Les associations face aux violations du droit de l’environnement : quelques repères pour des actions efficaces

Fiche technique parue dans l’ACROnique du nucléaire n°48, mars 2000


La France est un Etat de droit, membre de la Communauté européenne. Le citoyen dispose de différentes voies díaction pour défendre ses droits issus de la législation nationale ou communautaire. Face à ce dédale, il est possible de distinguer les procédures qui permettent aux particuliers ou aux associations d’informer les autorités publiques de l’existence d’irrégularités (A) et les actions en justice proprement dites (B). Donnons quelques exemples :

A) Les voies d’action non-contentieuses

Souvent mal connues, ces procédures présentent l’avantage d’être peu formalistes, gratuites et de constituer des moyens de pression qui peuvent s’avérer efficaces, tout particulièrement au niveau européen.

1. Au niveau européen

Il est toujours possible d’adresser un dossier aux députés européens pour les sensibiliser sur tel ou tel problème. Il convient de connaître les commissions parlementaires dans lesquelles ils siègent pour cibler au mieux les envois. (Parlement européen, Rue Wierter B1049 Bruxelles, Belgique).

Il existe également des procédures clairement prévues par le droit communautaire.

a) La pétition au Parlement européen

“Tout citoyen de l’Union a le droit de Pétition au Parlement européen (article 21 du traité instituant la Communauté européenne)”. La pétition doit porter sur un domaine d’action de la Communauté et mettre en évidence une violation du droit communautaire.

Cette pétition est rédigée par une association ou un individu, sous la forme qui lui semble la plus appropriée (libre de forme). Il ne faut pas se méprendre sur le sens du mot pétition. Une seule signature suffit. Ce qui compte, c’est la qualité des arguments : “La directive européenne xxx dit que Sa transposition en droit français dit que Nous constatons que” La pétition devra uniquement permettre d’identifier le pétitionnaire et être signée sous peine d’irrecevabilité. Il est cependant possible de demander que le dépôt de la pétition reste confidentiel.

La commission des pétitions examine la recevabilité de la demande et peut faire des propositions, voire même demander à la Commission européenne d’entreprendre une enquête sur les violations dénoncées. La pétition est à adresser au Bureau des pétitions du Parlement Européen, rue Belliard,97-113, B-1047 Bruxelles, Belgique

b) Le recours au médiateur

“Tout citoyen de l’Union peut s’adresser au médiateur, conformément aux dispositions de l’article 21 du traité instituant la Communauté européenne”. Le médiateur intervient à la suite d’une requête d’une association ou d’un particulier, quand l’action des institutions communautaires a été insuffisante ou défaillante, par exemple absence ou refus d’information, irrégularités ou omissions administratives. Le recours est libre de forme, il doit simplement être signé. Le requérant peut, là aussi, demander la confidentialité. Les requêtes sont à adresser à Monsieur le Médiateur Européen, 1 avenue du Président Robert Schuman, BP 403, 67001 Strasbourg cedex.

c) La plainte à la Commission européenne

Tout citoyen ressortissant de l’Union européenne peut déposer une plainte pour informer la Commission européenne de l’absence ou de la mauvaise application du droit communautaire dans un état membre. Si la Commission donne suite à la plainte, elle peut engager des poursuites contre l’Etat membre fautif. La Commission doit, en effet, s’assurer qu’il n’y a pas infraction à la législation européenne dans les différents états de la Communauté. L’Etat en cause peut être condamné à la suite d’une procédure devant la Cour de justice. La plainte est à adresser au Secrétariat Général de la Commission Européenne, rue de la loi, 200 B-1049 Bruxelles, Belgique

d) En conclusion

Ces trois actions sont faciles et peu formalistes. Elles valent la peine d’être entreprises. Ces procédures sont, de plus, gratuites (juste le prix des timbres), et durent environ un an. Pour augmenter les chances de succès, il est recommandé de se mettre en relation avec un député européen qui pourra surveiller le bon déroulement de la procédure. Enfin, il faut ajouter que les fonctionnaires européens sont souvent très accessibles et qu’il ne faut pas hésiter à les contacter. Vous pouvez trouver des informations utiles sur toutes les institutions communautaires, la législation en vigueur, les textes en discussion au parlement et bien d’autres choses sur le serveur de l’Union européenne : http://europa.eu.int./

2. En France

Il est également possible

  • de saisir le médiateur de la République,
  • d’informer les autorités administratives des dysfonctionnements constatés,
  • d’introduire un recours gracieux devant l’autorité administrative qui a adopté un acte,
  • de faire un recours hiérarchique auprès du supérieur de líauteur de líacte contesté.

Là également ces procédures sont autant de moyens díinformation et de pression susceptibles, parfois, de contribuer à débloquer des situations tendues ou d’incompréhension.

B) Actions en justice proprement dites

Un des grands principes de la justice en France est le principe de gratuité (on ne paie pas les juges). Il peut y avoir des droits de timbres. En revanche, les auxiliaires de justice (avocats, avoués devant la Cour d’appel, etc…) sont payés par les requérants.

Limitons-nous à préciser ce qu’il faut entendre par “se constituer partie civile”. Cette démarche, en effet, est peu coûteuse car il n’est pas obligatoire d’être représenté par un avocat.

Se porter partie civile devant la juridiction pénale en cas d’atteinte au droit de l’environnement

Les associations peuvent déposer une plainte auprès du doyen des juges d’instruction, accompagnée d’une demande expresse de constitution de partie civile et réclamer des dommages et intérêts. Les règles de forme sont souples, mais la plainte ne peut pas être anonyme.

Se porter partie civile présente deux intérêts :

  • d’une part, cela permet d’avoir accès au dossier d’instruction (mais seulement par l’intermédiaire d’un avocat), l’association devenant en effet partie au procès du fait de sa constitution de partie civile. Elle peut ainsi être entendue par le juge d’instruction.
  • d’autre part, cela interdit au parquet de classer la plainte sans suite et l’oblige à faire instruire l’affaire. Une restriction cependant, il faut que la constitution de partie civile soit jugée recevable.

Quelles sont les associations susceptibles d’agir ?

En principe, ce sont les associations agréées de protection de l’environnement (voir encadré). La loi leur reconnait le droit de se constituer partie civile pour les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement, à l’amélioration du cadre de vie, à la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, à l’urbanisme ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et nuisances.

Si l’association n’est pas agréée, tout n’est pas perdu : elle peut demander réparation du préjudice direct qu’elle a subi. L’expérience montre que les décisions sont de plus en plus souvent favorables aux associations.

Les conséquences de la procédure

La procédure engagée permettra, à la suite de la condamnation pénale de l’auteur de la violation du droit de l’environnement, au même tribunal de statuer sur la demande en dommages et intérêts de l’association et ainsi de l’indemniser.

En revanche, en cas de relaxe de la personne poursuivie, la juridiction pénale ne peut pas statuer sur la demande en réparation. L’association devra alors s’adresser au juge civil (tribunal d’instance ou de grande instance) s’il y a eu un préjudice direct.

Le coût de la procédure

Une association qui dépose une plainte avec constitution de partie civile peut se voir réclamer le dépôt d’une consignation qui peut atteindre plusieurs milliers de Francs, liée aux éventuels frais à payer à l’issue d’une procédure. Elle en est dispensée si elle a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle (voir encadré) ou en cas de ressources insuffisantes.

Le recours au Tribunal Administratif

Fiche technique parue dans l’ACROnique du nucléaire n°49, juin 2000


Les atteintes à l’environnement peuvent être le fait de particuliers ou d’entreprise à líencontre desquels les actions peuvent être engagées devant les tribunaux judiciaires, mais elles peuvent aussi avoir pour origine l’action ou l’inaction de l’administration. Ainsi les décisions prises par un préfet ou un maire peuvent être contestées devant le tribunal administratif (TA).

Le recours en annulation (ou recours pour excès de pouvoir)

Il s’agit de demander au TA d’annuler totalement ou partiellement un acte administratif dont on conteste la légalité.
Conditions à respecter pour que le recours soit recevable :

  • Il doit être déposé dans un délai de deux mois à compter de la publication de l’arrêté contesté (affichage en mairie ou sur le terrain, avis dans les annonces légales des journaux)
  • Il faut que l’acte en cause fasse grief à l’auteur du recours. Ainsi le tribunal rejettera le recours contre un arrêté d’ouverture d’enquête publique car ce n’est qu’une mesure préparatoire (donc qui ne fait pas grief). De même, un recours contre l’avis d’un commissaire-enquêteur est irrecevable car ce n’est qu’un avis, ce n’est pas une décision administrative.
  • Il faut que le requérant ait un ” intérêt à agir “, c’est-à-dire que la personne ou l’association qui attaque l’acte administratif soit directement concernée par l’illégalité dont elle demande l’annulation. Exemple : l’ACRO ne peut pas demander l’annulation du permis de construire d’un immeuble à Paris car cela n’a rien à voir avec son objet social et ne fait pas d’ombre à ses bureaux !

Comment présenter le recours au tribunal

  • L’avocat n’est pas obligatoire.
  • La requête (ou mémoire) est rédigée sur papier libre ; elle doit comporter les nom et adresse de son auteur et être signée.
  • Il faut y coller un timbre fiscal de 100F.
  • Il faut préciser quel est l’acte administratif attaqué et joindre une copie.
  • Il faut exposer les raisons juridiques pour lesquelles on considère que la décision est illégale : une formalité prévue par la loi n’a pas été respectée avant la signature de l’arrêté, le fonctionnaire qui a signé l’arrêté n’avait pas reçu délégation de signature du préfet, l’autorisation accordée est contraire à une loi ou un décret, etc

Comment se déroule la procédure

  • Elle est essentiellement écrite : les échanges d’arguments se font uniquement par le biais des mémoires.
  • L’audience est publique, mais il n’est pas obligatoire d’y assister.
  • Le juge rapporteur expose l’affaire. Le commissaire du gouvernement (il n’est pas le représentant du gouvernement ou de l’administration) propose au tribunal, en toute indépendance, la solution qui lui paraît correcte.
  • Les parties présentes doivent se contenter de dire qu’elles s’en tiennent à leurs dépositions écrites ; les plaidoiries et les effets de manche d’avocat sont inutiles !
  • Après délibéré, le tribunal, qui n’est pas obligé de suivre les conclusions du commissaire du gouvernement, prononcera l’annulation totale ou partielle de l’acte attaqué ou rejettera la requête.
  • Le juge ne peut pas substituer un autre acte à celui qu’il a annulé ; il ne peut pas accorder une autorisation à la place de l’autorité administrative compétente.

Le dépôt d’un recours en annulation n’est pas suspensif c’est-à-dire que le bénéficiaire de l’autorisation par exemple peut entreprendre les travaux ou l’exploitation de son usine malgré ce recours. Pour pallier cet inconvénient, il est possible de demander au TA un sursis à exécution.

La demande de sursis à exécution

C’est une procédure d’urgence. Si le sursis à exécution est accordé par le juge, la décision attaquée est provisoirement suspendue jusqu’à ce que le TA se prononce sur le recours en annulation.

Conditions à remplir :

  • La demande de sursis à exécution doit obligatoirement être accompagnée d’un recours en annulation.
  • Pour obtenir le sursis, deux conditions doivent être réunies : il faut démontrer que l’exécution de l’acte attaqué aurait des conséquences difficilement réparables et il doit y avoir des moyens sérieux de nature à justifier l’annulation.

Le recours au tribunal administratif est une procédure très accessible pour les particuliers et les associations car peu formaliste et peu coûteuse. Précisons que le recours en annulation d’un décret ou d’un arrêté ministériel doit être déposé directement auprès du Conseil d’Etat. L’intervention d’un avocat est obligatoire.

Pour connaître toutes les subtilités de la justice administrative et avoir des exemples de recours, nous vous conseillons un petit livre très bien fait : ” la justice administrative en pratique “, la documentation française, 29 quai Voltaire 75344 Paris cedex 07 : 50F.

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