La douce odeur du jasmin

Editorial de l’ACROnique du nucléaire n°91


L’histoire racontée dans le dossier de cet ACROnique est malheureusement banale : un industriel, peu scrupuleux pour l’environnement et ses employés, quitte un site pollué en essayant d’en transférer la charge aux pouvoirs publics. Sans la ténacité d’associations locales de protection de l’environnement et sans un relais politique au niveau du conseil régional, la Région Aquitaine aurait acheté, fort cher, un terrain contaminé aux résidus radioactifs de broyats de terre rares et recouvert d’une pudique couche de tout-venant. Cette affaire, qui a fait du bruit localement, n’est que la petite partie émergée de l’iceberg.

La demande en terres rares a explosé car elles servent dans toute l’électronique, pour les énergies renouvelables, etc… La Chine, qui ne détient qu’une part des réserves mondiales, contrôle maintenant 95% de la production car elle a accepté de sacrifier son environnement sur l’autel du profit. A Baotou, en Mongolie intérieure, c’est un paysage de désolation qui résulte de plusieurs années d’exploitation intensive de terres rares, rapporte novethic.fr (2 février 2011) : « les mineurs travaillent le plus souvent sans aucune protection, un simple masque leur barre le visage alors que l’air est saturé de poussières métalliques. Le raffinage se passe loin des regards extérieurs. Mais l’on peut voir les boues noires s’échapper des bâtiments et se déverser dans le grand lac du nord de la ville. […] Les digues construites à la hâte sont censées éviter les débordements de ces boues polluantes, mais rien contre les poussières radioactives. Les autorités locales refusent de commenter officiellement ces problèmes environnementaux, mais les habitants et les ouvriers sur place se plaignent de problèmes de santé avec des taux de cancer importants et des difficultés respiratoires. » Et d’ajouter que « des mines sauvages ont vu le jour notamment dans le sud du pays. […]Les terres rares représentent beaucoup d’argent ».

Comme les industriels ont organisé l’obsolescence programmée de leurs produits pour vendre plus, les pays du tiers-monde récupèrent des tonnes de déchets électroniques « gérés » sans contraintes environnementales et sanitaires.

Les pays occidentaux se complaisent donc des régimes dictatoriaux qui leur donnent accès à bon prix aux matières premières et énergétiques et récupèrent ensuite sans rechigner les déchets toxiques. La révolution de jasmin qui vient de se dérouler en Tunisie et Egypte et qui, espérons-le, continuera à se propager, va changer la donne. Avec un régime démocratique, après un meilleur partage des richesses, les populations locales vont pouvoir imposer les mêmes normes sanitaires et environnementales que dans les pays riches.

Le mode de vie occidental n’est plus tenable pour la planète et les personnes les plus exposées aux nuisances vont nous le faire savoir. Il est donc indispensable de changer nous-mêmes nos modes de consommation afin de pouvoir conserver tout ce qu’il y a de positif dans nos sociétés.

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