Du rôle de la pectine dans l’élimination du césium dans l’organisme

ACROnique du nucléaire n°67, décembre 2004


Nous présentons ici les analyses faites sur des enfants biélorusses avant et après leur séjour en Normandie à l’invitation de l’association “Solidarité Biélorussie-Tchernobyl”. Les analyses d’urine ont été effectuées par l’ACRO, alors que les analyses anthropogammamétriques ont été faites sur le corps entier à l’Institut Belrad de Minsk.

A trois exceptions près, tous les enfants sont contaminés par du Césium 137 du fait de la contamination de leur environnement par l’accident de Tchernobyl.

Les analyses sur les urines ne sont pas corrélées aux analyses anthropogammamétriques sur le corps entier. La contamination des urines, bien qu’utilisant une méthode de mesure plus précise, fluctue beaucoup d’un cas à l’autre. Cela peut s’expliquer par la différence entre les urines du matin ou celles de la journée par exemple. Mais aussi par la prise de pectine qui peut accélérer l’élimination pendant un laps de temps donné. Les urines ne sembleraient pas, a priori, être un indicateur fiable de l’évolution de la contamination de l’enfant, sauf si on arrivait à corriger l’incertitude par un autre indicateur. Mais cela dépasse nos compétences et pour le moment, les urines ne sont qu’un témoin de la contamination de l’enfant.

Habituellement, lors de leur séjour en Normandie, les enfants biélorusses reçoivent un traitement à la pectine pour accélérer l’élimination du césium. Cette année, faute de fonds suffisants, seule une partie des enfants a pu être traitée. Cela va nous permettre d’étudier l’importance du rôle de la pectine.

En moyenne, les enfants ayant reçu un traitement à la pectine ont vu leur contamination au Césium 137 baisser de 37% contre 15% en moyenne pour les enfants non traités. Il apparaît donc que la pectine accélère bien l’élimination du césium. A noter que pour deux cas, on constate une baisse de 100%, ce qui est peu plausible et est probablement lié au fait que la limite de détection n’était pas atteinte. Si on retire ces deux cas litigieux, on obtient alors une baisse moyenne de 31% pour les enfants traités à la pectine.

Dans la littérature scientifique, c’est la période de décroissance qui est généralement utilisée. Elle correspond au temps nécessaire à une diminution de moitié de la contamination par élimination biologique et décroissance radioactive. Pour les enfants n’ayant pas reçu de pectine, on trouve qu’il faut 119 jours pour que leur contamination moyenne diminue de moitié. Alors que pour les enfants ayant reçu de la pectine, il ne faut plus que 42 jours (52 jours si on enlève les deux cas litigieux avec une décroissance de 100%). La contribution de la pectine se traduit donc par une période d’élimination de 65 jours (ou 92 jours si on enlève les deux cas litigieux). Cette valeur est plus longue que les 20 jours annoncés par le Pr. Nesterenko qui commercialise la pectine [1]. De même, sans pectine, la période est plus longue que les valeurs retenues par la CIPR-56 pour des enfants. La CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique) considère plusieurs périodes en fonction de la partie du corps considérée (plasma, muscle…). Notre résultat s’approche de la plus longue période retenue pour les adultes qui est de 110 jours pour la partie musculaire.

Les anthropogammamétries sont réputées surestimer les résultats pour des valeurs inférieures à 1000 Bq (ou 33 Bq/kg pour un enfant de 30 kg) [2]. Il y a là un biais qui pourrait conduire à un allongement artificiel des périodes déduites des mesures car à la fin du séjour en Normandie de nombreuses valeurs sont sous ce seuil.

Les périodes de décroissance permettent de calculer la contamination des enfants en fonction de scénarios de consommation de produits contaminés. En supposant, par un exemple, simpliste que les enfants incorporent quotidiennement la même quantité de césium notée Q, alors, leur contamination sera égale à Q.T/ln2. Ainsi leur contamination sera d’autant plus faible que la quantité incorporée sera faible ou que la période d’élimination, T, sera faible. D’après nos résultats, cette période est de 2 à 3 fois plus faible avec un traitement à la pectine que sans. La contamination des enfants sera donc aussi 2 à 3 fois plus faible avec ce scénario qui implique une ingestion quotidienne de pectine. Cependant, la pectine n’est distribuée que lors de 3 cures par an pour des raisons médicales (effets secondaires) et de coûts. Dans de telles conditions, son effet sera donc beaucoup plus réduit.

Une politique de prévention est donc une démarche efficace. L’action de l’ACRO en Biélorussie vise plutôt à tenter de diminuer à la source l’ingestion de césium en favorisant la mise en place d’un réseau de mesure directement en lien avec la population. Nous espérons ainsi mettre en place des comportements alimentaires issus de stratégies efficaces de réduction de l’ingestion de césium 137.

En conclusion, ces résultats font apparaître que le césium 137 serait éliminé moins vite que ce qu’a retenu la CIPR dans ses modèles. Nous notons aussi que la pectine accélèrerait effectivement l’élimination du césium, mais moins vite que ce qui est annoncé par ses promoteurs. D’autres stratégies de réduction de la contamination à la source sont donc tout à fait pertinentes. Les deux approches sont complémentaires et contribuent à la diminution de la contamination des enfants.

D’un point de vue politique, la pectine est ignorée par les milieux officiels de la médecine et de la radioprotection sous prétexte que son efficacité n’est pas prouvée. Mais aucune étude n’est menée… De l’autre côté, certaines associations qui font la promotion de la pectine critiquent avec virulence toute autre démarche basée sur la prévention. Dans un tel contexte, nos résultats sont importants, mais malheureusement pas assez robustes pour pouvoir tirer des conclusions définitives. Ils montrent plutôt la nécessité d’études plus poussées sur le sujet.

Références :
[1] V.B. Nesterenko et al, Reducing the 137Cs-load in the organism of « Chernobyl » children with apple-pectin, Swiss Med wkly, 134 (2004) p. 24
[2] M. Schläger et al, Intercalibration and intervalidation of in-vivo monitors used for whole-body measurements within the framework of a German-Belarussian project, IRPA 11 (May 2004), Madrid, paper ID 839 (on CD ROM)

Anthropogammamétrie
réalisée par Belrad
Dosage du Cs137 dans les urines par l’ACRO
numéro pectine 02/06/2004Bq/kg 30/06/2004Bq/kg 07/06/2004Bq/L 27/06/2004Bq/L
1 non 29,16 28,43 <2,8 2,9±1
2 non 31,96 25,81 9,3±4 <2,8
3 oui 65,40 30,13 40,0±6,6 31,3±5,6
4 oui 29,07 24,80 13,8±3,3 8,8±3,5
5 oui 15,40 10,52 8,0±2,7 4,9±2,1
6 oui 26,15 17,12 13,0±2,8 11,0±3,5
7 oui 0,00 0,00 <2,4 /
8 oui 33,52 20,16 <2,4 /
9 oui 33,55 24,05 5,5±2,3 <4,0
10 non 34,13 28,85 10,4±2,9 9,1±3,8
11 non 54,30 31,20 29,6±4,1 14,6±3,5
12 oui 31,10 19,60 15,4±3,3 4,3±2,1
13 oui 46,83 30,57 20,13,2 20,0±4,4
14 non 34,46 20,55 10,5±2,8 3,6±1,8
15 oui 41,00 37,30 18,5±4,7 <4,4
16 oui 38,23 0,00 7,2±2,5 <4,4
17 oui 47,36 32,85 <6,0 /
18 oui 52,69 28,56 40,2±6,9 5,4±1,5
19 oui 38,71 0,00 <3,2 /
20 oui 31,50 20,41 16,3±4,7 <2,8
21 oui 91,52 62,58 64,4±7,9 36,8±6,8
22 oui 23,07 13,21 <3,6 /
23 oui 51,04 40,98 25,1±4,2 17,3±4,7
24 non 0,00 0,00 <2,4 /
25 non 32,98 29,30 <14,0 /
26 oui 25,16 18,95 <5,2 <2,8
27 oui 25,21 18,59 <5,6 /
28 oui 29,97 21,27 7,0±2,7 5,3±2,5
29 non 35,63 33,19 <3,2 6,5±3,0
30 non 12,89 10,22 <4,8 /
31 non 12,48 10,88 6,2±2,2 <5,2
32 non 27,69 26,42 18,6±4,7 <3,2
33 non 21,04 17,81 <3,2 /
34 oui 65,56 51,52 37,6±6,4 31,4±5,5
35 non 29,54 28,15 <5,2 /
36 non 30,91 26,21 6,6±2,1 8,3±2,7
37 oui 87,81 56,73 61,9±7,3 23,2±4,1
38 non 10,45 10,36 <5,2 /
39 oui 0,00 0,00 <5,2 /
40 non 37,83 37,57 8,0±2,2 4,7±2,1
41 non 46,84 29,40 7,9±3,2 12,2±3,0
42 oui 44,08 35,15 33,4±6,2 17,3±3,8
43 non 37,90 35,40 12,3±3,4 <2,0
44 non 29,25 25,20 6,4±3,0 /
45 non 18,80 15,50 8,5±2,6 /
46 non 49,51 37,22 13,5±4,5 8,7±2,6
47 non 39,03 35,49 19,6±4,2 15,1±3,4

Ancien lien