Mystérieux rejet radioactif de l’automne 2017 : la Russie soupçonnée d’être à l’origine nie les faits mais manque de transparence

Mises à jour en fin de document :

Explications

11 novembre 2017

L’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) vient d’annoncer (en français et en anglais) que les traces de ruthénium-106, élément radioactif, détectées en Europe occidentale en septembre dernier, étaient probablement dues à un rejet massif, de l’ordre de 100 et 300 térabecquerels, quelque part “entre la Volga et l’Oural sans qu’il ne soit possible, avec les données disponibles, de préciser la localisation exacte du point de rejet.”

L’Institut ajoute que les conséquences d’un accident de cette ampleur en France auraient nécessité localement de mettre en œuvre des mesures de protection des populations sur un rayon de l’ordre de quelques kilomètres autour du lieu de rejet.”

Toujours selon l’IRSN, le rejet aurait eu lieu au cours de la dernière semaine du mois de septembre 2017 et serait terminé.

Le ruthénium-106

Le ruthénium 106 est un produit de fission radioactif issu de l’industrie nucléaire qui n’existe pas à l’état naturel. Sa demi-vie est d’un peu plus d’un an (373 jours), ce qui signifie que la quantité présente est divisée par deux tous les ans. En se désintégrant, le ruthénium-106 se transforme en rhodium-106, qui est lui aussi radioactif avec une demi-vie de 30 secondes. Chaque désintégration de ruthénium-106 est accompagnée, peu de temps après, de la désintégration du rhodium-106. Ainsi, il faudrait considérer le couple ruthénium-rhodium et multiplier par deux la quantité rejetée de 100 et 300 térabecquerels annoncée par l’IRSN.

C’est au rhodium-106 que l’on devra l’essentiel de la dose provoquée par l’incorporation de couple inséparable d’isotopes radioactifs.

Origine du rejet

En cas de rejet provenant d’un réacteur nucléaire, divers radioéléments sont détectés. Ici, comme le ruthénium-106 et le rhodium-106 sont les seuls radioéléments à avoir été mis en évidence, l’origine ne peut pas être un réacteur nucléaire. En revanche, ce peut être le rejet accidentel d’une installation de traitement des combustibles usés ou de fabrication de sources radioactives.

L’ACRO détecte parfois le couple ruthénium-rhodium autour des usines Areva de La Hague. En 2001, deux incidents dans ces usines avaient conduit l’association à démontrer que l’exploitant, qui s’appelait encore Cogéma, sous-estimait ses rejets de ruthénium-rhodium dans l’atmosphère. En mai, puis en octobre 2001, les quantités effectivement rejetées étaient environ 1 000 fois plus élevées que ce qui avait été annoncé (voir notre note technique). Les travaux menés à la suite de cette alerte de l’ACRO ont montré que les rejets atmosphériques en ruthénium-rhodium avaient été systématiquement sous-estimés.

En février 2016, l’ACRO avait de nouveau détecté ce couple de radioéléments autour des usines de La Hague, ce qui témoignait d’un rejet atmosphérique plus important qu’en routine, indiquant peut-être un dysfonctionnement non déclaré.

Quantité rejetée

L’IRSN annonce un terme source en Russie de 100 et 300 térabecquerels pour le seul ruthénium-106, et donc le double en prenant aussi en compte le rhodium-106. Un térabecquerel, c’est 1 000 milliards de becquerels.

A titre de comparaison, l’autorisation de rejets atmosphériques des usines Areva de La Hague est de 0,001 térabecquerel (1 GBq) par an pour les émetteurs bêta-gamma (dont les ruthénium-rhodium) autres que le tritium, gaz rares et iodes. Concernant les rejets liquides, pour le seul ruthénium-106 rejeté en mer, la limite est de 15 térabecquerels par an.

Lors des incidents de 2001, c’est de l’ordre de 10 GBq qui a été rejeté à chaque fois, pour le seul ruthénium. Le rejet accidentel de septembre 2017 estimé par calcul par l’IRSN est 10 000 à 30 000 fois plus élevé.

La quantité rejetée lors de l’incident rapporté par l’IRSN est donc considérable et cet évènement devrait être classé au niveau 5 de l’échelle internationale INES. Tchernobyl et Fukushima étaient au 7, qui est le niveau maximal. Pourtant, aucune information n’est disponible sur le site de l’AIEA, qui est plus préoccupée par la promotion du nucléaire que par son contrôle.

Conclusion provisoire

60 ans après la catastrophe de Kychtym dans l’Oural et plus de 30 ans après celle de Tchernobyl, qu’un évènement de cette ampleur puisse rester secret plus d’un mois est incroyable. C’est particulièrement grave pour les populations locales qui ont été exposées sans bénéficier de la moindre protection, comme en 1957 et 1986.

A noter que dès le 11 octobre dernier, le Bundesamt für Strahlenschutz en Allemagne pointait du doigt le Sud de l’Oural (communiqué en allemand et en anglais), affirmant que l’IRSN partageait ce point de vue. Il n’y a donc pas eu de progrès en un mois dans l’identification de l’origine de ce rejet.

Un tel secret s’explique-t-il par le fait qu’une installation militaire est en cause ? La Russie a nié être à l’origine de ce rejet. Elle devrait publier toutes ses données de mesure dans l’environnement.

Sans laboratoire indépendant, ni surveillance citoyenne, rien n’a changé sur place. Parce qu’il est important que l’ACRO puisse survivre en France, vos dons sont indispensables.

Mayak ?

Plusieurs sites Internet ciblent le complexe nucléaire de Mayak, situé dans l’oblast de Tcheliabinsk, comme origine de cette contamination, sans que nous soyons en mesure de valider ces affirmations. À l’origine, ce complexe militaro-industriel secret est conçu afin de fabriquer et raffiner le plutonium pour les têtes nucléaires et est devenu tristement célèbre pour ses accidents nucléaires graves, dont celui de Kychtym (Wikipedia). Le site est toujours actif et sert de centre de traitement des combustibles usés (site Internet de l’exploitant).


La Russie reconnaît une contamination au ruthénium, mais dément être à l’origine de la fuite

Mise à jour du 20 novembre 2017

A la demande de Greenpeace Russie, c’est l’agence météorologique russe qui a fini par admettre que l’origine de la fuite est bien en Russie (communiqué en russe). Elle titre son communiqué : pollution extrêmement élevée et élevée. L’entreprise d’Etat Rosatom, quant à elle, nie toujours en être à l’origine (communiqué en anglais).

Dans son communiqué, l’agence météo ne donne pas la contamination en ruthénium-106, ni en rhodium-106, mais plutôt la contamination bêta total des aérosols. Mais on peut supposer que l’excès est essentiellement dû à ce couple de radio-éléments. La concentration la plus forte a été détectée à Argayash (Аргаяш), dans l’Oblast de Tcheliabinsk, qui inclut Mayak et Kychtym entre le 26 septembre et le 1er octobre derniers : 7 610×10-5 Bq/m3, soit 986 fois plus que ce qui est généralement mesuré dans cette station. A Novogorny, toujours dans l’Oblast de Tcheliabinsk, c’était, ces mêmes jours, 5 230×10-5 Bq/m3, soit 440 fois plus que les valeurs habituelles. Des valeurs excessives en aérosols radioactifs ont aussi été détectée dans le Caucase du Nord, jusqu’à 2 147×10-5 Bq/m3, soit 230 fois le bruit de fond, et au Tatarstan. D’autres données sont disponibles dans ce document en russe.

Il est donc maintenant confirmé qu’un rejet grave a eu lieu sur une installation nucléaire russe qui est encore secret. Mais l’agence météorologique n’a, semble-t-il, pas lancé d’alerte et ce sont les populations locales, qui vivent dans un environnement déjà fortement pollué, qui ont été exposées. A quoi servent ses balises ?

L’agence météorologique explique que les niveaux relevés sont très inférieurs aux limites locales fixées à 4,4 Bq/m3. Un non-évènement en Russie, donc…

Ces concentrations sont très élevées au regard de ce qui est mesuré habituellement et c’est la signature non ambigüe d’un rejet anormal. En revanche, les concentrations atmosphériques annoncées ne nécessitent pas la mise à l’abri ou l’évacuation, même au regard des normes françaises. La station de mesure de Argayash (Аргаяш), où la concentration la plus forte a été mesurée, est à une trentaine de kilomètres du complexe nucléaire de Mayak. A proximité du point de rejet, la pollution peut être plus élevée. Des mesures environnementales indépendantes sont indispensables.

L’agence météorologique russe mentionne aussi des retombées allant de 10 à 50 Bq/m2 et par jour, par endroits.

Toujours rien sur le site de l’AIEA

A noter que l’agence météo mentionne aussi une pollution à l’iode radioactif dans la région d’Obnisk (Обнинск), située à environ 100 km au Sud-Est de Moscou. Les concentrations ont atteint 1,85×10-3 Bq/m3 les 18 et 19 septembre et seraient due à un centre de recherche local.

Le 21 novembre, l’IRSN précise dans l’Obs que les résultats de sa modélisation donnaient des valeurs beaucoup plus élevées dans les environs immédiats du point de rejet. Mais, si les balises dont les résultats ont été publiés ne sont pas sous les vents au moment du rejet, cela reste compatible. Et l’Institut d’ajouter : “On peut dès lors se poser la question du rôle de l’AIEA. Ce n’est pas normal d’arriver à cette situation. Ce n’est pas normal d’observer du ruthénium dans l’air de toute l’Europe, sans jamais en connaître la source.”


La Russie tente de rassurer

Mise à jour du 24 novembre 2017

L’agence de régulation des produits agricoles Rosselkhoznadzor a diffusé un communiqué (en russe uniquement) démentant la contamination des produits agricoles russes. Elle parle de panique sur le marché des céréales qui ne serait due qu’à des rumeurs et aux spéculations médiatiques, mais ne donne aucun résultat de mesure.

L’Institut de sécurité nucléaire de l’Académie des sciences russe (IBRAE RAS), quant à lui, a annoncé la création d’une commission d’enquête dans un communiqué (en russe uniquement) dont le but est de déterminer l’origine de la pollution au ruthénium et rhodium. Il se veut aussi rassurant en affirmant que les niveaux relevés en Russie sont largement dans les normes et a déjà conclu que Rosatom, la compagnie nationale russe, n’est pas en cause. Et c’est Rosatom qui informera le public des résultats de l’enquête.

Faute de laboratoire indépendant sur place, il y a encore des progrès à faire en termes de transparence et de radioprotection du public en Russie.


Les données de l’AIEA ont fuité

27 novembre 2017

L’ACRO met en ligne les données récoltées par l’AIEA concernant la pollution au ruthénium détectée en Europe que l’agence de l’ONU refuse de rendre publiques. Ce tableau, daté du 13 octobre 2017, ne contient aucune donnée russe…

Quant à Rosatom, l’entreprise d’Etat russe, elle invite, sur sa page Facebook, les journalistes et les blogueurs à venir faire un tour à Mayak, qui, d’après les journalistes occidentaux, est devenue le berceau du ruthénium… Au programme, “alphabétisation” sur le ruthénium. La compagnie ferait mieux de publier ses données environnementales, si elle en a.


Résultat de l’enquête “indépendante” pilotée par Rosatom

8 décembre 2017

La compagnie nucléaire d’Etat, Rosatom, a tenu une conférence de presse pour communiquer les conclusions de l’enquête “indépendante” sur la contamination au ruthénium-rhodium relevée fin septembre dans toute l’Europe : elle n’est pas responsable de cette pollution ! Rien sur son site Internet pour le moment… A suivre !

Seule une enquête indépendante internationale permettra de faire la lumière sur ce rejet. La Russie pourrait commencer par publier toutes ses données environnementales dans la zone suspectée.


Rosatom reconnaît rejeter du ruthénium-106 dans l’environnement, en routine

14 décembre 2017

Selon l’Agence de presse AP, Yuri Mokrov, conseiller du directeur général du centre nucléaire de Mayak, a reconnu que le traitement des combustibles usés conduit à des rejets de ruthénium-106 dans l’environnement. Et d’ajouter que l’usine de Mayak n’est pas à l’origine du rejet anormalement élevé qui a été détecté dans toute l’Europe en septembre dernier. Les rejets seraient minimes et des centaines de fois inférieurs aux limites autorisées. Les niveaux autorisés ne sont pas donnés dans l’article.

On résume :

  1. La Russie n’a d’abord pas détecté le ruthénium radioactif détecté dans toute l’Europe ;
  2. Puis, suite aux calculs faits en Allemagne et en France qui pointaient vers l’Oural, elle a fini par reconnaître l’avoir détecté à des niveau extrêmement élevés, mais sans danger. De fait, les niveaux annoncés sont très supérieurs à ce qui est mesuré en routine, mais ne nécessitent pas de mesure de protection particulière. La mesure d’une pollution atmosphérique se fait en filtrant l’air pendant plusieurs jours. Il s’agit peut-être d’une moyenne sur longue période qui atténue le pic de pollution. La période de mesure n’est pas donnée.
  3. Rosatom, l’industrie nucléaire d’Etat en Russie nie toute implication dans le rejet. Elle met en place une commission “indépendante” qui conclut dans le même sens et qui ressort la thèse de la chute d’un satellite. Et là, tout d’un coup, Rosatom reconnaît rejeter régulièrement du ruthénium-106 dans l’environnement et que ses rejets sont dans les limites admissibles. Et donc pas d’incident particulier à signaler… La limite doit être très élevée !

La Russie n’a pas beaucoup changé depuis Tchernobyl. Sans laboratoire indépendant sur place, la glasnost n’a pas touché le secteur nucléaire.


Du ruthénium-103 était aussi présent dans les rejets

5 février 2018

Une réunion avec des experts internationaux a eu lieu en Russie fin janvier 2018 à propos de cette affaire de ruthénium, dont l’IRSN. Voir le compte-rendu en anglais. Il en ressort que dans certains pays du ruthénium-103 était aussi présent dans le nuage radioactif. Étonnamment, aucune communication officielle n’en parlait jusqu’à présent, alors que cela donne des indications sur la source potentielle de cette contamination. Le 22 janvier dernier, le Bundesamt für Strahlenschutz en Allemagne disait encore qu’il n’y avait que du ruthénium-106.

La demi-vie du ruthénium-103 est de 39,26 jours, ce qui signifie qu’il disparaît beaucoup plus vite que le ruthénium-106 qui a une demi-vie de 373,6 jours. Et donc le combustible nucléaire à l’origine du rejet ne doit pas être sorti depuis longtemps du réacteur : 3 à 4 ans maximum. Or, en général, le traitement des combustibles usés se fait sur des combustibles plus anciens.

La presse russe en déduit que cela disculpe le site de Mayak. En effet, cela permet d’exclure a priori la vitrification fortement soupçonnée jusqu’à présent, sauf, si pour une raison obscure, du combustible jeune a pu être traité et les résidus vitrifiés. En revanche, la fabrication de sources radioactives se fait généralement sur du combustible usé « jeune ». Et Mayak fabrique des sources…

Le Figaro évoque la commande par le CEA et l’INFN en Italie au complexe nucléaire de Mayak d’une source de cérium-144 destinée à une expérience de physique. Or, la production de cette source nécessite le traitement de combustibles “jeunes”, âgés de moins de 5 ans. Le quotidien parle de coïncidence troublante…

Décidément, ce rejet est suffisamment mystérieux pour que tout soit mis sur la table et l’on espère une communication officielle des experts internationaux présents en Russie.

Le 6 février, l’IRSN a mis en ligne une note d’information en français et en anglais et un rapport en anglais uniquement qui résument ses investigations qui confirment la détection de ruthénium-103 et étudient l’hypothèse de la fabrication d’une source de cérium-144. Le rapport est riche d’informations.


2ième réunion internationale sur l’affaire du ruthénium : rien de neuf

13 avril 2018

Le groupe international d’experts qui tente de faire la lumière sur cette affaire de ruthénium s’est réuni pour la deuxième fois le 11 avril dernier et un résumé succinct de leurs conclusions est en ligne. Etaient présents, des représentants des organismes d’expertise officiels de France, Finlande, Suède, Allemagne, Norvège, Grande Bretagne et Russie.

Des mesures additionnelles de la radioactivité auraient été effectuées sur place, en Russie, et toutes les données ont été collectées dans une base qui devrait être rendue publique. Cependant, les experts n’ont, semble-t-il, pas réussi à s’entendre et ils n’ont pas décidé s’il y aurait une suite à ces rencontres.

Bref, rien de neuf. De son côté, l’AIEA n’a toujours rien à dire sur le sujet.

La presse allemande rapporte l’avis de Florian Gering de l’Office fédéral de radioprotection. Après avoir rappelé les faits déjà connus : ses calculs pointent vers le Sud de l’Oural et l’usine de traitement de Mayak est la seule installation connue dans cette zone pour pouvoir être à l’origine de ce rejet. La source de cérium-144 mentionnée précédemment pourrait être une explication possible. Il est aussi fait mention que, selon des images satellite, un toit a été réparé sur place, juste après la découverte du ruthénium dans l’atmosphère de plusieurs pays européens.

On espère que la recommandation de rendre publiques toutes les données sera suivie. Des mesures indépendantes sur places sont indispensables.


L’incident vu par la littérature scientifique

31 juillet 2019

Plusieurs articles scientifiques sont parus sur ce rejet de ruthénium-rhodium détecté à l’automne 2017. Qu’y apprend-on ?

Sur la composition du rejet : Dès le début, la présence du seul couple ruthénium-rhodium 106 permettait d’exclure un accident dans une centrale nucléaire. La présence du ruthénium-103, qui a une durée de vie courte, détecté par quelques stations a orienté la piste vers la fabrication de la source de cérium-144 dans le site de Mayak. Cet article en libre accès rapporte le résultat d’études chimiques menées sur des filtres à air de Vienne en Autriche contaminés par le rejet suspect. Aucune anomalie n’a été découverte dans la composition et la morphologie des particules, par rapport à ce qui est généralement présent dans les aérosols.

Sur l’origine du rejet : cette étude danoise, en accès payant, confirme l’analyse de l’IRSN que la source du rejet englobe la zone de Mayak. La date et l’heure exactes du rejet sont calculées. Cette autre étude italienne, en accès payant, va dans le même sens.

Sur la dose engendrée : cette étude internationale, en accès payant, a calculé la dose engendrée par inhalation en Europe due à ce rejet. L’article commence par une longue introduction pédagogique sur le ruthénium-rhodium et cite les travaux de l’ACRO sur les rejets de ruthénium-rhodium à La Hague. Les doses calculées sont inférieures à 0,3 µSv, alors que la limite pour le public est de 1000 µSv par an. Cet article ne calcule pas les doses à proximité d’un point de rejet supposé.

Point de vue d’une cinquantaine d’institutions de recherche : Les hypothèses avancées par l’IRSN sur un incident lors de la fabrication de la source de cérium-144 à Mayak sont reprises et confortées par cette publication en libre accès signée par 69 experts appartenant à une cinquantaine d’institutions de recherche en Europe, Ukraine, Biélorussie et Canada. Cette liste de signatures est impressionnante et donne du poids aux affirmations. Comment les autorités russes, qui nient être à l’origine du rejet, vont-elles réagir ?
L’article, accompagné d’une annexe en libre accès, a pour but de synthétiser ce que l’on peut dire sur l’origine de ce rejet, en réaction à la réponse officielle russe qui nie toute responsabilité. Il rejette l’hypothèse de la combustion accidentelle d’une source radioactive. En effet, de telles sources utilisées en ophtalmie font 10 MBq. Il aurait fallu en brûler une grande quantité à la fois pour arriver à expliquer une contamination au dessus de presque toute l’Europe. Ce n’est pas crédible. L’hypothèse de la chute d’un satellite avec une source radioactive est aussi rejetée, car il n’y aurait pas eu de ruthénium-103 avec une durée de vie courte. La seule hypothèse plausible est donc un incident lors de la tentative de production de la source de cérium-144 à l’usine de retraitement de Mayak. L’article conclut que rien, dans l’analyse effectuée, ne permet de rejeter cette hypothèse. Par ailleurs, l’annonce, quelque jours après la date calculée de l’incident, que la fabrication de cette source était abandonnée est un argument de plus.
L’étude précise que le combustible retraité devait avoir environ 2 ans. La quantité de ruthénium-106 rejetée est estimée à 250 TBq. Cela représenterait 7 à 10% de la quantité de ruthénium-106 contenue dans le combustible retraité pour fabriquer la source de cérium-144.

ACROnique du nucléaire #113, juin 2016

couv 113

  • Edito
  • Accidents nucléaires graves : la France n’est pas prête (extrait de l’étude réalisée par l’ACRO pour l’ANCCLI)
  • Du ruthénium radioactif détecté dans l’herbe autour de l’usine de retraitement AREVA NC de LA Hague : s’agit-il d’un dysfonctionnement non déclaré (Communiqué ACRO du 06/04/16)
  • Revue de presse

Du ruthénium radioactif détecté autour d’AREVA-La Hague

Du ruthénium radioactif détecté dans l’herbe autour de l’usine de retraitement AREVA NC de la Hague : S’agit-il d’un dysfonctionnement non déclaré ?

L’ACRO a récemment détecté une contamination radioactive surprenante en ruthénium-rhodium sous les vents dominants de l’usine Areva NC de La Hague. L’échantillon d’herbe analysé a fait apparaître une contamination de 74 Bq/kg sec alors que ce couple de radioéléments n’apparait jamais dans les résultats de surveillance réglementaire de l’exploitant ni dans ceux de l’ACRO.

S’agit-il d’un dysfonctionnement non déclaré ?

Rappelons qu’en 2001, deux rejets intempestifs atmosphériques avaient conduit l’ACRO à montrer que l’exploitant avait sous-estimé d’un facteur 1 000 la quantité de ruthénium-rhodium rejetée. Cette affaire avait conduit l’entreprise à modifier les modalités de rejets de ces éléments.

Contexte

Le 14 février 2016, l’ACRO a effectué une campagne de prélèvements terrestres, autour de l’usine de retraitement des combustibles irradiés Areva NC dans le cadre de son Observatoire Citoyen de la Radioactivité. L’objectif est d’évaluer l’ampleur des dépôts suite aux rejets atmosphériques (en routine et en cas d’« incident »), ainsi que la durabilité des contaminations de l’environnement.

Lors de cette campagne, la localisation des sites a été choisie en fonction de la météo précédant les prélèvements : ils ont donc été effectués sous les vents dominants par temps de pluie (maximum des dépôts), c’est-à-dire dans la partie Nord-Nord-Est des installations nucléaires (voir carte ci-après). Il est à noter que les lundi 8 et mardi 9 février, le Nord-Cotentin a subi une tempête avec des vents allant jusqu’à 140 km/h et une pluviométrie très importante. Les prélèvements effectués en trois points distincts, 5 jours après cette tempête, ont concerné de l’herbe, des sols et du lierre.

Résultats

Le couple ruthénium/rhodium-106 a été observé dans l’échantillon d’herbe du site ACRO-3 à une concentration de (74 ± 22) Bq/kg sec. De 2004 à 2014, les mesures réglementaires de cet isotope dans le cadre de la surveillance de l’environnement terrestre ne l’ont jamais mis en évidence dans le champ proche de l’usine (1 km). De même, les différentes analyses réalisées par l’ACRO autour du site nucléaire n’ont pas détecté cet isotope depuis 2001, alors même que cet isotope est régulièrement rejeté. Les niveaux observés en février 2016 témoignent donc d’un rejet atmosphérique plus important qu’en routine. Il peut être l’indicateur d’un dysfonctionnement non déclaré.

Pour en savoir plus, voir le communiqué complet en version Pdf 

La Hague, fille aînée du nucléaire

David Boilley, S!lence, janvier 2002, remis à jour le 27 mars 2002.


Presqu’île au bout de la presqu’île du Cotentin, La Hague est aujourd’hui plus connue pour ses installations nucléaires que pour la beauté de ses paysages. L’usine de retraitement des combustibles irradiés est la plus célèbre. Fleuron de la technologie nationale que nous exportons jusqu’au Japon, elle fait la fierté de la plupart des élus locaux qui sont aussi satisfaits par la manne financière qu’elle leur procure. Un centre de stockage de déchets radioactifs fermé depuis 1994, la jouxte. Pour le CEA, qui en a eu la tutelle durant toute sa phase active, « le site de la Manche, après vingt-cinq ans de bons et loyaux services, figure désormais comme une référence technique internationale dans le stockage des déchets »[1]. L’arsenal de Cherbourg, où sont fabriqués nos sous-marins nucléaires, n’a pas à rougir. En effet, la force océanique stratégique se voit confier la majeure partie des armes nucléaires stratégiques françaises. Depuis août 2000, Le Redoutable, qui a effectué sa dernière plongée en 1991, a commencé une nouvelle vie en étant le pôle d’attraction de la future cité de la mer de Cherbourg. Enfin, les deux réacteurs de Flamanville, à 20 km à vol d’oiseau vers le Sud viennent renchérir un département dont les deux tiers de la taxe professionnelle vient du nucléaire. Sans aucun doute, la région participe au rayonnement de la France dans le monde.

Arrières-pensées militaires

Le retraitement des combustibles irradiés pour en extraire du plutonium est une technologie militaire qui a été civilisée afin de la rendre acceptable et exportable. Pas un pays ne s’y est intéressé sans arrières-pensées militaires. En exportant cette technologie dans de nombreux pays, la France est au cœur du processus de prolifération [2]. « Pour palier une hypothétique défaillance de l’usine chimique d’extraction du plutonium [militaire] de Marcoule, il a été décidé de construire au Cap de La Hague une deuxième unité de traitement des combustibles irradiés ; elle servira d’usine de secours et permettra aussi d’y séparer une fraction du plutonium produit dans les réacteurs E.D.F. » [3]. La première usine de Marcoule est arrêtée depuis 1992 et est en cours de démantèlement. Il y a actuellement trois usines de retraitement à La Hague, dont une est quasiment arrêtée depuis 1994. Pour Robert Galley, à l’origine du choix de l’implantation, « le site de La Hague présentait une particularité unique en France […], s’il y avait un incendie […] 270° de vents portraient vers la mer » [4]. La population locale ne sera jamais consultée et les élus locaux avertis dans la nuit qui précède l’annonce à la presse [5]. Malheureusement pour l’exploitant, lors de l’incendie du silo en 1981, les radio-éléments ne se sont pas arrêtés au grillage de l’usine [6]. En février 1970, suite à une panne générale d’électricité dans le Nord-Cotentin, on a frôlé une catastrophe qui aurait pu avoir des conséquences bien au-delà de la Normandie. Mais même en fonctionnement normal, les rejets de l’usine ne sont pas sans inquiéter la population.

Le Centre Manche

Le Centre de Stockage de la Manche où sont entassés 527 000 m3 de déchets faiblement radioactifs est aussi une source d’inquiétudes [7]. Pour Christian Kernaonet, un ingénieur de l’ANDRA, Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, maintenant à la retraite, la tranche n°1 doit être reprise car elle menace de s’effondrer : « Durant des années, on a entassé des milliers de fûts métalliques, comme ça, les uns sur les autres, sur une hauteur de dix à quinze mètres ! Pour que cela tienne, on les a maintenus avec une armature faite de blocs de béton et on a rajouté par dessus une couche de terre et d’argile. Assez rapidement, on s’est posé des questions, sans que cela filtre à l’extérieur. Dès 1974-1975, donc quatre ou cinq ans après avoir démarré, on a découvert qu’il y avait des effondrements. Parfois, à la suite d’un week-end où il avait beaucoup plu, on découvrait des affaissements d’un diamètre de sept-huit mètres et de quatre mètres de profondeur. Parfois plus… Logiquement des fûts s’étaient effondrés. D’autres avaient dû éclater sous le poids. [… Le problème, c’est qu’] on a contruit le site dans dalle et sans drainage, et juste au dessus de la nappe phréatique. Une vraie connerie ! » [8]. C’est donc pour « la sécurité des générations futures » qu’il s’est opposé à la fermeture du site : « En ressortant les fûts de la tranche 1, on se serait honoré d’avoir agi par précaution. Sans attendre qu’un groupe écolo quelconque nous fasse péter l’affaire à la figure ». La surveillance du site prévue par l’ANDRA repose essentiellement sur les eaux de percolation récupérées au niveau des drainages. Le problème, c’est que la tranche 1 n’a pas de drainage et les eaux de percolation vont directement dans la nappe phréatique. Si un problème sérieux est détecté aux exutoires, il sera trop tard ! De plus, les nappes phréatiques étant déjà fortement contaminées par les « incidents » passés, seul un incident majeur pourrait être détecté. Or, au nord du site, la contamination en tritium des eaux souterraines augmente continuellement sans que l’ANDRA ne fournisse aucune explication. Est-ce dû à un apport du Centre Manche ? La volonté de l’exploitant, des autorités et des responsables locaux est de laisser le Centre en l’état. A l’heure où la réversibilité des centres de stockages en profondeur est en débat, le Centre Manche fournit un intéressant cas d’étude. La décision de fermer est-elle réversible ? L’ACRO, Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest, réclame en vain la création d’un groupe de travail ad hoc ouvert aux associations intéressées, incluant Monsieur Kernaonet, qui serait chargé d’étudier l’état de Centre Manche afin de faire des recommandations sur son avenir, puis de les soumettre à la population locale.

Depuis 1995, l’ANDRA tente d’obtenir la fermeture officielle du site et sans la vigilance des associations locales, les déchets seraient définitivement enterrés avec leurs problèmes. Il y a là près de 100 kg de plutonium et des tonnes de métaux lourds ! Lors d’une première enquête publique en 1995, l’ANDRA embauche Pierre Boiron comme expert pour servir d’interlocuteur au président de la commission d’enquête, Jean Pronost. Il se trouve que ce sont deux amis… Malheureusement pour eux, l’ACRO a montré, grâce à des documents internes reçus anonymement, que la réalité du Centre était très éloignée de ce qui était présenté dans le dossier soumis à enquête. Les autorités ont demandé à l’ANDRA de revoir sa copie et une nouvelle enquête publique a eu lieu en 2000. Le président de la nouvelle commission d’enquête était… Pierre Boiron ! Après une tentative de recours à l’amiable du CRILAN, infructueuse, les associations ont boycotté la procédure. Toute décision prise à l’issue de cette enquête est attaquable en justice car cette nomination viole la loi Bouchardeau sur les enquêtes publiques.

Des rejets sous surveillance ?

En 1994, les usines de retraitement ont rejeté en mer 8775 fois plus de radioactivité bêta-gamma (hors tritium) que les deux réacteurs voisins de Flamanville. Ces rejets marquent tout le littoral Normand et peuvent être suivis jusqu’en mer du Nord [9]. En terme d’impact sur la population locale, ce sont les rejets aériens qui dominent actuellement. Si certains radio-éléments comme le tritium (isotope de l’hydrogène) ou le krypton qui est un gaz rare, sont rejetés parce que difficiles à stocker, l’iode 129, quant à lui, est pratiquement entièrement rejeté dans l’environnement parce qu’il s’agirait de la meilleure façon de gérer ce déchet qui a une durée de vie de 17 millions d’années.

La compagnie sait-elle exactement ce qu’elle rejette ? Aussitôt informée de l’incident de rejet atmosphérique qui a eu lieu le 18 mai 2001 à l’usine COGEMA de la Hague, l’ACRO a effectué une campagne de prélèvements autour du site. Les résultats d’analyse ont mis en évidence une contamination importante de l’environnement en ruthénium rhodium 106, radioéléments artificiels, et ont conduit l’ACRO à interroger l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur la validité du système de mesure des rejets aériens de la Cogéma. En effet, ses calculs montraient que la quantité de ruthénium-rhodium déposée sur l’herbe était largement supérieure à la quantité totale rejetée annoncée par l’exploitant. Une évaluation de cette quantité à l’aide d’un modèle de dispersion dans l’environnement l’avait conduit à estimer que la Cogéma avait rejeté probablement 1000 fois plus que ce qu’elle avait annoncé (14 000 MBq pour 11 MBq déclarés). Dans une lettre reçue à l’ACRO le 24 octobre 2001, l’ASN répond qu’en fonctionnement courant « ce facteur a dû être proche de trois pour la période 1999-2000 et de quatre-cent lors de l’incident » [10]. Un incident similaire qui a eu lieu le 31 octobre a permis à l’ACRO de montrer que le système de mesure de l’autre cheminée de rejet était également défaillant. Les relevés trimestriels publiés par l’exploitant ne font pas apparaître les contaminations anormalement élevées en ruthénium-rhodium détectées à l’issue des ces incidents. Par le passé, l’ACRO avait déjà épinglé la Cogéma sur sa « transparence » : en épluchant 5 années de publication de sa plaquette grand public, elle avait relevé 29 « erreurs » qui tendaient toutes à sous estimer la pollution [11]. Ce goût du secret en matière d’environnement peut cacher des lacunes plus graves : les mesures dans l’environnement du carbone 14 et de l’iode 129 rejetés en grande quantité par l’usine de la Hague ne datent respectivement que de 1996 et 1991. Pourtant ces deux radioéléments contribuent de façon significative à la dose subie par la population.

Le rôle de l’ACRO

Les rejets des installations nucléaires sont soumis à différents contrôles de la part de plusieurs organismes officiels et des exploitants eux-mêmes. L’intérêt de ces mesures de la radioactivité en matière de santé publique est évident. Pourtant, la population directement concernée n’est pratiquement pas informée des résultats de cette surveillance. Il est impossible à un citoyen d’obtenir des données exhaustives sur les mesures faites près de chez lui, tout ce qu’il peut espérer, ce sont des moyennes. C’est pourquoi, l’ACRO, depuis sa création après la catastrophe de Tchernobyl, effectue une surveillance citoyenne régulière de l’environnement local et s’engage à publier toutes ses données. L’association a dû subir de nombreuses pressions et des mises en cause publiques pouvant aller jusqu’au dépôt de plainte de la part des exploitants, mais après quinze ans de fonctionnement et de batailles, la fiabilité de son laboratoire d’analyse n’est plus remise en cause. C’est très important, car si les exploitants peuvent sous-estimer sans vergogne l’impact de leurs rejets, l’ACRO n’a pas le droit à l’erreur pour rester crédible. Le laboratoire est maintenant accrédité d’une qualification technique délivrée par le Ministère de la santé.

Gérer un laboratoire d’analyse fiable avec un personnel qualifié est très contraignant pour une association et cela coûte très cher. Les seuls dons ne suffisent pas et l’association doit trouver des partenaires, comme les agences de l’eau, des commissions locales d’information ou des collectivités territoriales qui financent certaines de ses études. Malgré tout, l’ACRO se dit indépendante car sans l’implication de nombreux bénévoles, elle ne pourrait pas exister. Le manque chronique de ressources peut parfois être dramatique pour l’association qui a failli mettre la clé sous la porte en septembre 2000. C’est pourquoi, le soutien financier et l’implication d’un plus grand nombre d’adhérents est indispensable à sa survie.

La Hague : danger zéro ?

La publication par le Professeur Viel d’études épidémiologiques mettant en évidence une augmentation du nombre de leucémies chez les jeunes vivant autour de l’usine de retraitement de La Hague et la relation significative avec la fréquentation des plages soit par les mères pendant leur grossesse (risque multiplié par 4,5) ou par les enfants eux-mêmes (risque multiplié par 2,9) a suscité une forte émotion dans la région [12]. Comme souvent, c’est le donneur d’alerte qui a été mis en cause plutôt que le pollueur. D’autres études sont venues conformer cette augmentation depuis [13]. Constitué de manière spontanée à la suite des travaux de Jean-François Viel, le collectif des Mères en Colère milite pour une information objective, transparente et indépendante. Elles tentent par tous les moyens, pétitions, manifestations et participation aux commissions officielles, d’établir un dialogue avec tous les représentants des industries concernées afin de réfléchir collectivement aux moyens de répondre aux inquiétudes sociales et environnementales suscitées par cette industrie qui fait vivre des milliers de familles et toute une région, au mépris des sentiments de rejet d’une frange de la population. Leurs interventions ont permis d’apporter une note d’humanité, de sensibilité et de réalisme dans un contexte où les décisions économiques et politiques sont prises par des hommes, en faisant abstraction de tous les problèmes environnementaux et psychologiques que peut entraîner une telle mono-industrie. Pour les Mères en Colère, le risque engendré par le retraitement n’est pas acceptable dans la mesure où il porte préjudice à l’environnement et à la santé de leurs enfants. Ce combat demande beaucoup d’énergie et d’abnégation, mais les échanges entre femmes ont permis d’exprimer une anxiété qui était latente dans beaucoup de foyers. Il y a un besoin de s’exprimer sur ce sujet tabou, alors qu’une sorte de loi du silence s’est instaurée au fil des années, imposée par des impératifs économiques. Le Collectif des Mères en Colère répond à cette attente des femmes qui vivent dans cette région en devenant leur porte-parole, ce qui impose de leur être fidèles.

La création, par les Ministres de l’environnement et de la santé, du comité Nord-Cotentin chargé de faire un bilan rétrospectif de 30 années de rejets dans l’environnement par les installations nucléaires de la région, constitue une avancée notable. L’ACRO, qui ne cesse de réclamer une transparence totale en matière d’environnement, n’avait d’autre choix que d’y participer activement. La première partie des travaux, publiée en 1999, est limitée aux seules leucémies et ne permet pas de lever le doute sur l’impact des rejets radioactifs et chimiques. Ce n’était pas sa mission [14]. Pour rassurer, la COGEMA a tenté de « lancer un concept nouveau : ” Le zéro impact pour la santé “, en agissant sur le niveau des rejets de nos activités » explique sa PDG. « Pour cela, nous retenons les critères des experts internationaux, en particulier ceux de la CIPR (Commission internationale de protection contre les rayonnements ionisants). Pour eux, à 30 microsieverts – unité qui mesure les conséquences biologiques de la radioactivité sur l’organisme – par personne et par an, il n’y a pas de risque pour la santé. »  Le problème, c’est que la CIPR a démenti : « Une telle affirmation serait en contradiction avec l’hypothèse de la publication n°60 et de nombreux autres rapports d’une relation linéaire et sans seuil entre la dose et les effets à faible dose. Mon impression est qu’il y a eu une incompréhension de la position de la CIPR. » [16] L’enjeu est grand, car si chaque radiation reçue a un impact, la législation impose que les pratiques entraînant une exposition aux rayonnements ionisants soit justifiées « par leurs avantages économiques, sociaux ou autres par rapport au détriment sanitaire qu’ils sont susceptibles de provoquer » [17].

Retraiter ou pas retraiter ?

Economiquement, la filière plutonium n’est pas rentable comme l’a montré le rapport du Commissariat au plan signé par le Haut-Commissaire à l’Energie Atomique [18]. Mais peu importe si le « recyclage » du plutonium peut avoir un intérêt écologique. L’Agence pour l’Energie Nucléaire de l’OCDE a montré que si l’on retraitait tous les combustibles irradiés et recyclait tout le plutonium extrait, on ferait une économie d’uranium de 21% [19]. Etant donnée la surproduction d’électricité nucléaire en France, il y a des moyens plus simples pour économiser les ressources de la planète ! Surtout que dans les faits, seuls les deux tiers du combustible usé qui sort des centrales françaises est retraité et seulement 50% environ du plutonium extrait a été « recyclé ». Quant à l’uranium, qui est aussi extrait lors du retraitement, le taux de « recyclage » est inférieur à 10%. [20]

Dénoncé depuis toujours par les associations écologistes, le retraitement fait partie des dogmes qui ont fait leur temps, même dans certains milieux nucléocrates. Au niveau international, il est aussi sur la sellette. La déclaration de Sintra (Portugal, 1998) de la réunion ministérielle de la convention OSPAR [21] engage les états signataires à faire en sorte que « les rejets, émissions et pertes de substances radioactives soient, d’ici l’an 2020, ramenés à des niveaux tels que, par rapport aux niveaux historiques, les concentrations additionnelles résultant desdits rejets, émissions et pertes soient proches de zéro. » Cette contrainte a conduit à la déclaration de Copenhague (Danemark, 2000) demandant la mise « en œuvre l’option ” non-retraitement ” (par exemple par entreposage à sec) pour la gestion des combustibles nucléaires usés dans des installations appropriées ». La France et la Grande-Bretagne, seuls pays concernés, se sont abstenus. Si ces deux pays s’accrochent au retraitement, c’est pour garder un savoir faire et une structure industrielle indispensables à long terme au niveau militaire. L’exception américaine avec arrêt du retraitement il y a 25 ans environ ne doit pas faire illusion : il est maintenant officiellement reconnu que la Grande-Bretagne a fourni 5,4 tonnes de plutonium aux Etats-Unis entre 1958 et 1979 en échange de tritium et d’uranium enrichi [22]. Se sont-ils aussi fourni ailleurs ? Le plan Bush sur l’énergie prévoit la relance du retraitement.

En commandant le 28 juillet 2000 un quatrième sous-marin nucléaire lanceur d’engins de nouvelle génération, Le Terrible, et surtout en développant un nouveau missile, le M51, aussi prévu pour 2008, la France viole le traité de non-prolifération dont l’article 6 stipule : « chacune des parties au traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous contrôle international strict et efficace ». Article, hélas, sans aucune échéance précise ni mesure contraignante. [23] Une campagne d’interpellation, « Dites NON au quatrième sous-marin nucléaire ! » a été lancée par le MAN, Stop-Essais et le Mouvement de la Paix [24].

La fermeture des usines de retraitement n’est pas sans créer de problèmes sociaux. La baisse de l’activité de l’usine est mise sur le dos des écologistes. L’accueil réservé à la tête de liste des verts aux élections européennes, qui a été obligé de passer sous les fourches caudines syndicales par la direction de l’usine, laisse présager le pire. Mais l’arrêt du retraitement ne signifie pas l’arrêt de l’activité, car les déchets nucléaires demeurent. En particulier, de grandes quantités doivent être reprises pour être conditionnées.

Non-retour à la case départ ?

Actuellement, la moitié de l’activité du centre de La Hague est destinée aux combustibles étrangers, avec pour principaux clients, l’Allemagne et le Japon, pays qui possèdent toute la technologie nécessaire à la fabrication de l’arme nucléaire. Au Japon, le plutonium de La Hague, « recyclé » sous forme de combustible MOx, attend dans les piscines de déchets nucléaires l’autorisation d’être « brûlé ». Tout un symbole… Mais verra-t-on un jour le retour de tous les déchets étrangers vers leur pays d’origine ? L’article 3 de la loi de décembre 1991 stipule que « le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si leur retraitement a été effectué sur le territoire national, est interdit au-delà des délais techniques imposés par le retraitement ». En fait, cet article est déjà violé car on entrepose à la Hague des déchets technologiques faiblement ou moyennement radioactifs, issus du retraitement, qui auraient pu être renvoyés dans leur pays d’origine depuis longtemps. Sans parler des déchets des premiers contrats étrangers de la Cogema, pour lesquels il n’existe aucune clause de retour. A la place, la Cogema espère renvoyer 5 % de déchets vitrifiés supplémentaires, plus compacts, et garder les autres types, plus volumineux. Les quotas de radioactivité devraient être respectés, mais pas ceux de volume. BNFL, le concurrent britannique, offre déjà officiellement ce service… Un tri similaire a déjà commencé : sur le centre de stockage de la Manche, les déchets technologiques stockés sont dix fois plus volumineux que ceux en attente d’un renvoi éventuel [25].

En 1994, la loi allemande a changé, autorisant soit le retraitement soit l’enfouissement des combustibles irradiés. Les compagnies ont donc renégocié leurs contrats avec COGEMA et BNFL. Selon des experts proches des agences de sûreté nucléaire qui ont vu les contrats, les nouveaux termes autorisent ces compagnies à entreposer leur combustible irradié dans les usines de retraitement de La Hague et de Sellafield en Grande-Bretagne pendant 25 ans avant de décider si elles le feront retraiter ou non. Si elles ne le font pas retraiter, le combustible irradié sera rapatrié en Allemagne, des frais d’entreposages seront payés, mais aucune pénalité n’est prévue. Ces contrats concernent le combustible irradié produit jusqu’en 2005 avec une possible extension jusqu’en 2015 [26]. D’usine de retraitement, le site est en train de devenir un centre d’entreposage international, Cogéma allant jusqu’à accepter des déchets australiens pour lesquels elle n’a aucune autorisation de retraitement. La loi de 1991 ne contient malheureusement aucune sanction en cas d’infraction et n’a pas reçu de décrets d’application. L’ACRO condamne cette politique du fait accompli.

Avant même l’arrivée du combustible nucléaire australien, la Cogéma a assigné en référé Greenpeace devant le tribunal de grande instance de Cherbourg et demande de « faire interdire à Greenpeace ainsi qu’à toute personne se réclamant du mouvement Greenpeace de s’approcher à moins de 100 m des convois de combustible australien et ce sous astreinte de 500.000 F par infraction constatée ». Cette affaire montre le peu de cas que la compagnie fait de la liberté d’expression et de manifestation. Mais Greenpeace a retourné le référé en demandant à la Compagnie de prouver qu’elle avait bien l’autorisation de retraiter ces combustibles étrangers. S’en est suivi un bras de fer juridique où l’association a obtenu une interdiction du débarquement des déchets australiens. La Cogema a fait appel et a obtenu gain de cause auprès de la cour d’appel de Caen. Greenpeace a de nouveau déposé une assignation à jour fixe dans laquelle elle attaque la Cogema sur le fond du dossier. L’affaire est en cours. Mais ce sont surtout les actions spectaculaires de l’organisation qui ont permis que les médias s’intéressent à La Hague et qui marquent l’opinion. Ainsi à la même époque, à cause de la présence d’une poignée de militants de Greenpeace, le départ de combustibles MOx vers le Japon était accompagné d’un dispositif composé notamment de policiers du RAID, d’unités du Groupement d’intervention de la police nationale, d’un Elément Léger d’Intervention (ELI) de la gendarmerie mobile, des renseignements généraux, des commandos marine et d’une compagnie républicaine de sécurité (CRS). Malgré cela, le 19 janvier 2001, trois canots pneumatiques de l´organisation ont réussi à rentrer dans le port de Cherbourg, lâchant quatre plongeurs qui ont brandi des écriteaux dénonçant le MOx avant d´être appréhendés [27].

Au total, l’Allemagne doit encore rapatrier l’équivalent de 166 emballages de type “Castor” contenant des déchets hautement radioactifs, dont 127 en provenance de La Hague et 39 en provenance de Sellafield, selon le ministère de l’Environnement allemand. Sachant qu’un transport de déchet comprend en général six emballages Castor, il faudrait encore 14 ans, à raison de deux transports par an, pour rapatrier la totalité du stock de déchets allemands à l’étranger. A cela s’ajoutent les déchets faiblement et moyennement radioactifs oubliés par les autorités et la presse quand elles parlent du sujet. Malgré ces retours difficiles, la Cogéma espère accueillir une dizaine de convois de combustibles irradiés allemands par an. Le Réseau Sortir du Nucléaire dénonce à ce propos un marché de dupe. Aucun retour n’est prévu pour l’instant vers la Belgique, les Pays-Bas, la Suède…

Un régime de complaisance ?

Pendant l’été 2000, la France a accueilli dans la plus grande discrétion quatre transports de déchets nucléaires allemands vers La Hague. Il s’agit d’un stock de rebuts de MOx restant à l’usine d’Hanau (dans le Hesse), une usine de fabrication de Mox à l’arrêt depuis 1991. Suite à cette affaire, la Cogéma se retrouve assignée en référé par Didier Anger, conseiller régional Vert de Basse-Normandie et le CRILAN. Leur avocat s’appuie sur une lettre d’André-Claude Lacoste, directeur de la sûreté des installations nucléaires qui assure que “la Cogema n’est actuellement pas en possession d’une autorisation de traiter les lots d’assemblages en provenance de Hanau”. Mais lors de l’audience en référé, la compagnie a notamment insisté sur l’irrecevabilité du CRILAN en tant qu’association agréée pour se pourvoir en justice. Elle a été suivi par le tribunal, le comité n’ayant pas dans ses statuts l’autorisation de se pourvoir en justice pour ce cas précis. Didier Anger a lui aussi été débouté sur la forme. Le CRILAN a depuis changé ses statuts et peut se pourvoir en justice. Devant faire face à des manifestations violentes d’employés de la Cogéma, c’est sous protection policière que les représentants du CRILAN ont dû accéder au Tribunal lors de l’audience du 20 mars 2001 [28].

La création du CRILAN témoigne d’un désir d’une partie des habitants du Nord-Cotentin et d’ailleurs de lutter contre la nucléarisation forcenée de la presqu’île. L’association veille particulièrement à la légalité des décisions prises, au respect des lois et a entamé, pour ce faire, des luttes juridiques contre EDF, l’ANDRA et la Cogéma. En particulier, le 11 janvier 1999, elle a obtenu la mise en examen de la Cogéma pour mise en danger de la vie d’autrui. Les plaintes, déposées contre X en janvier 1994, portaient sur le non-retour des déchets étrangers. Mais le plus dure reste à faire, obtenir le débat en audience publique. La lutte juridique n’est pas une fin en soi, elle permet seulement de mettre en évidence que le nucléaire n’a jamais fait bon ménage avec l’état de droit [29].

Nucléaire et démocratie

Si le nucléaire est insoluble dans la démocratie, c’est particulièrement flagrant dans le Nord-Cotentin. Dans les années 1980 on doit à la CFDT, fortement impliquée dans les problèmes de société à cette époque, la vulgarisation à grande échelle des problèmes posés par l’ensemble de la filière [30]. Localement le syndicat du site de la Hague, majoritaire sur l’établissement, dénonce les conditions de travail dans les zones contaminées dans un film choc : “Condamnés à réussir” et informe les populations locales des incidents du site ayant un impact hors usine sur l’environnement. Cette époque est révolue et de nos jours, seules quelques associations militantes tentent d’organiser un débat public sur un sujet encore tabou. Lors de crises, elles deviennent les boucs-émissaires par lesquels le mal est arrivé. Et les industriels n’hésitent pas, par syndicats, associations complaisantes ou politiques interposés à jeter l’opprobe sur les contestataires. Pourtant, la contestation est légitime car contrairement aux risques naturels, les risques techno-scientifiques résultent de choix effectués par une poignée d’individus, alors que c’est l’ensemble de la population qui trinque en cas de problèmes. Toute crainte est qualifiée d’irrationnelle par les experts assermentés. A qui appartient la charge de la preuve ? Aux contestataires qui doivent prouver l’existence du risque ou à l’industrie et à l’administration qui doivent prouver et non affirmer l’absence de danger ? Et comment contester quand on a plus ou moins participé – ou profité comme parent d’un travailleur du nucléaire – à la construction ou au fonctionnement de la cage dans laquelle on est enfermé et que l’on est complice du mal qui peut toucher ses propres enfants ? En forçant le débat sur des questions excessivement complexes et en le portant sur la place publique, les associations citées font un travail héroïque. Pour certains militants locaux, sans elles, il ne serait pas possible de vivre dignement à La Hague [31].


[1] Le Commissariat à l’Energie Atomique, Découvertes Gallimard/CEA, 1995

[2] Lire à ce sujet Affaires atomiques, Dominique Lorentz, Les Arènes, 2001.

[3] L’aventure atomique, Bertrand Goldschmidt, Fayard, 1962. L’auteur a été un des dirigeants du CEA.

[4] In Atomes crochus, Rémi Mauger, FR3, 2000

[5] Lire La presqu’île au nucléaire, Françoise Zonabend, Odile Jacob, 1989

[6] Il faudra attendre 1999 pour qu’un bilan rétrospectif de l’impact cet accident soit réalisé et rendu public : Estimation des doses et du risque de leucémie associé, Groupe Radioécologie Nord-Cotentin, Rapport du groupe de travail n°4, Annexe 11, 1999. http://www.ipsn.fr/nord-cotentin

[7] Le C.S.M., Centre Sans Mémoire ?, hors série n°1 de l’ACROnique du nucléaire, décembre 1999. Entièrement consacré au Centre Manche.

[8] Toutes les citations sont extraites d’une interview à France-Soir du 17 avril 2000

[9] Voir Qualité radiologique des eaux marines et continentales du littoral normand, rapport d’étude ACRO/Agence de l’eau Seine-Normandie de juillet 1999 et l’ACROnique du nucléaire n°50, septembre 2000 (4 euros).

[10] Tous les détails de cette affaire sont ici.

[11] L’état de l’environnement dans la Hague, ACROnique du nucléaire n°28, mars 1995 et Silence n°197, novembre1995.

[12] Voir La santé publique atomisée, J.F. Viel, La Découverte, 1998.

[13] Rayonnements ionisants et santé : mesure des expositions à la radioactivité et surveillance des effets sur la santé, Alfred Spira et Odile Bouton, La Documentation Française, 1998 ; A-V Guizard et al, Journal of Epidemiology and Community Health n°55, juillet 2001.

[14] Travaux du groupe radio-écologie Nord-Cotentin : le doute subsiste sur les leucémies, ACROnique du nucléaire n°47, décembre 1999. L’intégralité de ces travaux est disponible auprès de l’IPSN ou en ligne http://www.ipsn.fr/nord-cotentin

[15] Interview de Anne de Lauvergeon, PDG de la COGEMA, dans Le Monde du 26 octobre 1999.

[16] Lire La Hague Danger zéro ?, David Boilley, Cahier de l’ACRO n°2, juin 2001.

[17] Directive EURATOM 96/29 publiée au JOCE n° L 159 du 29/06/1996 p. 0001 ? 0114 (à télécharger au format pdf). Cette directive aurait dû être traduite en droit français avant le 13 mai 2000.

[18] Etude économique prospective de la filière électrique nucléaire, rapport au gouvernement de J.M. Charpin, B. Dessus et R. Pellat, juillet 2000. Une synthèse et critique par B. Laponche a été publiée dans La Gazette nucléaire n°185/186 d’octobre 2000 (GSIEN, 2, rue François Villon, 91 400 Orsay, tél. : 01 60 10 03 49, fax. : 01 60 14 34 96).

[19] Les incidences radiologiques des options de gestion du combustible nucléaire usé, une étude comparative, AEN/OCDE, 2000. Les calculs de l’étude montrent que si la dose collective de la population vivant autour des mines et de ses travailleurs pourrait ainsi être réduite de 21%, c’est largement compensé par la dose reçue par la population vivant autour de l’usine de retraitement et ses travailleurs. Comme dans les faits seule une partie du plutonium est « recyclé », l’option retraitement est défavorable en terme de dose.

[20] Le recyclage des matières nucléaires : mythes et réalités, WISE Paris, mai 2000, http://www.wise-paris.org. (Télécharger le rapport au format pdf)

[21] Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du nord-est, http://www.ospar.org

[22] Plutonium and Aldermaston ? an historical account, UK Ministry of Defence (2000).

[23] La France et la prolifération nucléaire, les sous-marins nucléaires de nouvelle génération, Bruno Barrillot, observatoire des armes nucléaires françaises (Lyon) 2001, http://www.obsarm.org.
Voir aussi, Vers une quatrième génération d’armes nucléaires ?, David Boilley, ACROnique du nucléaire n°46, septembre 1999.

[24] MAN, 114 rue de Vaugirard, 75006 Paris, tél. 01 45 44 28 25, fax. 01 45 44 57 12, http://manco.free.fr/ ;
Stop Essais, 114 rue de Vaugirard, 75006 Paris ;
Mouvement de la Paix, 139 bd Victor Hugo, 93400 St Ouen, tél. 01 40 12 09 12, fax : 01 40 11 57 87, http://www.mvtpaix.org

[25] Ces déchets nucléaires dont on ne sait que faire, David Boilley, Le Monde Diplomatique, janvier 1998 et Manière de voir n°38, mars-avril 1998.

[26] Plutonium. Can Germany swear off?, Mark Hibbs, The Bulletin of the Atomic Scientists, mai/juin 2001.

[27] Lire Départs médiatiques et arrivées secrètes à l’usine Cogema de La Hague, extrait de la revue de presse de l’ACROnique du nucléaire n°53, juin 2001

[28] Ibidem

[29] Lire Nucléaire et état de droit n’ont jamais fait bon ménage…, Paulette Anger, l’ACROnique du nucléaire n°48, mars 2000.

[30] Voir le Dossier électronucléaire, Sciences, Points Seuil, éditions de 1975 et 1980.

[31] Lire à ce sujet les actes des troisièmes rencontres ACRO, nucléaire et démocratie, publiées dans l’ACROnique du nucléaire n°42, septembre 1998. En particulier, Est-il raisonnable d’avoir peur du nucléaire ?, par Yves Dupont et L’épidémiologie, entre science et pouvoir, par Jean-François Viel.

Ancien lien

Nouvelle fuite de ruthénium à l’usine de retraitement des combustibles nucléaire de La Hague : les mesures ACRO montrent que Cogéma sous-estime encore ses rejets

Communiqué de presse du 28 janvier 2002


Selon les communiqués de l’exploitant, Cogéma aurait rejeté environ 15 millions (15 MBq mesurés à la cheminée) ou au plus 219 millions de becquerels (219 MBq mesurés en sortie d’atelier) lors d’un incident survenu le 31 octobre 2001 à son usine de La Hague. Aussitôt l’incident connu, l’ACRO, a effectué une campagne de prélèvements autour du site. Les résultats d’analyse ont mis en évidence une contamination importante de l’environnement en ruthénium rhodium 106, radioéléments artificiels, qui s’étend au moins sur 300 ha. Le laboratoire a relevé des contaminations dépassant les 700 Bq/kg d’herbe fraîche dans un pâturage situé à 1 km environ de l’émissaire.

Ces niveaux de contamination sont incompatibles avec les quantités rejetées annoncées par l’exploitant. En effet, la reconstitution par l’ACRO de la quantité totale rejetée (terme source) lors de l’incident, à l’aide de la méthodologie retenue par le Groupe Radioécologie Nord-Cotentin, montre que le rejet aurait été de l’ordre de 10 milliards de becquerels (10 000 MBq) pour le seul couple ruthénium-rhodium. Cette valeur dépasse largement la future limite de rejet annuel (1 000 MBq).

Ce n’est pas la première fois qu’un tel désaccord apparaît. A la suite d’un incident similaire survenu le 18 mai 2001 dans l’autre unité de production, l’association avait déjà remis en cause les chiffres officiels et interrogé l’autorité de sûreté nucléaire sur la fiabilité du système de mesure des rejets aériens, même en fonctionnement normal.

Les craintes de l’ACRO ont depuis été confirmées par l’Autorité de sûreté. La cause serait un dépôt dans la canne de prélèvement du système de mesure à la cheminée de rejet. Devant l’impossibilité d’évaluer le terme source lors de ces incidents, l’exploitant et l’ASN proposent un terme source majorant qui correspond à la quantité mesurée en sortie d’atelier. Lors de l’incident du 18 mai, la mesure en sortie d’atelier aurait été 400 fois supérieure à celle effectuée à la cheminée (4 500 MBq contre 11 MBq). En fonctionnement de routine, les activités cumulées sur une année donneraient un facteur majorant compris entre 5 et 10 entre les deux points de mesure.

Lors de l’incident du 31 octobre 2001, la quantité rejetée mesurée à la cheminée par l’exploitant, est une fois de plus très en dessous de la réalité. Le système de mesure n’est donc pas fiable pour les deux cheminées et ne peut donc être retenu comme référence. La mesure en sortie d’atelier, supposée donner un résultat majorant, est aussi largement en-dessous du terme source reconstitué par l’ACRO à partir de ses résultats de mesure dans l’environnement.

L’association a donc interrogé l’autorité de sûreté nucléaire sur la fiabilité de la mesure en sortie d’atelier. Si la mesure se révélait correcte, c’est le modèle de diffusion atmosphérique qui sert de référence pour étudier l’impact des rejets aériens qu’il faudrait remettre en cause. En effet, c’est ce modèle que l’ACRO a utilisé pour faire ses calculs. Dans ce cas, c’est l’impact théorique pour de nombreux radioéléments rejetés par les cheminées qui a probablement été sous-estimé.

Les difficultés rencontrées par l’exploitant pour la mesure du ruthénium, nourrissent des interrogations concernant la fiabilité des résultats pour les autres radioéléments, notamment pour ceux classés comme aérosols. L’ACRO demande donc que l’impact des rejets aériens soit globalement réévalué.

Liens sur le site ACRO

  • Lire en ligne le résumé de la note technique du 21 janvier 2002.
  • Télécharger la note technique du 21 janvier 2002 détaillant les résultats d’analyse de l’ACRO ainsi que les calculs effectués.
  • Communiqué de presse ACRO du 31 juillet 2001 sur l’incident du 18 mai 2001, avec liens vers la note technique du 24 juillet 2001 et les réponses.

Réactions officielles

L’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) a, comme lors de l’incident du 18 mai, détecté le panache à Alençon, c’est à dire à 200 km à vol d’oiseau de l’émissaire. Dans un communiqué daté du 28 janvier 2002, l’IPSN confirme les inquiétudes de l’ACRO : « Dans les deux cas, l’activité du rejet estimée par Cogéma sur la base des mesures d’aérosols dans la cheminée de l’usine apparaît sous-évaluée par rapport aux constatations faites à la station d’Alençon. ». Et d’ajouter que, « l’IPSN mène, à la demande de la DSIN (Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires), des investigations sur les différences constatées entre les rejets estimés à partir des concentrations mesurées dans l’environnement et les activités mesurées dans les cheminées des usines. Compte tenu de la chimie complexe du ruthénium, ces investigations n’ont pas à ce jour débouché sur une explication satisfaisante. ».

Cogéma, en annonçant sur son site Internet que « l’amélioration du système de mesure du ruthénium gazeux est en cours », reconnaît implicitement qu’il était défaillant, même si elle n’y voit qu’une « une précision insuffisante de la mesure de radioactivité des rejets gazeux de ruthénium », reprenant ainsi la litote de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). La compagnie ajoute que « l’insuffisance de précision constatée sur les mesures est spécifique du ruthénium. Elle ne remet pas en cause la fiabilité des mesures réalisées par l’établissement sur les autres radioéléments. » Mais elle oublie de dire que de nombreux radioéléments ne sont pas détectés dans ses rejets aériens. Pour ce qui est du strontium 90, très radiotoxique, ses niveaux de rejet sont déterminés à partir de ceux du ruthénium…

S’il semble donc reconnu par tous que l’ACRO avait raison, la mesure du ruthénium à la cheminée est défaillante pour les deux usines de retraitement, les autres interrogations de l’ACRO ne font l’objet d’aucun commentaire de la part de l’IPSN et de la Cogéma.

L’ASN confirme que la mesure en sortie d’atelier, supposée majorante, est inférieure au terme source évalué à partir de modèle de dispersion atmosphérique et estime que « cet écart mérite à l’évidence d’être expliqué ».

La tâche en incombera à un nouveau groupe de travail du Groupe Radioécologie Nord-Cotentin qui a été créé pour répondre aux interrogations de l’ACRO suite à ce qui est devenu « l’affaire ruthénium ». Affaire à suivre…

Liens extérieurs

  • Premier communiqué de presse de l’ASN en date du 7 novembre 2001 sur l’incident du 31 octobre 2001.
  • L’IPSN a détecté les deux incidents ruthénium à Alençon, à 200 km à vol d’oiseau au Sud Est de La Hague. Résultats ici.
  • L’IPSN confirme que la mesure de la quantité rejetée à la cheminée de rejet n’est pas plausible, communiqué de presse du 28 janvier 2002.
  • Cogéma reconnait implicitement en annonçant une amélioration du son sytème de mesure, mais ne parle que de “précision insuffisante” sans conséquence, point presse du 28 janvier 2002.
  • L’ASN confirme les écarts constatés par l’ACRO et estime qu’ils méritent d’être expliqués, lettre à l’ACRO du 28 janvier 2002 pdf.
  • Site du Groupe Radioécologie Nord-Cotentin, ici.

Ancien lien

Note technique relative à l’incident du 31 octobre 2001 et aux retombées des incidents ruthénium survenus à Cogéma-La Hague en 2001

Note technique relative à l’incident du 31 octobre 2001 et aux retombées des incidents ruthénium survenus à Cogéma-La Hague en 2001

Note technique ACRO du 21 janvier 2002

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Résumé-Conclusion

Lors d’un incident qui eut lieu le 18 mai 2001, les mesures dans l’environnement effectuées par l’ACRO avaient conduit l’association à interroger l’Autorité de Sûreté sur la validité du système de mesure des rejets aériens de Cogéma-La Hague. En effet, nos calculs montraient que la quantité de ruthénium-rhodium 106 déposée sur l’herbe était largement supérieure à la quantité totale rejetée annoncée par l’exploitant. Une évaluation de cette quantité à l’aide d’un modèle de dispersion dans l’environnement nous avait conduit à estimer que la Cogéma avait rejeté probablement 1000 fois plus que ce qu’elle avait annoncé (14 000 MBq pour 11 MBq déclarés).

La cause en serait un dépôt dans la canne de prélèvement du système de mesure à la cheminée de rejet. Devant l’impossibilité d’évaluer le terme source lors de cet incident, l’exploitant et l’ASN proposent un terme source majorant qui correspond à la quantité mesurée en sortie d’atelier. Lors de l’incident du 18 mai, la mesure en sortie d’atelier aurait été 400 fois supérieure à celle effectuée à la cheminée (4 500 MBq contre 11 MBq). En fonctionnement de routine, les activités cumulées sur une année donneraient un facteur majorant compris entre 5 et 10 entre les deux points de mesure.

Lors de l’incident survenu le 31 octobre 2001, Cogéma-La Hague a annoncé avoir rejeté environ 15 MBq ou 219 MBq selon les communiqués ; l’exploitant ne semble pas savoir exactement ce qu’il a rejeté par ses cheminées. L’ACRO a de nouveau constaté en évidence une contamination de l’environnement en Ruthénium-Rhodium 106 sous le panache. Au total, dix échantillons d’herbe ont été collectés le 5 novembre en dix endroits différents, tous situés au sud-est de l’établissement sous les vents durant l’incident. Les mesures par spectrométrie gamma mettent en évidence la présence de 106Ru-106Rh à des niveaux variables, compris entre 24 et 726 Bq/kg frais. A l’instar des observations faites à la suite de l’incident ruthénium du 18 mai 2001, le pâturage R2 situé à environ1 km de la cheminée en direction du SSE présente la plus forte teneur. L’ordre de grandeur, plusieurs centaines de Bq/kg frais, est confirmé par des mesures de vérification effectués sur des prélèvements datés du 10 novembre. Cette contamination ne peut être imputée ni aux rejets de routine ni à une rémanence de l’incident du 18 mai. Ainsi on n’observe pas de différences notables en terme de répercussions sur l’environnement entre les deux incidents du 18 mai et du 31 octobre 2001 : les niveaux d’activité relevés au mois de novembre représentent en moyenne entre 67% et 78% de ceux mesurés en mai dernier.

Une fois de plus, lors de l’incident du 31 octobre 2001, la quantité de ruthénium-rhodium 106 déposée sur l’herbe dépasse largement le terme source mesuré à la cheminée, ce qui le rend peu plausible. Une reconstitution réaliste du terme source à l’aide du modèle de dispersion dans l’environnement nous donne une valeur 667 fois supérieure au terme source mesuré à la cheminée er 46 fois plus grande que le terme source majorant mesuré en sortie d’atelier annoncé (6 400 MBq pour 219 MBq déclarés). Ces résultats confirment que la mesure à la cheminée n’est pas fiable et qu’en conséquence, elle ne peut servir pour évaluer les quantités rejetées passées ou contemporaines. De plus, ces mêmes résultats nous conduisent à nous interroger sur la validité de la mesure en sortie d’atelier ou sur la validité des modèles de dispersion atmosphérique qui servent de référence aux études d’impact environnemental, voire sur les deux éventuellement.

Les modèles de diffusion atmosphérique utilisés par l’exploitant et l’IPSN sont très approximatifs du fait de la difficulté de faire une comparaison directe entre la contamination surfacique calculée et mesurée. L’analyse des deux « incidents ruthénium » du 18 mai et du 31 octobre 2001 montre que le terme source en sortie d’atelier, considéré comme majorant par l’exploitant, couplé au modèle de diffusion atmosphérique de référence ne permet pas d’expliquer les résultats de contamination relevée par l’ACRO. L’approche théorique sous-estime l’impact environnemental des rejets aériens. La sous-estimation est encore plus grave avec un terme source pris à la cheminée. En aucun cas, le dépôt découvert sur la canne de prélèvement ne peut à lui seul expliquer ce désaccord. Si la mesure en sortie d’atelier est fiable, les modèles de diffusion atmosphérique sous estiment probablement l’impact pour tous les radioéléments rejetés par les cheminées.

Liens sur le site ACRO

  • Note technique du 21 janvier 2002 complète au format pdf (1 Mo).
  • Communiqué de presse ACRO du 28 janvier 2002 sur les incidents ruthénium.
  • Communiqué de presse ACRO du 31 juillet 2001 sur l’incident du 18 mai 2001, avec liens vers la note technique du 24 juillet 2001 et les réponses.

Liens extérieurs

  • L’IPSN a détecté les deux incidents ruthénium à Alençon, à 200 km à vol d’oiseau au Sud Est de La Hague. Résultats ici.
  • Premier communiqué de presse de l’ASN en date du 7 novembre 2001 sur l’incident du 31 octobre 2001.
  • L’IPSN confirme que la mesure de la quantité rejetée à la cheminée de rejet n’est pas plausible, communiqué de presse du 28 janvier 2002.
  • Cogéma reconnait implicitement en annonçant une amélioration du son sytème de mesure, mais ne parle que de “précision insuffisante” sans conséquence, point presse du 28 janvier 2002.
  • L’ASN confirme les écarts constatés par l’ACRO et estime qu’ils méritent d’être expliqués, lettre à l’ACRO du 28 janvier 2002 au format pdf.

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Qu’est-ce qui a été rejeté lors de l’incident du 18 mai 2001 à l’usine Cogéma de La Hague ?

Communiqué de presse, mardi 31 juillet 2001


Dès qu’elle fut informée de l’incident de rejet atmosphérique qui a eu lieu le 18 mai à l’usine COGEMA de la Hague, l’ACRO a effectué une campagne de prélèvements autour du site. Les premiers résultats d’analyse ont mis en évidence une contamination importante de l’environnement en ruthénium rhodium 106, radioéléments artificiels. Ces résultats ont conduit l’Autorité de Sûreté Nucléaire, qui avait dans un premier temps suivi l’exploitant en classant l’incident au niveau 0 de l’échelle de gravité, à reclasser l’incident au niveau 1.

Les niveaux de contamination relevés par l’ACRO sont incompatibles avec un rejet de 11 millions de becquerels (11 MBq), tous radioéléments confondus, annoncé par COGEMA. En effet, la seule contamination de l’herbe sous le panache dépasse largement les 38 millions de becquerels (38 MBq) pour le seul ruthénium rhodium 106.

Une reconstitution de la quantité totale rejetée (terme source) lors de l’incident, à l’aide de la méthodologie retenue par le Groupe Radioécologie Nord-Cotentin, montre que le rejet aurait été environ 1000 fois supérieur à celui annoncé par l’exploitant (14 000 MBq pour 11 MBq déclarés).

Ce résultat est certes inférieur à l’autorisation de rejet annuel actuelle (74 000 MBq/an bêta-gamma pour les aérosols). Mais s’il était confirmé, la Cogéma aurait rejeté en une heure près de 100 fois plus que le plus fort rejet aérien annuel (153 MBq en 1999), presque 10 fois plus que la limite annuelle proposée par l’exploitant lors de l’enquête publique de l’an dernier (1 850 MBq) et 14 fois plus que la future autorisation de rejet bêta-gamma pour les aérosols (1 000 MBq).

Si le terme source annoncé par l’exploitant a été obtenu à partir de mesures directes lors de l’incident, nous nous interrogeons sur la fiabilité du système de contrôle des rejets aériens, même en fonctionnement normal.

L’ACRO a demandé à l’Autorité de Sûreté Nucléaire que toute la lumière soit faite sur cet “incident” et que les résultats soient rendus publics. Nous en demandons en particulier que la quantité totale de radio-éléments rejetés soient ré-évaluée, ainsi que le calcul de dose. Si le rejet devait avoir l’ampleur suspectée, alors elle devrait en tirer les conséquences qui s’imposent.

Compléments :

  • L’IPSN a détecté le rejet de Ruthénium à Alençon, c’est à dire à environ 200 km de La Hague : détails ici ;
  • Communiqué de l’IPSN suite à l’intervention de l’ACRO ici ;
  • Une première réponse de l’ASN est disponible ici.

Suites…

Extrait de l’ACROnique du nucléaire n°55, décembre 2001

Suite à l’incident du 18 mai 2001 à l’usine Cogéma, l’ACRO a effectué une campagne d’analyse et a mis en évidence un marquage significatif de l’environnement en Ruthénium-Rhodium 106 (voir le précédent numéro de l’ACROnique du Nucléaire). La contamination la plus forte relevée alors était de 498 Bq/kg d’herbe fraîche (ou 632 Bq/m2 d’herbe). Le 1er août, soit un mois et demi après l’incident, l’ACRO a encore mesuré au même endroit 146 Bq/kg d’herbe fraîche pour le couple Ruthénium-Rhodium 106, soit 197 Bq/m2.

Le problème, c’est que la seule contamination de l’herbe détectée était supérieure à la quantité totale rejetée annoncée par l’exploitant. Une reconstitution approximative de cette quantité à l’aide du modèle de diffusion du Groupe Radio-écologique Nord Cotentin nous montrait que la Cogéma avait sous-estimé d’un facteur 1000 le terme source de l’incident : 14000 MBq calculés contre 11 MBq annoncés. Cela nous avait conduit à alerter l’Autorité de Sûreté Nucléaire et à l’interroger sur la fiabilité du système de mesure des rejets aériens par Cogéma. (voir ci-dessus).

Nous publions sa réponse in-extenso qui montre que nos craintes étaient fondées : téléchargez au format pdf une copie de la lettre du 24 octobre 2001 de l’ASN avec le résultat des premières investigations  : lettre du 24 octobre 2001 de l’ASN.

Le 31 octobre 2001, un incident similaire est survenu. Le rejet majorant serait de 219 MBq soit 0,3% de l’autorisation annuelle de rejet, dixit Cogéma dans son communiqué de presse, et l’ACRO a immédiatement fait une nouvelle campagne de prélèvements. Suite au prochain ACROnique… ou ici.

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