La fin du retraitement en Grande-Bretagne ?

Extrait de la revue de presse internationale de l’ACROnique du nucléaire n°49, juin 2000


Le scandale a commencé l’an dernier (voir notre précédente revue de presse internationale), quand l’Independent a révélé que les données sur la qualité du combustible Mox fourni par BNFL (British Nuclear Fuels Limited) au Japon avaient été falsifiées. Les deux usines Mox de Sellafield sont depuis fermées et c’est l’avenir de toute la filière plutonium qui est maintenant en jeu. Le marché semblait pourtant être porteur, 80 transports vers le Japon étaient prévus, la construction d’une nouvelle usine de fabrication de combustible Mox envisagée, avec à la clé la privatisation de BNFL. Le gouvernement espérait vendre 49% de la compagnie pour un montant de 1,5 milliards de livres avant les prochaines élections. Dans ce but, la compagnie s’est payé un supplément complet à la revue La Recherche. C’est à la suite de ce scandale que l’on a appris que BNFL payait 500.000 livres par an au ministère des affaires étrangères pour avoir un employé avec un passeport diplomatique à l’ambassade de Tokyo. McLaughlan, actuellement en poste avec le statut de conseiller, était directeur de la communication au siège de BNFL avant. cela fait 20 ans que la pratique dure. Selon un conseiller du ministre de l’environnement au moment où a été décidé la construction de l’usine de retraitement Thorp en 1993, les télégrammes diplomatiques du Japon étaient tous rédigés par BNFL, même s’ils étaient signés par l’ambassadeur. Ils annonçaient des perspectives de contrats et de développement très optimistes. Le ministère des affaires étrangères ne voit là aucun conflit d’intérêt… (The Guardian, 8 mars 2000)

Une sûreté minimale pour un profit maximal

Le traitement du Mox consiste en la transformation d’un mélange de poudres d’oxydes d’uranium et de plutonium en pastilles de céramique dont la taille est définie par le client. Chaque pastille est mesurée par laser et celles qui ne satisfont pas le cahier des charges sont rejetées. C’est lors d’un deuxième contrôle, quand 5% des pastilles choisies au hasard sont mesurées à la main, que la falsification a eu lieu. Dans certains cas de larges parties de fichiers anciens ont été copiées et collées dans de nouveaux fichiers. Les autorités japonaises ont été averties par l’Inspection des Installations Nucléaires (NII) que deux lots suspects étaient dans le bateau en route vers le Japon dont le départ avait fait beaucoup de bruit l’été dernier. Le client, la compagnie de production d’électricité du Kansai, a demandé à BNFL de reprendre le chargement et l’utilisation de ce type de combustible remis à plus tard. (ENS, 4 février 2000)

Le NII a publié 3 rapports le 18 février sur le manque de culture de sûreté chez BNFL : le premier sur la gestion de déchets liquides de haute activité ; le deuxième sur l’augmentation du nombre d’incidents en 1999 qui a conduit à un audit complet ; et le dernier sur la falsification des données concernant le combustible Mox. Les inspecteurs menacent de fermer l’usine de retraitement si une solution n’est pas présentée pour l’élimination des déchets liquides très actifs avant 2015. Pendant plus de 40 ans, ces déchets ont été stockés dans des citernes et refroidis continuellement. En 1990, une usine de vitrification a été construite pour convertir les 1300 m3 de déchets contenus dans 21 citernes en 8000 fûts qui devront ensuite être refroidis pendant une cinquantaine d’années. L’usine n’a jamais bien fonctionné et la production limitée à 110 fûts en 2 ans. L’usine a ensuite été modifiée pour atteindre 300 fûts par an, mais cela ne suffit pas pour éponger le passif. Le problème c’est qu’avec le retraitement, BNFL produit plus de déchets liquides qu’elle n’en vitrifie. Par conséquent, les inspecteurs menacent de fermer Thorp. L’Irlande, qui craint l’explosion d’une de ces citernes, fait pression pour qu’une solution soit trouvée rapidement.

La falsification des données sur le Mox remonte à 1996 et est donc bien plus ancienne que ce que l’on pensait initialement. Le rapport dénonce un manque de culture de sûreté et met en avant la facilité avec laquelle il était possible de falsifier les données. Si les employés mis en cause sont bien responsables, il n’est pas normal que cela ait pu durer pendant 3 ans. La direction de l’usine doit donc aussi être tenue pour responsable, pas seulement les cinq employés licenciés. Le rapport souligne cependant que la qualité du combustible n’est pas en cause. BNFL a accepté ces rapports et a promis de suivre les recommandations. (The Guardian et The Independent, 18 février 2000). Il est recommandé que toute l’organisation soit revue et que les cadres intermédiaires qui avaient été licenciés afin de minimiser les coûts de production en vue de la privatisation soient réintégrés. Les objectifs de la compagnie étaient le profit, pas la sûreté, avec en particulier une volonté de réduire de 25% les coûts. Le rapport prétend que le site est sûr, mais que la sûreté est réduite au minimum tolérable. (The Guardian, 19 février 2000).

Un autre rapport de l’Agence de l’Environnement dénonce la falsification des données concernant les rejets de la centrale de Hinkley Point, sur la Manche. Il s’agit de deux des huit réacteurs Magnox, de première génération, encore en activité et gérés par… BNFL. Entre décembre 1997 et décembre 1998, seulement la moitié des rejets de carbone 14 ont été déclarés. Après avoir mesuré de fortes activités en carbone 14, un employé a pensé que la mesure était faussée par la présence de sulfure 35 et a soustrait la quantité de cet élément qu’il pensait être présent. Il avait tort, mais les quantités réellement rejetées ne dépassent pas les autorisations de rejet. La centrale est actuellement à l’arrêt depuis quelques mois car il est apparu que certaines parties de l’acier subissant des compressions n’avaient pas été bien testées il y a 35 ans, quand la centrale a été construite. (The Observer, 20 février et The Guardian, 21 février 2000). BNFL a donc finalement décidé de ne pas la redémarrer. (The Guardian Weekly, 1-7 juin 2000).

Réactions en chaîne en Europe

Le Mox produit en 1996 par BNFL était entièrement destiné à l’Allemagne, ce qui a permis de découvrir que 4 assemblages du réacteur de Unterweser n’avaient pas subit non plus des tests satisfaisants. L’information a fait un tollé en Allemagne. Pour sa défense, BNFL prétend que les pastilles ont bien été vérifiées, mais que le fichier de données s’est perdu à la suite d’un problème informatique et qu’il a donc été remplacé par un faux. La Suisse qui a commandé du combustible Mox en 1997 est aussi inquiète. Une investigation complémentaire a permis de découvrir qu’il en était de même pour le combustible de la centrale de Beznau. Le coup est dur pour BNFL qui avait nié les faits pendant plus de quatre mois et pour les autorités britanniques qui étaient jusque là incapables de répondre aux sollicitations allemandes et suisses. (ENS, 22 février 2000 et The Guardian, 23 février 2000) L’Allemagne a décidé d’arrêter la centrale et de retirer le combustible suspect (BBC, 24 février 2000). Elle demande aussi des compensations pour le manque à gagner et envisage de rompre tous ses contrats. (The Guardian, 25 février 2000) Tous les transports de combustible Mox à destination de l’Allemagne ont été suspendus. (The Independant, 9 mars 2000). La Suisse a suspendu ses envois de combustible irradié vers la Grande-Bretagne et le parlement est en train de débattre sur une nouvelle loi sur l’énergie nucléaire. La Suède a aussi suspendu l’envoi de 4,8 tonnes de combustible irradié provenant d’un réacteur de recherche (ENS, 27 mars 2000)

Le directeur de BNFL a finalement démissionné, capitulant devant les pressions gouvernementales dont il a fait l’objet. Cela faisait quatre ans qu’il dirigeait la compagnie. (ENS, 29 février 2000). Le NII, qui ne s’est pas aperçu pendant 3 ans des falsifications faites par BNFL, est aussi sur la sellette, malgré les rapports sévères qu’il a publiés. Des parlementaires vont donc se pencher sur les relations entre BNFL et la sûreté qui semblent être serrées. (The Observer, 5 mars 2000)

Nouveaux scandales

Les inspecteurs du NII ont recalé 4 lots de combustibles d’uranium provenant de l’usine de Springfields, près de Preston, et destinés à deux centrales car ils ont découvert des fissures. Si ces barres avaient été chargées, des fuites de radionucléides auraient pu contaminer le système de refroidissement primaire des réacteurs. NII ne peut pas garantir qu’il n’y a pas de barre fissurée dans un des réacteurs du pays et va mener une enquête plus approndie sur la production de cette usine. La livraison de combustible vers les 7 réacteurs gaz a été suspendue. (The Observer, 5 mars 2000) Les containers qui servent à transporter l’hexafluorure d’uranium et utilisés pour l’exportation ne résistent pas plus de trois minutes à un feu, selon une nouvelle étude. Cela concerne plus de 2300 convois par, soit 20000 tonnes de matériaux vers la Russie, les Etats-Unis, la France, l’Allemagne et les Pays Bas. Les tests ont été effectués par l’IPSN qui a montré que dans le meilleur des cas, au bout de 175 secondes le container se rompt. En cas d’accident, de grandes quantités d’hexafluorures d’uranium peuvent se répandre et réagir avec l’air pour donner un gaz acide, l’hydrofluorique, qui peut endommager les poumons. L’AIEA recommande que les containers tiennent plus de 30 min dans un feu à 800°C. (The Guardian Weekly, 6-12 avril 2000).

C’est à nouveau The Independent qui révèle que c’est tout le contrôle des pastilles cylindriques de Mox qui est trafiqué. Le diamètre de ces pastilles soit être constant avant de les empiler dans des barres de combustibles. S’il est trop grand, elles peuvent gonfler et déformer les barres. S’il est trop petit, les pastilles peuvent se mettre à vibrer. BNFL est donc supposée mesuere automatiquement le diamètre par laser en trois points : en haut, en bas et au milieu. Mais il est rapidement apparu que les pastilles qui sortaient de l’usine avaient “la forme d’un pot de fleur”. Une extrémité était donc plus large et la pastille était rejetée. BNFL a donc déplacé les 2 points de mesure extrêmes de 2 mm vers l’intérieur afin que les défauts se voient moins et que la pastille passe les tests. Interrogé par le journal, NII a confirmé. BNFL lui aurait dit qu’il n’était pas nécessaire de faire des mesures aux extrémités car les cylindres sont parfaits. Le NII a admis l’explication sans être informé sur le défaut de forme. Il a aussi affirmé qu’il n’avait pas été informé du changement de méthode de contrôle quand cela a eu lieu. La compagnie a démenti avoir voulu diminuer les coûts en réduisant les contraintes, mais a reconnu la position des points de mesure. (The Independent, 7, 8 et 9 mars 2000).

Vers la fin de retraitement ?

C’est toute la filière du retraitement qui a été remise en cause lors de la réunion OSPAR où le Danemark a pris une initiative en vue de son interdiction, soutenu par l’Islande et l’Irlande. Mais, pour prendre effet les motions doivent être approuvées par les deux-tiers des pays représentés au sein de la commission. (ENS et AFP, 27 mars 2000). Le nouveau président de BNFL a envisagé l’arrêt du retraitement devant la chambre des communes et a annoncé qu’il était impensable de privatiser partiellement la compagnie avant 2002. L’ensemble des activités du groupe doivent être révisées, car l’amélioration de la sûreté a un coût qui risque de rendre la privatisation impossible. Le gouvernement aurait accepté l’idée que le retraitement n’a pas d’avenir. Mais la participation dans la gestion des armes nucléaires est maintenue. Le Ministère de la défense a confirmé le consortium AWE ML (Atomic Weapons Establishment, constitué à parts égales de Lockheed Martin, British Nuclear Fuels et SERCo). (ENS, 3 avril 2000 et The Guardian Weekly, 30 mars au 5 avril 2000) British Energy, qui vient de diviser par deux les dividendes versés à ses actionnaires, a annoncé qu’il négociait avec BNFL l’arrêt du retraitement afin de réduire ses charges des deux tiers. Pour le producteur d’électricité, le retraitement est un “non-sens” économique et espère convaincre son partenaire que son arrêt est la seule façon de sauver l’énergie nucléaire. Ce retrait du principal client signifierait la fin du retraitement en Grande-Bretagne. (The Independent et 11 mai 2000 et The Guardian, 19 mai 2000). BNFL a démenti qu’elle serait mencée de faillite comme l’a rapporté le Sunday Telegraph qui dit citer un rapport interne confidentiel qui révèle les coûts inattendus portant le passif de la firme à 36 milliards de livres (54 milliards de dollars). BNFL s’est refusée à commenter ces chiffres, car un étude à ce sujet est encore en cours. (AFP, 28 mai 2000).

Le gouvernement allemand a lancé une enquête auprès des centrales nucléaires ayant acheté du combustible recyclé Mox à la Cogema. Un problème de qualité lui a été signalé par l’Etat régional de Basse-Saxe où une centrale utilise du Mox produit par le site de Caradache. La Cogema a répondu à cette mise en cause en assurant que les problèmes viennent de logiciels et que ce n’est pas la la qualité du Mox qui est en cause “mais l’enregistrement de la qualité”… (Ouest-France, vendredi 31 mars 2000)


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Enquêtes publiques au Centre de retraitement de la Hague : commentaires de l’ACRO

Rapport complet

Extrait de l’ACROnique du nucléaire n°49, juin 2000


La Cogéma a fait une demande d’autorisation de modification de ses usines de retraitement de La Hague qui a été soumise à enquête publique du 2 février au 17 mai 2000. L’ACRO a remis un rapport avec ses commentaires dont nous reprenons ici l’introduction et les conclusions. Le rapport complet a été publié dans l’ACROnique du nucléaire n°49 de juin 2000 ou peut être directement téléchargé au format pdf.


 

Introduction

Devant faire face à une baisse de ses commandes, la COGEMA souhaite augmenter la capacité de retraitement de ses deux usines afin de pouvoir en fermer une momentanément si nécessaire. Elle demande aussi à être autorisée à retraiter des combustibles plus irradiés, combustibles MOx ou provenant de réacteurs de recherche (MTR). La demande formulée par l’exploitant pourra surprendre car il ne s’agit pas, de façon spécifique, d’une nouvelle demande d’autorisation de rejet, en vertu du décret de 1995, mais bien d’une demande de modification de l’arrêté du 12 mai 1981 visant à étendre le fonctionnement actuel des installations (INB 116-117-118) et, tout particulièrement, à autoriser le retraitement de nouveau combustibles dont les caractéristiques sont éloignées de celle pour lesquelles ces installations ont été conçues. Ces demandes doivent être accompagnées d’une étude de danger et d’impact environnemental de ces nouvelles activités. En outre, le gouvernement a affirmé vouloir réduire autoritairement les autorisations de rejet à l’issue des enquêtes publiques. Nous allons donc donner aussi notre avis sur le sujet.

L’ACRO a participé pendant deux ans au travaux du Groupe Radioécologie du Comité Nord Cotentin (GRNC dans la suite), ce qui lui permet d’avoir un regard critique sur le dossier d’impact déposé par l’exploitant. L’étude de danger soumise à enquête est très maigre et peu détaillée ; elle repose sur un rapport préliminaire de sûreté auquel nous n’avons malheureusement pas accès. Ce fait rend l’examen critique plus difficile.

Les principes de radioprotection de la publication n°60 de la CIPR, qui ont été repris par la législation européenne concernant l’exposition des travailleurs et de la population sont :

  1. Le principe de justification : une pratique induisant une exposition aux rayonnements ionisants n’est acceptable que si elle procure un bénéfice aux personnes exposées ou à la société ;
  2. Le principe d’optimisation : si cette pratique est justifiée, le détriment subit doit être aussi faible que possible ;
  3. Le principe de limitation de dose et de risque : l’ensemble des doses reçues par les individus doit conduire à un risque inférieur aux limites jugées comme socialement acceptables.

C’est au regard de ces trois principes que nous avons étudié les dossiers d’enquête publique déposés par COGEMA.

Au risque radiologique s’ajoute le problème des rejets chimiques qui fait l’objet d’un chapitre particulier.

[…]

En résumé et conclusion

Nous pensons que l’étude de danger devrait être plus détaillée, comporter des développements relatifs à divers scénarios d’accidents envisageables et tenir compte des effets combinés des modifications demandées par l’exploitant. Par ailleurs, bien que cette pratique (retraitement de nouveaux combustibles et matières) nous apparaisse non justifiée, si l’autorisation était donnée, il nous semble nécessaire d’imposer des limites précises aux quantités totales et relatives de combustibles MOx et MTR retraitées. Nous demandons que le retraitement des nouveaux combustibles soit justifié, conformément à la directive européenne.

L’article 6.2 de la directive EURATOM stipule : ” La justification des catégories ou types de pratiques existants peut faire l’objet d’une révision chaque fois que des connaissances nouvelles et importantes concernant leur efficacité ou leur conséquences sont acquises “. Nous estimons que le travail fait par le GRNC constitue une connaissance nouvelle des conséquences du retraitement. Nous demandons par conséquent que le retraitement des combustibles irradiés soit justifié, conformément à la directive européenne.

Concernant les rejets nominaux, il apparaît que la marge (différence nominal – réel) dont l’exploitant souhaite disposer est tout à fait conséquente. Compte tenu, d’une part, du niveau actuel très élevé des rejets des installations de retraitement et, d’autre part, des projets développés ici qui contribueront à l’évidence à une augmentation de ces rejets, l’ACRO considère très clairement que l’acceptation des rejets nominaux irait à l’encontre de la convention OSPAR signée par la France. En outre, le projet présenté par COGEMA ne satisfait pas le principe d’optimisation de la directive européenne : il est tout à fait envisageable à l’exploitant de réduire d’avantage ses rejets.

Pour ce qui est de la réduction de l’impact sanitaire pour les populations voisines, la démonstration de l’exploitant n’est pas convaincante compte-tenu des projets exposés et de leurs conséquences en matière d’augmentation de rejets. Dans ce contexte, il doit être souligné que la valeur de 30 microSv retenue par COGEMA comme seuil d’impact sanitaire nul est en contradiction avec l’hypothèse de la “linéarité sans seuil” admise par les comités scientifiques internationaux (CIPR, BEIR…).

Le choix des groupes de référence retenus par l’exploitant est éminemment contestable. Tout particulièrement, COGEMA devrait, à l’instar du Comité radioécologie Nord-Cotentin, considérer que des pêcheurs exercent dans la zone des Huquets. Par ailleurs, les régimes alimentaires des groupes de référence choisi par la COGEMA ne permettent donc pas de s’assurer que toute la population est soumise à des doses inférieures aux chiffres annoncés.

Les éléments contestables de la partie du dossier consacrée aux rejets chimiques, ainsi que l’évolution des dispositions réglementaires, ne font que renforcer la nécessité d’une réelle étude d’impact suivie d’une enquête publique qui ont fait défaut de façon surprenante au début des années 80. Par conséquent, la position de l’exploitant, qui estime que la mise en oeuvre de ses demandes d’accroissement de la capacité de retraitement et l’élergissement de la gamme des produits à traiter, ne nécessiterait pas de réviser les rejets chimiques en mer, n’est pas acceptable. Pour l’ACRO, il est indiscutable, à la lecture du décret du 5 mai 1995 et de la Circulaire DSIN-FAR/SD4 n°40676/98 du 20 mai 1998, qu’une nouvelle demande d’autorisation airait dû être formulée par l’exploitant pour les raisons suivantes :

  • demande d’augmentation des rejets de TBP de 6,7 t/an à 10 t/an (soit bien plus de 10% d’augmentation…),
  • demande de rejets de nouveaux polluants chimiques (nitrites, soufre, mercure, cadmium…)
  • adjonction de nombreux radionucléïdes nouvellement identifiés par le GRNC (+53%).

En conclusion, l’ACRO demande :

  1. que les rapports de sûreté censés éclairer l’étude des dangers cessent d’être classés “confidentiels” et deviennent accessibles à la contre-expertise non institutionnelle et aux mouvements associatifs concernés par le sujet,
  2. que le principe de justification soit appliqué au retraitement et tout particulièrement aux pratiques nouvelles que l’exploitant souhaite mettre en oeuvre,
  3. que les autorités de l’Etat, comme elles s’y sont engagées publiquement, promulguent des autorisations de rejets liquides et gazeux clairement revues à la baisse,
  4. que les futures autorisations soient basées sur les niveaux de rejets réels actuels et non sur les rejets nominaux défendus par l’exploitant,
  5. que soient clairement réaffirmés les fondements de la Convention OSPAR visant à tendre vers les rejets zéro d’ici à 2020,
  6. que, dans cet objectif (Convention OSPAR), les autorisations de rejet ne soient attribuées que pour une période limitée (elles sont actuellement illimitées…) à l’instar de la situation anglaise où les autorisations pour Sellafield sont revues tous les 3 ans ; cette méthode permettrait d’assurer la planification de l’objectif à atteindre,
  7. que soit pérennisée l’existence d’un outil d’expertise indépendant permettant d’évaluer régulièrement l’impact de ces installations sur les populations du Nord-Cotentin,
  8. que l’action citoyenne et indépendante de contrôle de l’environnement en Nord Cotentin reçoive un soutien appuyé de la part des pouvoirs publics et des collectivités territoriales et locales marquant une volonté politique d’ouverture vers une démarche plurielle dans le domaine de la surveillance et du contrôle.

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Le nucléaire à l’heure des choix

Extrait de l’ACROnique du nucléaire n° 43, décembre 1998


Les rapports parlementaires sont les seuls documents officiels accessibles au citoyen pour ce faire une idée sur l’avenir énergétique du pays. Un rapport est prévu sur le rôle des compagnies pétrolières ; quatre ont été publiés cette année sur différents aspects de l’énergie nucléaire, ils traduisent tous une volonté de poursuivre dans cette voie, sans tenir compte des interrogations de la société civile. Pourtant, les récents essais nucléaires français, chinois, américains, indiens et pakistanais montrent que les enjeux du nucléaire dépassent largement la simple production d’électricité. A l’heure où des choix importants doivent être faits, le sujet mériterait un large débat national qui est malheureusement absent.


Malgré les campagnes de dénigrement et les attaques insidieuses ou non fondées dont elle fait l’objet dans le monde et, depuis quelque temps, dans notre pays, l’énergie nucléaire n’est pas condamnée, loin s’en faut. On peut même affirmer qu’il s’agit, à partir des considérations techniques, économiques et politiques actuelles, d’une énergie décisive à l’horizon du siècle qui vient. ” (1) Pour que des parlementaires commencent par cette phrase un rapport sur l’aval du cycle nucléaire, c’est que la situation de l’industrie nucléaire devient difficile à tenir. Ce plaidoyer arrive à l’heure où des choix stratégiques doivent être faits concernant la filière du plutonium et la construction d’un nouveau type de réacteur nucléaire, l’EPR  (2). Leur rapport ne contient aucune critique et traduit mal les interrogations de la société civile. Pourtant, dans un autre rapport sur Superphénix  (3), ces mêmes députés déplorent qu’à l’époque, il n’ait été ” aucunement débattu des questions de sécurité, non plus que de la viabilité économique de la filière “. De l’autre côté, dans les milieux écologistes, le débat est plutôt entre une sortie douce du nucléaire (quand les réacteurs actuels arriveront en fin de vie), ou une sortie immédiate (tant que le parc de centrales fonctionnant aux énergies fossiles, en cours de démantèlement, est encore suffisant)  (4). Ce débat ne dépasse guère le cercle des militants anti-nucléaires. Pourtant, dès le premier janvier 1999, 25% de la production d’électricité sera ouverte à la concurrence, ce qui fait saliver les compagnies de services (Lyonnaise des Eaux-Suez, Vivendi et Bouygues) qui se tourneront vers d’autres modes de production. Ainsi, pour les députés Galley et Bataille, ” le dilemme dans notre pays se situe entre l’énergie nucléaire ou le gaz, la gestion des déchets ou l’effet de serre ”  (5). La réalité est un peu plus complexe, mais nous n’allons pas entrer dans les débats entre les conséquences géopolitiques des hydrocarbures et les risques nucléaires. Nous tenterons plutôt de comprendre les enjeux liés aux décisions à venir. La question peut se résumer ainsi : doit-on continuer à utiliser l’énergie nucléaire, en utilisant par exemple l’EPR ? Si oui, doit-on retraiter le combustible irradié ? Sinon, quand doit-on arrêter les centrales actuelles ? Pour l’EPR, ” la décision pour la commande […] – en tant que tête de série – ne saurait tarder. Pour avoir un calendrier optimal, il s’agit de passer commande de la cuve en 1999-2000, et de couler le premier béton en 2003. […] Les préférences actuelles vont vers Penly et dans une moindre mesure vers Flamanville. Quant au retraitement, ” le contrat en vigueur entre EDF et Cogéma vient à expiration en 2000 ”  (6) et l’usine de la Hague devraient être amortie sur le plan financier vers 2001. Pour élargir son champ d’action, Cogéma a déposé une demande d’autorisation de retraiter du combustible MOX  (7) et d’autres combustibles de réacteurs de recherche dans son usine UP3. Cette demande sera soumise à enquête publique très prochainement. En revanche, l’arrêt du retraitement bouleversera toute l’économie d’une région. Un tel changement doit se préparer maintenant.

L‘aval de la chaîne du combustible nucléaire  (8) est la partie la plus difficilement justifiable. L’extraction du plutonium faite à l’usine de retraitement de la Hague et son utilisation comme combustible dans des surgénérateurs de type Superphénix ou comme combustible MOX dans des centrales classiques est souvent présenté comme une utilisation rationnelle des ressources énergétiques limitées. Il serait pourtant beaucoup plus simple de limiter la production électrique en surcapacité.

Si ” le “tout retraitement” fait partie des dogmes qui ont fait leur temps ” (9), pourquoi s’acharner à retraiter les deux tiers des combustibles irradiés français ? Si c’est pour meilleure gestion des déchets nucléaires, force est de constater qu’un tiers du combustible irradié reste sur le carreau. La loi du 30 décembre 1991 sur les déchets permet d’apporter une justification a posteriori au retraitement et de l’utilisation du plutonium comme combustible, même si la commission nationale d’évaluation, dans son troisième rapport, ” observe que les solutions techniques attendues en 2006 relèvent essentiellement des axes n°2 et n°3″, à savoir le stockage en profondeur ou en surface. Lors d’une rencontre entre des physiciens de l’université de Caen et la Cogéma pour étudier les possibilités de collaboration, les représentants de la Cogéma ne connaissaient pas le programme de recherche Gédéon qui concerne la séparation-transmutation. Mais, pour démontrer que le retraitement permet de réduire les volumes, ce qui est faux, Cogéma compare le volume de ses déchets ultimes sans emballage au volume du container suédois contenant le combustible irradié  (10).

Faute d’arguments valables, le retraitement est finalement justifié en terme d’emplois. Seulement 20 tranches nucléaires sont autorisées à utiliser du MOX et il en faudrait 28 pour utiliser tout le plutonium extrait dans l’usine de la Hague. Si on reste à 16 tranches, ” dans la mesure où une baisse des contrats de retraitement étrangers est anticipée, il est probable qu’une seule des deux usines serait alors nécessaire pour satisfaire tant la demande nationale que la demande extérieure. EDF chiffre à 1 500 le nombre de suppressions d’emplois direct chez Cogéma et à 1 500 emplois supplémentaires les suppressions chez les sous-traitants ” (11). En résumé, Superphénix arrêté, le MOX sert à justifier le retraitement et le retraitement à créer des emplois ! ” Par ailleurs, nous avons un stock de plutonium de 65,4 tonnes, très supérieur à la marge de réserve de 20 tonnes estimée nécessaire par EDF “. (12)En plus,” la filière du plutonium coûte très cher à EDF : 15 milliards de francs par an, soit 5 centimes du kWh ”  (13). Il doit sûrement exister des filières de production d’énergie plus créatrices d’emplois.

Le retraitement a une origine militaire et c’est peut-être de ce côté qu’il faut chercher sa justification. ” La Hague n’est-elle pas une usine militaire ” camouflée ” en usine civile ? ”  (14) s’interroge Corinne Lepage après son passage au cœur du pouvoir. Même si les essais nucléaires sont terminés, la France n’a en effet pas renoncé à l’armement nucléaire et au niveau mondial, le nombre de pays détenteur de cette arme ne fait qu’augmenter. Aux Etats-Unis, un document partiellement déclassifié du DOE  (15) (Department of Energy) révèle une volonté de remplacer les armes nucléaires actuelles par de nouvelles à partir de 2010 et prévoit une capacité de construction de milliers de bombes, si nécessaire, comme au temps de la guerre froide. Leur mise au point sera faite grâce aux simulations sur ordinateurs et aux essais nucléaires sous-critiques. Le dernier en date a eu lieu le 26 septembre 1998, sans que les médias n’en parle. La majeure partie de ce document reste secrète et c’est l’acharnement de 39 organisations pacifistes ou écologistes qui ont permis d’obtenir ces informations. Il n’y a aucune raison que la France soit en reste. Lionel Jospin a encore récemment affirmé que ” pour la France, comme pour la sécurité européenne, et tant qu’un désarmement général et complet ne sera pas réalisé, l’arme nucléaire demeure une nécessité ” (16). La volonté de continuer à retraiter une partie du combustible usé français apparaît donc comme un moyen de garder un savoir-faire et des capacités de production de plutonium conséquentes, en cas de besoin. La demande de pouvoir retraiter toutes sortes de combustibles irradiés est un pas dans ce sens.

Depuis la fin remarquée des essais nucléaires français, il n’est plus jamais question de la bombe française dans la presse. Tout est fait pour qu’elle soit oubliée. Les seules dépêches concernent la fermeture du site de Mururoa, comme pour faire croire que tout est fini. Pourtant, cette arme est construite en notre nom et avec nos impôts, elle mériterait donc plus de débats  (17).

Le plutonium 239 provient du bombardement de l’uranium 238 par un neutron dans une réacteur. Les isotopes suivant, sont produits par bombardement successifs. Le plutonium issu du retraitement des combustibles des centrales actuelles est de médiocre qualité militaire, la proportion de Pu 239 n’étant pas suffisante, mais les Etats-Unis ont réussi à faire exploser une bombe avec en 1962. En cas de crise majeure, il est possible d’avoir su combustible ayant une forte proportion de Pu239 en irradiant peu le combustible. Avec Superphénix, ” on est au cœur de la filière plutonium et du lien civil-militaire, car le surgénérateur brûlele plutonium produit à la Hague par le retraitement et en génère d’avantage qu’il n’en consomme. Superphénix, c’est comme ses prédécesseurs de Marcoule (Rapsodie, Phénix) une usine à objet militaire mais présentée comme une usine civile ” (18). Surtout, Superphénix consomme du plutonium de retraitement mais peut produire du plutonium 239 de très bonne qualité militaire, il apparaît donc comme réservoir à Plutonium.

Pour cela, il faut de la matière première, à savoir, des réacteurs fournissant du plutonium. Le choix semble s’orienter vers l’EPR, alimenté à l’uranium enrichi et/ou au MOX. L’usine d’enrichissement, en amont, a aussi un intérêt militaire… Supposons que le retraitement soit arrêté, l’EPR sera-t-il construit avec une utilisation purement énergétique pour remplacer le parc actuel de centrales vers 2010-2015 ? L’EPR est un réacteur du même type que ceux utilisés actuellement, mais plus gros et plus sûr. Il n’apporte aucune solution aux problèmes liés aux déchets produits de la mine au réacteur. Claude Birraux, député, lui consacre un rapport  (19) où il explique que les instructions du gouvernement consistent à faire en sorte que tous les choix soient possibles, ce qui signifie se préparer à ” ce que l’option nucléaire puisse être approuvée, le moment venu “ . Pour maintenir l’option nucléaire ouverte, il est donc préconisé de construire rapidement un prototype ou une tête de série afin de maintenir les compétences de l’industrie nucléaire. En effet ” la maintenance du parc actuel ne suffira pas pour maintenir le tissu industriel ” (20). Le projet EPR a déjà nécessité un investissement de l’ordre d’un milliard de francs et ” la construction d’un prototype se chiffrera au minimum à une quinzaine de milliards de francs “. ” Aussi, ce projet est un non-sens économique si la construction se limite à un prototype “. En résumé, il faut un protpype pour maintenir les choix ouverts, et une fois ce réacteur construit, il faudra continuer car cela aura déjà coûté suffisemment cher. Pierre Daures, ancien Directeur général d’EDF, envisage de construire 6 à 8 tranches, pour l’énergie de base, le reste pourrait être fourni d’autres processus que le nucléaire. 7 tranches, c’est le nombre minimum pour que l’EPR soit rentable économiquement. Le premier réacteur, dont la décision doit être prise rapidement, a donc une importance stratégique à long terme. On parle de Penly ou Flamanville pour accueillir l’EPR, mais ” la réalisation d’une tête de série est inutile en France car elle aggraverait notre surcapacité ; elle semblerait improbable pour des motifs politiques en Allemagne ” (21). La Russie serait aussi candidate pour la construction de la tête de série.

Les véritables arguments de poids en faveur de l’énergie nucléaire reposent aujourd’hui sur la sécurité d’approvisionnement, l’indépendance énergétique de la France et la lutte contre l’effet de serre. ” (22) Même si l’uranium est totalement importé, cette matière première pose moins de problèmes géopolitiques que les hydrocarbures. L’indépendance énergétique de la France n’est donc que relative. Quant à la sécurité, elle ne peut être garantie que par une très grande variété de sources, car en cas de crise, l’énergie nucléaire, très centralisée, est vulnérable. Le ” Grand Verglas ” du Québec, qui a rompu de nombreuses lignes électriques, privant une grande partie de la population d’électricité en plein hiver, en est un bon exemple. En France, quelques réacteurs en panne et EDF prétend être obligée d’importer du courant. ” Les impératifs de protection de l’environement, en particulier les objectifs de lutte contre l’effet de serre, ne pourront être tenus qu’avec l’apport de l’énergie nucléaire “. Cette affirmation est l’argument le plus utilisé par les partisants de l’énergie nucléaire, mais elle n’est jamais démontrée. Si l’énergie nucléaire en France fournit 80% de l’électricité, au niveau mondial, elle ne représente plus que 4,5% de l’énergie totale consommée. Combien de réacteurs seraient-ils nécessaires pour réduire la dispersion de gaz à effet de serre ? Il semble donc préféreable de se tourner vers d’autres voies. De plus, du point de vue environnemental, demeure le problème des déchets et des rejets.

D‘une manière générale, le nucléaire est aussi présenté comme une spécialité française. ” Pour autant, peut-on penser que des hommes d’Etat tels que Guy Mollet, le général De Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, Pierre Mendès-France ou François Mitterrand, qui ont pris des décisions importantes pour l’indépendance énergétique de la france, aient tous fait fausse route dans le domaine du nucléaire ? Ce serait pour le moins surprenant “, s’interroge M. Alain, Moyne-Bressand, député de la circonscription sur laquelle se trouve Creys-Malville. Et de répondre, ” mais il n’y a pas d’erreur puisque ça a permis la grandeur de notre pays. ” (23)

La France, qui possède une maitrise de toutes les étapes de la chaine du combustible se doit donc de ” garder son rang “. Pour ses détracteurs, cette avance est due à l’exception française. Au-delà de la simple fiereté, quel est l’intérêt ? La conquête des marchés étrangers est avancée dans tous les rapports parlementaires. Mais cela signifie aussi, comme par le passé, le transfert de technologie vers des pays souhaitant se doter de l’arme nucléaire (Israël  (24), Irak  (25), Iran  (26)…), en échange d’avantages commerciaux ou stratégiques.

Si l’option de la sortie du nucléaire est finalement choisie, quand aura-t-elle lieu ? La Ministre de l’Environnement a annoncé l’arrêt programmé à partir de 2005. Mais cela ne semble être qu’une annonce et d’ici là… L’enjeu se situe entre l’appât du gain et la sûreté, d’autant plus qu’une économie libérale va pousser les opérateurs à diminuer leurs marges en rognant sur le personnel et la sécurité. ” Le report d’un an du renouvellement d’une tranche de 900 mégawatts représente, pour EDF, une économie de 700 millions de francs “,  (27) mais en vieillissant les centrales deviennent de plus en plus dangereuses. Le retard qui sera sûrement pris dans la décision de renouveller ou pas le parc nucléaire par le gouvernement, fait que l’éventuel EPR arrivera tardivement. Tout cela pousse EDF à tabler sur une durée de vie de 40 ans pour ses réacteurs, mais elle n’a pas l’accord des autorités de sûreté. Pour Roger et Bella Belbéoch  (28), il est possible de se passer immédiatement de 70% de l’énergie nucléaire en n’utilisant que des technologies actuellement disponibles. Pour eux, il s’agit même d’une nécessité car la probabilité d’avoir une catastrophe ne va qu’augmenter. En effet, environ 20% de notre production est exportée et 7 à 8% est de l’autoconsommation. Le reste pourrait être compensé par une utilisation optimale de notre parc de centrales thermiques classiques. Il n’est pas possible actuellement d’aller plus loin à cause du chauffage électrique, mais cela pourraît être facilement envisagé à moyen terme.

Les engagements pris à Kyoto concernant les gaz à effet de serre et les décisions importantes qui doivent être prises en matière de nucléaire font que l’on a une occasion unique pour un grand débat sur l’énergie. A l’issue de ce grand débat, on pourrait imaginer une loi sur l’énergie engageant des recherches dans de nombreuses voies, le tout surveillé par un commission d’évaluation, afin de prendre une décision rapidement. De fait, la loi sur les déchets nucléaires a relancé les recherches en matière de production d’énergie nucléaire en déblocant d’énormes crédits, ce qui n’est pas le cas pour d’autres modes de production d’énergie. En Suède et en Allemagne, l’énergie nucléaire a été un thème de la campagne électorale de cet automne. La décision du nouveau gouvernement allemand de sortir rapidement du nucléaire (l’échéance devrait être fixée dans un an) risque d’augmenter les importations d’électricité française. Les pannes de centrales nucléaires françaises font craindre à la Grande Bretagne une augmentation de ses tarifs d’électricité pour cet hiver. L’interdépendance des ressources énergétiques et des pollutions fait que ce débat et ces recherches devraient avoir lieu au niveau européen. Il s’agit sûrement d’une gageur car le débat européen n’existe pas. Il serait temps de démocratiser la vie publique européenne en commençant, par exemple, par l’énergie.

En 1848, au moment d’instaurer le suffrage dit universel (les femmes ne votaient pas), beaucoup se demandaient s’il était raisonnable de donner ce droit à tout le monde, même aux domestiques. 150 ans plus tard, la population ne semble toujours pas assez adulte pour être consultée sur des sujets aussi importants que les choix énergétiques et de défence, qui concernent sa vie de tous les jours. ” Mais en cinquante ans le contexte a profondément changé : il ne s’agit plus de  “faire la bombe “, mais d’être capable d’offrir la diversité énergétique dans le respect de la démocratie, avec efficacité et transparence. ” (29) Vraiment ?

David Boilley


(1) In Rapport sur l’aval du cycle électronucléaire, par MM. Christian Bataille et Robert Galley, députés, Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, juin 1998.

(2) European Presurized Reactor, projet commun FramatomeSiemens

(3) Superphénix et la filière des réacteurs à neutrons rapides, par MM. Christian Bataille et Robert Galley, députés, Assemblée Nationale, Commission d’enquête, rapport n°1018, juin 1998.

(4) Voir B. et R. Belbéoch, Sortir du nucléaire, c’est possible, éd. L’esprit frappeur (10 F) et les débats dans la lettre de Stop Nogent.

(5) Rapport sur l’aval du cycle nucléaire, op. cit. (réf. 1)

(6) Ibidem

(7) MOx : combustible nucléaire obtenu en mélangeant de l’uranium et du plutonium extrait à l’usine de La Hague. Pour en savoir plus sur les risques liés au MOx, le lecteur pourra se reporter à l’excellente Gazette nucléaire n°163/164, 1998.

(8) Le terme “aval du cycle nucléaire” est plus usité, mais s’il y a réellement un cycle, où est l’aval de l’amont ?

(9) Cf réf. 1

(10) En fait, le volume lié au stockage est déterminé par la chaleur dégagée par ces déchets qui est essentiellement due aux produits de fission qui ne sont pas séparés lors du retraitement.

(11) Cf réf. 1

(12) Cf réf. 1

(13) In “On ne peut rien faire Madame le ministre…”, Corinne Lepage, Albin Michel, mars 1998.

(14) Ibidem

(15) “Stockpile Stewardship and Management Plan”, Oct 97, dont les points essentiels ont été repris par une dépèche du Environment News Service du 21 avril 1998.

(16) Reuters, 3 septembre 1998

(17) Lire, Eliminer les armes nucléaires, est-ce souhaitable ? Est-ce réalisable ? Conférences Pugwash sur la science et les affaires mondiales, éd. Transition, 1997

(18) Corinne Lepage, op. cit.

(19) In le contrôle de la sûreté des installations nucléaires, par Claude Birraux, Député ; rapport 484 (97-98), Tome I – Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.

(20) Ibidem

(21) Ibidem

(22) Ibidem

(23) In Rapport sur Superphénix, Cf réf. 3

(24) Pierre Péan, Les deux bombes, Fayard, 1991

(25) K. Timmerman, Le lobby de la mort, Calman-Lévy, 1991 (si l’éditeur accepte de vous le vendre…)

(26) D. Lorentz, Une guerre, éd. des Arènes, 1997

(27) Claude Birraux, Cf réf. 19

(28) Cf réf. 4

(29) In rapport d’évaluation du système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire, Jean-Yves Le Déaut, député de Meurthe et Moselle, Rapport Parlementaire, 1998


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