Tritium dans la Loire : résultats de l’étude de l’IRSN à Saumur, en aval de Chinon

L’IRSN a publié le rapport de son étude de la dispersion du tritium dans la Loire en aval de la centrale nucléaire de Chinon (lien direct). Voici les commentaires de l’ACRO publiés en annexe du rapport.


La surveillance citoyenne des rejets radioactifs des installations nucléaires mise en place par l’ACRO – avec des associations partenaires dans le cas du bassin de la Loire – a pour but de répondre à des questions ignorées par la surveillance officielle. C’est pourquoi les prélèvements se font souvent dans des lieux jamais investigués par ailleurs et dans des conditions différentes, tout en respectant la rigueur scientifique et les normes, du prélèvement à la mesure.

La concentration en tritium de 310 Bq/L mesurée par l’ACRO dans un échantillon prélevé le 21 janvier 2019 dans la Loire depuis le milieu du pont Cessart à Saumur est particulièrement élevée par rapport à ce qui est mesuré par ailleurs. Un tel résultat demandait des investigations et l’ACRO est très satisfaite de l’ampleur de la réponse officielle. C’est particulièrement le cas de la présente étude qui a coûté l’équivalent de trois années de budget de l’association.

La principale conclusion de l’étude est de confirmer qu’il n’y a pas de bon mélange des rejets en tritium sur plus de 20 km en aval de la centrale nucléaire de Chinon, comme l’ACRO l’avait déjà montré dans sa note publiée le 6 octobre 2020. L’hypothèse de bon mélange était pourtant bien ancrée dans les esprits et est sous-jacente aux autorisations de rejet. Dans sa note datée du 17 octobre 2019, l’IRSN avait, sur cette base, mis en cause notre « méthodologie du prélèvement » qui n’aurait pas été effectué dans la « zone de bon mélange ».

La présente étude clôt le débat et personne ne sait situer la zone de bon mélange sur laquelle repose la réglementation liée aux rejets.

La principale conséquence est que, la plupart du temps, la station multi-paramètres d’EDF, qui sert aussi à l’IRSN, ne détecte pas les rejets radioactifs de la centrale de Chinon qu’elle est supposée surveiller ! Et, comme le souligne l’IRSN, elle ne peut donc pas détecter d’éventuels rejets non maîtrisés. Une telle situation est d’autant plus inquiétante que le tritium se retrouve dans l’eau de distribution en aval des installations nucléaires le long de la Loire et la Vienne.

Enfin, la principale valeur ajoutée de cette étude est la modélisation de la dispersion des rejets radioactifs dans le fleuve. Dès les premiers échanges sur ce projet d’étude, en février 2020, l’ACRO avait suggéré de ne pas se limiter au pont Cessart et d’utiliser aussi d’autres ponts en amont pour étudier les transects. L’association soulignait aussi l’intérêt d’effectuer également des prélèvements à différentes profondeurs, afin de mieux appréhender la dispersion verticale et de faire des simulations numériques préalables afin de mieux déterminer les points de prélèvement pertinents pour contraindre les modèles.

Les résultats présentés dans cette étude sont indispensables pour comprendre le comportement des rejets, mais la modélisation ne peut, en aucun cas, remplacer un système de surveillance performant.

Enfin, l’ACRO a apprécié la mise en place et le fonctionnement du comité de suivi de l’étude. Elle espère que les parties prenantes seront associées à la suite des investigations et mesures correctives, car les questions ouvertes restent nombreuses. Il est important que le contrôle des rejets par l’exploitant et l’IRSN soit effectif. Il y a aussi un besoin de beaucoup plus de transparence sur les rejets. Enfin, des actions sont nécessaires pour réduire l’impact sur l’eau de distribution.

Sans la surveillance mise en place par les associations locales et l’ACRO, toutes ces questions n’auraient pas été soulevées. Ces organisations vont donc poursuivre leur surveillance citoyenne des rejets des installations nucléaires dans le bassin de la Loire.


Publications ACRO sur le tritium dans le bassin de la Loire :

  • Contamination anormalement élevée à Saumur en janvier 2019 : du tritium à 310 Bq/L dans la Loire, 18 juin 2019
  • Du tritium dans l’eau potable ! Plus de 6 millions de français sont concernés.
    Quelle eau potable en cas d’accident nucléaire grave ?, 17 juillet 2019
  • Surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement autour des installations nucléaires de la Loire et de la Vienne, 6 octobre 2020
  • Tritium dans la Loire : la surveillance officielle défaillante, 1er juillet 2021

Tritium dans la Loire : la surveillance officielle défaillante

Depuis que l’ACRO a étendu son observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement au bassin de la Loire et de la Vienne, les choses bougent. La mesure, en janvier 2019, de 310 Bq de tritium par litre d’eau de la Loire à Saumur, à une vingtaine de kilomètres en aval de la centrale de Chinon a déclenché une vaste étude menée par l’IRSN qui conduit les autorités à admettre que les rejets radioactifs ne se diluent pas comme prévu dans le fleuve.

Repartons du début : les quatre réacteurs de la centrale de Chinon sont autorisés à rejeter 80 TBq de tritium par an dans la Loire, soit environ 4 fois plus que ce qui devrait être rejeté chaque année à Fukushima. Lors de ces rejets, EDF doit veiller à ce que la concentration moyenne sur 24h, en supposant un bon mélange dans l’eau du fleuve, ne dépasse pas 80 Bq/L. Ce bon mélange est très théorique et personne ne peut dire à quelle distance de la centrale il a lieu. Localement, au niveau de la station de mesure multiparamètres, située à 6,5 km en aval du point de rejet, l’activité volumique mesurée dans l’environnement ne doit pas dépasser, en moyenne sur une heure, 280 Bq/L à mi-rejet et 140 Bq/L en moyenne journalière (décision n°2015-DC-0528 de l’ASN).

Ainsi, quand l’ACRO a mesuré 310 Bq/L à Saumur, à environ 20 km en aval de la centrale de Chinon, ces valeurs étaient largement dépassées. Pourtant rien d’anormal n’avait été relevé au niveau de la station multiparamètres aval… L’ASN et l’IRSN ont donc cherché à comprendre en lançant une étude au niveau du pont Cessart de Saumur, exactement là où l’échantillon particulièrement contaminé a été prélevé. Le coût global pour l’IRSN de cette étude est supérieur à 650 000€ !

L’IRSN a installé des préleveurs automatiques de part et d’autre du pont. Elle a aussi fait faire des prélèvements manuels depuis le pont afin d’étudier la dispersion latérale de la pollution au tritium. Les premiers résultats ont été présentés à un comité de suivi auquel l’ACRO participe. Il en ressort que le mélange est, la plupart du temps, imparfait au niveau du pont Cessart à Saumur, comme l’ACRO l’avait déjà montré en octobre 2020. La contamination en rive gauche est généralement caractéristique de l’eau de la Vienne et celle en rive droite de l’eau de la Loire dans laquelle les rejets de Chinon ne sont pas encore bien mélangés.

L’IRSN a aussi accès aux informations détaillées concernant les rejets de toutes les installations nucléaires sur la Loire et la Vienne ce qui lui permet de confronter les mesures à la modélisation de l’impact des rejets radioactifs. A l’aide du code utilisé habituellement, basé sur un modèle à une dimension, il arrive à expliquer les concentrations observées en changeant les hypothèses de mélange en fonction des circonstances. Cela signifie que l’institut ne peut pas prédire le comportement de la pollution, juste interpréter ce qui est mesuré.

L’IRSN a aussi confronté les résultats des mesures d’EDF au niveau de sa station multiparamètres avec ses modèles. Il en ressort que, très souvent, cette station ne détecte pas les rejets de Chinon, qui passent, en majorité, de l’autre côté de l’île située en face de la station (voir les images satellite ci-dessous) ! Il lui arrive aussi de ne même pas détecter le tritium rejeté par les centrales en amont. L’IRSN l’explique par les eaux du Cher et de l’Indre qui se jettent dans la Loire en amont de Chinon et qui ne se seraient pas encore bien mélangées.

La station multiparamètres d’EDF ne surveille donc pas bien les rejets de Chinon. Contraindre les rejets par une concentration maximale à ce niveau n’est donc pas très contraignant !

EDF est consciente du problème et elle mène des études qui « [contribuent] à alimenter la réflexion sur l’amélioration de la représentativité du point de prélèvement de la surveillance aval »… Elle a aussi reconnu, lors de la réunion du 22 mars 2021 du comité de suivi, que ce problème concerne aussi St Laurent des Eaux et parfois Belleville.

L’IRSN a aussi développé, pour l’occasion, un modèle à deux dimensions de la dispersion du tritium afin de mieux appréhender les variations transversales de concentration dans l’eau du fleuve. Il arrive à reproduire les concentrations mesurées à une distance suffisante du point de rejet, sauf pour le fameux prélèvement de janvier 2019. Le modèle montre bien que la concentration était la plus forte au centre du fleuve, exactement là où les préleveurs ont collecté l’échantillon, mais avec une valeur de 80 Bq/L environ, alors que l’on a mesuré 4 fois plus (310 Bq/L). Un tel écart pourrait être expliqué par une erreur dans la détermination de la quantité de tritium rejeté, comme cela a eu lieu le 22 septembre 2020, sans que la station multiparamètres ne le voit.

En conclusion, sans la surveillance citoyenne mise en place par les associations locales et l’ACRO, tous ces problèmes seraient restés méconnus. Les autorités doivent mieux contraindre les rejets d’EDF et imposer une surveillance plus stricte.

Pour pouvoir continuer cette surveillance indépendante des rejets des installations nucléaires,
adhérez à l’ACRO ou faites un don.

Surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement autour des installations nucléaires de la Loire et de la Vienne

L’ACRO et le collectif de préleveurs Loire Vienne à Zéro nucléaire (LVZn) publient ce jour un nouveau bilan de leur surveillance citoyenne du tritium dans l’eau du bassin de la Loire et de la Vienne à retrouver sur le site de l’ACRO (acro.eu.org). Cet élément radioactif, rejeté par intermittence par les cinq centrales nucléaires situées sur ces cours d’eau, se retrouve dans les écosystèmes et l’eau de consommation.

Cette surveillance citoyenne fait apparaître deux points saillants :

• En aval de la centrale nucléaire de Dampierre, la concentration en tritium dans la Loire a dépassé la limite de qualité pour les eaux de consommation fixée à 100 Bq/L. Les résultats de la surveillance d’EDF font état de valeurs proches, alors que l’autorisation de rejet limite à 80 Bq/L en moyenne la concentration en tritium dans l’eau du fleuve.

• A Saumur, en aval de toutes les installations nucléaires situées sur la Loire et la Vienne, on retrouve presque systématiquement du tritium dans l’eau du fleuve et dans l’eau du robinet. La valeur la plus élevée détectée à ce jour reste celle du 21 janvier 2019, avec 310 Bq/L dans la Loire, qui a déjà été rendue publique en juin 2019. L’ASN a exclu un incident à la centrale de Chinon ayant entraîné un rejet anormal ce jour-là. Après avoir exclu l’existence d’une autre source de contamination, l’IRSN a, dans une note datée du 17 octobre 2019, mis en cause la « méthodologie du prélèvement » qui n’aurait pas été effectué dans la « zone de bon mélange ».

Les investigations supplémentaires que nous avons effectuées montrent qu’il n’y a pas de « bon mélange » à Saumur, contrairement à ce qui est admis. La contamination en tritium sur la rive gauche est encore influencée par les eaux de la Vienne et celle en rive droite, par les eaux de la Loire.

Le 21 janvier 2019, EDF n’a relevé que 32,8 Bq/L au niveau de son hydro-collecteur, situé en amont de la confluence avec la Vienne, soit environ 10 fois moins que nous. Il est donc fort probable qu’il n’y avait non plus de « bon mélange » dans l’eau de la Loire et que l’hydro-collecteur ne permet donc pas de suivre correctement les rejets de la centrale de Chinon.

Ainsi, ce ne sont donc pas les prélèvements qui doivent être remis en cause, mais la modélisation effectuée par l’IRSN et la surveillance effectuée par EDF.

Dans un rapport pas encore publié sur son site Internet, mais transmis à la CLI de Chinon le 1er octobre 2020 (ce rapport est désormais public : lien direct, copie), l’IRSN corrobore nos observations : « L’homogénéisation des concentrations en Loire des rejets liquides du CNPE de Chinon n’est pas atteinte en toutes circonstances au niveau de sa station de surveillance aval. En conséquence, il est fortement pressenti que la mesure du 21 janvier 2019 traduise la persistance jusqu’à Saumur de concentrations de tritium hétérogènes consécutives aux rejets liquides du CNPE de Chinon ». Ce n’est donc pas notre « méthodologie de prélèvement » qui est en cause ! De plus, selon ce rapport, entre mai 2018 et mai 2019, l’hydro-collecteur en question, qui sert à EDF et à l’IRSN, n’a détecté les rejets de Chinon que de la « fin juillet 2018 à début novembre 2018 ». Le reste du temps, les « mesures effectuées à cette station sont essentiellement représentatives des contributions des CNPE amont ». Ce dysfonctionnement n’aurait pas été découvert sans la surveillance citoyenne effectuée par l’ACRO et le collectif de préleveurs !

Communiqué au format pdf

Tous les résultats de la surveillance citoyenne de la radioactivité dans le bassin de la Loire sont dans notre rapport :

 

acronique du nucléaire #126, septembre 2019

  • Agir avec l’ACRO.
  • Surveillance citoyenne de la radioactivité dans les eaux de la Loire et de la Vienne : contamination anormalement élevée à Saumur en janvier 2019, communiqué commun avec le collectif Loire Vienne Zéro nucléaire du 17/06/2019.
  • La Loire, un fleuve classé au patrimoine de l’Unesco, surveillé par l’ACRO.
  • Tritium dans l’eau potable : plus de 6 millions de français concernés (…), communiqué ACRO du 17/07/2019.
  • Rumeurs et mises au point de l’ACRO
  • Revue de presse.

 

Contamination anormalement élevée à Saumur en janvier 2019 : du tritium à 310 Bq/L dans la Loire

Surveillance citoyenne de la radioactivité dans les eaux de la Loire et de la Vienne : contamination anormalement élevée à Saumur en janvier 2019

Plusieurs associations du bassin de la Loire réunies dans le Collectif Loire Vienne Zéro Nucléaire ont mis en place en 2017, avec le laboratoire indépendant de l’ACRO, un suivi de la radioactivité dans les cours d’eau et dans l’eau de consommation. Un premier bilan est publié ce jour.

Le principal radioélément retrouvé dans les eaux de la Loire et de la Vienne est le tritium, hydrogène radioactif, rejeté en grande quantité par les centrales nucléaires. Les rejets se cumulent tout au long du fleuve et en aval, la présence de tritium est quasiment systématique. On le retrouve aussi dans les eaux de consommation.

A Châtellerault, sur la Vienne, par exemple, les eaux de la rivière et de consommation sont contaminées à chaque prélèvement mensuel depuis décembre dernier, à des niveaux qui peuvent atteindre 50 becquerels par litre (Bq/L). C’est la centrale nucléaire de Civaux qui en est à l’origine.

A Saumur, en aval des cinq centrales nucléaires sur la Loire et la Vienne, la présence de tritium est quasi systématique aussi bien dans le fleuve que dans les eaux de consommation. En janvier 2019, la concentration en tritium dans l’eau de la Loire a atteint 310 Bq/L, qui est une valeur anormalement élevée : beaucoup plus que les valeurs publiées par EDF et plus que le seuil d’alerte de 100 Bq/L dans l’eau potable qui doit déclencher des investigations. Aucune autorité compétente n’a détecté ni évoqué cette pollution anormale.

Est-ce dû à un incident ? Le Collectif Loire Vienne Zéro Nucléaire et l’ACRO alertent donc les autorités et demandent une enquête pour déterminer l’origine de cette valeur exceptionnelle

La présence quasi systématique de tritium dans les eaux en aval des installations nucléaires nous inquiète. Les consommateurs devraient avoir droit à une eau non contaminée. En application des articles 1, 3, 4 et 5 de la Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1 mars 2005 relative à la Charte de l’environnement, nous demandons aux autorités que tous moyens soient mis en place pour ramener les taux de tritium dans l’eau de rivières et des nappes phréatiques à une valeur proche du « bruit de fond » afin de ne pas porter atteinte à l’environnement, et d’autre part pour éliminer totalement ce radioélément dans les eaux destinées à la consommation.

Les effluents contaminants  ne sont pas déversés en continu mais ponctuellement et massivement dans la Loire et la Vienne. Pour une information complète du public, nous demandons qu’EDF publie les dates et heures de ses largages d’eau contaminée déjà effectués et leur caractérisation (volume, mesures de radioactivité,…). Surtout, nous demandons qu’une coordination soit mise en place entre EDF et les organismes qui prélèvent l’eau de rivière et des nappes avoisinantes afin d’anticiper l’interruption des captages durant les périodes de rejet et de réduire ainsi la contamination de l’eau de consommation.

Ces résultats montrent tout l’intérêt de la surveillance citoyenne qui va être renforcée. Nous comptons sur votre soutien !

CP commun 18.06.19

Tous les résultats de la surveillance citoyenne de la radioactivité dans le bassin de la Loire sont dans notre rapport :

Réactions officielles :

– juin 2019 :

Dans une note d’information publiée le 19 juin 2019, l’ASN écarte toute conséquence sanitaire mais cherche l’origine du résultat inhabituel, car elle n’a pas eu connaissance d’événements anormaux à cette période. Le vendredi 21 juin, l’ASN a aussi mené une inspection inopinée à la centrale de Chinon, la plus proche de Saumur, mais n’a pas trouvé d’anomalie pour le moment. Voir la lettre de suite : lien direct, copie.

Dans sa note d’information publiée le 20 juin (copie), l’IRSN précise que sa surveillance durant les dix dernières années n’a pas permis de mettre en évidence une activité de l’ordre de 310 Bq/L. Et d’ajouter que le niveau mis en évidence par l’ACRO n’est pas un niveau habituel et son origine doit être recherchée.

Le Haut Comité pour la Transparence et à l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) a bousculé l’ordre du jour de sa séance plénière du jeudi 27 juin (copie) pour ajouter, notamment, un point d’actualité sur le tritium dans la Loire.

– juillet 2019 :

Le 19 juillet, l’IRSN a publié une nouvelle note d’information (copie) qui présente le résultat de ses premières investigations. L’Institut a exploré 3 pistes :
• Rejet exceptionnel / rejet non concerté entre les différentes installations d’EDF : aucun rejet exceptionnel ou aucun incident d’exploitation susceptible d’accroitre significativement le niveau de tritium des rejets liquides sur le bassin versant de la Loire n’a été reporté par EDF.
• Une autre source de tritium : le rejet aurait été dû être localisé en aval de Chinon et de Civaux mais en amont de Saumur. A ce jour, l’Institut ne dispose pas d’information sur une possible source de tritium.
• Le prélèvement de l’ACRO est ponctuel alors que la surveillance de l’IRSN est basée sur une moyenne sur 24h. Est-ce qu’un moins bon mélange du tritium peut expliquer cette valeur élevée ? Le code de dispersion de l’IRSN prend pour hypothèse une dilution parfaite des rejets dans la totalité du volume de dilution de chaque section du fleuve et ne permet pas de conclure. L’Institut continue ses recherches.

– octobre 2019 :

Le 17 octobre 2019, l’ASN et l’IRSN ont simultanément publié des notes d’informations sur le tritium.

L’ASN précise qu’elle a poursuivi ses investigations pour comprendre l’origine de cette valeur de 310 Bq/L : elle a “analysé une nouvelle fois les registres réglementaires remis par EDF [et] n’a relevé aucune anomalie concernant les modalités de rejets des centrales concernées sur la période considérée. Les calculs de dilution font état d’une activité moyenne de 60 à 80 Bq/L en aval de la confluence Vienne/Loire le 21 janvier 2019.” Mais ces calculs sont basés sur des valeurs moyennes.

“L’ASN a également interrogé les autres exploitants d’installations industrielles détentrices de sources de tritium et échangé avec son homologue pour la Défense (ASND) et la Direction générale de la santé.”

L’IRSN a repris (lien direct vers la note, copie) les trois hypothèses qu’elle avait émises en juillet et tente d’y apporter une réponse :

  • incident lors du processus de rejet : cette hypothèse est écartée, suite, notamment, aux investigations de l’ASN ;
  • rejet par une autre source qu’EDF : cette hypothèse est aussi désormais écartée car aucun émetteur potentiel n’a pu être trouvé entre Chinon et Saumur ;
  • “problème lié à la méthodologie de prélèvement” comme l’annonce l’IRSN ou problème de modélisation ? Les prélèvements effectués par l’IRSN au moyen d’hydrocollecteurs “produisent une information moyennée sur un mois”. Ils ne permettent donc pas de détecter des pics de pollution. Ceux d’EDF “fournissent des mesures de concentration de tritium journalières, voire horaires”, mais ces données détaillées ne sont pas publiques. Impossible de vérifier. Selon l’IRSN, l’écart entre un prélèvement ponctuel comme effectué par l’ACRO et un prélèvement intégré sur 1 ou 24 heures devrait être faible. Mais le graphe qui vient en appui de cette affirmation est basé sur un calcul, pas sur des données de mesure.
    L’IRSN suggère donc que l’ACRO a effectué un prélèvement en dehors de la “zone de bon mélange”. La modélisation des rejets radioactifs dans un cours d’eau est complexe et l’IRSN, dans ses calculs, fait l’hypothèse qu’il y a un “bon mélange” entre les eaux rejetées et celle du fleuve, tout en reconnaissant que ce n’est pas toujours le cas. Dans les faits, les systèmes de surveillance peuvent détecter des concentrations plus faibles ou plus élevées que modélisé. L’Institut conclut que : “A la date de détection par l’ACRO du pic de concentration à Saumur, la principale source d’écart entre la mesure issue de la surveillance régulière et le modèle serait à attribuer principalement à un retard dans l’homogénéisation des rejets issus de la centrale de Chinon”. Le problème vient donc de la modélisation qui suppose une homogénéisation rapide, mais le titre de l’IRSN met en cause la “méthodologie de prélèvement”, ce qui n’est pas acceptable.
    L’IRSN ajoute qu’il “compte approfondir ses investigations, en lien avec l’ASN. L’Institut projette d’effectuer une campagne de prélèvement dans des conditions aussi proches que possibles de celles ayant conduit à la mesure de 310 Bq/L à Saumur (en hiver, dans une période de basses eaux).” On verra comment il fait pour repérer la “zone de bon mélange”
    A noter que l’IRSN saura à l’avance quand la centrale de Chinon effectue ses rejets, ce qui n’est pas le cas de l’ACRO, puisque cette information n’est pas publique.

A notre connaissance, EDF n’a pas encore officiellement réagi.

Octobre 2020 :

Le 6 octobre 2020, l’ACRO et le réseau de préleveurs du collectif Loire Vienne Zéro nucléaire ont publié un nouveau bilan de leur surveillance citoyenne du tritium dans l’environnement dans lequel ils présentent les investigations complémentaires effectuées pour comprendre la dilution des rejets radioactifs dans la Loire. Il apparaît qu’à Saumur, il n’y a pas de « bon mélange », contrairement à ce qui est admis. La contamination en tritium sur la rive gauche est encore influencée par les eaux de la Vienne et celle en rive droite, par les eaux de la Loire. Le 21 janvier 2019, EDF n’a relevé que 32,8 Bq/L au niveau de son hydro-collecteur, situé en amont de la confluence avec la Vienne, soit environ 10 fois moins que nous. Il est donc fort probable qu’il n’y avait non plus de « bon mélange » dans l’eau de la Loire et que l’hydro-collecteur ne permet donc pas de suivre correctement les rejets de la centrale de Chinon.

Ainsi, ce ne sont donc pas les prélèvements qui doivent être remis en cause, mais la modélisation effectuée par l’IRSN et la surveillance effectuée par EDF.

Dans un rapport pas encore publié sur son site Internet, mais transmis à la CLI de Chinon le 1er octobre 2020, l’IRSN corrobore nos observations : « L’homogénéisation des concentrations en Loire des rejets liquides du CNPE de Chinon n’est pas atteinte en toutes circonstances au niveau de sa station de surveillance aval. En conséquence, il est fortement pressenti que la mesure du 21 janvier 2019 traduise la persistance jusqu’à Saumur de concentrations de tritium hétérogènes consécutives aux rejets liquides du CNPE de Chinon ». Ce n’est donc pas notre « méthodologie de prélèvement » qui est en cause ! De plus, selon ce rapport, entre mai 2018 et mai 2019, l’hydro-collecteur en question, qui sert à EDF et à l’IRSN, n’a détecté les rejets de Chinon que de la « fin juillet 2018 à début novembre 2018 ». Le reste du temps, les « mesures effectuées à cette station sont essentiellement représentatives des contributions des CNPE amont ». Ce dysfonctionnement n’aurait pas été découvert sans la surveillance citoyenne effectuée par l’ACRO et le collectif de préleveurs !

Octobre 2020 – Janvier 2022

L’IRSN a effectué une grande étude de la dispersion du tritium dans la Loire en aval de la centrale nucléaire de Chinon, avec la mise en place d’un comité de suivi auquel l’ACRO a participé. Le rapport final a été publié en janvier 2022. Cette étude, qui se base sur un millier de mesures et de la modélisation, confirme que, la plupart du temps, la station multi-paramètres d’EDF, qui sert aussi à l’IRSN, ne détecte pas les rejets radioactifs de la centrale de Chinon qu’elle est supposée surveiller !

Les commentaires de l’ACRO, publiés en annexe du rapport, sont ici.