Analyses environnementales au voisinage de la centrale de Nogent-sur-Seine

Analyses environnementales pour un état de référence indépendant au voisinage du CNPE de Nogent-sur-Seine (2022-2023)

Cette étude répondait au souhait de la Commission locale d’information de contribuer à la connaissance de l’état radiologique de l’environnement autour du CNPE de Nogent-sur-Seine et à la pluralité des sources d’information.

Conformément au cahier des charges établi par la CLI, le travail s’est articulé en deux volets complémentaires visant à connaitre la situation radiologique dans le domaine terrestre et aquatique en champ proche et lointain de l’installation nucléaire. L’élaboration et le suivi du projet ont été réalisés conjointement par l’ACRO et la CLI.

Télécharger le rapport d’étude

Pollution au plutonium à La Hague révélée par l’ACRO : chronologie des évènements

Chronologie pour suivre ce dossier

Dans le cadre de son Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement, l’ACRO effectue une surveillance régulière de la pollution radioactive autour des installations nucléaires de La Hague, ce qui lui a permis, en 2016, de mettre en évidence une pollution inhabituelle dans la zone du Ru des Landes, avec la présence notable d’américium-241 et de plutonium, particulièrement toxiques. Areva, devenue Orano, s’est engagée à reprendre les terres contaminées. Si, en décembre 2022, aucun travail d’assainissement n’a encore été mené, des vaches continuent à y paître. Mais les travaux sont pour bientôt, promis…

L’ACRO reste vigilante et continue les investigations sur ses fonds propres.
Elle a besoin de votre soutien : adhérez ou faites un don.

Voici une chronologie des informations publiées sur cette pollution :

10 octobre 2016 : l’ACRO alerte sur une pollution à l’américium autour du ruisseau des Landes à la Hague

Dans le cadre de son Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement, l’ACRO effectue une surveillance régulière de la pollution radioactive autour des installations nucléaires de La Hague qui lui a permis de mettre en évidence, au niveau du Ruisseau des Landes, dans les sédiments et mousses aquatiques, du cobalt-60, de l’iode-129, du césium-137 et de l’américium-241.
La présence de ces quatre radionucléides artificiels, et plus particulièrement l’américium-241, est totalement anormale puisque ce ruisseau ne constitue pas un exutoire réglementaire des eaux pluviales recueillies sur le site d’Areva. La campagne de prélèvements ACRO du 17 septembre 2016 montre également que la tache de contamination par l’américium n’est pas localisée en un seul point, MAIS concerne toute la zone humide autour de la source.
Des travaux sont en cours non loin de cette zone, sur le site nucléaire, autour du silo 130 afin d’en garantir l’étanchéité et d’en améliorer la surveillance par ajout de piézomètres. Est-ce que la pollution observée en 2016 est la continuité des fuites de la Zone Nord-Ouest ou est-ce une nouvelle contamination due aux travaux en cours ? Qui va décontaminer la zone extérieure ?

-> Lien direct vers le communiqué de l’ACRO.

24 janvier 2017 : Areva reconnait la pollution et s’engage à nettoyer la zone.

“AREVA la Hague va mettre en œuvre un plan d’action en vue de reprendre et conditionner les terres marquées en américium 241 dans la zone située au nord-ouest du site. L’usine de la Hague renforce également son programme de surveillance environnementale en planifiant une campagne semestrielle de prélèvements supplémentaires dans la zone en question […]
Les mesures effectuées dans les échantillons de terres et de boues ont mis en évidence un marquage en américium 241, avec une valeur haute de 8 becquerels par kilo de terre humide.”

Areva ne donne pas le détail de ses résultats de mesure.

-> Lien direct vers le communiqué d’Areva.

26 janvier 2017 : l’ACRO publie de nouveaux résultats obtenus qui confirment ses premières analyses et de surcroît, montrent des niveaux de contamination encore plus importants en certains endroits.

Suite aux premières constatations, l’ACRO a décidé de continuer les investigations sur ses fonds propres afin de mieux cerner l’étendue des pollutions observées ainsi que leurs origines. Deux campagnes de prélèvement ont été réalisées les 17 octobre et 16 novembre dernier au cours desquelles ont été collectés une quarantaine d’échantillons. Outre l’américium-241, d’autres éléments radioactifs sont mesurés comme le césium-137, le cobalt-60, l’iode-129. Des mesures des isotopes du plutonium et de strontium-90 sont également en cours.
L’ACRO réitère sa demande que toute la lumière soit faite sur l’origine, l’étendue et l’impact de cette pollution, avec accès à toutes les données environnementales. En attendant, elle continue ses investigations.

-> Lien direct vers le communiqué de l’ACRO.

2 mars 2017 : l’ACRO publie de nouveaux résultats d’analyse qui confirment la présence de strontium et de plutonium

“L’ACRO a confié à un laboratoire d’analyse suisse accrédité le soin d’effectuer des analyses complémentaires sur des échantillons de sol prélevés autour du ruisseau des Landes à la Hague. Les résultats confirment la présence de strontium-90 et de plutonium – deux éléments particulièrement radiotoxiques –  à des niveaux significatifs : jusqu’à 212 Bq/kg de matière sèche pour le strontium et jusqu’à 492 Bq/kg de matière sèche pour les seuls plutoniums 239 et 240 (239+240Pu).”

-> Lien direct vers le communiqué et les résultats.

Areva a réagi immédiatement en publiant son propre communiqué :

“AREVA la Hague a engagé son plan d’actions afin d’analyser et traiter les marquages historiques dans les terres à proximité de la source du ruisseau des Landes, dans la zone située au nord-ouest du site. Une équipe projet a ainsi été mise en place […].
Par ailleurs, les contrôles réalisés dans les échantillons de terre confirment la présence d’un marquage en plutonium, avec une valeur moyenne de l’ordre de 20 becquerels par kilo de terre prélevée, dans la zone la plus marquée (soit environ 200 becquerels par kilo de terre sèche).”

Areva ne publie pas le détail de ses résultats de mesure.

-> Lien direct vers le communiqué d’Areva.

10 mars 2017 : l’ACRO demande l’accès à toutes les données environnementales relatives à la pollution radioactive de la zone du Ru des Landes

“La Charte de l’environnement, adossée à la Constitution et de la convention européenne d’Aarhus, le Code de l’environnement, article L125-10, garantit à toute personne le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les exploitants d’une installation nucléaire de base. Les articles L124-1 et suivants, quant à eux, garantissent le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues, reçues ou établies par les autorités et établissements publics.
L’ACRO a donc saisi Areva, l’ASN, l’IRSN et le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, afin d’obtenir la publication de toutes les données relatives à la pollution radioactive dans la zone du Ru des Landes à La Hague.”

-> Lien direct vers le communiqué de l’ACRO.

Areva et l’IRSN nous ont envoyé leurs données depuis, mais pas pour les prélèvements les plus récents.

14 mars 2017 : l’IRSN publie un état des lieux de sa surveillance de cette zone depuis 1996

“Des mesures réalisées par l’IRSN en octobre 2016 confirment celles publiées par l’ACRO […]. L’IRSN a réalisé de nouvelles campagnes de prélèvements, notamment début 2017, qui devrait permettre de disposer de meilleurs éléments de caractérisation locale et peut-être d’établir un lien entre certains événements passés et les observations actuelles.”

Les résultats de ces nouvelles campagnes ne sont pas publics.

-> Lien direct la note d’information de l’IRSN.

20 avril 2017 : avis de l’IRSN relatif à la présence de radioactivité artificielle au nord-ouest de l’établissement AREVA-NC de La Hague (publié en mai 2017)

“A la suite de mesures réalisées en 2016 par l’association ACRO indiquant la présence d’américium, de césium, de plutonium et de strontium à proximité de la source du ruisseau des Landes, dans la zone de bocage située au nord-ouest de l’établissement AREVA NC de La Hague, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé à AREVA NC d’expliciter les origines possibles de ces contaminations et les voies de transfert susceptibles de les expliquer, de préciser les risques sanitaires associés et d’examiner la nécessité de compléter son programme de surveillance de l’environnement.
Par lettre citée en référence, l’ASN demande l’avis et les observations de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur la note technique transmise par AREVA NC en décembre 2016, en réponse à cette demande.”

La note technique d’Areva n’est pas publique. Mais l’IRSN précise :

“Dans la note technique transmise en décembre 2016, AREVA NC cite comme origine possible du marquage de la source du ruisseau des Landes, des transferts de radionucléides par les eaux souterraines à partir des fosses bétonnées non étanches de la ZNO. En outre, selon l’étude d’impact réalisée dans le cadre de la demande de démantèlement complet de l’usine UP2-400, un marquage global de cette zone est également attribué aux rejets intervenus lors de l’incendie du silo 130 […].
En conclusion, en l’état actuel des connaissances, l’IRSN considère que les contaminations observées dans la zone située au nord-ouest de l’établissement de La Hague sont à relier à plusieurs évènements pour lesquels des modes de transfert différents sont à considérer […].
Il est toutefois à souligner que tous les marquages en américium 241 et en plutonium constatés, s’agissant notamment des singularités observées en amont et aval de la résurgence de la nappe, ne sont à ce jour pas clairement expliqués.
Par ailleurs, l’IRSN considère que les phénomènes de transfert identifiés ci-dessus pourraient conduire, bien que les entreposages à l’origine des contaminations soient actuellement vides, à une augmentation progressive du marquage au niveau de la source du ruisseau des Landes, qui apparaît comme une zone d’accumulation des contaminants.”

-> Lien direct vers l’avis de l’IRSN.

13 septembre 2017 : la pollution au plutonium du Ru des Landes a les honneurs du Canard Enchaîné

5 octobre 2017 : Areva propose de reprendre 25 m3 de terres contaminées sur 40 m2

Pas de détail sur le site Internet d’Areva. Si tout le monde convient que le Ru des Landes est une « Zone à dépolluer » (ZAD), l’ACRO demande :

  • que l’étendue de la pollution soit bien caractérisée car cette surface nous semble réduite ;
  • que les mécanismes de transfert soient bien étudiés pour éviter de nouveaux apports ;
  • que l’impact sanitaire soit étudié de manière pluraliste à partir de 1974.

Janvier 2018 : l’IRSN met en ligne son avis sur le plan de dépollution d’Areva

L’IRSN a mis en ligne son avis n°2017-00376 daté du 4 décembre 2017 relatif à la contamination du Ru des Landes et à la surveillance après travaux (lien direct). Le dossier Areva n’est toujours pas public, mais indiquerait un marquage, en plutonium, américium 241 et strontium 90, des eaux de la nappe alimentant la résurgence. Ce qui signifie que les fuites continuent. L’exploitant prévoit donc un captage des eaux de la nappe pour éviter toute nouvelle contamination des terres au niveau de la résurgence.

Janvier 2019 : Bilan 2015-2017 de l’état radiologique de l’environnement français

Le bilan 2015-2017 de l’état radiologique de l’environnement français (lien direct) publié par l’IRSN rend compte, à partir de la page 309, de la pollution radioactive au Ru des Landes en prenant en compte nos mesures.

Autrement, on attend toujours la consultation promise par l’ASN sur le plan de dépollution proposé par Orano.

Décembre 2020 : L’université de Lausanne et l’ACRO montrent, dans une publication scientifique, que la pollution au plutonium est probablement antérieure à 1983

Les analyses complémentaires effectuées par l’université de Lausanne confirment que l’usine de retraitement est bien à l’origine de cette pollution et permettent de la dater approximativement. Les éléments détectés dans l’environnement suggèrent que le combustible usé traité, à l’origine de cette pollution, est ancien. Lien vers la publication scientifique.

Septembre 2022 : L’ASN autorise enfin Orano à procéder aux opérations d’assainissement des sols à proximité du ruisseau des Landes

Presque 6 ans après la première alerte de l’ACRO, l’ASN, dans sa décision n° CODEP-CAE-2022-0046581, autorise Orano à procéder aux opérations d’assainissement des sols à proximité du ruisseau des Landes. Espérons qu’il ne faudra pas attendre 6 années de plus pour que les travaux soient réalisés. Dans le nucléaire, la gestion des déchets et des pollutions s’inscrit dans le temps long…

L’ACRO va maintenir sa vigilance et sa surveillance radiologique du site. Elle a besoin de votre soutien pour cela.

Septembre 2023 : Orano a débuté les travaux de dépollution, sept ans après la première alerte de l’ACRO

Orano La Hague peut rejeter 840 fois plus de tritium que Fukushima. Venez prélever avec l’ACRO

ACRO, Communiqué du 29 août 2023

L’ACRO commence demain sa campagne de prélèvements le long des côtes Normandes avec son réseau de préleveurs volontaires. Le programme est en ligne ici : C’est ouvert à tous.
Les échantillons seront ensuite analysés dans le laboratoire de mesure de la radioactivité de l’association, qui est agréé par l’Autorité de sûreté nucléaire et les résultats publiés sur notre site (acro.eu.org).
Les rejets d’Orano La Hague sont les plus élevés au monde et peuvent être détectés jusqu’en Mer du Nord. Certains radioéléments, comme l’iode-129 ou le carbone-14, pourraient pourtant être filtrés. Et pour le tritium, de l’hydrogène radioactif difficile à filtrer, l’autorisation annuel de rejet en mer est 840 fois plus élevée qu’à Fukushima (18 500 Tera becquerels par an contre 22 TBq/an).
L’Observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement, créé par l’ACRO il y 25 ans, permet un suivi des rejets des installations nucléaires de la région dans le temps et dans l’espace. Sur de nombreuses stations, l’ACRO est la seule à faire des contrôles.
Pour en savoir plus :
Observatoire OCRE : https://www.acro.eu.org/lassociation/o-c-r/
Rejets en mer au japon (article ACRO) : https://fukushima.eu.org/debut-du-rejet-en-mer-de-leau-contaminee-traitee-a-la-centrale-de-fukushima-dai-ichi/

Nucléaire : un « cycle » du combustible grippé – Note d’information

Fierté française, le « recyclage » des combustibles nucléaires usés, affiche une piètre performance après 56 ans de développements industriels. En effet, seul le plutonium, soit moins de 1% de la masse des combustibles usés, repasse en réacteur sous forme de combustible Mox. Et ces combustibles Mox ne sont pas retraités après irradiation et s’entassent dans les piscines de La Hague proches de la saturation. Comme le plutonium a une forte valeur énergétique, cela permet de réduire d’un peu moins de 10% la consommation de combustibles à l’uranium naturel enrichi.

Mais, ces dernières années, un changement de procédé à l’usine Mélox a grippé le « cycle » car les pastilles de combustibles Mox qui y sont produites n’ont pas l’homogénéité requise. Les rebuts sont renvoyés à La Hague, sans solution pour le moment. Et là aussi cela sature.

Une étude des données publiées tous les ans par l’ANDRA dans ses inventaires de déchets et matières radioactifs permet d’avoir une idée de l’ampleur du problème. Plongeons-nous dans les chiffres.

Pour en savoir plus, lire la note d’information de l’ACRO :

D’où vient l’uranium importé en France ? Note d’information

Depuis 2001, année de la fermeture de sa dernière mine, la France importe tout son uranium. Pour savoir d’où il vient et en quelle quantité, il faut prendre en compte toute la chaîne de transformations chimiques et nucléaires entre la mine et le réacteur, qui est complexe, et retracer ensuite les échanges commerciaux. Car l’uranium voyage beaucoup et change de pavillon en cours de route. Et le manque de transparence n’aide pas…

Pour en savoir plus, lire la note d’information de l’ACRO.

Résumé :

Depuis 2001, année de la fermeture de sa dernière mine, la France importe tout son uranium. D’où vient-il ? Difficile de répondre car, entre les mines et les réacteurs, l’uranium voyage beaucoup pour subir un ensemble de transformations chimiques et nucléaires, et change alors de pavillon. Aux Etats-Unis, l’administration publie un rapport annuel complet sur les flux d’uranium et les coûts associés. Euratom publie des données au niveau européen. Mais rien de tel en France et il faut fouiller sur internet pour trouver des données, malheureusement incomplètes.

L’uranium naturel est composé essentiellement de deux isotopes, l’uranium-238 et l’uranium-235 auxquels s’ajoutent des traces d’uranium-234. Seul l’uranium-235 est fissible, mais sa teneur naturelle n’est que de 0,72%. Or, la grande majorité des réacteurs nucléaires de production d’électricité utilisent un combustible dont la teneur en uranium-235 a été enrichie entre 3 et 5%. Il faut donc séparer physiquement les deux principaux isotopes de l’uranium naturel après une série de conversions chimiques, pour obtenir, d’un côté, de l’uranium enrichi à partir duquel le combustible est fabriqué et de l’uranium appauvri qui a très peu de débouchés. L’enrichissement est donc une étape stratégique pour l’industrie nucléaire avec seulement 4 acteurs majeurs : Rosatom en Russie couvre 46% de la production mondiale ; Urenco, avec des usines au Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas et Etats-Unis, détient 30% des parts de marché ; Orano, avec une usine en France, 12% et CNNC en Chine, 11%. Ce dernier ne fournit que la Chine, dont le marché est fermé. Le marché russe est aussi fermé aux enrichisseurs occidentaux, mais Rosatom fournit aussi l’occident, en plus du marché national.

In fine, les assemblages de combustible utilisés par EDF sont fabriqués par sa filiale Framatome, dans ses usines françaises et allemandes et par Westinghouse, dans ses usines en Suède et au Royaume-Uni.

Orano, exploite des mines d’uranium situées au Canada, Kazakhstan, Niger et Ouzbékistan et a des participations dans d’autres mines dont il n’est pas l’exploitant. Mais la compagnie enrichit de l’uranium provenant de presque tous les pays producteurs d’uranium et fournit une soixantaine de clients dans le monde. D’après Le Monde, quatre pays, à savoir le Kazakhstan (20,1 %), l’Australie (18,7 %), le Niger (17,9 %) et l’Ouzbékistan (16,1 %), lui ont fourni les trois quarts de l’uranium naturel importé entre 2005 et 2020.

Entre 1956 et 2003, le parc nucléaire français a eu besoin de 173 837 tonnes d’uranium naturel, soit 11,5% de la demande mondiale, selon le « Red book » de l’OCDE. EDF s’approvisionne auprès d’Orano, qui lui fournit actuellement 40 % de son combustible, d’Urenco et de Tenex, la filiale de Rosatom. Entre 2009 et 2012, années pour lesquelles des données précises sont disponibles, Tenex a enrichi 28% de l’uranium consommé par EDF. Même après l’invasion de l’Ukraine, EDF continue ses achats en Russie, selon le Canard Enchaîné (7/12/2022), alors qu’elle pourrait se fournir ailleurs.

Sans la Russie, impossible de réutiliser une partie de l’uranium récupéré lors du retraitement des combustibles usés. Et, pour sauver le mythe du recyclage, l’industrie nucléaire est prête à s’assoir sur la résolution du parlement européen qui « invite les États membres à mettre un terme à toute collaboration avec la Russie dans le domaine nucléaire, en particulier avec Rosatom et ses filiales ».


Mise à jour du 13 mars 2023

Le 11 mars, Greenpeace a publié un rapport sur les flux d’uranium entre la Russie et la France qui vient compléter notre travail. Il a eu un plus grand impact médiatique que le nôtre…

Dans sa réponse aux médias, EDF ne nie pas l’importation d’uranium enrichi en provenance de Russie tout en opposant le “caractère confidentiel” du détail de ses approvisionnements. Elle précise cependant qu’elle n’a pas “augmenté sa part d’enrichissement de son uranium naturel non russe réalisé en Russie en 2022 par rapport à 2021”.

Et comme l’uranium n’est pas concerné par les sanctions européenne, la compagnie a beau jeu d’affirmer appliquer “strictement toutes les sanctions internationales et/ou les restrictions liées à la non-obtention d’autorisations administratives requises, tout en respectant les engagements contractuels pris”. Et donc elle ne va pas rompre ses contrats avec la Russie, même si son partenaire occupe la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia. Les 16 engagements Responsabilité Sociétale d’Entreprise d’EDF, qui incluent « l’éthique et les droits humains », ne pèse pas bien lourd, comme nous l’avions déjà souligné.

Combien de rebuts de MOx japonais à La Hague ?

Un départ de combustibles MOx vers le Japon est prévu dans les jours qui viennent. Cela semble paradoxal dans un contexte où l’usine Mélox ne peut pas produire assez pour fournir les réacteurs nucléaires Edf. En effet, un changement de procédé a induit une forte baisse de la productivité et génère une grande quantité de rebuts qui sont entreposés à La Hague en attendant de trouver une solution. Combien de temps vont-ils rester là ?

En attendant, les rebuts continuent à s’accumuler et, en avril dernier, Orano était très proche de la saturation. Il lui a fallu ouvrir, en urgence, de nouveaux entreposages. Or, en cas de saturation prolongée, c’est l’occlusion qui menace, car il faudra arrêter l’usine Mélox, puis le retraitement, ce qui engendrera une saturation des entreposages de combustibles usés et un arrêt des réacteurs nucléaires, dans une situation énergétique dégradée.

Alors que les entreposages sont dans une situation critique, quelle est la part des rebuts japonais à La Hague ? L’ACRO réclame plus de transparence sur le sujet et un débat démocratique sur la gestion des combustibles nucléaires.

Risques nucléaires suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie : mise à jour le 6 octobre 2022

Nous avons été sollicités, dès le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie,  concernant les risques liés aux combats dans la zone d’exclusion de Tchornobyl. S’il est difficile d’évaluer les conséquences d’un conflit, voici quelques points d’information. Nous suivons de près l’évolution de la situation sur place et cette page sera régulièrement mise à jour :

  • 25 février 2022, attaque de la centrale de Tchornobyl par les armées de la fédération de Russie
  • 4 et 5 mars 2022, attaque de la centrale de Zaporizhzhia par les armées de la fédération de Russie
  • 6 et 7 mars 2022, bombardement d’une source de neutrons à Kharkiv, suite à son bombardement
  • 9 mars 2022, alimentation électrique de la centrale de Tchornobyl coupée
  • 10 mars 2022, l’industrie nucléaire française maintient ses contrats avec la Russie – transformateur électrique endommagé à Zaporizhzhia – source de neutron bombardée une deuxième fois
  • 13 mars 2022, électricité rétablie à Tchornobyl
  • 14 et 15 mars 2022, la ligne électrique vers Tchornobyl à nouveau coupée puis rétablie et des explosions ont eu lieu à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
  • 17 au 19 mars 2022, deux lignes électriques coupées à Zaporizhzhia – une rétablie
  • 22 et 24 mars 2022, des incendies sont signalés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
  • 26 au 28 mars 2022, les troupes de la Fédération de Russie s’emparent de Slavutych, ville où loge le personnel de Tchornobyl et bombardent à nouveau la source de neutrons de Kharkiv
  • 30 et 31 mars 2022, l’armée de la Fédération de Russie se retire de Tchornobyl
  • 6 avril 2022, vidéo des tranchées creusées par l’armée d’occupation dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
  • 9 avril 2022, niveaux de radiations dans les zones occupées de Tchornobyl
  • 20 avril 2022, rétablissement des communications directes avec la centrale de Tchornobyl – la centrale de Zaporizhzhia est toujours occupée sans inspection possible
  • 5 et 12 mai 2022, des nouvelles de Tchornobyl
  • 19 mai 2022 : la Russie veut accaparer le Sud de l’Ukraine et lui vendre l’électricité fournie par la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
  • 2 juin 2022 : bilan du pillage de l’armée russe à Tchornobyl
  • 3 juin 2022 : pénurie de pièces détachées et de consommables à la centrale de Zaporizhzhia
  • 5 juin 2022 : un missile basse à basse altitude au-dessus de la centrale nucléaire du Sud.
  • 20 juillet 2022 : mission de Greenpeace dans la zone d’exclusion de Tchornobyl
  • 5 – 13 août 2022 : bombardements à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
  • 25-26 août 2022 : centrale nucléaire de Zaporizhzhia totalement coupée du réseau électrique
  • 1er – 3 septembre 2022 : mission de l’AIEA à la centrale de Zaporizhzhia – cas de torture
  • 9 – 17 septembre 2022 : situation de plus en plus tendue à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
  • 19 septembre 2022 : la zone industrielle de la centrale nucléaire de Pivdennoukrainsk bombardée
  • 21 septembre 2022 : la centrale de Zaporizhzhia à nouveau bombardée et l’alimentation électrique du réacteur n°6 temporairement coupée
  • 27-30 septembre 2022 : l’AIEA fait part d’explosions sur le site de la centrale de Zaporizhzhia
  • 1-3 octobre 2022 : arrestation du directeur de la centrale de Zaporizhzhia par les troupes d’occupation
  • 5 octobre 2022 : la Russie annonce prendre le contrôle de la centrale de Zaporizhzhia, qui sera exploitée par Rosatom

Combats à Tchornobyl : quels risques liés à la radioactivité ?

Mis en ligne le 25 février 2022

Notre pensée va d’abord aux Ukrainiens victimes de cette guerre et à leurs proches. En ce qui concerne les risques secondaires par rapport à la guerre, liés au nucléaire, il y a de nombreuses sources d’inquiétude.

Tout d’abord, il y a le corium (mélange de combustibles fondus et de gravats) issu de l’accident nucléaire, mais il est protégé par le sarcophage et le dôme qui a été construit plus récemment. Une attaque sur un réacteur nucléaire en fonctionnement (il y en a 15 en Ukraine) aurait sûrement des conséquences beaucoup plus dramatiques du fait des radioéléments à vie courte comme l’iode-131 présents.

Il y a aussi des piscines d’entreposage des combustibles usés. Il y avait 21 000 assemblages à Tchornobyl il y a quelques années, selon le Journal de l’énergie. Un transfert de ces combustibles vers un entreposage à sec voisin a débuté en 2020 (source). Les conteneurs d’un entreposage à sec sont a priori robustes, mais jusqu’à quel niveau ? Une brèche sur une piscine suite à une attaque pourrait rendre le refroidissement difficile et entraîner des rejets massifs. Ce problème existe aussi pour les centrales nucléaires en fonctionnement car ces entreposages sont mal protégés contre les agressions extérieures et il n’y a pas de confinement pour retenir une partie de la radioactivité qui pourrait être émise. Le maintien du refroidissement des piscines avait été une forte source d’inquiétude lors de la catastrophe de Fukushima et demeure un point de fragilité partout. L’ACRO avait contribué à l’étude de Greenpeace de 2017 sur le sujet.

La sécurité des installations nucléaires est aussi un souci majeur pour le club européen des autorités de sûreté (ENSREG) qui, dans une déclaration datée du 27 février, appelle la Fédération de Russie à respecter le droit international en laissant leur homologue ukrainien (SNRIU) à accéder aux centrales.

Le lac qui servait au refroidissement des réacteurs de Tchornobyl a été l’exutoire des forts rejets radioactifs et de déchets. Il est extrêmement contaminé. Une brèche dans la digue qui le sépare de la Pripiat pourrait entraîner une forte contamination de ce cours d’eau qui se jette dans le Dniepr. Or l’eau du Dniepr sert à l’approvisionnement en eau potable des 8 millions d’habitants de Kyiv. Nous avions déjà souligné ce risque dans l’étude que nous avons faite en sur le projet de voie fluviale E40.

Il y a aussi de nombreux sites de déchets radioactifs disséminés dans la zone d’exclusion, dont l’inventaire n’est pas toujours bien connu. Il est beaucoup plus difficile d’évaluer les risques. Enfin, si le conflit dans la zone devait se poursuivre jusqu’à l’été, un incendie de forêt entraînerait aussi une dispersion de particules radioactives.

Les débits de dose ambiant sur le site de la centrale contrôlés par des balises peuvent être consultés en ligne ici. Ils sont dans une zone où, rappelons-le, personne n’habite, mais où de nombreuses personnes travaillent. Les communiqués de l’AIEA n’apportent généralement aucune information.

Enfin, la menace de la Russie d’utiliser l’arme nucléaire est aussi extrêmement inquiétante. L’équilibre de la terreur supposée nous protéger d’un conflit direct entre puissances nucléaires fait peser une menace inacceptable et, en cas d’utilisation, il n’y aura que des perdants.

A noter qu’EDF et Framatome ont des accords de coopération et des contrats avec Rosatom en Russie.

Combats à la centrale de Zaporizhzhia

4 mars 2022

Comme mentionné dès le début de la guerre, le principal risque nucléaire, outre l’emploi de la bombe atomique, est une perte de contrôle d’un ou plusieurs des 15 réacteurs nucléaires en activité en Ukraine. Les combats autour de la centrale de Zaporizhzhya, avec ses 6 tranches, inquiètent l’ONU (communiqué du 2 mars 2022) et l’AIEA.

Cette centrale a été bombardée dans la nuit du 3 au 4 mars, vers 1h, entraînant un incendie d’un bâtiment administratif, qui a pu être maîtrisé. Les réacteurs seraient intacts, selon l’autorité de sûreté ukrainienne, même si un bâtiment auxiliaire de la première tranche a été endommagé, sans affecter la sûreté. C’est la première fois dans l’histoire qu’une centrale nucléaire en activité est bombardée. Elle est désormais aux mains de l’armée d’envahissement qui peut s’en servir pour faire du chantage. L’autorité de sûreté ukrainienne n’y a probablement plus accès.

Le 4 mars matin,

  • l’unité 1 était déjà à l’arrêt ;
  • les unités 2, 3 ont été déconnectées du réseau et le refroidissement des installations nucléaires est en cours ;
  • l’unité 4 est en service à une puissance de 690 MW (60% de sa puissance) ;
  • les unités 5 et 6 sont en cours de refroidissement.

Dans une mise à jour publiée le 4 mars à 8h, l’autorité de sûreté ukrainienne précise que “la perte du refroidissement du combustible nucléaire entraînera des rejets radioactifs importants dans l’environnement. Par conséquent, un tel événement peut dépasser tous les accidents précédents survenus dans les centrales nucléaires, y compris l’accident de Tchornobyl et l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Il convient de rappeler qu’en plus des six unités de production d’électricité sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhya, il existe une installation d’entreposage de combustible nucléaire usé, dont l’endommagement par un bombardement entraînera également des rejets radioactifs.”

Dans un autre communiqué daté du 4 mars à 15h, mais mis en ligne en anglais plus tardivement,

  • le bâtiment du réacteur n°1 a été endommagé ;
  • deux obus ont touché l’entreposage à sec des combustibles usés ;
  • le personnel sur place a dû rester en poste depuis plus de 24 heures.

Par ailleurs, selon ce nouveau communiqué, le réacteur n°2 alimente en électricité la centrale, le n°3 a été déconnecté et devrait être en “arrêt à froid” et le 4 continue à produire.

L’AIEA n’apporte aucune information complémentaire. Greenpeace a publié une note détaillée sur les installations nucléaire ukrainiennes et les risques potentiels. Dans un entretien avec Le Monde, Petro Kotin, président de l’entreprise qui exploite la centrale, les bombardements ont aussi fait trois morts, tous employés, et deux blessés dont un est entre la vie et la mort. Le personnel continue son travail et l’armée russe contrôle la direction de la centrale.

Quant à Tchornobyl, le personnel sur place serait toujours l’otage des forces d’occupation, selon The Kyiv Independent, et serait épuisé physiquement et mentalement.

A noter qu’un site d’entreposage des déchets radioactifs à Kyiv a été bombardé, sans conséquences radiologiques.

En France, dès le 4 mars matin, l’ASN a activé son centre d’urgence en mode veille afin de suivre l’évolution de la situation dans les installations nucléaires en Ukraine. Par ailleurs, nous avons été sollicités par les médias à propos de l’iode, qui ne protège que la thyroïde des retombées radioactives en iode-131. Pour rappel, en France métropolitaine, moins de 5% de la population bénéficie de comprimés d’iode à la maison pour protéger sa thyroïde en cas d’accident nucléaire, contrairement à la Belgique où tout le pays est couvert. Nous avions réclamé, en vain, l’extension de la distribution à au moins 100 km autour des installations nucléaires françaises.

Le rapport de l’ACRO sur les plans d’urgence nucléaire en France date de 2016, mais est malheureusement toujours d’actualité car aucun progrès significatif n’a été fait depuis.

Le 5 mars, l’autorité de régulation nucléaire ukrainienne a mis en ligne une simulation des retombées radioactives en cas d’accident grave sur une des 6 tranches de la centrale de Zaporizhzhya. Ce jour là, les vents se dirigent opportunément vers la Russie…

Dans un autre communiqué publié le même jour à 8h, l’autorité de régulation précise que le réacteur n°2 est connecté au réseau et fournissait une puissance de 750 MW et que l’unité 4 fonctionne à 980 MW, c’est à dire presque à pleine puissance. Pas de changement pour les autres tranches qui sont arrêtées ou en cours de refroidissement.

L’AIEA a aussi publié un communiqué qui n’apporte aucune information supplémentaire si ce n’est que, selon l’exploitant, Energoatom, le personnel sur place depuis le 23 février a enfin pu être remplacé.

Bombardement d’une source de neutrons à Kharkiv

Le 6 mars 2022, l’Autorité de régulation nucléaire annonce la destruction de la source de neutrons sous-critique de Kharkiv, qu’elle qualifie de “terrorisme nucléaire”. Située au Kharkiv Institute of Physics and Technology, elle aurait été bombardée. Elle venait d’être rechargée en combustible nucléaire neuf et avait été mise à l’arrêt le 24 février, premier jour de l’invasion russe. L’Autorité liste les équipements détruits, mais ne donne pas d’information relative à la sûreté.

A noter qu’un missile Grad a frappé des civils qui faisaient la queue pour acheter de la nourriture dans cette même ville le 6 mars matin.

La centrale de Tchornobyl continue d’être sous le contrôle de l’envahisseur où le personnel fait son travail sans rotation depuis 11 jours, selon un communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire qui n’a plus de liaison directe avec la centrale. De nombreux détecteurs qui surveillent l’état des installations ont été détruits et il n’est pas possible de les réparer. L’Autorité de contrôle signale “une tendance à la détérioration pour un certain nombre d’indicateurs, en particulier la concentration de radionucléides à longue durée de vie dans l’atmosphère. L’occupant viole gravement les exigences de radioprotection et la procédure stricte de contrôle d’accès dans l’entreprise et dans la zone d’exclusion. En particulier, l’agresseur néglige les exigences relatives à l’utilisation obligatoire de sas, au changement de vêtements et de chaussures lors de la visite de zones “sales” de l’entreprise, à la décontamination, entreprend des mouvements incontrôlés de personnel et d’équipements militaires dans l’entreprise, dans la zone d’exclusion et au-delà de ses limites. Cela entraîne à son tour une détérioration de la situation radiologique dans l’entreprise et dans la zone d’exclusion, et contribue à la propagation de la contamination radioactive en dehors de la zone d’exclusion de Tchornobyl.”

La centrale nucléaire de Zaporizhzhia est aussi sous contrôle de l’armée d’occupation. L’autorité de régulation signale une coupure des communications internet et mobile avec la centrale et la forte pression sur les employés qui sont coupés des leurs et manquent d’alimentation.

Enfin, les autorités ukrainiennes et l’exploitant nucléaire ont lancé un appel à l’ONU, l’OSCE et l’UE pour qu’elles interviennent afin d’éviter une catastrophe nucléaire majeure. Dans un communiqué, l’ENSREG, qui regroupe les autorités de sûreté nucléaire européennes, condamne fortement les attaques contre des installations nucléaires par les forces russes et demande à l’armée de quitter les sites afin de garantir la sûreté. Elle signale qu’à Tchornobyl, il ne reste qu’une seule ligne électrique sur 3 pour alimenter la centrale et que les générateurs diesel de secours n’ont du carburant que pour 48 heures. Enfin, les membres de l’ENSREG salue le travail de leur homologue ukrainien dans ces conditions extrêmement difficiles.

L’électricité est indispensable pour garantir le refroidissement des réacteurs arrêtés. La perte de toute alimentation électrique suite au séisme et tsunami au Japon avait conduit à la catastrophe de Fukushima en mars 2011. A Tchornobyl, les combustibles usés sont assez anciens pour que cela ne soit plus un problème. En revanche, c’est un des principaux risques sur les autres centrales en activité. A Tchornobyl, une coupure de courant signifierait l’arrêt de tous les systèmes de surveillance.

Le communiqué du 6 mars de l’AIEA ne contient aucune information supplémentaire.

Le 7 mars, l’autorité de régulation nucléaire a publié des informations complémentaires sur l’état de la source de neutrons et des photos des dégâts. La situation radiologique sur le site est normale. A la centrale de Zaporizhzhia, il y a des problèmes de connexion internet et d’accès à la nourriture. L’occupation du site par l’envahisseur provoque beaucoup de stress chez les opérateurs. Seuls deux réacteurs fonctionnent car des lignes électriques ont été détruites et il n’est pas possible de distribuer plus d’électricité.

Le 8 mars, la situation n’a pas changé dans les centrales occupées, mais l’horreur continue en Ukraine : l’armée de la Fédération de Russie aurait détruit une soixantaine d’hôpitaux en Ukraine, selon The Kyiv Independent. Et au centre d’oncologie de Kharkiv, il y a des sources radioactives. L’autorité de régulation nucléaire a mis en ligne une nouvelle simulation des retombées radioactives en cas d’accident nucléaire grave et lance un appel à l’aide car les efforts des autres pays n’ont abouti à rien.

L’AIEA, dans son bulletin quotidien, précise que le personnel à Tchornobyl n’a toujours pas pu être remplacé, ce qui inquiétant pour la sûreté. En revanche, pour les autres installations, y compris la centrale de Zaporizhzhia occupée, la relève est possible. De plus, l’AIEA précise que la connexion aux instruments de mesure à Tchornobyl est perdue.

Alimentation électrique de la centrale de Tchornobyl coupée

L’Autorité de régulation nucléaire signale que la seule ligne électrique qui alimentait la centrale nucléaire de Tchornobyl a été coupée le 9 mars à 11h22. Les diesels de secours n’ont une réserve d’essence que pour 48h. La situation est donc critique, mais, comme les 20 000 assemblages de combustibles usés sont anciens, le dégagement thermique est moindre que dans une centrale en activité. Le refroidissement passif pourrait suffire. En revanche, l’absence d’accès aux capteurs rend tout contrôle impossible.

Le site Internet de l’Autorité de régulation nucléaire ukrainienne ne répond plus ce 9 mars au soir. Dans son communiqué quotidien du 9 mars 2022 l’AIEA précise avoir perdu la connexion avec la centrale de Zaporizhzhya et n’a donc plus accès aux informations qui devraient lui être remontées régulièrement.

Pour ce qui est de la source de neutrons, elle a été complètement arrêtée, selon un communiqué de l’autorité de régulation et les niveaux de radiations ambiants sont normaux.

L’industrie nucléaire française maintient ses contrats avec la Russie et transformateur électrique endommagé à Zaporizhzhia

Présentation surréaliste d’EDF mardi 8 mars devant le HCTISN (document présenté) : il n’est jamais fait mention de la guerre en Ukraine et des sanctions économiques envers la Russie. L’uranium de retraitement réenrichi en Sibérie sera chargé dans les réacteurs de Cruas en 2023, comme si de rien était. Interrogée à plusieurs reprises sur l’impact du conflit en cours, EDF refuse de répondre. Le Haut Comité à la TRANSPARENCE et à L’INFORMATION ne serait pas le lieu pour parler de ce sujet. Le même jour, Le Figaro révèle que l’Etat français est prêt à céder 20% d’Arabelle – les turbines nucléaires rachetées par EDF – au russe Rosatom.

L’industrie nucléaire n’est pas la seule à vouloir maintenir ses contrats avec la Russie à tout prix. Mais il y a urgence à accentuer les sanction contre la Russie car chaque jour qui passe, ce sont des décès et des destructions en plus. Et si le conflit se poursuit, il y aura des pénuries alimentaires dans plusieurs autres pays. Les contrats sur l’uranium de retraitement n’ont aucun impact sur notre approvisionnement énergétique. Ils doivent être suspendus immédiatement.

Serge Haroche, prix Nobel de physique, souhaite, dans une tribune au Monde, des sanctions sévères pour que l’on puisse “nous regarder en face avec moins de honte”.

A la centrale de Zaporizhzhia, un transformateur électrique de la tranche n°6 a été endommagé selon l’Autorité de régulation nucléaire. Faute de pièces et de personnel spécialisé, il n’est pas possible de faire des réparations et de poursuivre les travaux de maintenance. De plus, il y aurait des obus qui n’ont pas explosé sur le site de la centrale et, notamment, dans le bâtiment administratif qui a brûlé lors de l’attaque. Enfin, le site reste sous le contrôle de l’armée d’occupation qui auraient miné un réservoir, selon The Kyiv Independent et deux des lignes à haute tension sont coupées, ainsi que les liaisons internet, ce qui rend le contrôle à distance impossible.

A Tchornobyl, le courant aurait été rétabli par la Biélorussie, selon le ministre de l’énergie russe cité par Reuters. L’AIEA n’est pas en mesure de confirmer cette information. Et le communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire ne fait aucune mention du retour de l’électricité. En cas de coupure complète de l’alimentation électrique, une fois le diesel consommé, la ventilation de la piscine de combustibles usés, avec 19 442 assemblages, s’arrêterait et l’hydrogène pourrait s’accumuler, entraînant ainsi un risque d’explosion. Ce risque n’est pas évoqué dans la note de l’IRSN du jour, ni dans celle de l’AIEA. Cependant, dans un message envoyé à l’ACRO, l’IRSN précise que l’accumulation d’hydrogène est assez lente et qu’il devrait être possible d’aérer les locaux en ouvrant le bâtiment.

Dans un communiqué du 11 mars 2022, l’Autorité de régulation nucléaire ukrainienne précise que le courant n’a toujours pas été rétabli à Tchornobyl, mais que du diesel a été apporté pour les générateurs de secours et que des réparations ont lieu sur les lignes électriques.

La source de neutrons a été bombardée une deuxième fois, le 10 mars 2022 au soir, selon un communiqué de l’autorité de régulation nucléaire ukrainienne, mais les dommages seraient mineurs. Pas de changement à la centrale de Zaporizhzhia, selon un autre communiqué. Mais, selon l’exploitant cité par Reuters, la Russie a tenté de prendre le contrôle de la centrale nucléaire de conception soviétique en y envoyant des cadres de Rosatom, l’exploitant nucléaire Russe. Celui-là même qui devait prendre 20% des turbines Arabelle, en partenariat avec EDF.

Le communiqué du 11 mars au soir de l’AIEA n’apporte aucune information supplémentaire ni analyse. Il ne sert qu’à mettre en scène le patron de l’organisation. Par ailleurs, selon la FAO, 8 millions à 13 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de la faim dans le monde à cause de cette guerre.

Dans un communiqué daté du 12 mars, l’autorité de régulation nucléaire ukrainienne confirme la présence d’au moins 11 personnes de Rosatom sur le site de la centrale de Zaporizhzhia, mais qui n’interféreraient pas avec les opérations. La centrale est toujours exploitée par le personnel d’Energoatom. Cet article de la pravda ukrainienne donne deux versions des faits : d’après le président d’Energoatom, les cadres de Rosatom auraient annoncé à la direction de la centrale vouloir diriger les opérations car les installations appartiendraient désormais à la Russie. Mais, ces cadres auraient affirmé aux médias être là “pour évaluer la sûreté nucléaire et radiologique après le bombardement et la saisie de la centrale, ainsi que pour apporter une aide aux réparations”.

Electricité rétablie à Tchornobyl

La Pravda de Kyiv rapporte, le 13 mars 2022, que l’Ukraine a rétabli l’électricité à la centrale nucléaire de Tchornobyl, permettant ainsi un refroidissement stabilisé des combustibles usés, et dans la commune voisine de Slavutych. La zone est toujours occupée par l’armée de la Fédération de Russie et le personnel sur place (211 personnes) n’a pas été relevé depuis le début de l’offensive, le 24 avril dernier. Il serait épuisé.

Ligne vers Tchornobyl à nouveau coupée, puis rétablie et explosions à la centrale de Zaporizhzhia

La compagnie Energoatom signale sur Telegram que l’armée d’occupation a de nouveau endommagé la ligne électrique vers Tchornobyl. L’électricité avait été rétablie la veille à 19h07, selon la Pravda de KyivToujours sur Telegram, Energoatom signale que l’armée d’occupation a fait exploser des munitions sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia et le personnel a dû se mettre à l’abri.

L’AIEA, dans son communiqué du soir, confirme aussi la nouvelle coupure de courant, mais signale que la ligne a déjà pu être réparée. Tant mieux ! Pour ce qui est des explosions de munitions, l’organisation dit chercher des informations. Le 15 mars, dans un communiqué, l’Autorité de régulation nucléaire explique que, la veille, les forces d’occupation russes ont fait exploser des munitions qui n’avaient pas explosé lors du bombardement du site le 4 mars 2022 et ce, à proximité immédiate des groupes électrogènes. Elle souligne que l’utilisation d’armes dans les installations nucléaires, y compris l’élimination par détonation des munitions, constitue une menace pour la sécurité des installations nucléaires.

Le ministère des affaires étrangères russe, accuse l’Ukraine de sabotage de ses propres installations, avec la complicité des Etats-Unis et de l’OTAN. Aussi crédible que la “dénazification” du pays… Pendant ce temps là, la guerre continue, les victimes s’accumulent et de nombreuses compagnies françaises refusent toujours de suspendre leurs contrats avec la Russie.

Dans un courrier mis en ligne sur le site de l’Autorité de régulation nucléaire Ukrainienne, Greenpeace dénonce que Mikhail Chudakov, Directeur général adjoint de l’AIEA était, jusqu’en 2015, Directeur général adjoint de Rosatom, la compagnie russe qui est au côté des troupes d’occupation à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Elle demande qu’il soit démis de ses fonctions à l’AIEA car il pourrait transmettre des informations confidentielles à l’envahisseur.

Une troisième ligne électrique coupée à Zaporizhzhia

Le 17 mars 2022, dans un communiqué, l’Autorité de régulation nucléaire indique que le 16 mars à 14h29 une troisième ligne électrique a été coupée à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. La centrale a dû réduire sa puissance et ne produire que ce qui peut être évacuer par le réseau électrique. Il ne resterait plus qu’une ligne. Si elle est coupée, la centrale doit s’arrêter et n’a plus que les groupes électrogènes comme source d’énergie. La situation pourrait alors devenir critique.

La centrale est toujours occupée, mais exploité par le personnel ukrainien qui peut se relayer. L’autorité a mis en ligne une simulation des rejets radioactifs en cas d’accident grave : ils pointent vers la Turquie.

A l’inverse, à Tchornobyl, le personnel est toujours otage des troupes d’occupation et n’a pas pu être remplacé depuis le 24 février. Il en est donc à son 22 ème jour consécutif sur place et est épuisé, tant physiquement que moralement, selon le point quotidien effectué par l’autorité de régulation. Le système de surveillance automatique n’a pas été restauré.

Toujours selon l’autorité de régulation nucléaire, l’alimentation électrique de la source de neutrons de Karkiv a aussi été coupée, sans que cela n’engendre de risque particulier.

Le 18 mars, l’Autorité de régulation nucléaire, fait état d’une coupure temporaire de la ligne électrique de secours qui relie la centrale nucléaire de Zaporizhzhia à une centrale thermique voisine. Cette ligne peut fournir du courant à la centrale nucléaire en cas d’arrêt total de la production électrique, afin de maintenir le refroidissement des combustibles nucléaires. La coupure a eu lieu le 17 mars vers 14h et a été rétablie vers 20h. Sachant qu’il y a 3 lignes haute-tension pour la distribution du courant sur 4 de coupées, la centrale nucléaire était dans une situation vulnérable.

Le site et les environs sont toujours occupés par les troupes de la Fédération de Russie et seules deux tranches produisent du courant car il n’y a pas assez de lignes électriques pour évacuer la production électrique.

Le 19 mars, l’Autorité de régulation nucléaire annonce qu’une des lignes HT (celle dénommée “Kakhovska”) qui dessert la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a été rétablie le 18 mars à 19h48. Cela fait donc un total de 3 lignes disponibles si l’on inclut la ligne de secours vers la centrale thermique. Bonne nouvelle ! La centrale va probablement pouvoir augmenter sa production.

A Tchornobyl, le personnel est toujours otage des troupes d’occupation, depuis 24 jours ! Mais, le 20 mars, selon The Kyiv Independent, 64 personnes retenues à Tchornobyl ont pu partir et être remplacées par 46 volontaires. Et le 21 mars, l’AIEA rapporte que tous les autres ont aussi pu être remplacés.

Des incendies sont signalés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl

Plusieurs incendies ont été signalés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl, selon The Guardian du 22 mars 2022, qui relaie un communiqué du parlement ukrainien. Sept feux auraient été repérés par le satellite Sentinel de l’ESA. Les balises de surveillance de la radioactivité étant débranchées dans la zone, il est difficile d’évaluer l’impact. Cependant, l’AIEA, dans son communiqué du 23 mars, signale une légère augmentation des niveaux de césium-137 à Kyiv et dans des centrales nucléaires de l’Ouest de la zone, mais sans donner aucun chiffre, comme à son accoutumé.

Les autorités ukrainiennes expliquent que la plupart des incendies ont été localisés dans la zone d’exclusion de Tchornobyl. Une trentaine aurait déjà éclaté depuis le début de l’invasion, sans propagation grâce aux conditions météo. L’IRSN a publié une note avec quelques valeurs de contamination. Plus inquiétant, l’armée russe a attaqué Slavutych où loge une partie du personnel de Tchornobyl, ce qui empêche toute rotation sur le site de la centrale, selon l’autorité de régulation nucléaire.

L’armée de la Fédération de Russie s’emparent de Slavutych, ville où loge le personnel de Tchornobyl

Selon the Kyiv Independent, les troupes d’occupation se sont emparées de la ville de Slavutych, ville où loge le personnel de Tchornobyl, rendant toute relève impossible sur le site de la centrale nucléaire. Le maire aurait été kidnappé pendant un temps, le 26 mars 2022.

La source de neutrons de Kharkiv a aussi été une nouvelle fois bombardée par les troupes d’occupation le 26 mars 2022. Et selon un communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire, le bâtiment qui abrite la source a été endommagé.

Par ailleurs, le 27 mars 2022, le ministère de l’énergie d’Ukraine a annoncé avoir demandé l’expulsion de la Russie de l’AIEA pour terrorisme nucléaire, selon UkInform.net, où, a minima, la réduction de son rôle en retirant tous les postes clés aux représentants de la Fédération de Russie.

La source de neutrons a été de nouveau bombardée le 28 mars 2022, selon l’Autorité de régulation nucléaire. Comme la stratégie des troupes d’occupation est de raser certaines villes, comme Marioupol, au péril de nombreuses vies humaines, ce ne sont pas quelques éléments radioactifs qui vont les arrêter…

L’armée d’occupation aurait commencé à se retirer de Tchornobyl

Selon l’AFP (30 mars 2022), qui cite un haut responsable du Pentagone, les forces d’occupation de la Fédération de Russie auraient commencé à se retirer du site nucléaire de Tchornobyl, sous leur contrôle depuis le premier jour de l’invasion, pour aller au Bélarus. Le 31 mars 2022, ils auraient entièrement quitté le site nucléaire et se prépareraient à quitter aussi Slavutych, la ville qui héberge le personnel, selon Radio Free Europe, financée par les Etats-Unis. Energoatom, qui gère la centrale, confirme sur Telegram qu’il n’y a plus de soldat sur le site nucléaire et indique sur Telegram que les soldats seraient malades après avoir creusé des tranchées dans la zone d’exclusion très contaminée. Certains médias mentionnent que des soldats sont hospitalisés à Gomel, au Bélarus, mais cela reste à confirmer (Cf le message Telegram d’Energoatom). Le Monde mentionne aussi que les troupes de la Fédération de Russie ont pillé le site nucléaire et pris des otages, rapportant un message Telegram d’Energoatom, qui complète en précisant qu’il s’agit de cafetières, bouilloires, ordinateurs… et du pillage d’un hôtel voisin. Dans un communiqué daté du 1er avril 2022, l’Autorité de régulation nucléaire confirme le départ des troupes d’occupation et dit vouloir reprendre les contrôles dans la zone.

Dans son étude sur le corridor fluvial E40, l’ACRO avait estimé les doses qui pouvaient être prises par des travailleurs engagés dans la construction d’un barrage dans la zone d’exclusion de Tchornobyl. L’exposition externe pourrait atteindre 15 mSv pour 2 000 heures de présence et l’inhalation de poussières, plus difficile à évaluer, pourrait atteindre des niveaux similaires. Les soldats russes ont passé moins de la moitié de ce temps dans la zone d’exclusion. Ce sont des niveaux qui dépassent largement la limite annuelle pour le public (1 mSv/an), mais qui n’entraînent pas une hospitalisation.

Vidéo des tranchées creusées par l’armée d’occupation dans la zone d’exclusion de Tchornobyl

Le 6 avril 2022, la compagnie Energoatom a publié sur son compte Telegram une vidéo aérienne des tranchées qui auraient été creusées par les troupes d’occupation dans la zone d’exclusion de Tchornobyl :

Et l’Agence d’Etat qui gère la zone d’exclusion de Tchornobyl a mis en ligne des photos de la zone interdite et des bureaux des compagnies publiques qui travaillent sur place, montrant un pillage systématique par les troupes d’occupation.

Vidéo mise en ligne le 7 avril 2022 des tranchées qui auraient été creusées par l’armée russe près de la centrale de Tchornobyl. Des mesures de débit de dose sont faites dans la tranchée, mais aucune valeur n’est donnée.

Niveaux de radiations dans les zones occupées de Tchornobyl

9 avril 2022 : Plusieurs personnes se sont rendues dans la zone d’exclusion de Tchornobyl où des tranchées auraient été creusées par les troupes d’occupation de la fédération de Russie. Petro Kotin, le président d’Energoatom, a mesuré entre 3,2 et 4 µSv/h, selon un message Telegram, accompagné de photos et d’une vidéo :

Ce sont des niveaux élevés qui correspondent à peu près au seuil fixé pour l’évacuation des habitants à Fukushima (3,8 µSv/h), mais, en supposant qu’une personne reste continument dans la tranchée pendant 30 jour, elle prend donc une dose externe de moins de 3 mSv environ.

CNN y est aussi allé avec le ministre de l’intérieur et a rapporté des images vidéo. La chaîne montre un débit de dose de 11 µSv/h près du sol. En restant sur place 30 jours, la dose externe serait de 8 mSv. La BBC aussi, mais ne donne pas d’information sur les niveaux de radiation.

Même en prenant en compte l’inhalation de poussières radioactives, de tels niveaux ne correspondent pas à une irradiation aigüe, comme nous l’avions déjà souligné le 1er avril dernier. Ils ne peuvent donc pas être responsables de l’hospitalisation de soldats, comme cela a été avancé.

Par ailleurs, l’Agence d’Etat en charge de la gestion de la zone d’exclusion rapporte que les serveurs qui gèrent les 39 balises de contrôle de la radioactivité ont été pillées par l’armée d’occupation. Il n’est donc pas possible d’accéder aux données. Elle aurait aussi perdu ses archives.

Rétablissement des liaisons directes avec la centrale nucléaire de Tchornobyl

Selon un communiqué de l’Autorité de régulation nucléaire, sa liaison directe avec la centrale nucléaire de Tchornobyl est rétablie depuis le 19 avril 2022. Les informations quotidiennes radiologiques et sur l’état de sûreté des installations sont transmises. La rotation du personnel se déroule de manière planifiée. Le déminage du site est toujours en cours par les forces de sécurité. Et des inspections sont menées pour faire un inventaire des matières radioactives et des équipements de surveillance et de contrôle.

La route entre Tchornobyl et Slavutych passant par le Belarus, elle n’est plus empruntée et le personnel est transporté par bateau sur la Pripyat.

Par ailleurs, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia est toujours sous occupation russe avec la présence d’ingénieurs de Rosatom, et il n’est pas possible à l’Autorité de régulation nucléaire d’y mener des inspections, ce qui représente une violation des règles élémentaires de sûreté, comme le rappelle l’Autorité de régulation, dans un communiqué.

Le 5 mai, l’Autorité de régulation nucléaire a annoncé avoir retiré l’accréditation à plusieurs compagnies qui intervenaient à Tchornobyl, non pas à cause de leur faute, mais à cause des risques qui font suite à l’occupation du site. Il n’est plus possible d’y mener des opérations de routine. Et le 12 mai, l’Autorité de régulation signale que la transmission des données depuis Tchornobyl a été rétablie.

Le 19 mai, des membres du gouvernement russe ont déclaré vouloir accaparer tout le Sud de l’Ukraine et récupérer l’exploitation de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. L’électricité servira à la Russie et pourrait être vendue à l’Ukraine, selon l’AFP. Energoatom, l’exploitant, a réagi violemment sur Telegram en précisant qu’il contrôlait toujours la centrale, qu’il n’y avait pas de ligne pour acheminer l’électricité en Russie et que l’Ukraine ne payerait jamais. Et de rappeler que le réseau électrique ukrainien était désormais relié à l’Europe. Mais la Russie devait sûrement parler des régions qu’elle compte annexer.

Le 2 juin 2022, le Washington Post fait un bilan des dommages causés par l’armée de la Fédération de Russie lors de son occupation de la centrale de Tchornobyl : 698 ordinateurs, 344 véhicules, 1 500 dosimètres, des logiciels et presque toutes les pièces des systèmes de protection incendie, pillés ou simplement détruits. Et l’inventaire n’est pas terminé. Neuf personnes y ont été tuées et cinq prises en otage. Le coût des dommages s’élèverait à 135 millions de dollars. Mais, le dommage le plus important est sûrement l’impact psychologique de la guerre et de l’occupation. 36 ans après la pire catastrophe nucléaire de l’histoire, environ 6 000 personnes y travaillent quotidiennement.

Le 3 juin 2022, l’agence Reuters rapporte que la centrale nucléaire de Zaporizhzhia est confrontée à une grave pénurie de pièces de rechange et de matériel consommable qui menace la sécurité de ses opérations, citant le service de renseignement du ministère de la Défense ukrainien. Les rotations de personnel à la centrale nucléaire ont lieu une fois par semaine. Cette information n’a pas été du goût de l’exploitant, Energoatom, qui a violemment réagi sur Telegram.

Le 5 juin 2022, un missile tiré l’armée russe est passé à relativement basse altitude au-dessus de la centrale nucléaire du Sud. Voir les images publiées sur le fil Telegram de l’exploitant :

Le 20 juillet 2022, Greenpeace a rendu compte de sa mission dans la zone d’exclusion de Tchornobyl à l’invitation des autorités ukrainiennes. Son communiqué de presse ne fait pas état de niveaux de contamination inattendus pour cette zone, mais l’organisation souligne que ses valeurs sont jusqu’à 3 fois plus élevées que les relevés effectués par l’AIEA. Ce n’est pas étonnant. Dans son étude sur le projet de voie fluvial E40 qui devait traverser cette zone, l’ACRO avait déjà souligné le fait que l’AIEA sous-estimait l’impact de la pollution rémanente. La conférence de presse de Greenpeace peut être visionnée ici.

Greenpeace a effectué des mesures de débit de dose ambiant ainsi que des analyses d’échantillons de sols prélevés sur place. La vidéo des prélèvements est ici et les photos sont accessibles ici. Pour l’anecdote, l’appareil de terrain qui a servi à faire des analyses par spectrométrie a été testé et étalonné à l’ACRO avant le départ en mission.

Greenpeace a aussi diffusé une vidéo des dégâts dus aux pillages et sabotages de l’armée d’occupation. Enfin, l’organisation a publié une étude des images satellites de la zone lors de l’occupation russe.

Entre le 5 et le 13 août 2022, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a subi des dommages suite à des bombardements répétés. Selon l’exploitant, cette centrale, en zone occupée, serait minée et servirait d’entreposage d’armements afin de les protéger de bombardements ukrainiens. Seraient concernées, les salles des machines des unités 1 et 2, d’après un communiqué de l’autorité de régulation nucléaire daté du 5 août 2022. Une telle situation fait, bien évidemment, courir des risques inacceptables aux employés de la centrale et aux installations.

Le journal d’opposition russe, The Insider, a mis en ligne une vidéo où l’on voit des camions militaires russes livrer un engin dans le bâtiment réacteur de la centrale nucléaire : 

L’autorité de régulation fait état de trois bombardements le 5 août à partir de 14h30 dans un communiqué publié le soir même. Une station de production d’azote et un bâtiment auxiliaire auraient été endommagés. Une ligne haute tension a aussi été coupée. Dans une note publiée le 9 août, l’IRSN précise que l’unité n°3 a dû être mise à l’arrêt et que des générateurs diesels de secours ont été activés. Selon les autorités, il n’y aurait pas d’élévation des niveaux de radioactivité. Pour l’AIEA, cette attaque viole 6 piliers de la sûreté nucléaire : les bombardements menacent l’intégrité physique des installations, des installations de secours, augmentent le stress des employés, menacent la sécurité électrique des installations nécessaires au refroidissement des combustibles et rendent beaucoup plus difficile, voire impossible, la gestion de crise.

Le 6 août 2022, l’exploitant fait état d’un nouveau bombardement qui a endommagé l’installation d’entreposage à sec des combustibles usés avec ses 174 conteneurs de 24 assemblages chacun. Des fenêtres et trois balises de détection de la radioactivité auraient été détruites. Un employé a dû être hospitalisé. Selon l’exploitant, les occupants – des militaires et des employés de la compagnie russe Rosatom – se seraient mis aux abris avant l’attaque. Selon l’IRSN, les conteneurs n’auraient pas été endommagés.

Voir aussi la note de Wenra, le club des régulateurs nucléaires occidentaux.

Le 11 août 2022, l’exploitant rapporte de nouvelles attaques de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia sans dommages majeurs. Il publie des photos de la station de protection incendie touchée. Une station de pompage et des balises auraient aussi été touchées. Selon l’IRSN, la ligne électrique coupée quelques jours plus tôt a pu être réparée.

Les autorités ukrainiennes soupçonnent la Russie de vouloir couper l’alimentation électrique d’une partie de l’Ukraine et de rediriger la production de la centrale de Zaporizhzhia vers la Crimée. Des pylônes vers la Crimée ont donc été détruits, selon ce post Telegram daté du 11 août de l’exploitant nucléaire :

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Selon cet article du 13 août 2022, les forces d’occupation recherchent les responsables de la destruction du pylône. Et, selon Reuters, la Russie accuse l’Ukraine des attaques contre la centrale nucléaire de  Zaporizhzhia.

Selon la BBC, le personnel sur le site de la centrale doit travailler dans des conditions très difficiles, sous la menace des armes. L’armée d’occupation contrôlerait les réseaux de téléphonie mobile et a coupé internet. L’accès à la nourriture y serait limité. La situation psychologique et matérielle des travailleurs augmente le risque d’accident. Des employés auraient aussi été kidnappés.

Rappelons qu’une perte de l’alimentation électrique de la centrale nucléaire pourrait entraîner un scénario à la Fukushima. Les diesels de secours auraient une réserve de fioul de 7 jours, selon WENRA (source). Par ailleurs, la présence d’explosifs sur le site conduit à d’autres scénarios “inimaginables”. Et, dans tous les cas, la catastrophe sera impossible à gérer, aussi bien à la centrale qu’à l’extérieur.

La centrale nucléaire de Zaporizhzhya aurait à nouveau été bombardée le 13 août 2022 selon l’Ukrainska Pravda. De nombreuses personnes quitteraient Enerhodar, la ville voisine occupée, de crainte d’un accident nucléaire comme on peut le voir sur cette vidéo :

Les 25 et 26 août 2022, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a été complètement coupée du réseau électrique pour la première fois de son histoire. Selon l’autorité de régulation, la connexion a été perdue à au moins deux reprises, le jeudi 25 août. Sans pouvoir évacuer l’électricité produite, il a fallu arrêter les réacteurs 5 et 6, les seuls encore en activité. Et comme de l’électricité est nécessaire au refroidissement des combustibles, les diesels de secours ont été mis en service. Sur le papier, selon les stress tests post-Fukushima, la centrale peut tenir 7 jours ainsi, mais il vaut mieux ne pas avoir à tester les limites en situation réelle…

Toujours selon l’autorité de régulation, les lignes électriques ont pu être rétablies le 26 août et les deux réacteurs nucléaires remis en service. A noter, que des canalisations d’eau ont aussi été endommagées. La situation sur place s’est approchée de celle de Fukushima où il y a eu perte de l’alimentation en eau et en électricité. Et c’est un personnel épuisé, en état de stress lié à l’occupation par l’armée russe qui a dû gérer cette situation.

Selon Energoatom sur Telegram, le feu a pris dans une centrale à charbon située près de la centrale et a endommagé la dernière ligne électrique disponible, les autres ayant été coupées par l’occupant.

Le 1er septembre 2022, une mission de 16 inspecteurs de l’AIEA, menée par son directeur général, a pu se rendre sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Cinq inspecteurs restent sur place. Le reste de la délégation est reparti au bout de quelques heures.

Le directeur de l’AIEA a déclaré aux médias avoir pu “rassembler beaucoup d’informations” et avoir “vu ce qu’il avait besoin de voir”. On n’en saura pas plus pour le moment. Et d’ajouter que l’intégrité physique de cette centrale avait été violée à plusieurs reprises, ce qui était déjà connu de tous.

Le réacteur n°5 a dû être à nouveau arrêté durant la nuit, suite à des bombardements. Le 6 reste en activité, selon l’autorité de régulation.

Le 2 septembre 2022, l’AIEA a dit que deux inspecteurs resteraient sur place. Quant à l’exploitant, il a remis en service le réacteur n°5.

Le quotidien britannique The Telegraph et le journal russe d’opposition The Insider rapportent que des employés de la centrale de Zaporizhzhia ont été torturés. Certains sont détenus dans des conditions très difficiles par l’armée russe.

Et, le 3 septembre 2022, toutes les lignes vers le réseau électrique sont à nouveau coupées, suite à des bombardements. Seule une ligne de secours vers la centrale thermique est disponible. Le réacteur n°5 a de nouveau été arrêté et l’électricité produite par le réacteur n°6 est évacuée vers la centrale thermique avant fournie au réseau, selon AIEA.

La présence d’inspecteurs internationaux n’apporte rien à la sécurité du site.

Le 5 septembre 2022, le dernière ligne électrique de secours a été coupée par des bombardements, selon l’exploitant, et la centrale est à nouveau complètement coupée du réseau, malgré la présence de l’AIEA. La puissance du réacteur n°6 a été fortement réduite pour ne fournir que l’électricité nécessaire à la centrale, selon l’AIEA. Selon l’IRSN, la fiabilité de cette disposition, qui n’est pas une disposition d’exploitation courante, est limitée. Ce n’est de plus pas une solution pérenne.

Par ailleurs, quatre des six représentants de l’AIEA ont achevé leur travail à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, selon l’exploitant, et ont quitté le site de la centrale. Il est prévu que les deux autres experts continuent à travailler à la centrale de manière permanente (voir aussi, en anglais).

Enfin, selon Le Monde, Enerhodar, la ville qui héberge les travailleurs de la centrale de Zaporizhzhia, se vide de ses habitants.

Le 7 septembre, l’AIEA a mis en ligne son premier rapport de mission à la centrale nucléaire de Zaporizhzhya. Pas grand chose de neuf. Après avoir rappelé que les 7 piliers de la sureté ont été violé, le rapport mentionne des dommages liés aux bombardements, avec deux photos. En toute logique, l’AIEA appelle à l’arrêt des combats, mais cela devrait être sans effet. L’organisation de l’ONU confirme aussi la présence de troupes russes, de matériel militaire, sans plus de précision, et d’ingénieurs de Rosatom, la compagnie russe. Et de demander le retrait des véhicules militaires. Le personnel ukrainien de la centrale, en nombre insuffisant, n’a pas librement accès à toutes les zones. A ces problèmes s’ajoute le stress permanent qui pause aussi des problèmes de sûreté. Et l’AIEA demande l’établissement d’un environnement de travail plus serein… et l’accès à toutes les zones. Idem pour les lignes électriques coupées, elles doivent être rétablies, ainsi que la fourniture de matériels nécessaires à l’exploitation de la centrale. Il faudrait aussi refaire des exercices de crise… Bref, il est difficile de voir ce qu’a apporté cette mission.

Le 9 septembre 2022, le DG de l’AIEA alerte que la ville d’Enerhodar, où loge le personnel de la centrale nucléaire de Zaporizhzhya, n’a plus de courant suite à des bombardements nocturnes. Cela signifie plus d’eau potable non plus. La situation y est devenue intenable et la fatigue du personnel rend la centrale nucléaire plus vulnérable. De nombreux opérateurs pourraient quitter la ville. Et comme les bombardements continuent, il est peu probable que la centrale puisse être reconnectée au réseau électrique et l’exploitant n’a plus aucun intérêt à garder un réacteur en fonctionnement, même réduit. Si ce réacteur est arrêté, la centrale ne sera plus refroidie qu’avec les diesels de secours. Et s’ils manquent de carburant ou s’ils tombent tous en panne, il n’y a plus de solution d’ultime secours. La situation de la centrale nucléaire est donc de plus en plus précaire.

Le 11 septembre 2022 à 3h41, le réacteur n°6 a été mis à l’arrêt, selon l’exploitant (voir aussi le communiqué de l’Autorité de régulation). Cela faisait trois jours qu’il était en situation d'”îlotage” avec une puissance réduite (114 à 140 MW) pour alimenter les seuls besoins de la centrale. Mais, comme une ligne électrique (celle de secours à 330 kV) a pu être rétablie la veille, afin d’assurer les besoins électrique, il n’était plus nécessaire de maintenir le réacteur n°6 dans cet état. L’électricité et l’eau courantes ont été rétablies à Enerhodar, mais la situation reste précaire et en cas de nouvelle coupure de la ligne, il faudra activer les générateurs diesels de secours. L’exploitant dit faire son possible pour accroître ses réserves de carburant, qui permettraient de tenir 10 jours, selon l’autorité de régulation nucléaire.

Et le 13 septembre 2022, selon l’AIEA, 3 lignes électriques ont été rétablies, ce qui est rassurant. Une fournit la centrale en courant et les deux autres sont là en secours. Il n’est pas question de remettre des réacteurs en service pour le moment. Le 17 septembre 2022, c’est au tour de la ligne haute tension de 750 kV d’être rétablie, selon l’AIEA. Les trois lignes  rétablies précédemment redeviennent des lignes de secours, ce qui renforce la sécurité de l’alimentation électrique du site et le maintien à froid des combustibles nucléaires. Il y a toujours trois lignes à haute tension de 750 kV de coupées. Par ailleurs, l’exploitant a augmenté ses réserves en diesel pour les générateurs de secours.

Le 19 septembre 2022, dans un communiqué, Energoatom accuse la Russie d’avoir bombardé une zone industrielle située à proximité de la centrale nucléaire du Sud (google map), à 00h20 locales. Une puissante explosion se serait produite à seulement 300 mètres des 3 réacteurs en fonctionnement. Elle n’a pas fait de morts ou de blessés, mais aurait soufflé une centaine de fenêtres dans le bâtiment de la centrale et provoqué une brève coupure de trois lignes de haute tension à la centrale. Une des unités hydroélectriques du barrage voisin a été arrêtée.

La compagnie a diffusé des images de l’explosion et des dégâts sur sa chaîne Telegram :

Le 21 septembre 2022 à 1h13, heure locale, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia a de nouveau été bombardée, selon l’exploitant. Deux transformateurs ont été endommagés, entraînant la coupure de l’alimentation électrique du réacteur n°6. Deux générateurs diesel de secours ont été immédiatement mis en service pour assurer le refroidissement des combustibles usés. Vers 2h, le réacteur n°6 a pu être raccordé aux autres tranches de la centrale et les diesels de secours ont pu être arrêtés. L’exploitant impute le bombardement à la Russie et rappelle qu’il y a deux inspecteurs de l’AIEA sur place.

Et l’AIEA d’ajouter qu’un autre bombardement, le 20 septembre 2022, de l’un des bassins de refroidissement par aspersion du site. Un tuyau a été endommagé, mettant le bassin hors service en attendant les réparations. Espérons qu’il y a des systèmes d’adduction d’eau de secours, car à Fukushima, il y a eu coupure d’électricité et d’eau. De plus, des tirs d’obus ont également été signalés sur le site industriel autour de la centrale thermique, situé à quelques kilomètres.

Les 27 et 28 septembre 2022, l’AIEA fait part d’explosions sur le site de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Celles du 27 septembre auraient brisé des vitres dans un des bâtiments turbine. Et, le 28 septembre, l’AIEA fait part d’autres explosions qu’elle attribue, comme celles de la veille, à des passages d’animaux sur des mines. Et, le 30 septembre, l’AIEA signale dans un tweet qu’il y aurait eu 6 explosions de mines en une semaine.

Le 1er octobre 2022, le directeur de la centrale de Zaporizhzhia, Ihor Murashov, a été arrêté la veille vers 16h par les troupes d’occupation russes alors qu’il se rendait à Energodar, selon l’exploitant. L’AIEA a réagi immédiatement, selon un communiqué, et a demandé des explications à la Russie. Les explosions de mines sur le site de la centrale continuent. Et, le 3 octobre, il a été libéré et a pu rentrer chez lui, toujours selon l’exploitant qui souligne l’impact de la pression internationale et de l’AIEA.

Le 5 octobre 2022, un décret signé par le président Poutine prend possession de la centrale de Zaporizhzhia et en confie l’exploitation à une filiale de Rosatom enregistrée à Moscou, ce qui a provoqué l’ire de l’exploitant nucléaire ukrainien, Energoatom, dans un message Telegram :

L’autorité de régulation nucléaire, de son côté, a rappelé, dans un communiqué, que le décret du Président Poutine était sans valeur car elle était la seule habilité à délivrer des licences d’exploitation. Quant à l’AIEA, elle ne prend pas position dans son communiqué et dit vouloir engager des consultations… Son communiqué du 6 octobre est tout aussi ambigu : les derniers développements entraîneraient de la confusion sur qui à la charge de l’installation ! La réaction française, quant à elle, ne souffre d’aucune ambiguïté dans son affirmation de la pleine et entière souveraineté ainsi que la propriété de l’Ukraine sur la centrale nucléaire.


Iode

L’ACRO réclame depuis des années une extension de la distribution de comprimés d’iode au-delà des 20 km autour des centrales nucléaires françaises. Rappelons qu’en Suisse, cette distribution a été étendue à 50 km et en Belgique à 100 km. Mais, comme nous l’avons déjà souligné, en France métropolitaine, moins de 5% de la population bénéficiera de comprimés d’iode à la maison pour protéger sa thyroïde en cas d’accident nucléaire.

Quelle surprise donc de découvrir qu’en plein mois d’août 2022, des comprimés d’iode sont distribués à toute la population des Vosges, selon l’Est-Républicain, département où il n’y a pas d’installation nucléaire. Est-ce lié au risque d’accident à la centrale nucléaire de Zaporizhzhya en Ukraine ? Si oui, pourquoi seulement les Vosges ?

En fait, il ne s’agit pas d’une distribution à la population, mais seulement la reconstitution des stocks et une vérification que les infrastructures de distribution sont bien opérationnelles en cas de besoin. Certains maires auraient mal interprété le courrier de la préfecture et informé les habitants, par erreur. Voir un exemple de missive sur le site Internet du Républicain Lorrain. Par ailleurs, il n’y a aucune information relative à l’iode sur le site de la préfecture des Vosges et c’est bien dommage…


L’industrie nucléaire française n’a toujours pas rompu ses contrats avec l’industrie nucléaire russe, afin de maintenir l’illusion du recyclage de l’uranium de retraitement.

Le 7 avril 2022, le parlement européen a adopté une résolution réclamant l’imposition d’un embargo « total et immédiat » sur les importations « de pétrole, de charbon, de combustible nucléaire et de gaz » russes. Lire le communiqué. Mais, la résolution est non contraignante…

Et le 13 août 2022, le président Zelenskyy a appelé à des sanctions contre l’industrie nucléaire russe (source). EDF et Orano vont-ils enfin rompre leurs contrats avec Rosatom ?

Selon Greenpeace, le 24 août 2022, au port de Dunkerque, 52 fûts contenant de l’uranium enrichi en Russie ont été déchargés du cargo Mikhail Dudin en provenance de Saint-Pétersbourg. Ils ont ensuite été chargés dans des camions qui ont pris la direction de la vallée du Rhône, où se trouvent les sites nucléaires de Pierrelatte et de Romans-sur-Isère.

Projet de dépotoir radioactif à Chalk River au Canada : mise à jour de l’expertise du projet par l’ACRO

En 2018, l’ACRO avait été sollicitée par ICI Radio-Canada Télé et par la Communauté métropolitaine de Montreal pour apporter son expertise sur le projet de dépotoir radioactif à Chalk River au Canada. Situé à 200 kilomètres en amont de la région Ottawa-Gatineau, le complexe nucléaire de Chalk River sert, depuis les années 1950, de laboratoire pour le développement de l’industrie nucléaire canadienne. Un lieu “d’élimination” de déchets radioactifs est projeté sur le site d’un milieu humide à proximité de la rivière des Outaouais présentant ainsi des risques de contamination en cas de fuite. Cette rivière est une importante source d’eau potable pour une grande partie des habitants du Grand Montréal.

Le processus de consultation des parties prenantes se poursuit et les Laboratoires nucléaires canadiens (le promoteur) ont revu leur copie : ils n’envisagent plus que d’y stocker des déchets de faible activité, excluant ainsi les déchets de moyenne activité initialement inclus.

Dans ce contexte, la Communauté métropolitaine de Montréal a de nouveau sollicité l’ACRO afin de prendre en compte les évolutions du projet. Nous avons mis à jour notre rapport d’expertise qui a été soumis par la Communauté à la Commission Canadienne de Sûreté Nucléaire. Une audience publique aura lieu du 30 mai au 3 juin 2022.

Lire l’avis de la Communauté métropolitaine de Montréal accompagné du rapport d’expertise de l’ACRO mis à jour.

Liens externes :

Une animation du dépotoir nucléaire proposé à Chalk River.

 

Tritium dans la Loire : résultats de l’étude de l’IRSN à Saumur, en aval de Chinon

L’IRSN a publié le rapport de son étude de la dispersion du tritium dans la Loire en aval de la centrale nucléaire de Chinon (lien direct). Voici les commentaires de l’ACRO publiés en annexe du rapport.


La surveillance citoyenne des rejets radioactifs des installations nucléaires mise en place par l’ACRO – avec des associations partenaires dans le cas du bassin de la Loire – a pour but de répondre à des questions ignorées par la surveillance officielle. C’est pourquoi les prélèvements se font souvent dans des lieux jamais investigués par ailleurs et dans des conditions différentes, tout en respectant la rigueur scientifique et les normes, du prélèvement à la mesure.

La concentration en tritium de 310 Bq/L mesurée par l’ACRO dans un échantillon prélevé le 21 janvier 2019 dans la Loire depuis le milieu du pont Cessart à Saumur est particulièrement élevée par rapport à ce qui est mesuré par ailleurs. Un tel résultat demandait des investigations et l’ACRO est très satisfaite de l’ampleur de la réponse officielle. C’est particulièrement le cas de la présente étude qui a coûté l’équivalent de trois années de budget de l’association.

La principale conclusion de l’étude est de confirmer qu’il n’y a pas de bon mélange des rejets en tritium sur plus de 20 km en aval de la centrale nucléaire de Chinon, comme l’ACRO l’avait déjà montré dans sa note publiée le 6 octobre 2020. L’hypothèse de bon mélange était pourtant bien ancrée dans les esprits et est sous-jacente aux autorisations de rejet. Dans sa note datée du 17 octobre 2019, l’IRSN avait, sur cette base, mis en cause notre « méthodologie du prélèvement » qui n’aurait pas été effectué dans la « zone de bon mélange ».

La présente étude clôt le débat et personne ne sait situer la zone de bon mélange sur laquelle repose la réglementation liée aux rejets.

La principale conséquence est que, la plupart du temps, la station multi-paramètres d’EDF, qui sert aussi à l’IRSN, ne détecte pas les rejets radioactifs de la centrale de Chinon qu’elle est supposée surveiller ! Et, comme le souligne l’IRSN, elle ne peut donc pas détecter d’éventuels rejets non maîtrisés. Une telle situation est d’autant plus inquiétante que le tritium se retrouve dans l’eau de distribution en aval des installations nucléaires le long de la Loire et la Vienne.

Enfin, la principale valeur ajoutée de cette étude est la modélisation de la dispersion des rejets radioactifs dans le fleuve. Dès les premiers échanges sur ce projet d’étude, en février 2020, l’ACRO avait suggéré de ne pas se limiter au pont Cessart et d’utiliser aussi d’autres ponts en amont pour étudier les transects. L’association soulignait aussi l’intérêt d’effectuer également des prélèvements à différentes profondeurs, afin de mieux appréhender la dispersion verticale et de faire des simulations numériques préalables afin de mieux déterminer les points de prélèvement pertinents pour contraindre les modèles.

Les résultats présentés dans cette étude sont indispensables pour comprendre le comportement des rejets, mais la modélisation ne peut, en aucun cas, remplacer un système de surveillance performant.

Enfin, l’ACRO a apprécié la mise en place et le fonctionnement du comité de suivi de l’étude. Elle espère que les parties prenantes seront associées à la suite des investigations et mesures correctives, car les questions ouvertes restent nombreuses. Il est important que le contrôle des rejets par l’exploitant et l’IRSN soit effectif. Il y a aussi un besoin de beaucoup plus de transparence sur les rejets. Enfin, des actions sont nécessaires pour réduire l’impact sur l’eau de distribution.

Sans la surveillance mise en place par les associations locales et l’ACRO, toutes ces questions n’auraient pas été soulevées. Ces organisations vont donc poursuivre leur surveillance citoyenne des rejets des installations nucléaires dans le bassin de la Loire.


Publications ACRO sur le tritium dans le bassin de la Loire :

  • Contamination anormalement élevée à Saumur en janvier 2019 : du tritium à 310 Bq/L dans la Loire, 18 juin 2019
  • Du tritium dans l’eau potable ! Plus de 6 millions de français sont concernés.
    Quelle eau potable en cas d’accident nucléaire grave ?, 17 juillet 2019
  • Surveillance citoyenne de la radioactivité dans l’environnement autour des installations nucléaires de la Loire et de la Vienne, 6 octobre 2020
  • Tritium dans la Loire : la surveillance officielle défaillante, 1er juillet 2021

Consultation ASN relative aux rejets des usines de La Hague : l’ACRO demande une réduction significative

Consultation ASN relative aux projets de décisions modifiant certaines modalités de prélèvement et consommation d’eau, de rejet et de surveillance de l’environnement, et certaines limites de rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux de l’établissement de La Hague

Avis de l’ACRO

L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a mis à la consultation du public, pour une période de 2 semaines seulement, ses projets de décisions modifiant certaines modalités de prélèvement et consommation d’eau, de rejet et de surveillance de l’environnement, et certaines limites de rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux de l’établissement de La Hague.

Il ne nous est matériellement pas possible d’évaluer dans le détail les textes soumis à la consultation du public en un temps aussi court. L’avis de l’ACRO, qui suit, n’inclut donc que des remarques générales. L’association salue l’extension de certains contrôles demandés par l’ASN.

Rappelons que ces usines ont les plus forts rejets radioactifs en mer au monde et que l’ACRO, dans le cadre de sa surveillance citoyenne, les détecte jusqu’au Danemark. Rappelons aussi que la France s’est engagée, dans le cadre de la convention OSPAR pour la protection de l’Atlantique du Nord-Est, à réduire ses rejets en mer de façon à ramener, pour les substances radioactives, les niveaux dans l’environnement à des niveaux proches du bruit de fond pour les substances naturelles et proches de zéro pour celles d’origine artificielle à l’horizon 2020. Cet engagement pris en 1998, à Sintra au Portugal, par les États membres de la convention OSPAR a été confirmé lors des réunions suivantes de 2003 à Brême et de 2010 à Bergen. Comme aucune politique de réduction de ces rejets n’a été mise en place, l’échéance de 2020 a été discrètement repoussée à 2050 le 1er octobre 2021. Par ailleurs, l’engagement de 2021 inclut aussi une réduction des rejets chimiques de façon à obtenir des teneurs proches de zéro en 2050.

  • La formulation actuelle du paragraphe [Areva-LH-83] (« Dans le but d’atteindre à terme des concentrations de substances radioactives en mer proches de zéro pour les radioéléments artificiels et proches des teneurs ambiantes pour les radioéléments naturels ») ne donne aucune contrainte temporelle. L’ACRO demande donc que les décisions de l’ASN incluent un échéancier précis de réduction des rejets radioactifs et chimiques en mer des installations situées à La Hague.

La version actuelle (Décision n° 2015-DC-0535 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 22 décembre 2015) exige que « l’exploitant adresse à l’Autorité de sûreté nucléaire, au plus tard le 31 décembre 2017, et ensuite tous les quatre ans :

  • une étude technico-économique visant à réduire ses rejets tant chimiques que radiologiques. Cette étude sera notamment basée sur une comparaison des techniques utilisées avec les meilleures technologies disponibles à un coût raisonnable et sera accompagnée d’un bilan des modifications et de leurs conséquences sur les rejets,
  • un document présentant les conséquences sur l’environnement des modifications techniques envisageables. Ce document est soumis à l’appréciation du Groupe Radioécologie Nord Cotentin (GRNC) ou d’un groupe d’expertise pluraliste qui aurait repris ses missions. L’avis est rendu public et est présenté à la Commission Locale d’Information (CLI). »

Dans ce nouveau projet, l’ASN reporte à 2023 l’échéance et étend à 6 ans l’écart entre deux rapports.

Où sont les rapports de 2017 et 2021 ? L’ACRO qui a été un membre très actif du GRNC n’a pas été consultée.

  • L’ACRO demande que les études technico-économiques de 2017 et 2021 soient rendues publiques et fassent l’objet d’un débat après une expertise pluraliste. Pourquoi attendre 2023 ?

Il n’est fait aucun retour d’expérience de Fukushima, où une station de traitement des eaux contaminées, qui filtre 62 radioéléments, a été mise en place en quelques années, alors que Cogéma-Areva-Orano n’a fait aucun effort significatif pour réduire ses rejets en mer en une vingtaine d’années et ne met pas en œuvre les meilleures technologies disponibles.

Dans la contribution française de 2019 à la convention OSPAR, il est précisé que radioéléments rejetés en mer qui ont le plus fort impact sont l’iode-129 et le carbone-14 : la dose du groupe de référence, à savoir les pêcheurs locaux, serait réduite de 30% si ces deux radioéléments étaient filtrés. L’ASN n’impose aucune réduction des autorisations de rejets de ces deux radioéléments. Le cobalt-60, quant à lui, représente 4% de la dose du même groupe de référence. L’ASN prévoit de réduire d’un facteur 1,8 l’autorisation de rejet en cobalt-60.

Mis à part le cobalt 60, les réductions de rejets radioactifs dans le projet de décision ASN ne concernent que les radioéléments secondaires.

Il est important de souligner que le cobalt-60 et l’iode-129 font partie des radioéléments filtrés par la station ALPS à Fukushima.

Autre exemple qui montre la différence avec Fukushima : à La Hague, « l’activité volumique moyenne quotidienne ajoutée calculée des effluents rejetés en mer, après dilution à un kilomètre du point de rejet, doit être inférieure à 4 000 Bq/L pour le tritium et 200 Bq/L pour les radioéléments autres que le tritium. » A Fukushima, bien que l’autorisation de rejet permette une concentration en tritium à l’émissaire pouvant aller jusqu’à 60 000 Bq/l, TEPCo va diluer les effluents avant rejet afin d’obtenir une concentration en tritium rejeté inférieure à 1 500 Bq/L.

  • L’ACRO demande qu’une véritable politique de réduction des rejets radioactifs soit mise en place en profitant du retour d’expérience de Fukushima.

Comme l’Autorité environnementale l’a souligné récemment (Avis 2021-18), les rejets en nitrates et nitrites de l’usine de retraitement représentent « le rejet, en équivalent azote du lisier de 100 000 porcs directement dans la mer, non épuré, non épandu ». Le projet de décision réduit de 100 000 à 70 000 kg par an les rejets en ion nitrite, mais ne modifie pas l’autorisation de rejet de l’ion nitrate qui reste à 2 900 000 kg par an !

  • L’ACRO demande que les rejets en nitrates soient réduits significativement étant donné leur impact sur les écosystèmes.

Rappelons enfin que l’ACRO avait mis en évidence, en 2016, une pollution radioactive conséquente au Ru des Landes et Areva, devenue Orano, s’était engagé à « reprendre et conditionner les terres marquées en américium 241 dans la zone située au nord-ouest du site. » A ce jour, aucun travail n’a été entrepris.

  • L’ACRO demande donc à l’ASN de prescrire une surveillance renforcée de la zone contaminée qui est accessible à tous.