Nucléaire : un « cycle » du combustible grippé – Note d’information

Fierté française, le « recyclage » des combustibles nucléaires usés, affiche une piètre performance après 56 ans de développements industriels. En effet, seul le plutonium, soit moins de 1% de la masse des combustibles usés, repasse en réacteur sous forme de combustible Mox. Et ces combustibles Mox ne sont pas retraités après irradiation et s’entassent dans les piscines de La Hague proches de la saturation. Comme le plutonium a une forte valeur énergétique, cela permet de réduire d’un peu moins de 10% la consommation de combustibles à l’uranium naturel enrichi.

Mais, ces dernières années, un changement de procédé à l’usine Mélox a grippé le « cycle » car les pastilles de combustibles Mox qui y sont produites n’ont pas l’homogénéité requise. Les rebuts sont renvoyés à La Hague, sans solution pour le moment. Et là aussi cela sature.

Une étude des données publiées tous les ans par l’ANDRA dans ses inventaires de déchets et matières radioactifs permet d’avoir une idée de l’ampleur du problème. Plongeons-nous dans les chiffres.

Pour en savoir plus, lire la note d’information de l’ACRO :

D’où vient l’uranium importé en France ? Note d’information

Depuis 2001, année de la fermeture de sa dernière mine, la France importe tout son uranium. Pour savoir d’où il vient et en quelle quantité, il faut prendre en compte toute la chaîne de transformations chimiques et nucléaires entre la mine et le réacteur, qui est complexe, et retracer ensuite les échanges commerciaux. Car l’uranium voyage beaucoup et change de pavillon en cours de route. Et le manque de transparence n’aide pas…

Pour en savoir plus, lire la note d’information de l’ACRO.

Résumé :

Depuis 2001, année de la fermeture de sa dernière mine, la France importe tout son uranium. D’où vient-il ? Difficile de répondre car, entre les mines et les réacteurs, l’uranium voyage beaucoup pour subir un ensemble de transformations chimiques et nucléaires, et change alors de pavillon. Aux Etats-Unis, l’administration publie un rapport annuel complet sur les flux d’uranium et les coûts associés. Euratom publie des données au niveau européen. Mais rien de tel en France et il faut fouiller sur internet pour trouver des données, malheureusement incomplètes.

L’uranium naturel est composé essentiellement de deux isotopes, l’uranium-238 et l’uranium-235 auxquels s’ajoutent des traces d’uranium-234. Seul l’uranium-235 est fissible, mais sa teneur naturelle n’est que de 0,72%. Or, la grande majorité des réacteurs nucléaires de production d’électricité utilisent un combustible dont la teneur en uranium-235 a été enrichie entre 3 et 5%. Il faut donc séparer physiquement les deux principaux isotopes de l’uranium naturel après une série de conversions chimiques, pour obtenir, d’un côté, de l’uranium enrichi à partir duquel le combustible est fabriqué et de l’uranium appauvri qui a très peu de débouchés. L’enrichissement est donc une étape stratégique pour l’industrie nucléaire avec seulement 4 acteurs majeurs : Rosatom en Russie couvre 46% de la production mondiale ; Urenco, avec des usines au Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas et Etats-Unis, détient 30% des parts de marché ; Orano, avec une usine en France, 12% et CNNC en Chine, 11%. Ce dernier ne fournit que la Chine, dont le marché est fermé. Le marché russe est aussi fermé aux enrichisseurs occidentaux, mais Rosatom fournit aussi l’occident, en plus du marché national.

In fine, les assemblages de combustible utilisés par EDF sont fabriqués par sa filiale Framatome, dans ses usines françaises et allemandes et par Westinghouse, dans ses usines en Suède et au Royaume-Uni.

Orano, exploite des mines d’uranium situées au Canada, Kazakhstan, Niger et Ouzbékistan et a des participations dans d’autres mines dont il n’est pas l’exploitant. Mais la compagnie enrichit de l’uranium provenant de presque tous les pays producteurs d’uranium et fournit une soixantaine de clients dans le monde. D’après Le Monde, quatre pays, à savoir le Kazakhstan (20,1 %), l’Australie (18,7 %), le Niger (17,9 %) et l’Ouzbékistan (16,1 %), lui ont fourni les trois quarts de l’uranium naturel importé entre 2005 et 2020.

Entre 1956 et 2003, le parc nucléaire français a eu besoin de 173 837 tonnes d’uranium naturel, soit 11,5% de la demande mondiale, selon le « Red book » de l’OCDE. EDF s’approvisionne auprès d’Orano, qui lui fournit actuellement 40 % de son combustible, d’Urenco et de Tenex, la filiale de Rosatom. Entre 2009 et 2012, années pour lesquelles des données précises sont disponibles, Tenex a enrichi 28% de l’uranium consommé par EDF. Même après l’invasion de l’Ukraine, EDF continue ses achats en Russie, selon le Canard Enchaîné (7/12/2022), alors qu’elle pourrait se fournir ailleurs.

Sans la Russie, impossible de réutiliser une partie de l’uranium récupéré lors du retraitement des combustibles usés. Et, pour sauver le mythe du recyclage, l’industrie nucléaire est prête à s’assoir sur la résolution du parlement européen qui « invite les États membres à mettre un terme à toute collaboration avec la Russie dans le domaine nucléaire, en particulier avec Rosatom et ses filiales ».


Mise à jour du 13 mars 2023

Le 11 mars, Greenpeace a publié un rapport sur les flux d’uranium entre la Russie et la France qui vient compléter notre travail. Il a eu un plus grand impact médiatique que le nôtre…

Dans sa réponse aux médias, EDF ne nie pas l’importation d’uranium enrichi en provenance de Russie tout en opposant le “caractère confidentiel” du détail de ses approvisionnements. Elle précise cependant qu’elle n’a pas “augmenté sa part d’enrichissement de son uranium naturel non russe réalisé en Russie en 2022 par rapport à 2021”.

Et comme l’uranium n’est pas concerné par les sanctions européenne, la compagnie a beau jeu d’affirmer appliquer “strictement toutes les sanctions internationales et/ou les restrictions liées à la non-obtention d’autorisations administratives requises, tout en respectant les engagements contractuels pris”. Et donc elle ne va pas rompre ses contrats avec la Russie, même si son partenaire occupe la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia. Les 16 engagements Responsabilité Sociétale d’Entreprise d’EDF, qui incluent « l’éthique et les droits humains », ne pèse pas bien lourd, comme nous l’avions déjà souligné.

Le prix du recyclage des combustibles nucléaires usés

Orano le clame sur son site Internet : « le recyclage permet de récupérer jusqu’à 96 % de matière valorisable dans un combustible usé : 1 % de plutonium, et 95 % d’uranium. Les 4 % restant sont des produits de fission, des déchets ultimes non valorisables. » Il faudrait ajouter les rejets dans l’environnement suivi par l’ACRO… Le plutonium (1%) est recyclé sous forme de combustible MOx. Mais, on a beau fouiller sur le site, la compagnie ne dit rien du recyclage de l’uranium. EDF n’est pas beaucoup plus disert sur l’utilisation de l’uranium de retraitement. Il faut vraiment chercher sur son site Internet pour trouver des bribes d’information.

Pourquoi ces cachoteries ? A peine 2% de l’uranium extrait des combustibles lors des opérations de retraitement (URT) ont été recyclés à ce jour… Et c’était avant 2013, à la centrale de Cruas dans la Drôme. Depuis, plus rien. Il faut dire que cet uranium de retraitement doit être envoyé en Russie pour y être réenrichi où les normes environnementales et de radioprotection sont moins contraignantes. Ainsi, les effluents produits lors de la purification de l’uranium étaient directement injectés dans le sol… Cela fait mauvais genre pour une énergie prétendue propre ! Les contrats ont donc été suspendus en 2013.

Pour sauver le mythe du recyclage, EDF a signé un nouveau contrat de 600 millions d’euros avec la Russie en 2018. Et, promis, cette fois-ci les effluents issus de la purification de l’uranium français seront vitrifiés. Le premier chargement dans un réacteur d’uranium de retraitement réenrichi (URE) est prévu pour 2023. L’invasion de l’Ukraine n’a en rien altéré les plans de la compagnie et une cargaison est arrivée discrètement à Dunkerque le 28 novembre 2022. Greenpeace a permis sa médiatisation.

Les exactions et les crimes de guerre commis par la Russie en Ukraine n’ont pas remis pas en cause les liens avec Rosatom, l’entreprise d’Etat russe en charge du complexe militaro-industriel nucléaire, directement associée à la prise en otage la centrale ukrainienne de Zaporijjia. Des armes y sont entreposées. Les troupes d’occupation n’y respectent pas les règles de sûreté et ont miné le site. Le personnel ukrainien y est persécuté – certains auraient même été torturés. Tenex, le partenaire russe d’EDF qui réenrichit l’uranium de retraitement, est une filiale de Rosatom…

Si EDF rompait ses contrats avec Rosatom, c’en serait fini du recyclage de l’uranium qui devrait alors être classé en déchet ultime. Pour le moment, il est toujours considéré comme matière « valorisable ». Rappelons, qu’il pèse pour 95% des combustibles usés. Alors, entre l’Ukraine et le mythe du recyclage, EDF a choisi. L’industrie nucléaire se comporte donc comme les industries fossiles.

Mais, rassurez-vous, les 16 engagements Responsabilité Sociétale d’Entreprise d’EDF incluent « l’éthique et les droits humains ». Pour cela, la compagnie a déployé un Plan de Vigilance « pour prévenir d’éventuelles atteintes graves aux personnes et à l’environnement qui pourraient être causées par les activités de l’entreprise ou par celles de ses relations commerciales. » Dans son document intitulé Droits humains et libertés fondamentales, Santé et sécurité, Environnement, Ethique des affaires : les engagements et exigences du Groupe EDF, il est écrit que « le Groupe EDF ne tolère aucune atteinte au respect des droits humains et libertés fondamentales dans ses activités propres. Il veille à ce que cela soit également le cas s’agissant d’activités de tiers lorsque celles-ci sont exercées dans le cadre d‘une relation d’affaires avec le Groupe EDF. Le Groupe EDF s’engage à respecter et demande à ses relations d’affaires de respecter, a minima les standards internationaux de protection et de défense des droits humains et des libertés fondamentales, et en particulier la charte internationale des droits de l’homme de l’ONU et les conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail […]. Le Groupe EDF s’engage à accorder une attention particulière aux impacts de ses activités sur les personnes reconnues comme vulnérables par le droit international des droits de l’homme, et demande à ses relations d’affaires d’y accorder la même attention.

Le Groupe EDF s’engage à enquêter en toute transparence, impartialité et bonne foi sur toute allégation d’atteinte aux droits humains ou liberté fondamentale liée aux activités exercées par les entités du Groupe, prestataires et sous-traitants.

Si une atteinte aux droits humains ou libertés fondamentales est avérée dans le cadre de ses activités, le Groupe s’engage à dialoguer avec les victimes et/ou leurs représentants en vue de remédier à la situation. »

Ouf ! Tout va bien…

Les déchets radioactifs polluent déjà l’environnement en Belgique

Le magazine #Investigation de la télévision publique belge (La Une) a commandé des analyses de la radioactivité à l’ACRO pour son documentaire intitulé, “Déchets nucléaires, l’éternel problème”, à voir ou à revoir en ligne et diffusé le 9 décembre 2020. Les résultats détaillés sont dans le rapport d’analyse.

Il apparaît que tous les échantillons prélevés autour du site Umicore à Olen et le long de la rivière Molse-Nete sont contaminés à des niveaux inhabituels pour l’environnement.

Le long de la Molse-Nete, les analyses par spectrométrie gamma que nous avons effectuées ont mis en évidence trois radioéléments artificiels : le césium-137, le cobalt-60 et l’américium-241. On trouve du césium-137 partout dans l’environnement suite aux essais nucléaires atmosphériques et à l’accident de Tchernobyl. Mais les niveaux relevés près de la Molse-Nete, qui varient de 830 à 5 250 Bq par kilogramme de matière sèche, sont beaucoup plus élevés que ce l’on trouve habituellement dans l’environnement. Le cobalt-60 n’est généralement pas présent dans l’environnement, sauf dans les zones influencées par l’industrie nucléaire. Enfin, s’il y a de l’américium-241, il doit aussi y avoir du plutonium que l’on ne peut pas détecter avec notre appareil qui ne mesure que le rayonnement gamma. Là encore, les niveaux relevés, allant de 397 à 2 740 Bq/kg sec, sont très élevés.

La présence de ces radioéléments à de tels niveaux signe un impact de l’installation nucléaire proche qui n’est pas étanche. On peut comparer ces niveaux aux seuils d’exemption de la directive 2013-59 Euratom du 5 décembre 2013 qui sont de 100 Bq/kg pour le césium-137 et l’américium-214. Même en prenant en compte l’humidité des sols, les niveaux relevés dépassent ce seuil. Si ce seuil ne s’applique pas à l’environnement, cela signifie, que si un échantillon présentait une telle contamination dans une installation nucléaire, il serait considéré comme un déchet radioactif qui ne peut pas être banalisé. Le site devrait donc être assaini !

Lire l’article de la RTBF sur le sujet pour comprendre le contexte.

Pour l’échantillon prélevé à Olen, près de la décharge D1 d’Umicore, on note surtout la présence de radioéléments d’origine naturelle à des niveaux beaucoup plus élevés que ce que l’on trouve généralement dans l’environnement. Il s’agit donc de radioéléments naturels concentrés concentrés du fait de pratiques humaines qui constituent, là encore, une pollution. Et les niveaux relevés pour les descendants de l’uranium-238 dépassent aussi le seuil d’exemption de la directive 2013-59 Euratom du 5 décembre 2013 qui est de 1 000 Bq/kg. Ce site aussi devrait être assaini.

Lire cet autre article de la RTBF sur le sujet pour comprendre le contexte.


Ce documentaire a provoqué de nombreuses réactions et la RTBF a effectué une mise au point le 12 décembre 2020 afin de rétablir certains faits.

核燃料—ある芳しくない現状

ACROにおいてオリジナルを元に、日本の読者のために言葉を補足あるいは削除して翻訳した上で、新たな情報を加えて内容をアップデートした。オリジナルの報告書のサイト
翻訳者:内山田 康

出典:「原子力資料情報室通信」539号、8ー11頁(2019年5月1日)
PDF file

フランスはその58基の原子炉を稼働させるために、年によって変動はあるものの、およそ1200トンの核燃料を必要とする。その主要な部分は、天然ウランから新たに作られた核燃料である一方、原子炉から取り出された使用済み燃料をリサイクルしたMOXが占める割合は極めて小さい。HCTISN[原子力安全の透明性と情報に関する高等委員会]は、フランスにおける核燃料の管理の実情についての報告書を公表したところであり(HCTISN 2018)、ACROはこれに積極的に取り組んできた。

現場の状況

ウラン235は天然に存在する唯一の核分裂性同位体であるが、それはウラン238が大部分を占める天然ウランには0.7 %しか含まれていない。フランスの原子炉は濃縮ウランを使い、そのウラン235の存在比はほぼ4 %に保たれている(HCTISN 2018: 19)。濃縮ウランを作った残りの天然ウランは劣化ウランとなる。

58基の原子炉からなるフランスの原子力発電所では、毎年およそ1200トンの燃料を消費するが、そのうち1080トンの濃縮ウランは、天然由来のものである。複数の企業によって行われているこの濃縮は、毎年およそ7800トンの天然ウランを必要とし、典型的にウラン235を0.2 %から0.3 %含む6720トンの劣化ウランを生み出し続けている。オラノ(旧アレヴァ)に蓄積されたその量は30万トンを超える。

核燃料は原子炉内に4年間滞在する。原子炉から取り出された使用済み燃料には、二つの可能な戦略が存在する。すなわち、

  • 何もしない。使用済み燃料は、究極の放射性廃棄物とされ、それはそれ以後数千年にわたって隔離して保管されねばならない。
  • 何年もの間貯蔵された後で「再処理」する。この過程において、使用済み燃料は溶解されて、未使用のウラン、いわゆる回収ウラン、プルトニウム、究極の廃棄物に分離される。

第一の選択は、大多数の国によって選ばれている。第二の選択は、フランス、ロシア…ほぼこれだけだ。英国は2020年に再処理を中止すると宣言しているし、日本は使用済み燃料を再処理する意志を表明しているが、その六ヶ所再処理工場の稼働はすでに24年も遅れることが明らかになっている。

現在フランスで、使用済み燃料からプルトニウムを抽出してリサイクルする政策を選択している。すなわち、毎年、平均10.8トンのプロトニウムを109.2トンの劣化ウランと混合して、120トンのMOX燃料が作られている。

これはフランスの24基の原子炉で使用される燃料の30%程度にしかならない。だから24基もの原子炉が必要なのである。これらは、クリュアス原子力発電所の4基の原子炉を除き、より古く過渡的な電気出力900 MWeである。原子炉で一度使用されたMOX燃料は、再処理されない。オラノは、ラ・アーグに10,000トンに迫る使用済みMOX燃料を保管している。

したがってHCTISNの報告書は次のことを明らかにしている。すなわち:
「原子炉に毎年挿入される1200トンの燃料のうち、120トンがMOX燃料であり、それは10.8トンのリサイクルされたプルトニウムから製造される。
もしも、リサイクルされた物質の量を見積もるならば、(挿入された物質の総量)1200トンに対する(リサイクルされた物質)10.8トンの比率となり、つまりリサイクルの比率は1%未満に過ぎないことを認めなければならない。
もしも、物質の持つ潜在的なエネルギーを考慮に入れるならば、濃縮天然ウランから作られた新しい燃料が節約される割合は、(燃料の総量)1200トンに対する(リサイクルに由来する燃料)120トンの比率、つまりそれは10 %のリサイクル率を表象する。」

以前EDF[フランス電力]は、わずかな部分ではあったが、回収ウランをリサイクルしていた。しかし今では止めている。会社は詳細については語らないまま、このリサイクルを再開すると公表している。オラノは30,000トンに迫る量の在庫を抱えており、その大部分はトリカスタンのサイトに保管されている。

サイクル?

原子炉から取り出された[使用済み燃料の]1 %未満しかリサイクルされていないにも拘わらず、原子力産業と公的諸機関は、フランスの戦略は「閉じたサイクル」であると語る。再処理しないもう一つのオプションは、「開かれたサイクル」の問題であり、それは物笑いの種と紙一重であるとも語る。それはまたサイクルの上流と下流に拘わる問題だ。もしも、それが真に閉じたサイクルだったならば、それには上流も下流もないだろう。

原子力産業は自らの能力に誇りを持っている。すなわち極めてエネルギーに富むプルトニウムは、天然ウランを10%節約することができる。しかし、ウランを濃縮する際に優先されるのは「経済的な最適化」であって、資源の節約ではない。もしも、劣化ウランに含まれるウラン235の含有量が0.20 %であるならば、フランスの原子力発電所に合計7,436トンの天然ウランを供給しなければならない。しかし、もしもその含有量が0.30 %であるならば、それは9,002トンでなければならない。この場合の差異は17%以上となる。ところで、含有量が少なくなるほどウラン235を取り出すためにかかる費用は高くなる。天然ウランの市場価格が安ければ、天然ウランをより多く使用する方がより優位であり、高ければ劣化ウランをさらに[濃縮して]劣化させる方が、より優位となる。原子力産業界は経済的な最適化に専心し、資源の節約はその関心事ではない。よって、再処理の目的は、天然資源の使用を節約することではないのである。

どんな中期的な進化があるのか?

2015年8月18日の法令資料に掲載された「エネルギー転換との増大に関する法律」は、中長期的な目標として、2025年には原子力による発電の割合を50%にすると見通しを立てている。たとえこの2025年の見通しが実現できなかったとしても、現在の多数派政権は、 MOX燃料を使用する、より古い原子炉の使用を止めて原子力の割合を減らす目標を変えていない。

よって、この法律の施行はリサイクルの量を減らすことにつながり、それはさらにラ・アーグの再処理工場の稼働にも影響を与えるだろう。だが、この主題はタブーとなっている。EDFはこの主題について2016年6月に作成された「サイクルのインパクト2016」というタイトルの調査結果をASN[原子力安全局]に提出した。IRSN[放射線防護原子力安全研究所]は、これについて専門家による評価を行い、それは2018年5月に提出された。ACROはこの二つの報告書を手に入れるために力を尽くしたが、EDFの報告書は秘密のままであり、IRSNは2018年5月にその報告書の一部を伏せた別バージョンを公表したが、ほとんど全ての数字は黒塗りになっている。

しかし、ACROはこの文書が漏洩したためにIRSNによる分析結果を手に入れることができた。そして、複数ある使用済み燃料の貯蔵プールが、飽和状態に近づいていることを明らかにした。すなわち、フランスの使用済み燃料の再処理の全てを引き受けるラ・アーグには、あと7.4%を超える余裕しか無いのだ。使用済みMOX燃料が蓄積する結果、2030年頃には複数の使用済み燃料の貯蔵プールは飽和状態になるだろう。EDFはそれまでに中央集権化した一つの新しい貯蔵プールを造ろうとしているが、それが上手くいかなければ、フランスの原子力発電所は停止しなければならなくなる。

もしも MOX燃料を消費する古い原子炉が停止した場合、この法律により、その分の再処理は減らさねばならない。そして普通の核燃料が貯蔵プールの飽和に拍車をかける。再処理工場あるいは MOX燃料の製造工場において故障が起きた時、これらの貯蔵プールはおよそ一年で飽和するだろう。

このようにして、フランスの原子力産業は、国の72%の発電を担うものの、極めて脆弱なシステムである。これら貯蔵プールが飽和したならば、それは短期間のうちに全ての原子力発電所の完全な停止と国家にとっての深刻な困難に帰結するだろう。これは極めて憂慮すべきことだ。

評価を与えられていない物質

300,000トンの劣化ウラン、10,000トンの再処理されていない使用済み燃料、それに30,000トンの回収ウランは、「価値を高める物質」とされ、廃棄物として分類されていない。EDFは回収ウランを濃縮あるいはリサイクルに使いたいと言っているが、劣化回収ウランには使い道がない。

原子力産業と国の諸機関は、この在庫はフランスをクウェートと同じくらいに豊かにする宝だと考えている。SFEN[フランス原子力学会]も同じ無尽蔵のエネルギーについて語る。しかしそこにはある小さな問題、一つの些細な問題がある。これら全ての物質の技術を持っていないのだ。ならばそれを探すか。それはほとんど1世紀をむなしく費やすこととなる。

実際この研究はすでに、2006年6月28日の放射性物質および放射性廃棄物の持続可能な管理計画法の中の目的に含まれ、長期的には第四世代の原子炉として展開されている。この計画はと呼ばれており、最も楽観的な者でさえ、その実用化は今世紀の後半よりも前になるとは考えていない。

これは高速中性子炉(RNR)に関わるものであり、それはスーパーフェニックスがやろうとしていたことを1世紀遅れてやろうとしている。それが技術として大きな期待をかけられていたことは知っての通りだ。

しかし、もしも第四世代を放棄するならば、高い価値を与えた廃棄物中の諸物質のほぼ全てを分類し直す必要があり、また全ての報告を見直す必要がある。ASTRIDを信頼する人々がどれだけ少なくなろうとも、彼らはそれを守ろうとしている。したがって、ACROとFNE(「フランス自然環境」という名の数多くの環境NGOからなる協会)とグリーンピースは次のように主張する。

「この(高速炉に関する)ほとんど実現されなかった約束に基づいて、核物質と核廃棄物に関するフランスの管理政策を確立することには合理性がない。第四世代を必要としない別の管理の方法を提案することが必要だ。(…)

放射性廃棄物の中のいわゆる価値を高めうる諸物質を(廃棄物として)再分類することは、放射性廃棄物の管理に重大なインパクトを与えるだろうし、それは準備されねばならないことだ。フランスでは海外から持ち込まれた放射性廃棄物を保管することは禁じられている。海外(主に日本とドイツ)から送られてきた「価値を高めうる諸物質」は、それぞれの元国へ送り返されたら廃棄物になるのだろうか。(日本由来の「価値を高めうる諸物質」のうち95%を占める回収ウランは、廃棄物として分類されていないために、フランスに保管されている。しかし、回収ウランは実際のところ価値を持たないから日本はそれを送り返せとは言わないのではないか。)

情報公開

原子力の管理者たちは、使用済み燃料の95%がリサイクル可能だと強弁するが、それを実現する技術が存在しないことについては何も言わない。それは1%にも満たないのだ。

2010年と時と同様に、HCTISNはより明確な報告を要求したが、今のところ何の音沙汰もない。すなわち:

「しかし高等委員会は、原子力業界および「核燃料サイクル」に利害をもつ団体によって公開された情報と文書は、実施されている「核燃料サイクル」を明確に理解できるようには書かれていないと指摘する。「核燃料サイクル」に関する報告では、しばしば使用済み燃料の再処理で分離された諸物質の全てが、直ちに価値が高められるかのように 、解釈されている。例えば複数の報告において回収ウランの濃縮が根拠として取り上げられているが、それは2013年以降実施されていない。価値を高められうる物質の存在および保管についてはほとんど触れられることがない。結局、公開された諸要素からは、異なる段階にかかる時間を明確に理解することができない。」

よって、高等委員会は、「核燃料サイクル」に関与する産業と制度のアクターたちから構成される統一体が、より良い理解のために、以下のことについての情報を確認し完成させた上で、それぞれのサイトにおいて公表することを推奨する。

  • フランスで現実に行われている「核燃料サイクル」、特に流動的なものと、実際に価値を高められることを待つ貯蔵されているもの(使用済み燃料、再処理で分離された諸物質、劣化ウラン)、
  • 物質の利用と放射性廃棄物の管理に関わる利害をよりよく定義するための、特に次世代の未来のための「核燃料サイクル」の異なる諸段階に費やされる時間。」

結論

フランスは使用済み燃料を再処理する最後の国である一方で、この主題はタブーとなっている。再処理工場の重要性の低下は避けられないが、そのことは秘密となっている。さらに、施設は永続的に利用されるものではない。普通の核燃料を再処理する場合にかかる余分なコストもまた公表されていない。

核燃料サイクルと廃棄物に関するこの主題は議論に値する。すなわち、もしも現世代が問題について知識を持たなくなったら、未来の世代をどうやって守るのか。原子力業界は伝えるべき論点を持たず、その報告書は秘密となっている。そこで業界は世界のリーダーとしての地位を強調して、ナショナリストの音色を響かせようとする。だがフランスはほぼ一人ぼっちなのだ。


ASTRIDはAdvanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration(工業的実証のための先進的ナトリウム技術原子炉)を意味し、それはスーパーフェニックスと同じ技術を使い、それが実現できなかったことをするための増殖炉プロジェクトである。それは工業化の段階の可能性を実証するという野心のためのものである。スーパーフェニックスの電気出力1240MWeに対して、当初このプロジェクトの出力は600MWeだった。しかし2018年の初めに、この事業を所有する原子力庁(CEA)は、財政上の理由から政府に対してその出力を下げることを提案した。2039年の稼働を予想していた600MWeの実証炉を建造することに代えて、今後は100〜200MWeに出力を下げたプロジェクトを想定している。その建造については何も決定していないが、その支持者たちは、今世紀後半に完成すると話している。


Rapport du HCTISN sur la gestion du combustible nucléaire

Le Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) vient de rendre public son rapport sur la gestion du combustible nucléaire en France. Même s’il est incomplet et présente encore des erreurs factuelles que nous avons signalées en vain, ce rapport apporte des informations nouvelles.

De plus, l’annexe signée de l’ACRO, FNE et Greenpeace ne correspond pas exactement au texte que nous avons envoyé :

Les associations signataires saluent la publication de ce rapport qui fait un bilan sur le combustible nucléaire, son utilisation, traitement et devenir, même s’il reste incomplet. Plusieurs questions sont sans réponse.
Il apparaît que moins de 1% des combustibles irradiés sont recyclés actuellement (0,9%) et il est abusif de parler de « cycle » et encore plus de « cycle fermé ». La terminologie « cycle ouvert » pour qualifier l’absence de cycle frise le ridicule. Par ailleurs, plus du tiers des combustibles usés issus des réacteurs à eau pressurisée d’EDF ne sont actuellement pas retraités, quarante ans après le premier déchargement.
Le combustible MOX n’est utilisé que dans les réacteurs les plus anciens. Leur arrêt progressif dans les années à venir va entraîner une baisse du retraitement et du taux de recyclage. Comme le rapport n’aborde pas cette évolution, nous demandons la publication complète du rapport « Impact Cycle 2016 » établi par EDF au nom également d’Orano Cycle et de l’Andra et du rapport d’expertise de l’IRSN sur le dossier. Nous regrettons de ne pas avoir été suivis par le Haut comité à la TRANSPARENCE et l’INFORMATION sur ce sujet.
La classification en matières valorisables des combustibles irradiés non traités et de l’uranium de retraitement repose sur une chimère, la génération IV de réacteurs nucléaires refroidis au sodium, un métal qui s’enflamme spontanément à l’air et qui explose dans l’eau. Le concept date des années 1950 et, s’il devait aboutir, aura fait l’objet de plus d’un siècle de recherches et développements. De plus, la puissance du projet de démonstrateur Astrid a été revue à la baisse. Il n’est pas raisonnable de bâtir la politique de gestion des matières et déchets nucléaires français sur cette promesse peu réaliste. Il est indispensable de présenter un plan de gestion alternatif sans génération IV.
Il en est de même pour les grands projets structurants, comme le centre d’enfouissement Cigéo, qui fait l’objet de fortes contestations et qui n’est pas encore qualifié. Là encore, il est important de travailler à un plan de gestion alternatif des déchets radioactifs.
Le reclassement des matières dites valorisables en déchets radioactifs aura un impact énorme sur la gestion des déchets radioactifs et doit être préparé. Il est interdit de stocker en France des déchets radioactifs d’origine étrangère. Est-ce que les matières valorisables d’origine étrangère devenues déchets seront renvoyées dans leur pays d’origine ?

Le rapport HCTISN.

Contamination au plutonium de travailleurs dans un centre de recherche nucléaire au Japon

5 employés d’un centre de recherche au Japon ont été contaminés par de la poudre de combustible nucléaire contenant de l’oxyde de plutonium et d’uranium.

Pour en savoir plus, voir notre site dédié à la catastrophe nucléaire au Japon, Fukushima.eu.org :

Un exercice d’expertise pluraliste autour des mines d’Uranium du Limousin

Pierre BARBEY, Représentant de l’ACRO au sein du GEP-Mines, ACROnique du nucléaire n°84, mars 2009


En juin 2006 est annoncée la création d’un « Groupe d’Expertise pluraliste autour des mines du Limousin » (GEP-Mines) qui tiendra sa première réunion les 29 et 30 juin 2006 à Bessines sur Gartempes.

La lettre de mission initiale (9 novembre 2005) adressée par le Ministère en charge de l’Ecologie et l’ASN indique que le « GEP aura pour mission d’apporter un regard critique sur les documents techniques relatifs à la surveillance des sites miniers de COGEMA, afin d’éclairer l’administration et l’exploitant sur les options de gestion et de surveillance des installations ». Le second point de la lettre de mission précise que « par ailleurs, le GEP s’attachera à formuler des recommandations visant à réduire les impacts des sites miniers sur les populations et l’environnement et à proposer des perspectives de gestion des sites à plus ou moins long terme, notamment par comparaison avec des industries de même nature ou des expériences étrangères ». Enfin, le GEP « participera à l’information des acteurs locaux et du public ».

Encadré n°1

Les associations impliquées dans le GEP-Mines :
• le GSIEN
• l’ACRO
• Sources et Rivières du Limousin
• Sauvegarde de la Gartempe

A noter également la participation d’Yves Marignac de WISE-Paris.

La CRII-RAD sollicitée dès l’origine par Annie Sugier a décliné l’invitation.

Les premiers mois de l’année 2006 ont été consacrés à l’exercice délicat (pour sa Présidente, Annie Sugier) de constitution du Groupe. Il associe principalement des experts institutionnels de l’ Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire  mais aussi de l’InVS (Institut de Veille Sanitaire), de l’exploitant AREVA, des experts étrangers, de nombreux chercheurs et universitaires ainsi que des experts associatifs [voir encadré n°1]. Des représentants de l’administration  (Direction Régionale de l’Industrie de la Recherche et de l’Environnement du Limousin, Autorité de Sureté Nucléaire et  Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire) assistent également aux réunions du GEP.

Le GEP a déjà produit trois rapports d’étapes et il poursuit actuellement ses travaux qu’il doit clore au 31 décembre 2009. Son rapport final est donc attendu pour janvier 2010.

Qu’est-ce qu’un GEP ?

Un GEP (Groupe d’expertise pluraliste) est un lieu de dialogue technique permettant à des experts scientifiques d’origine variée (institutionnels, industriels, associatifs, français et étrangers) d’émettre des avis à l’intention des pouvoirs publics, de collectivités locales ou territoriales ou encore de toute structure de concertation concernée. S’inspirant largement de l’expérience du GRNC (Groupe Radio-écologie du Nord-cotentin), au sein duquel l’ACRO s’est fortement impliquée, cette démarche de concertation a été principalement théorisée par Annie Sugier vers la fin 2004. Une note technique sur les modalités de mise en œuvre d’un GEP est disponible auprès de l’IRSN (département Ouverture à la Société).

Sa mise en place peut être sollicitée en particulier dans des contextes de polémiques ou de fort questionnement de populations face à une situation de risque industriel. Cette démarche peut aussi être intégrée à un processus de décision réglementaire (c’est le cas du GEP-Mines). Elle nécessite une lettre de mission des pouvoirs publics qui précisent le champ de la mission et apportent les moyens nécessaires à son exercice.

Le GEP travaille en toute transparence et, en général, il s’attache à intervenir régulièrement devant la structure de concertation locale (CLI ou autre). Il cherche à réaliser une analyse la plus exhaustive possible du dossier traité. Le consensus n’est pas recherché systématiquement et le rapport collectif qu’il produit doit expliciter les divergences de vue éventuelles. Ses avis et ses rapports destinés à l’entité qui délivre la saisine sont obligatoirement rendus publics.

Rappel sur l’histoire des mines d’Uranium en France

L’uranium est un métal présent naturellement dans l’écorce terrestre où il peut se rencontrer aussi bien dans des terrains granitiques que sédimentaires. La teneur moyenne en uranium des roches est de l’ordre de 3 g / tonne (3 ppm). Certaines régions présentent cependant des teneurs sensiblement plus élevées que la moyenne. C’est le cas notamment de certains massifs granitiques avec des teneurs de l’ordre de 10 à 20 g / tonne (10 à 20 ppm).GEP_mines1
En France, dès la création du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) en 1945, des équipes de prospection ont été montées pour trouver rapidement de l’uranium. La prospection de l’uranium s’opère sur la base des propriétés radioactives du minerai recherché (recherche à l’aide de radiamètres), en plus des techniques classiques de recherche minière.

A la fin des années 1940 – au début des années 1950, sont découverts les gisements d’Henriette, dans les massifs granitiques du Limousin (Massif Central), et ceux des Bois Noirs, dans les Monts du Forez.

A la fin des années 60, les principaux districts uranifères français sont découverts et les Divisions Minières, chargées de l’exploitation des gisements dans une même région (environ 1 000 km2), sont créées : Division Minière de la Crouzille dans le Limousin, de Vendée dans l’Ouest, du Forez, de l’Hérault.

Au sein de ce vaste ensemble, l’extraction du minerai d’uranium s’est effectuée sur des sites de taille variée, très proches ou relativement éloignés les uns des autres, tantôt par travaux miniers souterrains (TMS), tantôt par mine à ciel ouvert (MCO) selon la profondeur du gisement. Les minerais extraits des mines étaient envoyés sur une usine de traitement, généralement construite à proximité des sites d’extraction, pour transformation en un concentré d’uranium marchand, le “yellow cake”.

En France, près de 200 sites miniers et huit usines ont été exploités conduisant à une production totale de 76 000 tonnes d’uranium.

Les gisements français étaient assez petits et pauvres comparés aux gisements situés au Niger, Gabon, Australie et Canada. La fermeture généralisée des mines a été entamée à la fin des années 80. La dernière exploitation, à Jouac (Haute-Vienne), a cessé toute activité en 2001.
GEP_mines2Une prise en compte bien tardive des risques liés aux mines d’uranium

Cette phase de prospection intensive puis d’exploitation constitue une période euphorique qui peut faire penser à la ruée vers l’or. Dans ce contexte, les dégâts environnementaux engendrés et les risques sanitaires potentiels ne seront pas, et de loin, une des premières préoccupations des exploitants. Des stériles de mines, radioactifs, seront disséminés en de nombreux endroits, engendrant, de nos jours encore, des risques d’irradiations supplémentaires.

Même si le code minier a été appliqué, il faudra, en fait, attendre près d’un demi-siècle après le début de la prospection pour que ces préoccupations commencent à trouver un encadrement réglementaire. Les dispositions prises pour limiter les transferts de radionucléides vers la population sont entrées en application après l’adoption du décret n°90-222 du 9 mars 1990 qui a introduit une partie “protection de l’environnement” au Règlement général des industries extractives (RGIE). Quant à la présomption de responsabilité de l’exploitant, celle-ci a été affirmée en 1994.

La réglementation en matière d’impact radiologique et de surveillance de l’environnement (décret  du 9 mars 1990) a introduit le principe de « l’exposition ajoutée » qui correspond à la différence entre l’exposition due au site et l’exposition naturelle (sur le site et dans son voisinage avant le début des travaux).

La mise en place d’un dispositif de surveillance est généralement imposée à l’exploitant par arrêté préfectoral lors de la cessation d’activité.

Que ce soit pendant la période d’exploitation d’un site ou après son arrêt définitif, l’exploitant doit respecter des limites annuelles d’exposition ou d’incorporation définies à cette époque.

Encadré n° 2

Limites annuelles des expositions ajoutées fixées par le décret du 9 mars 1990 :

  • 5 mSv pour l’exposition externe ;
  • 170 Bq pour les émetteurs alpha à vie longue de la chaîne de l’uranium 238 présents dans les poussières en suspension dans l’air et inhalés,
  • 2 mJ d’énergie alpha potentielle pour les descendants à vie courte de radon 222 inhalé ;
  • 3000 Bq pour les émetteurs alpha à vie longue dans les poussières d’uranate, la quantité journalière de ces poussières inhalées n’excédant pas 2,5 mg ;
  • 7000 Bq pour le radium 226 ingéré ;
  • 2 g pour l’uranium ingéré, la quantité journalière des composés hexavalents pouvant être ingérée n’excédant pas 150 mg.

Le taux annuel d’exposition totale ajoutée (TAETA) est obtenu en faisant la somme des valeurs des composantes de l’exposition ajoutée (valeur d’exposition mesurée à la fermeture du site moins la valeur mesurée avant la mise en exploitation), rapportées à leurs limites annuelles respectives.

Le calcul du taux d’exposition considéré s’applique aux personnes du public les plus exposées et en se référant à la limite annuelle d’exposition de 5 mSv en vigueur à cette époque.

En octobre 2000 puis en janvier 2002, le ministère en charge de l’Environnement (DPPR) a demandé à COGEMA de vérifier le respect de la nouvelle limite de dose individuelle ajoutée de 1 mSv/an sur chacun de ses sites. Ceci en prévision de l’application du décret n° 2002-460 du 4 avril 2002 transposant en droit français une partie de la directive européenne n° 96/29/Euratom laquelle abaisse la limite annuelle d’exposition pour le public de 5 mSv/an à 1 mSv/an.

La gestion de l’après-mine

Si, comme nous l’avons indiqué précédemment, il n’y a plus en France (depuis 2001) d’exploitation de mines d’uranium, il n’en demeure pas moins une situation d’héritage qui devra être à gérer sur le long terme. Et les affaires médiatisées de Saint-Priest-La-Prugne et du lac de Saint-Pardoux sont là pour nous rappeler qu’il s’agit d’un héritage source de pollutions radioactives de l’environnement.

Tout comme pour la problématique des déchets radioactifs, notre société va laisser là encore un terrible cadeau empoisonné aux générations futures.

La gestion de l’après-mine concerne des volumes très importants de matériaux qui s’expliquent par les modes d’extraction de l’Uranium. Pour accéder aux minéralisations (filons), il fallait soit décaper la partie de roche stérile qui les recouvre (cas des mines à ciel ouvert), soit creuser des galeries dans cette même roche stérile si les minéralisations visées étaient en profondeur (cas des mines souterraines). Les roches situées à proximité d’un gisement, considérées comme stériles sur des critères économiques par l’exploitant minier, peuvent avoir une teneur moyenne plus élevée que des roches équivalentes dans un secteur dépourvu de gisement.

GEP_mines3
La distinction entre le minerai et les stériles se faisait sur la base de contrôles à l’aide de radiamètres [2]. Un second contrôle était effectué sur les camions pour trier les minerais selon leurs teneurs. Ce tri reste grossier et des blocs nettement radioactifs peuvent demeurer dans les stériles.

Les stériles sont soit stockés en tas, appelés verses, sur le terrain naturel à proximité des  lieux d’extraction, soit utilisés en remblais d’anciens travaux miniers. Ils ont en particulier été utilisés pour remplir et boucher les anciennes mines souterraines ou en dernière couche de fermeture de mines à ciel ouvert (juste en-dessous de la couche végétale). Cependant, la pratique de cession de ces matériaux (utilisés comme remblai ou de terrassement) à des entrepreneurs ou à des particuliers constitue une source d’exposition potentielle diffuse du public qui ne sera tracée (registre de cession) qu’à partir de 1984 et encadrée réglementairement depuis 1990.
Quant au minerai extrait, il est transporté dans des installations de traitement. Deux catégories de minerai ont été distinguées :
–    Les minerais à faible teneur [de l’ordre de 0,03 à 0,06% (300 à 600 ppm)] sont traités par lixiviation statique. Les minerais disposés en tas sur des aires étanches, sont arrosés avec une solution acide. Les solutions uranifères recueillies sont dirigées vers une usine de traitement.
–    Les minerais à forte teneur moyenne [0,1 à 1% dans les mines françaises] sont traités par lixiviation dynamique dans des installations industrielles spécifiques. Après une préparation mécanique (concassage et broyage), ils sont soumis à une attaque chimique acide ou basique afin de mettre l’uranium en phase soluble. Les solutions liquides contenant l’uranium sont séparées de la phase solide qui constitue les résidus de traitement. Les solutions contenant l’uranium sont envoyées dans des ateliers d’extraction et de purification. A la fin, l’uranium est mis sous forme solide (le yellow cake avec une concentration de 750 kg / tonne).

Ces résidus de traitement sont stockés soit dans des mines à ciel ouvert soit dans des bassins fermés par une digue [cf. figure]. Ils sont répartis sur 17 sites de stockage placés sous le régime administratif d’installations classées (ICPE).

Le bilan de 50 ans d’exploitation est donc conséquent. Les minerais des mines françaises contenaient entre 600 grammes et quelques kilos d’uranium par tonne. Aussi pour produire 76 000 tonnes d’uranium, quelque 52 millions de tonnes de minerai ont été extraites. Pour produire chaque tonne de minerai, on a manipulé en moyenne 9 tonnes de stériles dans les exploitations à ciel ouvert et 0,65 tonne dans les exploitations souterraines, soit au total 166 millions de tonnes.
La question de la tenue à long terme de ces stockages et leur devenir reste une préoccupation majeure et constitue une source d’inquiétude pour les populations avoisinantes.
A la demande de l’administration, l’IRSN a produit un rapport relatif à la doctrine en matière de réaménagement des stockages de résidus de traitement de minerais d’uranium. Ce rapport de doctrine a été transmis aux préfets des départements concernés par circulaire DPPR du 7 mai 1999. En novembre 2001, la DPPR a demandé à COGEMA de procéder à la vérification de la stabilité des digues. La plupart des stockages de résidus ont dû faire l’objet de travaux de réaménagement.

Les travaux du GEP-Mines

A la demande de l’administration [3], AREVA a produit (fin décembre 2004) un bilan décennal de l’environnement (BDE) de ses sites miniers de Haute-Vienne portant sur les années 1994-2003. En janvier 2006, AREVA a demandé à l’IRSN de réaliser une expertise (appelée tierce-expertise) de ce BDE.

La lettre de mission initiale du GEP-Mines (exposée en préambule) précisait en outre que « le GEP assurera le suivi régulier du déroulement de la tierce-expertise et participera à son pilotage ».
A l’heure où nous écrivons ces lignes, l’IRSN vient de remettre à l’exploitant la 3ème partie de cette tierce-expertise (consacrée à la question de la réutilisation des stériles dans le domaine public). C’est donc dire que le GEP-Mines a encore bien du travail devant lui.

Ce d’autant plus que la vie du GEP n’est pas un long fleuve tranquille. Après avoir rendu un premier rapport d’étape (janvier 2007), il est apparu au terme d’une année de fonctionnement que les conditions pour remplir pleinement la mission qui lui avait été confiée n’étaient pas réunies. Les difficultés (qui portaient principalement sur le financement de ce type de structure pluraliste  mais aussi sur l’absence d’une CLIS couvrant le périmètre de l’étude avec laquelle le GEP est censé dialoguer) ont conduit la Présidente du GEP, Annie Sugier, à présenter sa démission en avril 2007. Les membres du GEP, partageant l’analyse de leur Présidente et soutenant ses demandes, ont néanmoins poursuivi leur travail en attendant la nomination d’un nouveau président.

Une lettre du 12 octobre 2007 confie cette présidence au Professeur Robert Guillaumont. Elle prolonge pour deux années la mission du GEP en la précisant, et en lui demandant de proposer une méthode permettant d’appliquer ses recommandations à d’autres sites miniers. Parallèlement, un arrêté préfectoral du 21 décembre 2007 instaure, par extension de la CLIS de Bellezane, une CLIS chargée du suivi des anciens sites uranifères du département de la Haute-Vienne.

Par souci d’efficacité, le GEP-Mines (constitué en Groupe plénier) a décidé très vite de s’appuyer sur le travail de groupes thématiques qui ont la possibilité d’associer de nouveaux experts apportant de nouvelles compétences.
GEP_mines4

Il n’est pas du ressort, dans ce premier article, d’entrer dans le détail des recommandations du GEP, ce qui serait pour le moins prématuré. Soulignons néanmoins quelques points :
Le GT4 a été créé plus tardivement et il vient surtout en appui des autres Groupes de Travail qui lui formulent des questions techniques relatives aux mesures dans l’environnement.
Le GT3 doit s’approprier un volet réglementaire dense et des textes de doctrines qui le conduisent à procéder à de nombreuses auditions de juristes mais aussi d’acteurs très divers car la question du long terme pose avant tout des questions d’ordre sociétal. Les réflexions du groupe portent notamment sur la qualification juridique (sites, matières…), la responsabilité et  la mémoire des sites, le financement sur le long terme et les scénarios à prendre en compte, le contrôle et la surveillance.
Le GT2 tente de mener de front trois volets complémentaires :
–    il développe actuellement une méthode originale d’évaluation de l’impact environnemental lié aux rejets de substances radioactives et chimiques engendrés par les activités des sites miniers ;
–    après s’être attaché à faire l’analyse de la méthode actuelle de caractérisation de l’impact dosimétrique des sites miniers d’uranium, le GT2 développe une méthode générique alternative pour évaluer cet impact dosimétrique. Elle sera ensuite appliquée au cas des sites réaménagés du Limousin puis le groupe étudiera les évolutions à apporter à cette méthode pour une évaluation d’impact dosimétrique à long terme ;
–    la surveillance sanitaire est aussi une préoccupation du GT2 qui a auditionné les animateurs du registre des cancers du Limousin et travaille maintenant avec des universitaires de Grenoble pour définir des indicateurs de veille sanitaire adaptés.
Parce que ses missions sont en phase avec l’objet même de la tierce-expertise, le GT1 est plus avancé dans ses travaux et il a déjà fourni diverses recommandations adoptées par le GEP-Mines.GEP_mines5

Le Groupe s’est d’abord intéressé au site de stockage de Bellezane constitué de deux anciennes mines à ciel ouvert (MCO) où ont été déposés les résidus de traitement (1,5 millions de tonnes représentant une activité de 48 TBq de radium-226).
Il s’est en particulier attaché à étudier le fonctionnement hydraulique du site, l’efficacité du système de surveillance et l’efficacité de la couverture de stockage des résidus concernant l’exhalation du radon et l’exposition externe.
Le GT1 a notamment recommandé de mettre en place un dispositif de piézomètres  pour investiguer les résidus dans les parties profondes et superficielles du stockage et d’élargir le plan de surveillance en intégrant les anciens forages.

Pour améliorer le plan de surveillance, le GEP demande également la réalisation d’une étude hydrogéochimique qui pourra contribuer à une modélisation hydraulique et hydrochimique validée. Celle-ci a été confiée à l’Ecole des Mines de Paris.

Schéma de circulation des eaux et du dispositif de surveillance sur le site de Bellezane.
1 : prélèvement des eaux souterraines du massif granitique,
2 : exhaure du réservoir minier,
3 : prélèvement des eaux de résidus miniers,
4 : prélèvement des eaux de verses à stériles,
5 : prélèvement des eaux du réservoir minier

Pour améliorer le plan de surveillance, le GEP demande également la réalisation d’une étude hydrogéochimique qui pourra contribuer à une modélisation hydraulique et hydrochimique validée. Celle-ci a été confiée à l’Ecole des Mines de Paris.
Le GT1 s’est ensuite intéressé au bassin versant du Ritord qui a été concerné par d’importants travaux miniers sous forme de MCO et/ou de TMS. Ici, les recommandations du GEP ont plus porté sur une caractérisation des formes chimiques de l’uranium et sur une amélioration du mode de traitement des effluents qui puissent favoriser la formation d’uranium particulaire (plus propice à la décantation). D’autres recherches (absorption sur des écorces d’arbre) semblent encourageantes.
Sans préjuger d’un choix technique à l’heure actuelle, le GEP-Mines considère que la réduction des impacts en aval des rejets miniers doit impérativement passer par la mise en place de traitements spécifiques à l’uranium au niveau des rejets. Mais l’objectif est également de minimiser au maximum les impacts environnementaux liés au traitement. Cela implique de s’orienter vers des techniques dites « passives » dans le sens où elles limitent l’utilisation de réactifs chimiques.
Nous aurons l’occasion de revenir plus en détail sur les recommandations du GEP-Mines après la publication de son rapport définitif en 2010. Signalons cependant que le GEP-Mines, dans le cadre de sa mission d’information du public, a mis en place un site internet [http://www.gep-nucleaire.org/gep] où le lecteur intéressé pourra trouver tous les documents actuellement validés par le Groupe.

Ancien lien

Evaluation radiologique aux abords de trois anciennes mines d’extraction d’uranium du département de la Creuse

Evaluation radiologique aux abords de trois anciennes mines d’extraction d’uranium du département de la Creuse

Déchets nucléaires

Texte initialement écrit pour le Dictionnaire des risques (Armand Colin 2003) et paru dans l’ACROnique du nucléaire n°63, décembre 2003. Cette version a été remise à jour pour l’édition 2007 du dictionnaire et est parue dans l’ACROnique du nucléaire n°79, décembre 2007.


Aucun pays, à ce jour, n’a trouvé de solution pour le devenir de ces déchets qui, pour certains d’entre eux, demeureront toxiques pendant des millions d’années, et dont la gestion pose d’énormes problèmes à l’industrie nucléaire. L’enjeu est double : épurer le passif – des déchets sont parfois entreposés dans de mauvaises conditions et portent atteinte à l’environnement – et proposer une filière d’évacuation dès la source pour tous les déchets à venir, avec traçabilité.

De la mine à la centrale électrique ou l’usine de retraitement, chaque étape de la chaîne du combustible fournit son lot de déchets, généralement classés selon leur radioactivité et leur durée de vie. Seuls ceux faiblement radioactifs et de période courte (inférieure à trente ans) ont trouvé un site d’accueil définitif : ils sont stockés en surface, dans l’Aube, à Soulaines-Dhuys. Ce centre a pris le relais de celui de la Manche, qui a reçu son dernier colis en 1994 et ne satisfait pas aux règles de sûreté des stockages actuels. Pâtissant d’une gestion passée empirique, il contient des radioéléments à vie longue et des fuites portent atteinte à l’environnement. Le centre de l’Aube, huit fois plus grand pour deux fois plus de déchets, sert de vitrine à l’Agence Nationale des Déchets Radioactifs (ANDRA). Le stockage dans des tumuli bétonnés n’y est prévu que pour trois cents ans.

Dans d’autres pays – Suède, Finlande, Allemagne -, ces mêmes déchets sont parfois stockés en profondeur. Cette solution est cependant trop onéreuse et inadaptée pour les 50 millions de tonnes de résidus miniers accumulées pendant les quarante années d’extraction de minerai en France. En Allemagne, les seuls sites de Helmsdorf et de Culmitzsch contiennent respectivement 50 et 86 millions de tonnes et, au niveau mondial, quelque 6 milliards de tonnes sont ainsi accumulées. Si ces résidus sont très faiblement radioactifs, ils ont l’inconvénient de contenir des radioéléments à vie longue : 75 380 ans de période pour le thorium 230. Par ailleurs, l’un des descendants de l’uranium – le radon – est un gaz toxique, ce qui rend le stockage ou l’entreposage difficile. Ces types de déchets sont généralement entreposés dans d’anciennes mines à ciel ouvert ou dans des bassins fermés par une digue, en attendant une meilleure solution qui éviterait les risques de dispersion des radioéléments par érosion ou suintement. Ce problème est maintenant déplacé dans les pays producteurs puisque l’uranium est entièrement importé. Au Gabon, les résidus ont été déversés directement dans le lit de la rivière Ngamaboungou jusqu’en 1975 par la Comuf, filiale de la Cogema.

D’autres déchets très faiblement radioactifs, issus du démantèlement des installations nucléaires, vont aussi poser un problème d’envergure. Ainsi, en France, il va falloir trouver une solution à moindre coût pour les 15 millions de tonnes attendues. Pour une partie de ce volume, un « recyclage » est possible, des seuils de libération introduits par la législation d’origine européenne permettant alors de les considérer légalement comme des déchets non radioactifs. Pour les déchets dépassant les seuils, le centre de stockage en surface de Morvilliers dans l’Aube vient d’entrer en exploitation.

En ce qui concerne les déchets les plus toxiques et à vie longue, dont les volumes sont beaucoup plus faibles, un consensus international semble se dégager en faveur de leur enfouissement, même si l’avancement des recherches dépend beaucoup de considérations politiques locales. En France, outre le stockage en profondeur, la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs a imposé l’étude de la séparation des éléments radioactifs les plus nocifs à long terme, celle de leur transmutation, ainsi que « l’étude de procédés de conditionnement et d’entreposage de longue durée en surface de ces déchets ». Une commission nationale d’évaluation (CNE) relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs a été mise en place pour rédiger, chaque année, un rapport sur l’avancement des travaux menés dans le cadre de la loi pendant une période de quinze ans. Cette loi d’origine parlementaire constitue une véritable avancée démocratique, mais était malheureusement limitée aux déchets les plus radioactifs. Elle a eu surtout le mérite de faire sortir les déchets nucléaires du champ purement technique pour leur reconnaître un caractère politique.

Une nouvelle loi votée en 2006 prolonge ces axes de recherche. Elle va aussi plus loin en prenant en compte toutes les matières radioactives. Certaines, qualifiées de valorisables, n’ont pas le statut légal de déchet, même si elles ne sont pas valorisées et ne le seront probablement jamais. Suite à de longues procédures judiciaires allant jusqu’en cassation, la jurisprudence française, quant à elle, tend à considérer toute matière radioactive non valorisée comme un déchet.

La séparation et la transmutation proposées par la loi sont parfois présentées comme un recyclage des déchets radioactifs pouvant constituer une solution de rechange au stockage définitif. Elles concernent plutôt les combustibles irradiés issus d’une éventuelle prochaine génération de réacteurs, mais pas les déchets accumulés actuellement. La séparation de certains radioéléments du combustible irradié nécessite des opérations chimiques complexes. Les recherches en cours visent essentiellement à améliorer les capacités de retraitement de l’usine de la Hague. La transmutation, quant à elle, nécessite l’utilisation d’un parc complet de réacteurs nucléaires innovants ; d’autres pays se sont aussi lancés dans ce type de recherches dont certains résultats ne sont pas sans intérêts militaires.

C’est donc un système nucléaire vaste et complexe qui serait à créer pour remplacer des isotopes peu radioactifs à vie longue par des isotopes très radioactifs à vie courte. Faut-il exposer les travailleurs du nucléaire et les populations du présent siècle à un détriment certain sans être sûr de protéger les populations futures dans 100.000 à des millions d’années ? Sans compter le risque d’accident beaucoup plus grand sur un site industriel que dans un centre de stockage. L’industrie nucléaire peine déjà à recycler le plutonium et l’uranium extraits des combustibles usés. Le retraitement, technologie d’origine militaire, est aussi une opération très polluante et onéreuse. Un retraitement poussé ne ferait qu’augmenter ces coûts, d’autant plus que la convention internationale OSPAR impose de faire tendre vers zéro les rejets dans l’Atlantique Nord d’ici 2020. L’exposition aux rayonnements ionisants engendrée par cette pratique n’a jamais été justifiée par les avantages économiques, sociaux ou autres, par rapport au détriment qu’ils sont susceptibles de provoquer, comme l’impose pourtant la réglementation. Comment alors justifier des opérations plus complexes ? De plus, dans la mesure où il conduit à vitrifier les résidus, le retraitement rend difficile la reprise ultérieure des déchets soit parce qu’une matrice meilleure aura été trouvée, soit pour une séparation plus poussée. Le choix du retraitement, jamais débattu, ferme des options de gestion aux générations futures.

Pour les déchets actuels, ne restent donc que le stockage souterrain ou un entreposage en surface à plus ou moins long terme. Dans tous les pays, l’industrie nucléaire semble pencher vers une « évacuation géologique », même si l’on n’en est qu’au stade des études. Le Waste Isolation Pilot Plant (WIPP) dans une formation saline du Nouveau-Mexique aux Etats-Unis fait figure de pionnier avec son premier colis de déchets reçu en mars 1999. Il est destiné aux déchets transuraniens issus de la recherche et production d’armes nucléaires. Cette stratégie est basée sur l’oubli, dans la continuité de la gestion mise en œuvre pour les stockages en surface. Le pari est fait que des barrières bétonnées ou géologiques retiendront les radioéléments sans intervention humaine, le temps nécessaire à leur décroissance. L’argument généralement avancé est la protection des générations futures. Cette interprétation suppose une certaine défiance envers la capacité de nos successeurs à faire face aux dangers provoqués par les déchets nucléaires. Mais ces centres de stockage sont conçus pour que l’exposition théorique des générations futures satisfasse aux normes de radioprotection actuelles, normes qui seront fort probablement modifiées dans l’avenir. En cas d’erreur ou de problème, il est difficile de revenir en arrière sans travaux coûteux et risqués pour les travailleurs et l’environnement. La réversibilité du stockage profond, rendue obligatoire par la loi de 2006, est limitée à la phase d’exploitation et ne fait que différer l’échéance de la solution définitive. A la fermeture, l’étanchéité du site impose de fermer l’accès définitivement, les éventuels colis défectueux ne pouvant alors être repris qu’à l’issue de travaux miniers lourds.

La notion de réversibilité, qui découle du principe de précaution, est récurrente dans le débat sur les déchets. Elle est surtout présentée comme un argument d’acceptabilité pour l’enfouissement par les partisans du nucléaire qui se gardent bien de l’appliquer au retraitement. L’entreposage provisoire est, quant à lui, par essence réversible puisque au bout d’une certaine période estimée à une centaine d’années, il devra être entièrement renouvelé pour garantir le confinement ou pour s’orienter vers une autre option. Lors du débat national organisé fin 2005, cette notion d’entreposage pérennisé a eu les faveurs du public, preuve de sa confiance en la capacité des générations futures à faire face aux problèmes. Mais, elle est ignorée par la nouvelle loi de 2006 car elle est perçue comme une solution menaçante pour les opérateurs du nucléaire dans la mesure où elle érige la réversibilité en principe absolu et non plus relatif, obligeant ainsi à explorer d’autres possibles et corrélativement remettre en question des choix actuels. De plus, cette démarche, basée sur une mémoire active transmise de génération en génération, impose de démocratiser la gestion des déchets nucléaires car seule une information honnête et redondante permettra de faire face aux aléas. La prise en compte des générations futures commence par la génération actuelle…

La réversibilité implique aussi de garder plusieurs options ouvertes afin de pouvoir revenir sur certains choix. Pour limiter le coût humain et financier lié à la multiplication des options – « l’énergie nucléaire doit rester compétitive ! » – une hiérarchisation s’impose entre les options a priori prometteuses pour lesquelles des développements technologiques lourds sont nécessaires et celles pour lesquelles un effort modéré de Recherche et Développement devrait suffire à maintenir l’option ouverte. Avec le risque de rendre tout retour en arrière plus difficile par les investissements déjà consentis. Il a fallu, par exemple, beaucoup de courage politique aux autorités pour arrêter le surgénérateur Superphénix pour lequel la commission Castaing (1996), chargée d’évaluer ses capacités en tant qu’incinérateur, avait regretté « la maigreur du programme envisagé » pour la destruction des déchets, mais avait préconisé son maintien en activité à cause des investissements réalisés.

L’hypothèse d’un stockage à l’étranger dans des pays moins regardants séduit les autorités qui doivent faire face à une forte contestation de leurs populations. Une société britannique de droit suisse a pour but de convaincre l’Australie d’accepter ce rôle. La Russie a modifié sa législation pour accepter des déchets étrangers. Taiwan ou le Japon lorgnent du côté de la Chine populaire. Des arguments techniques fallacieux sur la densité de population ou la qualité des roches sont utilisés pour rassurer les personnes gênées par le caractère immoral de cette option. En France, l’article 3 de la loi de décembre 1991 stipule que « le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si leur retraitement a été effectué sur le territoire national, est interdit au-delà des délais techniques imposés par le retraitement ». Mais des déchets étrangers, issus du retraitement, auraient dû être renvoyés dans leur pays d’origine depuis longtemps. Et les contrats allemands, qui prévoient l’hypothèse d’un non-retraitement sans pénalité, transforment de fait l’usine de La Hague en centre d’entreposage international.

La gestion des déchets radioactifs nécessite des choix collectifs problématiques impliquant une perspective temporelle inhabituelle : comment prendre des décisions pour les générations et sociétés lointaines ? Contrairement aux problèmes posés par l’introduction de nouvelles technologies comme celles des OGM, pour lesquelles un moratoire pourrait être utile pour nourrir la réflexion, trop reporter les décisions pourrait être préjudiciable. Les déchets existent et demandent une gestion rigoureuse dès leur production. Mais des considérations à court terme concernant par exemple la poursuite ou non du programme nucléaire viennent interférer et risquent d’emporter les décisions. En effet, pour pouvoir obtenir l’assentiment de la population, il faut absolument pouvoir prétendre avoir une solution pour les déchets. Un compromis prudent pourrait être réalisé à travers une approche séquentielle de la décision, avec des échéances régulières sans que soit fixée a priori une limite temporelle à ce processus afin de garantir la liberté de choix de nos descendants.

David Boilley

Bibliographie :

  • ACRO (2006), Gestion des déchets nucléaires : les leçons du Centre de Stockage de la Manche, https://acro.eu.org
  • ANCLI (2006), Livre blanc : Matières et déchets
    radioactifs – territoires, http://www.ancli.fr
  • BARRILLOT Bruno et DAVIS Mary (1994), Les déchets
    nucléaires militaires, éd. du CRDPC
  • CHARPIN Jean-Michel, DESSUS Benjamin, PELLAT René (2000),
    Etude économique prospective de la filière
    nucléaire : rapport au Premier ministre, La Documentation
    française
  • CNRS (2006), Recherche et déchets nucléaires : une
    réflexion interdisciplinaire, Cahiers risques collectifs et
    situations de crise n°5, MSH-Alpes
  • FAUSSAT Armand  (1997),  Les déchets
    nucléaires, Stock
  • HERIARD-DUBREUIL Gilles (2000), Comment mener une politique
    à long terme ? le cas des déchets nucléaires,
    Esprit
  • Rapports de l’Office parlementaire des choix scientifiques et
    technologiques
  • Rapports et documents de la Commission Nationale de Débat
    Public, http://www.debatpublic-dechets-radioactifs.org/
  • Rapports de la Commission Nationale d’Evaluation, La
    documentation française.

dicodico2Autres textes du dictionnaire des risques :

Ancien lien