Comité Nord Cotentin : Le Point dérape

le 7 juillet 1999


Alors même que les travaux du comité Nord Cotentin n’étaient pas terminés et que les derniers calculs n’étaient pas encore validés, des fuites dans la presse donnent une interprétation faussée et tendancieuse des résultats préliminaires. L’article du Point du 2 juillet se base sur une proposition de résumé pas encore acceptée par le Comité et à laquelle les associations doivent joindre des réserves pour l’ultime réunion du 7 juillet (lire les réserves de l’ACRO).

Nous n’allons pas réfuter point par point toutes les erreurs de l’article. Il est cependant important de savoir que les résultats obtenus sont basés sur des modèles et des paramètres pour lesquels de nombreuses incertitudes demeurent. Une étude de la sensibilité de ces résultats aux incertitudes reste à faire. De plus, cette étude ne concerne que les leucémies, elle ne permet donc pas de conclure que “La Hague est sans danger”.


Exclusif La Hague est sans danger !

Le Point numéro 1398, 2 juillet 1999

Les Verts ont donc fini par avoir la peau de Jean Syrota, invité la semaine dernière à quitter la présidence de la Cogéma. Pour un PDG d’entreprise publique, être remercié n’est jamais plaisant. Mais celui que l’on surnomme le “Buster Keaton du nucléaire” trouve la pillule d’autant plus amère qu’il sait que l’administration dispose d’un rapport lavant l’usine de retraitement des combustibles usés de la Hague de toutes les accusations de leucémie lancées depuis 1995. Dur !

Ce rapport émane du groupe “radioécologie” du Nord Cotentin, réuni par le ministère de l’environnement en août 1997 et animé par Annie Sugier, directrice déléguée de l’IPSN (Institut de protection et de sureté nucléaire). Ses membres ont arrêté une méthodologie pour calculer le nombre de leucémies induites par une exposition faiblement radioactive. Or, selon nos informations, appliquée aux riverains de la Hague âgés de 0 à 24 ans (les plus exposés), cette méthode fournit le chiffre de… 0,0015 leucémie susceptible de s’être déclarée entre 1978 et 1986. Un risque 413 fois moins élevé que celui auquel expose la radioactivité naturelle, et 133 fois moins élevé que celui lié aux radios médicales ! Voilà qui confirme les études épidémiologiques du Comité scientifique présidé par le professeur Spira, qui n’avaient observé aucun excès significatif de leucémies autour de la Hague.

Par ailleurs, la commission Sugier a notamment calculé la dose radioactive absorbée annuellement par les habitants de Digulleville, vivant a l’ombre même de l’usine. Resultat : 0,008 millisievert. Soit 125 fois moins que la nouvelle norme européenne de 1 millisievert ! En supposant même qu’un de ces “malheureux” ne mange que des légumes de son jardin et les coquillages ramassés au debouché du fameux tuyau de rejets en mer, la dose absorbée n’atteint que 0,05 millisievert.

Cette fois, les écologistes auraient en outre mauvaise grâce à contester ces chiffres rassurants. Car la commission Sugier réunit des répresentants de tous les bords, nucléocrates et associatifs – dont des “écolos”.

On comprend donc le manque d’enthousiasme de la Verte Dominique Voynet lorsqu’il s’agissait de révéler ces chiffres innocentant la Hague, en pleine campagne européenne. Mais cette affaire ne s’arrête pas  la, car la ministre se refuse également à ouvrir l’enquête publique nécessaire à la révision des autorisations d’émission des rejets radioactifs de la Hague. Alors même que l’étude d’impact realisee par Cogéma, a reçu, voilà quatre mois, l’assentiment de la Direction de la sûreté de l’industrie nucléaire.

Depuis longtemps, les rejets de l’usine du Cotentin sont inférieurs aux normes légales. De 35 fois pour les émetteurs alpha, de 51 fois pour le strontium 90 associe au césium 137, de 29 fois pour le tritium gazeux, de 6 fois pour les halogènes. La Cogéma ne voudrait pas que les nouvelles autorisations soient calées sur ces performanes actuelles, car la Hague ne fonctionne pas à pleine puissance. Cependant, l’entreprise admet que les normes actuelles pourraient être abaissées d’un facteur de 2 à 10, suivant les effluents liquides ou les rejets gazeux.

La ministre de l’Environnement, elle, aurait aimé aller plus loin. Mais comment le justifier quand le rapport Sugier affirme que la Hague ne présente déjà, aujourd’hui, aucun danger ?

L’embarras de Dominique Voynet constitue une mince consolation rétroactive pour Jean Syrota.
Frederic Lewing


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