Rapport du HCTISN sur la gestion du combustible nucléaire

Le Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) vient de rendre public son rapport sur la gestion du combustible nucléaire en France. Même s’il est incomplet et présente encore des erreurs factuelles que nous avons signalées en vain, ce rapport apporte des informations nouvelles.

De plus, l’annexe signée de l’ACRO, FNE et Greenpeace ne correspond pas exactement au texte que nous avons envoyé :

Les associations signataires saluent la publication de ce rapport qui fait un bilan sur le combustible nucléaire, son utilisation, traitement et devenir, même s’il reste incomplet. Plusieurs questions sont sans réponse.
Il apparaît que moins de 1% des combustibles irradiés sont recyclés actuellement (0,9%) et il est abusif de parler de « cycle » et encore plus de « cycle fermé ». La terminologie « cycle ouvert » pour qualifier l’absence de cycle frise le ridicule. Par ailleurs, plus du tiers des combustibles usés issus des réacteurs à eau pressurisée d’EDF ne sont actuellement pas retraités, quarante ans après le premier déchargement.
Le combustible MOX n’est utilisé que dans les réacteurs les plus anciens. Leur arrêt progressif dans les années à venir va entraîner une baisse du retraitement et du taux de recyclage. Comme le rapport n’aborde pas cette évolution, nous demandons la publication complète du rapport « Impact Cycle 2016 » établi par EDF au nom également d’Orano Cycle et de l’Andra et du rapport d’expertise de l’IRSN sur le dossier. Nous regrettons de ne pas avoir été suivis par le Haut comité à la TRANSPARENCE et l’INFORMATION sur ce sujet.
La classification en matières valorisables des combustibles irradiés non traités et de l’uranium de retraitement repose sur une chimère, la génération IV de réacteurs nucléaires refroidis au sodium, un métal qui s’enflamme spontanément à l’air et qui explose dans l’eau. Le concept date des années 1950 et, s’il devait aboutir, aura fait l’objet de plus d’un siècle de recherches et développements. De plus, la puissance du projet de démonstrateur Astrid a été revue à la baisse. Il n’est pas raisonnable de bâtir la politique de gestion des matières et déchets nucléaires français sur cette promesse peu réaliste. Il est indispensable de présenter un plan de gestion alternatif sans génération IV.
Il en est de même pour les grands projets structurants, comme le centre d’enfouissement Cigéo, qui fait l’objet de fortes contestations et qui n’est pas encore qualifié. Là encore, il est important de travailler à un plan de gestion alternatif des déchets radioactifs.
Le reclassement des matières dites valorisables en déchets radioactifs aura un impact énorme sur la gestion des déchets radioactifs et doit être préparé. Il est interdit de stocker en France des déchets radioactifs d’origine étrangère. Est-ce que les matières valorisables d’origine étrangère devenues déchets seront renvoyées dans leur pays d’origine ?

Le rapport HCTISN.

L’ACRO attend plus de transparence sur le projet de piscines centralisées pour les combustibles usés

Conformément aux exigences règlementaires, EDF a remis à l’ASN, en avril 2017, un dossier d’options de sûreté (DOS) sur son projet de piscines centralisées devant accueillir, en 2030, les combustibles usés non retraités. Ce rapport n’est pas public. Sollicitée lors d’une réunion de dialogue organisée à Paris le 28 mars 2018 par l’ANCCLI et l’IRSN, EDF a refusé de transmettre une version expurgée des données classées par le secret défense. La compagnie a aussi refusé de répondre à la plupart des questions posées par les personnes présentes.

La transparence reste un combat dans le nucléaire. Dans de telles conditions, l’ACRO ouvre une page spéciale avec les informations recueillies sur le sujet.

De l’énergie à gogo !

Editorial de l’ACROnique du nucléaire n°91


Combien de mails par jour recevons nous, nous proposant d’aider au transfert de fonds acquis plus ou moins illégalement moyennant un pourcentage mirobolant ? Pour les gogos plus scrupuleux, il y a la version de la « loterie Bill Gates » ou du mourant sans héritier qui veut faire un don colossal à une œuvre humanitaire. Cela doit marcher de temps en temps puisque les propositions perdurent.

Ayant pignon sur rue, les banques sont apparues plus crédibles : aux Etats-Unis, elles ont fait croire aux classes sociales les plus défavorisées qu’elles pouvaient s’offrir à crédit la maison de leurs rêves, moyennant un taux d’usure énorme. Prises à leur propre piège, elles ont elles-mêmes cru pouvoir s’enrichir sans limites, avec les conséquences que l’on connaît. Les élites financières, alléchées par un taux d’intérêt de 17% par an, se sont aussi fait prendre par Bernard Madoff et un trivial système de vente pyramidal.

En promettant une énergie illimitée grâce à ITER ou 5 000 ans d’électricité et un recyclage quasi-complet grâce aux réacteurs de génération IV, l’industrie nucléaire utilise les mêmes grosses ficelles pour tenter de séduire et obtenir des fonds publics. Et ça marche ! Le CEA vient de signer un contrat de 652 millions d’euros dans le cadre du Grand Emprunt pour étudier la faisabilité d’un prototype de réacteur de nouvelle génération et proposer un avant-projet détaillé en 2017. Pour ITER, la crise économique aidant, l’Union européenne a du mal à suivre l’explosion des coûts du projet. Cet été, elle envisageait sérieusement de couper dans les autres budgets de recherche pour ce projet unique.

Les hommes politiques, élus sur la promesse d’un monde meilleur, n’ont pas trop le choix. Ils ont tout intérêt à croire et à faire croire à l’avènement d’une énergie illimitée. Paul Valéry[1] remarquait dès 1931 que « le temps du monde fini commence ». Et d’ajouter que « nous devons désormais rapporter tous les phénomènes politiques à cette condition universelle récente ». En vain. Presque un siècle plus tard, le monde a rétréci et continue de rétrécir : selon le WWF, l’Empreinte Ecologique de la Terre a dépassé sa biocapacité de 50%. Sans surprise, ce sont les pays de l’OCDE qui sont les principaux responsables. Et comme l’épuisement des ressources naturelles ne suffit pas à nos sociétés, elles augmentent aussi tous les ans leur dette financière.

Certes, s’endetter pour un investissement qui profitera aux générations futures, est nécessaire. Mais les projets doivent être évalués et leur pertinence parfaitement justifiée. Alors que les projets de recherche du Grand Emprunt vont faire l’objet d’une évaluation et d’une compétition, le nucléaire a été servi à part. Comment les arbitrages ont-ils été faits ? Comment les projets ont-ils été évalués ? Par qui ? Nous n’en savons rien.

EdF l’a bien compris : elle consacre une partie de son budget de recherche à faire des calculs prospectifs sur l’enfouissement des déchets nucléaires, pour s’assurer que le futur centre de stockage prévu par l’ANDRA à Bures, qu’elle doit financer à 80%, « ne soit pas une Rolls-Royce ». Et elle a déjà contesté le coût du projet. Inversement, EdF et Areva se plaignent d’une Autorité de Sûreté Nucléaire qui serait trop exigeante, et par là même responsable des surcoûts de l’EPR. Argument fallacieux, puisque les autres autorités européennes n’ont pas été plus tendres.

Alors, l’avis du public… Le mépris était flagrant lors du débat EPR. Il a juste le droit de consommer en se taisant.


[1] Regards sur le monde actuel et autres essais

Ancien lien

Le mythe du recyclage des combustibles nucléaires

Paru dans l’ACROnique du nucléaire n° 91 de décembre 2010


Areva est très fière de son activité à l’usine de La Hague : « grâce à notre plateforme industrielle, 96% des matières contenues dans les combustibles usés peuvent être valorisées sous forme de nouveaux combustibles, MOX (mélange d’oxydes d’uranium et de plutonium), ou URE (uranium de recyclage enrichi). » Et d’ajouter que le recyclage permet « une économie d’uranium naturel de l’ordre de 20 à 25% ». Voir par exemple le rapport 2009 d’Areva sur le traitement des combustibles usés provenant de l’étranger disponible en ligne. Au HCTISN, Areva a annoncé 17% d’économie d’uranium. Il y a donc des chiffres pour les experts et des chiffres pour les gogos, pardon, le public…

Comment se fait-il que si l’on recycle 96% de la matière, on ne fait une économie que de 25% maximum ? Plongeons nous donc dans ce que l’industrie nucléaire appelle le « cycle du combustible » pour comprendre.

Le détail des flux de matières à chaque étape du « cycle nucléaire » n’était pas connu, malgré les demandes répétées des associations. Grâce à la diffusion sur Arte d’un film sur l’envoi en Russie d’une partie de l’uranium de retraitement, le sujet a fait polémique et  le HCTISN[1] a été saisi. Il a rendu son rapport le 12 juillet 2010. L’ACRO, qui siège au Comité et a participé au Groupe de Travail, n’a pas signé le rapport. Il a été difficile d’arracher des données exhaustives aux exploitants et les chiffres obtenus ne sont pas toujours cohérents entre eux. Les données nouvelles contenues dans ce rapport vont cependant nous permettre, de façon approximative, d’estimer le taux de recyclage de l’industrie nucléaire. Sauf mention contraire, tous les chiffres qui suivent sont tirés de ce rapport disponible sur le site Internet du Comité. Le point de vue de Wise Paris, des associations de protection de l’environnement qui ont participé à ce groupe de travail, est sur notre site Internet.

La chaîne de l’uranium, de la mine à l’entreposage

L’atome d’uranium a essentiellement deux isotopes dans la nature, l’uranium 235 et l’uranium 238. Ils ont les mêmes propriétés chimiques, mais ont une masse légèrement différente. En revanche, le noyau de l’atome a des propriétés différentes : l’uranium 235 fissionne facilement quand il est bombardé par un neutron, mais pas l’uranium 238.

Dans la nature, la proportion entre ces deux isotopes est de 0,7% pour l’uranium 235, le fissible, et 99,3% pour l’uranium 238. Il y a aussi un tout petit peu d’uranium 234 (0,0057%). A l’exception des réacteurs Candu au Canada, qui fonctionnent avec de l’uranium naturel, les réacteurs nucléaires utilisent un combustible qui contient de 3,5% à 5% d’uranium 235. Il faut donc « enrichir » l’uranium naturel : c’est une étape complexe et coûteuse industriellement. Selon le HCTISN, en moyenne sur les trois dernières années, il a fallu 8 100 tonnes d’uranium naturel pour produire 1 033 tonnes de combustible nucléaire. Le reste étant de l’uranium appauvri.

L’uranium appauvri n’est pas considéré comme un déchet, car une petite partie est utilisée comme nous le verrons plus tard et le reste est potentiellement utilisable dans l’avenir si la génération IV des réacteurs nucléaires voit le jour. C’est donc un « stock stratégique ».

Ces chiffres sont cependant à manier avec précaution car, dans ce même rapport, on peut lire qu’en 2008 EDF a importé 8 695 tonnes d’uranium naturel pour son parc. Cela fait 7,3% de plus que la valeur moyenne annoncée. Par ailleurs, en fonction des cours de l’uranium, le processus d’enrichissement sera plus ou moins poussé, comme illustré dans le tableau ci-dessous.

 

Production de 1000 t d’uranium enrichi à 4%  (dont 40 tonnes
d’uranium 235)

Quantité d’uranium
naturel nécessaire

(dont uranium 235)

7436 tonnes (52 tonnes 235U)

8134 tonnes (57 tonnes 235U)

9002 tonnes (63 tonnes 235U)

Quantité d’uranium
appauvri généré par l’enrichissement (dont uranium 235)

6436 tonnes (12 tonnes 235U)

7134 tonnes (17 tonnes 235U)

8002 tonnes (24 tonnes 235U)

Teneur de l’uranium
appauvri en uranium 235

0,20%

0,25%

0,30%

Illustration de la possibilité d’arbitrage entre uranium et services d’enrichissement

A la sortie du réacteur, seule une partie de l’uranium 235 contenue dans les combustibles a été consommée : il en reste de l’ordre de 0,8 à 0,9%, c’est-à-dire plus que dans la nature. L’uranium 238, quand il est bombardé par des neutrons, a tendance à se transformer par radioactivité en plutonium, qui lui, peut fissionner plus facilement. Bref, une partie du combustible qui sort des centrales nucléaires est a priori réutilisable. A 96% selon les exploitants. C’est l’objet du retraitement qui a pour but de séparer chimiquement les matières valorisables des déchets ultimes. Certains pays comme la Suède ou les Etats-Unis ont choisi de ne pas retraiter. Tout ce qui sort de leurs centrales constitue donc des déchets ultimes.

Sur les 1 033 tonnes de combustibles neufs qui entrent annuellement dans le parc de réacteurs français, 850 tonnes par an sont retraitées après un séjour de 3 ans en réacteur. Areva en extrait 8,5 tonnes de plutonium et 800 tonnes d’uranium dit de retraitement. Le reste constitue des déchets ultimes. Quant au combustible non retraité, il n’est pas classé dans les déchets car il pourra être retraité un jour.

Avec les 8,5 tonnes de plutonium, mélangées à 91,5 tonnes d’uranium  appauvri, ce sont 100 tonnes de combustible MOx qui s’ajoutent aux 1033 tonnes de combustible neuf. Ce combustible de recyclage peut alimenter partiellement 22 réacteurs autorisés en France. Cela correspond en moyenne à 20 recharges par an et produit la même énergie qu’un combustible « classique » contenant 3,7%  d’uranium 235.

Sur les 800 tonnes d’uranium de retraitement, 300 sont envoyées en Russie, à Tomsk, pour être réenrichies. Les 500 tonnes restantes viennent s’ajouter tous les ans au « stock stratégique ».  La Russie renvoie en France 37 tonnes de combustible par an et garde les 263 tonnes d’uranium appauvri. L’uranium de retraitement réenrichi alimente deux des réacteurs de la centrale de Cruas le long du Rhône.

Le recyclage se limite donc à 100 tonnes de combustible MOx et les 37 tonnes de combustible à base d’uranium de retraitement, qui viennent s’ajouter aux 1 033 tonnes de combustible classique dans les réacteurs. Les combustibles recyclés ne sont pas à nouveau retraités ni recyclés après leur passage en réacteur. Il n’y a donc qu’un tour de recyclage.

Au total, ce sont donc 1 170 tonnes de combustibles usés qui sortent des réacteurs par an. Ainsi, 8,5 tonnes de plutonium plus 37 tonnes d’uranium de retraitement sur 1 170 tonnes de combustible, cela ne fait que 3,9% de recyclage. On est loin des 96% fanfaronnés par l’industrie nucléaire ! Si l’on ajoute l’uranium appauvri, les 137 tonnes de combustible issu du recyclage permettent une économie de 11,7% d’uranium naturel. C’est bien en dessous des 20 à 25% affichés par Areva !

Et encore, ces chiffres correspondent à la meilleure performance de l’industrie nucléaire qui n’a pas voulu remonter plus loin dans le temps. La réutilisation de l’uranium de retraitement n’a commencé qu’en 1994, alors que le retraitement a commencé en 1966. Le recyclage du plutonium était aussi bien moins important dans le passé.

EDF et Areva ont signé un contrat pour le retraitement de 1050 tonnes par an à partir de 2010. Cela devrait conduire, , à une économie de 17% pour l’uranium naturel et un taux de recyclage de ce qui sort des réacteurs de 7,3% si EDF obtient l’autorisation de passer à 4 réacteurs pour l’uranium de retraitement et à 24 pour le MOx. Cette performance ne sera atteinte qu’en allant puiser 75 t par an dans les stocks de combustibles usés non retraités jusqu’à maintenant. Comme il n’y a qu’un tour de recyclage, ces chiffres sont très proches du maximum atteignable avec les technologies du « cycle » actuel.

A titre de comparaison, le Japon, qui a fait retraiter une partie de ses combustibles usés à l’étranger (France et Grande-Bretagne), commence tout juste à brûler du MOx et n’a réutilisé qu’une très petite quantité d’uranium de retraitement. Le gain est quasi nul alors qu’il a investi dans une usine de retraitement qu’il n’arrive pas à faire démarrer.

On peut difficilement parler de « cycle » du combustible… Le mot « chaîne » semble plus approprié.


Chaîne annuelle de l’uranium

 8100 tonnes d’uranium naturel→ Enrichissement →

1033 tonnes de combustibles neufs + 7 067 tonnes d’uranium appauvri (UA)

 CHAINE ANNUELLE DU COMBUSTIBLE 


1033 tonnes combustiblesneufs→  Réacteur→
combustibles usés :

· 850 tonnes combustibles usés sont retraitées 

· combustible usé non retraité entreposé.

Retraitement des 850 t→ 

800 t d’uranium de retraitement + 8,5 t de plutonium + déchets
ultimes

Ces 800 t d’uranium de retraitement

· 500 tonnes  matières entreposées (stock stratégique)

· 300 t envoyées à Tomsk en Russiepour réenrichissement

→ 263 tonnes d’uranium appauvri, entreposées en Russie

37 t d’uranium de recyclage enrichi (URE) → Réacteur



Retour Réacteur : 37 t URE + 8,5 plutonium (PU)


 

7 067 t d’ d’uranium appauvri (UA)

91,5 tonnes d’UA + 8,5 t de PU = 100t MOX→ réacteur

Reste 6975,5 t d’UA

→ Matières entreposées

(= stock stratégique)

 



Retour Réacteur 91,5t UA

Soit un  recyclage de 3,9 % au lieu des 96% annoncés et donc une économie d’uranium de 12% !

La perspective d’une génération IV permet de tout justifier

Les matières nucléaires non recyclées, ne sont pas considérées comme déchets, mais comme matières potentiellement valorisables. L’industrie nucléaire parie sur la génération IV des réacteurs nucléaires pour transformer ces matières en trésor qui permettrait d’avoir de l’électricité pendant des millénaires. Mais c’est déjà ce que devait faire Superphénix, avec le succès que l’on sait. A son démarrage, pleine d’espoir dans son avenir, l’industrie nucléaire avait fait miroiter son développement avant l’an 2000.  Et ces fameux réacteurs de génération IV sont des réacteurs à neutrons rapides basés sur le même principe que Superphénix. (Voir encadré sur le sujet). Bref, c’est toujours le même message : demain on rase gratis.

Même les autorités sont sceptiques : dans le nouveau Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), elles ont demandé aux exploitants de trouver des solutions pour ces matières si la génération IV ne se faisait pas ou partiellement et que ces matières prétendument recyclables devenaient des déchets.

Mais en attendant, les combustibles non retraités, l’uranium de retraitement non utilisé et l’uranium appauvri sont entreposés, en attendant des jours meilleurs. Le devenir de près de 97,8% de l’uranium initial qui sort de la mine est en suspens. Il y a là une autre entourloupe : 97,8% de ce qui sort de la chaîne de l’uranium n’est pas utilisé, mais n’est pas considéré comme déchet ! Et Areva d’affirmer ainsi que les déchets tiennent dans une piscine olympique !

La génération IV sert donc d’abord à justifier le retraitement actuel. Parce que la France s’est enfoncée dans cette voie, elle n’a pas d’autre alternative que le succès de ces réacteurs au risque de perdre son trésor. Un peu comme un joueur qui a trop misé et qui s’enfonce de plus en plus dans l’espoir de récupérer sa mise.

Pourtant, en regardant froidement la situation, il serait préférable de garder les combustibles irradiés en entreposage le temps que la génération IV soit opérationnelle et de ne retraiter que selon le besoin. Les combustibles usés seront alors beaucoup moins radioactifs, ce qui simplifierait leur manutention et diminuerait les rejets radioactifs de l’usine de retraitement de La Hague.

Stocks de « non-déchets » accumulés

A la fin 2008, Areva détenait 22 610 tonnes d’uranium de retraitement, entreposées en majorité au Tricastin et 261 000 tonnes d’uranium appauvri d’origine naturelle. Pour connaître les stocks de combustibles usés non retraités détenus par EDF et entreposés à La Hague, il faut consulter le PNGMDR. Fin 2007, il y en avait près de 13 000 tonnes, dont 11 500 de combustibles classiques.

Le bilan des matières accumulées est compliqué par les échanges internationaux de matière. EDF s’approvisionne en uranium à l’étranger et a recours à 4 enrichisseurs différents pour son combustible. Réciproquement, Areva exporte environ la moitié de l’uranium qu’elle enrichit en France. L’uranium appauvri qui résulte de ces opérations reste la propriété de l’enrichisseur. C’est en particulier le cas pour la partie de l’uranium de retraitement qui est envoyée en Russie pour enrichissement. La loi française interdit le stockage en France de déchets étrangers, mais pas des matières valorisables. Si ces matières sont déclassées en déchet, devront-elles être renvoyées vers leur pays d’origine ? Nous n’avons pas obtenu de réponse.

En conclusion, le HCTISN est un des rares espaces où l’on peut espérer obtenir des informations non disponibles ailleurs. Malheureusement, le rapport sur le « cycle » du combustible est trop monolithique, n’autorisant aucune expression différant de l’orthodoxie officielle. Il n’a pas été possible d’y faire apparaître que moins de 4% de ce qui sort des réacteurs français est recyclé. Le Haut Comité n’a pas souhaité diffuser le rapport complémentaire des associations. C’est regrettable pour une structure qui est supposée être garante de la transparence et de l’information. Mais les chiffres qu’il donne, s’ils sont confirmés, permettent à chacun de faire le bilan du « cycle » du nucléaire.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter :

– le rapport du HCTISN sur http://www.hctisn.fr

les commentaires des associations sur notre site

– le PNGMDR sur le site de l’ASN : http://asn.fr

 

Voir le communiqué de presse commun ACRO, FNE (France Nature Environnement), Greenpeace du 13 juillet 2010

Voir informations sur la génération IV


[1]  HCTISN : Haut Comité à la Transparence et à l’Information sur la Sûreté Nucléaire, http://www.hctsin.fr

 Ancien lien

Areva et EDF forcées de reconnaître que le taux de recyclage du nucléaire n’est pas de 96 % mais de 12 % !

Communiqué de presse – juillet 2010

Paris, le 13 juillet 2010 – Aujourd’hui le Haut comité sur la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) remet son rapport. Il avait été saisi par Jean-Louis Boorlo et par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques pour faire la lumière sur la gestion des matières et des déchets nucléaires.
Le rapport est consultable en ligne ici.
Le rapport présente (seulement) deux avancées majeures : d’abord le taux de recyclage annoncé dans le rapport est loin, très loin de celui habituellement mis en avant dans la communication d’Areva. Alors que l’industriel communique partout autour d’une énergie recyclable à 96%, le rapport annonce une économie d’uranium liée au recyclage de 12% ! Le collège associatif a même pu établir que sur les dernières années le taux effectif de recyclage se situe entre 3,9 et 1,7% (Voir pages 5 et 6 de ce document). Dans la même veine, la communication des industriels autour du « cycle » nucléaire est condamnée. Le rapport fait la preuve que certains déchets ne sont jamais réutilisés et qu’on ne peut donc pas parler de « cycle fermé ».

« Ces deux exemples prouvent qu’en France le nucléaire ne survit pas à la transparence, déclare Christine Gilloire de FNE. Les industriels ne vont plus pouvoir faire croire que le nucléaire est une énergie propre et renouvelable. Et faire reposer l’avenir des déchets accumulés sur une hypothétique génération 4 est parfaitement illusoire. »

Un rapport basé sur une démarche positive mais perverti par les industriels
Alors que la plupart des participants au Haut comité ont montré une bonne volonté franche, les industriels et les exploitants (EDF et Areva) ont su profiter d’une faille méthodologique pour tourner progressivement le rapport plutôt à leur avantage.
Une partie du collège associatif décide donc de ne pas avaliser le rapport en soulignant que le principe même du Haut comité et sa bonne volonté ne sont pas en cause.
Ils demandent que la diffusion du rapport soit accompagnée d’une note sur leurs points de désaccord, rédigée avec Yves Marignac (WISE-Paris), expert invité du groupe de travail (consultable ici).

« Nous sommes extrêmement déçus par la qualité du rapport, ajoute Yannick Rousselet, chargé de campagne Nucléaire de Greenpeace France. Le travail a, en majorité, été positif. Nous avons eu accès à des informations inédites et nous avons pu faire avancer la transparence là où l’opacité régnait. Le problème méthodologique que nous avons rencontré a malheureusement permis à EDF et Areva de rester flou sur certains sujets ou de modifier le rapport sans aucune validation. »

Des points de fond pas assez étudiés
Certains sujets évoqués dans le rapport ne sont pas suffisamment traités en profondeur. Par exemple, la dimension historique n’est pas prise en compte, ce qui apparaît comme une aberration : le bilan fait du « cycle » nucléaire est incomplet en ne donnant qu’une synthèse approximative des bilans actuels qui ne reflète ni les difficultés rencontrées dans les années passées ni la question de la gestion de l’accumulation de stocks passés.

« Le rapport est incomplet sur certains points et nous sommes en désaccord sur d’autres. Nous ne pouvions cautionner un tel document. Il ne s’agit pas, pour nous, de condamner le HCTISN mais bien de réclamer plus de moyens et plus de temps pour lui assurer un fonctionnement optimal » conclut Pierre Barbey de l’ACRO.

Contacts :
Yannick Rousselet, Campagne nucléaire Greenpeace – 06 85 80 65 59
Axel Renaudin, Communication Greenpeace – 06 88 88 18 27


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