Tôkaï-mura : un grave accident qui devait arriver

Revue de la presse internationale de l’ACROnique du nucléaire n°47, décembre 1999


Devant l’importance de l’évènement, la revue de presse internationale ne sera consacrée qu’à cet accident. Les autres informations seront reprises dans les revues de presse suivantes.


Un sentiment d’apocalypse

Le jeudi 30 septembre, vers 15h30, une cinquantaine de familles ont été évacuées dans un rayon de 200m autour de l’usine de traitement de l’uranium de Tôkaï-mura, à 120 km au Nord-Est de Tôkyô, suite à une fuite de radioactivité survenue à 10h15 le matin même. 150 personnes sont concernées par cette mesure et la zone a été fermée à la circulation. En outre, environ 320 000 habitants résidant dans un rayon de 10 km avaient été avisés par hauts parleurs, à partir de 12h30, de demeurer chez eux et de fermer leurs fenêtres. Trois employés de l’usine ayant été exposés aux radiations ont été transportés par hélicoptère à l’hôpital. Deux des trois ouvriers ont dû être portés sur des brancards par des secouristes portant des masques et des combinaisons anti-radiations avant d’être placés dans un département stérile. Le troisième homme a pu marcher jusqu’à l’institut et est soigné dans un service normal. Les dépêches d’agence suivantes feront état d’un nombre grandissant de personnes irradiées, pour atteindre finalement 69 personnes, dont des riverains et des secouristes. Le même jour, une autre dépêche AFP, rappelle les accidents nucléaires les plus graves de l’histoire, laissant présager la gravité de ce dernier. A 19h, plus de 5 000 familles étaient encore confinées chez elles. Un responsable de la ville de Tôkaï-mura a indiqué le même jour que la pluie maintenait le niveau de radiation élevé à proximité du site de l’accident.

Voici les règles diffusées à la radio et à la télévision le lendemain de l’accident, selon une dépêche AFP :
— Vous pouvez empêcher totalement les effets des substances radio-actives en vous calfeutrant chez vous.
— Le niveau des radiations autour du site peut changer en raison du vent et de la pluie mais ailleurs il est extrêmement bas et ne représente pas de menace pour la santé.
— A tout hasard, abstenez-vous d’aller dehors. Fermez portes et fenêtres, n’utilisez pas les ventilateurs ou la climatisation.
— Si vous devez absolument utiliser un véhicule, fermez les fenêtres.
— Abstenez-vous de moissonner jusqu’à nouvel avis de la préfecture.
— Abstenez-vous de boire l’eau de puits ou l’eau de pluie mais l’eau du robinet est potable.
Rues désertes, magasins et écoles fermées, fenêtres closes malgré la chaleur : Tôkaï-mura ressemblait vendredi matin à une ville fantôme. Des policiers, dont le visage est protégé par des masques, limitaient les entrées et les sorties. Les autorités tentaient de calmer les inquiétudes des habitants. ” Il n’y a plus de risque de nouvelles émissions de radiation “, a expliqué un responsable municipal, dont la voix était relayée par les haut-parleurs accrochés dans les rues. La circulation des trains locaux a été suspendue.

Selon l’Agence pour la Science et la Technologie, la dose à la limite du site était de 0,84 mSv par heure alors que la norme pour la population est de 1 mSv par an. A 17h, le jour de l’accident, la dose mesurée au sud du centre a atteint 4 mSv par heure. (Yomiuri Shimbun, 1/10/1999)

Les deux ouvriers, Husachi Ouchi, âgé de 35 ans, et Masato Shinohara, âgé de 39 ans, présentent des symptômes, dus à de fortes radiations, qui sont difficiles à soigner. Le troisième ouvrier, Yutaka Yokokawa (54 ans), est également dans un état sérieux. Environ la moitié des personnes ayant subi des radiations d’un tel niveau sont menacées de mort dans les trente jours suivants (AFP, 1/10/1999). Ils affirment avoir vu une lueur bleue et selon une estimation de l’Agence pour la Science et la Technologie (STA), la dose qu’ils auraient reçue atteint 17 000 mSv pour l’un d’entre eux,  10 000 et 3 000 pour les deux autres. Ces chiffres ont été obtenus en mesurant le taux de sodium 24 dans leur sang, car ils ne portaient pas de badges (qui de toute façon auraient été illisibles car surexposés). A l’heure où nous bouclons le journal, ils sont toujours en vie grâce à un effort thérapeutique extraordinaire, mais le premier d’entre eux est dans un état très grave. 109 employés étaient présents sur le site au moment de l’accident et ils vont tous subir des tests médicaux (Yomiuri, 4/10/1999).

Un accident de criticité

Le village de Tôkaï abrite un complexe nucléaire important, avec une usine de retraitement des combustibles irradiés, une usine de traitement de l’uranium et des réacteurs expérimentaux. La majeure partie de la population y travaille. L’usine où a eu lieu l’accident appartient à la Japan Nuclear Fuels Conversion Company (JCO), filiale du trust Sumitomo. ” Elle effectue la conversion d’hexafluorure d’uranium (UF6) enrichi en uranium 235, en oxyde d’uranium (UO2), en vue de la fabrication de combustible nucléaire. La conversion est réalisée par un procédé en ” voie humide ” : l’uranium, sous forme d’UF6 gazeux à l’origine, est transformé en présence d’eau, puis d’ammoniaque avant d’être calciné dans un four pour obtenir de la poudre d’oxyde d’uranium ” précise l’IPSN le soir de l’accident. Il s’agit d’une opération à risque : les neutrons émis lors de la fission d’un noyau d’uranium 235 peuvent déclencher d’autres fissions et provoquer ainsi une réaction en chaîne qui est difficilement contrôlable et qui s’accompagne d’un fort dégagement d’énergie et de rayonnement. Lorsqu’une masse suffisante de matériau fissible est rassemblée, une telle réaction peut démarrer toute seule. On parle alors de masse critique et d’accident de criticité. C’est l’accident le plus redouté par l’industrie nucléaire. Le Yomiuri ajoute que, le jour de l’accident, l’uranium était importé de France et destiné au surgénérateur expérimental Jôyô (1/10/1999). Cela signifie que le taux d’enrichissement est supérieur à la normale (18,8 % d’U235 au lieu de 5 %) et que l’uranium devait être mélangé à du plutonium pour en faire du MOx par la suite. Dans ce cas la masse est beaucoup plus faible. D’après les responsables, l’usine produit habituellement 718 tonnes par an de combustible nucléaire enrichi à 5%. Une ou deux fois par an environ, ce taux est plus élevé et l’usine n’est pas équipée pour prévenir et arrêter une réaction en chaîne (Asahi, 1/10/1999).

Une quantité de 16 kg d’uranium a été versée dans une cuve de décantation, habilitée à n’en recevoir que 2,3 kg. La masse critique ayant été dépassée, cette mise en présence de matière nucléaire fissile a déclenché une réaction nucléaire en chaîne incontrôlée avec une émission intense de rayons gamma et de neutrons. La réaction nucléaire a tendance à disperser l’uranium et donc la réaction s’arrête, mais dans une cuve, l’uranium se remélange et la réaction repart. Ce cycle s’est répété plusieurs fois pendant des heures. La réaction est favorisée par l’eau dans la solution qui a tendance à ralentir les neutrons, comme dans un réacteur nucléaire, et par l’eau de refroidissement qui entoure la cuve et qui a tendance à réfléchir les neutrons vers la cuve. (New Scientist, 9/10/1999). Les autorités japonaises estiment à 22.5 kilowatt-heure l’énergie dégagée par la réaction (Yomiuri, 5/11/1999)

” La conversion de l’UF6 en UO2 dans les usines françaises de fabrication de combustible est effectuée par un procédé en ” voie sèche ” : l’UF6 gazeux est transformé directement en poudre d’UO2 dans un four en température, par action de vapeur d’eau et d’hydrogène gazeux. Quel que soit le procédé de conversion d’uranium enrichi en uranium 235, des dispositions doivent être prises à l’égard des accidents de criticité. ” ajoute l’IPSN.

Des employés sacrifiés

Ce n’est que vers 3 h du matin, le vendredi, que des employés ont tenté d’arrêter la réaction en pompant l’eau de refroidissement entourant le récipient et en versant du borate de sodium pour absorber les neutrons. 16 d’entre eux ont alors été sérieusement irradiés. 6 auraient reçu des doses supérieures à 50 mSv et même jusqu’à 91 mSv pour l’un d’entre eux. (Asahi, 1/10/1999) Un membre de la commission gouvernementale de sécurité nucléaire a confirmé la fin de la ” criticité ” sur le site à 6H15 vendredi matin, près de vingt heures après son déclenchement, mais les mesures de confinement de la population ont été maintenues. 29 heures après le déclenchement de la réaction, le gouvernement a finalement levé la mesure de confinement. Seuls les habitants à moins de 350 mètres du site n’ont pu retrouver leur logis et les alentours proches de l’usine sont restés interdits d’accès. (AFP, 1/10/1999) La commission de sûreté nucléaire a alors pris le risque d’exposer 16 employés à plus de 100 mSv, qui est la dose maximale en cas d’accident, pour arrêter la réaction. Après l’accident de Tchernobyl, la CIPR avait recommandé d’augmenter cette limite à 500 mSv, mais le Japon n’avait pas suivi (Yomiuri, 8/10/1999). Les ouvriers qui sont intervenus ont pris des doses bien supérieures à ce qui avait été estimé auparavant car leur dosimètre n’avait que 2 chiffres ! Ainsi la personne qui est allée la première pour photographier la cuve avant d’intervenir a pris une dose de 120 mSv et non 20 mSv comme annoncé. Cela a été reconnu par la STA le 15 octobre. (Magpie News report n°20, 16/10/99)

L’environnement contaminé

Le gouvernement japonais a levé le samedi la dernière mesure de sécurité : quatre-vingt trois habitants ont été autorisés en fin d’après-midi à retrouver leur foyer, plus de deux jours après en avoir été évacués dans l’urgence. Tout est donc officiellement retourné à la normale à l’extérieur immédiat du site, mais la récolte de riz qui s’annonce va être placée sous surveillance. (AFP, 2/10/1999) Il a, en outre, reconnu que la réaction des pouvoirs publics avait été trop lente. (AFP, 1/10/1999) Ces retards auraient pu être extrêmement graves pour la santé publique. La cinquantaine de familles qui vivaient dans un périmètre de 350 mètres autour de l’usine n’a reçu l’ordre d’évacuer les lieux que… cinq heures après l’accident. Or, selon les experts, les rayonnements radioactifs émis par la matière en fission pouvaient passer à travers un mur de béton de 2 mètres d’épaisseur. (Libération 6/10/1999)

” Nous n’avons détecté aucun signe de contamination qui pourrait affecter (la population) au delà des zones situées à proximité (de l’usine où s’est produit l’incident) “, a affirmé un responsable du département de sécurité nucléaire de l’Agence des Sciences et Technologies du gouvernement. Le gouvernement a classé l’incident survenu à l’usine de Tokaï-mura dans la ” catégorie 4 “, ce qui signifie pourtant, selon les normes internationales, qu’il y a eu une fuite d’une faible quantité de matériau radioactif. L’Agence Internationale à l’Energie Atomique (AIEA) a précisé que cette classification était provisoire. (Reuters, 1/10/1999). Cet accident, considéré comme le pire de l’histoire nucléaire du pays, est le plus ” significatif ” depuis celui de Tchernobyl (Ukraine) en 1986, a estimé le porte-parole de l’AIEA mais, contrairement à l’accident de Tchernobyl, ” ceci n’est pas un accident qui laissera de la contamination résiduelle dans l’environnement “. (AFP, 2/10/1999) La STA hésite à classer au niveau 5 cet accident, ce qui signifie qu’il a fait courir d’énormes risques à la population des environs. L’accident de Three Miles Island était aussi classé 5. (Yomiuri, 7/10/1999)

Le taux de radioactivité autour du complexe nucléaire japonais de Tôkaï-mura était en baisse mais toujours à un niveau anormal en dépit des assurances gouvernementales, quatre jours après l’accident, a affirmé Greenpeace. L’organisation a ainsi constaté un taux de 0,4 millisieverts par heure lundi, contre 0,54 dimanche, sur une route située à trente mètres du complexe. Avant l’explosion nucléaire, le taux moyen était de 0,1 millisieverts. Ils sont normaux à une distance de 200 mètres de l’usine (AFP, 4/10/1999).

Selon un calcul fait par les scientifiques du CNIC (Citizens’ Nuclear Information Center), la quantité de radioéléments rejetés dans l’environnement est de l’ordre de 1016 à 1017 Bq (soit 10 à 100 TBq). Ce chiffre est basé sur une analyse du contenu de la cuve qui laisse présager que 1018 fissions ont eu lieu, ce qui correspond à environ 1 mg d’uranium. Mais comme l’échantillon provient du haut de la cuve, il sous-estime probablement la réalité.

D’après une estimation faite par des universitaires, les habitations situées à 100 m du site auraient subi une dose neutron totale de 100 mSv. Ces résultats sont basés sur des analyses de zinc dans des pièces de 5 yens. Pour des habitations à 150 m cette dose est de 40 mSv. Les habitants ayant été évacués, la dose reçue est donc inférieure. (Yomiuri, 4/10/1999).
Douze jours après l’accident, des matières radioactives continuaient à se répandre dans l’atmosphère en raison d’un ventilateur défectueux. Les responsables de l’usine se sont aperçus la semaine précédente, lors de l’ouverture du ventilateur défaillant, que le niveau de radioactivité y était deux fois supérieur à la limite de sécurité. JCO a scellé depuis toutes les portes et fenêtres de l’usine. (AP, 11 octobre 99) Neuf jours après l’accident, de l’iode 131, 132 et 133 y a été détecté à des taux atteignant 21 Bq/m3 pour l’iode 131 alors que la limite d’autorisation de rejet est de 1 Bq/m3. De l’iode 131 a été mesuré jusqu’à 70 km au sud de l’usine, mais à 0,044 Bq/m3. Les autorités ont présenté leurs excuses pour n’avoir pas fait les mesures plus tôt. (Yomiuri, 13/10/1999). Greenpeace a aussi trouvé du sodium 24 dans le sel de cuisine d’une habitation, laissant penser qu’il a été irradié par des neutrons.
Selon une première étude, 8 personnes sur 150 examinées semblent montrer des dommages au niveau de leur ADN. Il s’agit de tests effectués sur les urines de 27 employés et 123 résidents situés à moins de 350m de l’accident. (Yomiuri, 10/11/99)

Le site a été entouré de sacs de sable contenant de la poudre d’aluminium pour arrêter les neutrons et du béton pour arrêter le rayonnement gamma. Le sort de l’usine n’est pas connu car on ne sait pas quand il sera possible de démanteler la zone sans faire courir de risques trop grands aux travailleurs. (Informations complémentaires issues de source associative)

Chercher l’erreur humaine

L’accident est vraisemblablement dû à une erreur humaine d’employés du site, a indiqué le directeur-général du groupe Sumitomo Metal Mining, son propriétaire. ” Honnêtement, je n’avais jamais pensé qu’une telle chose puisse survenir “, a-t-il ajouté. ” Je présente mes profondes excuses pour le trouble immense causé aux habitants ” proches du site, a-t-il poursuivi. (AFP 1/10/1999) Mais la compagnie a reconnu, par la suite, avoir opéré selon des normes de production illégales au cours des quatre dernières années, en changeant la procédure d’exploitation sans l’accord des services gouvernementaux (AFP, 3/10/1999). La thèse de ” l’erreur humaine ” sera néanmoins souvent mise en avant par la presse française.

Des employés de l’usine ont été interrogés par la police et au terme de l’enquête, les responsables de JCO pourraient être poursuivis sur le plan pénal pour négligence professionnelle. Au lieu d’utiliser une colonne de dissolution, les employés versaient la solution d’uranium à l’aide de récipients en acier inoxydable, similaires à des seaux, puis remuaient à la main la cuve de mélange. Pour chauffer la cuve, les ouvriers utilisaient une plaque électrique de cuisine, afin d’accélérer la dissolution. La veille de l’accident, les employés avaient déjà versé 4 seaux dans la cuve, soit environ 9,2 kg, dépassant la masse critique de 1,2 kg, mais la réaction en chaîne n’a démarré que quand ils ont versé les 3 seaux restants.

Pour les employés, ces procédures, c’était ” devenu une routine ” car cela durait depuis 4 ou 5 ans ” pour aller plus vite “. Ils suivaient ainsi les recommandations d’un manuel illégal, rédigé au siège de JCO à Tôkyô et signé par 6 ” responsables “. L’enquête menée par la police tend à montrer que la direction de l’usine a encouragé les employés à simplifier les procédures pour gagner du temps car la compagnie faisait face à des difficultés financières depuis 5 ou 6 ans, l’oxyde d’uranium importé étant moins cher. Le nombre d’employés est passé de 180 en 1984 à 110 actuellement. Une enquête du Asahi (7/10/1999) auprès des employés révèle que des manuels d’instruction secrets et illégaux étaient utilisés depuis plus de dix ans (Yomiuri des 4 et 11/10/1999, 5/11/1999, Asahi des 4, 7 et 20/10/1999).
Deux des trois employés gravement irradiés n’avaient aucune expérience de ce genre de manipulation et le troisième n’avait travaillé que quelques mois dans cette unité. Il a admis qu’il ne connaissait pas la signification du mot ” criticité “. (Libération, 04/10/99)

Cet accident souligne les risques encourus par l’emploi massif de personnes non qualifiées et d’intérimaires dans l’industrie nucléaire, souvent traités comme des ” esclaves du nucléaire “. Plus de 5 000 personnes seraient employées en CDD par an. Récemment, un nombre croissant de SDF, attiré par les salaires élevés, ont été employés pour faire le ” sale boulot “. Matsumoto-san, vivant dans un parc de Tokyo, a raconté qu’il a été embauché 3 mois pour balayer dans une autre usine de Tokai-mura et que ses chefs lui disaient de ne pas s’inquiéter quand son badge sonnait. Depuis, il se sent malade et la compagnie refuse de lui payer des compensations. Le sujet est peu abordé par la presse japonaise qui craint des représailles de la mafia (yakuza) qui organise le recrutement des intérimaires. (BBC, 29/10/1999)

Un accident jamais envisagé

L’accident n’avait pas été prévu, non plus, par la direction de l’usine et aucune mesure d’urgence n’était en place pour faire face à une réaction en chaîne. Il n’y a aucune structure pour arrêter la réaction et pour contenir la radioactivité en cas d’accident. Comment de telles lacunes ont-elles pu échapper à la vigilance des autorités de sûreté japonaises ? Les visites d’inspection sont pourtant les mêmes que pour une usine de retraitement où l’on extrait du plutonium, ce qui laisse présager le pire, avec des risques bien plus grands. (Yomiuri, 4/10/1999)
Par exemple, il n’y avait pas assez d’appareils pour mesurer le taux de neutrons et les autorités ont mis beaucoup de temps avant de réaliser qu’il s’agissait d’un accident de criticité. Une véritable surveillance n’a pu commencer que 6h après l’accident à l’aide de détecteurs prêtés par un institut de recherche. Les neutrons sont pourtant très nocifs et les taux mesurés ont atteint 4,5 mSv/h autour de l’usine. Les 21 stations de surveillance du village de Tôkaï gérées par les autorités ne sont équipées que de détecteurs gamma. Les autorités locales ont deux détecteurs de neutrons portables, mais n’ont pas de personne qualifiée pour s’en servir… Les mesures de rayonnement gamma, quant à elles, n’ont débuté qu’une heure après l’accident. (Asahi et Yomiuri, 4/10/1999)

Le gouvernement japonais n’a mené aucune inspection du complexe nucléaire de Tôkaï-mura depuis 1992, a reconnu un responsable de l’Agence des Sciences et des Techniques. Il a précisé que ces inspections n’étaient pas légalement obligatoires et qu’elles avaient été stoppées ” par manque de main d’œuvre “. ” La réglementation nucléaire oblige le gouvernement à inspecter la sécurité des sites nucléaires chaque année mais la mesure ne s’appliquait pas à proprement parler à JCO parce que cette société était considérée comme une entreprise de production de combustible ” pour les centrales. (AFP, 9/10/1999)

Les autorités japonaises de l’énergie ont annoncé la mise en oeuvre d’un plan national de vérification de toutes les installations nucléaires du pays. Le gouvernement est la cible de critiques croissantes de l’opinion publique qui lui reproche d’avoir fait preuve de laxisme dans le contrôle des installations nucléaires. (Reuters, 4/10/1999) Les autorités locales ont refusé le redémarrage de l’usine de retraitement expérimental de Tôkaï-mura, ce qui pourrait entraîner la fermeture du réacteur expérimental Fugen, dans la préfecture de Fukui, dont les piscines d’entreposage de combustible irradié sont pleines. Des centrales nucléaires commerciales pourraient aussi avoir des problèmes similaires. L’usine de retraitement avait été arrêtée en 1997 à la suite d’un incendie et d’une explosion qui irradia trente-sept employés. Les autorités locales devaient donner leur feu vert le 30 septembre, mais l’accident dans l’usine JCO qui a eu lieu le matin même les a fait revenir sur leur décision. (Asahi, 6/10/1999)

La poursuite du programme nucléaire civil…

La compagnie JCO s’est vue retirer son autorisation de faire fonctionner son usine. C’est la première fois que cela arrive dans l’industrie nucléaire japonaise (Yomiuri, 7 oct). Une inspection rapide de 20 usines nucléaires (autres que des centrales) entre le 4 et le 30 octobre 1999 a montré que les règles de sécurité en matière de criticité n’étaient pas respectées sur 17 sites. (Yomiuri, 09/11/1999) Dans l’usine de retraitement des combustibles irradiés voisine, cela fait 17 ans que le système supposé prévenir les réactions en chaîne est défectueux. Au lieu de réparer, des procédures alternatives manuelles ont été mises en place.

Mais, la ligne officielle ne change pas, le Japon va poursuivre son programme nucléaire. Le ministre de la Science et de la Technologie, Hirofumi Nakasone, a réaffirmé que  “l’énergie nucléaire est nécessaire au développement du Japon” et que  “le gouvernement fera tout pour rétablir la confiance de la population”. Mais l’accident risque de peser sur les choix futurs du pays : le chargement de réacteurs commerciaux avec du Mox, un mélange d’uranium et de plutonium, pourrait par exemple être retardés. Deux navires transportant du MOx produit en France et en Grande-Bretagne sont arrivés au Japon, juste avant l’accident de Tôkai-mura. Ils ont été accueillis par des manifestations hostiles d’une poignée de militants antinucléaires japonais. Ce combustible doit être brûlé dans des réacteurs japonais pour la première fois dans quelques mois. A terme, le Japon a prévu de consommer du MOx en grande quantité. Mais l’opinion est de plus en plus critique sur ce sujet. Prenant les devants, la compagnie d’électricité du Kyushu a décidé de geler son programme d’utilisation de ce combustible. (Libération, 6/10/1999)
NDLR : L’accident a reporté de quelques jours un remaniement ministériel. Le nouveau ministre de la Science et de la technologie est Monsieur Nakasone, ancien premier ministre qui, il y a 40 ans environ, avait fait voter un budget pour le développement de l’industrie nucléaire au Japon. Une nomination significative… L’ancien ministre était Monsieur Arima, physicien nucléaire de renommée internationale.

… et militaire ?

Le nouveau vice-ministre de la Défense a, quant à lui, déclaré, dans une interview à Playboy, que le Japon devait se doter de l’arme nucléaire. Face au tollé provoqué par ses propos, il a dû démissionner le jour même, mais maintient son point de vue. L’arme nucléaire demeure un tabou au Japon. (Mainichi 20/10/1999 et Yomiuri 21/10/1999) Selon des documents déclassifiés du pentagone, l’armée américaine a maintenu des éléments d’armes nucléaires au Japon de 1954 à 1965, officiellement à l’insu des autorités japonaises. Des  armes nucléaires complètes étaient en état d’alerte à Okinawa jusqu’en 1972. Il y en a eu jusqu’à 1200 en 1967, de 19 sortes, ce qui a correspondu à un tiers de la force de frappe américaine en Asie. C’est la première fois que les Etats-Unis reconnaissent ces faits. (Yomiuri, 21/10/1999)

Le ministre japonais de la Planification économique, Taichi Sakaiya, a déclaré qu’il ne pensait pas que l’accident nucléaire survenu la veille dans l’usine de Tôkaï-mura aurait des conséquences négatives sur l’économie, la Bourse ou les marchés des changes du Japon. (Reuters, 1/10/1999) Nous voilà rassurés !


Note 1 : Le Yomiuri, Asahi et Mainichi sont trois quotidiens japonais qui ont aussi une édition en anglais.

Note 2 : Le jour même de l’accident, l’ACRO a proposé ses services à de nombreuses associations japonaises et à une université avec qui nous avons des contacts, car il n’y a pas de laboratoire indépendant au Japon. Il semblerait que les associations ont pu faire faire des analyses auprès des laboratoires universitaires japonais.


Compléments

• publié dans l’ACROnique du nucléaire n°49, juin 2000 :

Le nombre de personnes irradiées en septembre lors de l’accident nucléaire à l’usine de retraitement de Tôkaï-mura a été officiellement relevé de 70 à 439. Le nouveau bilan prend en compte les personnes habitant non loin de l’usine, située à 140 km au nord-est de Tôkyô, et les employés de l’usine non protégés contre la radioactivité au moment de l’accident. Parmi les personnes irradiées, 207 habitaient dans un rayon de 350 mètres de l’usine et les autres étaient des employés de l’usine ou du personnel de secours. (Reuters, 1/2/2000) Le Président de la compagnie (JCO) a annoncé qu’il allait démissionner. (AP, 25/2/2000). Un ouvrier qui avait été gravement irradié est décédé. Masato Shinohara avait 40 ans. Il s’agit du deuxième décès. Le troisième ouvrier gravement touché, Yutaka Yokokawa, a quitté l’hôpital en décembre. (AP, 27/4/2000)

• publié dans l’ACROnique du nucléaire n°52, mars 2001 :

Six anciens cadres et employés de la société JCO ont été arrêtés par la police dans le cadre de l’enquête sur l’accident de Tôkaï-mura il y a un an, le plus grave de l’histoire du nucléaire civil au Japon. Les six hommes sont soupçonnés de négligence professionnelle mais les enquêteurs souhaitent également inculper JCO en tant que société car ils estiment que toute une série de règles de procédure ont été enfreintes. (Reuters, mercredi 11 octobre 2000) Le nombre de personnes irradiées lors de cet accident a été revu officiellement à la hausse. 229 personnes, des chauffeurs, journalistes, des officiels… ont été ajoutés à la liste qui comporte maintenant un total de 667 personnes. (CNIC Report [39] Oct.16 2000)

Ancien lien

Des armes radioactives au Kosovo

Tiré de l’ACROnique du nucléaire n°46, septembre 1999


Utilisées pour la première fois en Irak lors de la guerre du Golfe, des munitions à l’uranium appauvri ont été tirées au Kosovo, alors que les effets à long terme sont encore mal connus. Comble de l’ironie, pour une guerre dont le but affiché est de permettre aux populations albanophones de pouvoir rentrer chez elles sans danger…


L’uranium, le métal le plus lourd que l’on trouve dans la nature est un matériau très dur qui permet aux projectiles d’être plus pénétrants. L’uranium appauvri (UA), qui est un résidu de l’enrichissement de lâuranium destiné à la fabrication de combustible pour les réacteurs nucléaires, est très bon marché et abondant. Il est donc utilisé pour fabriquer des obus destinés à percer les blindés. Ses propriétés pyrophoriques font qu’il n’explose pas, mais se fragmente et s’enflamme après son passage à travers le blindage sous l’effet de l’énorme température atteinte lors de l’impact. Cela peut entraîner une dispersion sous forme de particules qui peuvent être inhalées, l’uranium appauvri étant à la fois un toxique chimique et radioactif. Il est aussi utilisé comme blindage.

L’uranium naturel ne contient que 0,71% d’uranium 235 (235U) qui est fissible, le reste étant constitué essentiellement d’uranium 238 (238U). La fabrication d’une tonne de combustible nucléaire enrichi à 3,6% d’235U, produit environ 7 fois plus de déchets contenant environ 0,3% d’235U, appelé uranium appauvri. Ces pourcentages permettent de différencier l’uranium appauvri de l’uranium naturel en cas de contamination. Rien qu’aux Etats-Unis, plus de 560 000 tonnes d’uranium appauvri sont accumulées depuis 1993. En France, la Cogéma prévoit d’en stocker 199 900 tonnes sur le site de Bessines sur Gartempes près de Limoges, pour un coût total de 60 millions de francs sur 15 ans. Elle ne le considère pas comme déchet, mais comme “stock stratégique”. A l’origine, la Cogéma voulait en stocker 265 000 tonnes, mais elle avait sous-estimé l’activité de ces résidus en “oubliant” plusieurs radionucléides, dont l’uranium 236. En dépassant les 100 000 curies (3,7 10+15 Bq), le site devait être classé en Installation Nucléaire de Base, ce qui nécessitait une enquête publique, la Cogéma a donc revu à la baisse ses ambitions, sans expliquer la présence d’236U.

Les utilisations civiles sont très rares : comme contre-poids dans les premiers Boeing 747, par exemple. Le cargo israélien de la compagnie El Al qui était tombé en 1992 sur un quartier résidentiel d’Amsterdam, tuant 43 personnes, transportait près de 300 kg d’uranium appauvri. Plus de la moitié a été retrouvé, mais on ne sait pas si le reste a brûlé ou été retiré. Les pompiers, sauveteurs et riverains n’ont pas été prévenus des risques encourus. Les utilisations militaires, quant à elles, ont été connues du grand public après la guerre du Golfe, où les armes à l’uranium appauvri ont été utilisées pour la première fois sur le champ de bataille (Note : Voir par exemple, le Monde Diplomatique dâavril 1995). A noter, qu’un tiers des chars utilisés par les Etats-Unis avaient un blindage à l’uranium appauvri.

Entre deux conflits, ces munitions sont aussi testées, ce qui ne va pas toujours sans poser de problèmes. Ainsi le Japon avait-il protesté contre leur utilisation “accidentelle” par les Etats-Unis sur l’île de Torishima, près d’Okinawa en décembre 1995 et janvier 1996. Plus récemment, la Navy a reconnu avoir tiré “par erreur” 267 obus à l’UA sur l’île de Vieques (Porto-Rico), le 19 février 1999, dont seulement 57 ont été retrouvés, ce qui n’est pas sans inquiéter les 9 300 habitants de l’île (Note : AP et Reuters, 2 juin 1999).

Lors de la guerre du Golfe, environ 300 tonnes d’uranium appauvri ont été larguées sur l’Irak. Aucun des militaires qui a servi dans cette guerre n’avait entendu parler d’uranium appauvri et ne connaissait donc pas les risques encourus, ni les mesures de précaution. Un seul soldat britannique a subi des tests, il avait un taux de radioactivité dans ses urines 100 fois supérieur à la normale et 14 soldats américains sur les 24 testés avaient des urines radioactives. Depuis la guerre du Golfe, trois fois plus d’enfants naissent avec des déformations congénitales, selon les autorités irakiennes. Une enquête menée par le Guardian (Guardian Weekly, 10 janvier 1999) tend à confirmer une augmentation flagrante du nombre de victimes, surtout dans le sud du pays. Dans certains villages, tous les enfants sont nés aveugles. Des anciens combattants britanniques et américains ont aussi un nombre d’enfants malformés élevé, ce qui a conduit le ministère de la défense britannique à commander une étude indépendante sur le sujet dont les résultats sont attendus pour cette année.

La désintégration de l’238U donne un alpha plus du thorium 234Th, avec une période de 4,5 milliards dâannées ; suivent assez rapidement deux désintégrations bêta pour obtenir de l’uranium 234U lequel émet un autre alpha avec une durée de vie très longue. En cas de contamination interne, le risque est donc très grand. Sous forme d’aérosol, l’uranium est insoluble dans l’eau et peut donc être emporté sur des kilomètres par le vent. Les particules inférieures à 2,5 microns peuvent rester piégées dans les poumons pendant des années et passer lentement dans le sang (sous forme d’oxyde, la période biologique dans les poumons est de l’ordre d’une année et est deux fois plus longue sous forme céramique). En toussant, les particules les plus grosses peuvent être éjectées des poumons et avalées. L’uranium peut se concentrer dans certains organes comme les os, le foie, les reins ou se retrouver dans les urines jusqu’à 7-8 ans après la contamination.

A ces risques radiologiques, il faut ajouter les risques chimiques liés au métaux lourds qui concernent surtout le système rénal dans ce cas. Or tous les descendants de l’uranium sont des métaux lourds, sauf le radon qui est un gaz. Si on se limite aux effets radiologiques, la limite annuelle d’incorporation basée sur les nouvelles normes de la CIPR pour le public (1 mSv/an) est de 1,2 mg pour l’uranium 238 et correspond à environ 2,5 fois plus que la quantité d’uranium naturel ingérée.

L’OTAN a reconnu avoir utilisé des munitions à l’uranium appauvri en Serbie à partir de la deuxième semaine de mai, mais il est impossible de savoir combien. Selon un porte-parole de l’OTAN, elles nâont pas été “beaucoup utilisées” ; il a ajouté qu’ “il n’avait jamais été prouvé que l’uranium appauvri était une menace pour la santé. Ce n’est pas plus dangereux que du mercure” (cité par le New Scientist du 5 juin 1999). Lors de la conférence de presse du 14 juin 1999, et disponible alors sur le site Internet de l’organisation, il a été demandé si l’OTAN avait l’intention de procéder à un nettoyage, étant donné les risques de cancers qui semblent être apparus en Irak. Le Major Général Jertz a répondu : “Tout d’abord nous n’avons pas utilisé d’uranium appauvri ces dernières semaines car les munitions à l’uranium sont seulement utilisées contre des cibles où elles peuvent avoir un effet spécial et c’est pourquoi leur utilisation est rare. Vous trouvez de l’uranium appauvri dans toute chose naturelle, comme les pierres, le sol, partout, il ne faut donc pas exagérer ce que vous dites. A propos des plans, comme pour les plans, nous avons des plans bien-sûr pour aider ces gens à retourner en toute sécurité chez eux, mais je ne vais pas détailler ces plans.”


En dehors des références citées, cet article est essentiellement basé sur le rapport de la Fondation Laka à Amsterdam, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.antenna.nl/wise/uranium/dhap99.html

Pour en savoir plus :

Réserves et remarques de l’ACRO sur les travaux du comité Radioécologie

Travaux du Comité Radioécologie Nord Cotentin

7 juillet 1999

Pierre BARBEY
Conseiller scientifique de l’ACRO
Membre du Comité Radioécologie Nord-Cotentin


Ce texte est tiré du rapport du Comité Nord Cotentin et a été publié dans l’ACROnique du nucléaire n°47, décembre 1999
Les réserves de la deuxième mission du groupe sont disponibles ici.


 

1 – Le comité Radioécologie Nord Cotentin a travaillé pendant 2 ans pour tenter de reconstituer, de façon rétrospective, les doses de radiations reçues par la population de La Hague du fait des installations nucléaires du Nord Cotentin. Une de ses missions (exposées en détail dans la note de synthèse) a conduit le Comité à calculer le risque de leucémie pour les jeunes de 0 à 24 ans durant la période de 1978 à 1996.

2 – Deux éléments méritent d’être soulignés car ils soulignent l’aspect novateur de la démarche souhaitée à l’origine par les Ministres de tutelle et la Présidente du Comité :

  • cette étude serait menée de façon approfondie en recherchant sans cesse l’exhaustivité,
  • malgré des réticences initiales, des représentants associatifs seraient associés à ce travail.

3 – La présence du mouvement associatif ne doit pas masquer l’important déséquilibre qui existe entre les différents groupes d’acteurs en terme de moyens matériels, de potentiel humain (le bénévolat et ses limites), d’outils d’évaluation et même d’expérience dans un domaine traditionnellement réservé aux opérateurs et aux milieux institutionnels. C’est là une des raisons de l’attitude de réserve que le milieu associatif doit conserver.


Réserves sur le calcul du risque :

4 – Les résultats auxquels le Comité aboutit peuvent être de façon très réduite résumés en deux points :

  • pour l’approche ” cohorte “, le risque calculé de leucémie dû aux installations nucléaires est de 0,0017 (risque absolu) à 0,0021 (risque relatif) ;
  • pour l’approche ” scénarios particuliers “, certaines situations traitées ont pu conduire à des niveaux de dose engagée de quelques centaines de µSv voir de l’ordre du mSv.

5Notre principale réserve porte sur la démarche ” réaliste ” retenue par le Comité pour la reconstitution des doses reçues par la cohorte et le risque qui en découle. Nous continuons à penser qu’en matière de radioprotection, toute évaluation d’impact sanitaire doit être menée de façon conservatrice car en l’absence de la mesure précise de l’incertitude liée au calcul ” réaliste “, seul la démarche ” enveloppe ” garanti qu’elle contient la vraie valeur de l’impact.

6 – Il est vraisemblable qu’il y a eu sur-interprétation de la Directive Européenne. Comme cela est apparu à maintes reprises dans les discussions au sein du Comité, le ” réalisme ” doit-il être compris comme le ” plausible ” ou le ” prouvé ” ? Cette divergence essentielle peut être illustrée par un exemple concret. Le Comité a choisi de retenir que toute la consommation de mollusques des habitants de La Hague (pointe Nord-Ouest) provient de Saint Vaast La Hougue (côte Est). Pourquoi ? Parce que l’on a pas la preuve que la production de mollusques dans la région de La Hague puisse satisfaire les besoins de la consommation. Adieu brelins noirs, brelins coques (buccins), patelles que l’on pêche à pied ; exit les bancs d’ormeaux et de coquilles saint jacques (cf. annexe) exploités par les pêcheurs locaux ainsi que les bulots et les seiches? Ces pratiques existent pourtant bel et bien et, d’un point de vue rétrospectif, elles ont joué un rôle non seulement comme loisir prisé dans la région mais aussi comme complément bien utile pour des revenus modestes. Il ne s’agit pas d’un simple détail compte tenu de la contribution de la voie ” ingestion marine ” à la dose.

Au passage, et pour cette même raison, il convient de souligner que la ration ” mollusques ” de la classe d’âge 15 ans est nettement sous-estimée (7 fois inférieure à celle de l’adulte ! ).

7 – La comparaison effectuée par le GT3 entre les modèles environnementaux et les moyennes annuelles de mesures dans l’environnement a permis d’avoir une certaine confiance dans la modélisation du devenir des rejets marins, à l’exception notable de quelques radionucléides, pourtant importants en terme de dose (C14 par ex.), et du champ proche. En revanche, pour les rejets atmosphériques, les mesures de Kr85 ont permis de préciser les limites de validité des modèles généralement utilisés, mais n’ont pas permis de proposer une alternative totalement validée en dehors des limites de validité du modèle. Les valeurs issues de la littérature étant parfois très dispersées, les choix du groupe sont souvent arbitraires. L’ACRO se déclare donc incompétente pour juger des modèles aériens et pense que ceux utilisés par le Comité ne peuvent en l’état devenir des références.
Enfin, il convient de noter que pour ce qui concerne la contamination des nappes phréatiques, les modèles d’écoulement n’ont pas pu être étudiés.

8 – En définitive, plusieurs éléments soulignés ci-après justifient notre principale interrogation, objet de nos réserves :

8 – 1. Il apparaît clairement qu’un grand nombre de paramètres interviennent pour le calcul de la dose et du risque associé et que pour la plupart d’entre eux existe une marge d’incertitude.
8 – 2. Cette marge d’incertitude peut être importante (un facteur 10 et parfois plus), notamment pour des paramètres qui ont des conséquences directes en terme de dose.
8 – 3. Malgré un important travail réalisé pour modéliser la voie d’exposition aux rejets atmosphériques, le Comité est conscient des lacunes qui existent pour calculer l’impact en milieu terrestre.
8 – 4. L’exposition in utero, à travers la dose délivrée au foetus, pourrait contribuer de façon significative au risque. Mais là encore la modélisation est entachée d’une forte incertitude : entre les premières estimations (calcul enveloppe) et les corrections ” réalistes ” actuelles, il y a un facteur 10?
8 – 5. Au-delà de ces incertitudes, il y a des manques connus ou inconnus. Ainsi, l’impact des embruns est intégré pour la voie ingestion mais pas pour la voie inhalation par défaut de modèle. La dose reçue in utero du fait des accidents n’a pas été calculée. Par ailleurs, le Comité, dans le souci très positif de rechercher l’exhaustivité, a ajouté près de 40 radionucléides à ceux établis par les exploitants ; rien cependant ne permet d’écarter l’hypothèse que l’on passe à côté d’autres radionucléides non identifiés qui pourraient contribuer à la dose. Enfin, concernant les réacteurs, le terme source a été considéré égal à 0 pour certains radionucléides parce que ” inférieur à la limite de détection”. Cependant, compte tenu du débit de rejet, il est vraisemblable qu’en valeur cumulée annuelle, on écarte du bilan une activité réelle mais non quantifiée en raison du mode de contrôle actuel. L’incertitude globale qui accompagne le calcul de dose et de risque associé est vraisemblablement grande (surtout dans la démarche d’une approche ” réaliste “) mais n’a pu être calculée ; aussi, quels arguments fiables avons-nous pour affirmer que l’on ne peut se tromper d’un facteur 30, c’est-à-dire que la marge supérieure de l’incertitude est inférieure à ce facteur ? A partir de ce facteur, compte tenu d’un risque de 2,1 10-3 (relatif), la probabilité d’expliquer 1 cas de leucémie par l’exposition aux installations nucléaires devient supérieure à 5% et cesse d’être liée au seul fait du hasard.


Réserves sur les scénarios

9 – Pour la constitution de scénarios particuliers, si la démarche est ici plus enveloppe, elle n’en garde pas moins un caractère minorant eu égard aux données de temps d’exposition ou de quantités consommées retenues ; il appartiendra à chacun de retenir les valeurs qui lui semblent plus adaptées [ cf. temps d’exposition à la canalisation ou à proximité du site ANDRA ou quantité de crustacés pêchés en champ proche?].

10 – Néanmoins, pour ce qui est de l’état de l’environnement au Nord du CSM, là encore l’option ” réalisme ” a conduit à écarter la consommation d’eau contaminée et l’arrosage de jardins par cette même eau *. D’un point de vue rétrospectif, des calculs sont effectués sur différentes années jusqu’en 1979. Dès lors que des points d’eau chez des particuliers (puits, lavoir, abreuvoir?) apparaissent encore marqués 20 ans après, comment peut-on écarter avec tant d’assurance ces voies d’exposition que l’exploitant lui-même prenait en compte dans l’approche réglementaire de ses dossiers ?

* Ce choix explique, pour l’essentiel, la différence entre les résultats présentés ici (10 µSv) et ceux présentés par le Comité SOULEAU (75 µSv).


Réserves/Remarques particulières

11 – La présentation des résultats devrait clairement indiquer les limites de nos investigations. Tout d’abord, le Comité n’avait pas pour mission de traiter de l’ensemble des cancers (ce qui pourrait être une demande ou une interrogation des populations locales). Ensuite, le calcul de risque pour les leucémies ne porte que sur une période de vie donnée et sur une population donnée (terme de la mission suite aux travaux de J.F. Viel). En ce sens, cette évaluation limitée ne peut traduire à elle seule l’impact sanitaire des installations nucléaires du Nord Cotentin.

12 – Pour ce qui est des seules leucémies, le risque est déduit du calcul de la dose collective pour les jeunes du canton de Beaumont-Hague. Il importe de souligner qu’il s’agit d’une dose collective partielle au regard de l’influence globale des installations (pour répondre à l’approche ” cohorte “). Afin de déterminer la dose collective globale (dans un but certes différent), il conviendrait de prendre en compte la fraction de la radioactivité consommée par d’autres populations, que celle étudiée pour le canton de Beaumont-Hague, pour arriver à une estimation plus complète de l’impact sanitaire *.

13 – Bien qu’il ne relevait pas de la compétence du Comité de traiter de l’élaboration des modèles de risque, il convient là encore de souligner quelques points qui incitent toujours à un jugement pour le moins nuancé :

  • La relation dose / effet est largement déduite des études sur les survivants de Hiroshima – Nagasaki pour lesquels le mode d’exposition est relativement différent de celui des expositions environnementales (dose forte aiguë vs dose faible chronique…) ;
  • Pour le calcul du risque, on ne prend pas en compte d’autre facteurs de risque pouvant agir en synergie ; pourtant aujourd’hui l’approche multifactorielle est un point fort de la compréhension de l’émergence des cancers.

14 – La représentation en % de l’ensemble des sources d’exposition aux radiations souligne l’importance du naturel et du médical par rapport aux installations nucléaires. Cette représentation est discutable compte tenu de l’incertitude qui existe sur l’exposition médicale (4 fois plus importante ici que dans l’étude anglaise). En l’absence d’étude précise, le Comité a retenu l’estimation actuelle de la moyenne nationale. La transposition sur une population plus rurale mais aussi ne concernant que les jeunes (tendance à moins solliciter les structures médicales?) et surtout dans une optique rétrospective (absence d’examens contribuant fortement à la dose tels le scanner?) tend vraisemblablement à majorer cette fois les doses reçues par les examens diagnostiques.

15 – En conclusion, il nous semble important de souligner, par ces réserves, les incertitudes qui existent sur le calcul du risque et les limites de l’exercice afin d’éviter toute conclusion tranchée et sans appel. La difficulté qui existe à établir une relation de cause à effet ne constitue pas pour autant la preuve de l’absence de cette relation causale.  Ce regard critique (autocritique) ne doit pas pour autant masquer l’importance du travail réalisé au cours de ces deux années et sa dimension novatrice (sur ces points, nous partageons totalement les commentaires exprimés par la Présidente du Comité). Enfin, il peut être admis qu’un réel débat s’est instauré entre les différents acteurs et que certaines des propositions que nous avons formulées ont pu être prises en compte soit dans l’approche cohorte, soit dans l’approche scénarios.

* Voir le débat que nous avons eu sur les bancs de mollusques, dont nous avons souligné l’existence locale, mais qui n’ont pas été retenus dans les rations alimentaires, car cette production serait censée être exportée…


Annexe

Bien que des bancs de coquilles St jacques existent en bordures des côtes de La Hague, très peu de mesures ont été réalisées sur ces indicateurs dans le milieu des années 80. Pour la catégorie des mollusques, la plupart des laboratoires contrôlent des patelles. Cependant, dans les résultats du SPR Cogema, on trouve une analyse de coquilles St jacques pêchées à Auderville en 1984. Le tableau ci-dessous (dernière colonne) permet d’observer le décalage qui existe entre cette activité réelle à
Auderville et l’activité calculée à Barfleur, choix retenu par le Comité comme lieu de prélèvements.


Goury 1985 


Goury 1985 


Barfleur 1985

Auderville 1985

ratio

facteur de concentration

activite (Bq/m3)

activite (Bq/kg)

activite (Bq/kg)

activite (Bq/kg)

Auderville/Barfleur 


mollusques

eau de mer

mollusques

mollusques

Coquilles St Jacques

54Mn
10 000

1,55 E-01

1,55 E+00

7,75 E-01

4,10 E+00

5,3

58Co
2 000

3,49 E-01

6,98 E-01

3,49 E-01

4,10 E+00

11,7

60Co
2 000

1,17 E+01

2,34 E+01

1,17 E+01

2,80 E+01

2,4

65Zn
80 000

9,30 E-02

7,44 E+00

3,72 E+00

1,40 E+01

3,8

106RuRh
600

6,66 E+02

4,00 E+02

2,00 E+02

8,00 E+02

4,0

110mAg
40 000

1,02 E-02

4,08 E-01

2,04 E-01

2,20 E+01

107,8

125Sb
20

8,31 E+01

1,66 E+00

8,31 E-01

4,40 E+00

5,3

134Cs
50

6,24 E+00

3,12 E-01

1,56 E-01

2,60 E+00

16,9

137Cs+Ba
50

4,48 E+01

2,24 E+00

1,12 E+00

2,80 E+01

25,0

144Ce+Pr
1 500

3,32 E+00

4,98 E+00

2,49 E+00

2,40 E+01

9,6

retour paragraphe 6


retour Comité Nord Cotentin

Ancien lien

Le climat dans La Hague

Editorial de l’ACROnique du nucléaire n°45, juin 1999

Les faits divers et variés concernant le nucléaire dans le Nord Cotentin ont marqué les esprits ces dernières années. Ils ont agi comme un révélateur qui fait apparaître une nouvelle photo du paysage local. Ces événements, qu’ils soient liés au site de stockage de l’ANDRA, à la canalisation de rejets en mer ou au transport des déchets, ont été lus avec toujours comme toile de fond, l’étude de Jean-François Viel.

Ce dernier a déchiré un tabou dont tout le monde parle mais que personne ne veut entendre : santé et nucléaire dans le Nord Cotentin. Les réactions violentes montrent que la population était intéressée et concernée par le sujet. Pour l’essentiel, ce fut une réaction de défense qui a conditionné toutes les appréciations et prises de position liées aux “affaires du nucléaire”.

Le discours ambiant est symptomatique de ce climat défensif. Les commentaires ne font état que “d’attaques”, “d’agressions”, “de complots” contre la région. Il est marquant que très peu de monde, en particulier chez les responsables politiques, a pris du recul par rapport à ces événements pour les analyser et les relativiser. Ces faits sont toujours présentés comme des découvertes et traités comme telles. Ils ne sont que rarement appréhendés avec l’éclairage du passé et de l’histoire pourtant fondamentalement pour bien comprendre la situation.

Cet argumentaire défensif met toujours en avant une région blessée, meurtrie dans son image par des agressions extérieures. Celui qui révèle le problème est présenté comme le responsable de la situation, celui qui “désinforme”, qui “veut du mal”. Les élus et décideurs ont beaucoup utilisé cette argumentation. Leur nouveau chantier, partant de ce schéma, somme tout simpliste, consiste à reconstruire l’image et quelque part l’histoire de la région. Mais cette démarche est, là encore, trop superficielle et ne fait quâentretenir le doute et la confusion. Un climat lourd et pesant s’est installé à la pointe du Cotentin et il faudra une toute autre approche pour le dissiper. Cela se traduit par de l’agressivité et du rejet chez certains, par le silence et le refoulement chez d’autres. Le dialogue et le débat n’ont que peu de place dans ce contexte. Les efforts dans ce sens, l’ACRO en fait l’expérience, ont rencontré souvent opposition ou l’ignorance chez la grande majorité des décideurs locaux. Les vociférations haineuses lors de la venue de Cohn Bendit en début d’année, ont fermé encore plus la porte au débat public indispensable.

Si réhabilitation il doit y avoir pour la région, elle ne peut se faire quâen réactivant le débat démocratique. La priorité n’est pas tant l’image que les forces vives de La Hague et ses environs. Si la région va mal, c’est qu’elle est minée de l’intérieur. La peur, le doute et la fatalisme ont souvent accompagné le développement de l’activité nucléaire dans La Hague. Les réactions lors des derniers événements, notamment de la part des responsables locaux y ont ajouté la honte. C’est de cette image là dont on est peu fier en définitive. Il existe néanmoins quelques points positifs qui ne manquent pas de nous faire espérer. Espérer une circulation dâair frais. L’ACRO est un de ces petits courants dâair où peuvent passer les informations.

L’antenne Nord Cotentin est de plus en plus sollicitée par des informateurs et des demandes en provenance des milieux marins et agricoles. C’est bon signe. Des contacts se nouent à nouveau dans La Hague où il n’est pas facile de connaître la situation tant le mutisme est grand.

Les travaux du comité radioécologique Nord-Cotentin, présidé par Annie Sugier (“commission Sugier”), sont également un pas important car les commissions ont connu des débats contradictoires ; des associations représentant la société civile y participent. De plus, l’expertise concerne le passé et questionne des domaines qui ne l’avaient guère été. Mais il faut redoubler de vigilance car , là encore, les risques de récupération pour de petits profits politiciens sont nombreux. L’exploitation médiatique de ces travaux sera un test pour mesurer si la maturité gagne la région dans sa capacité à assumer cette présence nucléaire.

Pierre Paris

Ancien lien

Appel à l’aide de Hidaka Yuzo

Yuzo Hidaka est libre depuis le 16 juin


Yuzo Hidaka était emprisonné depuis bientôt un an au Japon pour avoir aspergé de spray, pendant la cérémonie de signature, un document autorisant la création d’un centre de stockage de déchets nucléaires de haute activité. Ses amis nous ont appellé à l’aide, comme en témoigne la lettre reçue par l’ACRO et traduite ci-dessous.

Merci à tous ceux qui ont écrit pour demander sa libération.

Afin d’assurer sa défense, il cherche à être en contact avec des Français qui ont du faire face à des problèmes similaires. Vous pouvez lui ecrire directement en anglais ou japonais ou nous ecrire, nous transmettrons.


Tokyo, le 10 mai 1999

Monsieur,

Je vous écris à propos de Yuzo Hidaka qui est un ami. Yuzo a été arrêté le 30 juillet 1998 et mis en examen. Trois charges ont été retenues contre lui pour son action montrant sa forte opposition à l’accord conclu entre le gouvernement local de la province d’Aomori, la municipalité de Rokkasho et la compagnie Gen-nen. L’accord devait faire du village de Rokkasho un centre de stockage pour des déchets radioactifs de haute activité provenant de France. Yuzo Hidaka est toujours en prison.

Il est accusé

  1. d’avoir assisté à la cérémonie de signature de l’Accord en se déguisant en journaliste ;
  2. d’avoir aspergé de spray la couverture du document après qu’il ait été signé par les trois parties, exprimant ainsi son objection à l'”Accord de Sûreté” qui apparaît comme une conspiration.

Il n’a blessé personne. Les charges retenues contre lui sont

  1. intrusion dans un bâtiment (pas de force pourtant),
  2. destruction d’un document officiel (seule la couverture, pourtant) et
  3. obstruction du travail des autorités.

La sûreté du stockage n’a pas été prouvée et de fortes suspicions et inquiétudes ont été exprimées par les habitants de Rokkasho et de la province d’Aomori. La cérémonie de signature, qui était organisée secrètement, signifiait la supression unilatérale du dialogue entre les habitants et les autorités locales.

Yuzo Hidaka est placé en isolement. Il ne peut rencontrer ou communiquer avec personne, sauf son avovat et sa mère depuis plus de cinq mois. La durée de sa détention est anormalement longue et non justifiée. Il a exprimé clairement qu’il n’avait pas l’intention de s’enfuir ou de dissimuler des preuves de son crime. La police a entièrement fouillé sa maison après son arrestation, il n’a plus rien à cacher. Les audiences ont eu lieu une fois par mois à la Cour du district depuis décembre 1998. Il a toujours affirmé que son acte avait un but légitime et était justifiable. Vous trouverez ci-joint quelques coupures de presse en japonais.

Etant donné que des actions similaires en Europe ou en Corée du Sud ont conduit à l’acquitement des militants anti-nucléaires, nous avons le sentiment que Yuzo a été lourdement puni, avant même d’avoir été condamné.

Nous serions très reconnaissants si vous pouviez aider Yuzo Hidaka de quelque façon. Vous pouvez m’ecrire m’écrire si vous avez des questions ou des messages pour Yuzo. Vous pouvez lui écrire directement en japonais à l’adresse suivante : 88-2 Arakawa Fujito, Aomori 030-0111, Japon.

Amicalement,
Yuriko Moto.

Ancien lien

Impact des installations nucléaires sur l’environnement

(Article paru dans Contrôle n°123, juin 1998 et l’ACROnique du nucléaire n°44, mars 1999)

Par Pierre Barbey, conseiller scientifique de l’ACRO

En fonctionnement normal, les installations nucléaires procèdent à des rejets réguliers dans l’environnement de nature chimiques et radioactifs. Ils sont sujets à d’âpres discussions, mais c’est essentiellement l’aspect radiologique (seul aspect traité ici) qui focalise l’attention de l’opinion publique.

Le becquerel, unité de l’empreinte sur l’environnement.

Même en dehors des incidents ou accidents nucléaires, l’environnement proche des installations est marqué par la présence d’une radioactivité caractéristique constituant une signature (tableau 1).

Résultats ACRO
Co58 
Co60
Rh-Ru106 
Ag110m
Cs134
Cs137
1991 AmontAval
44
1,3
132
1019
16
3390
23
41
100
1994 AmontAval
6,4
21
49
155
2,9
7,8
1996 AmontAval
22
37
2,5
1,4
12
Tableau n° 1 : Sédiments de la Loire ? Chinon (en Bq/kg sec)

Si l’exemple rapporté ici illustre bien l’influence de la centrale, son suivi dans le temps traduit cependant une baisse des rejets effectifs durant ces dernières années. D’autres mesures effectuées par l’ACRO autour de la centrale de Nogent sur Seine conduisent aux mêmes observations.

En aval du cycle du combustible, l’étape du retraitement (plus souvent sous les feux de l’actualité) correspond à des installations dont les niveaux de rejets effectifs sont très largement supérieurs à ceux des centrales (tableau 2). Dans ce cas, l’impact sur l’environnement (au moins pour les rejets liquides) peut s’observer sur de très longues distances. Ainsi, les rejets de l’usine de retraitement de La Hague peuvent être suivis jusqu’en Mer du Nord .

REJETS LIQUIDES EFFECTIFS pour l’année 1994
Radioéléments
La Hague 
Flamanville 
  Ratio Hague/ Flamanville
Bêta-Gamma (hors [3H])
70 200 GBq
8 GBq
8775
Tritium ([3H])
8 090 000 GBq 
30 000 GBq
270
Alpha
97,3 GBq
Interdit 
AUTORISATIONS ACTUELLES DE REJETS LIQUIDES
Radioéléments
La Hague 
Flamanville 
  Ratio Hague/ Flamanville
Bêta-Gamma (hors [3H])
1 700 000 GBq 
1 100 GBq 
1545
Tritium ([3H])
37 000 000 GBq
80 000 GBq 
462
Alpha
1 700 GBq 
Interdit 

Tableau n°2

Ces niveaux relatifs de rejets réels sont corrélés avec des niveaux d’autorisation de rejet singulièrement différents. L’autorisation de rejets liquides (hors Tritium) de COGEMA-La-Hague est 1500 fois supérieure à celle des 2 réacteurs EDF Flamanville situés à quelques kms à vol d’oiseau (tableau 2). Et c’est bien là un premier problème qui heurte l’esprit de beaucoup de citoyens considérant ces valeurs comme des « seuils sanitaires », lesquels constituent un danger quand ils sont atteints. Ils ne peuvent donc être différents selon les sites. Alors que pour les exploitants, bardés de certitude quant à l’innocuité de leurs installations, ces mêmes valeurs représentent des « niveaux de performance » fonction de contraintes économiques et de la nature de l’installation.

Becquerel ou Sievert ?

Le becquerel, cette unité de mesure d’activité qui s’est imposée en 1986, ne plaît pas aux industriels du nucléaire qui la trouvent « trop petite » et préfèrent de toute façon s’exprimer en sievert (ou microsievert). S’agissant d’impact sur l’environnement, câest pourtant bien le becquerel qui est la seul unité de mesure de l’empreinte des installations. Il n’est que le reflet partiel – fonction de la technicité du moment – de la contamination réellement présente. Le sievert, unité de l’impact sanitaire, implique des coefficients de dose (toujours discutables car fonction des connaissances du moment) mais, surtout, il exige la connaissance exhaustive de l’état de la pollution radiologique. Cette certitude-là n’est pas de mise.

En 1993, un rapport de l’UNSCEAR aborde la question du Carbone 14 rejeté par les installations nucléaires. Celles-ci fonctionnent depuis des dizaines d’années et ce n’est que récemment que ce radioélément commence à être mesuré. Or c’est vraisemblablement un des éléments qui contribue de façon majeure à l’impact de dose individuelle. Il en est de même pour le Nickel 63 pour lequel l’OPRI entame des mesures sur les rejets des centrales EDF. En fait, si les mesures de spectrométrie gamma permettre d’identifier simultanément un large spectre d’émetteurs gamma, la mesure d’émetteurs bêta, surtout ceux de faible énergie, est beaucoup plus délicate et impose une recherche ciblée qui nécessite que ces éléments soient au préalable identifiés comme contaminants potentiels. L’exemple de l’usine de retraitement de la Hague illustre bien ce propos : 10 éléments identifiés dans les rejets liquides en 1967, 19 en 1982 et 27 en 1996. D’autres restent à identifier. Il y a donc bien un déficit de connaissance de l’état réel de l’impact sur l’environnement. Les conséquences n’en sont pas anodines. Nombre de ces radioéléments longtemps ignorés se trouvent être de longue période physique – tel le 14C (5730 ans), le 63Ni (100 ans) ou le 129I (16E6 ans) – et contribuent sur le long terme à la dose collective des populations.

Les déchets et l’acceptabilité sociale

Au-delà des rejets liquides et gazeux, les déchets radioactifs vont contribuer également à l’impact sur l’environnement. Cette fois de façon hypothétique et dans un futur très lointain, penserait-on. Pourtant la première expérience industrielle de stockage de déchets de surface qui vient de s’achever, celle du Centre Manche, est déjà un échec patent. Depuis plus de vingt ans, cette installation marque en profondeur l’environnement du plateau de la Hague par une pollution radiologique chronique . Le Centre de l’Aube, qui a bénéficié du retour d’expérience, ne doit procéder à aucun rejet. Pourtant l’ANDRA envisage de remettre en cause le dispositif réglementaire pour disposer d’une autorisation de rejet. Quelle sera également l’empreinte sur l’environnement (y compris dans des biens d’équipement) si le recyclage de matériaux radioactifs issus des TFA entre en pratique ? Quant aux déchets hautement actifs et à vie longue, leur confinement garanti sur des millénaires relèvera inévitablement dâun pari sur l’avenir.

Dans le débat actuel sur « l’acceptabilité sociale », on peut concevoir quâune société accepte un détriment porté à son environnement au bénéfice d’un confort qui lui profite dans le moment présent. Certainement réclamera-t-elle que les niveaux de rejets soient constamment abaissés pour tendre vers des rejets nuls au nom du principe de précaution car l’innocuité en terme de détriment sanitaire restera toujours entachée du doute. Mais cette question des déchets radioactifs, parce qu’elle constitue un legs imposé aux générations futures, pourrait bien correspondre au seuil de « l’inacceptabilité sociale ». C’est tout simplement une question d’éthique.

Pour l’heure, cet impact sur l’environnement doit être surveillé de la façon la plus étroite possible et les résultats de mesures rendus public de manière exhaustive. Les associations, telle l’ACRO, doivent y trouver une place qui leur soit reconnue. Il est regrettable de voir des exploitants dépenser beaucoup d’énergie à tenter de discréditer leur activité. Celle-ci n’a pas pour objet d’être « en opposition » et encore moins de se substituer à celle des exploitants ou celle des organismes institutionnels. Elle est tout simplement complémentaire et relève d’une démarche citoyenne. Et c’est de cette « plurialité » de la surveillance de l’environnement que pourra naître une confiance (certes toujours relative) des populations environnantes vis à vis de l’information.

Déchets nucléaires transparents

L’ACROnique du nucléaire n°44, mars 1999

La décision est tombée le 9 décembre 1998 de Matignon : “le Gouvernement décide de poursuivre les recherches dans deux laboratoires souterrains sur deux sites, l’un dans l’argile, à Bure dans la Meuse et l’autre dans le granit. Il décide donc de rechercher un nouveau site granitique susceptible d’accueillir un laboratoire souterrain. La recherche de ce site commencera dès le début de 1999.” Le choix du site de l’Est n’est une surprise pour personne. “Après vérification scientifique, un entreposage (en subsurface) dans le Gard sera envisagé.” Chaque département candidat est donc servi.

L’article 6 de la loi du 30 décembre 1991 sur les déchets nucléaires est pourtant très clair : “Tout projet d’installation d’un laboratoire souterrain donne lieu, avant engagement des travaux de recherche préliminaires, à une concertation avec les élus et les populations des sites concernés, dans les conditions fixées par décret“. La concertation avec les populations se fait attendre. Il y a bien eu une enquête publique, mais elle était présidée par Monsieur Jean Pronost, célèbre pour sa partialité et son incompétence. Lors de manifestations, son effigie a été brûlée, c’est dire si la concertation fût sereine… Des associations ont donc déposé un recours auprès du Conseil d’Etat qui a répondu qu’on pouvait renoncer aux “consultations des populations concernées” prévues par la loi et ne consulter que leurs “représentants” et que l’action du médiateur (le député Christian Bataille) avait permis “une expression de l’opinion des populations”. Une action devant la Commission Européenne des Droits de l’Homme a été déposée pour atteinte à la liberté d’expression par le CDR55.

Les “représentants de la population“, cela doit être les élus qui n’ont pas tous eu le courage de résister aux 10 millions de francs par an distribués pour “favoriser le développement économique de la zone concernée“… Là encore, la loi du 30 décembre 1991 n’évoque les mesures d’accompagnement qu’à propos de l’installation et de l’exploitation de chaque laboratoire souterrain, pas avant. Mais une lettre de mission ministérielle datée du 6 janvier 1994, a donné instruction à l’ANDRA de mettre à la disposition des départements qui auront été retenus pour les travaux préliminaires, un crédit d’environ 5MF. Le 30 avril 1996, dans une circulaire interministérielle (Industrie, Décentralisation, Budget), le Gouvernement a prévu de porter la dotation annuelle à 10 MF à compter de l’année suivant le dépôt des demandes d’autorisation et d’exploitation des laboratoires, c’est à dire au moment où les instances locales devaient se prononcer… Le texte de loi de 1991 est largement diffusé par l’ANDRA, ces circulaires ou lettres de missions ministérielles sont plus “discrètes”. Certains élus locaux parlent de corruption légale. Pendant l’installation et l’exploitation ce sont 60 MF par an qui tomberont. Au moment du choix de transformer l’unique laboratoire en centre de stockage, ce sera combien ?

Le Gouvernement insiste sur son attachement à l’esprit et à la lettre de la loi du 30 décembre 1991” tient à préciser Matignon dans son communiqué de presse du 9 décembre 1998 ! Le même jour, le Gouvernement prétend retrouver la confiance de la population en matière de nucléaire en réformant les instances de contrôle. Ses propositions se basent sur le Rapport Le Déaut (voir le précédent numéro de l’ACROnique) qui ne va pas assez loin. C’est la nouvelle autorité indépendante de contrôle des installations nucléaires qui “sera garante d’une information complète et transparente“. Pour “promouvoir une réflexion citoyenne […] le gouvernement souhaite s’appuyer sur les organismes existants, à savoir le Conseil Supérieur de la Sûreté et de l’Information Nucléaires (CSSIN) et les Commissions Locales d’Information (CLI) […] qui auront un rôle renouvelé de débat public et de transparence des décisions prises.” La population ne sera donc qu’informée, dans la transparence, promis juré, mais ne sera pas consultée, ni associée aux décisions prises.


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La mesure du radon

FICHE TECHNIQUE extraite de l’ACROnique du nucléaire n°44, mars 1999


Bien que le radon soit invisible, inodore et sans goût, il est facile à détecter avec du matériel approprié. Le système E-PERM de Rad Elec, aux Etats-Unis, a été choisi par l’ACRO pour sa simplicité de mise en oeuvre, son faible coût et ses performances. La méthode de mesure est conforme à la norme AFNOR NF M 60-766.


 

photo Rad Elec

photo Rad Elec

Ce système est constitué de trois parties : un disque en Teflon chargé électriquement, appelé électret ; une bouteille en plastique comme chambre d’ionisation dans laquelle l’électret peut être vissé ; et un voltmètre pour mesurer la charge de l’électret. Quand la bouteille est fermée, l’électret est isolé et ne peut donc pas être déchargé par les ions créés par les radiations. Quand la bouteille est ouverte, le radon de la pièce peut entrer et l’électret attire les ions formés par sa désintégration. L’électret se décharge alors lentement. La diminution de la charge est proportionnelle à la concentration en radon et au temps de mesure. En mesurant la charge avant et après, la différence permet d’obtenir la concentration moyenne sur la durée de mesure. Il est important de noter qu’un filtre ne laisse passer que le radon, pas ses descendants. Mais le rayonnement gamma ambiant peut aussi entraîner des ionisations dans la bouteille. Il faut donc retrancher sa contribution en le mesurant directement sur place ou en utilisant une valeur moyenne.

Le système E-PERM permet d’obtenir une concentration moyenne en radon sur une courte durée, de 2 à 30 jours, ou sur une plus longue période pouvant aller de quelques mois à un an. On appelle un tel procédé un système intégrateur passif. A côté de la “chambre d’ionisation à électret”, il existe d’autres systèmes intégrateurs utilisant des charbons actifs, des films ou des liquides scintillants.

Il est aussi possible de faire des mesures instantanées de radon et de ses descendants dans l’air. A l’aide d’un système d’acquisition en continu, il est possible d’avoir des données régulièrement espacées dans le temps sur une période plus ou moins longue. Ces systèmes sont onéreux et comme la concentration fluctue beaucoup, en fonction de nombreux facteurs, ils sont plutôt utilisés pour faire de la surveillance dans l’industrie, en cas de problème ou pour rechercher une source de radon.

Le système E-PERM a l’avantage de rester stable, quelles que soient les conditions de température, d’humidité… Il a subi avec succès les tests de l’Agence pour la Protection de l’Environnement (EPA) et est également utilisé par les autorités compétentes en radioprotection européenne. Il peut être envoyé par la poste pour des mesures chez des particuliers, avec une simple notice d’utilisation.

Si vous voulez tester votre maison, il est préférable de se mettre dans des conditions pénalisantes. Les fenêtres et les portes doivent donc rester fermées autant que possible durant toute la durée de la mesure, et même 12 heures avant. Les pièces du rez-de-chaussée ou du sous-sol ont plus de risque d’être affectées. La bouteille devra être placée dans la pièce suspectée où vous passez le plus de temps, à une hauteur qui dépend des habitudes de vie (table de nuit dans une chambre à coucher, hauteur de la table dans un séjour…). Il est préférable de la laisser deux semaines sans la déplacer. La mesure finie, la bouteille doit être refermée et renvoyée à l’ACRO.

Si la concentration obtenue est supérieure ou égale à 200 Bq/m3, il est préférable de faire d’autres mesures pour confirmer ou de tester d’autres pièces. Dans ce cas, il est aussi recommandé de prendre des dispositions pour diminuer cette concentration. Si la concentration est inférieure à 200 Bq/m3, mais proche, il peut être raisonnable de refaire une mesure à une autre époque (en hiver par exemple).


Agrément radon pour la mesure dans les établissement recevant du public :

Dans le cadre des textes réglementaires récents concernant la gestion du risque radon dans les lieux accueillant du public, l’ACRO dispose d’un agrément relatif aux mesures de radon effectuées en vue d’un dépistage ou d’un contrôle pour vérifier les niveaux d’activité en radon définis en application de l’article R.1333-15 du code de la santé publique (niveau N1).

Cet agrément délivré par la « Commission Nationale d’agrément des organismes habilités à procéder aux mesures d’activité volumique du radon dans les lieux ouverts au public » est publié au Journal Officiel n° 200 du 28 août 2004 page 15448 et prend effet au 15 septembre 2004 pour une durée de 12 mois.

Textes de référence :
Articles R.1333-15 et R.1333.16 du code de la santé publique.
Arrêté du 15 juillet 2003 relatif aux conditions d’agrément d’organismes habilités à procéder aux mesures d’activité volumique de radon dans les lieux ouverts au public.
Arrêté du 23 octobre 2003 portant nomination à la Commission nationale d’agrément des organismes habilités a procéder aux mesures d’activité volumique du radon dans les lieux ouverts au public.
Circulaire DGS/SD 7 D n°2001-303 du 20 juillet 2001 relative à la gestion du risque lié au radon dans les établissements recevant du public (ERP).


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Énergie, chaleur et électricité

(extrait de l’ACROnique du nucléaire n°43, décembre 1998)

Qu’est ce que l’énergie ? C’est une notion couramment employée qui est pourtant difficile à définir. C’est une grandeur physique qui est associée au mouvement. Une voiture qui avance, une rivière qui coule possèdent une énergie liée au déplacement. L’énergie peut aussi se déplacer en « surfant » sur la matière. C’est le cas des vagues à la surface de la mer qui transportent de l’énergie sans que l’eau ne se déplace beaucoup. D’une manière générale, c’est aussi le cas de toutes les ondes et du courant électrique alternatif. On voit bien que ce type d’énergie est impossible à stocker. Peut-on entreposer un mouvement ?Si de l’eau est coincée dans un barrage et que l’on ouvre les vannes, elle va s’écouler sous l’effet de la gravitation et acquérir de l’énergie liée à son mouvement. Tant que l’eau reste dans le barrage, elle a le potentiel de s’écouler un jour. On a donc stocké une possibilité d’obtenir de l’énergie, c’est donc de l’énergie, dite potentielle. En pompant depuis le bas dâune vallée de lâeau dans un barrage en amont, on transforme l’énergie électrique de la pompe en énergie potentielle. Ce système est utilisé en Espagne en cas de surproduction. Une réaction chimique comme celle qui a lieu dans les batteries permet aussi de fournir ou de stocker de l’électricité.

C’est la même chose avec du gaz. La combustion va dégager de l’énergie sous forme de chaleur. La chaleur est associée aux mouvements désordonnés d’un grand nombre d’éléments, comme les molécules qui forment un gaz. Plus l’air est chaud, plus les molécules qui composent l’air s’agitent dans tous les sens. L’énergie dégagée par la fission nucléaire l’est aussi sous forme de chaleur. Les molécules d’eau dans une rivière ont un mouvement moyen qui correspond à l’écoulement auquel s’ajoute un petit mouvement désordonné qui dépend de la température de l’eau. C’est le mouvement moyen qui a un force motrice et qui est donc intéressant.

Or il est beaucoup plus facile de passer dâun état ordonné à un état moins ordonné que lâinverse. C’est la fameuse loi de l’entropie. Par exemple, si vous ouvrez une bouteille de parfum, elle va rapidement sentir, car des molécules du parfum sont sorties de la bouteille pour atteindre vos narines. Les molécules de parfum sont passée spontanément d’un état ordonné (elles sont toutes dans la bouteille) à un état moins ordonné où une partie d’entre elles se sont dispersées dans la pièce. Si vous ouvrez la fenêtre, vous allez obtenir un état encore plus désordonné. L’opération inverse qui consisterait à remettre toutes les molécules dans la bouteille est extrêmement complexe et nécessiterait beaucoup d’énergie.

C’est similaire avec l’énergie. Il est très facile de passer d’un courant électrique à de la chaleur, c’est à dire d’un mouvement ordonné à un mouvement désordonné. L’inverse n’est pas vrai : si on faire de l’électricité à partir de chaleur, c’est beaucoup plus difficile et cela consomme de l’énergie… Cela signifie que l’énergie électrique produite par rapport à l’énergie calorique dépensée est faible. Généralement moins de la moitié. Il est donc aberrant de retransformer cette électricité en chaleur.

On voit apparaître là le problème du chauffage électrique. Chez vous, toute l’énergie électrique consommée est transformée en chaleur, mais cette électricité a été produite à partir de chaleur… dont plus de la moitié est perdue. Il est donc plus raisonnable de chauffer avec de la combustion directement, sans passer par l’étape électricité.


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Le nucléaire à l’heure des choix

Extrait de l’ACROnique du nucléaire n° 43, décembre 1998


Les rapports parlementaires sont les seuls documents officiels accessibles au citoyen pour ce faire une idée sur l’avenir énergétique du pays. Un rapport est prévu sur le rôle des compagnies pétrolières ; quatre ont été publiés cette année sur différents aspects de l’énergie nucléaire, ils traduisent tous une volonté de poursuivre dans cette voie, sans tenir compte des interrogations de la société civile. Pourtant, les récents essais nucléaires français, chinois, américains, indiens et pakistanais montrent que les enjeux du nucléaire dépassent largement la simple production d’électricité. A l’heure où des choix importants doivent être faits, le sujet mériterait un large débat national qui est malheureusement absent.


Malgré les campagnes de dénigrement et les attaques insidieuses ou non fondées dont elle fait l’objet dans le monde et, depuis quelque temps, dans notre pays, l’énergie nucléaire n’est pas condamnée, loin s’en faut. On peut même affirmer qu’il s’agit, à partir des considérations techniques, économiques et politiques actuelles, d’une énergie décisive à l’horizon du siècle qui vient. ” (1) Pour que des parlementaires commencent par cette phrase un rapport sur l’aval du cycle nucléaire, c’est que la situation de l’industrie nucléaire devient difficile à tenir. Ce plaidoyer arrive à l’heure où des choix stratégiques doivent être faits concernant la filière du plutonium et la construction d’un nouveau type de réacteur nucléaire, l’EPR  (2). Leur rapport ne contient aucune critique et traduit mal les interrogations de la société civile. Pourtant, dans un autre rapport sur Superphénix  (3), ces mêmes députés déplorent qu’à l’époque, il n’ait été ” aucunement débattu des questions de sécurité, non plus que de la viabilité économique de la filière “. De l’autre côté, dans les milieux écologistes, le débat est plutôt entre une sortie douce du nucléaire (quand les réacteurs actuels arriveront en fin de vie), ou une sortie immédiate (tant que le parc de centrales fonctionnant aux énergies fossiles, en cours de démantèlement, est encore suffisant)  (4). Ce débat ne dépasse guère le cercle des militants anti-nucléaires. Pourtant, dès le premier janvier 1999, 25% de la production d’électricité sera ouverte à la concurrence, ce qui fait saliver les compagnies de services (Lyonnaise des Eaux-Suez, Vivendi et Bouygues) qui se tourneront vers d’autres modes de production. Ainsi, pour les députés Galley et Bataille, ” le dilemme dans notre pays se situe entre l’énergie nucléaire ou le gaz, la gestion des déchets ou l’effet de serre ”  (5). La réalité est un peu plus complexe, mais nous n’allons pas entrer dans les débats entre les conséquences géopolitiques des hydrocarbures et les risques nucléaires. Nous tenterons plutôt de comprendre les enjeux liés aux décisions à venir. La question peut se résumer ainsi : doit-on continuer à utiliser l’énergie nucléaire, en utilisant par exemple l’EPR ? Si oui, doit-on retraiter le combustible irradié ? Sinon, quand doit-on arrêter les centrales actuelles ? Pour l’EPR, ” la décision pour la commande […] – en tant que tête de série – ne saurait tarder. Pour avoir un calendrier optimal, il s’agit de passer commande de la cuve en 1999-2000, et de couler le premier béton en 2003. […] Les préférences actuelles vont vers Penly et dans une moindre mesure vers Flamanville. Quant au retraitement, ” le contrat en vigueur entre EDF et Cogéma vient à expiration en 2000 ”  (6) et l’usine de la Hague devraient être amortie sur le plan financier vers 2001. Pour élargir son champ d’action, Cogéma a déposé une demande d’autorisation de retraiter du combustible MOX  (7) et d’autres combustibles de réacteurs de recherche dans son usine UP3. Cette demande sera soumise à enquête publique très prochainement. En revanche, l’arrêt du retraitement bouleversera toute l’économie d’une région. Un tel changement doit se préparer maintenant.

L‘aval de la chaîne du combustible nucléaire  (8) est la partie la plus difficilement justifiable. L’extraction du plutonium faite à l’usine de retraitement de la Hague et son utilisation comme combustible dans des surgénérateurs de type Superphénix ou comme combustible MOX dans des centrales classiques est souvent présenté comme une utilisation rationnelle des ressources énergétiques limitées. Il serait pourtant beaucoup plus simple de limiter la production électrique en surcapacité.

Si ” le “tout retraitement” fait partie des dogmes qui ont fait leur temps ” (9), pourquoi s’acharner à retraiter les deux tiers des combustibles irradiés français ? Si c’est pour meilleure gestion des déchets nucléaires, force est de constater qu’un tiers du combustible irradié reste sur le carreau. La loi du 30 décembre 1991 sur les déchets permet d’apporter une justification a posteriori au retraitement et de l’utilisation du plutonium comme combustible, même si la commission nationale d’évaluation, dans son troisième rapport, ” observe que les solutions techniques attendues en 2006 relèvent essentiellement des axes n°2 et n°3″, à savoir le stockage en profondeur ou en surface. Lors d’une rencontre entre des physiciens de l’université de Caen et la Cogéma pour étudier les possibilités de collaboration, les représentants de la Cogéma ne connaissaient pas le programme de recherche Gédéon qui concerne la séparation-transmutation. Mais, pour démontrer que le retraitement permet de réduire les volumes, ce qui est faux, Cogéma compare le volume de ses déchets ultimes sans emballage au volume du container suédois contenant le combustible irradié  (10).

Faute d’arguments valables, le retraitement est finalement justifié en terme d’emplois. Seulement 20 tranches nucléaires sont autorisées à utiliser du MOX et il en faudrait 28 pour utiliser tout le plutonium extrait dans l’usine de la Hague. Si on reste à 16 tranches, ” dans la mesure où une baisse des contrats de retraitement étrangers est anticipée, il est probable qu’une seule des deux usines serait alors nécessaire pour satisfaire tant la demande nationale que la demande extérieure. EDF chiffre à 1 500 le nombre de suppressions d’emplois direct chez Cogéma et à 1 500 emplois supplémentaires les suppressions chez les sous-traitants ” (11). En résumé, Superphénix arrêté, le MOX sert à justifier le retraitement et le retraitement à créer des emplois ! ” Par ailleurs, nous avons un stock de plutonium de 65,4 tonnes, très supérieur à la marge de réserve de 20 tonnes estimée nécessaire par EDF “. (12)En plus,” la filière du plutonium coûte très cher à EDF : 15 milliards de francs par an, soit 5 centimes du kWh ”  (13). Il doit sûrement exister des filières de production d’énergie plus créatrices d’emplois.

Le retraitement a une origine militaire et c’est peut-être de ce côté qu’il faut chercher sa justification. ” La Hague n’est-elle pas une usine militaire ” camouflée ” en usine civile ? ”  (14) s’interroge Corinne Lepage après son passage au cœur du pouvoir. Même si les essais nucléaires sont terminés, la France n’a en effet pas renoncé à l’armement nucléaire et au niveau mondial, le nombre de pays détenteur de cette arme ne fait qu’augmenter. Aux Etats-Unis, un document partiellement déclassifié du DOE  (15) (Department of Energy) révèle une volonté de remplacer les armes nucléaires actuelles par de nouvelles à partir de 2010 et prévoit une capacité de construction de milliers de bombes, si nécessaire, comme au temps de la guerre froide. Leur mise au point sera faite grâce aux simulations sur ordinateurs et aux essais nucléaires sous-critiques. Le dernier en date a eu lieu le 26 septembre 1998, sans que les médias n’en parle. La majeure partie de ce document reste secrète et c’est l’acharnement de 39 organisations pacifistes ou écologistes qui ont permis d’obtenir ces informations. Il n’y a aucune raison que la France soit en reste. Lionel Jospin a encore récemment affirmé que ” pour la France, comme pour la sécurité européenne, et tant qu’un désarmement général et complet ne sera pas réalisé, l’arme nucléaire demeure une nécessité ” (16). La volonté de continuer à retraiter une partie du combustible usé français apparaît donc comme un moyen de garder un savoir-faire et des capacités de production de plutonium conséquentes, en cas de besoin. La demande de pouvoir retraiter toutes sortes de combustibles irradiés est un pas dans ce sens.

Depuis la fin remarquée des essais nucléaires français, il n’est plus jamais question de la bombe française dans la presse. Tout est fait pour qu’elle soit oubliée. Les seules dépêches concernent la fermeture du site de Mururoa, comme pour faire croire que tout est fini. Pourtant, cette arme est construite en notre nom et avec nos impôts, elle mériterait donc plus de débats  (17).

Le plutonium 239 provient du bombardement de l’uranium 238 par un neutron dans une réacteur. Les isotopes suivant, sont produits par bombardement successifs. Le plutonium issu du retraitement des combustibles des centrales actuelles est de médiocre qualité militaire, la proportion de Pu 239 n’étant pas suffisante, mais les Etats-Unis ont réussi à faire exploser une bombe avec en 1962. En cas de crise majeure, il est possible d’avoir su combustible ayant une forte proportion de Pu239 en irradiant peu le combustible. Avec Superphénix, ” on est au cœur de la filière plutonium et du lien civil-militaire, car le surgénérateur brûlele plutonium produit à la Hague par le retraitement et en génère d’avantage qu’il n’en consomme. Superphénix, c’est comme ses prédécesseurs de Marcoule (Rapsodie, Phénix) une usine à objet militaire mais présentée comme une usine civile ” (18). Surtout, Superphénix consomme du plutonium de retraitement mais peut produire du plutonium 239 de très bonne qualité militaire, il apparaît donc comme réservoir à Plutonium.

Pour cela, il faut de la matière première, à savoir, des réacteurs fournissant du plutonium. Le choix semble s’orienter vers l’EPR, alimenté à l’uranium enrichi et/ou au MOX. L’usine d’enrichissement, en amont, a aussi un intérêt militaire… Supposons que le retraitement soit arrêté, l’EPR sera-t-il construit avec une utilisation purement énergétique pour remplacer le parc actuel de centrales vers 2010-2015 ? L’EPR est un réacteur du même type que ceux utilisés actuellement, mais plus gros et plus sûr. Il n’apporte aucune solution aux problèmes liés aux déchets produits de la mine au réacteur. Claude Birraux, député, lui consacre un rapport  (19) où il explique que les instructions du gouvernement consistent à faire en sorte que tous les choix soient possibles, ce qui signifie se préparer à ” ce que l’option nucléaire puisse être approuvée, le moment venu “ . Pour maintenir l’option nucléaire ouverte, il est donc préconisé de construire rapidement un prototype ou une tête de série afin de maintenir les compétences de l’industrie nucléaire. En effet ” la maintenance du parc actuel ne suffira pas pour maintenir le tissu industriel ” (20). Le projet EPR a déjà nécessité un investissement de l’ordre d’un milliard de francs et ” la construction d’un prototype se chiffrera au minimum à une quinzaine de milliards de francs “. ” Aussi, ce projet est un non-sens économique si la construction se limite à un prototype “. En résumé, il faut un protpype pour maintenir les choix ouverts, et une fois ce réacteur construit, il faudra continuer car cela aura déjà coûté suffisemment cher. Pierre Daures, ancien Directeur général d’EDF, envisage de construire 6 à 8 tranches, pour l’énergie de base, le reste pourrait être fourni d’autres processus que le nucléaire. 7 tranches, c’est le nombre minimum pour que l’EPR soit rentable économiquement. Le premier réacteur, dont la décision doit être prise rapidement, a donc une importance stratégique à long terme. On parle de Penly ou Flamanville pour accueillir l’EPR, mais ” la réalisation d’une tête de série est inutile en France car elle aggraverait notre surcapacité ; elle semblerait improbable pour des motifs politiques en Allemagne ” (21). La Russie serait aussi candidate pour la construction de la tête de série.

Les véritables arguments de poids en faveur de l’énergie nucléaire reposent aujourd’hui sur la sécurité d’approvisionnement, l’indépendance énergétique de la France et la lutte contre l’effet de serre. ” (22) Même si l’uranium est totalement importé, cette matière première pose moins de problèmes géopolitiques que les hydrocarbures. L’indépendance énergétique de la France n’est donc que relative. Quant à la sécurité, elle ne peut être garantie que par une très grande variété de sources, car en cas de crise, l’énergie nucléaire, très centralisée, est vulnérable. Le ” Grand Verglas ” du Québec, qui a rompu de nombreuses lignes électriques, privant une grande partie de la population d’électricité en plein hiver, en est un bon exemple. En France, quelques réacteurs en panne et EDF prétend être obligée d’importer du courant. ” Les impératifs de protection de l’environement, en particulier les objectifs de lutte contre l’effet de serre, ne pourront être tenus qu’avec l’apport de l’énergie nucléaire “. Cette affirmation est l’argument le plus utilisé par les partisants de l’énergie nucléaire, mais elle n’est jamais démontrée. Si l’énergie nucléaire en France fournit 80% de l’électricité, au niveau mondial, elle ne représente plus que 4,5% de l’énergie totale consommée. Combien de réacteurs seraient-ils nécessaires pour réduire la dispersion de gaz à effet de serre ? Il semble donc préféreable de se tourner vers d’autres voies. De plus, du point de vue environnemental, demeure le problème des déchets et des rejets.

D‘une manière générale, le nucléaire est aussi présenté comme une spécialité française. ” Pour autant, peut-on penser que des hommes d’Etat tels que Guy Mollet, le général De Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, Pierre Mendès-France ou François Mitterrand, qui ont pris des décisions importantes pour l’indépendance énergétique de la france, aient tous fait fausse route dans le domaine du nucléaire ? Ce serait pour le moins surprenant “, s’interroge M. Alain, Moyne-Bressand, député de la circonscription sur laquelle se trouve Creys-Malville. Et de répondre, ” mais il n’y a pas d’erreur puisque ça a permis la grandeur de notre pays. ” (23)

La France, qui possède une maitrise de toutes les étapes de la chaine du combustible se doit donc de ” garder son rang “. Pour ses détracteurs, cette avance est due à l’exception française. Au-delà de la simple fiereté, quel est l’intérêt ? La conquête des marchés étrangers est avancée dans tous les rapports parlementaires. Mais cela signifie aussi, comme par le passé, le transfert de technologie vers des pays souhaitant se doter de l’arme nucléaire (Israël  (24), Irak  (25), Iran  (26)…), en échange d’avantages commerciaux ou stratégiques.

Si l’option de la sortie du nucléaire est finalement choisie, quand aura-t-elle lieu ? La Ministre de l’Environnement a annoncé l’arrêt programmé à partir de 2005. Mais cela ne semble être qu’une annonce et d’ici là… L’enjeu se situe entre l’appât du gain et la sûreté, d’autant plus qu’une économie libérale va pousser les opérateurs à diminuer leurs marges en rognant sur le personnel et la sécurité. ” Le report d’un an du renouvellement d’une tranche de 900 mégawatts représente, pour EDF, une économie de 700 millions de francs “,  (27) mais en vieillissant les centrales deviennent de plus en plus dangereuses. Le retard qui sera sûrement pris dans la décision de renouveller ou pas le parc nucléaire par le gouvernement, fait que l’éventuel EPR arrivera tardivement. Tout cela pousse EDF à tabler sur une durée de vie de 40 ans pour ses réacteurs, mais elle n’a pas l’accord des autorités de sûreté. Pour Roger et Bella Belbéoch  (28), il est possible de se passer immédiatement de 70% de l’énergie nucléaire en n’utilisant que des technologies actuellement disponibles. Pour eux, il s’agit même d’une nécessité car la probabilité d’avoir une catastrophe ne va qu’augmenter. En effet, environ 20% de notre production est exportée et 7 à 8% est de l’autoconsommation. Le reste pourrait être compensé par une utilisation optimale de notre parc de centrales thermiques classiques. Il n’est pas possible actuellement d’aller plus loin à cause du chauffage électrique, mais cela pourraît être facilement envisagé à moyen terme.

Les engagements pris à Kyoto concernant les gaz à effet de serre et les décisions importantes qui doivent être prises en matière de nucléaire font que l’on a une occasion unique pour un grand débat sur l’énergie. A l’issue de ce grand débat, on pourrait imaginer une loi sur l’énergie engageant des recherches dans de nombreuses voies, le tout surveillé par un commission d’évaluation, afin de prendre une décision rapidement. De fait, la loi sur les déchets nucléaires a relancé les recherches en matière de production d’énergie nucléaire en déblocant d’énormes crédits, ce qui n’est pas le cas pour d’autres modes de production d’énergie. En Suède et en Allemagne, l’énergie nucléaire a été un thème de la campagne électorale de cet automne. La décision du nouveau gouvernement allemand de sortir rapidement du nucléaire (l’échéance devrait être fixée dans un an) risque d’augmenter les importations d’électricité française. Les pannes de centrales nucléaires françaises font craindre à la Grande Bretagne une augmentation de ses tarifs d’électricité pour cet hiver. L’interdépendance des ressources énergétiques et des pollutions fait que ce débat et ces recherches devraient avoir lieu au niveau européen. Il s’agit sûrement d’une gageur car le débat européen n’existe pas. Il serait temps de démocratiser la vie publique européenne en commençant, par exemple, par l’énergie.

En 1848, au moment d’instaurer le suffrage dit universel (les femmes ne votaient pas), beaucoup se demandaient s’il était raisonnable de donner ce droit à tout le monde, même aux domestiques. 150 ans plus tard, la population ne semble toujours pas assez adulte pour être consultée sur des sujets aussi importants que les choix énergétiques et de défence, qui concernent sa vie de tous les jours. ” Mais en cinquante ans le contexte a profondément changé : il ne s’agit plus de  “faire la bombe “, mais d’être capable d’offrir la diversité énergétique dans le respect de la démocratie, avec efficacité et transparence. ” (29) Vraiment ?

David Boilley


(1) In Rapport sur l’aval du cycle électronucléaire, par MM. Christian Bataille et Robert Galley, députés, Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, juin 1998.

(2) European Presurized Reactor, projet commun FramatomeSiemens

(3) Superphénix et la filière des réacteurs à neutrons rapides, par MM. Christian Bataille et Robert Galley, députés, Assemblée Nationale, Commission d’enquête, rapport n°1018, juin 1998.

(4) Voir B. et R. Belbéoch, Sortir du nucléaire, c’est possible, éd. L’esprit frappeur (10 F) et les débats dans la lettre de Stop Nogent.

(5) Rapport sur l’aval du cycle nucléaire, op. cit. (réf. 1)

(6) Ibidem

(7) MOx : combustible nucléaire obtenu en mélangeant de l’uranium et du plutonium extrait à l’usine de La Hague. Pour en savoir plus sur les risques liés au MOx, le lecteur pourra se reporter à l’excellente Gazette nucléaire n°163/164, 1998.

(8) Le terme “aval du cycle nucléaire” est plus usité, mais s’il y a réellement un cycle, où est l’aval de l’amont ?

(9) Cf réf. 1

(10) En fait, le volume lié au stockage est déterminé par la chaleur dégagée par ces déchets qui est essentiellement due aux produits de fission qui ne sont pas séparés lors du retraitement.

(11) Cf réf. 1

(12) Cf réf. 1

(13) In “On ne peut rien faire Madame le ministre…”, Corinne Lepage, Albin Michel, mars 1998.

(14) Ibidem

(15) “Stockpile Stewardship and Management Plan”, Oct 97, dont les points essentiels ont été repris par une dépèche du Environment News Service du 21 avril 1998.

(16) Reuters, 3 septembre 1998

(17) Lire, Eliminer les armes nucléaires, est-ce souhaitable ? Est-ce réalisable ? Conférences Pugwash sur la science et les affaires mondiales, éd. Transition, 1997

(18) Corinne Lepage, op. cit.

(19) In le contrôle de la sûreté des installations nucléaires, par Claude Birraux, Député ; rapport 484 (97-98), Tome I – Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.

(20) Ibidem

(21) Ibidem

(22) Ibidem

(23) In Rapport sur Superphénix, Cf réf. 3

(24) Pierre Péan, Les deux bombes, Fayard, 1991

(25) K. Timmerman, Le lobby de la mort, Calman-Lévy, 1991 (si l’éditeur accepte de vous le vendre…)

(26) D. Lorentz, Une guerre, éd. des Arènes, 1997

(27) Claude Birraux, Cf réf. 19

(28) Cf réf. 4

(29) In rapport d’évaluation du système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire, Jean-Yves Le Déaut, député de Meurthe et Moselle, Rapport Parlementaire, 1998


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