Radioactivité : quand réduire les dépenses impose de modifier les seuils
Communiqué de presse du 20 octobre 2004
Tous les 15 ans, la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) édite un rapport particulier contenant ses recommandations en matière de radioprotection, lesquelles servent de référence pour l’élaboration de la réglementation dans la plupart des pays, dont l’Union Européenne.
Le prochain rapport, attendu pour 2005, est en cours de préparation depuis 5 ans et l’ACRO participe aux travaux dans le cadre d’un groupe de travail initié en France par la SFRP, une société savante.
Au cours de la dernière réunion de travail, des dispositions majeures, jusqu’à lors jamais apparues, ont été discutées. Le projet a pris une nouvelle dimension que l’ACRO a jugé suffisamment inquiétante pour affirmer son désaccord total, encourager les citoyens à s’impliquer et communiquer aussi bien au plan national que local sur cette problématique. D’autant que l’ACRO se demande si la CIPR n’a pas été l’objet de pressions pour proposer de telles recommandations.
L’une des principales dispositions, inacceptable et à haut risque, est la possibilité d’introduire dans les futures réglementations des niveaux d’exclusions.
Si cette proposition est maintenue, cela signifierait en clair que des produits, des aliments par exemple, contenant des niveaux de plutonium-239 significatifs pour la santé seraient estampillés « non radioactifs » de façon réglementaire !
Cela signifierait également qu’en cas d’accident, celui-ci pourrait ne pas être géré en tant que tel si les niveaux de contamination dans l’environnement sont inférieurs aux seuils d’exclusion.
En conséquence, l’ACRO demande le retrait, au sein des futures recommandations de la CIPR, de tous les éléments susceptibles de conduire à :
- une banalisation du risque ;
- des niveaux d’exposition significatifs pour les populations ;
- des contaminations de l’environnement qui ne seraient plus considérées en tant que telles ;
- exonérer les responsabilités
L’ACRO demande également aux citoyens de s’impliquer dans les débats actuels et de faire état de ses observations en ligne jusqu’au 31/12/04 sur le site de la CIPR à l’adresse suivante :
http://www.icrp.org/remissvar/remissvar.asp
Lire :
Futures recommandations CIPR-2005
Appel à mobilisation
Le 17 octobre 2004
La Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) publie chaque année des documents (les Annales de la CIPR) mais, environ tous les 15 ans, elle publie un rapport particulier contenant ses recommandations en matière de radioprotection. Celles-ci constituent le socle pour des dispositions réglementaires que la plupart des pays, dont l’Union Européenne, reprennent à leur compte. Le dernier document de cette nature (la CIPR-60) a été publié en 1990 et a représenté une avancée significative en raison notamment de l’abaissement des valeurs limites de doses tant pour les travailleurs (par un facteur de 2,5) que pour le public (par un facteur 5) prenant ainsi en compte l’acquis de nouvelles connaissances.
Le prochain rapport, attendu pour 2005, est en cours de préparation depuis plus de 5 ans. Fait nouveau qui mérite d’être souligné, la CIPR, d’habitude enfermée sur elle-même, a décidé de s’ouvrir vers les milieux de la radioprotection pour recevoir des contributions et elle a récemment mis en ligne sur son site Internet une version préliminaire de ce fameux rapport dans le but de recueillir les commentaires de tout un chacun. Le projet contient des dispositions inquiétantes à nos yeux et nous encourageons donc une contribution citoyenne aux futures recommandations.
Télécharger la version préliminaire en anglais du rapport de la CIPR au format pdf (760 ko) : http://www.icrp.org/icrp_rec_june.asp
Argumentaire de trois pages à télécharger et diffuser.
Diaporama d’une présentation publique, ACRO et GSIEN.
En France, la Société Française de Radioprotection (SFRP), sollicitée par la CIPR, a constitué un groupe de travail en ce sens. Un membre de l’ACRO a participé à ses travaux. Lors de la dernière réunion de ce groupe (sept. 2004), des dispositions inquiétantes, jusqu’à lors jamais apparues, ont été discutées. Le projet a pris une nouvelle dimension que l’ACRO a jugée suffisamment alarmante pour affirmer son désaccord total et encourager les citoyens à s’impliquer.
Certes, des avancées telles que la prise en compte de l’environnement nous semblent positives mais nos propos ont d’abord été dans le sens de sauvegarder des acquis majeurs de la radioprotection qui, dans des textes et déclarations initiales apparaissaient pour le moins malmenés : il en est ainsi
– du principe de justification [1] que certains souhaitent voir disparaître puisqu’il n’est pas ou peu appliqué dans les faits…,
– de la notion de « dose collective »,
– et même, plus grave, de la limite de 1 mSv pour le public dont certains annonçaient déjà l’abandon au profit d’une notion nouvelle de « dose maîtrisable » !
Nous avons également marqué nos plus vives réserves sur une nouvelle échelle de gestion du risque radiologique qui se veut être une simplification d’un « système devenu très compliqué ». En appuyant cette échelle sur le niveau ambiant de l’exposition naturelle, on risque de glisser vers un concept pervers « ce n’est pas dangereux puisque c’est le niveau naturel ». Au départ, le président de la CIPR proposait la valeur de 30 µSv comme niveau d’exposition non significatif (« trivial risk ») à partir duquel on pourrait alors définir des « niveaux d’exemption » et des « niveaux de libération ». Bref, en clair, ce qui est radioactif cesse tout d’un coup de l’être et devient banalisable. Et il n’a pas fallu attendre longtemps pour que l’ACRO découvre dans un dossier d’enquête publique cette référence au seuil de 30 µSv présenté comme un seuil d’innocuité par Cogéma La Hague (qui avait bien sûr calculé que l’impact de son installation sur les populations était inférieur à ce seuil fatidique…). Cette démarche est incohérente avec les propos que la CIPR tient elle-même depuis 1990 selon laquelle la relation « dose / effet » serait une relation de type « linéaire et sans seuil ». En clair, toute dose (même petite) est susceptible de produire un détriment sanitaire.
Le document préliminaire que la CIPR vient de mettre en ligne conserve cette orientation même si le seuil bas de l’échelle de gestion du risque est maintenant proposé à 10 µSv [2]. Cela ne change pas pour autant notre critique car c’est le principe même d’instituer un seuil que nous contestons. Ce sera la porte ouverte à une déréglementation et à bien des dérives. Certes, nous admettons qu’un niveau d’exposition de 10 µSv peut être qualifié, en l’état actuel de nos connaissances, de très faible niveau d’exposition et donc de risque tout aussi faible. Mais la rad ioprotection ne peut être traitée uniquement sous un angle scientifique ou technique. Parce que l’ACRO est une association indépendante de tous et qui s’inscrit dans une démarche citoyenne au service de la population nous militons pour que les aspects sociétaux soient aussi pris en compte. Dès lors que nous nous situons dans un domaine où la connaissance scientifique rencontre ses limites, l’objectivité des risques perd son sens mais la perception des risques ne peut être ignorée. Ce n’est donc pas un seuil miracle qui réglera le problème mais l’engagement des populations concernées qui, au travers d’un dialogue honnête et équitable, sont habilitées à exprimer une éventuelle acceptabilité des risques et le niveau de cette acceptabilité [3].
Ces dérives qui nous inquiètent ne relèvent pas de craintes irrationnelles. En fait, elles apparaissaient en filigrane dans un texte du président de la CIPR de 1999 où Roger Clarke souligne l’importance dans les décennies à venir du démantèlement des installations nucléaires, du coût d’autant plus élevé que l’on poussera loin la décontamination et des risques croissant de procédures judiciaires contre lesquels il faudrait se prémunir en instituant des seuils [4]. Roger Clarke reconnaît implicitement l’existence de « pressions ». La question qui se pose est de savoir si lui-même et surtout la CIPR (groupe d’experts scientifiques indépendants…) y sont sensibles.
La réponse vient de nous apparaître dans le document préliminaire à la CIPR-2005 au travers d’un chapitre instituant un domaine où les sources seraient exclues du champ des présentes recommandations. Et là, les seuils en question sont clairement exprimés au sein d’un tableau qu’il nous paraît essentiel de porter à la connaissance du public en raison de la gravité de ce que la CIPR propose ici :
recommandés
Radionucléides | Niveau d’exclusion (en concentration) |
Emetteurs alpha artificiels | 10 Bq / kg |
Émetteur bêta artificiel | 100 Bq / kg |
238U, 232Th | 1.000 Bq / kg |
40K | 10.000 Bq / kg |
Lorsque nous parlons de situation grave, nous pesons nos mots.
D’abord, il convient d’expliquer que dans la sémantique en radioprotection, la notion de « niveau d’exclusion » est pire que la notion de « niveau d’exemption », laquelle n’écarte pas le maintient d’un certain niveau de contrôle.
Ensuite, il faut rappeler que des « recommandations » de la CIPR deviennent (quelques années plus tard) des dispositions réglementaires reprises dans tous les pays. Si ces propositions étaient maintenues, cela signifierait en clair que de façon réglementaire, des produits (par exemple des aliments..) contenant 10 Bq/kg de plutonium 239 ou 100 Bq/kg de Strontium 90 (deux corps radioactifs artificiels très radiotoxiques) seraient estampillés « non radioactifs » !… On comprend que les coûts des démantèlements nucléaires vont pouvoir être revus à la baisse. Poussons plus loin le raisonnement et interrogeons-nous à partir d’un cas d’école. Si le convoi de 140 kg de Plutonium qui vient de traverser la France avait connu un accident entraînant la dispersion atmosphérique d’une partie de son contenu en oxyde de Pu. A considérer qu’une zone importante soit contaminée mais à des niveaux inférieurs à 10 Bq de Pu par kg de terre, devra-t-on considérer que cet accident n’en est plus un et qu’il n’y aurait pas lieu d’intervenir s’agissant d’une contamination inférieure au seuil d’exclusion ?
De telles propositions sont inacceptables car elles conduiraient à des niveaux d’exposition significatifs (scénarios de modes alimentaires ou de réutilisation dans des matériaux de construction…), car elles tendent à la banalisation du risque, enfin parce qu’elles visent à exonérer de leurs responsabilités les exploitants nucléaires, les politiques et les institutions qui ont poussé au développement de vastes programmes nucléaires sans chercher au préalable à en peser toutes les conséquences en particulier sur le long terme. Ainsi, l’heure est grave également pour la CIPR car elle devra déterminer si elle reste une instance indépendante se préoccupant de radioprotection ou si elle s’oriente vers un soutien à des choix énergétique et économique.
Quant aux propositions de seuils pour les corps radioactifs naturels, ils ne sont pas plus acceptables même si le problème est ici d’une autre nature. Non pas que la radioactivité « naturelle » serait moins nocive que la radioactivité « artificielle » mais parce qu’elle est une constante de notre environnement ambiant quotidien et qu’il n’est pas humainement envisageable de décontaminer la Terre. On vit donc avec. Pour autant le « naturel renforcé » par les pratiques humaines doit être contrôlé et évalué. Ce qui pêche donc dans les propositions de la CIPR ce sont les valeurs de niveaux d’exclusion affichées. Ces valeurs sont 100 à 1000 fois supérieures aux niveaux de radioactivité naturelle non perturbés que la CIPR rappelle par ailleurs dans ce même chapitre en s’appuyant sur les données du rapport UNSCEAR-2000.
L’ACRO adressera à la CIPR son point de vue d’association indépendante et citoyenne. Elle invite tous ceux qui partagent nos craintes à intervenir en ce sens auprès de la CIPR à partir d’un bulletin que la CIPR propose à tout un chacun de rédiger en ligne jusqu’au 31 décembre 2004. Comme indiqué précédemment, il est vraisemblable que la CIPR ait été l’objet de pressions pour recommander ces seuils d’exclusions. A nous tous de peser également dans l’intérêt des populations vivant à proximité de sites nucléaires et des générations à venir.
[1] Ce premier principe (institué par la CIPR) signifie que toute pratique mettant en œuvre des sources de rayonnements ionisants doit préalablement être justifiée par une évaluation mettant en regard les avantages et les détriments qu’elle procure. Clairement, ce principe (maintenant inscrit dans la réglementation française) n’a jamais été imposé à l’industrie nucléaire… [2] Hasard du calendrier, on notera sans malice que Cogéma La Hague qui nous affirmait il y a 2 ans être « en dessous de 30 µSv », nous annonce aujourd’hui un impact sanitaire pour le public « inférieur à 10 µSv »… [3] L’action de l’ACRO en tant qu’association est focalisée sur la surveillance et le contrôle de la radioactivité dans l’environnement. Le risque radiologique est donc notre préoccupation quotidienne. Pour autant, parce que c’est l’essence même de notre démarche citoyenne, nous tiendrions le même raisonnement en regard d’autres catégories de risques spécifiques comme par exemple le risque chimique. [4] « Un sujet est particulièrement d’actualité : le démantèlement d’installations nucléaires, de vieux réacteurs ou d’usines d’armement. Ces opérations indispensables nécessitent des dépenses considérables, et certains estiment que trop d’argent est et sera dépensé pour descendre jusqu’à de faibles niveaux de contamination résiduelle. Si les sols contaminés ne sont pas nettoyés, le public s’en émeut et, dans certains pays, intentera des procès en dénonçant le risque excessif pour l’environnement. Ces préoccupations ont incité certains à faire pression en faveur d’un seuil dans le rapport dose-effet, en vue de réduire les dépenses.
Il est vrai que notre discipline est de plus en plus souvent jugée par les tribunaux plutôt qu’au sein des académies scientifiques nationales. La question du seuil sera tranchée par un juge ou un jury dont l’opinion devra être forgée sur l’existence ou non d’un risque à de faibles doses de rayonnement. La question se pose avant tout pour l’exposition du public, et non pour l’exposition professionnelle, et il conviendrait peut-être, compte tenu du manque persistant de preuves scientifiques tangibles, d’envisager une approche nouvelle de la protection. »
EPR mon amour
Communiqué de presse du 12 juillet 2004
L’engouement des élus locaux pour l’EPR a de quoi surprendre. Normands d’en haut et d’en bas rivalisent d’imagination pour attirer un réacteur nucléaire dont l’utilité n’a pas été démontrée. Des subventions faramineuses sont votées pour des associations de promotion ou des entreprises de communication afin de s’attirer les bonnes grâces d’EdF et des populations sans que le principe de justification qui vient d’entrer dans la législation française ne soit respecté.
Toute nouvelle pratique entraînant une exposition aux rayonnements ionisants doit pourtant être justifiée par ces avantages économiques et sociaux. Or, les trois sages chargés de piloter le Débat National sur l’énergie avaient conclu : « qu’il est difficile, […] de se faire une opinion claire sur son degré de nécessité et d’urgence. […] Il a semblé que si le constructeur potentiel de l’EPR milite pour sa réalisation immédiate, c’est avant tout pour des raisons économiques et de stratégie industrielle. […] En définitive, la question du nucléaire ne peut être tranchée sans des compléments d’études allant au-delà des éléments fournis lors du Débat National. » Et l’un des sages, le sociologue Edgar Morin, a dans ce même rapport clairement tranché : « Les centrales actuelles ne devenant obsolètes qu’en 2020, il semble inutile de décider d’une nouvelle centrale EPR avant 2010 [car rien] ne permet pas d’être assuré qu’EPR, conçu dans les années quatre-vingt, serait la filière d’avenir. »
Réacteur éprouvé et commercialisable en Finlande qui l’a retenu ou « démonstrateur » en France pour garder les options ouvertes, le double langage des autorités n’apporte aucune clarification. Actuellement, un EPR en France serait essentiellement destiné à l’exportation d’électricité. En décidant son lancement sans aucune nouvelle justification, les autorités méprisent les citoyens et le Débat National qu’elles ont organisé.
Nous demandons donc que la loi soit appliquée et que l’on justifie les trois milliards d’euros prévus pour l’EPR par rapport à une autre politique énergétique. Le bilan en terme d’emploi, qui seul semble intéresser les régions, n’a pas été abordé au niveau national et mériterait aussi d’être étudié étant donné l’importance de l’enjeu.
Pour l’abrogation de l’arrêté secret défense
mis à jour le 27 février 2004
Le 9 février 2003, des militants de Greenpeace bloquent un camion chargé de 150 kg de plutonium au centre ville de Chalon sur Saône pour démontrer la vulnérabilité de ces transports. La réponse du gouvernement ne s’est pas faite attendre : le 9 août 2003, paraissait au journal officiel un arrêté qui classe « secret défense » les informations relatives aux matières nucléaires. A qui était destiné ce texte ? S’agissait-il de définir de nouvelles règles pour l’administration et les exploitants ou museler les associations dérangeantes ?
L’autorité de sûreté nucléaire a aussi tôt annoncé qu’elle ne changerait rien à sa politique de communication. L’action de Greenpeace, quant à elle, est le fruit de plusieurs mois de filature et d’étude des transports de plutonium et n’est pas liée à une fuite d’information officielle. Les camions suivaient toujours le même chemin et s’arrêtaient aux mêmes heures aux mêmes endroits. Il n’a pas été difficile d’agir.
C’est donc légitimement que les associations de protection de l’environnement ou anti-nucléaires qui se battent depuis des années pour plus de transparence et démocratie dans la gestion du dossier nucléaire se sont senties visées. Mais aussi les journalistes qui ont considéré cet arrêté comme un déni de leur droit à l’information. Greenpeace a été invitée à retirer certaines information de son site Internet, ce qu’elle
a refusé de faire.
Face au tollé, M. Lallemand, haut fonctionnaire de la défense au ministère de l’industrie a proposé une circulaire d’explication du texte, alors que la société civile réclamait son abrogation. Les politiques ont dû s’en mêler et c’est finalement un nouvel arrêté “secret défense” assorti d’une circulaire d’explication qui sont apparus au JO du 29 janvier 2004.
L’arrêté est toujours aussi restrictif quant à la liberté d’informer sur les transports de matière nucléaire. Quant à la circulaire, elle précise à l’administration, sous le prétexte usé de lutte contre le terrorisme, comment appliquer ces nouvelles règles. Les associations et journalistes qui font un travail d’information ne sont pas concernés par la circulaire alors que tout semble indiquer que l’arrêté leur est destiné. En maintenant le flou, le haut fonctionnaire espère-t-il qu’ils s’auto-censurent plus que nécessaire de peur de la répression ? Pour l’ACRO, mais aussi pour les autres associations contestant ces textes, il n’est pas question de changer notre façon de travailler.
• L’ACRO se joint à l’appel lancé par de nombreuses organisations en France
pour la défense du droit à l’information sur le nucléaire et ses dangers !
• L’ACRO est aussi signataire du communiqué commun des membres
Associatifs de CLI ou CLIS auprès des Installations Nucléaires
Les organisations signataires demandent l’abrogation de l’arrêté du 24 juillet 2003 qui classe secret défense la quasi-totalité des informations relatives aux matières nucléaires (combustibles neufs, irradiés, déchets radioactifs…) et place ainsi hors de tout contrôle démocratique la majeure partie des activités nucléaires et des risques qu’elles génèrent. Elles invitent tous les citoyens français à signer et à faire signer la pétition afin de manifester leur attachement au droit à l’information et leur refus de la militarisation du nucléaire civil.
Le texte de la pétition est téléchargeable sur :
http://www.sortirdunucleaire.org/Petition_Secret_defense.rtf
Mobilisation générale des associations contre l’arrêté du 24 juillet 2003 qui classe « secret défense » les informations relatives aux matières nucléaires.
Le 9 août 2003 paraissait au JO un arrêté relatif au secret défense, daté du 24 juillet 2003 et signé par le Haut fonctionnaire de Défense, au nom du ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Ce texte stipule que les informations relatives aux « matières nucléaires » présentent un caractère de secret de la défense nationale et qu’elles doivent
en conséquence être classifiées.
La portée de ce texte est considérable. En effet :
1/ le terme de « matières nucléaires » englobe tous les types de combustibles, neufs ou irradiés, et la plupart des déchets radioactifs. Toutes les étapes de l’industrie nucléaire
sont donc concernées, de la fabrication du combustible jusqu’à son retraitement et au stockage des déchets radioactifs. Seule l’extraction du minerai échappe à l’omerta… mais il est vrai que toutes les mines françaises ont fermé !
2/ les termes choisis pour définir la nature des informations classifiées sont particulièrement extensifs : surveillance, confinement, suivi, comptabilité, transport, vulnérabilité, exercice de crise… Avec de telles définitions, n’importe quelle information est susceptible d’être frappée d’interdit.
L’arbitraire et le secret vont désormais peser sur l’information relative au nucléaire.
Quiconque enfreindrait l’interdit s’expose à des poursuites, assorties de peines excessivement lourdes, pouvant aller jusqu’à 7 ans d’emprisonnement ou plus de 100 000 euros d’amende (cf. art. 413-10 du code pénal). Une véritable épée de Damoclès pèse désormais sur les associations et les journalistes qui publieraient des informations jugées dérangeantes par l’Etat ou par les exploitants.
En accédant à la demande de Cogéma-Areva, le gouvernement a choisi de museler l’information sur les risques. Cela ne les fera pas disparaître, bien au contraire !
Empêcher associations et syndicats d’alerter l’opinion sur le passage de convois de plutonium en plein centre-ville aidera assurément la Cogéma… mais certainement pas les populations exposées au risque.
L’alignement du nucléaire civil sur le nucléaire militaire
L’arrêté Secret défense n’est pas un dispositif isolé. D’autres modifications réglementaires renforcent le contrôle de l’information et octroient au ministère de la Défense nationale des pouvoirs inédits en matière de nucléaire civil. Le 10 septembre 2003 était publié un décret présidentiel (n°2003-865) portant création d’un « comité interministériel aux crises nucléaires ou radiologiques » qui remplace le « comité interministériel de la sécurité nucléaire » instauré en 1975. Le changement est radical : il s’agit désormais de gérer l’accident (et non plus le fonctionnement normal des installations nucléaires) et cette gestion est placée sous la direction du ministère de la Défense nationale, que l’accident survienne sur une installation civile ou militaire ou au cours d’un transport. Le secrétaire général de la Défense nationale est ainsi chargé de la planification et l’évaluation des mesures à prendre, de la coordination des différents ministères et c’est à lui que revient la responsabilité d’informer le président de la République et le Premier ministre.
Déjà, en 2002, le ministère de la Défense nationale devenait, avec celui de l’Industrie, le principal ministère de tutelle de l’organisme officiel d’expertise (IRSN), à même d’intervenir aussi bien sur les dossiers civils que militaires. Les ministères de la Santé et de l’Environnement étaient relégués au deuxième plan et celui du Travail carrément exclu alors que plus de 200 000 travailleurs sont profession-nellement exposés aux rayonnements ionisants.
Les associations signataires ont choisi de se mobiliser pour défendre le droit de chacun d’être informé sur le nucléaire et ses dangers.
Elles considèrent qu’un simple arrêté n’a pas la légitimité nécessaire pour restreindre aussi radicalement la liberté d’expression. Ce texte est indigne d’une démocratie. Il doit être abrogé.
Communiqué commun élaboré lors de la réunion Inter-CLI du 4.10.03, à PARIS
L’arrêté ministériel du 24.07.03, publié au JO le 9.08.03, institue le « secret défense » sur les informations qui relèvent du nucléaire civil. Dans le même temps, le gouvernement prétend relancer une loi sur la « transparence et les CLI ». Nous nous demandons quel est le sens de notre participation à des CLI ou CLIS menacées par le « secret défense » et ne pouvant plus analyser de dossiers ni diffuser des informations, pourtant du domaine civil.
Si cet arrêté est mis en application, les CLI et CLIS n’ont plus de raison d’être et ne pourront plus continuer à travailler. En conséquence, notre participation aux CLI et CLIS, en temps que représentants des associations de défense de l’environnement se trouve remise en cause.
En conclusion, nous, associations membres de CLI ou CLIS, estimons que notre participation y est incompatible avec l’existence d’un tel arrêté, nous demandons donc son abrogation.
L’ACRO siège à,
– la Commission Spéciale et Permanente d’Information auprès de l’établissement Cogéma de la Hague (dite “commission Hague”),
– la Commission de Surveillance du Centre de Stockage Manche,
– la Commission Locale d’Information de Penly-Paluel,
– la nouvelle Commission Locale d’Information créée pour l’arsenal de Cherbourg.
Futurs arrêtés et décrets concernant l’usine Cogéma de La Hague
Lettre de l’ACRO adressée au gouvernement
Communiqué de presse du 28 novembre 2002
L’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest a adressé cette lettre à Monsieur Le Premier Ministre, Madame la Ministre de l’Ecologie et du Développement Durable, Madame la Ministre déléguée à l’Industrie, Monsieur le Ministre de l’Economie des Finances et de l’Industrie et à Monsieur le Ministre de la Santé de la Famille et des personnes handicapées.
Nous avons appris par voie de presse que vous vous apprêtiez à publier les décrets et arrêtés concernant l’usine Cogéma de La Hague. Si nous pensons qu’une réduction des autorisations de rejet dans l’environnement est nécessaire, nous nous inquiétons du fait que de nouveaux combustibles pourraient être retraités sans aucune justification.
Selon le principe de justification de la législation européenne (article 6 de la directive EURATOM 96/29), ” toute nouvelle catégorie ou tout nouveau type de pratique entraînant une exposition à des rayonnements ionisants […doivent être justifiés] par leurs avantages économiques, sociaux ou autres par rapport au détriment sanitaire qu’ils sont susceptibles de provoquer “.Lors des enquêtes publiques de l’an 2000, l’exploitant demandait l’autorisation de retraiter des combustibles venant de réacteurs de recherche (MTR) et des combustibles Mox, sans justifier ces nouvelles pratiques. Dans ses commentaires, l’ACRO avait montré que cette lacune vis à vis du droit était sûrement due au fait qu’elles n’étaient pas justifiables.
Nous avions aussi souligné la maigreur de l’étude de danger. Depuis, aucun élément nouveau n’a été présenté au public, nous continuons donc à réclamer un débat public sur le bien-fondé du retraitement de ces nouveaux combustibles.
Alors que votre gouvernement annonce un débat sur l’énergie au printemps prochain, une décision nous paraît prématurée et pourrait nous faire douter de la sincérité de la démarche. Si nous accueillons favorablement la démarche de limitation des rejets retenue dans les nouveaux arrêtés concernant les autorisations de rejet, nous vous demandons de ne pas inclure dans les décrets à venir les autorisations de retraitement de nouveaux types de combustibles.
Faire front au front national
Communiqué du 30 avril 2002
Sans démocratie, il n’y a pas d’expertise indépendante. Le cas du Pr Iouri Bandajevski est là pour le rappeler. Ce scientifique bélarusse de réputation internationale, a été condamné à huit ans de réclusion pour “corruption” par une cour militaire parce ce qu’il avait osé contester la gestion par le pouvoir en place des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl. Le Pr Iouri Bandajevski est considéré comme un “prisonnier d’opinion” par Amnesty International.
L’ACRO a déjà dénoncé localement des épisodes peu glorieux qui pourraient être un avant goût d’une gestion totalitaire de la société. N’a-t-on pas vu des groupes violents empêcher la tenue de réunions politiques ? Une liberté d’expression pluraliste est indispensable au bon fonctionnement démocratique. Que cela soit pour le nucléaire ou pour tout autre thème.
De nombreuses associations tentent, au quotidien, de faire progresser le débat public, l’expression citoyenne ou les droits humains fondamentaux. Ce travail difficile est aujourd’hui menacé au niveau national, après l’avoir été par les mairies acquises par le front national.
Rien ne permet de justifier un vote pour un parti qui nie les droits humains si durement acquis. Il est inquiétant de voir certaines thèses de l’extrême droite reprises plutôt que combattues. Il est effrayant de penser que l’arme nucléaire puisse tomber entre des mains fascisantes.
L’ACRO n’a pas pour mission de s’immiscer dans le débat électoral, mais il y a péril en la demeure. Elle appelle donc, à titre exceptionnel, chaque citoyen à penser aux valeurs démocratiques au moment de passer dans l’isoloir et rappelle, d’autre part, que le combat pour la démocratie ne se limite pas au vote.