Alors que l’on va commémorer le dixième anniversaire de la catastrophe nucléaire de Fukushima, l’ACRO propose :
- un bilan chiffré de l’avancement des travaux à la centrale nucléaire accidentée et de la situation dans les territoires contaminés ;
- une revue de la littérature scientifique sur l’augmentation observée des cas de cancers de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima ;
- les résultats d’une étude sur la contamination des poussières domestiques par le laboratoire que nous avons soutenu au Japon.
Cela fait 10 ans que l’ACRO effectue un suivi de la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima daï-ichi et de ses conséquences sur un site Internet dédié : Fukushima.eu.org. Avec plus de 2 700 articles, c’est le site francophone le plus complet sur le sujet.
Le bilan chiffré traite :
- de l’avancement du démantèlement des réacteurs accidentés ;
- de la gestion de l’eau contaminée ;
- des travailleurs du nucléaire et des décontamineurs ;
- de la décontamination dans les territoires affectés par les retombées radioactives et de la gestion des déchets engendrés ;
- du retour des populations dans les zones évacuées ;
- de l’impact sanitaire ;
- du coût de la catastrophe ;
- de la situation du parc nucléaire japonais.
Résumé de la revue sur les cancers de la thyroïde :
L’ACRO a effectué une revue de la littérature scientifique à propos des cancers de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima. Les dernières données publiées font état de 252 cas de cancer suspecté, dont 202 ont été confirmés après une intervention chirurgicale. Mais ces données officielles ne prennent en compte que les cas découverts dans le cadre du suivi sanitaire lancé en 2011 par la province de Fukushima et ne sont donc pas complètes. Il n’est pas possible de connaître le nombre exact de cas.
S’il y a consensus sur le fait que le nombre de cas de cancer de la thyroïde observé est beaucoup plus élevé que ce qui est observé généralement sans dépistage, et ce, dès la première campagne de dépistage, les explications de cette augmentation sont très controversées. L’un des principaux objectifs du suivi en cours, outre de rassurer les familles, est de déterminer si l’exposition à de faibles doses de rayonnements a des effets sur la santé. Cependant, l’ancien directeur du suivi sanitaire de Fukushima, Shunichi Yamashita, a déjà conclu que « bien que les effets sur la santé directement liés à l’exposition aux radiations soient très peu probables dans les circonstances actuelles et les niveaux de radiation à Fukushima, une augmentation des cas de cancer de la thyroïde chez les enfants à Tchernobyl due à l’exposition interne à l’iode radioactif a conduit à exagérer le risque sanitaire des radiations à faibles doses et a également suscité une peur des radiations ». Quels que soient les résultats obtenus, les organisateurs de l’enquête s’en tiennent à cette interprétation.
Plusieurs arguments ont été avancés pour expliquer que les cas de cancer de la thyroïde découverts au cours de la première campagne n’étaient pas le résultat d’une exposition aux radiations après l’accident de Fukushima dai-ichi. Premièrement, une grande part de la population cible a reçu de faibles doses. Cependant, l’UNSCEAR, qui a procédé à une évaluation des doses à la thyroïde, n’exclut pas quelques cas de cancer liés aux radiations. Deuxièmement, la latence prévue pour le cancer de la thyroïde radio-induit est de 4 à 5 ans. Mais la plupart des cancers découverts à partir de la deuxième campagne sont apparus en très peu de temps. Troisièmement, aucun cas de cancer n’a été découvert dans la tranche d’âge la plus jeune, de 0 à 5 ans, au cours de la première campagne. Depuis, plus de 8 cas de ce type ont été découverts lors des campagnes suivantes.
En ce qui concerne les corrélations statistiques avec les doses d’exposition, les données disponibles ne sont pas suffisamment détaillées pour permettre des études précises. Il est intéressant de noter que les études réalisées par les membres du groupe de suivi sanitaire de Fukushima ne trouvent jamais de corrélation avec les doses de radiation, alors que les études réalisées par des chercheurs externes ont trouvé de telles corrélations.
Les arguments avancés pour exclure tout lien avec les retombées radioactives sont contredits par les faits. Si, dix ans après la catastrophe de Fukushima, il n’est toujours pas possible de tirer des conclusions définitives sur les raisons de la forte augmentation du taux de cancer de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima, il n’est plus possible d’exclure que des cancers puissent être induits par les radiations.