Les difficultés rencontrées par les membres associatifs des commissions officielles

Extrait du Rapport n° 269 du CEPN intitulé ” LE GROUPE RADIOECOLOGIE NORD COTENTIN, UNE EXPERIENCE ORIGINALE D’EXPERTISE PLURALISTE ” et publié dans l’ACROnique n°51, décembre 2000.

Pour Monsieur BARBEY, conseiller scientifique de l’ACRO, la constitution du Groupe Radioécologie Nord Cotentin (GRNC) a apporté une reconnaissance partielle du mouvement associatif et de son rôle dans l’évaluation des risques et le contrôle des rejets des installations nucléaires. Il souligne cependant que, dans le cas du GRNC, cette participation ne s’est faite qu’au titre de l’expertise des membres qui ont été invités à participer au processus et qu’à ce titre, les associations n’avaient pas un rôle officiel. Cette situation n’est pas sans poser quelques difficultés pour les experts participants par rapport aux membres des associations qui ne sont pas directement impliqués.

Globalement, Monsieur BARBEY considère que le premier objectif de sa participation aux travaux du GRNC à savoir: ” l’ouverture des boîtes noires ” a été atteint. En effet sa participation, en tant qu’expert scientifique du mouvement associatif, se justifiait à ses yeux essentiellement par le souci de connaître et de comprendre l’ensemble des modèles de dispersion et d’exposition utilisés par les exploitants et les pouvoirs publics dans les procédures d’évaluation et d’autorisation relatives aux rejets radioactifs des installations nucléaires. Compte tenu des objectifs de l’ACRO, il est en effet indispensable de bien maîtriser ces procédures. Au-delà des ” boîtes noires “, c’est également de l’information sur les rejets qu’il venait chercher en intégrant le Groupe. Dans cette perspective, il considère qu’il a obtenu satisfaction et il note qu’à l’occasion de la démarche du GRNC, des progrès incontestables ont été réalisés par les exploitants et les experts institutionnels en matière de partage de l’information et de l’expertise.

Sur le plan de son implication personnelle dans les groupes de travail du GRNC, Monsieur BARBEY a eu l’impression d’avoir été en partie écouté, mais il regrette cependant de n’avoir pas été suivi sur un certain nombre de points qu’il considérait comme très importants et qui n’ont pas vraiment retenu l’attention des autres membres du groupe. Il considère néanmoins que sa participation a permis notamment de contribuer à une meilleure définition du groupe de référence, en prenant davantage en considération les pratiques locales qui peuvent influer significativement sur les expositions. Il a apprécié également le fait que la Présidente du Groupe ait toujours pris la précaution de rappeler que líobjectif níétait pas díaboutir à une position unanime ni même consensuelle, mais que cette objectif était bien de mettre en commun toutes les informations et les interrogations des différents participants et de produire des textes dans lesquels les divergences éventuelles et les raisons de ces divergences apparaissaient clairement. Cette approche constitue à ses yeux la garantie nécessaire pour une réelle implication du mouvement associatif dans ce type de démarche.

Monsieur BARBEY souligne cependant que la présence du mouvement associatif dans le GRNC ne doit pas masquer l’important déséquilibre qui a prévalu tout au long du processus entre les différents groupes d’acteurs en termes de moyens matériels, de potentiel humain, d’outils d’évaluation et même d’expérience dans un domaine traditionnellement réservé aux opérateurs et aux milieux institutionnels. De ce point de vue, il considère que le bénévolat qui caractérise la démarche associative touche à ses limites et qu’il convient d’engager une réflexion sur la façon dont pourrait s’organiser l’implication active de l’expertise associative à l’occasion de prochaines démarches similaires. Le manque de moyens et de soutien reste, pour lui, une des raisons principales de l’attitude de réserve que le milieu associatif doit conserver vis-à-vis d’expériences du type de celle du GRNC.

Sur le plan de la démarche dévaluation, Monsieur BARBEY considère qu’en matière de risque radiologique, compte tenu des incertitudes qui demeurent quant à l’impact sanitaire réel des rayonnements, en particulier à faibles niveaux d’exposition, il convient dans toute évaluation d’impact sanitaire d’adopter une approche ” enveloppe ” (conservatrice) car en l’absence de la mesure précise de l’incertitude liée aux calculs dits “réalistes”, seule une telle démarche “enveloppe” garantit que les résultats finaux incluent la vraie valeur de l’impact. Pour lui, il importe de souligner, par ces réserves, les incertitudes qui existent sur le calcul du risque et donc les limites de l’exercice du GRNC afin d’éviter toute conclusion tranchée et définitive. La difficulté qui existe pour établir une relation de cause à effet dans le cas des leucémies du Nord-Cotentin ne constitue pas pour autant la preuve de l’absence de cette relation causale. Monsieur BARBEY mentionne également que le fait de chercher à comprendre les calculs et d’être d’accord sur les modèles utilisés ne signifie pas forcément une acceptation des résultats auxquels ils aboutissent dès lors que les incertitudes n’ont pas été évaluées. Enfin, le représentant de líACRO souhaite exprimer une ” angoisse ” qui lía accompagné durant tous les travaux et demeure actuellement : ” on ne peut garantir que líon est pas passés à côté díune donnée importante pouvant modifier significativement les résultats ou même, et ce malgré les protocoles de validation, quíil ne subsiste pas une erreur dans la masse considérable des calculs qui ont été réalisés “. La réévaluation récente de líimpact sanitaire lié à la rupture de la conduite de rejets en mer en 1979 ­ 1980 autour de ” líoubli ” des données de strontium 90 en est une illustration.

Sur un plan plus général, parler de l’expertise pluraliste comme un élément de la construction de la confiance sociale ne va pas de soit. La présence du mouvement associatif dans les processus d’évaluation concernant l’impact des rejets des installations nucléaires ne signifie pas du tout que le mouvement associatif accepte ces rejets. Il ne faut pas que le terme de confiance sociale, qui est un terme devenu à la mode depuis un certain temps, masque la réalité des antagonismes et soit assimilé à l’acceptation pure et simple des situations qui sont concernées. Ce point est pour lui très important et il en veut pour preuve la difficulté qu’il a pu lui-même rencontrer, au sein de l’ACRO, du fait de sa participation en tant qu’expert aux travaux du GRNC. Participer ne signifie en aucun cas collaborer et a fortiori accepter les rejets. L’implication active dans les travaux du GRNC ne signifie pas non plus une participation à la co-gestion du risque. Il s’agit davantage de la mise en place d’une concertation sur les impacts des rejets des installations nucléaires incluant des confrontations publiques sur l’évaluation du risque. Du point de vue du mouvement associatif, l’objectif primordial reste de maintenir la vigilance par rapport aux rejets des installations.

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