Echos au pays du nucléaire.

Le 17 septembre, France 2 a diffusé “Au pays du nucléaire”, un documentaire d’Esther qui tente de montrer comment l’on vit dans une des régions les plus nucléarisée de la planète ; La Hague.
L’ACRO a été très présente auprès de la réalisatrice tout au long des 8 mois de tournage et dans le documentaire. Si vous avez manqué sa diffusion télévisée, le film devrait être montré en salles début 2010.
Pour plus de renseignements sur ce film et sur sa réalisatrice, vous pouvez également vous rendre sur le site internet : http://www.estherhoffenberg.fr


Au pays où le nucléaire est muet, le contraste est parlant : à Caen une salle de plus de deux cents places est bondée pour assister à la projection du documentaire d’Esther Hoffenberg “Au pays du nucléaire” le 8 septembre 2009.

Le jour et le lendemain de la diffusion de ce même film sur une chaîne nationale, pas un mot dans la presse locale du Nord-Cotentin. Il a fallu faire fonctionner les réseaux pour informer amis, familles et collègues de ce programme qui concerne en premier lieu la région.

Le tintamarre calamiteux et pitoyable suite au reportage de Thalassa au mois de mai 2009 est dans toutes les mémoires. De plus, la diffusion tardive de “Au pays du nucléaire” a permis de mieux passer sous silence ce film qui allait encore “salir” la région. Plus récemment encore, en octobre, le documentaire “les déchets, le cauchemar du nucléaire” a pointé la Hague et le retraitement du doigt. A cette occasion, la couverture médiatique était telle, qu’il a été difficile d’en occulter la parution. On a alors vu une banalisation à l’œuvre de la part des élus et des organes de presse.

“Encore un reportage sur les déchets” (Presse de la Manche)…”Toujours la même rengaine sur le retraitement… déchets ou pas déchets”, il n’y a pas de réponse médicale et scientifique” (Michel Laurent, président des CLI de la Manche), toujours les mêmes images” (Michel Canoville – Président de la communauté de communes de La Hague).

Or, ces trois reportages en six mois ont fait bouger les lignes. Une prise de conscience des risques et surtout leur évocation sont apparues. Des publics qui ne parlent pas habituellement du sujet ont discuté du film “Au pays du nucléaire”, en particulier. Leur curiosité a été aiguisée par les échos (radio surtout) nationaux qu’a suscité ce documentaire. Internet et l’enregistrement de l’émission ont permis de multiplier les échanges autour de cet évènement.

Et les réactions entendues sont majoritairement positives. Les critiques négatives sont plutôt le fait de personnes qui n’ont pas voulu regarder le film car “ça dit toujours la même chose”, “c’est orienté et pas objectif”. Ce type de réactions que l’on retrouve beaucoup chez les élus sur la défensive, ne se fonde sur aucun argumentaire solide qui prenne réellement en compte les données du film. Les réponses se placent sur un autre terrain que le film. Par la même, une telle attitude valide les propos d’Esther Hoffenberg qui constate qu’il est quasiment impossible de faire sereinement un travail sur le sujet sans être étiqueté et rangé dans une catégorie, somme toute bien commode, pour éluder et fuir les questions qui dérangent.

Les téléspectateurs qui ont apprécié le documentaire ont relevé la subtilité du propos et de l’approche. La distance prise par le commentaire, les silences aussi, ont un peu troublé le public, mais c’est ainsi qu’il a pu mieux se faire une place dans le film, mieux y entrer et se faire une opinion. Ce que l’on a relevé dans les commentaires du public, ce sont finalement des questions et des remarques sur le “comment on parle du nucléaire”, quels sont les discours en place. Ceux qui sont préfabriqués, les sincères, les résignés, les surprenants,…

Des passages qui ont marqué le plus les téléspectateurs rencontrés ici ou là, c’est surtout celui de C. Kernaonet (Kerna honnête!) au sujet du centre de l’ANDRA qui est relevé. Il est, comme il le dit “imparable”.

Ce sont aussi les séquences concernant les CLI (Commissions Locales d’Information) où la parole est encadrée et contrôlée par les communiquants.

D’autres passages sont retenus et commentés de façon enjouée en raison de leur couleur typiquement locale, l’épisode sur “le sens du vent” en particulier et aussi les numéros attendus et jamais déçus du maire de Digulleville, fasciné qu’il est par la caméra.

Enfin, le fil rouge de cette classe de collégiens, tendu tout le long du film, apporte de la fraîcheur à des propos d’adultes souvent trop convenus. Cela permet de donner une touche positive qui projette le sujet vers l’avenir. C’est en tout cas ainsi qu’il a été perçu par le jeune public.

Voilà donc un premier aperçu des réactions suite à cet atterrissage au pays du nucléaire.

Il faudra ensuite passer l’épreuve du direct lors d’une projection publique en Nord Cotentin. Cela permettra à Esther Hoffenberg d’expliquer ses choix d’auteur. L’enjeu sera de tenter d’échapper au piège local qui veut que la subjectivité de son approche, la classe automatiquement dans la subjectivité quant au sujet.

Pierre PARIS.

L’ACRO souhaite remercier Esther Hoffenberg ainsi que toute son équipe pour cette très belle réalisation.

Démantèlement de la centrale de Brennilis

Examen du dossier d’enquête publique relatif à la demande d’autorisation de démantèlement de la centrale de Brennilis, Installation Nucléaire de Base n°162, appelée également Site des Monts d’Arrée (SMA). Travail engagé à l’initiative, et pour le compte, de la Commission Locale d’Information dans le cadre de sa saisine par les instances Préfectorales.

Etude de l’ACRO, 25 novembre 2009


Contexte :

EDF, exploitant de l’installation nucléaire des Monts d’Arrée a déposé un dossier d’autorisation de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement complet de l’installation d’entreposage de matériels de la centrale nucléaire le 25 juillet 2008.

Ce dossier, jugé recevable par le Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer le 2 juin 2009, a été transmis au Préfet du Finistère qui a lancé les consultations réglementaires le 16 juillet 2009.

Le Conseil général a été consulté pour donner son avis sur le dossier déposé par EDF, au même titre que les 15 communes situées dans un périmètre de 11,5 km autour de l’installation nucléaire, la CLI du site des Monts d’Arrée ou que la CLE du Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau de l’Aulne.

Parallèlement, le Préfet du Finistère a organisé l’enquête publique sur ce dossier, ouverte du 27 octobre au 11 décembre.

La Commission locale d’information, présidée par le Président du Conseil général, a engagé un important travail d’analyse du dossier avec l’appui de l’ACRO, spécialiste des questions du nucléaire, pour l’aider à formuler ses observations.

Après avoir pris connaissance des observations formulées par la CLI, le Conseil général a souhaité porter à la connaissance du Préfet un certain nombre d’observations.

Documents :

Conclusions :
Dans son avis, la commission d’enquête conclut :
“Considérant :
– que les travaux de démantèlement partiel engagés en 1996 et de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement total, autorisés en 2006 ont été interrompus en 2007 suite à la décision du Conseil d’Etat,
– que le démantèlement de la STE, autorisé en 1996 et des échangeurs de chaleur, autorisé en 2005, n’était pas achevé en 2007,
– qu’il subsiste sur le site l’enceinte réacteur, l’installation de découplage et de transit des déchets, la cheminée, quelques bâtiments annexes et les infrastructures de la station de traitement des effluents,
– que l’inventaire de l’état radiologique et chimique du site, notamment des zones STE et chenal de rejet des effluents n’est pas achevé,
– que l’étude d’impact ne présente pas et ne décrit pas les partis envisagés ni les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d’environnement, le choix du scénario de démantèlement immédiat, retenu par EDF, est justifié,
– qu’EDF ne démontre pas l’urgence et l’intérêt du démantèlement immédiat pour la protection de l’environnement et des travailleurs alors qu’une étude comparative, réalisée en 1999, concluait à l’effet positif d’une attente prolongée de décroissance radioactive sur la dosimétrie cumulée, la difficulté technique et le coût financier,
– l’absence de solution pour le stockage et même l’entreposage de déchets FMA à vie longue puisque l’Installation de Conditionnement et d’Entreposage des Déchets Activés (ICEDA), prévue à Bugey dans l’Ain, n’est pas encore autorisée et ne sera pas opérationnelle avant 2014,
– le risque que les déchets FMA à vie longue et FMA à vie courte et à envoi différé soient entreposés dans le sous sol de l’enceinte réacteur pour permettre d’absorber les éventuels retards liés à l’évacuation des déchets vers l’ICEDA,
– que cet entreposage temporaire ne garantit pas un meilleur confinement dans des conditions d’emballage et de surveillance plus adaptées,
– qu’EDF n’a pas jugé utile de répondre aux réserves et recommandations de la CLI et de la CLE, malgré la demande de la commission d’enquête,
la commission d’enquête estime que l’urgence de démanteler le bloc réacteur, actuellement confiné dans l’enceinte réacteur, largement au dessus du niveau de la nappe phréatique, n’est pas démontrée et que ce démantèlement est prématuré tant que l’ICEDA n’est pas opérationnelle. C’est pourquoi la commission d’enquête ne peut qu’émettre, à l’unanimité, un avis défavorable au projet, présenté par EDF, de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement complet de l’installation d’entreposage de matériels de la centrale nucléaire des Monts d’Arrée (INB n°162), située sur le territoire des communes de Loqueffret et Brennilis. Toutefois, la commission d’enquête demande que la phase 2 du démantèlement soit achevée dans les plus brefs délais et qu’ainsi EDF soit autorisée dès maintenant à :
– compléter l’inventaire de l’état initial, radiologique et chimique du site,
– terminer les opérations de démantèlement de la STE,
– assainir et combler le chenal de rejet des effluents sans l’Ellez,
– assainir les zones de pollution diffuse,
– engager le démantèlement des échangeurs après leur caractérisation radiologique.
Enfin, la commission d’enquête demande que la CLI dispose des moyens financiers nécessaires pour mener sa mission d’information de la population et faire procéder à des expertises contradictoires.”

Le document complet est disponible sur le site Internet de la préfecture du Finistère :

Avis de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) :
Suite à l’avis défavorable de la commission d’enquête, l’ASN, dans un avis daté du 16 mars 2010, “prend acte de l’avis de la commission d’enquête publique. Elle a recommandé au gouvernement qu’EDF soit autorisée à réaliser les opérations permettant l’achèvement de la phase II du démantèlement, en cohérence avec l’avis de la commission et qu’EDF engage une nouvelle procédure pour le démantèlement  complet. EDF devra dans son dossier répondre à l’ensemble des objections de la commission d’enquête et notamment mieux justifier son choix de la stratégie de démantèlement  immédiat.”

L’avis complet est disponible sur le site de l’ASN :

Ancien lien

Gestion des déchets radioactifs : les leçons du Centre de Stockage de la Manche (C.S.M)

Gestion des déchets radioactifs : les leçons du Centre de Stockage de la Manche (C.S.M) Version 2009

Le tritium dans le Nord Cotentin

ACROnique du nucléaire n°85, juin 2009


Depuis 20 ans, l’ACRO s’est dotée de moyens de mesure pour contrôler les niveaux de tritium dans l’environnement des sites nucléaires du Nord Cotentin. Grâce à cette action de surveillance citoyenne, notre association a pu notamment alerter sur les fortes contaminations en tritium qui perdurent dans les nappes phréatiques situées sous le Centre de Stockage de la Manche et que l’on retrouve dans des exutoires du plateau de la Hague. Dans les eaux du littoral, les niveaux mesurés sont jusqu’à cent fois supérieurs aux niveaux naturels.
Cette préoccupation forte s’explique par le fait que l’industrie nucléaire produit des quantités très importantes de ce produit radioactif et parce qu’il est entièrement libéré dans l’environnement. Alors que la tendance va vers une augmentation des rejets de tritium dans l’environnement, des incertitudes demeurent sur son transfert dans la chaîne alimentaire et sur son niveau de radiotoxicité pour l’homme.

Des rejets en tritium en constante augmentation

Les rejets en tritium des installations nucléaires ont fortement augmenté ces dernières années.
Si l’on regarde l’évolution des rejets liquides des installations nucléaires sur les 15 dernières années (figure1), on constate que les rejets en tritium ont augmenté d’un facteur 3 alors que l’on note une tendance à la baisse en ce qui concerne les autres éléments radioactifs rejetés. Il s’agit, sur ce graphique, des rejets de l’ensemble de la filière électro-nucléaire (fabrication et enrichissement du combustible, exploitation des centrales, retraitement et recherche) des pays signataires de la convention OSPAR , regroupant les pays côtiers de l’Europe de l’ouest. A noter que les usines de retraitement (La Hague, pour la France et Sellafield pour la Grande Bretagne) sont les principaux contributeurs de ces rejets.

L’augmentation des rejets liquides en tritium est en totale contradiction avec les accords de Sintra, signés en juillet 1998 par les 15 gouvernements européens de la convention OSPAR, dont la France, qui stipule la volonté commune de réduire les rejets radioactifs en mer afin de parvenir à des teneurs dans l’environnement proches des niveaux naturels d’ici 2020.

Figure 1 : Evolution des rejets liquides des installations nucléaires des pays signataires de la convention OSPAR.

Figure 1 : Evolution des rejets liquides des installations nucléaires des pays signataires de la convention OSPAR.

Les sources de tritium dans La Hague

L’un des principaux contributeurs des rejets de tritium dans l’environnement du Nord Cotentin est l’usine de retraitement AREVA La Hague. Ses autorisations de rejets annuels pour le tritium sont de 18500 TBq (18500 milliers de milliards de Becquerels) pour les rejets liquides et de 150 TBq en ce qui concerne ses rejets gazeux.

Si l’on compare avec d’autres installations (figure 2), on constate que ses rejets liquides en tritium sont 200 fois plus importants que ceux produits par les deux réacteurs de la centrale de Flamanville, soit environ plus de 10 fois l’ensemble des rejets liquides du parc électronucléaire français. Les rejets gazeux des usines de retraitement sont, quant à eux, 30 fois plus importants que ceux de Flamanville, soit approximativement équivalents à l’ensemble des rejets des 58 réacteurs français. A titre de comparaison, les rejets d’autres installations, réputées pour émettre du tritium, sont également présentés sur le graphique, comme l’usine de retraitement britannique de Sellafield, le site CEA de Valduc et les prévisions de rejet de la future installation ITER, dédiée à la fusion nucléaire.

Figure 2 : comparaison des quantités de tritium rejetés

Figure 2 : comparaison des quantités de tritium rejetés

Intéressons-nous, maintenant, au deuxième gros contributeur d’émission de tritium dans l’environnement du Nord-cotentin que constitue la centrale nucléaire de Flamanville avec ses deux réacteurs de 1300 MWe. La figure 3 présente la chronologie de ses rejets liquides et gazeux sur les 22 dernières années.
Ses rejets gazeux en tritium oscillent autour de 2 TBq avec une tendance à la baisse, actuellement. Concernant les rejets liquides, on constate une importante augmentation depuis l’année 2000 qui amène la centrale à frôler son autorisation annuelle de 60 TBq ces dernières années.

Figure 3 : Evolution des rejets tritiés gazeux (haut) et liquides (bas) du CNPE de Flamanville de 1985 à 2008

Figure 3 : Evolution des rejets tritiés gazeux (haut) et liquides (bas) du CNPE de Flamanville de 1985 à 2008

Figure 3 : Evolution des rejets tritiés gazeux (haut) et liquides (bas) du CNPE de Flamanville de 1985 à 2008

Figure 3 : Evolution des rejets tritiés gazeux (haut) et liquides (bas) du CNPE de Flamanville de 1985 à 2008

Cette augmentation des rejets liquides est due à l’utilisation de nouveaux combustibles (dits GEMMES) plus enrichis et produisant d’avantage de tritium. Il est à noter que Flamanville, comme d’autres centrales en France, comme la centrale de Penly, a demandé une augmentation de ses autorisations de rejets en prévision de l’utilisation d’un nouveau combustible, dit à « Haut taux de combustion (HTC) » et de la mise en route du futur réacteur EPR.

Le Centre de Stockage de la Manche (CSM), exploité par l’ANDRA, qui jouxte le site AREVA, a été le premier centre de stockage de déchets radioactifs de faible et moyenne activité en France. Il n’a obtenu que tardivement une autorisation de rejet (arrêté du 10 janvier 2003), alors que, depuis son ouverture (en 1969), du tritium a été régulièrement relâché vers l’environnement.
Sur le site, le mode de gestion des eaux a évolué au cours des années. Actuellement, seules les eaux pluviales sont rejetées dans la rivière Sainte Hélène via le bassin d’orage commun avec le site AREVA. Les effluents à risques, issus du réseau de drainage des ouvrages du site, sont rejetés en mer via l’établissement AREVA. Deux autorisations encadrent les rejets : une limite maximale de 0,125 TBq basée sur le cumul des rejets annuels en ce qui concerne les rejets en mer et une limite en concentration moyenne hebdomadaire de 100 Bq/L et annuelle de 30 Bq/L en ce qui concerne les rejets dans la rivière Sainte Hélène.

Enfin, concernant l’arsenal militaire de Cherbourg où s’effectuent la construction et la maintenance des sous-marins à propulsion nucléaire, peu d’information est disponible. L’inventaire des rejets radioactifs réalisé par le Groupe radioécologie Nord cotentin (GRNC), à la fin des années 90, présente qualques valeurs de rejets annuels liquides concernant l’élément tritium, comprises entre 50 et 1800 MBq (1800 million de Becquerel) pour la période comprise entre 1993 et 1997.

Comment mesure t-on le tritium dans l’environnement ?

Le tritium est un isotope radioactif de l’hydrogène, il en possède donc les mêmes propriétés chimiques. Dans l’environnement, on peut le trouver sous la forme d’eau tritiée où l’atome de tritium remplace un atome d’hydrogène dans la molécule d’eau. C’est sous cette forme que le tritium est mesuré à l’ACRO par une méthode dite, directe, où son rayonnement bêta est mis en évidence à l’aide d’un compteur à scintillation liquide. On utilise pour cela un solvant que l’on mélange à l’échantillon d’eau, qui a la particularité de « scintiller », c’est-à-dire, d’émettre des photons lumineux lorsqu’il est traversé par les rayonnements bêta.
Mais de la même façon, l’atome de tritium peut également se lier à la matière organique en se substituant aux atomes d’hydrogène. Sa mesure est alors plus difficile puisqu’il est nécessaire de l’extraire de la molécule organique pour pouvoir le mesurer. C’est pourquoi, le tritium lié à la matière vivante n’est pas ou très peu suivi dans l’environnement. Pourtant des incertitudes demeurent sur son transfert dans la chaîne alimentaire. Des études britanniques montrent que, contrairement à ce qui est admis actuellement en France, le tritium rejeté dans l’environnement tendrait à s’accumuler dans la matière vivante.

La surveillance menée par l’ACRO

Depuis 20 ans, l’ACRO surveille le tritium dans les cours d’eau du plateau de La Hague, et depuis plus de 10 ans, sur l’ensemble du littoral normand et dans les principales rivières du bassin Seine Normandie.
Le suivi du littoral couvre environ 600 km de côtes avec 11 sites répartis de Granville à Dieppe, suivis deux fois par an, à l’occasion des grandes marées. En ce qui concerne les eaux douces, les principales rivières du bassin Seine Normandie sont concernées chaque semestre. Une attention plus poussée est portée sur les cours d’eau du plateau de la Hague où des prélèvements mensuels sont effectués le long des cours d’eau influencés par la présence des installations nucléaires, comme la Sainte Hélène, le Grand Bel et la rivière des Moulinets.
D’autres prélèvements sont réalisés au titre d’investigation, par exemple sur des eaux de résurgence, des puits chez des particuliers, des abreuvoirs ou même sur des eaux de pluie. Ces investigations permettent de compléter les mesures régulières.

Figure 4 : Localisation des sites de prélèvement le long du littoral et des principaux cours d’eau du bassin Seine Normandie

Figure 4 : Localisation des sites de prélèvement le long du littoral et des principaux cours d’eau du bassin Seine Normandie

Concernant le suivi du tritium sur les côtes normandes, si l’on regarde les résultats sur les 3 dernières années (graphique présenté sur la figure 5 ci-dessous), on constate que les valeurs les plus importantes (de 11 à 16 Bq/L), se situent au niveau de la pointe de la Hague (site de la baie d’Ecalgrain), juste en face de la sortie de la canalisation en mer de l’usine AREVA. Les concentrations mesurées décroissent ensuite à mesure que l’on s’éloigne avec, au niveau de la Haute Normandie, une augmentation sensible des niveaux de tritium due aux rejets des deux centrales nucléaires situées à Paluel et Penly. A titre de comparaison les niveaux naturels dans l’eau de mer sont d’environ 0,2 Bq/L.

Figure 5 : synthèse des niveaux de tritium (minimum et maximum) mesurés le long du littoral normand de 2005 à 2007

Figure 5 : synthèse des niveaux de tritium (minimum et maximum) mesurés le long du littoral normand de 2005 à 2007

En ce qui concerne les principales rivières, aucune contamination en tritium n’est mise en évidence en dehors de la Seine, en aval de Nogent sur Seine, où le tritium est systématiquement mesuré avec des valeurs comprises entre 70 et 80 Bq/L, conséquences des rejets de la centrale nucléaire présente en ce lieu.

Figure 6 : niveaux de tritium (min et max) mesurés dans les principales rivères du bassin Seine Normandie de 2005 à 2007

Figure 6 : niveaux de tritium (min et max) mesurés dans les principales rivères du bassin Seine Normandie de 2005 à 2007

Intéressons nous maintenant aux résultats du suivi du plateau de La Hague. Pour commencer, regardons le suivi d’un lieu sensible puisqu’il s’agit de la rivière Sainte Hélène qui prend sa source sous les installations nucléaires d’AREVA et du Centre de Stockage de la Manche, constituant l’exutoire des rejets issus du bassin d’orage. On constate, en regardant les résultats du suivi (figure 7), que l’eau de la Sainte Hélène est marquée par le tritium de sa source jusqu’à 2km en aval, c’est-à-dire, quasiment sur toute sa longueur. Les niveaux oscillent de la source jusqu’à 400 mètres en aval de 60 à 250 Bq/L et de 70 à 150 Bq/L plus loin, à 2 km en aval. Les variations saisonnières sont généralement synchrones mais elles présentent parfois des niveaux en tritium plus importants en aval de la source. Il existe donc des contributions en tritium qui alimentent la rivière après sa source. En effet, des résurgences, analysées, révèlent des apports supplémentaires de tritium, confirmant la contamination des nappes phréatiques sous-jacentes.

Figure 7 : Suivi des niveaux de tritium dans la rivière sainte Hélène sur le plateau de la Hague.

Figure 7 : Suivi des niveaux de tritium dans la rivière sainte Hélène sur le plateau de la Hague.

La contamination des nappes phréatiques provient majoritairement des nombreux relâchements en tritium vers les aquifères du centre de stockage de 1976 à 1996, que l’exploitant évalue à 35 TBq (35 milliers de milliards de Becquerels) de tritium relâché ainsi dans les sous-sols, dont 5 TBq pour la seule année 1976. Ce tritium provenait en majeure partie d’un entreposage précaire de déchets tritiés. En 1986, l’ANDRA a mesuré jusqu’à 6 millions de becquerels par litre dans l’aquifère sous le centre, et mesure encore aujourd’hui des concentrations pouvant aller jusqu’à 180 000 Bq/L.
Dans le cadre d’une campagne menée par Greenpeace en 2006, de l’eau souterraine puisée en zone publique au nord du site a été mesurée par notre laboratoire à 20 600 Bq/L.

Cette situation est préoccupante car la pollution des nappes continue à dépasser largement les normes de potabilité définies par l’OMS (10 000 Bq/L) et le niveau d’intervention défini par l’Union Européenne (100 Bq/L). La surveillance des nappes phréatiques reste un enjeu majeur et on peut regretter que l’accès aux puits de contrôle soit réservé au seul exploitant. Les sous-sols relèvent bien pourtant du domaine public…

Maintenant, si l’on considère comme anciens les relâchements en tritium et autres incidents, on devrait s’attendre à une amélioration de la situation radiologique de l’environnement. Ce qui n’est pas le cas. Si l’on regarde les niveaux mesurés dans la rivière le Grand Bel, depuis 10 ans, on constate une stagnation des concentrations en tritium autour de 700 Bq/L au niveau de sa source et autour de 200 Bq/L plus loin à un kilomètre en aval (voir figure 8). Le Grand Bel, prend sa source à quelques centaines de mètres au nord du CSM et c’est un affluent de la Sainte Hélène. La contamination quasi stable, au cours du temps, des eaux de cette rivière va à l’encontre de ce que l’on devrait attendre. En effet, comme tout élément radioactif, le tritium s’élimine en fonction de sa période physique, appelée aussi demi-vie. Celle-ci est de 12,3 ans pour le tritium, c’est-à-dire qu’après ce délai la moitié de sa quantité initiale doit avoir disparu. Or on voit bien que cela n’est pas le cas ici et on peut donc soupçonner un apport régulier en tritium vers la nappe phréatique.

Figure 8 : Evolution des concentrations en tritium des eaux de la rivière du Grand Bel de 1999 à 2007

Figure 8 : Evolution des concentrations en tritium des eaux de la rivière du Grand Bel de 1999 à 2007

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Feuilleton EPR2

Parce que le gouvernement a décidé d’autoriser EdF a construire un deuxième EPR, nous allons reprendre notre feuilleton sur l’EPR. Le premier feuilleton écrit avant la construction de “la tête de série” à Flamanville garde toute sa pertinence.

  1. Exportation Peu Rentable

Exportation Peu Rentable

ACROnique du nucléaire n°84, mars 2009

C’est par un communiqué [1] laconique que l’Elysée a annoncé le lancement d’un deuxième EPR, en France : « L’Etat valide le projet d’EDF de réaliser cette centrale sur le site de Penly, en Seine-Maritime. EDF réalisera cet équipement dans le cadre d’une société de projet dont il aura la majorité. GDF SUEZ sera associé à ce projet. D’autres partenaires désireux de partager l’investissement et l’approvisionnement électrique seront invités à y participer. EDF déposera dans les prochaines semaines un dossier sur ce grand projet à la commission nationale du débat public, en vue de commencer la construction en 2012 et de raccorder la centrale au réseau en 2017. Dans la perspective du développement ultérieur de la filière, l’Etat reconnaît la volonté de GDF SUEZ d’assumer la maîtrise d’ouvrage et l’exploitation de l’EPR suivant. »

Cette décision n’est justifiée ni par une nécessité de diversifier la production électrique puisque le nucléaire fournit déjà 84% de l’électricité d’EdF, ni par une nécessité de favoriser la concurrence par rapport à l’opérateur historique, puisque c’est EdF qui gagne le bras de fer contre GdF-Suez. Le président de la république a justifié sa décision lors de son déplacement à Flamanville le 6 février 2009 où un premier EPR est en construction : faire de la France une exportatrice d’électricité. « Il y a le monde à conquérir en énergie » a-t-il déclaré.

Cette décision apparaît comme un aveu d’échec de la part de celui qui voulait vendre des EPR à toute la planète. Faute de pouvoir vendre des réacteurs, on va les construire en France et exporter l’électricité. Or la France est déjà exportatrice d’électricité, comme cela est exposé en encadré et ce n’est pas sans poser de nombreux problèmes.

Dans un appel [2] d’intérêt public pour une diversification urgente du bouquet électrique français, des employés d’EdF soulignent qu’« avec près de 80% de sa production électrique d’origine nucléaire […] la France est le seul pays au monde à dépendre autant de cette source d’électricité peu modulable et donc inadaptée aux pointes de consommation. L’extrême centralisation inhérente à la technologie nucléaire, outre qu’elle entraîne des pertes d’énergie sur le réseau, constitue une cause supplémentaire de vulnérabilité potentielle de l’approvisionnement électrique, dans un contexte de multiplication des incidents et accidents, notamment liés à l’âge du parc et à certaines erreurs de conception. […]

D’une part, ses 58 réacteurs rendent notre pays notoirement excédentaire en moyens de production continue de courant (répondant aux besoins en base). La nécessité technique que ces installations fonctionnent jour et nuit – hors périodes d’arrêt pour maintenance – encourage chez nous la surconsommation électrique. L’électricité ne pouvant se stocker, cette surproduction entraîne aussi des exportations à bas prix de courant à l’étranger, lesquelles ont, dans nombre de pays, un effet de dumping dissuasif sur le développement des énergies renouvelables, qu’elles soient thermiques (biogaz, biomasse…) ou autres. Par ailleurs, le surcroît de plutonium et de déchets radioactifs correspondant à ces exportations restera bien sûr, quant à lui, stocké sur le sol français.

D’autre part, les unités de production thermiques plus souples (utilisables en périodes de pics de demande électrique sans générer le reste du temps de gaspillages ni d’incitations à la surconsommation) commencent en revanche à faire cruellement défaut – d’où les difficultés croissantes de RTE (le Réseau de transport d’électricité) pour faire face à la demande sans discontinuité. Cela oblige, lors des pointes de consommation ou d’incidents sur le réseau, à de coûteuses importations d’électricité produite à l’étranger, y compris à partir de ressources fossiles particulièrement polluantes comme le lignite ; celles-ci sont en outre souvent brûlées dans des centrales de conception dépassée, à mauvais rendement énergétique et ne répondant pas aux normes environnementales les plus récentes.

Autrement dit, au lieu d’apporter au niveau planétaire des économies nettes d’émissions de gaz carbonique (CO2), notre parc électronucléaire surdimensionné amène en pratique la France à externaliser, vers des états comme l’Allemagne ou la Pologne, des émissions massives de CO2 et d’autres polluants liées à l’exploitation ponctuelle de centrales thermiques anciennes, ce qui retarde d’autant la fermeture des plus vieilles centrales étrangères. […]

Le « Grenelle de l’Environnement » vient à juste titre d’insister sur l’impérieuse et urgente nécessité de lutter contre les dérèglements climatiques, en particulier par le biais des économies d’énergie et de l’efficacité énergétique, dont on sait désormais qu’elles ont joué, dans la baisse des émissions de CO2 françaises au cours des années 70 et 80, un rôle au moins égal à celui de la mise en service du parc électronucléaire en remplacement d’unités thermiques classiques. […]

Dès lors, on ne peut plus se contenter de construire – comme le prévoient EDF et le gouvernement – de nouvelles centrales thermiques classiques (gaz, fioul, bois…) pour assurer les pics de demande, sans réduire aussi notre parc nucléaire surdimensionné qui, notamment par les gaspillages qu’il induit, entrave toute réelle politique d’économies d’énergie, non seulement en France, mais aussi indirectement en Europe, voire ailleurs dans le monde par le mauvais exemple qu’il donne. […]

Pour toutes ces raisons, nous demandons à compter d’aujourd’hui une réduction rapide et volontariste de la part du nucléaire dans le bouquet électrique français. Cette part pourrait par exemple passer, en cinq ans, des actuels 80% à 60% de l’électricité consommée, et ce :
– en fermant les réacteurs atomiques les plus anciens, les plus coûteux en maintenance, les plus générateurs de rejets et effluents radioactifs et chimiques, les plus irradiants, démotivants et anxiogènes pour les personnels qui y travaillent et les populations environnantes, tout en assurant le maintien sur site ou la reconversion des travailleurs ;
– en leur substituant des moyens de production électrique moins centralisés, adaptés aux ressources locales (centrales à gaz en cogénération, susceptibles de fonctionner à terme avec du biogaz de méthanisation, et à coupler avec des réseaux de chaleur ; centrales à bois, ou centrales mixtes charbon/biomasse ; photovoltaïque ; éolien ; etc.). Par ailleurs, tout en respectant les normes environnementales et énergétiques les plus modernes, ces moyens de production peuvent, contrairement aux réacteurs nucléaires, répondre aux fluctuations de la demande et être mis à l’arrêt chaque fois que les nécessaires efforts d’économies d’énergie effectués par les industriels, les collectivités et les particuliers le justifieront. »

[1] Publié le 30-01-09
[2] http://www.alecoso.fr/spip.php?article64

2000 à 2007, bilans électriques français

Notes de lecture des bilans annuels publiés par le Gestionnaire du Réseau de transport d’électricité (RTE)

André Guillemette, juillet 2008

Nucléaire et indépendance énergétique, part de l’électricité nucléaire dans la consommation d’énergie en France

Source : Mémento sur l’énergie, Energy data book, CEA, Ed. 2006

Source : Mémento sur l’énergie, Energy data book, CEA, Ed. 2006

Selon la publication du CEA (CEA, 2006), la consommation totale d’énergie en France en 2005 a été de 276,5 Mtep (millions de tonnes équivalent pétrole), dont 117,5 Mtep en électricité. Sur ces 117,5 Mtep, 78,3 % sont d’origine nucléaire (CEA, 2006). La part de l’électricité nucléaire produite est donc de 33,27 % de l’énergie consommée.

Lors du débat sur l’énergie organisé par le gouvernement français en 2003, l’association Global Chance partant des mêmes consommations de l’année 2000 que “CEA 2001”, mais prenant en compte toutes les données comptables (rendements, pertes en ligne, consommation d’auxiliaires, …), évaluait la part de l’énergie nucléaire consommée à 17%, alors que les données officielles situaient cette contribution à 28% pour cette même année 2000.
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La production d’énergie nucléaire et l’exportation d’électricité

Electricité d’origine nucléaire et exportations d’électricité

Electricité d’origine nucléaire et exportations d’électricité
Sources : EDF et RTE

En 2007, les 58 réacteurs français ont produit 428,7 TWh (TWh = 1000 milliards de Watt par heure). 56,7 TWh soldent le bilan positif des échanges d’électricité avec les pays limitrophes Italie, Suisse, Grande-Bretagne, Espagne, Allemagne. En 2007, comme les dix années précédentes l’exportation était de l’ordre de 83 TWh.
Nous avons exporté en 2007 une quantité d’électricité équivalente à la production de 8 (solde positif des échanges) à 11,5 (production en base, contractuellement exportée) réacteurs.
Ce solde positif des échanges d’électricité apparaît dès 1982, progresse rapidement jusqu’en 1990 pour rester relativement constant jusqu’à aujourd’hui, comme on peut le voir sur le graphe ci-contre.
Bilan détaillé des échanges

L’historique du solde des échanges d’électricité est présenté ci-dessous en nombre de réacteurs dédiés à l’exportation.

Sources : EDF et RTE

Sources : EDF et RTE

Dès 1984 apparaît une surcapacité équivalente à la production de 4 réacteurs. En part de la production d’origine nucléaire, l’électricité exportée varie de 10 à 20 % de cette production. Depuis 1991 le palier d’exportation varie entre l’équivalent production de 8 à 11 réacteurs.

Solde des échanges par pays
(un réacteur produit en moyenne 7,2 TWh/an)

Sources : RTE

Sources : RTE

Depuis 2004, la tendance  est à l’exportation de la production d’environ 3 réacteurs vers la Suisse, 3 réacteurs vers l’Italie, 2 réacteurs vers la Belgique, et un réacteur vers la Grande Bretagne et l’Espagne. Par contre, nous importons l’équivalent de la production d’un réacteur de l’Allemagne, pays connu pour son fort développement des énergies renouvelables … et l’engagement pour l’arrêt de son programme électronucléaire.

Commentaires

Depuis 1990, nous avons  une surcapacité  moyenne de 10 réacteurs nucléaires,  et environ 48 dédiés à l’utilisation hexagonale. De plus, 3 réacteurs sur les 4 du site de Tricastin servent uniquement à l’enrichissement du combustible, dont une grande partie est exportée : Tricastin fabrique plus du tiers de la production mondiale, l’équivalent du chargement de 100 réacteurs, soit encore presque 1,5 réacteurs dédiés à l’exportation. AREVA construit actuellement sur le site de Tricastin une nouvelle usine d’enrichissement par centrifugation (GB2) nettement moins gourmande en électricité que le procédé actuel par diffusion gazeuse : 75 MW contre 3000 MW. La nouvelle usine sera opérationnelle en 2009 (ASN, 2007)… et la production de 3 réacteurs de 900 MWe sera disponible sur le réseau en 2009, 2 ans avant la mise en service prévue (2011) de l’EPR en construction à Flamanville.
Il est aussi notable qu’un réacteur sert en permanence à pomper de l’eau (env. 7 TWh/an) pour la monter dans des réserves d’eau dont l’énergie est restituée en conduite forcée, en fonction des besoins. C’est indispensable pour pouvoir adapter l’offre à la demande.

En conclusion, 12 réacteurs sur 58, soit 20,7 % du parc nucléaire français, sont utilisés à d’autres fins que les seuls besoins énergétiques des Français depuis le début des années 1990. Cela devrait augmenter dans les années à venir de 2009 à 2011 la production de 4 réacteurs (3 x 900 MWe à Tricastin, 1 x 1600 MWe à Flamanville) va être disponible sur le réseau électrique français sans que la consommation ait progressé notablement : elle a régressé entre 2006 et 2007 (RTE, 2006 et 2007). Que faire de ces 4300 MWe disponibles en base, sinon signer là encore des contrats d’exportation pour assurer un débouché fiable à notre production nucléaire ?

Sachant que les 58 réacteurs actuels ont une durée minimale d’activité prévue de 40 ans (60 ans – espérés – pour les mêmes réacteurs nucléaires aux Etats-Unis), soit un premier besoin de remplacement en 2017  au plus tôt, nous ne percevons toujours pas encore pourquoi il a fallu démarrer de toute urgence la construction d’un réacteur EPR à Flamanville, dont la production viendra s’ajouter en 2011 à notre surcapacité chronique. Rappelons que Flamanville et Penly font partie des sites les plus éloignés des frontières suisses et italiennes, limites de résidence des principaux clients d’EDF.

Bibliographie

ASN, 2007. Rapport annuel : La sûreté et la radioprotection en France en 2007
CEA, 2006. Mémento sur l’énergie. CEA, édition 2006.
Global Chance, 2003. Les cahiers de Global Chance. Petit mémento énergétique. Eléments pour un débat sur l’énergie en France. Janvier 2003.
RTE, 2000 à 2007. Résultats techniques du secteur électrique en France. RTE, Gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité. Années 2000 à 2007.

Ancien lien

Rapport d’étude sur l’origine des éléments de la famille de l’uranium-235 dans les environs de la centrale de Brennilis (29)

Rapport d’étude sur l’origine des éléments de la famille de l’uranium-235 dans les environs de la centrale de Brennilis (29)

« Faut-il tout dire pour bien informer ? »

Communiqué de presse ACRO du 3 avril 2007


L’ANDRA (Agence Nationale pour la Gestion des Déchets Radioactifs) organise le 5 avril à Cherbourg Octeville un colloque sur comment « Mieux répondre aux attentes d’information du public ». La principale question posée aux intervenants et re-débattue le soir est : « faut-il tout dire pour bien informer ? ».

L’ANDRA aurait-elle quelque chose à cacher ? Aurait-elle honte de divulguer certaines informations ? Alors que les autorités s’enorgueillent d’avoir fait voter une nouvelle loi sur la « transparence » nucléaire, dont les décrets d’application sont en cours de préparation, cette question en forme d’aveux n’est pas innocente.

Les droits français et européen sont très ambitieux sur ce sujet. La charte de l’environnement, maintenant adossée à la constitution française, impose que « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ». Afin de pouvoir exercer ce devoir, « toute personne a le droit, dans les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Quant à la convention d’Aarhus, ratifiée en 2002 par la France, elle est beaucoup plus précise et très contraignante sur ce sujet.

Alors que la question primordiale est la mise en pratique de la convention d’Aarhus, malgré les réticences des pouvoirs publics, l’ANDRA remet-elle en cause les bases même de cette démocratie participative appliquée aux questions environnementales ?

Ces nouvelles dispositions, qui ne sont pas dues à une poignée d’« écolos » idéalistes, voire « illuminés », tardent à être appliquées. Ainsi, l’ANCLI a demandé la mise en place d’une Commission Pluraliste et Permanente de Débat sur les déchets et matières radioactifs qui doit accompagner les dix années de recherche prévues par la nouvelle loi sur les déchets. Malheureusement, personne ne veut en entendre parler. On en est encore à se demander si une agence nationale doit tout dire.

Par le passé, l’ANDRA a eu beaucoup de choses à cacher, n’hésitant pas à porter plainte contre l’ACRO quand elle osait divulguer les dysfonctionnements du Centre de Stockage de la Manche. Le fonctionnement à huis clos a permis tous les abus et nous en payons encore aujourd’hui les conséquences. Nos descendants et les générations futures aussi. Mais chut, il ne faut pas leur dire…

Ancien lien