L’ACRO déplore la volonté du gouvernement d’affaiblir le contrôle en sûreté nucléaire et radioprotection

Le 8 février 2023, le gouvernement a annoncé vouloir démanteler l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), l’expert officiel. L’expertise passerait sous la tutelle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et la recherche retournerait au CEA, comme c’était le cas au siècle dernier. La décision a été prise à huis-clos, sans la moindre concertation, officiellement lors du Conseil de Politique Nucléaire qui s’est tenu à l’Elysée le 3 février dernier, mais annoncée plus tard. Cette instance, créée en 2008 par Nicolas Sarkozy, réunit des ministres, le chef d’état-major des armées, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale et l’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique autour du président de la République. Mais, elle n’inclut pas les ministres en charge du travail, de la santé ou de l’environnement…

La ministre de la Transition énergétique a demandé au président de l’ASN, au directeur général de l’IRSN, et à l’administrateur général du CEA, de lui proposer, d’ici fin février, les premières mesures et une méthode de travail permettant de mettre en œuvre ces orientations, avant une feuille de route plus détaillée en vue de la loi de finances 2024. Voir la lettre de mission.

Pourquoi cette décision, prise sans concertation, est inquiétante ?

La recherche et l’expertise se nourrissent mutuellement. En les séparant, le gouvernement va entraîner une perte de compétence et, in fine, affaiblir l’expertise. Ce doit être le but recherché suite aux déboires à répétition de l’EPR de Flamanville, de Melox et à la fragilité du parc nucléaire vieillissant. Et, sous la tutelle du CEA, la part de la recherche dédiée à la sûreté, à la radioprotection et à l’environnement risque de diminuer.

En plaçant l’expertise au sein de l’ASN, il y a un risque que cette dernière cherche à influencer l’avis technique. La séparation des deux acteurs, comme c’est le cas actuellement, oblige à un dialogue approfondi et permet aussi une plus grande transparence dans le processus.

Rappelons que le système actuel est issu des travaux présidés par le député Le Déaut, missionné par le premier ministre en 1998, qui avait mené une large concertation. Dans son rapport il soulignait :

  • Il faut garder une distinction entre, d’une part le niveau de l’autorité, d’autre part l’expertise.
  • Un expert en sûreté ne peut pas dépendre d’un exploitant ni d’un grand organisme de recherche promoteur du nucléaire. Il faut séparer administrativement l’IPSN (Institut de protection et de sécurité nucléaire) du CEA (Commissariat à l’énergie atomique).

La décision du gouvernement ne repose sur aucun audit ou étude qui viendrait étayer ce changement majeur de la gouvernance du pays le plus nucléarisé au monde. Sacrifier la sûreté pour gagner quelques mois sur la construction des futurs EPR n’a aucun sens alors que les retards actuels sont techniques et non procéduriers. Le communiqué gouvernemental ne contient ni le mot « concertation » ni le mot « transparence ». Des concepts sans importance, sans doute…

Le fonctionnement de l’IRSN doit être réformé en l’ouvrant plus au monde académique et aux parties prenantes en acceptant une plus grande pluralité d’approches. Il y a aussi la nécessité de garantir la liberté académique à ses chercheurs qui ne sont pas libres de publier ou de parler aux médias. Nous n’oublions pas le licenciement d’une chercheuse de cet institut en 2020, car ses résultats de recherches ne plaisaient pas à sa hiérarchie. En réaction, l’ACRO avait démissionné du Comité d’Orientation des Recherches de l’IRSN où elle siégeait depuis une dizaine d’années. Enfin, sur certains domaines non soumis au secret, il y a nécessité de voir émerger d’autres acteurs, aussi bien en recherche qu’en expertise.

Le sort que promet le gouvernement à l’IRSN va aggraver la situation. L’ACRO, organisme indépendant et citoyen œuvrant à toujours plus de transparence, ne peut que déplorer cette politique gouvernementale, tant sur le fond que sur la forme.


Dans un nouveau communiqué publié le 23 février, le gouvernement répond indirectement aux critiques et inquiétudes nombreuses qui se sont exprimées de tous les côtés en corrigeant sa copie :

  • les compétences en matière de recherche et d’expertise en sûreté nucléaire en radioprotection, en protection et surveillance de l’environnement seront maintenues ensemble au sein de la future autorité de sûreté ;
  • les rôles exécutifs respectivement du contrôle et de l’expertise resteront séparés du rôle de décision et de pilotage stratégique ;
  • l’information, la transparence et le dialogue technique avec la société devront être garanties.

Cependant, le gouvernement va se contenter d’amender son projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires alors que le sujet aurait mérité une loi à lui tout seul en se donnant le temps de la réflexion et de la concertation. Le gouvernement veut donc réformer autoritairement par décrets, au mépris de la démocratie.

Une réforme du contrôle ne changera rien aux retards et aux surcoûts de l’EPR de Flamanville, aux déboires de Mélox, à la saturation inquiétante des entreposages de combustibles nucléaires et au vieillissement des installations actuelles.


Le samedi 25 février, le gouvernement a déposé un premier amendement à son projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, confirmant ainsi sa volonté de passer en force. Il n’a mené aucune consultation des parties prenantes alors qu’il reste de nombreux problèmes à régler.

Tout tient dans une phrase : “L’Autorité de sûreté nucléaire exerce des missions d’expertise et de recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la radioprotection ainsi que des actions de sécurité civile en cas d’accident radiologique”. Le reste, et l’autre amendement, concernent surtout le statut des futurs agents. L’IRSN ne faisait pas que de l’expertise et de la recherche : que deviendront ses autres activités ? Qu’en est-il de son expertise sur la sécurité ? Et toujours pas un mot sur la gouvernance du nouvel organisme, ni sur la transparence ou la démarche d’ouverture.

La seule justification apportée par le gouvernement est que “le présent projet de loi vise à accélérer et sécuriser les projets de construction de nouveaux réacteurs nucléaires”, sans expliquer comment EDF ira plus vite grâce à cette loi. L’EPR de Flamanville a plus de dix ans de retard !

Notons que deux autres amendements, visant à maintenir une séparation entre l’ASN et l’IRSN, ont été déposés par le groupe “socialistes et apparentés”, ainsi que par le groupe “Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires”.


L’ACRO appelle les députés à voter CONTRE les amendements du gouvernement entraînant la fusion de l’ASN et de l’IRSN car l’impact de cette réforme n’a pas encore été évaluée. De nombreux points restent flous. Par exemple :

  • la partie expertise du futur ensemble pourra-t-elle publier ses avis avant la prise de décision comme c’est le cas actuellement ?
  • quel est le sort promis à toute la partie de l’IRSN en charge de l’expertise des installation nucléaires secrètes ?

Une réforme de la sûreté et de la radioprotection ne peut se faire qu’APRES avoir mené de larges consultations avec tous les acteurs et parties prenantes. Les amendements actuels sont prématurés et ne garantissent pas une évolution favorable de l’organisation de l’expertise et du contrôle.


Merci aux députés qui, le 15 mars, ont adopté un amendement maintenant la séparation entre l’ASN et l’IRSN. Le gouvernement a, le lendemain, a déposé un autre amendement – retiré dans la journée – modifiant les finalités du rapport étudiant une fusion des deux organismes.

Lors du débat parlementaire, selon Ouest-France, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a répondu à l’ancienne ministre Barbara Pompili : « Tu sais parfaitement que cette réforme et cette interrogation étaient engagées déjà il y a quelques mois, on ne va pas rentrer dans ce débat-là. » Si tel est le cas, pourquoi avoir agi en secret sans la moindre consultation des principaux intéressés ?

Il faut lancer des assises pour discuter de l’expertise et du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et panser les plaies ouvertes par le projet brutal du gouvernement.

Fondements éthiques de la radioprotection – Ethical Foundations of Radiological Protection

English below

Le projet de rapport en anglais sur les fondements éthiques du système de radioprotection a été soumis à la consultation du public sur Internet. Ce document inclut les commentaires de l’ACRO.

La CIPR explique que le but de ce projet de rapport est de « décrire comment la Commission a utilisé les critères éthiques pour développer le système de radioprotection, avec comme objectif de présenter de façon cohérente comment l’éthique fait partie du système ». Cependant, ce n’est pas ce qui fait dans le projet de rapport.

La CIPR analyse plutôt comment les trois principes de la radioprotection – la justification, l’optimisation et la limitation – qui sont au cœur du système et qui s’appliquent aux différents modes d’exposition, sont reliés à quatre critères éthiques : la bienfaisance/non-malfaisance, la prudence, la justice et la dignité. Elle ne regarde jamais si ces valeurs éthiques sont pleinement prise en compte par les règles de radioprotection.

La CIPR remarque que « cet intérêt récent pour la dimension éthique de la radioprotection n’est pas sans relation avec les difficultés rencontrées durant des décennies par les professionnels de la radioprotection face aux questions et inquiétudes des citoyens. L’accent mis traditionnellement sur la science des radiations s’avère être insuffisant et il est maintenant reconnu que les dimensions éthiques et humaines des situations d’exposition sont importantes, et parfois décisives dans le processus de décision et dans la communication. » La CIPR cite comme exemples la gestion des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, la gestion des déchets nucléaires et l’augmentation des applications médicales. Dans tous ces cas, les recommandations de la CIPR ont été critiquées et contestées par les personnes exposées. Les valeurs éthiques sont donc vue comme un moyen de communication.

Nous rappelons ici les trois principes fondamentaux du système de radioprotection par soucis d’exhaustivité :

  • « Le principe de justification qui dit que chaque décision qui change la situation d’exposition doit faire plus de bien que de mal. Cela signifie qu’en introduisant une nouvelle source de radiation dans des situations d’exposition planifiées, ou en réduisant l’exposition dans des situations d’exposition existantes ou d’urgence, on doit obtenir un bénéfice suffisant qui compense tous les coûts ou les conséquences négatives. Les bénéfices sont réputés s’appliquer à la société dans son ensemble, à des individus et aussi aux biotes.
  • Le principe d’optimisation qui stipule que toutes les expositions doivent être maintenues aussi bas que raisonnablement possible en prenant en compte les facteurs économiques et sociétaux. C’est une procédure reliée à la source, visant à obtenir le meilleur niveau de protection dans les circonstances actuelles grâce à un processus continu et itératif. Ce principe est la clé de voute du système de radioprotection. De plus, afin d’éviter les conséquences inéquitables de la procédure d’optimisation, la Commission recommande de limiter les doses aux individus et aux biotes pour une source donnée.
  • Le principe de limitation, qui déclare que les expositions individuelles ne doivent pas dépasser les doses limites recommandées par la Commission et qui ne s’applique qu’aux expositions planifiées autres que les expositions médicales et aux expositions des biotes. »

Les deux premiers principes peuvent conduire à des situations conflictuelles. Le bénéfice de quelques personnes ou de la société dans son ensemble peut conduire à exposer d’autres personnes qui ne bénéficient pas de cette exposition. De même, les facteurs économiques et sociétaux sont suffisamment vagues pour conduire à des situations conflictuelles qui ne sont jamais abordées dans le projet de rapport. C’est le cas, par exemple, avec les mines d’uranium dans des pays qui n’ont pas d’énergie nucléaire. Les riverains ne bénéficient pas de la mine alors qu’ils sont exposés aux poussières radioactives. Leurs propres facteurs sociétaux et économiques ne pèsent pas lourds devant ceux des pays où sont implantés les centrales nucléaires.

En ce qui concerne les situations d’exposition existantes qui font suite à un accident nucléaire de grande ampleur, les facteurs économiques et sociétaux des habitants des territoires contaminés ne sont pas ceux des personnes vivant dans les autres parties du pays. Ainsi, par exemple, les premiers veulent vendre leurs produits agricoles et ces derniers veulent éviter une contamination interne.

Ces deux exemples soulèvent des questions éthiques difficiles qui ne sont jamais abordées dans le projet de rapport.

Regardons maintenant les quatre critères éthiques. La CIPR explique que « la bienfaisance signifie promouvoir ou faire le bien, et la non-malfaisance, éviter la causalité du préjudice […]. Dans un sens plus restreint, la bienfaisance inclut la considération des bénéfices directs pour les individus, les communautés et l’environnement. l’utilisation des rayonnements, bien qu’associée à certain risques, peut, sans aucun doute, avoir des conséquences désirables, comme l’amélioration des diagnostiques ou de la thérapie en médecine, ou encore la production d’électricité. Cela doit être mis dans la balance face aux conséquences préjudiciables. »

La CIPR reconnaît que l’évaluation de la bienfaisance et de la non-malfaisance est un défi mais n’a rien d’autre à proposer « qu’une telle évaluation [soit] transparente pour ce qui est pris en compte, qu’elle reconnaisse les désaccords éventuels et qu’elle aille plus loin qu’une simple comparaison des impacts directs sur la santé et des coûts économiques. » La CIPR ne fournit aucun exemple de bonne pratique découlant de ces recommandations qui sont rarement mises en œuvre.

« La prudence est la capacité à faire des choix éclairés et soigneusement considérés sans la connaissance complète de la portée et des conséquences de ces actions […]. Les implications de cette attitude prudente ont été importantes pour la structuration du système de protection radiologique. » Cependant, les limites d’exposition ont toujours été réduites aux cours des années et la CIPR ne se demande jamais si ces recommandations étaient suffisamment prudentes dans le passé.

La CIPR note que « ni la prudence ni le principe de précaution ne devraient être interprétés comme une demande de risque zéro, le choix de l’option la moins risquée ou l’exigence d’actions pour l’action ». Mais les populations ont le droit de choisir l’option la moins risquée et d’exiger des actions dans le souci d’une meilleure protection.

« La justice est généralement définie comme l’équité dans la distribution des avantages et des inconvénients entre les groupes de personnes (justice distributive), l’équité dans la compensation des pertes (justice réparatrice) et l’équité dans les règles et les procédures relatives aux processus décisionnels (justice procédurale) […]. Comme pour les contraintes de dose et les niveaux de référence, les limites de dose sont des outils pour restreindre l’exposition individuelle afin d’assurer l’équité dans la répartition des risques parmi le groupe d’individus exposés. »

Avant de considérer une distribution « équitable » des risques, on doit se demander si ces risques sont acceptables ou non.

De plus, certaines catégories de personnes sont plus sensibles aux radiations que d’autres. C’est le cas, en particulier, des enfants et bébés. La justice devrait impliquer une meilleure protection avec des limites plus faibles pour eux. C’est une forte demande des familles vivant dans les environs de la centrale de Fukushima daï-ichi. Certaines d’entre elles ont évacué sans le moindre soutien afin de protéger leurs enfants.

De la même manière, les individus ne sont pas tous égaux en terme de patrimoine génétique et une partie de la population présente des hypersensibilités face aux effets néfastes des radiations (1 à 3% sont hétérozygotes pour l’ataxie télangiectasie). Le système de radioprotection ne peut être construit pour protéger la majorité des citoyens, mais tous les citoyens.

Anand Grover, Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’Homme, note, dans son rapport sur la situation à Fukushima que « les recommandations de la CIPR sont basées sur les principes d’optimisation et de justification, selon lesquels toutes les actions du gouvernement devraient tendre à maximiser les bénéfices sur les détriments. Une telle analyse risques-bénéfices n’est pas en accord avec le cadre du droit à la santé car il privilégie les intérêts collectifs par rapport aux droits individuels. En vertu du droit à la santé, le droit de chaque individu doit être protégé. »

La CIPR ne traite pas cette question de la santé individuelle dans son projet de rapport. Comment peut-elle espérer répondre aux exigences des populations et être comprise par elles ?

« La justice intergénérationnelle a été traitée par la Commission pour la gestion des déchets radioactifs […]. La Commission introduit des responsabilités vis à vis des générations futures en leur donnant les moyens d’assurer leur protection. » La justice pourrait aussi être étendue à des considérations spatiales en interdisant l’exportation des déchets radioactifs vers des pays étrangers qui ne bénéficient pas de la production d’électricité.

La mise en œuvre de la radioprotection nécessite un système démocratique pour éviter les abus. Cependant, la démocratie n’est pas retenue comme critère éthique par la CIPR.

Dans ce projet de rapport, l’application des principes éthiques est limitée à quelques sujets comme la gestion des déchets. Ces principes sont essentiellement utilisé pour justifier a posteriori les choix faits par la CIPR. L’ACRO pense que les valeurs éthiques doivent être entièrement appliquées à tous les aspects de la radioprotection et que la Commission devrait se demander si elle a atteint ce but. Les exemples présentés plus haut montrent que ce n’est probablement pas le cas.

Finalement, la CIPR considère les valeurs procédurales et introduit la responsabilité, la transparence et l’inclusion (participation des parties prenantes). « La responsabilité peut être définie comme le critère éthique procédural qui implique que les personnes en charge de la prise de décision soient redevables de leurs actions envers ceux qui susceptibles d’être affectés par ces actions. En terme de gouvernance, cela signifie l’obligation pour les individus ou les organisations de rendre compte de leurs actions, d’en accepter la responsabilité et d’être prêt à en assumer les conséquences si nécessaire. »

La transparence « concerne l’équité du processus à travers lequel l’information est intentionnellement partagée entre les individus et/ou les organisations […]. La transparence ne signifie pas simplement la communication ou la consultation. C’est relié à l’accès à l’information relative aux activités, délibérations et les décisions en jeu, et aussi à l’honnêteté avec laquelle cette information est transmise. Cela fait partie de la responsabilité sociale des entreprises, en veillant à ce que les décideurs agissent de manière responsable dans les domaines social, économique et environnemental, dans l’intérêt des individus et groupes concernés. »

Enfin, « la participation des parties-prenantes, aussi appelée implication ou engagement des parties prenantes, signifie « impliquer toutes les parties concernées dans les processus décisionnels liés à la protection radiologique ». »

L’ACRO soutient fortement l’application de ces valeurs procédurales et estime qu’elles devraient être mise en œuvre dès la phase de justification. Bien que cela ne soit pas mentionné dans le projet de rapport, c’est déjà une exigence de la convention d’Aarhus pour ce qui concerne l’environnement. Cela devrait être étendu à la radioprotection.

Le projet de rapport mentionne : « l’expérience de la gestion des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, et plus récemment l’accident de Fukushima, montrent que l’autonomisation des personnes affectées les aide à retrouver la confiance, à comprendre la situation à laquelle elles sont confrontées, et enfin, à prendre des décisions éclairées et à agir en conséquence. » Cela n’est vrai que pour un nombre très limité de personnes. La plupart des citoyens vivant dans les environs de la centrale de Fukushima daï-ichi ne font toujours pas confiance aux autorités. La « responsabilité » et la « transparence » ont été ignorées par les autorités japonaises. La limite arbitraire d’évacuation fixée à 20 mSv/an n’a jamais été expliquée ni justifiée. Les personnes qui refusent cette limite peuvent n’avoir pas d’autre choix que de rester à cause des contraintes économiques.

C’est dommage que la CIPR n’ait pas cherché à comprendre la situation des territoires contaminés dans son ensemble et ait limité ses fameux « dialogues » à un nombre limité de personnes qui sont d’accord avec elle. Elle aurait beaucoup plus appris sur les conséquences de ses recommandations en parlant à toutes les catégories de personnes.

En conclusion, l’ACRO estime que l’étude des fondements éthiques de la radioprotection est nécessaire mais qu’elle n’est pas complète dans ce projet de rapport. Cela devrait être soumis à différentes parties prenantes et discuté par d’autres moyens qu’une simple consultation sur Internet.


English version

The draft ICRP report Ethical Foundations of the System of Radiological Protection has been submitted for public consultation on the Internet. The present document includes comments from ACRO.

ICRP claims that the purpose of the draft report is to “describe how the Commission has used ethical values in developing the system of radiological protection with the objective of presenting a coherent view of how ethics is part of this system”. Actually, this is not what is really done in the draft report.

ICRP rather consider how the three fundamental principles of protection – justification, optimisation, and limitation – that are central to the system and apply to the different types of exposure situations are related to four core ethical values: beneficence/non-maleficence, prudence, justice and dignity. It never considers whether these ethical values are fully taken into account in radiation protection rules.

ICRP notes that “this relatively recent interest in ethical aspects of radiological protection is certainly not unrelated to the difficulties encountered for decades by radiological protection professionals facing the questions and concerns of citizens. The traditional emphasis on the science of radiation has been shown to be insufficient, and it is now recognised that human and ethical dimensions of exposure situations are important and sometimes decisive in both the decision making process and in communication”. As examples, ICRP cites the management of the consequences from the Chernobyl accident, radioactive waste management and the increasing use of medical applications, all situations where its recommendations have been challenged and criticized by exposed persons. Ethical values are then seen as a tool to communicate with the public.

For the sake of completeness, let us recall the three fundamental principles of the present radiological protection system:

  • “The principle of justification, which states that any decision that alters the exposure situation should do more good than harm. This means that, by introducing a new radiation source in planned exposure situations, or by reducing exposures in existing and emergency exposure situations, one should achieve sufficient benefit to offset any costs or negative consequences. The benefits are deemed to apply to society as a whole, to specific individuals and also to biota.
  • The principle of optimisation, which stipulates that all exposures should be kept as low as reasonably achievable taking into account economic and societal factors. It is a source-related process, aimed at achieving the best level of protection under the prevailing circumstances through an ongoing, iterative process. This principle is the cornerstone of the system of protection. Furthermore, in order to avoid inequitable outcomes of the optimisation procedure the Commission recommends restricting doses to individuals and biota from a particular source.
  • The principle of limitation, which declares that individual exposures should not exceed the dose limits recommended by the Commission, and applies only to planned exposure situations other than medical exposure to patients or exposure of biota.”

The first two principles can lead to conflicting situations. The benefit of some people or the society as a whole could lead to the exposure of other people who do not benefit from this exposure. Similarly, the economic and societal factors are vague enough to lead to conflicting situations that are never addressed in the present draft report. This is the case for example with uranium mining in countries that do have nuclear power plants. Neighbouring communities generally do not benefit from the mine although they are exposed to the radioactive dust. Their societal and economical factors do not weight much in front of the societal and economical factors of the countries where the nuclear power plants are implanted.

Regarding existing exposure situations after a large-scale nuclear accident, the economic and societal factors of the population living in contaminated territories are not the same as the ones of the other parts of the country. For example, the former want to sell their agricultural production and the later to avoid internal contamination.

These two examples raise difficult ethical issues related to radiological protection that are never addressed in the draft ICRP report.

Let us consider now the four core ethical values. ICRP explains that “beneficence means promoting or doing good, and non-maleficence means avoiding causation of harm […] In a narrower sense, beneficence includes consideration of direct benefits, for individuals, communities, and the environment. The use of radiation, although coupled with certain risks, undoubtedly can have desirable consequences, such as the improvement of diagnostics or therapy in medicine, or the production of electricity. These have to be weighed against the harmful consequences.”

ICRP recognize that the assessment of beneficence and non-maleficence is a key challenge but has nothing else to propose than recommending, “that such an assessment [should] be transparent about what was included, recognise disagreements where they arise, and go beyond a simple balancing of direct health impacts against economic costs.” ICRP provides no example of good practice arising from these recommendations that are rarely implemented.

“Prudence is the ability to make informed and carefully considered choices without the full knowledge of the scope and consequences of actions […] The implications of this prudent attitude have been significant for the subsequent structuring of the system of radiological protection.” However, exposure limits have always been reduced over the years and the ICRP never asks itself whether its recommendations where prudent enough in the past.

ICRP notes that “neither prudence nor the precautionary principle should be interpreted as demanding zero risk, choosing the least risky option, or requiring action just for the sake of action.” But populations do have the right to choose the least risky option and requiring actions for the sake of a better protection.

“Justice is usually defined as fairness in the distribution of advantages and disadvantages among groups of people (distributive justice), fairness in compensation for losses (restorative justice), and fairness in the rules and procedures in the processes of decision-making (procedural justice). […] As with dose constraints and reference levels, dose limits are tools to restrict individual exposure in order to ensure fairness in the distribution of risks across the exposed group of individuals.”

Before considering a “fair” distribution of the risks one should wonder whether such risks are acceptable or not.

Moreover some categories of people are more sensitive to radiations than others. It is particularly the case of children and infants. Justice would mean a better protection with lower limits for them. This is a strong request from families living around the Fukushima dai-ichi nuclear power plant. Some of them evacuated without any support in order to protect their children.

Similarly, individuals are not all equal in terms of genetic heritage and part of the population has a hypersensitivity to the adverse effects of radiation (1 to 3% are heterozygous for ataxia telangiectasia). The radiation protection system cannot be built to protect the majority of citizens, but all citizens.

Anand Grover, Special Rapporteur of the Human Rights Council, in his report about the situation in Fukushima notes that “ICRP recommendations are based on the principle of optimisation and justification, according to which all actions of the Government should be based on maximizing good over harm. Such a risk-benefit analysis is not in consonance with the right to health framework, as it gives precedence to collective interests over individual rights. Under the right to health, the right of every individual has to be protected.”

ICRP does not address this issue of individual health in its draft report. How can it expect to answer to the demands of the populations and be understood by them?

“Intergenerational justice has been addressed by the Commission for the management of radioactive waste […]. The Commission introduces responsibilities towards future generations in terms of providing the means to deal with their protection”. Justice could also be extended spatial consideration by forbidding the export of radioactive waste to foreign countries that did not benefit from the electricity production.

Implementation of radiological protection requires democracy to avoid abuses. Nevertheless, democracy is not considered as a core ethical value by ICRP.

In this draft report, application of ethical principles is limited to few topics such as waste management. These principles are mainly used to justify a posteriori the choices done by the ICRP. ACRO considers that ethical values should be fully applied to all aspects of radiological protection and the Commission should ask itself whether it has achieved this full implementation. Examples presented before show that this is probably not the case.

The ICRP finally consider procedural values and introduce accountability, transparency and inclusiveness (stakeholder participation). “Accountability can be defined as the procedural ethical value that people who are in charge of decision-making must answer for their actions to all those who are likely to be affected by these actions. In terms of governance this means the obligation of individuals or organisations to report on their activities, to accept responsibility, and to be ready to account for the consequences if necessary.”

Transparency “concerns the fairness of the process through which information is intentionally shared between individuals and/or organisations […] Transparency does not simply mean communication or consultation. It relates to the accessibility of information about the activities, deliberations, and decisions at stake and also the honesty with which this information is transmitted. It is part of corporate social responsibility, ensuring that decision-makers act responsibly in the social, economic and environmental domains in the interest of individuals and groups concerned.”

Finally, “stakeholder participation, also referred to as stakeholder involvement or engagement, means “involving all relevant parties in the decision-making processes related to radiological protection””.

ACRO strongly supports the implementation of these three procedural values and considers that they should be implemented from the justification stage. This is not mentioned in the draft report, although it is a requirement the Aarhus convention for environmental issues. This should be extended to radiological protection.

The draft report mentions: “experience from the management of the consequences of the Chernobyl accident, and more recently the Fukushima accident demonstrated that empowerment of affected people helps them to regain confidence, to understand the situation they are confronted with, and finally to make informed decisions and act accordingly.” This is true for a very limited number of people. Most of citizen living around the Fukushima dai-ichi nuclear power plant still do not trust authorities. “Accountability” and “transparency” have being ignored by Japanese authorities. The arbitrary evacuation limit of 20 mSv/y has never been explained nor justified. People refusing this limit might have no other choice than remaining in contaminated territories due to economical constrains.

It is a pity that the ICRP has never tried to grasp the situation in contaminated territories as whole and has limited its so-called “dialogues” to a limited number of people that agrees with the Commission. It would have learned much more about the consequences of its recommendations in talking to all categories of people.

As conclusion, ACRO considers that studying the ethical basis of the radiological protection is a necessity but it is not achieved in the present draft report. It should be submitted to various stakeholders and discussed by other means than a simple public consultation on the Internet.

AVIS de l’ACRO en réponse à la consultation sur le projet de décret relatif à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants et à la sécurité des sources de rayonnements ionisants contre les actes de malveillances.

Le Ministère de l’environnement a soumis à l’avis du public son projet de décret relatif à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants, qui transpose la directive européenne 2013/59/Euratom.