Communiqué du 10 décembre 2012
En cette période de débat sur l’énergie et sur les coûts associés, l’ACRO souhaite attirer l’attention du public sur une étude de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) passée inaperçue : un accident nucléaire majeur en France pourrait coûter 430 milliards d’euros.
L’IRSN a présenté au forum Eurosafe (http://www.eurosafe-forum.org) une évaluation du coût financier d’un accident « sévère » et d’un accident « majeur ».
- L’accident sévère étudié consiste en une fusion d’un cœur de réacteur et de rejets radioactifs qui ne sont pas considérés comme « massifs ». Le nombre de personnes forcées à évacuer dans le scénario étudié ne serait que de l’ordre de 3 500. Coût estimé : 120 milliards d’euros. 47% de ce coût seraient dus à l’impact sur l’industrie touristique et agro-alimentaire dont l’image serait détériorée.
A titre de comparaison, une catastrophe comme celle d’AZF ou la marée noire de l’Erika, a coûté de l’ordre de 2 milliards d’euros. - L’accident majeur étudié consiste aussi en la fusion d’un seul cœur de réacteur, mais associée à des rejets massifs cette fois-ci, entraînant l’évacuation de 100 000 personnes. 160 000 ont été déplacées par la catastrophe nucléaire de Fukushima.
La facture pour le pays s’élèverait à 430 milliards d’euros cette fois-ci. C’est plus de 20% du PIB d’une année ou plus de 10 ans de croissance économique. C’est plus que le budget de l’Etat français. L’étude IRSN met les conséquences d’une telle catastrophe au même niveau qu’un conflit régional, sans préciser ce qu’elle entend par là.
L’IRSN souligne qu’il y a de grosses incertitudes à propos de ces coûts, mais que l’estimation n’est pas conservative et a plutôt tendance à sous-estimer la réalité. Elle ne concerne, de plus, que la France alors que plusieurs pays européens pourraient être affectés par des rejets radioactifs massifs.
Rappelons qu’à Fukushima, il y a eu fusion totale de trois cœurs de réacteur et que, 80% des rejets radioactifs sont allés vers l’océan.
Pour mettre en perspective cette étude, il nous paraît important de rappeler que, selon une estimation de l’Institut d’économie de l’Académie des sciences du Belarus, l’ensemble des dommages financiers entraînés par la catastrophe de Tchernobyl, qui couvrent une période de réhabilitation de 30 ans, s’élèvent à 235 milliards de dollars américains (soit 175 milliards d’euros) pour ce seul pays. D’autres pays ont été fortement touchés. Le budget de la santé n’a pas cessé d’augmenter depuis les premières années et a atteint 54,32 milliards de dollars américains (soit 40 milliards d’euros) pour la période 2001-2015. Le coût total pour cette même période s’élève à 95 milliards de dollars (70 milliards d’euros)[1]. Il est trop tôt pour connaître le coût total de la catastrophe nucléaire au Japon, mais les premières estimations dépassent les 200 milliards d’euros.
L’Autorité de Sûreté Nucléaire l’a dit, on ne peut pas exclure une catastrophe nucléaire majeure en France. Le risque économique incommensurable que fait peser l’industrie nucléaire sur notre pays doit donc absolument être pris en compte dans le débat en cours.
L’ACRO, qui est intervenue de nombreuses années dans les territoires contaminés de Biélorussie et qui suit la catastrophe de Fukushima au jour le jour, peut témoigner que les conséquences humaines et sociales de ces catastrophes sont aussi terribles.
L’ACRO demande à l’IRSN de mettre en ligne, en français, ses études complètes sur le sujet et pas seulement un résumé en anglais sur un site spécialisé.
Sources :
• Résumé :
• Présentation :
http://www.eurosafe-forum.org/userfiles/file/Eurosafe2012/Seminar%202/02_06_Eurosafe%202012%20-%20Momal%20-%20short.pdf
[1] Department for the Mitigation of the consequences of the Catastrophe at the Chernobyl NPP of the Ministry for Emergency Situations of the Republic of Belarus, A quarter of a century after the Chernobyl catastrophe: outcomes and prospects for the mitigation of the consequences, Minsk 2011