Centre de Stockage de la Manche : 45 ans de rejets de tritium dans le ruisseau Ste Hélène

Le tritium « c’est naturel », mais dans La Hague, il est « surnaturel ». Cet isotope de l’hydrogène est généralement observé à 0,2 Bq/L dans l’eau des océans, et à environ 1 Bq/L dans les eaux continentales, hors influence d’installations nucléaires.

Dans l’environnement du Centre de Stockage de la Manche (CSM), le tritium est, pour le moins, à des concentrations beaucoup plus élevées.

Il est courant de l’observer à plus de 100 Bq/L dans l’eau du ruisseau Ste Hélène plusieurs semaines de suite. Pourtant, depuis 2003, les arrêtés d’autorisation de rejet des exploitants ANDRA et AREVA prescrivent de ne pas dépasser les 100 Bq/L en concentration hebdomadaire de tritium dans la Ste Hélène.

Ainsi, les données de l’ANDRA font apparaître une concentration de 109 à 283 Bq/L durant six semaines en 2014. C’était 100 à 250 Bq/L durant 24 semaines consécutives en 2006, 32 semaines à plus de 100 Bq/L en cette même année 2006 !

Selon nos estimations, en 2014, les « relâchements » vers ce seul cours d’eau ont représenté plus de 90% des 86 GBq (milliard de becquerels) de tritium rejetés par le CSM dans l’environnement. Pour une raison incompréhensible, l’intégralité de ces « relâchements » dans la Ste Hélène sont ignorés du décompte officiel des rejets du centre.

Cette situation perdure depuis les années 70 avec l’arrivée de déchets contenant du tritium sur le site qui a entraîné rapidement une pollution massive des nappes phréatiques.

Les eaux souterraines ainsi polluées contaminent depuis 45 ans les résurgences, cours d’eau, puits chez des particuliers, abreuvoirs, avoisinants.

Recommandations de l’ACRO

L’ACRO considère que la réglementation doit être strictement respectée en matière de limites de rejets dans les ruisseaux de La Hague, et que l’on doit avoir la même considération pour le domaine public que pour le domaine de l’exploitant AREVA où une pratique d’assainissement est mise en place.

C’est pourquoi l’ACRO préconise d’épurer enfin la contamination des nappes phréatiques en pratiquant un pompage de la nappe dans la zone Nord du CSM.

Commentaires

Un premier commentaire doit nous interpeller quant au traitement – pour le moins différencié – de situations de pollutions radioactives de l’environnement et, en particulier des nappes phréatiques.

Ainsi, Le 10 septembre 2014, le tribunal de police de Dieppe a condamné EDF à 10 000 euros d’amende pour une fuite de tritium détectée en octobre 2012 dans un piézomètre de contrôle de la centrale nucléaire de Penly (Seine-Maritime). Un écoulement dans la nappe phréatique avait engendré des traces de tritium à des concentrations comprises entre 34 et 60 Bq/L, pour un taux habituel de 8 Bq/L dans ce même tube de contrôle [ASN2013].

Cette jurisprudence « EDF » détonne dans l’environnement du CSM. Ainsi, en 2014, le taux de tritium dans certains puits de contrôle est à plus de 80 000 Bq/L (PZ131). En 2013, l’eau recueillie dans un des bacs de surveillance du réseau de drainage profond était à un taux de 5 410 000  Bq/L (BR088)… Loin des 34 à 60 Bq/L dans un puits de contrôle de Penly.

Sur le plateau de La Hague ces taux de tritium de 34 à 60 Bq/L ne sont pas rencontrés de manière incidente dans les nappes phréatiques, mais en permanence dans les eaux de surface (40 à 400 Bq/L)

Un second commentaire démontre une fois de plus que l’information reste diffusée de façon très partielle.

Suite à un questionnement porté par cette étude ACRO, à l’occasion d’une réunion de travail CLI – exploitants le 11 mars 2016, nous avons appris que les piézomètres de la zone Nord-Est du site AREVA ont été fortement contaminés par un pompage industriel dans cette zone.

Les données recueillies dans notre étude situent cet évènement en 2001, il y a 15 ans. Cet évènement, identifié par les exploitants et sans doute connu des autorités, était totalement ignoré par les CLI AREVA la Hague et CSM, malgré un questionnement de l’ACRO sur la non-publication des données sur un piézomètre en 2009, dont le comportement tritium était aberrant.

Malgré la publication de la loi dite TSN en 2006 (Transparence et Sûreté Nucléaire)

La « transparence » est perfectible.

Pour la zone Sud-Ouest sur le domaine AREVA, l’efficacité d’un tel pompage a été démontrée dès la mi-1992 par le pompage en EVT7 (60 000 m3/an). Le taux de tritium dans les piézomètres de cette zone AREVA, en périphérie du CSM, est inférieur à 100 Bq/L en 2014.

L’arrêt de la centrale à béton en 1990 avait entraîné une brusque augmentation du taux de tritium au droit de l’ex point de pompage (50 000 Bq/L en 1992).

Pour en savoir plus :