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Derniers numéros :

N°144 : Le nucléaire français n’assume pas ses liens avec la Russie – Regard d’un haguais sur la décontamination du Ru des Landes – Pavlo, liquidateur – Petit point sur la catastrophe de Fukushima 13 ans après – Surveillance radiologique du plateau de la Hague 2022 ( printemps 2024)

N°143 : L’absorption de l’IRSN par l’ASN à marche forcée – Bilan 2022 de la surveillance radiologique de l’environnement autour des installations nucléaires de la Loire et de la Vienne (décembre 2023)

N°142 : Alors que les piscines françaises sont proches de la saturation, KEPCo va envoyer des combustibles en France – Le contrôle nucléaire recadré – Analyses environnementales du CNPE de Nogent sur Seine ( septembre 2023)

N°141 : L’humanité face au défi climatique – Quel avenir pour le combustible Mox et le retraitement ? – Au revoir Jean-Claude (juin 2023)

N°140 : D’où vient l’uranium importé en France ? – Nucléaire, un cycle du combustible grippé (mars 2023) Note d’information de l’ACRO

N°139 : Projet de construction de six EPR2 dont une première paire à Penly – Pollution au plutonium à La Hague révélée par l’ACRO (décembre 2022)

N°138 : Surveillance de la contamination de l’eau potable et de légumes autour de Valduc (septembre 2022)

N°137 : Résultats 2021 de la surveillance radiologique de l’environnement autour des installations nucléaires de la Loire et de la Vienne (juin 2022)

N°136 : Suivi du projet de la piscine nucléaire EDF à La Hague / Enquête publique sur la poursuite du démantèlement de la centrale de Brennilis (mars 2022)

Historiques des Acroniques


Nuage de sable du Sahara : nouvelle mesure de la radioactivité

A l’occasion du nouvel épisode de vents transportant des poussières de sable du Sahara, l’ACRO a réalisé une analyse de la radioactivité. La mesure a porté sur un échantillon d’environ 30 g de sable récolté en Touraine le 16 mars 2022 par l’un de nos préleveurs volontaires.

L’analyse par spectrométrie gamma, met clairement en évidence la présence de césium-137 – un élément radioactif artificiel – dans l’échantillon de sable, avec un niveau très similaire à ce qui avait été constaté l’année dernière. En supposant d’un dépôt homogène sur une large zone, on estime que, durant ce nouvel épisode, il est retombé environ 75 000 Bq de césium-137 au km2 dans la région Touraine (ou 75 mBq/m2).

Comme nous l’avions souligné l’an dernier (communiqué du 24 février 2021), ce nouveau dépôt constitue une pollution très faible, sans risque sanitaire, mais qui s’ajoute aux dépôts précédents (essais nucléaires des années 60-70 et Tchernobyl).

Le césium-137 dans le sable du Sahara est un résidu des pollutions radioactives dispersées lors des essais atmosphériques de la bombe atomique, tels que pratiqués par la France au début des années 60 dans le désert algérien. En effet, la concentration en césium-137 mesurée ici (22 Bq/kg de sable) est bien plus élevée que les niveaux généralement relevés dans les sables sur le territoire métropolitain français[1] et met en évidence une pollution rémanente locale.

Cette pollution radioactive – encore observable 60 ans après les tirs nucléaires – nous rappelle la contamination radioactive pérenne dans le Sahara dont la France porte la responsabilité et suggère que ces retombées ont dû être particulièrement élevées durant les années 60.

[1] Les niveaux en France métropolitaine sont généralement inférieurs au becquerel par kilogramme dans les sables récoltés dans des lieux hors de toute influence des rejets d’une installation nucléaire.

Acronique #135 : décembre 2021

              Au sommaire :

1.Édito

2.Récit d’un préleveur volontaire

3.La convention OSPAR pour la protection de l’Atlantique du Nord-Est reporte discrètement de 2020 à 2050 son engagement de réduire les rejets radioactifs en mer

4.Consultation ASN relative aux projets de décisions modifiant certaines modalités de prélèvement et consommation d’eau, de
rejet et de surveillance de l’environnement, et certaines limites de rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux de l’établissement de La Hague

                 5.Revue de presse

Tritium dans la Loire : résultats de l’étude de l’IRSN à Saumur, en aval de Chinon

L’IRSN a publié le rapport de son étude de la dispersion du tritium dans la Loire en aval de la centrale nucléaire de Chinon (lien direct). Voici les commentaires de l’ACRO publiés en annexe du rapport.


La surveillance citoyenne des rejets radioactifs des installations nucléaires mise en place par l’ACRO – avec des associations partenaires dans le cas du bassin de la Loire – a pour but de répondre à des questions ignorées par la surveillance officielle. C’est pourquoi les prélèvements se font souvent dans des lieux jamais investigués par ailleurs et dans des conditions différentes, tout en respectant la rigueur scientifique et les normes, du prélèvement à la mesure.

La concentration en tritium de 310 Bq/L mesurée par l’ACRO dans un échantillon prélevé le 21 janvier 2019 dans la Loire depuis le milieu du pont Cessart à Saumur est particulièrement élevée par rapport à ce qui est mesuré par ailleurs. Un tel résultat demandait des investigations et l’ACRO est très satisfaite de l’ampleur de la réponse officielle. C’est particulièrement le cas de la présente étude qui a coûté l’équivalent de trois années de budget de l’association.

La principale conclusion de l’étude est de confirmer qu’il n’y a pas de bon mélange des rejets en tritium sur plus de 20 km en aval de la centrale nucléaire de Chinon, comme l’ACRO l’avait déjà montré dans sa note publiée le 6 octobre 2020. L’hypothèse de bon mélange était pourtant bien ancrée dans les esprits et est sous-jacente aux autorisations de rejet. Dans sa note datée du 17 octobre 2019, l’IRSN avait, sur cette base, mis en cause notre « méthodologie du prélèvement » qui n’aurait pas été effectué dans la « zone de bon mélange ».

La présente étude clôt le débat et personne ne sait situer la zone de bon mélange sur laquelle repose la réglementation liée aux rejets.

La principale conséquence est que, la plupart du temps, la station multi-paramètres d’EDF, qui sert aussi à l’IRSN, ne détecte pas les rejets radioactifs de la centrale de Chinon qu’elle est supposée surveiller ! Et, comme le souligne l’IRSN, elle ne peut donc pas détecter d’éventuels rejets non maîtrisés. Une telle situation est d’autant plus inquiétante que le tritium se retrouve dans l’eau de distribution en aval des installations nucléaires le long de la Loire et la Vienne.

Enfin, la principale valeur ajoutée de cette étude est la modélisation de la dispersion des rejets radioactifs dans le fleuve. Dès les premiers échanges sur ce projet d’étude, en février 2020, l’ACRO avait suggéré de ne pas se limiter au pont Cessart et d’utiliser aussi d’autres ponts en amont pour étudier les transects. L’association soulignait aussi l’intérêt d’effectuer également des prélèvements à différentes profondeurs, afin de mieux appréhender la dispersion verticale et de faire des simulations numériques préalables afin de mieux déterminer les points de prélèvement pertinents pour contraindre les modèles.

Les résultats présentés dans cette étude sont indispensables pour comprendre le comportement des rejets, mais la modélisation ne peut, en aucun cas, remplacer un système de surveillance performant.

Enfin, l’ACRO a apprécié la mise en place et le fonctionnement du comité de suivi de l’étude. Elle espère que les parties prenantes seront associées à la suite des investigations et mesures correctives, car les questions ouvertes restent nombreuses. Il est important que le contrôle des rejets par l’exploitant et l’IRSN soit effectif. Il y a aussi un besoin de beaucoup plus de transparence sur les rejets. Enfin, des actions sont nécessaires pour réduire l’impact sur l’eau de distribution.

Sans la surveillance mise en place par les associations locales et l’ACRO, toutes ces questions n’auraient pas été soulevées. Ces organisations vont donc poursuivre leur surveillance citoyenne des rejets des installations nucléaires dans le bassin de la Loire.


Publications ACRO sur le tritium dans le bassin de la Loire :

  • Contamination anormalement élevée à Saumur en janvier 2019 : du tritium à 310 Bq/L dans la Loire, 18 juin 2019
  • Du tritium dans l’eau potable ! Plus de 6 millions de français sont concernés.
    Quelle eau potable en cas d’accident nucléaire grave ?, 17 juillet 2019
  • Surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement autour des installations nucléaires de la Loire et de la Vienne, 6 octobre 2020
  • Tritium dans la Loire : la surveillance officielle défaillante, 1er juillet 2021

Projet de piscine nucléaire centralisée à La Hague : cahier d’acteur de l’ACRO

Téléchargez le cahier d’acteur de l’ACRO dans le cadre de la consultation sur le projet de piscine d’entreposage centralisé d’EDF à La Hague (50).

Piscine centralisée à La Hague : Un projet trop tardif et risqué

Synthèse :

EDF a déjà beaucoup de retard dans son projet de piscine centralisée. Et n’ayant pu trouver de site, elle s’est rabattue sur un terrain pollué, dans une zone très nucléarisée, en comptant sur une meilleure acceptabilité sociale. La dépollution sur site et les aléas de chantier rendent le calendrier présenté peu réaliste. La saturation des piscines existantes, à l’horizon 2030, fait planer une menace inacceptable sur l’approvisionnement électrique du pays. Il est donc trop tard pour construire une piscine centralisée et EDF doit se tourner vers des solutions plus rapides à mettre en œuvre. En attendant, la production de combustibles nucléaires classiques (UNE) doit être réduite pour maintenir une marge suffisante dans les entreposages.

La Hague a déjà la concentration de substances radioactives la plus élevée au monde. Cumuler les installations nucléaires sur un même site pourrait rendre un accident grave encore plus complexe à gérer.

Après le 11 septembre 2001, la protection des piscines existantes contre les risques d’agression extérieure est devenue un sujet majeur. Le projet de piscine montre que les inquiétudes étaient légitimes. Les piscines existantes doivent aussi être bunkérisées !

Pour une information du public complète durant cette consultation, l’ACRO demande

  • qu’EDF mette en ligne une version publique de son rapport « impact cycle 2016 », autorise l’IRSN à publier la version intégrale de l’expertise qui en a été faite et justifie son retard ;
  • qu’Orano rende publique « le dossier d’assainissement du parc aux ajoncs » qu’elle a dû rendre à l’ASN en octobre 2021.

Un projet trop tardif…

La saturation, à l’horizon 2030, des piscines d’entreposage de combustibles irradiés est anticipée depuis le début des années 2000, mais, à quelques années de l’échéance, EDF est très en retard. L’arrêté du 23 février 2017 établissant les prescriptions du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs lui imposait pourtant de déposer « avant le 31 décembre 2020 auprès du ministre chargé de la sûreté nucléaire une demande d’autorisation de création pour une nouvelle installation d’entreposage de combustibles usés, ou une demande de modification substantielle s’il s’agit de l’extension d’une installation existante. » Dans son dossier, « EDF prévoit de déposer son dossier de Demande d’autorisation de création de l’installation (DAC) en 2023. » Et le planning présenté fait état d’« une mise en service de l’installation en 2034. »

Il est peu probable qu’EDF accélère son calendrier, ses autres chantiers – le centre d’entreposage ICEDA et l’EPR de Flamanville – ayant accumulé les retards supplémentaires. Et, pour ce projet de piscine, les obstacles sont nombreux.

Un site pollué et des retards supplémentaires ?

Pour EDF, « l’impact de la Piscine sur son environnement sera très faible. Elle sera implantée sur un terrain actuellement intégré au site nucléaire de La Hague, et ne requiert de convertir aucun nouveau terrain à un usage industriel. » Pas un mot sur la pollution chimique et radioactive du terrain où la piscine doit être implantée. Aucune information sur les nappes phréatiques, alors que la piscine doit être à moitié enterrée.

EDF ajoute qu’« aucun rejet radioactif, que ce soit par voie gazeuse ou liquide, n’est effectué en phase chantier », sans mentionner que le site doit être assaini avant le chantier. Et cet assainissement engendrera des déchets et des rejets.

Des années de laisser-aller.

Le « parc aux ajoncs », où doit être implantée la piscine, est notoirement une zone polluée depuis des années, mais que Cogéma/Areva/Orano s’est bien gardée d’assainir. Ces années de négligence retardent le projet, maintenant que les terrains pollués ont trouvé un acheteur.

Dans une lettre d’inspection (CODEP-DRC-2021-043175) datée de septembre 2021, l’ASN regrette les retards dans l’investigation radiologique et chimique des sols. Et « les inspecteurs ont noté que l’essentiel des sondages étaient réalisés dans les trois premiers mètres, et rarement au-delà de dix mètres. » Orano est aussi en retard dans la transmission de la modélisation hydrogéologique prescrite par la décision du 25 juin 2019. Rappelons que la piscine devrait être semi-enterrée et affecter les nappes phréatiques.

Par ailleurs, des terres et des gravats devront être déplacés et il faut encore trouver de nouvelles zones d’entreposage sur site. Toujours selon la lettre d’inspection de l’ASN, Orano n’en est qu’aux « études prospectives et […] actions envisagées » pour la « gestion des terres et gravats sur le site dans les prochaines années ». Et l’ASN de s’inquiéter des retards éventuels.

A noter que « le dossier d’assainissement du parc aux ajoncs » a dû être « transmis et présenté en octobre 2021 à l’ASN ». Il n’a pas été rendu public et EDF n’en fait pas mention dans son dossier soumis à consultation.

Le cas du Ru des Landes.

Dans le cadre de son Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement, l’ACRO effectue une surveillance régulière de la pollution radioactive autour des installations nucléaires de La Hague, ce qui lui a permis, en 2016, de mettre en évidence une pollution inhabituelle dans la zone du Ru des Landes, avec la présence notable d’américium-241 et de plutonium, particulièrement toxiques. En janvier 2017, Areva, devenue Orano depuis, s’est engagée à reprendre les terres contaminées. Et en mars 2017, une équipe projet a été mise en place, mais, en janvier 2022, aucun travail d’assainissement n’a encore été mené et des vaches continuent à y paître. Faudra-t-il autant de temps pour le parc aux ajoncs, situé juste au-dessus du Ru des Landes ?

Et les nappes phréatiques ?

La nappe phréatique qui alimente le Ru des Landes est aussi contaminée en plutonium, américium 241 et strontium 90. Dans un avis publié en avril 2017, l’IRSN précise que « dans la note technique transmise en décembre 2016, AREVA NC cite comme origine possible du marquage de la source du ruisseau des Landes, des transferts de radionucléides par les eaux souterraines à partir des fosses bétonnées non étanches de la ZNO. En outre, selon l’étude d’impact réalisée dans le cadre de la demande de démantèlement complet de l’usine UP2-400, un marquage global de cette zone est également attribué aux rejets intervenus lors de l’incendie du silo 130 » Il est donc fort probable que les nappes phréatiques sous le parc aux ajoncs soient aussi contaminées.

Des rejets significatifs

Peu d’information.

Dans ses documents, EDF annonce qu’« en exploitation ses rejets radioactifs seront de l’ordre de 1% des rejets actuels du site d’Orano ». C’est donc beaucoup puisque Orano a les rejets radioactifs en mer les plus élevés au monde ! EDF ne donne aucune indication sur la façon dont ce chiffre a été évalué. Elle précise juste que « les effluents radioactifs seront principalement composés de tritium, de carbone-14 et d’autres produits de fission et d’activation émetteurs bêta ou gamma qui proviennent des assemblages combustibles ». Le suivi des piscines existantes aurait dû permettre d’être plus précis.

Le tritium – hydrogène radioactif – est très difficile à contenir et sera donc le radioélément le plus rejeté. Les usines Orano en rejettent 11 400 TBq par an. 1% de cette valeur – 114 TBq – représente à peu près deux fois plus que les rejets de la centrale de Flamanville limités à 60 TBq par an.

…qui menace l’approvisionnement électrique français

Pourquoi les retards du projet d’entreposage de combustibles usés sont inquiétants ?

Accumulation

Flux de matières nucléaires

Il y a deux types de combustibles nucléaires actuellement utilisés en France : les combustibles à l’uranium naturel enrichi (UNE) qui représentent 90% des combustibles qui sortent actuellement des centrales nucléaires françaises, selon le Haut Comité à la Transparence et à l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN, rapport de 2018). Ils sont entièrement retraités après une dizaine d’années en piscine, mais seul le plutonium est recyclé pour fabriquer du combustible MOx qui constitue les 10% restant. Dans son dossier, EDF écrit, sans vergogne, que « l’uranium issu du traitement (URT) est recyclé ». C’est faux ! Par le passé, une petite partie de l’uranium de retraitement a effectivement été recyclé après ré-enrichissement en Sibérie, mais cela n’a représenté que 2% environ de l’uranium séparé à La Hague, selon le HCTISN.

Ni les combustibles MOx usés, ni les quelques assemblages à base d’uranium de retraitement ne sont retraités. Ils doivent donc être entreposés durant des décennies et s’accumulent. Ils viennent s’ajouter aux combustibles classiques (UNE) qui n’ont pas été retraités par le passé.

D’entrée de jeu, EDF explique que les combustibles MOX usés sont « appelés à être retraités ultérieurement sur ce même site. » Il s’agit d’un vœu pieux. Avec la fermeture des réacteurs 900 MW – les seuls qui consomment le MOX –, EDF ne pourra même pas retraiter tous les combustibles classiques à l’uranium naturel. Alors pourquoi aller retraiter des combustibles MOX ?

Saturation à l’horizon 2030

La saturation est anticipée depuis le début des années 2000

La saturation, à l’horizon 2030, des piscines d’entreposage de combustibles irradiés est anticipée depuis le début des années 2000 et l’ASN presse EDF d’étendre ses entreposages depuis 2010. Mais, si quelques réacteurs parmi les plus anciens – les seuls habilités à consommer du MOx –, ne sont pas autorisés à poursuivre leur fonctionnement au-delà de 40 ans, il faudra diminuer la part du retraitement afin de ne pas séparer plus de plutonium que nécessaire. En retirant moins de combustibles des piscines de la Hague, la saturation arrivera plus vite que prévu.

Une fois la saturation atteinte, il faudra réduire la production de combustibles classiques afin de laisser la place aux MOx usés. Cela nécessitera d’arrêter 10% du parc nucléaire, soit 5 à 6 réacteurs non Moxés.

Comme le projet de piscine sera achevé, au mieux, en 2034, l’industrie nucléaire travaille déjà sur des plans B, même si EDF n’en parle pas dans son document soumis à consultation. Il est déjà prévu de densifier les piscines existantes de La Hague et, si cela ne suffisait pas, de mettre des combustibles dans des containers de transport. Aucune de ces solutions n’est durable et il s’agit plutôt de pis-aller.

En cas d’aléas, une situation alarmante

C’est en cas d’aléa entraînant un arrêt prolongé du retraitement, de la fabrication de MOx ou du transport que la situation pourrait devenir problématique. L’engorgement des piscines entraînerait l’arrêt de tout le parc nucléaire en quelques mois, menaçant ainsi l’approvisionnement électrique du pays. Les autorités de contrôle, face à un dilemme insoluble, pourraient avoir à trancher entre la sûreté et l’approvisionnement électrique et alors être obligées d’accepter des manquements graves à la sûreté pour permettre la poursuite de l’exploitation des réacteurs nucléaires. Une telle situation est inacceptable et montre l’irresponsabilité d’EDF.

Une pénurie d’entreposage pour imposer la poursuite du nucléaire

Suite à la catastrophe de Fukushima, le Japon a dû arrêter tout son parc nucléaire en 14 mois, alors que celui-ci fournissait 30% de l’électricité du pays. En France, le nucléaire fournit 70% de l’électricité. L’arrêt du parc aura donc des conséquences beaucoup plus graves. C’est pourquoi la loi sur la transition énergétique et croissance verte prévoyait de ramener la part du nucléaire à 50% de l’électricité produite avant 2025. L’arrêt des réacteurs les plus anciens – les seuls qui consomment le plutonium extrait – aurait entraîné une réduction du retraitement et une accélération de la saturation des entreposages, qui aurait, à son tour, entraîné l’arrêt de réacteurs plus récents.

En maintenant une pénurie d’entreposages, l’industrie nucléaire a imposé la poursuite du retraitement, l’exploitation des réacteurs les plus anciens et le report à 2035 de l’échéance de la loi sur la transition énergétique et croissance verte. Mais cette politique est délétère, car elle risque d’entraîner un effondrement de la production d’électricité, une fois la saturation atteinte.

Un secret bien gardé

Tout est fait pour garder le secret sur cette situation alarmante. L’IRSN avait censuré tout le chapitre « aléas » et presque tous les chiffres de son rapport d’expertise sur le sujet. L’ACRO a dû saisir la CADA pour que la partie « aléas » soit dévoilée. Quant au rapport rédigé par EDF, Orano et l’ANDRA, il reste entièrement couvert par le « secret des affaires » ! Et EDF n’a même pas songé à en fournir une version publique dans le cadre de cette concertation.

Conclusion

L’Arrêté du 23/02/17 relatif au Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs exige « une nouvelle installation d’entreposage de combustibles usés, ou une demande de modification substantielle s’il s’agit de l’extension d’une installation existante » et n’impose aucunement une piscine d’entreposage. C’est le choix d’EDF qui appuie son argumentaire sur « le choix politique de la France de retraiter ses combustibles usés »

Avec une mise en service prévue, au mieux, en 2034, la piscine en projet arrivera trop tard pour éviter la saturation des entreposages qui pourraient avoir des conséquences dramatiques pour l’approvisionnement électrique du pays. EDF doit donc se tourner vers d’autres solutions plus rapides à mettre en œuvre. La piscine centralisée aurait pu être une solution, si la procédure avait été engagée il y a 10 ans. En attendant, la production de combustibles nucléaires classiques (UNE) doit être réduite pour maintenir une marge suffisante dans les entreposages.

Le projet de piscine bunkérisée souligne aussi la vulnérabilité des piscines existantes qui ne bénéficient pas du même niveau de protection. Il est donc indispensable de renforcer la protection des piscines existantes, aussi bien à La Hague qu’auprès des centrales nucléaires.

Consultation ASN relative aux rejets des usines de La Hague : l’ACRO demande une réduction significative

Consultation ASN relative aux projets de décisions modifiant certaines modalités de prélèvement et consommation d’eau, de rejet et de surveillance de l’environnement, et certaines limites de rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux de l’établissement de La Hague

Avis de l’ACRO

L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a mis à la consultation du public, pour une période de 2 semaines seulement, ses projets de décisions modifiant certaines modalités de prélèvement et consommation d’eau, de rejet et de surveillance de l’environnement, et certaines limites de rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux de l’établissement de La Hague.

Il ne nous est matériellement pas possible d’évaluer dans le détail les textes soumis à la consultation du public en un temps aussi court. L’avis de l’ACRO, qui suit, n’inclut donc que des remarques générales. L’association salue l’extension de certains contrôles demandés par l’ASN.

Rappelons que ces usines ont les plus forts rejets radioactifs en mer au monde et que l’ACRO, dans le cadre de sa surveillance citoyenne, les détecte jusqu’au Danemark. Rappelons aussi que la France s’est engagée, dans le cadre de la convention OSPAR pour la protection de l’Atlantique du Nord-Est, à réduire ses rejets en mer de façon à ramener, pour les substances radioactives, les niveaux dans l’environnement à des niveaux proches du bruit de fond pour les substances naturelles et proches de zéro pour celles d’origine artificielle à l’horizon 2020. Cet engagement pris en 1998, à Sintra au Portugal, par les États membres de la convention OSPAR a été confirmé lors des réunions suivantes de 2003 à Brême et de 2010 à Bergen. Comme aucune politique de réduction de ces rejets n’a été mise en place, l’échéance de 2020 a été discrètement repoussée à 2050 le 1er octobre 2021. Par ailleurs, l’engagement de 2021 inclut aussi une réduction des rejets chimiques de façon à obtenir des teneurs proches de zéro en 2050.

  • La formulation actuelle du paragraphe [Areva-LH-83] (« Dans le but d’atteindre à terme des concentrations de substances radioactives en mer proches de zéro pour les radioéléments artificiels et proches des teneurs ambiantes pour les radioéléments naturels ») ne donne aucune contrainte temporelle. L’ACRO demande donc que les décisions de l’ASN incluent un échéancier précis de réduction des rejets radioactifs et chimiques en mer des installations situées à La Hague.

La version actuelle (Décision n° 2015-DC-0535 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 22 décembre 2015) exige que « l’exploitant adresse à l’Autorité de sûreté nucléaire, au plus tard le 31 décembre 2017, et ensuite tous les quatre ans :

  • une étude technico-économique visant à réduire ses rejets tant chimiques que radiologiques. Cette étude sera notamment basée sur une comparaison des techniques utilisées avec les meilleures technologies disponibles à un coût raisonnable et sera accompagnée d’un bilan des modifications et de leurs conséquences sur les rejets,
  • un document présentant les conséquences sur l’environnement des modifications techniques envisageables. Ce document est soumis à l’appréciation du Groupe Radioécologie Nord Cotentin (GRNC) ou d’un groupe d’expertise pluraliste qui aurait repris ses missions. L’avis est rendu public et est présenté à la Commission Locale d’Information (CLI). »

Dans ce nouveau projet, l’ASN reporte à 2023 l’échéance et étend à 6 ans l’écart entre deux rapports.

Où sont les rapports de 2017 et 2021 ? L’ACRO qui a été un membre très actif du GRNC n’a pas été consultée.

  • L’ACRO demande que les études technico-économiques de 2017 et 2021 soient rendues publiques et fassent l’objet d’un débat après une expertise pluraliste. Pourquoi attendre 2023 ?

Il n’est fait aucun retour d’expérience de Fukushima, où une station de traitement des eaux contaminées, qui filtre 62 radioéléments, a été mise en place en quelques années, alors que Cogéma-Areva-Orano n’a fait aucun effort significatif pour réduire ses rejets en mer en une vingtaine d’années et ne met pas en œuvre les meilleures technologies disponibles.

Dans la contribution française de 2019 à la convention OSPAR, il est précisé que radioéléments rejetés en mer qui ont le plus fort impact sont l’iode-129 et le carbone-14 : la dose du groupe de référence, à savoir les pêcheurs locaux, serait réduite de 30% si ces deux radioéléments étaient filtrés. L’ASN n’impose aucune réduction des autorisations de rejets de ces deux radioéléments. Le cobalt-60, quant à lui, représente 4% de la dose du même groupe de référence. L’ASN prévoit de réduire d’un facteur 1,8 l’autorisation de rejet en cobalt-60.

Mis à part le cobalt 60, les réductions de rejets radioactifs dans le projet de décision ASN ne concernent que les radioéléments secondaires.

Il est important de souligner que le cobalt-60 et l’iode-129 font partie des radioéléments filtrés par la station ALPS à Fukushima.

Autre exemple qui montre la différence avec Fukushima : à La Hague, « l’activité volumique moyenne quotidienne ajoutée calculée des effluents rejetés en mer, après dilution à un kilomètre du point de rejet, doit être inférieure à 4 000 Bq/L pour le tritium et 200 Bq/L pour les radioéléments autres que le tritium. » A Fukushima, bien que l’autorisation de rejet permette une concentration en tritium à l’émissaire pouvant aller jusqu’à 60 000 Bq/l, TEPCo va diluer les effluents avant rejet afin d’obtenir une concentration en tritium rejeté inférieure à 1 500 Bq/L.

  • L’ACRO demande qu’une véritable politique de réduction des rejets radioactifs soit mise en place en profitant du retour d’expérience de Fukushima.

Comme l’Autorité environnementale l’a souligné récemment (Avis 2021-18), les rejets en nitrates et nitrites de l’usine de retraitement représentent « le rejet, en équivalent azote du lisier de 100 000 porcs directement dans la mer, non épuré, non épandu ». Le projet de décision réduit de 100 000 à 70 000 kg par an les rejets en ion nitrite, mais ne modifie pas l’autorisation de rejet de l’ion nitrate qui reste à 2 900 000 kg par an !

  • L’ACRO demande que les rejets en nitrates soient réduits significativement étant donné leur impact sur les écosystèmes.

Rappelons enfin que l’ACRO avait mis en évidence, en 2016, une pollution radioactive conséquente au Ru des Landes et Areva, devenue Orano, s’était engagé à « reprendre et conditionner les terres marquées en américium 241 dans la zone située au nord-ouest du site. » A ce jour, aucun travail n’a été entrepris.

  • L’ACRO demande donc à l’ASN de prescrire une surveillance renforcée de la zone contaminée qui est accessible à tous.

Exercice de crise nucléaire à Cherbourg sur un tout petit périmètre

Alors qu’un exercice de crise nucléaire est prévu les 23 et 24 novembre 2021 autour de l’Arsenal de Cherbourg, rappelons que le périmètre du Plan particulier d’intervention est limité à 2 km et évite le centre hospitalier.

Espérons qu’en cas d’accident, la radioactivité s’arrêtera bien devant la porte de l’établissement !

Dix ans après la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima, les faiblesses des plans d’urgence nucléaire demeurent. Le rapport rédigé par l’ACRO en 2016 reste d’actualité :
Lire le rapport complet au format pdf
– Pour lire le résumé : http://fukushima.eu.org/plans-durgence-nucleaire-en-france-forces-et-faiblesses/

Livre Blanc de l’ANCCLI sur l’entreposage du combustible nucléaire en piscine : la saturation montre l’irresponsabilité d’EDF

L’ANCCLI vient de publier son septième livre blanc intitulé “entreposage du combustible nucléaire : les piscines et leurs enjeux” auquel l’ACRO a participé (document).

Nous publions l’avis des associations ACRO, FRAPNA Drôme Nature Environnement, GSIEN et Sortir du Nucléaire Bugey :

Saturation des piscines de combustible : l’irresponsabilité d’EDF

L’énergie nucléaire est généralement présentée d’une manière simpliste comme étant abondante, stable, propre car ne produisant pas de carbone, et donc bonne pour le climat. Si les problématiques liées aux déchets sont débattues, le combustible, de son origine depuis les mines d’uranium (Niger, Kazakhstan, Canada, …) jusqu’au réacteur nucléaire, puis après sa sortie du réacteur, est ignoré. Prétendument recyclable à l’envi, il s’accumule sans solution dans des piscines.

Ce livre blanc sur les piscines nécessaires à ce combustible en aval des réacteurs lève un peu le voile sur cet élément fondamental de l’énergie nucléaire. Il contribue à montrer la complexité de cette énergie, qui avec ses rejets d’effluents chimiques et radioactifs, ses déchets qui doivent être isolés de la biosphère pendant des siècles et ses combustibles usés qui doivent séjourner longtemps en piscine d’entreposage, est loin d’être une énergie propre.

La saturation, à l’horizon 2030, des piscines d’entreposage de combustibles irradiés est anticipée depuis 2010, mais, à quelques années de l’échéance, EDF n’a pas encore déposé de demande d’autorisation de création de nouvelles capacités d’entreposage. Même le calendrier, déjà tendu, imposé par voie réglementaire [1] n’est pas respecté. Une telle situation fait poindre un risque d’occlusion pour l’ensemble de la filière. Plus l’échéance approche, plus il sera difficile pour EDF de garantir l’approvisionnement électrique du pays. Aucune explication n’est apportée quant aux raisons de ce retard et aux parades prévues.

La saturation prévue est due à l’accumulation du combustible MOx (rebuté et usé). Ainsi, si quelques réacteurs parmi les plus anciens, les seuls habilités à consommer du MOx, ne sont pas autorisés à poursuivre leur fonctionnement au-delà de 40 ans, il faudra diminuer la part du retraitement afin de ne pas séparer plus de plutonium que nécessaire. En retirant moins de combustibles des piscines de la Hague, la saturation arrivera encore plus vite que prévu. Et une fois la saturation atteinte, il faudra arrêter 10% du parc nucléaire, soit 5 à 6 réacteurs non Moxés.

C’est en cas d’aléa entraînant un arrêt prolongé du retraitement, de la fabrication de MOx ou du transport que la situation pourrait devenir problématique. L’engorgement des piscines entraînerait l’arrêt de tout le parc nucléaire en quelques mois, menaçant ainsi l’approvisionnement électrique du pays. Avec la pénurie d’entreposages, l’industrie nucléaire impose la poursuite du retraitement et l’exploitation des réacteurs les plus anciens qui consomment le plutonium extrait. Mais cette politique est dangereuse : les autorités de contrôle, face à un dilemme insoluble, devront trancher entre la sûreté et l’approvisionnement électrique. Elles pourraient alors être obligées d’accepter des manquements graves à la sûreté pour permettre la poursuite de l’exploitation des réacteurs nucléaires. Une telle situation est inacceptable et montre l’irresponsabilité d’EDF.

Tout est fait pour garder le secret sur cette situation alarmante. L’IRSN avait censuré tout le chapitre « aléas » et presque tous les chiffres de son rapport d’expertise sur le sujet. L’ACRO a dû saisir la CADA pour que la partie « aléas » soit dévoilée. Quant au rapport rédigé par EDF, Orano et l’ANDRA, il reste entièrement couvert par le « secret des affaires » !

EDF annonce désormais une nouvelle piscine « centralisée » pour 2034, mais cette échéance sera-t-elle tenue ? En parallèle, l’industrie nucléaire bricole pour essayer de reporter de quelques années supplémentaires l’occlusion inévitable : elle veut densifier les piscines de La Hague en réduisant ainsi les marges de sûreté, mettre des assemblages dans des châteaux prévus pour le transport… sans aucune garantie que cela sera suffisant.

Cette nouvelle piscine est annoncée à La Hague qui a déjà la plus forte concentration au monde de combustibles usés. Prévue avec une protection renforcée, elle y côtoierait les piscines existantes, densifiées, moins bien protégées contre les agressions extérieures. Ces évolutions dans les exigences de sûreté soulignent les vulnérabilités des piscines existantes, à La Hague et près des réacteurs nucléaires.

Ironiquement, cet engorgement est dû à des matières prétendument valorisables mais sans solution de gestion à long terme. Pour une industrie qui a l’ambition de sauver la planète du péril climatique, cela ne fait pas sérieux. Parviendra-t-elle seulement à alimenter le pays en électricité dans une dizaine d’années ?

En conclusion, il est impératif :

  • de renforcer la résistance des piscines existantes à La Hague et près des réacteurs nucléaires face aux agressions extérieures grâce à une coque à la place du simple bardage métallique existant ;
  • de trouver des parades au retard de la piscine en projet en misant notamment sur l’entreposage à sec, plus rapide à mettre en place ;
  • de réduire la dépendance du pays à l’énergie nucléaire qui fragilise l’approvisionnement électrique ;
  • et d’assurer la plus grande transparence sur le taux d’occupation des piscines et les risques liés à leur saturation.

[1] Selon l’Arrêté du 23/02/17 relatif au Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, « EDF dépose avant le 31 décembre 2020 auprès du ministre chargé de la sûreté nucléaire une demande d’autorisation de création pour une nouvelle installation d’entreposage de combustibles usés, ou une demande de modification substantielle s’il s’agit de l’extension d’une installation existante ».

La convention OSPAR pour la protection de l’Atlantique du Nord-Est reporte discrètement de 2020 à 2050 son engagement de réduire les rejets radioactifs en mer

Suite à la réunion de Cascais de la convention OSPAR pour la protection de l’Atlantique du Nord-Est, qui s’est tenue le 1er octobre dernier, les ministres participants ont discrètement repoussé à 2050 l’engagement pris en 1998, à Sintra, de réduire les rejets radioactifs en mer à des niveaux dans l’environnement proches de zéro à l’horizon 2020. Une fois de plus, les engagements internationaux en faveur de l’environnement sont bafoués. C’est de mauvais augure pour la COP26 qui doit se tenir bientôt à Glasgow.

La France est la première bénéficiaire de ce report de 30 années, car, avec son usine de retraitement à La Hague, elle a les plus forts rejets radioactifs en mer d’Europe. Et ces rejets ne baissent pas, comme le montrent les résultats de la surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement effectuée par l’ACRO depuis plus de 25 ans.

Les engagements pris en 1998, à Sintra au Portugal, par les Etats membres de la convention OSPAR avaient pourtant été confirmés lors des réunions suivantes de 2003 à Brême et de 2010 à Bergen : ramener, pour les substances radioactives, les niveaux dans l’environnement à des niveaux proches du bruit de fond pour les substances naturelles et proches de zéro pour celles d’origine artificielle.

Les résultats de la surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement effectuée par l’ACRO depuis plus de 25 ans, montrent que le compte n’y est pas : les rejets de l’usine de retraitement Orano de La Hague sont visibles tout le long du littoral de la Manche et, lors de l’été 2021, ils pouvaient encore être détectés jusqu’à la frontière danoise. L’association condamne cette prolongation de 30 ans des permis à polluer et demande instamment à la France de réduire significativement ses rejets radioactifs en mer en mettant en œuvre les technologies disponibles. Elle va, de son côté, maintenir sa vigilance.

Les radioéléments prédominants

Le « Bilan de santé » effectué en 2010 par la convention OSPAR précise que les usines liées à la fabrication et au retraitement du combustible sont responsables de 98% des rejets de radioéléments provenant du secteur nucléaire. L’usine de retraitement britannique de Sellafield ayant cessé son activité en 2020, les rejets français sont désormais ultra dominants.

Dans sa dernière contribution à la convention OSPAR, datée de 2019, La France reconnaît que les radioéléments qui ont le plus fort impact sont l’iode-129 et le carbone-14 : la dose du groupe de référence, à savoir les pêcheurs locaux, serait réduite de 30% si ces deux radioéléments étaient filtrés. La réduction des rejets en cobalt-60 entraînerait, quant à elle, une réduction de 4% de la dose du même groupe de référence. Mais, malheureusement, Orano n’a pas mis en œuvre les technologies disponibles dans d’autres pays pour réduire les rejets de ces trois éléments. L’iode et le cobalt font partie des 62 radioéléments filtrés par la station ALPS à Fukushima.

Dans le cadre de son Observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement, l’ACRO détecte systématiquement l’iode-129 dans les algues tout le long du littoral de la Manche à des teneurs qui ne diminuent pas avec le temps. Elle en a détecté jusqu’à la frontière danoise.

Le cobalt-60 est régulièrement détecté dans les algues prélevées dans le Nord-Cotentin et plus épisodiquement à St-Valéry-en-Caux, près des centrales nucléaires de Penly et Paluel en Seine maritime.

L’ACRO n’a pas la capacité technique de mesurer le carbone-14, qui est aussi présent naturellement dans l’environnement, mais le constat radiologique publié par l’IRSN montre qu’il y a une contribution systématique des rejets des installations nucléaires et que l’on retrouve donc des niveaux qui dépassent significativement les niveaux naturels dans la Manche et la Mer du Nord, jusqu’aux Pays-Bas. Les plus fortes teneurs sont plus de deux fois plus élevées que les niveaux naturels.

Il est important de noter que les rejets en tritium (hydrogène radioactif) ont, quant à eux, fortement augmenté depuis la déclaration de Sintra. L’usine Orano de La Hague a les rejets les plus élevés au monde, selon le bilan fait par le gouvernement japonais : l’usine rejette tous les 30 jours ce que s’apprête à rejeter le Japon à Fukushima en 30 ans !

L’ACRO surveille aussi le tritium dans l’eau de mer. Dans le Nord-Cotentin, les teneurs sont plus de 100 fois plus élevées que le bruit de fond naturel.

Tous les résultats sont détaillés dans les annexes jointes.

Les teneurs ambiantes dans l’environnement marin ne sont ni proches de zéro pour les substances radioactives artificielles (iode-129 et cobalt-60) et ni proches des niveaux naturels pour le tritium et carbone-14. L’excuse des besoins de plus de recherches et développement pour réduire les rejets radioactifs en mer, avancée dans la contribution française à OSPAR, n’est pas recevable. A l’exclusion du tritium, des technologies sont disponibles et utilisées dans d’autres pays. Elles doivent être utilisées en France.

-> Télécharger ce communiqué et ses annexes en un seul fichier.

Pour consulter les résultats de l’Observatoire citoyen de la radioactivité dans l’Environnement, c’est par ici.

The OSPAR Convention for the Protection of the North-East Atlantic discreetly postpones its commitment to reduce radioactive discharges at sea from 2020 to 2050

Following the Cascais meeting of the OSPAR Convention for the Protection of the North-East Atlantic, which took place on October 1, the participating ministers discreetly postponed until 2050 the commitment made in 1998 in Sintra to reduce radioactive discharges into the sea to levels close to zero by 2020. Once again, international commitments to the environment are being disregarded. This does not bode well for the upcoming COP26 in Glasgow.

France is the first beneficiary of this 30-year postponement because, with its reprocessing plant at La Hague, it has the highest radioactive discharges to the sea in Europe. And these discharges are not decreasing, as shown by the results of the citizen monitoring of radioactivity in the environment carried out by ACRO for over 25 years.

The commitments made in 1998 in Sintra, Portugal, by the member states of the OSPAR Convention were confirmed at the following meetings in 2003 in Bremen and 2010 in Bergen: to reduce the levels of radioactive substances in the environment to levels close to background noise for natural substances and close to zero for those of human origin.

The results of the citizen monitoring of radioactivity in the environment carried out by ACRO for more than 25 years show that the situation is not satisfactory: discharges from the Orano reprocessing plant at La Hague are visible all along the Channel coastline and, in the summer of 2021, could still be detected as far as the Danish border. The association condemns this 30-year extension of the pollution permits and urges France to significantly reduce its radioactive discharges at sea by implementing available technologies. It will, for its part, maintain its vigilance.

Major radioelements

The OSPAR Convention’s 2010 “Quality Status” states that fuel fabrication and reprocessing plants are responsible for 98% of radioelement discharges from the nuclear sector. With the UK’s Sellafield reprocessing plant closing in 2020, French discharges are now ultra-dominant.

In its latest contribution to the OSPAR Convention, dated 2019, France acknowledges that the radioelements with the greatest impact are iodine-129 and carbon-14: the dose to the reference group, i.e. local fishermen, would be reduced by 30% if these two radioelements were filtered. The reduction of cobalt-60 discharges would lead to a 4% reduction in the dose of the same reference group. Unfortunately, Orano has not implemented the technologies available in other countries to reduce discharges of these three elements. Iodine and cobalt are among the 62 radioelements filtered by the ALPS station at Fukushima.

As part of its Citizen’s Observatory of Radioactivity in the Environment, ACRO systematically detects iodine-129 in algae all along the Channel coastline at levels that do not decrease with time. It has detected it as far as the Danish border.

Cobalt-60 is regularly detected in algae collected in the Nord-Cotentin region and more episodically in St-Valéry-en-Caux, near the Penly and Paluel nuclear power plants in the Seine Maritime.

ACRO does not have the technical capacity to measure carbon-14, which is also naturally present in the environment, but the radiological report published by IRSN shows that there is a systematic contribution from discharges from nuclear facilities and that levels significantly exceed natural levels in the Channel and the North Sea, as far as the Netherlands. The highest levels are more than twice as high as natural levels.

It is important to note that tritium (radioactive hydrogen) discharges have risen sharply since the Sintra declaration. Orano’s La Hague plant has the highest discharges in the world, according to the Japanese government’s assessment: the plant discharges every 30 days what Japan is about to discharge in 30 years in Fukushima!

ACRO also monitors tritium in seawater. In the Nord-Cotentin region, the levels are more than 100 times higher than the natural background.

All results are detailed in the appendice to the OSPAR Press Release

Ambient levels in the marine environment are not close to zero for artificial radioactive substances (iodine-129 and cobalt-60), nor close to background levels for tritium and carbon-14. The excuse of the need for more research and development to reduce radioactive discharges at sea, put forward in the French contribution to OSPAR, cannot be accepted. With the exception of tritium, technologies are available and used in other countries. They must be used in France.