Les irradiations médicales ne sont pas inoffensives

Communiqué ACRO du 02/07/13

L’ACRO pratique régulièrement une veille scientifique concernant les risques liés aux radiations ionisantes. Aujourd’hui, l’association souhaite attirer l’attention des médias et de l’opinion sur une nouvelle étude scientifique qui concerne les irradiations médicales et leurs conséquences potentielles. Cette étude met en évidence une augmentation de 24% de l’incidence des cancers chez les enfants qui ont subi un ou plusieurs scanners. Elle met aussi en évidence l’apparition de ces effets à partir d’une dose voisine de 4,5 millisieverts (4,5 mSv), ce qui est dix fois plus faible que ce qui est communément admis.

 Une équipe de recherche australienne de l’Université de Melbourne vient de publier[1], dans le prestigieux British Medical Journal, une étude cherchant à évaluer le risque de cancer chez les jeunes enfants et les adolescents ayant subit des examens diagnostiques par scanner. Cette étude porte sur les expositions de scanographies reçues par des jeunes âgés de 0 à 19 ans durant la période allant de 1985 à 2005 et suivis jusqu’en décembre 2007.

Les auteurs observent une augmentation de +24% de l’incidence des cancers apparus au sein de la cohorte « exposée », composée de 680 221 individus, par rapport à une cohorte témoin de jeunes n’ayant pas subi de scanners. Cette sur-incidence de cancers est tout à fait significative sur le plan statistique et elle augmente parmi les classes d’âge plus jeune (+35% parmi la classe d’âge de 1 à 4 ans). L’étude met aussi en évidence que le risque de cancers augmente avec la dose. Cela constitue également un argument de poids lorsque l’on cherche à établir une telle relation de causalité.

Les cancers pris en compte correspondent à ceux enregistrés sur la période de suivi qui est de 9,5 ans en moyenne pour l’ensemble de la cohorte. Les chercheurs ne peuvent donc, à ce stade, déterminer les conséquences sur la vie entière des individus ayant fait l’objet de ces examens de scanographie. Compte-tenu de ce que l’on connaît des délais d’apparition des cancers radio-induits, il est raisonnable de penser que cet excès devrait s’amplifier.

Cette étude survient moins d’un an après la publication[2], dans The Lancet, d’une étude anglaise qui a fait couler beaucoup d’encre dans la presse spécialisée.

Mark S Pierce et al ont mené cette étude rétrospective sur une cohorte de 178 604 patients (issus de 81 services hospitaliers de Grande Bretagne), sur la période 1985-2002, ayant globalement subit 283 919 scanners. Les chercheurs ont étudié précisément les expositions (doses à la moelle osseuse et au cerveau) dues aux examens scanographes et reçues avant l’âge de 22 ans. Ils ont, bien-entendu, aussi pris en compte une période de latence.

Les auteurs mettaient en évidence que plus la dose de scanographie estimée était élevée, plus le risque de développer un cancer du cerveau ou une leucémie était élevé.

En outre, en répartissant la cohorte des jeunes exposés en deux groupes de niveaux de dose, ils démontraient un risque relatif 3 fois plus élevé des leucémies, d’une part, et des cancers du cerveau, d’autre part, dans le groupe des individus ayant reçu les doses plus élevées.

Ces études se distinguent des études précédentes qui cherchaient à estimer, de façon pronostique, le risque de cancer lié à des examens radiologiques sur la base de modèles de risque. Il s’agit bien ici de cancers effectifs diagnostiqués et non de cancers « théoriques ».

Les modèles de risque actuellement utilisés reposent encore largement sur le suivi des survivants de Hiroshima et Nagasaki pour lesquels la relation dose / risque de cancer est établie à partir de 50 mSv et plus.

Dans l’étude australienne la dose moyenne liée à un examen scanographique est de 4,5 mSv. C’est donc 10 fois moins que le niveau de dose pour lequel un risque accru de cancer est établi. Dans l’étude anglaise, les doses sont établies plus précisément et sont du même ordre de grandeur. Il faut souligner l’importance numérique de la cohorte des personnes exposées de l’étude australienne.

Ces données scientifiques nouvelles constituent une réponse à tous ceux qui, en lien avec les accidents de Tchernobyl et de Fukushima, tentent de présenter la valeur de 100 mSv comme un seuil d’innocuité ou, tout du moins, comme une valeur en-dessous de laquelle aucun effet des radiations ionisantes ne serait observable. Ellesnous confortent dans la bataille que l’ACRO mène de longue date pour un nouvel abaissement des limites réglementaires, tant pour les travailleurs exposés que pour le public.

Par ailleurs, sur le plan médical, sans remettre en cause l’intérêt que représentent les outils diagnostiques mettant en œuvre des rayonnements ionisants, il est essentiel que les actes prescrits soient pleinement justifiés et que tout soit mis en œuvre pour réduire les doses délivrées, tout particulièrement en radiologie pédiatrique.

L’ACRO est régulièrement sollicitée par des patients inquiets devant subir des examens mettant en œuvre des rayonnements ionisants. En réponse à ces questionnements, nous avons publié dans la revue l’ACROnique du nucléaire (n°101 de Juin 2013) un article dans lequel nous faisons le point sur cette question des expositions médicales et des risques associés et au terme duquel nous développons en 8 points précis notre point de vue.

 

Liens vers les études :

http://www.bmj.com/content/346/bmj.f2360

http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2812%2960815-0/abstract

 


[1] John D Mathews et al. Cancer risk in 680 000 people exposed to computed tomography scans in childhood or adolescence: data linkage study of 11 million Australians. British Medical Journal, published online may 22, 2013.

[2] Mark S Pearce et al.Radiation exposure from CT scans in childhood and subsequent risk of leukaemia and brain tumours : a retrospective cohort study.The Lancet,published online june 7, 2012.