Orano La Hague et le risque incendie : 5 organisations siégeant à la CLI alertent le préfet de la Manche

Suite à deux rapports d’inspection de l’ASN, les représentants des organisations CREPAN, ACRO, CRILAN, GREENPEACE et EELV, membres de la CLI ORANO, veulent alerter sur les lacunes dans la prise en charge du risque incendie à l’usine de retraitement de La Hague. La lecture de ces documents étant fortement inquiétante, elles ont écrit au préfet de la Manche. Elles sont aussi intervenues lors de l’assemblée du 27 mai 2021 de la CLI Orano La Hague.

Rapport d’inspection n° INSSN-CAE-2020-0127 du 29 septembre 2020 :

Dans la lettre du 20 octobre 2020 faisant suite à une inspection concernant l’atelier R7 dédié à la vitrification des produits de fission pour l’usine UP 800, on peut lire page 2 et 3 :
« Vos représentants ont indiqué aux inspecteurs refuser d’engager les moyens nécessaires prévus pour un tel exercice, lorsqu’il était inopiné. Cette situation, considérée inacceptable, se répète d’inspection en inspection […]. Ainsi, cette posture interroge sur la capacité réelle de PSM (service Protection Sécurité Matière) à disposer des effectifs suffisants, en tout temps, pour réaliser les actions dédiées à la lutte contre l’incendie et prévues dans vos procédures, pour l’ensemble du site de La Hague. »

Plus loin, page 4, l’ASN ajoute : « Les deux surpresseurs, fonctionnel et de secours, se situent dans le même local. Les inspecteurs ont pu juger, au cours de l’exercice, de la proximité de ces deux équipements, ce qui induit très vraisemblablement un mode commun de défaillance en cas d’incendie dans ce local ».

A propos de ces deux surpresseurs et aussi de celui mobile de secours, le problème avait été évoqué lors du réexamen de sûreté en 2018. La réponse se fait attendre :
« selon les conclusions de l’analyse fonctionnelle de la maîtrise du risque de ce local, remise en 2018 dans le cadre du réexamen de sûreté de l’INB no 117. Cette disposition se traduit par la « Mise en place d’une séparation coupe-feu entre les deux compresseurs 6385-30 et 6385-40S afin de dissocier le local […] en deux locaux sans communication ». Vos représentants ont évoqué aux inspecteurs, une échéance prévue pour 2026, voire 2027 ».

La mention de l’échéance tardive prévue en 2026, voire 2027, n’indique pas clairement que les travaux seront faits à cette date. Or ces surpresseurs sont des éléments incontournables en cas d’incendie. On constate donc un laisser-aller pour rendre rapidement opérationnels les moyens de lutte contre l’incendie et pour permettre aux intervenants d’être plus efficaces.

Rapport d’inspection INSSN-CAE-2020-0148 du 6 décembre 2020 :

Dans une autre lettre, datée du 22 février 2021, l’ASN rapporte que l’objet de cette inspection inopinée un week-end était de tester la façon de réagir de l’exploitant et de l’amener à déclencher simultanément le PUI (Plan d’urgence interne) et PPI réflexe. « La décision d’activation du Plan Particulier d’Intervention en phase réflexe est prise par le Préfet lors d’une situation à « cinétique rapide », c’est-à-dire lorsqu’un rejet radioactif est en cours (avéré) ou imminent (pouvant survenir moins de 6 heures après l’accident ».

Cet exercice ayant pour but de simuler un incendie dans une cellule en sous-sol, les inspecteurs ont introduit au fur et à mesure des défaillances matérielles avec une panne informatique des ordinateurs dans le centre de crise. La communication a été très déficiente, comme on peut lire p 2 : « l’exercice a été marqué par de grandes difficultés de communication entre les équipes […], à tous les échelons de l’organisation, et pour lesquelles des actions correctives rapides et efficaces sont attendues. » Il a fallu utiliser les haut-parleurs d’appel général, une méthode qui n’est pas adaptée pour une crise réelle.

De plus, l’ASN a constaté qu’une porte coupe-feu n’est plus opérationnelle depuis 2018, comme lors de la précédente inspection sur la même INB, pour les travaux de la salle des surpresseurs.

Page 5, on constate un manque de personnel : l’inspection ayant été réalisée de manière inopinée, le service PSM n’a encore une fois pas mobilisé les ressources suffisantes pour la réalisation des missions dévolues au scénario PUI de la mise en situation retenue. Or, on sait qu’un incendie est un vecteur très important de dispersion de matières radioactives dans l’environnement. On constate, qu’une fois de plus, par manque de personnel, Orano ne peut mettre en place le PUI. En ce qui concerne le déclenchement du PPI qui aurait dû être envisagé, rien n’est indiqué.