La Hague, fille aînée du nucléaire

David Boilley, S!lence, janvier 2002, remis à jour le 27 mars 2002.


Presqu’île au bout de la presqu’île du Cotentin, La Hague est aujourd’hui plus connue pour ses installations nucléaires que pour la beauté de ses paysages. L’usine de retraitement des combustibles irradiés est la plus célèbre. Fleuron de la technologie nationale que nous exportons jusqu’au Japon, elle fait la fierté de la plupart des élus locaux qui sont aussi satisfaits par la manne financière qu’elle leur procure. Un centre de stockage de déchets radioactifs fermé depuis 1994, la jouxte. Pour le CEA, qui en a eu la tutelle durant toute sa phase active, « le site de la Manche, après vingt-cinq ans de bons et loyaux services, figure désormais comme une référence technique internationale dans le stockage des déchets »[1]. L’arsenal de Cherbourg, où sont fabriqués nos sous-marins nucléaires, n’a pas à rougir. En effet, la force océanique stratégique se voit confier la majeure partie des armes nucléaires stratégiques françaises. Depuis août 2000, Le Redoutable, qui a effectué sa dernière plongée en 1991, a commencé une nouvelle vie en étant le pôle d’attraction de la future cité de la mer de Cherbourg. Enfin, les deux réacteurs de Flamanville, à 20 km à vol d’oiseau vers le Sud viennent renchérir un département dont les deux tiers de la taxe professionnelle vient du nucléaire. Sans aucun doute, la région participe au rayonnement de la France dans le monde.

Arrières-pensées militaires

Le retraitement des combustibles irradiés pour en extraire du plutonium est une technologie militaire qui a été civilisée afin de la rendre acceptable et exportable. Pas un pays ne s’y est intéressé sans arrières-pensées militaires. En exportant cette technologie dans de nombreux pays, la France est au cœur du processus de prolifération [2]. « Pour palier une hypothétique défaillance de l’usine chimique d’extraction du plutonium [militaire] de Marcoule, il a été décidé de construire au Cap de La Hague une deuxième unité de traitement des combustibles irradiés ; elle servira d’usine de secours et permettra aussi d’y séparer une fraction du plutonium produit dans les réacteurs E.D.F. » [3]. La première usine de Marcoule est arrêtée depuis 1992 et est en cours de démantèlement. Il y a actuellement trois usines de retraitement à La Hague, dont une est quasiment arrêtée depuis 1994. Pour Robert Galley, à l’origine du choix de l’implantation, « le site de La Hague présentait une particularité unique en France […], s’il y avait un incendie […] 270° de vents portraient vers la mer » [4]. La population locale ne sera jamais consultée et les élus locaux avertis dans la nuit qui précède l’annonce à la presse [5]. Malheureusement pour l’exploitant, lors de l’incendie du silo en 1981, les radio-éléments ne se sont pas arrêtés au grillage de l’usine [6]. En février 1970, suite à une panne générale d’électricité dans le Nord-Cotentin, on a frôlé une catastrophe qui aurait pu avoir des conséquences bien au-delà de la Normandie. Mais même en fonctionnement normal, les rejets de l’usine ne sont pas sans inquiéter la population.

Le Centre Manche

Le Centre de Stockage de la Manche où sont entassés 527 000 m3 de déchets faiblement radioactifs est aussi une source d’inquiétudes [7]. Pour Christian Kernaonet, un ingénieur de l’ANDRA, Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, maintenant à la retraite, la tranche n°1 doit être reprise car elle menace de s’effondrer : « Durant des années, on a entassé des milliers de fûts métalliques, comme ça, les uns sur les autres, sur une hauteur de dix à quinze mètres ! Pour que cela tienne, on les a maintenus avec une armature faite de blocs de béton et on a rajouté par dessus une couche de terre et d’argile. Assez rapidement, on s’est posé des questions, sans que cela filtre à l’extérieur. Dès 1974-1975, donc quatre ou cinq ans après avoir démarré, on a découvert qu’il y avait des effondrements. Parfois, à la suite d’un week-end où il avait beaucoup plu, on découvrait des affaissements d’un diamètre de sept-huit mètres et de quatre mètres de profondeur. Parfois plus… Logiquement des fûts s’étaient effondrés. D’autres avaient dû éclater sous le poids. [… Le problème, c’est qu’] on a contruit le site dans dalle et sans drainage, et juste au dessus de la nappe phréatique. Une vraie connerie ! » [8]. C’est donc pour « la sécurité des générations futures » qu’il s’est opposé à la fermeture du site : « En ressortant les fûts de la tranche 1, on se serait honoré d’avoir agi par précaution. Sans attendre qu’un groupe écolo quelconque nous fasse péter l’affaire à la figure ». La surveillance du site prévue par l’ANDRA repose essentiellement sur les eaux de percolation récupérées au niveau des drainages. Le problème, c’est que la tranche 1 n’a pas de drainage et les eaux de percolation vont directement dans la nappe phréatique. Si un problème sérieux est détecté aux exutoires, il sera trop tard ! De plus, les nappes phréatiques étant déjà fortement contaminées par les « incidents » passés, seul un incident majeur pourrait être détecté. Or, au nord du site, la contamination en tritium des eaux souterraines augmente continuellement sans que l’ANDRA ne fournisse aucune explication. Est-ce dû à un apport du Centre Manche ? La volonté de l’exploitant, des autorités et des responsables locaux est de laisser le Centre en l’état. A l’heure où la réversibilité des centres de stockages en profondeur est en débat, le Centre Manche fournit un intéressant cas d’étude. La décision de fermer est-elle réversible ? L’ACRO, Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest, réclame en vain la création d’un groupe de travail ad hoc ouvert aux associations intéressées, incluant Monsieur Kernaonet, qui serait chargé d’étudier l’état de Centre Manche afin de faire des recommandations sur son avenir, puis de les soumettre à la population locale.

Depuis 1995, l’ANDRA tente d’obtenir la fermeture officielle du site et sans la vigilance des associations locales, les déchets seraient définitivement enterrés avec leurs problèmes. Il y a là près de 100 kg de plutonium et des tonnes de métaux lourds ! Lors d’une première enquête publique en 1995, l’ANDRA embauche Pierre Boiron comme expert pour servir d’interlocuteur au président de la commission d’enquête, Jean Pronost. Il se trouve que ce sont deux amis… Malheureusement pour eux, l’ACRO a montré, grâce à des documents internes reçus anonymement, que la réalité du Centre était très éloignée de ce qui était présenté dans le dossier soumis à enquête. Les autorités ont demandé à l’ANDRA de revoir sa copie et une nouvelle enquête publique a eu lieu en 2000. Le président de la nouvelle commission d’enquête était… Pierre Boiron ! Après une tentative de recours à l’amiable du CRILAN, infructueuse, les associations ont boycotté la procédure. Toute décision prise à l’issue de cette enquête est attaquable en justice car cette nomination viole la loi Bouchardeau sur les enquêtes publiques.

Des rejets sous surveillance ?

En 1994, les usines de retraitement ont rejeté en mer 8775 fois plus de radioactivité bêta-gamma (hors tritium) que les deux réacteurs voisins de Flamanville. Ces rejets marquent tout le littoral Normand et peuvent être suivis jusqu’en mer du Nord [9]. En terme d’impact sur la population locale, ce sont les rejets aériens qui dominent actuellement. Si certains radio-éléments comme le tritium (isotope de l’hydrogène) ou le krypton qui est un gaz rare, sont rejetés parce que difficiles à stocker, l’iode 129, quant à lui, est pratiquement entièrement rejeté dans l’environnement parce qu’il s’agirait de la meilleure façon de gérer ce déchet qui a une durée de vie de 17 millions d’années.

La compagnie sait-elle exactement ce qu’elle rejette ? Aussitôt informée de l’incident de rejet atmosphérique qui a eu lieu le 18 mai 2001 à l’usine COGEMA de la Hague, l’ACRO a effectué une campagne de prélèvements autour du site. Les résultats d’analyse ont mis en évidence une contamination importante de l’environnement en ruthénium rhodium 106, radioéléments artificiels, et ont conduit l’ACRO à interroger l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur la validité du système de mesure des rejets aériens de la Cogéma. En effet, ses calculs montraient que la quantité de ruthénium-rhodium déposée sur l’herbe était largement supérieure à la quantité totale rejetée annoncée par l’exploitant. Une évaluation de cette quantité à l’aide d’un modèle de dispersion dans l’environnement l’avait conduit à estimer que la Cogéma avait rejeté probablement 1000 fois plus que ce qu’elle avait annoncé (14 000 MBq pour 11 MBq déclarés). Dans une lettre reçue à l’ACRO le 24 octobre 2001, l’ASN répond qu’en fonctionnement courant « ce facteur a dû être proche de trois pour la période 1999-2000 et de quatre-cent lors de l’incident » [10]. Un incident similaire qui a eu lieu le 31 octobre a permis à l’ACRO de montrer que le système de mesure de l’autre cheminée de rejet était également défaillant. Les relevés trimestriels publiés par l’exploitant ne font pas apparaître les contaminations anormalement élevées en ruthénium-rhodium détectées à l’issue des ces incidents. Par le passé, l’ACRO avait déjà épinglé la Cogéma sur sa « transparence » : en épluchant 5 années de publication de sa plaquette grand public, elle avait relevé 29 « erreurs » qui tendaient toutes à sous estimer la pollution [11]. Ce goût du secret en matière d’environnement peut cacher des lacunes plus graves : les mesures dans l’environnement du carbone 14 et de l’iode 129 rejetés en grande quantité par l’usine de la Hague ne datent respectivement que de 1996 et 1991. Pourtant ces deux radioéléments contribuent de façon significative à la dose subie par la population.

Le rôle de l’ACRO

Les rejets des installations nucléaires sont soumis à différents contrôles de la part de plusieurs organismes officiels et des exploitants eux-mêmes. L’intérêt de ces mesures de la radioactivité en matière de santé publique est évident. Pourtant, la population directement concernée n’est pratiquement pas informée des résultats de cette surveillance. Il est impossible à un citoyen d’obtenir des données exhaustives sur les mesures faites près de chez lui, tout ce qu’il peut espérer, ce sont des moyennes. C’est pourquoi, l’ACRO, depuis sa création après la catastrophe de Tchernobyl, effectue une surveillance citoyenne régulière de l’environnement local et s’engage à publier toutes ses données. L’association a dû subir de nombreuses pressions et des mises en cause publiques pouvant aller jusqu’au dépôt de plainte de la part des exploitants, mais après quinze ans de fonctionnement et de batailles, la fiabilité de son laboratoire d’analyse n’est plus remise en cause. C’est très important, car si les exploitants peuvent sous-estimer sans vergogne l’impact de leurs rejets, l’ACRO n’a pas le droit à l’erreur pour rester crédible. Le laboratoire est maintenant accrédité d’une qualification technique délivrée par le Ministère de la santé.

Gérer un laboratoire d’analyse fiable avec un personnel qualifié est très contraignant pour une association et cela coûte très cher. Les seuls dons ne suffisent pas et l’association doit trouver des partenaires, comme les agences de l’eau, des commissions locales d’information ou des collectivités territoriales qui financent certaines de ses études. Malgré tout, l’ACRO se dit indépendante car sans l’implication de nombreux bénévoles, elle ne pourrait pas exister. Le manque chronique de ressources peut parfois être dramatique pour l’association qui a failli mettre la clé sous la porte en septembre 2000. C’est pourquoi, le soutien financier et l’implication d’un plus grand nombre d’adhérents est indispensable à sa survie.

La Hague : danger zéro ?

La publication par le Professeur Viel d’études épidémiologiques mettant en évidence une augmentation du nombre de leucémies chez les jeunes vivant autour de l’usine de retraitement de La Hague et la relation significative avec la fréquentation des plages soit par les mères pendant leur grossesse (risque multiplié par 4,5) ou par les enfants eux-mêmes (risque multiplié par 2,9) a suscité une forte émotion dans la région [12]. Comme souvent, c’est le donneur d’alerte qui a été mis en cause plutôt que le pollueur. D’autres études sont venues conformer cette augmentation depuis [13]. Constitué de manière spontanée à la suite des travaux de Jean-François Viel, le collectif des Mères en Colère milite pour une information objective, transparente et indépendante. Elles tentent par tous les moyens, pétitions, manifestations et participation aux commissions officielles, d’établir un dialogue avec tous les représentants des industries concernées afin de réfléchir collectivement aux moyens de répondre aux inquiétudes sociales et environnementales suscitées par cette industrie qui fait vivre des milliers de familles et toute une région, au mépris des sentiments de rejet d’une frange de la population. Leurs interventions ont permis d’apporter une note d’humanité, de sensibilité et de réalisme dans un contexte où les décisions économiques et politiques sont prises par des hommes, en faisant abstraction de tous les problèmes environnementaux et psychologiques que peut entraîner une telle mono-industrie. Pour les Mères en Colère, le risque engendré par le retraitement n’est pas acceptable dans la mesure où il porte préjudice à l’environnement et à la santé de leurs enfants. Ce combat demande beaucoup d’énergie et d’abnégation, mais les échanges entre femmes ont permis d’exprimer une anxiété qui était latente dans beaucoup de foyers. Il y a un besoin de s’exprimer sur ce sujet tabou, alors qu’une sorte de loi du silence s’est instaurée au fil des années, imposée par des impératifs économiques. Le Collectif des Mères en Colère répond à cette attente des femmes qui vivent dans cette région en devenant leur porte-parole, ce qui impose de leur être fidèles.

La création, par les Ministres de l’environnement et de la santé, du comité Nord-Cotentin chargé de faire un bilan rétrospectif de 30 années de rejets dans l’environnement par les installations nucléaires de la région, constitue une avancée notable. L’ACRO, qui ne cesse de réclamer une transparence totale en matière d’environnement, n’avait d’autre choix que d’y participer activement. La première partie des travaux, publiée en 1999, est limitée aux seules leucémies et ne permet pas de lever le doute sur l’impact des rejets radioactifs et chimiques. Ce n’était pas sa mission [14]. Pour rassurer, la COGEMA a tenté de « lancer un concept nouveau : ” Le zéro impact pour la santé “, en agissant sur le niveau des rejets de nos activités » explique sa PDG. « Pour cela, nous retenons les critères des experts internationaux, en particulier ceux de la CIPR (Commission internationale de protection contre les rayonnements ionisants). Pour eux, à 30 microsieverts – unité qui mesure les conséquences biologiques de la radioactivité sur l’organisme – par personne et par an, il n’y a pas de risque pour la santé. »  Le problème, c’est que la CIPR a démenti : « Une telle affirmation serait en contradiction avec l’hypothèse de la publication n°60 et de nombreux autres rapports d’une relation linéaire et sans seuil entre la dose et les effets à faible dose. Mon impression est qu’il y a eu une incompréhension de la position de la CIPR. » [16] L’enjeu est grand, car si chaque radiation reçue a un impact, la législation impose que les pratiques entraînant une exposition aux rayonnements ionisants soit justifiées « par leurs avantages économiques, sociaux ou autres par rapport au détriment sanitaire qu’ils sont susceptibles de provoquer » [17].

Retraiter ou pas retraiter ?

Economiquement, la filière plutonium n’est pas rentable comme l’a montré le rapport du Commissariat au plan signé par le Haut-Commissaire à l’Energie Atomique [18]. Mais peu importe si le « recyclage » du plutonium peut avoir un intérêt écologique. L’Agence pour l’Energie Nucléaire de l’OCDE a montré que si l’on retraitait tous les combustibles irradiés et recyclait tout le plutonium extrait, on ferait une économie d’uranium de 21% [19]. Etant donnée la surproduction d’électricité nucléaire en France, il y a des moyens plus simples pour économiser les ressources de la planète ! Surtout que dans les faits, seuls les deux tiers du combustible usé qui sort des centrales françaises est retraité et seulement 50% environ du plutonium extrait a été « recyclé ». Quant à l’uranium, qui est aussi extrait lors du retraitement, le taux de « recyclage » est inférieur à 10%. [20]

Dénoncé depuis toujours par les associations écologistes, le retraitement fait partie des dogmes qui ont fait leur temps, même dans certains milieux nucléocrates. Au niveau international, il est aussi sur la sellette. La déclaration de Sintra (Portugal, 1998) de la réunion ministérielle de la convention OSPAR [21] engage les états signataires à faire en sorte que « les rejets, émissions et pertes de substances radioactives soient, d’ici l’an 2020, ramenés à des niveaux tels que, par rapport aux niveaux historiques, les concentrations additionnelles résultant desdits rejets, émissions et pertes soient proches de zéro. » Cette contrainte a conduit à la déclaration de Copenhague (Danemark, 2000) demandant la mise « en œuvre l’option ” non-retraitement ” (par exemple par entreposage à sec) pour la gestion des combustibles nucléaires usés dans des installations appropriées ». La France et la Grande-Bretagne, seuls pays concernés, se sont abstenus. Si ces deux pays s’accrochent au retraitement, c’est pour garder un savoir faire et une structure industrielle indispensables à long terme au niveau militaire. L’exception américaine avec arrêt du retraitement il y a 25 ans environ ne doit pas faire illusion : il est maintenant officiellement reconnu que la Grande-Bretagne a fourni 5,4 tonnes de plutonium aux Etats-Unis entre 1958 et 1979 en échange de tritium et d’uranium enrichi [22]. Se sont-ils aussi fourni ailleurs ? Le plan Bush sur l’énergie prévoit la relance du retraitement.

En commandant le 28 juillet 2000 un quatrième sous-marin nucléaire lanceur d’engins de nouvelle génération, Le Terrible, et surtout en développant un nouveau missile, le M51, aussi prévu pour 2008, la France viole le traité de non-prolifération dont l’article 6 stipule : « chacune des parties au traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous contrôle international strict et efficace ». Article, hélas, sans aucune échéance précise ni mesure contraignante. [23] Une campagne d’interpellation, « Dites NON au quatrième sous-marin nucléaire ! » a été lancée par le MAN, Stop-Essais et le Mouvement de la Paix [24].

La fermeture des usines de retraitement n’est pas sans créer de problèmes sociaux. La baisse de l’activité de l’usine est mise sur le dos des écologistes. L’accueil réservé à la tête de liste des verts aux élections européennes, qui a été obligé de passer sous les fourches caudines syndicales par la direction de l’usine, laisse présager le pire. Mais l’arrêt du retraitement ne signifie pas l’arrêt de l’activité, car les déchets nucléaires demeurent. En particulier, de grandes quantités doivent être reprises pour être conditionnées.

Non-retour à la case départ ?

Actuellement, la moitié de l’activité du centre de La Hague est destinée aux combustibles étrangers, avec pour principaux clients, l’Allemagne et le Japon, pays qui possèdent toute la technologie nécessaire à la fabrication de l’arme nucléaire. Au Japon, le plutonium de La Hague, « recyclé » sous forme de combustible MOx, attend dans les piscines de déchets nucléaires l’autorisation d’être « brûlé ». Tout un symbole… Mais verra-t-on un jour le retour de tous les déchets étrangers vers leur pays d’origine ? L’article 3 de la loi de décembre 1991 stipule que « le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si leur retraitement a été effectué sur le territoire national, est interdit au-delà des délais techniques imposés par le retraitement ». En fait, cet article est déjà violé car on entrepose à la Hague des déchets technologiques faiblement ou moyennement radioactifs, issus du retraitement, qui auraient pu être renvoyés dans leur pays d’origine depuis longtemps. Sans parler des déchets des premiers contrats étrangers de la Cogema, pour lesquels il n’existe aucune clause de retour. A la place, la Cogema espère renvoyer 5 % de déchets vitrifiés supplémentaires, plus compacts, et garder les autres types, plus volumineux. Les quotas de radioactivité devraient être respectés, mais pas ceux de volume. BNFL, le concurrent britannique, offre déjà officiellement ce service… Un tri similaire a déjà commencé : sur le centre de stockage de la Manche, les déchets technologiques stockés sont dix fois plus volumineux que ceux en attente d’un renvoi éventuel [25].

En 1994, la loi allemande a changé, autorisant soit le retraitement soit l’enfouissement des combustibles irradiés. Les compagnies ont donc renégocié leurs contrats avec COGEMA et BNFL. Selon des experts proches des agences de sûreté nucléaire qui ont vu les contrats, les nouveaux termes autorisent ces compagnies à entreposer leur combustible irradié dans les usines de retraitement de La Hague et de Sellafield en Grande-Bretagne pendant 25 ans avant de décider si elles le feront retraiter ou non. Si elles ne le font pas retraiter, le combustible irradié sera rapatrié en Allemagne, des frais d’entreposages seront payés, mais aucune pénalité n’est prévue. Ces contrats concernent le combustible irradié produit jusqu’en 2005 avec une possible extension jusqu’en 2015 [26]. D’usine de retraitement, le site est en train de devenir un centre d’entreposage international, Cogéma allant jusqu’à accepter des déchets australiens pour lesquels elle n’a aucune autorisation de retraitement. La loi de 1991 ne contient malheureusement aucune sanction en cas d’infraction et n’a pas reçu de décrets d’application. L’ACRO condamne cette politique du fait accompli.

Avant même l’arrivée du combustible nucléaire australien, la Cogéma a assigné en référé Greenpeace devant le tribunal de grande instance de Cherbourg et demande de « faire interdire à Greenpeace ainsi qu’à toute personne se réclamant du mouvement Greenpeace de s’approcher à moins de 100 m des convois de combustible australien et ce sous astreinte de 500.000 F par infraction constatée ». Cette affaire montre le peu de cas que la compagnie fait de la liberté d’expression et de manifestation. Mais Greenpeace a retourné le référé en demandant à la Compagnie de prouver qu’elle avait bien l’autorisation de retraiter ces combustibles étrangers. S’en est suivi un bras de fer juridique où l’association a obtenu une interdiction du débarquement des déchets australiens. La Cogema a fait appel et a obtenu gain de cause auprès de la cour d’appel de Caen. Greenpeace a de nouveau déposé une assignation à jour fixe dans laquelle elle attaque la Cogema sur le fond du dossier. L’affaire est en cours. Mais ce sont surtout les actions spectaculaires de l’organisation qui ont permis que les médias s’intéressent à La Hague et qui marquent l’opinion. Ainsi à la même époque, à cause de la présence d’une poignée de militants de Greenpeace, le départ de combustibles MOx vers le Japon était accompagné d’un dispositif composé notamment de policiers du RAID, d’unités du Groupement d’intervention de la police nationale, d’un Elément Léger d’Intervention (ELI) de la gendarmerie mobile, des renseignements généraux, des commandos marine et d’une compagnie républicaine de sécurité (CRS). Malgré cela, le 19 janvier 2001, trois canots pneumatiques de l´organisation ont réussi à rentrer dans le port de Cherbourg, lâchant quatre plongeurs qui ont brandi des écriteaux dénonçant le MOx avant d´être appréhendés [27].

Au total, l’Allemagne doit encore rapatrier l’équivalent de 166 emballages de type “Castor” contenant des déchets hautement radioactifs, dont 127 en provenance de La Hague et 39 en provenance de Sellafield, selon le ministère de l’Environnement allemand. Sachant qu’un transport de déchet comprend en général six emballages Castor, il faudrait encore 14 ans, à raison de deux transports par an, pour rapatrier la totalité du stock de déchets allemands à l’étranger. A cela s’ajoutent les déchets faiblement et moyennement radioactifs oubliés par les autorités et la presse quand elles parlent du sujet. Malgré ces retours difficiles, la Cogéma espère accueillir une dizaine de convois de combustibles irradiés allemands par an. Le Réseau Sortir du Nucléaire dénonce à ce propos un marché de dupe. Aucun retour n’est prévu pour l’instant vers la Belgique, les Pays-Bas, la Suède…

Un régime de complaisance ?

Pendant l’été 2000, la France a accueilli dans la plus grande discrétion quatre transports de déchets nucléaires allemands vers La Hague. Il s’agit d’un stock de rebuts de MOx restant à l’usine d’Hanau (dans le Hesse), une usine de fabrication de Mox à l’arrêt depuis 1991. Suite à cette affaire, la Cogéma se retrouve assignée en référé par Didier Anger, conseiller régional Vert de Basse-Normandie et le CRILAN. Leur avocat s’appuie sur une lettre d’André-Claude Lacoste, directeur de la sûreté des installations nucléaires qui assure que “la Cogema n’est actuellement pas en possession d’une autorisation de traiter les lots d’assemblages en provenance de Hanau”. Mais lors de l’audience en référé, la compagnie a notamment insisté sur l’irrecevabilité du CRILAN en tant qu’association agréée pour se pourvoir en justice. Elle a été suivi par le tribunal, le comité n’ayant pas dans ses statuts l’autorisation de se pourvoir en justice pour ce cas précis. Didier Anger a lui aussi été débouté sur la forme. Le CRILAN a depuis changé ses statuts et peut se pourvoir en justice. Devant faire face à des manifestations violentes d’employés de la Cogéma, c’est sous protection policière que les représentants du CRILAN ont dû accéder au Tribunal lors de l’audience du 20 mars 2001 [28].

La création du CRILAN témoigne d’un désir d’une partie des habitants du Nord-Cotentin et d’ailleurs de lutter contre la nucléarisation forcenée de la presqu’île. L’association veille particulièrement à la légalité des décisions prises, au respect des lois et a entamé, pour ce faire, des luttes juridiques contre EDF, l’ANDRA et la Cogéma. En particulier, le 11 janvier 1999, elle a obtenu la mise en examen de la Cogéma pour mise en danger de la vie d’autrui. Les plaintes, déposées contre X en janvier 1994, portaient sur le non-retour des déchets étrangers. Mais le plus dure reste à faire, obtenir le débat en audience publique. La lutte juridique n’est pas une fin en soi, elle permet seulement de mettre en évidence que le nucléaire n’a jamais fait bon ménage avec l’état de droit [29].

Nucléaire et démocratie

Si le nucléaire est insoluble dans la démocratie, c’est particulièrement flagrant dans le Nord-Cotentin. Dans les années 1980 on doit à la CFDT, fortement impliquée dans les problèmes de société à cette époque, la vulgarisation à grande échelle des problèmes posés par l’ensemble de la filière [30]. Localement le syndicat du site de la Hague, majoritaire sur l’établissement, dénonce les conditions de travail dans les zones contaminées dans un film choc : “Condamnés à réussir” et informe les populations locales des incidents du site ayant un impact hors usine sur l’environnement. Cette époque est révolue et de nos jours, seules quelques associations militantes tentent d’organiser un débat public sur un sujet encore tabou. Lors de crises, elles deviennent les boucs-émissaires par lesquels le mal est arrivé. Et les industriels n’hésitent pas, par syndicats, associations complaisantes ou politiques interposés à jeter l’opprobe sur les contestataires. Pourtant, la contestation est légitime car contrairement aux risques naturels, les risques techno-scientifiques résultent de choix effectués par une poignée d’individus, alors que c’est l’ensemble de la population qui trinque en cas de problèmes. Toute crainte est qualifiée d’irrationnelle par les experts assermentés. A qui appartient la charge de la preuve ? Aux contestataires qui doivent prouver l’existence du risque ou à l’industrie et à l’administration qui doivent prouver et non affirmer l’absence de danger ? Et comment contester quand on a plus ou moins participé – ou profité comme parent d’un travailleur du nucléaire – à la construction ou au fonctionnement de la cage dans laquelle on est enfermé et que l’on est complice du mal qui peut toucher ses propres enfants ? En forçant le débat sur des questions excessivement complexes et en le portant sur la place publique, les associations citées font un travail héroïque. Pour certains militants locaux, sans elles, il ne serait pas possible de vivre dignement à La Hague [31].


[1] Le Commissariat à l’Energie Atomique, Découvertes Gallimard/CEA, 1995

[2] Lire à ce sujet Affaires atomiques, Dominique Lorentz, Les Arènes, 2001.

[3] L’aventure atomique, Bertrand Goldschmidt, Fayard, 1962. L’auteur a été un des dirigeants du CEA.

[4] In Atomes crochus, Rémi Mauger, FR3, 2000

[5] Lire La presqu’île au nucléaire, Françoise Zonabend, Odile Jacob, 1989

[6] Il faudra attendre 1999 pour qu’un bilan rétrospectif de l’impact cet accident soit réalisé et rendu public : Estimation des doses et du risque de leucémie associé, Groupe Radioécologie Nord-Cotentin, Rapport du groupe de travail n°4, Annexe 11, 1999. http://www.ipsn.fr/nord-cotentin

[7] Le C.S.M., Centre Sans Mémoire ?, hors série n°1 de l’ACROnique du nucléaire, décembre 1999. Entièrement consacré au Centre Manche.

[8] Toutes les citations sont extraites d’une interview à France-Soir du 17 avril 2000

[9] Voir Qualité radiologique des eaux marines et continentales du littoral normand, rapport d’étude ACRO/Agence de l’eau Seine-Normandie de juillet 1999 et l’ACROnique du nucléaire n°50, septembre 2000 (4 euros).

[10] Tous les détails de cette affaire sont ici.

[11] L’état de l’environnement dans la Hague, ACROnique du nucléaire n°28, mars 1995 et Silence n°197, novembre1995.

[12] Voir La santé publique atomisée, J.F. Viel, La Découverte, 1998.

[13] Rayonnements ionisants et santé : mesure des expositions à la radioactivité et surveillance des effets sur la santé, Alfred Spira et Odile Bouton, La Documentation Française, 1998 ; A-V Guizard et al, Journal of Epidemiology and Community Health n°55, juillet 2001.

[14] Travaux du groupe radio-écologie Nord-Cotentin : le doute subsiste sur les leucémies, ACROnique du nucléaire n°47, décembre 1999. L’intégralité de ces travaux est disponible auprès de l’IPSN ou en ligne http://www.ipsn.fr/nord-cotentin

[15] Interview de Anne de Lauvergeon, PDG de la COGEMA, dans Le Monde du 26 octobre 1999.

[16] Lire La Hague Danger zéro ?, David Boilley, Cahier de l’ACRO n°2, juin 2001.

[17] Directive EURATOM 96/29 publiée au JOCE n° L 159 du 29/06/1996 p. 0001 ? 0114 (à télécharger au format pdf). Cette directive aurait dû être traduite en droit français avant le 13 mai 2000.

[18] Etude économique prospective de la filière électrique nucléaire, rapport au gouvernement de J.M. Charpin, B. Dessus et R. Pellat, juillet 2000. Une synthèse et critique par B. Laponche a été publiée dans La Gazette nucléaire n°185/186 d’octobre 2000 (GSIEN, 2, rue François Villon, 91 400 Orsay, tél. : 01 60 10 03 49, fax. : 01 60 14 34 96).

[19] Les incidences radiologiques des options de gestion du combustible nucléaire usé, une étude comparative, AEN/OCDE, 2000. Les calculs de l’étude montrent que si la dose collective de la population vivant autour des mines et de ses travailleurs pourrait ainsi être réduite de 21%, c’est largement compensé par la dose reçue par la population vivant autour de l’usine de retraitement et ses travailleurs. Comme dans les faits seule une partie du plutonium est « recyclé », l’option retraitement est défavorable en terme de dose.

[20] Le recyclage des matières nucléaires : mythes et réalités, WISE Paris, mai 2000, http://www.wise-paris.org. (Télécharger le rapport au format pdf)

[21] Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du nord-est, http://www.ospar.org

[22] Plutonium and Aldermaston ? an historical account, UK Ministry of Defence (2000).

[23] La France et la prolifération nucléaire, les sous-marins nucléaires de nouvelle génération, Bruno Barrillot, observatoire des armes nucléaires françaises (Lyon) 2001, http://www.obsarm.org.
Voir aussi, Vers une quatrième génération d’armes nucléaires ?, David Boilley, ACROnique du nucléaire n°46, septembre 1999.

[24] MAN, 114 rue de Vaugirard, 75006 Paris, tél. 01 45 44 28 25, fax. 01 45 44 57 12, http://manco.free.fr/ ;
Stop Essais, 114 rue de Vaugirard, 75006 Paris ;
Mouvement de la Paix, 139 bd Victor Hugo, 93400 St Ouen, tél. 01 40 12 09 12, fax : 01 40 11 57 87, http://www.mvtpaix.org

[25] Ces déchets nucléaires dont on ne sait que faire, David Boilley, Le Monde Diplomatique, janvier 1998 et Manière de voir n°38, mars-avril 1998.

[26] Plutonium. Can Germany swear off?, Mark Hibbs, The Bulletin of the Atomic Scientists, mai/juin 2001.

[27] Lire Départs médiatiques et arrivées secrètes à l’usine Cogema de La Hague, extrait de la revue de presse de l’ACROnique du nucléaire n°53, juin 2001

[28] Ibidem

[29] Lire Nucléaire et état de droit n’ont jamais fait bon ménage…, Paulette Anger, l’ACROnique du nucléaire n°48, mars 2000.

[30] Voir le Dossier électronucléaire, Sciences, Points Seuil, éditions de 1975 et 1980.

[31] Lire à ce sujet les actes des troisièmes rencontres ACRO, nucléaire et démocratie, publiées dans l’ACROnique du nucléaire n°42, septembre 1998. En particulier, Est-il raisonnable d’avoir peur du nucléaire ?, par Yves Dupont et L’épidémiologie, entre science et pouvoir, par Jean-François Viel.

Ancien lien

Pour un contrôle renforcé du « petit nucléaire »

Par Pierre Barbey, Contrôle N°143, 15 novembre 2001


En juillet dernier, la publication d’un article dans Ouest France [1], au sujet des rejets radioactifs des hôpitaux a donné lieu à une mini polémique traditionnellement plus propre à l’industrie nucléaire. La dimension qu’a prise cette affaire (reprise par de nombreux média y compris sur le plan national..) [2] nous a, il faut bien le dire, surpris. De fait, les commentaires et questions qui nous sont parvenus nous ont permis de constater que pour nombre de nos concitoyens (et même d’observateurs) les rejets radioactifs étaient spécifiques de la seule industrie nucléaire.

Certes, il convient d’emblée de relativiser et d’indiquer clairement que les niveaux de rejets ne sont pas du même ordre de grandeur et surtout qu’ils sont très différents sur un plan qualitatif : Ce qui est une longue période en milieu hospitalier (i.e. l’iode 131 ; 8 jours) est une très courte période pour l’industrie nucléaire plus habituée à des radioéléments ayant des périodes de quelques dizaines d’années (produits de fission) à des dizaines de milliers d’années (transuraniens et certains produits d’activation).

Il n’en demeure pas moins que le contrôle du nucléaire diffus doit s’exercer avec une vigilance toute particulière. Si, pris à l’échelle individuelle, chaque installation présente en général un niveau de risque potentiel modeste (toujours par comparaison avec l’industrie), son caractère justement « diffus » en rend le contrôle plus souvent occasionnel quand il n’est pas absent. Pour illustration, rappelons que la C.I.R.E.A. [3] compte plusieurs milliers de titulaires d’une autorisation de détention de radioéléments sur le territoire national (tableau 1) :

 

Tableau n°1
1996
2000
titulaires en secteur médical (1ère section)
:
1900
1238
titulaires en secteur recherche/industrie (2ème
section) :
3900
3196
Total :
5800
4434

 
Une majeure partie de ces autorisations sont relatives aux sources scellées qui, dans des conditions normales d’emploi et de contrôle, ne sont pas vraiment problématiques pour l’environnement [4]. La partie restante concerne les sources non scellées qui, lors de leur utilisation, génèrent des déchets radioactifs ainsi que des rejets directs dans l’environnement sous la forme d’effluents (surtout liquides). On compte actuellement 1436 titulaires d’une autorisation en sources non scellées  qui se répartissent pour moitié en secteur médical et en secteur industrie/recherche.
Bien que le secteur industriel ne manque pas d’intérêt eu égard à la nature des sources mises en œuvre, nous n’évoquerons ici  que le secteur médical et le secteur de la recherche.

Le secteur médical

Au sein des hôpitaux, plus particulièrement des centres hospitalo-universitaires, plus d’une vingtaine de radio-isotopes différents (en sources non scellés) [5] sont susceptibles d’être utilisés dans les domaines du diagnostic et de la thérapie métabolique ainsi que les laboratoires d’analyses cliniques et de recherche (tableau 2). Si l’on excepte quelques isotopes (tritium, carbone 14, cobalt 57…) plus spécifiques des activités de laboratoire, la quasi totalité de ces radioéléments sont de période courte voir très courte, en tout état de cause inférieure à 100 jours. Néanmoins, les activités moyennes annuelles réceptionnées peuvent être très élevées. A titre indicatif, nous rapportons ici (tableau 2) les consommations, pour les années 1990 et 1991, des 62 établissements médicaux présents dans le bassin Seine-Normandie. Ces données renseignent fort utilement sur la nature des radioéléments employés et sur leur importance respective au sein des pratiques médicales ; cependant, compte tenu des périodes (parfois très courtes), elles ne peuvent renseigner sur le total détenu à un instant t et donc sur les rejets de ce moment-là.

Tableau 2
Consommations annuelles en sources non scellées pour 62 établissements
du bassin Seine-Normandie

Isotope
Période
Emissions
Activité réceptionnée (kBq)
1990
1991
99mTc
6,0 heures
g
, e
50 731 856 500
61 544 236 000
131I
8,0 jours
b
g
3 989 743 058
4 021 142 237
201Tl
3,0 jours
g
, e
1 878 139 100
1 887 168 532
133Xe
5,2 jours
X, g
b
, e
2 107 893 500
2 592 182 000
123I
13,2 heures
X, g
, e
181 734 750
180 815 779
67Ga
3,26 jours
g
, e
119 781 000
106 982 300
111In
2,8 jours
g
, e
103 658 000
116 164 360
32P
14,3 jours
b
88 390 975
85 625 525
186Re
3,78 jours
X, g
b
, e
70 559 000
58 763 400
51Cr
27,7 jours
g
54 246 735
63 048 000
125I
60 jours
X, g
, e
54 577 407
48 142 804
3H
12,3 ans
b
43 436 787
30 849 155
90Y
2,7 jours
b
37 666 000
41 077 000
169Er
9,4 jours
b
16 687 000
18 833 000
35S
87,5 jours
b
12 950 832
22 122 450
85Sr
64,9 jours
g
1 184 000
3 700 000
59Fe
44,5 jours
b
g
934 250
701 650
14C
5730 ans
b
507 806
2 039 026
64Cu
12,7 heures
b+
g
370 000
111 000
45Ca
163 jours
b
296 000
148 000
57Co
272 jours
g
88 113
282 014
75Se
120 jours
g
, e
24 050
11 100
Activité totale
59 494 724 863
70 824 145 332
N.B.: autres radionucléides, non mentionnés ci-dessus mais susceptibles d’être présents en milieu hospitalier : Sodium 22, Phosphore 33, Cobalt 58, Strontium 89, Samarium 153…

Sans avoir exercé un suivi régulier, l’ACRO dispose néanmoins de quelques résultats de mesures effectués à l’émissaire de structures hospitalières caennaises : le maximum enregistré en 99mTc est de 4400 Bq/L (le plus souvent autour de 1000 Bq/L). D’autres radioéléments, dont l’131I, sont également détectés à des niveaux n’excédant pas 100 Bq/L [7]. Des valeurs analogues ou plus importantes (jusqu’à 10 fois plus) ont été relevées dans d’autre villes par d’autres organismes (CRII-RAD, OPRI).

A l’origine de l’article de Ouest-France précédemment cité, la publication dans l’ACROnique du nucléaire et sur notre site internet [8] d’une étude réalisée par notre association (à la demande de l’Agence de l’Eau Seine Normandie) sur l’impact environnemental des rejets hospitaliers. Cette étude centrée sur la station d’épuration de la ville avait pour objet d’interpréter le devenir des radionucléides artificiels au sein d’une telle installation. La contamination du réseau est essentiellement due au 99mTc et à l’131I, radioéléments présents chaque jour ouvré selon un profil caractéristique de l’activité quotidienne (figure 1).

Figure 1 : Variation du flux de 99mTc (MBq/heure), mesuré dans les eaux usées à l’entrée de la station (16/06/99).

Variation du flux de 99mTc (MBq/heure), mesuré dans les eaux usées à l'entrée de la station (16/06/99).La charge totale entrante estimée pour une journée est importante, de l’ordre de 4000 MBq pour 99mTc et de 15 à 300 MBq pour 131I. La radioactivité se concentre de façon dominante dans les boues. En fin de traitement, celles-ci sont incinérées et l’on retrouve ces radioéléments (111In, 67Ga, 201Tl…) dans les cendres à l’exception de 131I (présent dans les boues) qui serait transféré dans les eaux de lavage des fumées. En sortie de station, les eaux traitées sont encore clairement marquées par le 99mTc (avec un facteur significatif de dépollution) et par l’131I (avec un facteur de dépollution plus modeste). Seul l’131I est détecté dans les sédiments de la rivière qui recueille ces eaux traitées.

En fait, ces données ne traduisent pas seulement les rejets directs effectués par les structures hospitalières mais aussi (pour une part difficile à déterminer en l’état actuel) les multiples sources diffuses constituées par les patients eux-mêmes traités en ambulatoire. Ce qui pose là un réel problème sur lequel nous reviendrons.

Le secteur de la recherche

Il conviendrait de parler de façon plus judicieuse du secteur enseignement/recherche (universités, grands organismes nationaux…), pour lequel l’emploi de sources scellées et non scellées est également important. En l’absence de donnée nationales accessibles, nous l’illustrerons en prenant l’exemple d’une université de taille moyenne. On compte dans cette université une centaine de sources scellées pour une activité totale de près de 150 GBq. Elles sont principalement utilisées dans les secteurs de l’enseignement de physique nucléaire (consacré à des travaux pratiques portant sur l’étude des propriétés physiques des radiations) mais aussi dans les laboratoires de recherche (étalonnage, calibration, détecteurs CE…). Les principaux radioéléments rencontrés sont : 241Am, 226Ra, 210Po, 60Co, 90Sr, 133Ba, 137Cs, 54Mn, 22Na, 204Tl, 63Ni… Lors de leur détention, la crainte de la perte ou du vol d’une source n’est pas à exclure. En fin d’utilisation ou au bout de 10 ans [9], elles sont destinées à être considérées comme des déchets radioactifs.
Dans le domaine des sources non scellées, on retrouve ici les isotopes classiquement employés pour le marquage de molécules (organiques et inorganiques) ou de structures cellulaires et tissulaires (tableau 3) :

Tableau 3

Protocoles expérimentaux
Radio-isotopes
radio-traceurs dans des
études métaboliques,
3H, 14C, 35S
études de prolifération
cellulaire
3H, 14C
techniques de liaison
de ligands (réceptologie),
3H, 14C, 35S, 125I
dosages radio-immunologiques,
3H, 14C, 125I
constitution de sondes
moléculaires,
35S, 32P, 33P
techniques de phosphorylation
de protéines,
32P, 33P
tests de cytotoxicité,
51Cr
techniques de iodination
de protéines,
125I
techniques de microscopie
électroniques
Sels d’uranium

Un bilan rétrospectif conduit sur 6 années dans cette université montre qu’elle a réceptionné durant cette période 629 colis de sources non scellées pour un total de 40 GBq (hors sels d’uranium), soit une centaine de sources et une activité moyenne de 6500 MBq par an.

L’envoi de déchets radioactifs (solides et liquides) n’apparaît que depuis le début des années 90. On a tout lieu de penser que jusqu’à la fin des années 80, ici comme dans d’autres universités, les rejets banalisés dans l’environnement pourraient avoir été le principal mode de gestion des déchets radioactifs.

Les contrôles étaient certes peu présents mais en outre, et contrairement aux déchets hospitaliers, ils concernent de façon dominante des radioémetteurs bêta beaucoup plus difficiles à détecter dans des échantillons de l’environnement.

Faire évoluer les mentalités

Faire évoluer les mentalités pour que les exigences de la société actuelle en matière de protection de l’environnement soient prises en compte est sans doute un premier pas indispensable.

Dans le secteur de la recherche, il y a lieu, par la formation, d’inverser cette tendance à considérer les sources irradiantes (32P, 125I..) comme « dangereuses » et par là-même à banaliser l’emploi de sources non irradiantes (3H, 14C..) mais qui sont aussi les plus dommageables pour l’environnement [10]. Les aspects économiques [11] ne militent pas vraiment en ce sens. Pour les isotopes de longue période, le fait d’intégrer (au moins en partie) le coût de l’élimination des déchets lors de l’achat de la source pourrait constituer une mesure incitative. Cette préoccupation doit être soulignée pour plusieurs raisons. D’abord, le 3H se présente ici le plus souvent sous des formes organiques (à fort tropisme pour des cibles cellulaires) et présente donc un caractère de radiotoxicité beaucoup plus élevé. Ensuite, le contrôle et la traçabilité de ces éléments sont plus difficiles (en particulier, contrairement aux déchets hospitaliers, ils ne risquent pas de déclencher les détecteurs placés à l’entrée des sites déchets de classe I).

Dans un passé récent, on a demandé au médecin de ne pas se contenter de soigner mais aussi de prendre en compte la douleur du patient. Il n’est pas insensé de lui demander aujourd’hui de réfléchir aux implications de ses pratiques hors de l’hôpital. Cela passe d’abord par une application sans faille du principe de justification (art. 3 de la directive n° 97/43/CE). Renoncer aux examens inutiles peut être un premier moyen de limiter les rejets. Modifier ou remplacer des examens existants par de nouveaux protocoles ou de nouvelles techniques moins pénalisants (en terme de dose) d’abord pour le patient et le personnel mais sans doute aussi, par contre coup, pour l’environnement.  Enfin réfléchir aussi à des procédés techniques et à des protocoles de rejets visant à augmenter le temps de rétention. Nous l’avons souligné, le secteur médical dispose d’un grand atout par rapport à l’industrie nucléaire : la courte période de ses radioéléments qui autorise une gestion sur site avant rejet banalisé. Pour autant cela ne règle pas toutes les questions et en particulier le problème du patient traité en ambulatoire et qui continue chez lui à évacuer de la radioactivité. La réponse n’est pas simple car elle implique des choix qui nécessitent des évaluations préalables :

  • retenir plus longtemps le patient à l’hôpital : on évite des doses pour son entourage et on protège mieux l’environnement mais ce sera un surcoût économique réel pour la société et le patient peut s’en trouver affecté ;
  • collecter les urines à domicile (pendant un temps fonction de la période) : on évite à coup sûr des doses pour les personnels des réseaux et des stations mais peut-être au prix d’un transfert de dose sur l’entourage du patient…

Comme on le voit, ce questionnement relève aussi du débat publique, et le réclamer ne signifie pas pour autant que nous « remettons en cause la médecine nucléaire »…

Au-delà de la réflexion nécessairement collective, il y a lieu de réglementer. En la matière, une explication de texte s’avère pour le moins nécessaire. On nous explique que les dispositions de l’arrêté du 30 octobre 1981 ne s’appliqueraient qu’à une partie restreinte des installations hospitalières. Pourtant l’article 8 [qui institue les cuves de stockage et la limite de rejet à 7 Bq/L] est placé sous le TITRE II intitulé « conditions communes exigées pour toutes les installations » (…dans lesquelles sont utilisées des radioéléments en sources non scellées). En tout état de cause, il est incohérent qu’un dispositif réglementaire régisse avec rigueur certains locaux et se montre en même temps tout à fait laxiste sur d’autres locaux de ces mêmes installations.

Des risques de déréglementation

Les mesures d’exemption s’inspirant de la Directive Euratom 96/29, et qui sont en passe d’être reprises dans les décrets à venir, risquent fort de contribuer à une déréglementation si l’on compare au système actuellement en vigueur. Ce système est bâti sur une gradation du contrôle fonction de l’activité détenue que l’on peut résumer ainsi (tableau 4) :

Tableau 4

Dispositif réglementaire actuel selon l’activité
détenue
Situation qui échappe à un contrôle réel
Procédure d’Autorisation CIREA
Procédure ICPE régime de Déclaration
Procédure ICPE régime d’Autorisation
Procédure d’Autorisation INB

Dans le projet de décret « population », la procédure d’Autorisation [CIREA/OPRI] se confond avec la procédure de Déclaration à partir de valeurs limites (Tableau A – annexe II). La 2ème colonne du tableau ci-dessus disparaît donc de fait.

En clair, pour illustration, si l’on prend l’exemple de quelques radionucléides très présents dans les secteurs recherche et hôpitaux (laboratoires), les situations comparatives sont les suivantes :

 Tableau 5
Exemples de valeurs limites (activité totale détenue) pour quelques radionucléides (en sources non scellées) selon la nature du dispositif

 

 

Tritium
P32
P33
I125
I129
Limite pour l’application
du décret n° 86-1103 impliquant la procédure d’autorisation
CIREA
5 MBq
0,5 MBq
0,5 MBq
0,05 MBq
5 MBq
Limite pour la déclaration
ICPE (rubrique 1710)
370 MBq
37 MBq
37 MBq
37 MBq
370 MBq
Limite [12] proposée
par la Directive n°96/29 et reprise par le projet de décret
« population »
1000 MBq
0,1 MBq
100 MBq
1 MBq
0,1 MBq

 

 

 

 

 

Coefficient de dose efficace
engagée [13] (en nSv/Bq)
18.10-3
2,4
0,24
15
110
L.A.I. [14] (ingestion)
en Bq
3.109
2.107
2.108
1.106
0,2.106

Sur le 1er exemple cité, celui du tritium, on constate un facteur 200 entre le dispositif actuel et la proposition de la Directive européenne. Retenir la valeur de la Directive serait donc un net retour en arrière. Concrètement, cela signifie que nombre de laboratoires  utilisant moins de 1 GBq de tritium pourraient donc échapper à tout dispositif réglementaire et par conséquent à tout contrôle (alors que cette frontière est actuellement fixée à 5 MBq). Fait d’autant plus grave, que ces établissements mettent en œuvre du tritium sous forme de molécules marquées et les utilisateurs, en l’absence de données réglementaires, font comme s’il s’agissait de tritium libre qui  est manipulé. Il serait donc en outre utile que la réglementation relative au dispositif de déclaration/autorisation prenne en compte cette distinction tritium libre / molécules tritiées [15].

A l’instar du Tritium, on observe  avec le 33P ce même facteur 200 entre le dispositif actuel et la proposition de la Directive européenne. L’exemple du couple 32P/33P (tableau 5 – colonnes 2-3) est également présenté pour illustrer la nécessité de prendre les valeurs de la directive avec précaution. Pour ces 2 isotopes bêta de courte période, il y a un facteur 1000 entre leur valeur d’exemption alors que les coefficients de dose engagée, proposés par cette même directive, ne s’écartent que d’un facteur 10. Comme les modes d’incorporation  de deux isotopes d’un même élément ne sont pas différents, cette discordance n’est pas compréhensible.

Enfin, mais cette fois à l’opposé, la directive propose à juste titre une valeur nettement plus restrictive pour ce qui concerne l’129I. Cette valeur est cohérente avec les coefficients de dose engagée des isotopes de l’iode, alors que le dispositif national en vigueur souffre d’une réelle discordance entre les valeurs limite (application du décret et déclaration) et les valeurs des L.A.I. propres aux isotopes de l’iode (tableau 5 – colonnes 4-5).

De notre point de vue, les valeurs d’exemption de la Directive Euratom 96/29 peuvent être retenues dès lors qu’elles sont plus restrictives que le dispositif actuellement en vigueur ; lorsqu’elles sont plus laxistes, il convient de conserver celles de notre système actuel. La France a tout le loisir de faire mieux que le contenu de la Directive européenne.


Liens

Sur notre site

Autres sites

  • Le dossier de la revue contrôle n°143 dont est extrait l’article.

[1] Ouest France du 21 juillet 2001.

[2] A.F.P. du 24 juillet, France 3 des 25 et 26 juillet ; Libération du 8 août 2001…

[3] Commission Interministérielle des RadioEléments Artificiels.

[4] Cependant, au terme de leur utilisation, elles deviennent un réel problème environnemental puisqu’elles constituent alors des déchets radioactifs.

[5] Données année 2000 – source CIREA.

[6] Des sources scellées sont bien évidemment également détenues au sein des hôpitaux ; sur ce point, on se reportera à l’article de G. KALIFA dans ce même numéro de Contrôle.

[7] Valeur-guide fixée par la récente circulaire DGS/2001-323 du 09 juillet dernier.

[8] L’ACROnique du nucléaire n° 53 ? 2ème trimestre 2001 ; Rapport disponible en ligne ici.

[9] Conditions Particulières d’Autorisation instaurées par la CIREA en mars 1990.

[10] Dans le cas de l’Université prise en exemple, par une politique volontaire d’information des utilisateurs, il a été possible de réduire par un facteur 3 les activités réceptionnées en 14C en l’espace de quelques années.

[11] L’acquisition d’une source de 37 MBq de 3H peut être de l’ordre de 2000 F ; alors que son élimination (sous forme de déchets liquides) sera de l’ordre de 5000 F si elle est opérée selon la voie réglementaire…

[12] Valeurs d’exemption – art. 3 alinéa 2 – tableau A de l’annexe I.

[13] Directive n°96/29 ? annexe III ; tableau C: Valeurs pour les travailleurs ? voie ingestion.

[14] Décret n° 86-1103 ? annexe IV (valeurs pour les travailleurs ? voie ingestion).

[15] Les fiches radiotoxicologiques publiées par l’INRS et l’OPRI suggèrent un “ facteur d’abaissement” de 50 (il ne s’agit que de recommandations…).

Ancien lien

Un problème de santé publique : le radon

Combat Nature n°134, août 2001


Gaz radioactif naturel, le radon peut poser des problèmes de santé lorsqu’il s’accumule dans les habitations. Facile à détecter et à éliminer, il devrait être plus systématiquement recherché.


Le radon provient de la désintégration de l’uranium 238 présent dans des proportions diverses dans les roches, principalement dans le granit (voir la chaîne de désintégration ci-contre). C’est un gaz rare, c’est à dire sans activité chimique, qui peut donc migrer dans le sol. Ayant une durée de vie courte (3,8 jours), la plus grande partie se désintègre dans le sol ou dans l’atmosphère sans nuisance. En cas de pénétration dans les habitations, il a tendance à s’accumuler dans les parties basses car il est plus lourd que l’air. Une exposition prolongée au radon peut alors avoir des conséquences pour la santé.

La principale source de radon dans les maisons provient d’émanations du sol et/ou de formations rocheuses souterraines. Les concentrations élevées sont généralement associées aux roches granitiques, volcaniques, aux schistes et à des roches sédimentaires contenant du quartz. Ainsi le centre de la France, la Bretagne, les Vosges, les Alpes ou la Corse sont particulièrement exposés. Mais même en Champagne, où les terrains sont surtout calcaires ou argileux, des valeurs étonnamment élevées ont été détectées. Le radon provenant du socle sous-jacent a, par conséquent, traversé toutes les couches sédimentaires dont les fameuses argiles du Callovo-Oxfordien, où l’ANDRA espère enfouir des déchets nucléaires… Dans une même région, deux maisons voisines peuvent avoir des concentrations très différentes en fonction du terrain sur lequel elles sont bâties (présence de failles ou fissures), le mode de construction et l’aération. En hiver, les concentrations sont généralement plus élevées qu’en été, ainsi que la nuit par rapport au jour. A proximité des mines d’uranium, de dépôts uranifères ou de phosphates, l’exposition peut être très élevée. Surtout si, comme c’est parfois le cas, des résidus miniers uranifères ont été utilisés comme matériau de construction. Ce n’est qu’à partir de 1983 que leur utilisation à été limitée aux remblais routiers.

Lors de son étude sur l’augmentation de leucémies chez les jeunes à La Hague, le professeur Viel a mis en évidence une Dépistage obligatoire du radon corrélation avec le fait d’habiter dans une maison en granit. Mais ce sont surtout les risques de cancer du poumon qui sont à craindre. En effet, le rayonnement alpha émis par le radon et certains de ses descendants, est constitué d’un noyau d’hélium qui est facilement arrêté par les tissus pulmonaires. Pour les fumeurs, les risques sont beaucoup plus grands. Des enquêtes épidémiologiques ont mis en évidence une corrélation entre l’exposition au radon dans les mines et l’apparition de cancers du poumon chez les mineurs. Aux Etats-Unis, selon l’agence pour la protection de l’environnement (EPA), le radon serait à l’origine de 7 000 à 30 000 morts par an. Parce qu’il est facile à détecter, cette agence recommande que chaque maison soit contrôlée.

Pour cela, un détecteur ad hoc (voir fiche technique) doit être placé de 15 jours à quelques mois dans la pièce suspectée ou dans celle où l’on passe le plus de temps. Cela permet de connaître la concentration moyenne en radon dans l’air pendant la période de mesure. Le résultat est exprimé en becquerel par mètre cube (Bq/m3), le becquerel correspondant à une désintégration par seconde. Les pouvoirs publics, après avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France, ont émis les recommandations suivantes (circulaire DGS/DGUHC n°99/46 du 27 janvier 1999) :

  • 1000 Bq/m3 : seuil d’alerte justifiant la prise rapide de mesures conséquentes ; possibilité de fermeture dans la cas d’un bâtiment public.
  • 400 Bq/m3 : seuil de précaution au dessus duquel il est souhaitable d’entreprendre des mesures correctrices simples.
  • 200 Bq/m3 : valeur guide à ne pas dépasser pour les bâtiments à construire.

Aux Etats-Unis, l’EPA recommande de maintenir un niveau moyen inférieur à 148 Bq/m3 et rappelle que même en dessous de cette limite, le radon est nocif. En cas de dépassement de ces limites, il est donc souhaitable d’entreprendre des travaux pour limiter le radon, soit en l’évacuant par ventilation ou en l’empêchant d’entrer. Souvent, des mesures très simples suffisent, mais, contrairement au Canada, aucune subvention d’Etat n’est prévue en cas de coûts élevés.

Les autorités françaises sont donc plus réservées que les américaines et il n’y a pas de dépistage systématique. Seule une circulaire émet quelques recommandations qui ne sont pas toujours respectées. Un Atlas du radon, créé récemment par l’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN), présente des statistiques sur les mesures effectuées. Mais, certaines valeurs extrêmes ont été volontairement écartées. Selon un des responsables de la radioprotection au sein de cet institut (Le Figaro du 19 février 2001) : ” Nous ne voulons pas rentrer dans la logique du pire, car c’est contre-productif. Le stress, lui aussi, est pathogène “. C’est à cause de ce genre d’attitude des autorités que l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest, a été créée à la suite de la catastrophe de Tchernobyl. Dotée d’un laboratoire indépendant d’analyse de la radioactivité, elle a pour but de permettre au citoyen de s’approprier la surveillance de son environnement. La mesure du radon, simple et bon marché, est un des services proposés.

Invisible, inodore, le gaz radon passe inaperçu. Bien que posant des problèmes de santé publique, il ne constitue pas non plus une des priorités des autorités sanitaires. Il serait pourtant prudent, surtout pour les personnes habitant dans des régions où des niveaux élevés existent, de contrôler leur maison et/ou leur lieu de travail. L’IPSN estime que 75 000 habitations de notre pays se situent au-delà du seuil d’alerte de 1000 Bq/m3.

Agrément radon pour la mesure dans les établissement recevant du public :

Dans le cadre des textes réglementaires récents concernant la gestion du risque radon dans les lieux accueillant du public, l’ACRO dispose d’un agrément relatif aux mesures de radon effectuées en vue d’un dépistage ou d’un contrôle pour vérifier les niveaux d’activité en radon définis en application de l’article R.1333-15 du code de la santé publique (niveau N1).

Cet agrément délivré par la « Commission Nationale d’agrément des organismes habilités à procéder aux mesures d’activité volumique du radon dans les lieux ouverts au public » est publié au Journal Officiel n° 200 du 28 août 2004 page 15448 et prend effet au 15 septembre 2004 pour une durée de 12 mois.
Le radon provient de la désintégration de l’uranium 238 présent dans des proportions diverses dans les roches, principalement dans le granit (voir la chaîne de désintégration ci-contre). C’est un gaz rare, c’est à dire sans activité chimique, qui peut donc migrer dans le sol. Ayant une durée de vie courte (3,8 jours), la plus grande partie se désintègre dans le sol ou dans l’atmosphère sans nuisance. En cas de pénétration dans les habitations, il a tendance à s’accumuler dans les parties basses car il est plus lourd que l’air. Une exposition prolongée au radon peut alors avoir des conséquences pour la santé.

La principale source de radon dans les maisons provient d’émanations du sol et/ou de formations rocheuses souterraines. Les concentrations élevées sont généralement associées aux roches granitiques, volcaniques, aux schistes et à des roches sédimentaires contenant du quartz. Ainsi le centre de la France, la Bretagne, les Vosges, les Alpes ou la Corse sont particulièrement exposés. Mais même en Champagne, où les terrains sont surtout calcaires ou argileux, des valeurs étonnamment élevées ont été détectées. Le radon provenant du socle sous-jacent a, par conséquent, traversé toutes les couches sédimentaires dont les fameuses argiles du Callovo-Oxfordien, où l’ANDRA espère enfouir des déchets nucléaires… Dans une même région, deux maisons voisines peuvent avoir des concentrations très différentes en fonction du terrain sur lequel elles sont bâties (présence de failles ou fissures), le mode de construction et l’aération. En hiver, les concentrations sont généralement plus élevées qu’en été, ainsi que la nuit par rapport au jour. A proximité des mines d’uranium, de dépôts uranifères ou de phosphates, l’exposition peut être très élevée. Surtout si, comme c’est parfois le cas, des résidus miniers uranifères ont été utilisés comme matériau de construction. Ce n’est qu’à partir de 1983 que leur utilisation à été limitée aux remblais routiers.

Lors de son étude sur l’augmentation de leucémies chez les jeunes à La Hague, le professeur Viel a mis en évidence une corrélation avec le fait d’habiter dans une maison en granit. Mais ce sont surtout les risques de cancer du poumon qui sont à craindre. En effet, le rayonnement alpha émis par le radon et certains de ses descendants, est constitué d’un noyau d’hélium qui est facilement arrêté par les tissus pulmonaires. Pour les fumeurs, les risques sont beaucoup plus grands. Des enquêtes épidémiologiques ont mis en évidence une corrélation entre l’exposition au radon dans les mines et l’apparition de cancers du poumon chez les mineurs. Aux Etats-Unis, selon l’agence pour la protection de l’environnement (EPA), le radon serait à l’origine de 7 000 à 30 000 morts par an. Parce qu’il est facile à détecter, cette agence recommande que chaque maison soit contrôlée.

Pour cela, un détecteur ad hoc (voir fiche technique) doit être placé de 15 jours à quelques mois dans la pièce suspectée ou dans celle où l’on passe le plus de temps. Cela permet de connaître la concentration moyenne en radon dans l’air pendant la période de mesure. Le résultat est exprimé en becquerel par mètre cube (Bq/m3), le becquerel correspondant à une désintégration par seconde. Les pouvoirs publics, après avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France, ont émis les recommandations suivantes (circulaire DGS/DGUHC n°99/46 du 27 janvier 1999) :

1000 Bq/m3 : seuil d’alerte justifiant la prise rapide de mesures conséquentes ; possibilité de fermeture dans la cas d’un bâtiment public.
400 Bq/m3 : seuil de précaution au dessus duquel il est souhaitable d’entreprendre des mesures correctrices simples.
200 Bq/m3 : valeur guide à ne pas dépasser pour les bâtiments à construire.

Aux Etats-Unis, l’EPA recommande de maintenir un niveau moyen inférieur à 148 Bq/m3 et rappelle que même en dessous de cette limite, le radon est nocif. En cas de dépassement de ces limites, il est donc souhaitable d’entreprendre des travaux pour limiter le radon, soit en l’évacuant par ventilation ou en l’empêchant d’entrer. Souvent, des mesures très simples suffisent, mais, contrairement au Canada, aucune subvention d’Etat n’est prévue en cas de coûts élevés.

Les autorités françaises sont donc plus réservées que les américaines et il n’y a pas de dépistage systématique. Seule une circulaire émet quelques recommandations qui ne sont pas toujours respectées. Un Atlas du radon, créé récemment par l’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN), présente des statistiques sur les mesures effectuées. Mais, certaines valeurs extrêmes ont été volontairement écartées. Selon un des responsables de la radioprotection au sein de cet institut (Le Figaro du 19 février 2001) : ” Nous ne voulons pas rentrer dans la logique du pire, car c’est contre-productif. Le stress, lui aussi, est pathogène “. C’est à cause de ce genre d’attitude des autorités que l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest, a été créée à la suite de la catastrophe de Tchernobyl. Dotée d’un laboratoire indépendant d’analyse de la radioactivité, elle a pour but de permettre au citoyen de s’approprier la surveillance de son environnement. La mesure du radon, simple et bon marché, est un des services proposés.

Invisible, inodore, le gaz radon passe inaperçu. Bien que posant des problèmes de santé publique, il ne constitue pas non plus une des priorités des autorités sanitaires. Il serait pourtant prudent, surtout pour les personnes habitant dans des régions où des niveaux élevés existent, de contrôler leur maison et/ou leur lieu de travail. L’IPSN estime que 75 000 habitations de notre pays se situent au-delà du seuil d’alerte de 1000 Bq/m3.

Pour faire une analyse radon : un détecteur peut être envoyé par la poste avec une simple notice d’utilisation. La méthode de mesure retenue par l’ACRO est conforme à la norme AFNOR NF M 60-766 et est bon marché (20 euros HT par analyse + frais de port).
Pour en savoir plus : l’ACROnique du nucléaire n°44 de mars 1999 consacre un dossier au radon, 4 euros, frais de port inclus.
Liens :
– Dépistage obligatoire du radon, plaquette de présentation
– La mesure du radon, fiche technique extraite de l’ACROnique du nucléaire n°44, mars 1999
– L’atlas radon de l’IPSN
– Le radon dans l’habitat par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment
– Ministère de la santé du Canada, avec un guide à l’usage des propriétaires
– L’aide financière canadienne pour faire face au radon
– La liste des publications sur le radon de l’Environment Protection Agency, Etats-Unis (en anglais)
Textes de référence :
Articles R.1333-15 et R.1333.16 du code de la santé publique.
Arrêté du 15 juillet 2003 relatif aux conditions d’agrément d’organismes habilités à procéder aux mesures d’activité volumique de radon dans les lieux ouverts au public.
Arrêté du 23 octobre 2003 portant nomination à la Commission nationale d’agrément des organismes habilités a procéder aux mesures d’activité volumique du radon dans les lieux ouverts au public.
Circulaire DGS/SD 7 D n°2001-303 du 20 juillet 2001 relative à la gestion du risque lié au radon dans les établissements recevant du public (ERP).

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La Hague : danger zéro ?

David Boilley, Cahier de l’ACRO n°2, juin 2001


La COGEMA a dépensé 23 millions de francs pour tenter de faire croire que ses rejets radioactifs dans l’environnement étaient sans danger sur la santé. Pourtant des études officielles montrent que le doute persiste quant à l’impact de ces rejets.


Le Groupe COGEMA a investi 23 millions de francs dans une campagne de communication car il “considère le public comme un interlocuteur avec lequel un dialogue serein doit être engagé”. Le lancement a été assuré par la présidente du groupe, Anne Lauvergeon, dans une interview qu’elle a donnée au journal Le Monde [1] du 29 octobre 1999. Après avoir insisté sur la nouvelle politique de transparence du groupe, elle explique :

“Dans le passé, des polémiques sont nées des effets supposés des rejets de La Hague et de la centrale nucléaire de Flamanville, sur la santé des populations du Nord-Cotentin. Des études, démenties depuis, ont fait craindre une hausse des leucémies, du fait de nos activités dans cette région. Les inquiétudes ont été telles que nous ne pouvons pas les ignorer. Nous allons donc lancer un concept nouveau : ” Le zéro impact pour la santé “, en agissant sur le niveau des rejets de nos activités. Pour cela, nous retenons les critères des experts internationaux, en particulier ceux de la CIPR (Commission internationale de protection contre les rayonnements ionisants). Pour eux, à 30 microsieverts ? unité qui mesure les conséquences biologiques de la radioactivité sur l’organisme ? par personne et par an, il n’y a pas de risque pour la santé. Nous nous engageons donc à ce que les activités de La Hague produisent moins de 30 microsieverts par personne et par an, pour les populations ayant le maximum d’exposition. C’est une première mondiale. Personne ne s’est fixé sur ce standard très exigeant. Pour comparaison, le standard européen est de 1 000 microsieverts par personne et par an. Pour éviter toute contestation, nous retenons une méthodologie de mesure qui a reçu l’approbation des ministères de l’environnement et de la santé, des associations écologistes et vertes, de Cogema et d’EDF. Il s’agit de celle définie dans le cadre de l’étude dirigée par Annie Sugier.”

Cette argumentation a été reprise dans de nombreux autres documents de la compagnie et sur son site internet. Interrogée par l’ACRO sur le prétendu seuil d’innocuité sur lequel se base toute l’argumentation de la COGEMA, la CIPR, par l’intermédiaire de son secrétaire scientifique, Jack Valentin, est formelle : “La CIPR ne prétend pas qu’il n’y a pas de risque pour la santé en dessous de 30 microsieverts. Une telle affirmation serait en contradiction avec l’hypothèse de la publication n°60 et de nombreux autres rapports d’une relation linéaire et sans seuil entre la dose et les effets à faible dose. Mon impression est qu’il y a eu une incompréhension de la position de la CIPR.” [2] Concernant la méthodologie utilisée dans l’étude dirigée par Annie Sugier pour calculer la dose subie par la population, elle a fait l’objet de réserves de la part de l’ACRO et du GSIEN [3] et la CRII-Rad [4] a refusé de signer le rapport. Dans ses réserves, l’ACRO “pense que [les modèles aériens] utilisés par le Comité ne peuvent en l’état devenir des références”[5]. A quelles associations écologistes et vertes la COGEMA fait-elle allusion ?

La publication de résultats d’études sur une augmentation du taux de leucémies à La Hague avait effectivement fortement inquiété la population et avait conduit les Ministres de la Santé et de l’Environnement à mettre en place le Comité Nord-Cotentin dont les conclusions sont adaptées par la COGEMA. Le ton avait été donné avant même la fin des travaux par une fuite savamment organisée : Le Point du 2 juillet 1999 titrait “La Hague : danger zéro”. Ces mensonges ont ensuite été repris par l’industrie nucléaire allemande et japonaise. Il est donc nécessaire de faire connaître ces travaux.

C’est à la suite de l’émotion suscitée par la publication des travaux de J.F. Viel [6] concernant l’existence d’une augmentation du nombre de leucémies chez les moins de 25 ans dans La Hague et le lien suggéré avec la fréquentation des plages et la consommation de produits marins, que le Comité Nord-Cotentin a été mis en place en 1997. Alfred Spira de l’INSERM est chargé de mener les recherches en épidémiologie ; Annie Sugier de l’IPSN est nommée pour présider le Groupe Radioécologie Nord-Cotentin, dont le rapport a été rendu public le 7 juillet 1999 [7].

En octobre 1997, Alfred Spira, qui a travaillé avec « l’Association du registre des cancers de la Manche », présente les premiers résultats d’une étude portant sur les années 93-96 [8]. Aucun cas de leucémie supplémentaire n’a été enregistré sur cette période, ce dont tout le monde se réjouit. J.F. Viel avait observé 4 cas dans un rayon de 10 km autour de l’usine, alors que 1,4 cas étaient attendus entre 78 et 92. Cette incidence est statistiquement significative. Sur la période 78-96 qui inclut les deux études, 2,07 cas sont attendus et la sur-incidence de 4 cas n’est plus statistiquement significative. Cette “dilution” est utilisée pour affirmer que la hausse du taux de leucémie a été démentie. Mais en 1998, un nouveau cas est enregistré et l’incidence redevient significative… Dans une nouvelle étude publiée en juillet 2001 [9] la même équipe montre que c’est chez les 5-9 ans qu’il y a le plus fort excès : 3 cas observés entre 1978 et 1998 pour 0,47 cas attendus, soit un ratio de 6,4.

Les missions du Groupe Radioécologie consistaient en l’évaluation du “risque de leucémie attribuable [aux seules sources de rayonnement ionisants] […] pour les jeunes (0 – 24 ans) du canton de Beaumont-Hague” et ne pourrait être “confondu[e] avec un calcul global de l’impact sanitaire lié aux installations nucléaires du Nord-Cotentin.” En effet, les radiations peuvent engendrer de nombreux autres cancers et la contamination radioactive liée à ces rejets est détectée bien au-delà du canton de Beaumont-Hague. Pour les rejets d’éléments à vie longue, vient s’ajouter le détriment au patrimoine génétique des générations futures. Il est donc malhonnête de s’appuyer sur ces travaux, dont l’objectif était limité, pour prétendre que les rejets radioactifs des installations nucléaires du Nord-Cotentin sont sans danger.

L’une des originalités de ce travail est qu’il a été fait en collaboration avec quelques représentants d’associations : ACRO, CRII-Rad et GSIEN. Mais cette ouverture ne doit pas masquer le déséquilibre du Groupe. Sur la cinquantaine d’experts qui ont participé, seuls 6 venaient du “mouvement associatif”, les autres représentaient soit les exploitants du nucléaire, soit les instances de contrôle. Par ailleurs, les moyens des bénévoles ne sont pas comparables à ceux des exploitants. Pour faire un véritable travail de contre expertise et vérifier toutes les étapes du calcul, il aurait fallu pouvoir s’y consacrer à plein temps pendant les deux années. Cela ne posait aucun problème aux exploitants qui envoyaient jusqu’à trois personnes par groupe de travail, c’était impossible pour nous. Malgré un énorme investissement humain, la contribution des associations à ce travail reste modeste.

Au delà de la mauvaise foi des exploitants, cette étude risque de n’être réduite qu’à un seul chiffre, le nombre de cas de leucémies calculé par le groupe. Même faible, 0,0020, ce nombre n’est pas nul et il doit être assorti d’un calcul d’incertitude qui n’a pas été fait. “Du fait de cette réserve, certains membres du groupe considèrent ne pas pouvoir à ce stade conclure qu’il est peu probable que les rejets […] contribuent à l’incidence de leucémies observée.” Créé en période de crise, le Comité a dû travailler dans l’urgence, même si les travaux ont duré deux ans, et de nombreux points restent obscurs.

D’une manière générale, l’expertise exige des scientifiques qu’ils expriment des convictions qui vont bien au-delà de leur savoir. Certains protagonistes les transforment souvent en positions tranchées afin de couper court à tout débat. Il parait donc important d’expliquer la méthodologie utilisée, et d’insister sur ses hypothèses et ses limites.

Le groupe a tenté de connaître de manière exhaustive la quantité de chaque radioélément rejeté dans l’environnement au cours des 30 premières années de fonctionnement de l’usine Cogéma. En se basant sur des calculs et des mesures dans les rejets, 39 éléments ont été ajoutés à la liste, portant à 72 le nombre de radioéléments identifiés. La modélisation de leur dispersion dans l’environnement a ensuite été comparée à une compilation de 500.000 mesures de radioactivité. Même si de nombreux paramètres demeurent approximatifs, ce travail a permis d’avoir une certaine confiance dans le comportement moyen des radioéléments dans l’eau de mer, à l’exception notable de l’environnement immédiat du point de rejet. En revanche, pour les rejets atmosphériques, les exploitants et les autorités de sûreté utilisaient jusqu’alors un modèle qui ne peut pas toujours être appliqué pour les rejets de l’usine de retraitement de La Hague et qui avait tendance à sous-estimer les retombées à proximité de l’usine. Le groupe a donc dû “bricoler” un modèle alternatif qui n’a pas pu être validé par des mesures dans l’environnement.

Un individu vivant à proximité d’une installation nucléaire rejetant dans l’environnement des radioéléments subit des rayonnements ionisants qui pourront avoir un impact sur sa santé. Les voies d’atteintes sont multiples et la dose reçue par cet individu ne peut pas être mesurée directement et doit donc être reconstituée à partir de modèles mathématiques. La population locale est irradiée par le rayonnement ambiant et contaminée par son alimentation, mais aussi en respirant et en se baignant. Il faut additionner toutes ces contributions pour obtenir la dose moyenne reçue sur une année. Pour estimer le nombre de cas de leucémies attendu, il faut sommer toutes les doses reçues au cours de la vie des individus de la cohorte étudiée. Là encore, l’effet des radiations sur la santé est mal connu et est basé sur une extrapolation de ce qui a été observé chez les survivants de Hiroshima et Nagasaki qui ont subi une irradiation forte et soudaine, et non une contamination continue.

On voit donc que la dose calculée dépend de nombreux paramètres parfois mal connus. Jusqu’à présent, les études d’impact des exploitants et des autorités de contrôle étaient basées sur un jeu de paramètres issus de la littérature scientifique internationale et sur des modes de vie moyens nationaux. Un des efforts du Groupe a été de tenir compte des spécificités locales. Mais de nombreux paramètres n’ont pas pu être recalés sur des données locales et demeurent entachés d’une grande incertitude qui se reporte sur le calcul de dose final.

Le groupe a tenté d’évaluer l’influence du mode de vie des riverains sur la dose reçue et s’est basé sur les rejets réels pour faire son étude [10]. Un adulte moyen vivant dans le canton de Beaumont-Hague a reçu une dose de 5 microsieverts en 1996 et de 18 microsieverts en 1985, année où les rejets marins ont été les plus importants. Pour un groupe de pêcheurs utilisé par Cogéma dans ses études d’impact pour estimer la dose des individus les plus exposés, ces chiffres deviennent 8 en 1996 et 41 microsieverts en 1985. Mais si les mêmes pêcheurs pêchaient aux Huquets, comme l’a suggéré l’ACRO, qui est une zone de pêche située à 1,7 km du point de rejet, la dose passe à 226 microsieverts en 1985. Un enfant qui mange un crabe pêché à proximité de la canalisation de rejet reçoit 313 microsieverts. Des agriculteurs vivant sous le vent de l’usine et consommant des produits locaux ont reçu une dose de 59 microsieverts en 1996. Il serait intéressant de connaître précisément de quelles “populations ayant le maximum d’exposition” parle la Présidente de la COGEMA. Pour garantir l’innocuité des rejets radioactifs il aurait fallu tenir compte de tous les comportements possibles comme cela se fait habituellement en radioprotection. Il est important de souligner que le calcul du nombre de leucémies repose sur une démarche dite réaliste qui ne considère que les individus moyens. Par exemple, pêcher à proximité du point de rejet n’a pas été considéré comme “réaliste” par les exploitants, bien que cela soit possible.

Les doses à la moelle osseuse dues aux rejets de routine et accidents (hors situations pénalisantes) ont été utilisées pour évaluer un nombre de cas de leucémies. Les résultats obtenus s’expriment en terme de probabilité. Ainsi, le nombre de cas attendus liés aux installations nucléaires calculé par le Groupe est de 0,0020 et la probabilité (ou le nombre de « chances ») d’avoir un cas est de 0,1%. Mais en multipliant la dose obtenue par 35 (ce qui n’est pas aberrant compte tenu des incertitudes), la probabilité d’observer un cas devient supérieure à 5%, ce qui est généralement considéré comme significatif par les statisticiens.

Dans de telles conditions, il est difficile de donner une conclusion tranchée et le doute persiste quant à l’impact des rejets radioactifs. “En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement” [11].


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[1] Les journalistes du Monde n’ont pas pris la peine de vérifier l’information et semblent donc avoir participé au lancement d’une campagne publicitaire. Sur le rôle du Monde, lire Jean-Paul Gouteux, Le Monde, un contre-pouvoir ? l’esprit frappeur, 1999. (lire l’article en entier, lien direct).

[2] La lettre de la CIPR est publiée dans l’ACROnique du nucléaire n°48, mars 2000.

[3] GSIEN, Groupement de Scientifiques pour l’Information sur l’Energie Nucléaire, 2, rue François Villon, 91400 Orsay, tél 01 60 10 03 49, fax. 01 60 14 34 96. Edite la Gazette nucléaire.

[4] CRII-Rad, Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité, 471, av. Victor Hugo, 26000 Valence, tél. 04 75 41 82 50, fax 04 75 81 26 48, http://www.criirad.org.

[5] Sauf indications contraires, les citations sont extraites du rapport du groupe radioécologique du Comité Nord Cotentin (lien direct).

[6] J. F. Viel, La santé publique atomisée, La Découverte. Voir aussi Polémiques sur les leucémies à La Hague, l’ACROnique du nucléaire n°36, mars 1997

[7]Le rapport complet en 6 volumes peut-être commandé à l’IPSN ou partiellement consulté en ligne à l’adresse suivante : http://www.ipsn.fr/nord-cotentin. L’ACRO y a consacré un dossier dans sa revue trimestrielle, l’ACROnique du nucléaire, n°47, décembre 1999.

[8] En juillet 1998, Alfred Spira et Odile Bouton remettent un rapport intitulé « Rayonnements ionisants et santé : mesure des expositions à la radioactivité et surveillance des effets sur la santé » où ils présentent les résultats de leurs travaux et des propositions d’action. (Ce rapport est publié à La Documentation Française, 1998.)

[9] A-V Guizard et al, Journal of Epidemiology and Community Health n°55, juillet 2001.

[10] Le standard européen de 1000 microsieverts par an et par personne ne constitue en aucun cas un seuil d’innocuité mais conduit à un taux de cancers calculé considéré comme socialement inacceptable. Cette limite englobe toutes les contributions à la dose. Pour une seule source, la CIPR recommande de ne pas dépasser 300 microsieverts. En radioprotection, il faut s’assurer que le comportement le plus pénalisant induit un risque inférieur à cette limite. Les résultats de calculs présentés ici sont basés sur des rejets réels et un comportement réaliste.
[11] Charte de la Terre, Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement, Rio de Janeiro, Brésil, 1992.

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IN FRANKREICH FEHLT EIN AKZEPTABLES KONZEPT FÜR DIE ENTSORGUNG DER NUKLEAREN ABFÄLLE

Die schmutzige Zukunft der sauberen Energie

Die Tageszeitung, Januar 1998


DASS Frankreich auf der Konferenz von Kioto vorbildlich niedrige Werte der Kohlendioxidemission vorweisen konnte, hat auch mit der Stromerzeugung durch Atomenergie zu tun. Doch die scheinbar “saubere” Energie birgt große Risiken, wie die technischen Problemen zeigen, die sich beim Abbau des Reaktors Superphenix ergeben. Die Beschwichtigungen der Atomlobby, die in Frankreich besonders mächtig ist, können nicht kaschieren, daß die Regierung keine befriedigende Lösung zur Entsorgung des Atommülls zu bieten hat. Damit befindet sie – unter Ausschaltung der demokratischen Öffentlichkeit – über das Schicksal der betroffenen Bevölkerung und künftiger Generationen.


Von DAVID BOILLEY

Vor kurzem wurden in den Departements Vienne, Gard und an der Grenze zwischen den Departements Meuse und Haute-Marne drei Anhörungsverfahren zur Errichtung eines Laboratoriums durchgeführt, das die unterirdische Lagerung von radioaktiven Abfällen in Frankreich untersuchen soll.1 Damit ist die Suche nach einem geeigneten Ort für die Lagerung hochradioaktiven Mülls mit langer Halbwertszeit – aus militärischen und zivilen Atomreaktoren und aus der Wiederaufbereitung atomarer Brennelemente – in eine entscheidende Phase eingetreten.

Die Anhörungen – für die Bürger eine der seltenen Chancen, ihre Meinung zu äußern – lösten keinerlei überregionale Diskussionen aus, denn die Medien hatten nur sehr zurückhaltend berichtet, insbesondere was die Demonstrationen von Tausenden Teilnehmern in Chaumont und Bar-le-Duc am 8. März 1997 betrifft, aber auch die Besetzung des Rathauses von Pleuville (Vienne) durch Gegner des Projekts. Dabei sprengt das Problem bei weitem den regionalen Rahmen, auf den sich die gegenwärtigen Auseinandersetzungen beschränken. Kein Land hat bisher eine Lösung für den Umgang mit dem Atommüll gefunden, der teilweise noch Millionen Jahre lang radioaktiv bleiben wird und die Atomindustrie vor gewaltige Entsorgungsprobleme stellt.

Im übrigen herrscht Unklarheit darüber, welche Art Atommüll eigentlich unterirdisch gelagert werden soll. Für manche Länder, etwa Schweden oder die Vereinigten Staaten, stellen die verbrauchten Brennelemente bereits den Endmüll dar, während in Frankreich ein Teil zur Gewinnung von Plutonium und Uran wiederaufbereitet wird: Von den 1200 Tonnen, die alljährlich in den französischen Reaktoren durch neue Brennelemente ersetzt werden, gehen 850 Tonnen nach La Hague, wo sie in der Anlage der Compagnie generale des matieres nucleaires (Cogema) wiederaufbereitet werden. Erst was hiervon übrig bleibt, ist Endmüll.

Über den beziehungsweise die beiden Standorte, die zur Errichtung eines unterirdischen Laboratoriums in Frage kommen, wird nach einem Verfahren entschieden, das nun bereits mehr als zehn Jahre dauert. Nach Demonstrationen und heftigem Widerstand vor Ort verfügte im Februar 1990 der damalige Premierminister Michel Rocard ein Moratorium in den fünf anvisierten Departements.2 Zum Vermittler wurde Christian Bataille, ein Abgeordneter aus dem Norden, ernannt. Dessen Bemühungen mündeten in das Gesetz vom 30. Dezember 1991 zur Erforschung von Entsorgungsmöglichkeiten für radioaktive Abfälle und zur Initiierung von entsprechenden Forschungsprogrammen. “Ich habe mich dafür entschieden, die gängige Vorgehensweise umzukehren. Statt die Standortauswahl allein auf wissenschaftliche und geologische Erwägungen zu stützen, habe ich freiwillige Bewerbungen angeregt, die dann alle einer geologischen Überprüfung unterzogen werden”, erläutert Bataille in seinem Bericht3. “Wir haben rund dreißig Bewerbungen erhalten, von denen etwa zehn vom geologischen Standpunkt aus unbedenklich sind.” Als ein gewisser Anreiz wirkten dabei sicherlich die in Aussicht gestellten 60 Millionen Franc (umgerechnet knapp 20 Millionen Mark) pro Jahr für “begleitende Maßnahmen und lokale Entwicklung”.

Den Bock zum Gärtner machen

DIE für die Untersuchungen zuständige Staatliche Agentur zur Entsorgung radioaktiver Abfälle (Andra) hat schließlich drei Standorte benannt, zu denen eine öffentliche Anhörung durchgeführt wurde: La Chapelle-Baton (Vienne), Marcoule (Gard) und Bure (Meuse). Erwartungsgemäß bekamen alle drei Standorte grünes Licht. Die Regierung wird die endgültige Auswahl von ein oder zwei Standorten für das Labor vornehmen, nachdem entsprechend der gesetzlichen Vorschrift die Bevölkerung zugestimmt hat. Die Bohrarbeiten müßten 1998 und die Forschungen im Jahr 2001 beginnen, 2006 könnten die ersten Resultate vorliegen. Nach Aussagen eines Vertreters der Andra wird man diesen Zeitplan allerdings nicht einhalten können.

Fünf Jahre Zeit also, um darüber zu entscheiden, ob der Standort geeignet ist, Atommüll für Millionen Jahre sicher aufzubewahren. “Einer der in die engere Wahl kommenden Laborstandorte könnte schließlich dem Parlament für die Errichtung eines Endlagers vorgeschlagen werden”, erklärt die Direction de la surete des installations nucleaires (Sicherheitsbehörde für atomare Einrichtungen, DSIN). Doch schon jetzt “erscheint unter Sicherheitsaspekten ein Standort als besonders geeignet: der im Osten”4. Sind die Würfel also schon gefallen?

In jeder Phase der Energiegewinnung – von der Uranerzmine bis zum Kraftwerk – entsteht Abfall, der im allgemeinen nach Radioaktivität und Halbwertszeit klassifiziert wird. Nur für schwach radioaktive Stoffe mit kurzer Halbwertszeit (unter dreißig Jahre) wurde bereits ein Endlager gefunden: Sie werden in Soulaines-Dhuys (Aube) oberirdisch gelagert. Dieser Standort löst den im Departement Manche ab, den die Andra notgedrungen schließen mußte, weil von den 530000 Kubikmetern Atommüll, die hier eigentlich auf ewig lagern sollen, bereits Radioaktivität entweicht und die Umwelt belastet.5 Das Lager im Aube ist achtmal so groß, und die Lagerung ist auf dreihundert Jahre befristet. Bei diesem Paradestück der Andra muß erst fünf Jahre nach Inbetriebnahme eine Volksbefragung über die Ableitung radioaktiver Abwässer an die Umgebung abgehalten werden. Auch konnte bis jetzt niemand den ersten Sicherheitsbericht zu Gesicht bekommen.

In anderen Ländern – wie Schweden, Finnland und Deutschland – werden solche Abfälle teilweise tief unter der Erdoberfläche gelagert. Diese Lösung ist jedoch für die 50 Millionen Tonnen Abfallgestein, die sich im Laufe des vierzigjährigen Uranerzabbaus in Frankreich angehäuft haben, unpraktikabel und zu teuer. In Deutschland liegen allein in den Lagerstätten bei Helmsdorf und Culmitzsch 50 beziehungsweise 86 Millionen Tonnen, weltweit sind es etwa 6 Milliarden Tonnen. Diese Abfälle sind zwar nur schwach radioaktiv, enthalten aber strahlende Elemente von sehr langer Lebensdauer, zum Beispiel 75000 Jahre im Fall von Thorium 230. Zudem entweicht beim Zerfall des Urans das giftige Gas Radon, was die Lagerung beziehungsweise Zwischenlagerung weiter erschwert. Diese Art Abfall wird meist in ehemaligen Tagebaugruben oder in abgedeckten Becken gelagert, bis eine bessere Lösung gefunden wird, die das Risiko der Freisetzung radioaktiver Stoffe durch Erosion oder Versickern vermeidet.6 In Gabun wurden die Abfälle bis 1975 von der Comuf, einer Tochtergesellschaft der Cogema, direkt in das Bett des Ngamabungu-Flusses geleitet.7

Die schwach radioaktiven Abfälle, die bei der Demontage atomarer Einrichtungen anfallen, sind ein zusätzliches großes Problem. In Frankreich rechnet man mit 15 Millionen Tonnen, für die man eine weniger kostenintensive Lösung finden muß. Ein Teil soll “recycelt” werden, danach läge die Radioaktivität unterhalb der gesetzlichen Grenzwerte und würde mithin ganz legal zu normalem Müll. Ein entsprechender Gesetzentwurf löste aber einen so heftigen Proteststurm aus, daß ihn das französische Parlament zurückziehen mußte. Unterdessen gibt es jedoch Grenzwerte, die auf der EU-Gesetzgebung beruhen8 und nun zunehmend bei der Beseitigung von industriellem Sondermüll zur Anwendung kommen. Daher dürfte bald eine “Banalisierung” sehr schwach radioaktiver Abfälle beginnen, ohne daß die Bevölkerung, die doch den unmittelbaren Folgen ausgesetzt ist, dazu befragt würde. Für Nuklearabfälle, die die Grenzwerte übersteigen, denkt man an überirdische Lagerzentren.

Die USA wollen denselben Weg einschlagen. Die Verbreitung von kontaminiertem Material kann jedoch unabsehbare gesundheitliche Auswirkungen haben. Aber solange nichts bewiesen ist, existieren die schädlichen Folgen für die Betreiber der Atomindustrie einfach nicht.

Bei den hochradioaktiven und langlebigen Abfällen, um die es bei den jüngsten Anhörungen vor allem ging, zeichnet sich ein internationaler Konsens für eine unterirdische Lagerung ab, auch wenn die Fortschritte bei der Suche nach geeigneten Stätten von lokalen politischen Faktoren abhängen. Als Hauptargument verweist man gewöhnlich auf den Schutz künftiger Generationen.9 Doch ist dieses Argument nicht stichhaltig, insofern man mit der unterirdischen Lagerung erst dann beginnen kann, wenn die Suche abgeschlossen ist, also lange nachdem die gegenwärtig laufenden Kraftwerke stillgelegt sein werden. Und für das Wohlergehen der ganz fernen Generationen sollte man besser auf Nummer Sicher gehen, als der Wissenschaft zu vertrauen.

Das französische Gesetz vom 30. Dezember 1991, das die Untersuchungen zur Entsorgung radioaktiver Abfälle regelt, sieht außer Forschungen zur unterirdischen Lagerung auch Studien über die Abtrennung der gefährlichsten radioaktiven Elemente mit langer Halbwertszeit vor sowie solche über ihre Wiederaufbereitung und über “Verfahren zur Konditionierung und langfristigen Zwischenlagerung dieser Abfälle an der Erdoberfläche”. Eine staatliche Evaluierungskommission (CNE) wurde eingerichtet, die alljährlich einen Bericht über den Fortschritt der Untersuchungsarbeiten veröffentlicht. Bis spätestens zum Jahre 2006 “wird die Regierung dem Parlament einen umfassenden Evaluierungsbericht über die Untersuchungen vorlegen sowie gegebenenfalls einen Gesetzentwurf über die Einrichtung eines Lagers für hochradioaktive Abfälle mit langer Halbwertszeit.”

Die vom Gesetz vorgeschlagenen Verfahren der Trennung und Wiederaufbereitung werden manchmal als Recycling der radioaktiven Abfälle dargestellt, das eine Alternative zur Endlagerung bieten könnte. Allerdings berücksichtigen die Untersuchungen “weder die in Glaskokillen verschmolzenen noch die mit Bitumen versetzten und in Fässer eingegossenen, noch die lose zwischengelagerten Abfälle der Kategorie B”, wie die CNE in ihrem ersten Bericht anmerkt. Die genannten Verfahren können also erst bei den abgebrannten Brennstoffen einer eventuellen neuen Reaktorgeneration eingesetzt werden, nicht aber bei den derzeit akkumulierten Abfällen.

Zur Trennung bestimmter Bestandteile der verbrauchten Energieträger sind komplexe chemische Verfahren erforderlich. Die aktuelle Forschung zielt vor allem darauf ab, die Wiederaufbereitungskapazitäten der Anlage in La Hague zu verbessern. Die Wiederaufbereitung, die den Einsatz von Atomreaktoren erfordert, dient zur nachträglichen Rechtfertigung von Schnellen Brütern. Die Castaing- Kommission, die 1996 den Auftrag hatte, die Eignung des Superphenix als Verbrennungsanlage zu evaluieren, hat betont, man sei sich zwar bewußt, daß die Untersuchungen “an einem speziell auf diese Aufgaben zugeschnittenen Reaktor viel befriedigendere Bedingungen geboten hätten. (…) Ein solcher Versuchsreaktor käme aber (…) zu spät, um zu dem im Gesetz vorgesehenen Zeitpunkt, also 2006, Resultate zu liefern, welche die zu erwartenden Diskussionen erhellen könnten.” Insofern sei “der enge Rahmen des geplanten Programms” zur Beseitigung des Atommülls “zu bedauern”. Nach einem Bericht, den der Rechnungshof vor Lionel Jospins Entscheidung über die endgültige Stillegung des Superphenix veröffentlichte, hätte der Reaktor, der insgesamt 60 Milliarden Franc gekostet hat, von 1995 bis zum Jahr 2000 7 Milliarden Franc an Betriebskosten verschlungen… Was die anderen Forschungen angeht, so hätten sie niemals bis 2006 zu einem Resultat geführt.

Japan hat ein ähnliches Forschungsprogramm gestartet, doch ein Unfall im Schnellen Brüter von Monju, der sich im Dezember 1995, nur wenige Monate nach Inbetriebnahme, ereignete, hat diesen Reaktortyp überhaupt in Frage gestellt. Die Explosion in der Wiederaufbereitungsanlage von Tokaimura im März 1997 könnte sein endgültiges Ende bedeuten. In den USA ist es dem Komitee für Trennungstechnologien und Wiederaufbereitungssysteme (Stats) nicht gelungen, den Nutzen dieser Verfahren für die Praxis zu beweisen. Es kam zu der Schlußfolgerung, man müsse an der Nichtwiederaufbereitung als der derzeit billigsten Lösung10 festhalten.

In Frankreich schätzt die Elektrizitätsgesellschaft EDF die Kosten für das “Recycling” von Plutonium auf 15 Milliarden Franc pro Jahr, etwa 4 Centimes pro Kilowattstunde. Dieses Verfahren belastet zudem in hohem Maße die Umwelt. Eine Forcierung der Wiederaufbereitung würde diese Kosten weiter ansteigen lassen. Für die bis heute angehäuften Abfälle bleiben also nur die unterirdische Lagerung oder die oberirdische Zwischenlagerung für einen mehr oder weniger langen Zeitraum. Dieser Alternative scheinen die Umweltschützer den Vorzug zu geben, doch werden die entsprechenden Möglichkeiten in Frankreich kaum erforscht: Hier hat “das Gesetz, anders als in bezug auf die übrigen Lösungswege, weder nennenswerte Forschungsfortschritte noch einen deutlichen Sprung in der technischen Entwicklung bewirkt”11. In allen Ländern bevorzugt die Industrie anscheinend die “geologische Entsorgung”, obgleich man sich noch im Untersuchungsstadium befindet und daher bis heute kein einziges unterirdisches Endlager existiert.

Grundsätzlich kann man zwei Arten unterirdischer Laboratorien unterscheiden: Die einen werden speziell zur Erforschung der unterirdischen Müllagerung gebaut, die anderen werden in bereits existierenden Stollen, zumeist stillgelegten Bergwerken, eingerichtet. Im ersten Fall ist die Wahrscheinlichkeit hoch, daß das Laboratorium später in eine Lagerstätte umgewandelt wird, wie dies in Frankreich der Fall ist. Daher wurde im schwedischen Aspö die Errichtung eines Laboratoriums von der Verpflichtung abhängig gemacht, es nach Abschluß der Untersuchungen zu schließen. Der zukünftige Standort wird anderswo errichtet, doch wie groß soll die Entfernung sein? In der Schweiz wird ein internationales Labor im technischen Stollen eines Staudamms am Grimsel-Paß eingerichtet; ein weiteres wurde soeben in einem in Bau befindlichen Autobahntunnel eröffnet.

In Frankreich gibt es schon solche kleinen Labors, etwa das in Tournemire, betrieben vom Institut de protection et de surete nucleaires (Institut für nukleare Sicherheit, IPSN). Der Umfang grundlegender Erkenntnisse, die in solch kleinen Labors noch ermittelt werden müssen, ist enorm. Daher wäre es verfrüht, bereits neue Laboratorien in industriellem Maßstab zu errichten, wie sie von der Andra geplant sind, vor allem, wenn man sich die Kosten vor Augen hält: zwischen 1,2 und 1,8 Milliarden Franc, Betriebskosten und begleitende Maßnahmen nicht eingerechnet.12

Im erdbebengefährdeten Japan ist ein sicherer Standort nicht leicht zu finden. Es ist zu befürchten, daß der Bau der Zwischenlagerstätte von Rokkasho-mura als Folge des Erdbebens vom Dezember 1994 bereits jetzt Risse aufweist. Presseberichten zufolge hat die benachbarte Urananreicherungsanlage mehr als sechzig Risse, die oberflächlich zugekleistert wurden. Als einfachere Lösung bietet sich für Japan damit der Müllexport ins Ausland an.

Diese Lösung praktiziert Taipeh, das gerade einen Vertrag mit Nord-Korea über die Zwischenlagerung von 60000 Fässern radioaktiver Abfälle in einem stillgelegten Kohlebergwerk unterzeichnet hat. Seit fünfzehn Jahren werden diese Fässer gegen den Willen des Tao-Volkes auf der Orchideeninsel vor der taiwanesischen Küste gelagert. Wenn es tatsächlich zu diesem Mülltransfer kommt, wird der Transport von radioaktivem Material wohl nicht mehr zu bremsen sein. Taiwan verhandelt offenbar auch mit Rußland und der Volksrepublik China über die Lagerung von hochradioaktivem Müll. China wiederum scheint die autonome Provinz Tibet als Deponie für seine Abfälle zu benutzen.

Auf der Südhalbkugel mangelt es zwar nicht an potentiellen Entsorgungsstandorten, doch untersagen die Lome-Verträge den Export von gefährlichen Abfällen aus den 15 EU-Ländern in die AKP-Staaten (Länder des afrikanischen, karibischen und pazifischen Raums).

Das Problem muß also innerhalb der EU gelöst werden. Manche Staaten würden die radioaktiven Abfälle am liebsten als normales Handelsgut betrachten, für das keine Grenzen gelten. Vor allem kleine Länder wie die Niederlande träumen von zentralen europäischen Lagerungsstätten13. Schweden und Frankreich lehnen solche Lösungen ab. Paragraph 3 des Gesetzes vom Dezember 1991 bestimmt, daß “die Lagerung von importiertem radioaktivem Müll in Frankreich über die technisch bedingte Dauer der Wiederaufbereitung hinaus untersagt ist, selbst wenn die Wiederaufbereitung im Lande erfolgte”. Dieses Verbot wurde bereits verletzt: In La Hague sind ausländische Abfälle gelagert, die bei der Wiederaufbereitung anfielen und längst ins Herkunftsland hätten zurückgeschickt werden können. Ganz zu schweigen von dem Atommüll, den die Cogema aufgrund früherer Verträge importiert hat und die noch keine Rücktransportklausel enthalten.

Mehr Polizisten, steigende Kosten

ALLEIN das Polizeiaufgebot, das den ersten Rücktransport von aufbereitetem, in Glas eingeschmolzenem Abfall im Castorbehälter nach Deutschland begleiten mußte, kostete den Steuerzahler 55 Millionen Mark. Beim zweiten waren die Kosten bereits auf 90 Millionen Mark gestiegen, und beim letzten, im März 1997, zu dessen Eintreffen in Gorleben sich rund 10000 Demonstranten versammelt hatten, auf 150 Millionen Mark. Insgesamt sind ungefähr hundert solcher Transporte vorgesehen. Die Cogema hofft, weitere 5 Prozent kompakteren Atommülls im Castor zurückzuschicken, die hochvolumigen Abfälle wird sie dagegen behalten müssen. Für dieses Material würden dann zwar Grenzwerte für die Radioaktivität gelten, dafür aber keine quantitativen Begrenzungen. Der britische Konkurrent BNFL bietet einen solchen Service schon offiziell an …

Diese Art von Zweiteilung ist bereits in vollem Gange: In La Hague weisen die im Lager in der Manche zwischengelagerten technologischen Abfälle ein zehnmal größeres Volumen auf als die Materialien, die am Ende zurücktransportiert werden sollen.14 Ein Vertrag über den Austausch von hochradioaktivem und schwach radioaktivem Müll wurde angeblich auch schon zwischen Belgien und Spanien abgeschlossen.

Die Entgleisung eines Zugs mit abgebrannten Brennelementen im Departement Moselle15 hat vor kurzem wieder daran erinnert, daß alljährlich etwa hundert solcher Konvois die deutsche Grenze passieren, ein Viertel davon geht in Richtung Großbritannien. Das IPSN schätzt die Anzahl der Konvois mit abgebrannten Brennelementen, die in Frankreich unterwegs sind, pro Jahr auf rund 450. Nach der Wiederaufbereitung wird das Plutonium, dessen Gefährlichkeit bekannt ist, von La Hague zur belgischen Anlage in Dessel und zu den französischen in Marcoule und Cadarache transportiert. Ab 2000 sind jährlich mindestens 117 Konvois vorgesehen.16 Später werden dann noch die Mülltransporte zu den Endlagerstätten dazukommen.

In Frankreich spricht man zur Zeit grundsätzlich nur von unterirdischen Laboratorien und nicht von zentralen Lagerstätten. Die öffentlichen Anhörungen sollen die Meinung der Bevölkerung ermitteln und ihre Fragen beantworten. Sie werden nur zwei Monate dauern, und Bürger, die angesichts der ungünstigen Öffnungszeiten der Gemeindeämter den Fragebogen zu Hause studieren möchten, müssen dafür circa 6700 Franc (etwa 2200 Mark) zahlen.

Die Andra hingegen hat genügend Geld, um ganzseitige Werbeseiten zu schalten und lokale Aktionen zu unterstützen: An jedem Standort stellte der Präfekt jährlich 5 Millionen Franc für Projekte zur Verfügung, hier für die Restauration eines Kirchturms und dort für den Bau eines Gemeindesaales. Sobald es jedoch darum geht, das anständige Funktionieren demokratischer Prozesse zu ermöglichen, sind die Kassen leer.

In Großbritannien wurde eine fünfmonatige öffentliche Anhörung zur geplanten Eröffnung eines unterirdischen Laboratoriums in Sellafield (West Cumbria) durchgeführt, was die “Friends of the Earth” dazu veranlaßte, eine Gegenexpertise17 zu erstellen, zu der zahlreiche namhafte unabhängige Wissenschaftler beitrugen. Nachdem ein internes Gutachten bekannt wurde, welches aufzeigte, daß die Betreiberfirma Nirex mindestens die zehn- bis hundertfache Datenmenge benötigen würde,18 bevor sie ein Labor betreiben könnte, lehnte die Regierung das Projekt ab. Die Verbände fordern ein Moratorium von zehn Jahren.

Derartiges ist in Frankreich offenbar unmöglich, wo der Präsident der Kommission zur Anhörung über zwei Standorte (im Osten und im Departement Vienne) in der Lokalpresse eine Durchleuchtung der unbequemen Verbände gefordert hat: “Sicherlich würden öffentliche Nachforschungen über gewisse Verbände, ihre Ziele, die tatsächliche Zahl ihrer Mitglieder und ihre Finanzquellen erstaunliche Fakten ans Tageslicht bringen. Eine solche Art Umfrage, die schließlich auch die Umwelt betreffen würde, sollte ins Auge gefaßt und ausgearbeitet werden.”19

Derselbe Funktionär hat bereits im Zuge einer früheren Anhörung zur Schließung des Lagers in der Manche seine Voreingenommenheit demonstriert, als sich die Andra bemühte, den tatsächlichen Zustand des Lagers und seine Auswirkungen auf die Umwelt zu vertuschen. Nach den Enthüllungen der Association pour le controle de la radioactivite dans l’Ouest (Vereinigung zur Kontrolle der Radioaktivität im Westen, ACRO) – eines unabhängigen Instituts – über das hohe Sicherheitsrisiko20 bestellte die Regierung von einer neuen Kommission unabhängiger Experten einen weiteren Bericht.21 Dessen Ergebnis widersprach den Resultaten der öffentlichen Anhörung, die nun wiederholt werden muß.

Die Kommission war zu dem schwerwiegenden Schluß gekommen, daß die fragliche Mülldeponie auf ewige Zeiten existieren würde, da dort zahlreiche Elemente mit langer Halbwertszeit sowie 27000 Tonnen Blei lagern. Das stand im Gegensatz zu den Vorstellungen der Andra, der zufolge die Abfälle in dreihundert Jahren ungefährlich sein werden. Dieser Widerspruch war für die Andra so unerträglich, daß sie die ACRO verklagte.

Wie stets bei Angelegenheiten, die mit Atomenergie zu tun haben, kommt in den Untersuchungsberichten der Enquetekommissionen die Meinung der Bevölkerung so gut wie überhaupt nicht vor. Im Departement Vienne findet sich im Untersuchungsbericht nur der lakonische Satz: “Da es sich um Feststellungen der Mitglieder der Enquetekommission handelte, fanden die befragten Organisationen und Einzelpersonen dies Anlaß genug, sie zu korrigieren.”

Diese ganzen Verfahren verlaufen so, als müßten die unterirdischen Lager um jeden Preis errichtet und eine Lösung in möglichst kurzer Zeit gefunden werden. Dabei handelt es sich hier um Angelegenheiten, die für die Bürger zutiefst beunruhigend sind. Manche Staaten haben sogar den Bau von neuen Atomkraftwerken untersagt, solange die Probleme der Entsorgung des Atommülls nicht gelöst und wirklich beherrschbar ist. Die bedingungslosen Befürworter der Kernenergie setzen hingegen alles daran, möglichst bald behaupten zu können, daß sie über sichere Lösungen verfügen, da sie die vorhandenen Einrichtungen erneuern wollen. Bis dahin hofft die EDF, daß sie die Lebensdauer ihrer gegenwärtig betriebenen Kernkraftwerke auf mindestens vierzig Jahre verlängern kann.

Das Entsorgungsproblem macht die atomare Stromerzeugung im Vergleich zu anderen Energiequellen zwangsläufig immer teurer. So ist zum Beispiel das Erdgas, das in Kombikraftwerken (Kraft- Wärmekoppelung) eingesetzt wird, heute bereits viel billiger, es erfordert geringere Investitionen, und auch seine Nutzung ist wesentlich einfacher.

Für die Kernindustrie steht also viel auf dem Spiel: Auch wenn zahlreiche europäische Staaten im Begriff scheinen, auf diese Energiequelle aus Kostengründen zu verzichten, macht die Industrie sich immer noch Hoffnungen auf eine Erneuerung der vorhandenen Anlagen und auf die Entstehung neuer Atomenergiemärkte auf der ganzen Welt.

Doch unabhängig von den Energiequellen, für die sich die einzelnen Staaten entscheiden werden, bleibt das Problem des bis heute angefallenen Atommülls bestehen. Um so wichtiger ist es, daß die entsprechenden Untersuchungen unter Bedingungen demokratischer Transparenz durchgeführt werden.
dt. Andrea Marenzeller

1 Vgl. zur Einführung in das Thema Jean-Paul Shapira, “Dans le labyrinthe des dechets nucleaires”, Le Monde diplomatique, Mai 1989; L’ACROnique du nucleaire, Nr. 18 und 35, September 1992 und Dezember 1996 (Association pour le controle de la radioactivite dans l’Ouest, ACRO: 138, rue de l’Eglise, F-14200 Herouville-Saint-Clair).
2 In anderen Ländern fanden ähnliche Kundgebungen statt. In Japan und Deutschland kam es zu zahlreichen gewalttätigen Demonstrationen; in Spanien wurden Beamte gekidnappt; in Korea gab es bei Kundgebungen sogar Todesopfer.
3 “Mission de mediation sur l’implantation de laboratoires de recherche souterrains” (Schlichtungsgruppe für die Errichtung von unterirdischen Forschungsanlagen), Bericht des Schlichters, 20. Dezember 1993, Paris (La Documentation francaise).
4 Controle, (DSIN), Nr. 113, Oktober 1996.
5 Vgl. “Le Centre de stockage de la Manche”, Herouville-Saint-Clair, hrsg. von ACRO, erscheint in Kürze.
6 Vgl. Jean-Louis Bugarel, “45000000 tonnes de dechets radioactifs; les depots de residus de traitement d’uranium”, Info-uranium, Nr. 55, März-April 1992. Eine weltweite Übersicht über die Abraumhalden aus der Uranerzgewinnung findet sich auf der Website des WISE Uranium Project: antenna.nl/wise.
7 Vgl. Claude Birraux, “Rapport sur le controle de la surete des installations nucleaires”, Office parlementaire d’evaluation des choix scientifiques et technologiques, Paris, März 1996.
8 Ministerratsverordnung 96/29/Euratom vom 13. Mai 1996, welche die Grundwerte hinsichtlich des Schutzes der Bevölkerung und speziell der Arbeiter vor gesundheitlichen Gefahren durch ionisierende Strahlung festsetzt, Journal officiel des Communautes
europeennes (Luxemburg), Nr. L159, 29. Juni 1996, Paragraph 5.
9 Siehe “Fondements environnementaux et ethiques de l’evacuation geologique”, OCDE/AEN, Paris 1995.
10 Vgl. La Gazette du nucleaire, Nr. 151/152, Juli 1996.
11 “Rapport sur l’evolution de la recherche sur la gestion des dechets nucleaires a haute activite” (“Bericht zur Entwicklung der Forschung auf dem Gebiet der Entsorgung hoch radioaktiver Abfälle”), Christian Bataille, Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, Paris, März 1996.
12 Ebenda.
13 Das gilt auch für andere Arten von Müll. Vgl. im besonderen Jean-Loup Motchane und Michel Raffoul, “Die europäische Müllwirtschaft kennt keine Grenzen”, Le Monde diplomatique, September 1996.
14 Vgl. den Bericht der Kommission zur Evaluierung der Situation des Zwischenlagers in der Manche (die sogenannte Turpin-Kommission) vom Juli 1996.
15 Vgl. Le Monde, 6. Februar 1997.
16 “Les transports de l’industrie du plutonium en France”, WISE-Paris, Oktober 1995 (31-33, rue de la Colonie, 75013 Paris).
17 Näheres dazu auf der Website der Friends of the Earth: www.foe.co.uk/.
18 Friends of the Earth, Presseerklärung vom 15. Januar 1997.
19 L’Affranchi de Chaumont, 7. Februar 1977, und La Nouvelle Republique du Centre-Ouest, 12. Februar 1997.
20 Vgl. L’ACROnique du nucleaire, Nr. 31, März 1996.
21 Bericht der Turpin-Kommission, vgl. Anm. 14.

Physiker, Vereinigung zur Kontrolle der Radioaktivität im Westen (Acro).

Version Française

Version Italienne

Ancien lien

L’état de l’environnement dans la Hague

Silence n°197, novembre 1995


La presqu’île de la Hague est située au Nord du Cotentin, à l’Ouest de Cherbourg, dans le département de la Manche. Elle abrite l’usine de retraitement de la Hague mais également des zones de stockage de déchets radioactifs. Depuis 1986, l’ACRO, association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest, fait un suivi de l’état de l’environnement. Pas rassurant.


L’ACRO (Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest), née à suite de la catastrophe de Tchernobyl en 1986, vient de publier un rapport (1) alarmant sur la contamination autour de l’usine de retraitement des déchets nucléaires, gérée par la COGEMA (2), et le Centre de Stockage de la Manche (CSM), géré par l’ANDRA (3). Perdue tout au bout de la presqu’île du Cotentin, à la pointe de La Hague, l’usine COGEMA (4) extrait le plutonium des déchets nucléaires français et étrangers. Parmi ses clients, elle compte le Japon, l’Allemagne, la Suisse et la Hollande. Attenant, le Centre de Stockage de la Manche (5) accueillait tous les déchets faiblement radioactifs, mais déjà plein, il doit être fermé pour 300 ans, ce qui correspond à un stockage de courte durée (6). L’ACRO, équipée d’un laboratoire d’analyse, surveille de façon régulière l’environnement dans cette région et tente d’informer la population sur la situation. C’est qu’il y a fort à faire car une véritable politique du secret est menée par les exploitants, et les autorités locales ne jouent pas leur rôle de contre-pouvoir. Qu’ont-ils de honteux à cacher ?

Dans des documents à diffusion restreinte, contenant des tables de contamination des nappes phréatiques, on trouve des résultats intéressants pourtant. De février 1982 à février 1986, les teneurs en tritium (7) varient entre 140 000 Bq/l et 440 000 Bq/l (8) selon les piézomètres (9) les plus marquants, où les prélèvements ont été faits. A titre de comparaison, on trouve habituellement moins de 1 Bq/l de tritium dans l’eau ; il provient des essais nucléaires atmosphériques. Il  est déjà notoire que l’usine COGEMA de la Hague soit l’usine nucléaire la  plus polluante d’Europe par ses rejets autorisés dans la mer. Avec un total de 38 920 TBq (38,9 1015 Bq) d’effluents liquides par an, principalement du tritium, la COGEMA rejette dans la mer environ 1 400 fois plus que la centrale de Gravelines en fonctionnement normal (10). Apparemment cela ne suffit pas car les nappes et les rivières, pour lesquelles ni l’ANDRA ni la COGEMA n’ont d’autorisations de rejets, servent aussi d’exutoire.

Secret nucléaire

Jusqu’en mars 1986, les mesures de contamination au niveau des piézomètres étaient régulièrement communiquées aux membres de la Commission Hague (11);  soudainement une partie de ces informations est devenue secrète : tous les résultats internes aux sites COGEMA et ANDRA disparaissent sans aucune explication. Sur 70 piézomètres, 31 deviennent classés “secret nucléaire”. Que s’est-il passé, à cette époque, qui pourrait  expliquer un tel comportement? Tchernobyl, bien-sûr, est une hypothèse vraisemblable. Il semblerait que les exploitants aient eu peur que les Français, découvrant l’état de l’industrie nucléaire à l’Est, aient commencé à se poser des questions sur ce qui  se passait chez nous. C’est vrai qu’il n’y a pas de quoi être fier au vu des contaminations ! L’image de marque du nucléaire français, sûr et propre, risquait  d’en prendre un coup. A partir de janvier 1988, les résultats au niveau du piézomètre 702, sur la commune de Digulleville disparaissent aussi, pour ne réapparaître qu’en avril 1991, après demande insistante de la Commission Hague. Comme par hasard, c’était le piézomètre le plus contaminé en dehors du site et sa contamination ne cessait d’augmenter depuis 1987.

La limite sanitaire, à savoir la limite entre l’inacceptable et le tolérable (12) et non la limite d’inoffensivité (13), est de 270 000 Bq/l. Cette limite est parfois dépassée au niveau des nappes phréatiques ; il y a donc de quoi être inquiet. Il serait intéressant d’étudier ce que l’on trouve dans l’eau du robinet des villages des alentours, “rien” affirment en choeur les exploitants. Peut-on avoir confiance ? Aussi bien la COGEMA que l’ANDRA, publient des bulletins d’information qui contiennent les résultats de leur surveillance. Ainsi, dans le numéro de décembre 1989 de la COGEMA, on peut noter que du lait est légèrement contaminé en tritium, avec une valeur maximale pour le mois, de 20 Bq/l. Cet effort de transparence est louable, car la population des environs est en droit de protester, arguant qu’elle aimerait du lait non contaminé. Cependant, si on va fouiller dans les résultats de surveillance laitière remis à la Commission Hague pour ce même mois, on y trouve une valeur de 180 Bq/l de tritium dans le lait. Une erreur de frappe, sûrement ? Pas du tout ! l’ACRO a relevé 29 erreurs en cinq ans qui vont toutes dans le même sens : sous estimer la pollution. Quant à l’ANDRA, avec un tout nouveau bulletin trimestriel, elle semble suivre la même voie ; on relève déjà une erreur sur les contaminations des nappes phréatiques. De quoi perdre toute confiance en ce que peuvent prétendre les exploitants. Qu’ont-ils à gagner à tricher ? Ont-ils peur de la réaction des consommateurs qui auraient pu découvrir jusqu’à 480 Bq/l de tritium dans le lait ?

Pollutions radioactives

Pour savoir ce qui se passe maintenant, il faut donc se tourner vers le seul laboratoire indépendant qui surveille régulièrement ce site, à savoir l’ACRO. Le bilan publié dernièrement ne nous permet malheureusement pas d’être optimiste. On y retrouve pêle-mêle, du tritium, encore, mais aussi d’autres pollutions radioactives dans des lieux où la COGEMA et l’ANDRA n’ont aucune autorisation de rejet.

La rivière Ste Hélène, déjà célèbre pour sa pollution,  est toujours aussi contaminée. Cette rivière prend sa source sur le site de stockage et va directement se jeter dans la mer.  En 1991, l’ACRO avait tiré la sonnette d’alarme après avoir détecté du césium (Cs137) à des taux atteignant  près de 4 000 Bq/kg de sédiments secs (on trouve habituellement moins de 10 Bq/kg, dus aux essais nucléaires et à Tchernobyl) et la COGEMA lui avait publiquement ri au nez : “comme toujours l’ACRO multiplie tous ses résultats par dix pour se faire de la publicité”. Il a fallu un essai inter-laboratoires (14) pour que la COGEMA mesure les mêmes taux, admette la pollution et s’engage à faire des travaux. Une canalisation oubliée entre le site de la COGEMA et celui de l’ANDRA  serait la cause de cette pollution (il est inquiétant de noter que le site de l’ANDRA est là pour 300 ans et qu’après 20 ans les exploitants ont déjà des trous de mémoire…). Aujourd’hui, avec des contaminations en Cs137 atteignant 2 000 Bq/kg,  force est de constater que la pollution de la Ste Hélène est toujours aussi alarmante. On trouve aussi dans les sédiments d’autres  radioéléments artificiels tels que le césium134, le cobalt60 et le rhodium106, qui ne sont pas présents dans d’autres uisseaux de  la région, le Grand Bel ou la rivière du Moulin entre autres.  Qu’a fait la COGEMA pour remédier à cette pollution ? remué un peu de  terre, bétonné la source du ruisseau… et rien de plus.

Des mesures sur les mousses aquatiques montrent que l’eau de la Ste Hélène est contaminée en césium et cobalt. L’ACRO y détecte aussi systématiquement du tritium, à des taux voisins de 500 à 600 Bq/l. A titre de comparaison, dans le Rhône, en aval de toutes les installations nucléaires, dont le centre de Marcoule qui a des autorisations de rejet, on trouve entre 11 et 26 Bq/l en tritium (15). Dans la Hague, l’origine du tritium est incertaine, mais il est fort probable qu’il vienne directement des nappes phréatiques que l’on sait très polluées. Il est ensuite rejeté dans la mer (10 à 20 Ci par an, selon les estimations de l’ACRO), après avoir traversé villages et pâturages.

Les risques dans la chaîne alimentaire

L’impact sanitaire de cette pollution persistante est difficile à évaluer. Des mesures faites par l’ACRO chez des particuliers tendent à montrer qu’il y a de quoi être inquiet. Ainsi, dans le puits et le lavoir d’une ferme de Digulleville, on trouve du Cs137 dans les sédiments à des taux qui dépassent les valeurs habituelles et du tritium dans l’eau à des teneurs atteignant 500 Bq/l. L’abreuvoir d’un champ proche est autant exposé à la pollution et le tritium de l’eau bue par les vaches se retrouve dans le lait avec un taux de transfert de l’ordre de 80%, commençant là son voyage dans la chaine alimentaire. Même la COGEMA est forcée d’avouer que le lait peut être aussi contaminé. Le tritium est retrouvé dans l’eau du lait, mais aussi dans les graisses, le lactose et la caséïne avec des périodes biologiques variant de 4 à 300 jours. Sachant qu’aucune dose d’irradiation n’est inoffensive, il parait important qu’une étude sanitaire de grande envergure soit menée sur toute la Hague. Au vu de cette pollution et de la politique d’information des exploitants, c’est à un véritable travail d’investigation que l’ACRO doit se livrer. Jouant un rôle de détective, l’association a eu accès à des documents internes faisant état d’accidents sur le site de la Hague. L’ANDRA a reconnu du bout des lèvres l’accident de 1976 qui aurait conduit à une fuite dans le sous-sol de 1 850 000 GBq (50 000 Ci) de tritium mais refuse d’admettre celui de 1980 lors duquel, selon une note intérieure ANDRA, l’activité bêta des eaux de drainage a été multipliée par 5 000 (principalementdu Cs137 semble-t-il). Combien d’autres accidents de ce type n’ont jamais été révélés publiquement  par les exploitants ? Difficile de le savoir avec des exploitants refusant la transparence. Quant aux populations des environs, pas de problème vu que les installations nucléaires sont sûres!

Pour une commission d’enquête

L’ACRO somme donc les exploitants de publier les résultats de toutes les mesures effectuées, y compris sur le site. Une fois l’état des lieux établi, il conviendra de mener une étude de faisabilité sur la décontamination active des nappes phréatiques. Pour ce qui est du Centre de stockage en particulier, elle somme les autorités de sûreté et l’autorité publique d’assumer leur rôle de surveillance en mettant sur pied une commission d’enquête indépendante incluant des membres de la Commission Hague dont la mission sera de faire toute la lumière sur le passé du site et de faire un bilan de l’état actuel. Cette commission devra rendre son rapport avant la fermeture du site 16). Pour le moment, mise à part une reconnaissance tacite des résultats de l’ACRO et une dénonciation publique, les exploitants se renferment dans leur mutisme. Les autorités locales ne semblent pas réagir et la presse nationale, susceptible d’aider à changer les choses, ne semble pas très intéressée par ce qui se passe là-haut, tout au bout de la  presqu’île du Cotentin. Donc en attendant, pour pouvoir faire pression, il faut continuer le travail de surveillance autour des sites entrepris par les laboratoires indépendants. L’ACRO, dotée d’un détecteur gamma et d’un détecteur bêta a besoin de renouveler son matériel et de le complèter avec un équipement plus performant, afin de pouvoir continuer son travail de surveillance et d’information. Une souscription (17) est donc lancée.

David BOILLEY

(1) rapport publié dans l’ACROnique
du nucléaire
numéro 28 ; ce rapport est aussi disponible
en anglais. (retour)

(2) COGEMA : Compagnie Générale de
Matières Nucléaires (retour)

(3) ANDRA : Agence Nationale des Déchets
Radio-Actifs (retour)

(4) pour en savoir plus, cf rapport WISE-Paris,
COGEMA
La Hague : les techniques de production des déchets
, déc.
94. (retour)

(5) Pour en savoir plus cf l’ACROnique du nucléaire
numéros 23 et 24. (retour)

(6) D’après le contenu radiologique du site,
nous avons calculé qu’il faudra attendre au moins 800 ans. (retour)

(7) Le tritium (H3), est issu de la fission ternaire
de l’uranium 235 au sein des réacteurs nucléaires. C’est
un émetteur bêta pur. (retour)

(8) Le béquerel (Bq) correspond à
une  désintégration par seconde. Compter le nombre de
désintégrations par seconde dans un litre d’eau dues au tritium
permet de connaitre la quantité de tritium dans cette eau. Le curie
(Ci) est l’ancienne unité, il correspond à l’actvité
d’un gramme de radium et vaut 37 milliards de Bq. (retour)

(9) Appareils servant à mesurer la pression
qui plongent dans les nappes phréatiques et au niveau desquels sont
faits des prélèvements d’eau. (retour)

(10) rapport WISE, op. cit. (retour)

(11) Commission Spéciale et Permanente d’Information
(CSPI), dite aussi “Commission Hague”. Elle est composée d’élus,
de syndicalistes, d’associatifs et de scientifiques. (retour)

(12) Martine Deguillaume,  La dignité
antinucléaire
, éd. Lucien Souny (retour)

(13) Pour tout savoir sur les effets biologiques
des radiations, voir l’ACROnique du nucléaire numéro
27 (retour) (article disponible
en ligne)

(14) cf l’ACROnique du nucléaire
numéro 16. (retour)

(15) Lambrechts, Foulquier, Pally, Synthèse
des connaissances sur la radioécologie du Rhône
, rapport
de l’IPSN (retour)

(16) Une  enquête publique a eu lieu
du 2 octobre au 30 novembre en vue du passage en phase de surveillance.
(retour)

(17) 800 000 F doivent être réunis
pour remplacer le détecteur à scintillation liquide trop
ancien et non adapté aux mesures dans l’environnement par un nouveau
à bas bruit de fond. Vos dons, à envoyer à l’ordre
de l’ACRO-souscription, peuvent être déduits des impôts.
(retour)

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