglementaires, tant pour les travailleurs exposés que pour le public.

Par ailleurs, sur le plan médical, sans remettre en cause l’intérêt que représentent les outils diagnostiques mettant en œuvre des rayonnements ionisants, il est essentiel que les actes prescrits soient pleinement justifiés et que tout soit mis en œuvre pour réduire les doses délivrées, tout particulièrement en radiologie pédiatrique.

L’ACRO est régulièrement sollicitée par des patients inquiets devant subir des examens mettant en œuvre des rayonnements ionisants. En réponse à ces questionnements, nous avons publié dans la revue l’ACROnique du nucléaire (n°101 de Juin 2013) un article dans lequel nous faisons le point sur cette question des expositions médicales et des risques associés et au terme duquel nous développons en 8 points précis notre point de vue.

 

Liens vers les études :

http://www.bmj.com/content/346/bmj.f2360

http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2812%2960815-0/abstract

 


[1] John D Mathews et al. Cancer risk in 680 000 people exposed to computed tomography scans in childhood or adolescence: data linkage study of 11 million Australians. British Medical Journal, published online may 22, 2013.

[2] Mark S Pearce et al.Radiation exposure from CT scans in childhood and subsequent risk of leukaemia and brain tumours : a retrospective cohort study.The Lancet,published online june 7, 2012.

Etude des niveaux de tritium dans les eaux souterraines du Centre de Stockage de la Manche

ACROnique du nucléaire n°102

Résumé non technique

Le suivi de la qualité radiologique des eaux souterraines au droit du Centre de Stockage de la Manche (CSM) constitue un élément essentiel de la surveillance du site. A cette fin, les eaux prélevées à l’intérieur d’un puits de contrôle (piézomètre) se doivent d’être représentatives de l’aquifère concerné au moment du prélèvement.

Dans le cadre de la surveillance réglementaire du site, les prélèvements sont réalisés par l’ANDRA pour chaque piézomètre à une même profondeur, sans purge préalable de la colonne d’eau. Il existe donc une incertitude sur les données fournies par l’exploitant liée à la méthode de prélèvement retenue.

C’est pourquoi, la CLI du CSM a souhaité lancer une étude afin de déterminer si la contamination en tritium est homogène en fonction de la profondeur ou stratifiée et, par extension, de tester la méthode de prélèvement retenue par l’exploitant.

Cette étude a porté sur une sélection de 8 piézomètres dans lesquels un échantillonnage a été réalisé sur quatre profondeurs définies, dont celle sondée habituellement par l’exploitant.

Afin d’étudier l’influence éventuelle de la hauteur de nappe, dont les variations décrivent un cycle annuel, les prélèvements ont été renouvelés chaque trimestre pendant une année.

L’étude réalisée sur l’année 2012 montre que :

Sept piézomètres étudiés sur huit présentent une stratification notable des niveaux de tritium sur l’ensemble de sa colonne d’eau. Les différences observées peuvent atteindre un facteur 87 entre deux profondeurs successives et un facteur 250 le long d’une même colonne d’eau. Cette stratification varie au cours de la l’année.

Cette constatation montre qu’un prélèvement à une profondeur donnée, comme le fait l’exploitant, ne peut être représentatif de l’aquifère étudié et n’apporte donc qu’une information partielle de la situation radiologique présente.

Toutefois si l’existence avérée d’une non homogénéité des niveaux de tritium le long d’une même colonne d’eau a pu être mis en évidence ici, un tel phénomène reste difficile à interpréter. Une poursuite du travail sur une période plus longue complétée par des investigations complémentaires sur un nombre plus important de strates pourrait permettre d’affiner ces premières conclusions.

Pour voir l’intégralité de l’étude ACRO, réalisée à la demande de la Commission Locale d’Information du Centre de Stockage de la Manche, cliquez ici
Pour voir la présentation faite devant la Commission Locale d’Information du Centre de Stockage de la Manche, cliquez ici
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Concentration anormale en tritium dans l’eau de mer à proximité de l’usine Areva

ACROnique du nucléaire n°101

Communiqué de presse

Peut-on supporter le coût d’une catastrophe nucléaire majeure ?

ACROnique du nucléaire n°101

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Communiqué du 10 décembre 2012

En cette période de débat sur l’énergie et sur les coûts associés, l’ACRO souhaite attirer l’attention du public sur une étude de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) passée inaperçue : un accident nucléaire majeur en France pourrait coûter 430 milliards d’euros.

L’IRSN a présenté au forum Eurosafe (http://www.eurosafe-forum.org) une évaluation du coût financier d’un accident « sévère » et d’un accident « majeur ».

  • L’accident sévère étudié consiste en une fusion d’un cœur de réacteur et de rejets radioactifs qui ne sont pas considérés comme « massifs ». Le nombre de personnes forcées à évacuer dans le scénario étudié ne serait que de l’ordre de 3 500. Coût estimé : 120 milliards d’euros. 47% de ce coût seraient dus à l’impact sur l’industrie touristique et agro-alimentaire dont l’image serait détériorée.
    A titre de comparaison, une catastrophe comme celle d’AZF ou la marée noire de l’Erika, a coûté de l’ordre de 2 milliards d’euros.
  • L’accident majeur étudié consiste aussi en la fusion d’un seul cœur de réacteur, mais associée à des rejets massifs cette fois-ci, entraînant l’évacuation de 100 000 personnes. 160 000 ont été déplacées par la catastrophe nucléaire de Fukushima.
    La facture pour le pays s’élèverait à 430 milliards d’euros cette fois-ci. C’est plus de 20% du PIB d’une année ou plus de 10 ans de croissance économique. C’est plus que le budget de l’Etat français. L’étude IRSN met les conséquences d’une telle catastrophe au même niveau qu’un conflit régional, sans préciser ce qu’elle entend par là.

L’IRSN souligne qu’il y a de grosses incertitudes à propos de ces coûts, mais que l’estimation n’est pas conservative et a plutôt tendance à sous-estimer la réalité. Elle ne concerne, de plus, que la France alors que plusieurs pays européens pourraient être affectés par des rejets radioactifs massifs.

Rappelons qu’à Fukushima, il y a eu fusion totale de trois cœurs de réacteur et que, 80% des rejets radioactifs sont allés vers l’océan.

Pour mettre en perspective cette étude, il nous paraît important de rappeler que, selon une estimation de l’Institut d’économie de l’Académie des sciences du Belarus, l’ensemble des dommages financiers entraînés par la catastrophe de Tchernobyl, qui couvrent une période de réhabilitation de 30 ans, s’élèvent à 235 milliards de dollars américains (soit 175 milliards d’euros) pour ce seul pays. D’autres pays ont été fortement touchés. Le budget de la santé n’a pas cessé d’augmenter depuis les premières années et a atteint 54,32 milliards de dollars américains (soit 40 milliards d’euros) pour la période 2001-2015. Le coût total pour cette même période s’élève à 95 milliards de dollars (70 milliards d’euros)[1]. Il est trop tôt pour connaître le coût total de la catastrophe nucléaire au Japon, mais les premières estimations dépassent les 200 milliards d’euros.

L’Autorité de Sûreté Nucléaire l’a dit, on ne peut pas exclure une catastrophe nucléaire majeure en France. Le risque économique incommensurable que fait peser l’industrie nucléaire sur notre pays doit donc absolument être pris en compte dans le débat en cours.

L’ACRO, qui est intervenue de nombreuses années dans les territoires contaminés de Biélorussie et qui suit la catastrophe de Fukushima au jour le jour, peut témoigner que les conséquences humaines et sociales de ces catastrophes sont aussi terribles.

L’ACRO demande à l’IRSN de mettre en ligne, en français, ses études complètes sur le sujet et pas seulement un résumé en anglais sur un site spécialisé.

Sources :

• Résumé :

http://www.eurosafe-forum.org/userfiles/file/Eurosafe2012/Seminar%202/Abstracts/02_06_Massive%20releases%20vs%20controlled%20releases_Momal_final.pdf

• Présentation :

http://www.eurosafe-forum.org/userfiles/file/Eurosafe2012/Seminar%202/02_06_Eurosafe%202012%20-%20Momal%20-%20short.pdf

[1] Department for the Mitigation of the consequences of the Catastrophe at the Chernobyl NPP of the Ministry for Emergency Situations of the Republic of Belarus, A quarter of a century after the Chernobyl catastrophe: outcomes and prospects for the mitigation of the consequences, Minsk 2011

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